Chapitre 1. Repenser les systèmes de compétences

Le présent chapitre expose les messages clés de la Stratégie 2019 de l’OCDE sur les compétences et propose un résumé succinct du chapitre consacré aux conséquences des grandes évolutions qui se dessinent sur les compétences, ainsi que des chapitres décrivant les divers éléments de la Stratégie sur les compétences : 1) acquérir des compétences utiles tout au long de la vie, 2) utiliser efficacement les compétences dans le cadre professionnel et social, et 3) renforcer la gouvernance des systèmes de compétences.

    

Vue d’ensemble

Face à un monde en pleine mutation, il faut savoir s’adapter pour se saisir des nombreuses possibilités et relever les multiples défis qui se posent. Pour encourager la capacité d’adaptation, il est important de s’assurer que les individus acquièrent la bonne combinaison de compétences, qu’ils mettent ces compétences en pratique dans leur vie professionnelle et quotidienne et qu’ils les actualisent en continu et tout au long de leur vie. Les mégatendances telles que la mondialisation, la transformation numérique et les changements démographiques ont des répercussions majeures sur la manière dont les individus travaillent, tissent des liens sociaux, s’informent, consomment et occupent leur temps libre. Ces évolutions exercent en retour une influence croissante sur les compétences dont les individus ont besoin pour gérer cette complexité, faire face à l’incertitude et s’adapter à cet environnement en constante évolution. Ces défis sont une réalité et ne doivent pas être sous-estimés ; il existe toutefois plusieurs moyens d’en influencer l’issue. Les individus qui possèdent les bonnes compétences tant sur le plan professionnel que privé pourront convertir ces défis en possibilités et participer activement à la construction de l’avenir. Ceux qui sont mal préparés risquent en revanche de rester à la traîne et de se sentir menacés. Les politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics seront à ce titre décisives et feront la différence entre les pays qui s’en sortent bien et ceux qui sont à la peine.

Depuis 2012, l’OCDE s’est lancée dans une entreprise ambitieuse visant à envisager les systèmes de compétences dans le cadre d’une approche mobilisant l’ensemble des pouvoirs publics et à recenser les bonnes pratiques qui produisent de meilleurs résultats, plus particulièrement dans un monde où les besoins en matière de compétences évoluent sans cesse. De cette initiative est née la Stratégie de l’OCDE sur les compétences, désormais déclinée au niveau national. En proposant une approche intersectorielle et en reconnaissant le rôle d’autres acteurs clés, elle entendait dépasser les limites liées au cloisonnement des activités et ainsi permettre une meilleure harmonisation et coordination des politiques afin de leur assurer un impact positif et substantiel. Elle a également associé les parties prenantes à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, en mettant à profit leur expertise, en développant chez elles un sentiment d’appropriation et en les rendant responsables et comptables de leurs actions. Les travaux menés dans 11 pays ont apporté de nouveaux éclairages et mis au jour certains obstacles majeurs qui doivent être surmontés pour une mise en œuvre réussie des politiques en faveur des compétences.

D’autres travaux réalisés par différents services de l’OCDE ont également permis d’enrichir cet ensemble des connaissances en identifiant : les bonnes pratiques internationales capables de générer des systèmes éducatifs équitables et de qualité ; les moyens de mieux faire correspondre l’offre et la demande de compétences et donc de limiter les déséquilibres en la matière ; l’influence des compétences sur l’employabilité et les revenus ainsi que sur d’autres aspects sociaux ; le lien entre les compétences et la productivité ainsi que la croissance économique durable et inclusive.

À ce stade, le moment est venu d’actualiser la Stratégie de l’OCDE sur les compétences. Les principaux apports de cette mise à jour sont les suivants :

  • Une stratégie révisée pour répondre aux mégatendances qui ont et auront une incidence significative sur les compétences nécessaires à la réussite professionnelle et à une vie épanouie. Les politiques sur les compétences doivent opérer un changement de paradigme afin que les individus puissent acquérir des compétences d’un niveau plus élevé et un nouvel assortiment de compétences horizontales. En outre, les systèmes éducatifs traditionnels concentrés sur la première partie de la vie doivent évoluer vers des modèles d’apprentissage tout au long de la vie afin que les adultes puissent se reconvertir et perfectionner leurs compétences et ainsi s’adapter à un environnement en constante mutation. Une refonte des systèmes de compétences est ici nécessaire.

  • Un accent plus marqué sur une approche associant l’ensemble des pouvoirs publics et de la société et s’appuyant sur les enseignements tirés de la collaboration menée au niveau national avec de nombreux pays qui nous a permis de conclure que l’approche « cloisonnée » était le principal facteur limitant l’impact des politiques en faveur des compétences. La complexité des systèmes de compétences appelle à une harmonisation des politiques des différents secteurs (éducation, travail, industrie, économie, fiscalité, etc.) et à l’identification des compromis nécessaires afin d’obtenir les résultats attendus. Une approche fragmentée a peu de chance d’être efficace.

  • L’ajout d’un nouvel élément à la Stratégie : le renforcement de la gouvernance des systèmes de compétences. La mise en place de systèmes d’apprentissage tout au long de la vie suppose la participation de nombreux participants représentant différents ministères, niveaux de gouvernement (central, régional, local) et acteurs (employeurs, syndicats et prestataires privés). La gouvernance renvoie au partage et à la coordination des responsabilités entre tous les acteurs concernés, à la manière dont ils contribuent à un financement efficace et à la création de systèmes d’information permettant d’identifier le rôle dévolu à chaque acteur, les ressources disponibles, les politiques à adopter et la portée de ces dernières.

Mégatendances : leurs incidences sur les compétences

Transformation numérique

La transformation numérique entraîne l’automatisation des emplois et des tâches nécessitant un faible niveau de compétences courantes. L’essentiel du débat porte sur le nombre et la nature des emplois appelés à disparaître et sur la question de savoir si ces pertes seront compensées par la création de nouveaux types d’emplois. Si, d’après les premières estimations, près de la moitié des emplois existants sont amenés à disparaître, les analyses de l’OCDE font quant à elles ressortir que 14 % des emplois environ risquent fort d’être entièrement automatisables. On a en revanche moins insisté sur le fait que même si les emplois demeurent, les tâches effectuées pourraient pour beaucoup être automatisées, ce qui entraînera une profonde transformation de la nature de ces emplois. De récentes études sur la question ont conclu qu’outre les emplois risquant de disparaître à cause de l’automatisation, environ 34 % des emplois actuels seront profondément modifiés, car de nombreuses tâches actuellement réalisées par des travailleurs pourraient être automatisées. Ces emplois s’orienteront dès lors vers des tâches non routinières et plus spécialisées, obligeant les travailleurs à améliorer leurs compétences pour éviter de perdre leur emploi et être capables d’effectuer les tâches les plus exigeantes. La transformation numérique entraînera également l’apparition de nouveaux types d’emplois et de nouvelles formes de travail qui nécessiteront vraisemblablement des compétences d’un niveau plus élevé. Il semble donc peu probable que les travailleurs des secteurs en déclin ou ceux qui seront licenciés trouvent dans ces nouveaux créneaux une solution de repli.

Mondialisation

La mondialisation a fait apparaître des chaînes de valeur mondiales dans lesquelles les diverses phases du processus de production peuvent être exécutées dans différents pays. La tendance générale dans les pays membres de l’OCDE est à la délocalisation des tâches répétitives nécessitant peu de compétences et ce phénomène entraîne la perte d’emplois dans les économies développées au profit des pays émergents et en développement. Ce phénomène a donné lieu à une plus grande convergence des économies mondiales et à une diminution des taux de pauvreté dans les pays à revenu faible et intermédiaire. S’il convient d’y voir un résultat globalement positif, il importe en revanche de relever les défis que cela pose pour les économies de l’OCDE qui voient de nombreux emplois disparaître.

Évolution démographique

Dans la plupart des pays membres de l’OCDE, les évolutions démographiques sont liées au vieillissement de la population. Alors que dans la majorité des pays, le taux d’emploi - à savoir la part de la population en âge de travailler occupant un emploi - est en augmentation, le taux de dépendance - rapport entre la population âgée (de plus de 65 ans) et la population en âge de travailler (entre 16 et 64 ans) - augmente lui aussi. Du fait de l’allongement de la durée de vie et de l’amélioration de la santé, y compris à un âge avancé, les travailleurs âgés peuvent rester plus longtemps sur le marché du travail à condition qu’ils bénéficient des mesures d’encouragement et du soutien nécessaires. À ce titre, nul doute que des possibilités de reconversion et de renforcement des compétences doivent leur être offertes. Les besoins croissants des personnes âgées entraînent également l’expansion de secteurs liés aux soins de santé et à la prise en charge sociale, qui sont difficiles à automatiser compte tenu des compétences sociales et interpersonnelles qu’ils requièrent.

Migrations

Les flux migratoires, indépendamment même de la récente crise humanitaire des réfugiés, sont en augmentation et pourraient encore augmenter à l’avenir compte tenu des profonds déséquilibres démographiques et économiques observés entre les pays et régions du monde. L’accroissement de la mobilité a permis d’attirer les talents là où ils sont le plus nécessaires et les migrations pourraient procurer des avantages supplémentaires, les migrants ayant souvent l’esprit d’entreprise et d’innovation et apportant de nouvelles idées et de nouveaux modèles commerciaux. Cela suppose en revanche la mise en place de politiques migratoires proactives qui attirent les migrants, notamment dans les secteurs en pénurie. Il est en outre essentiel de favoriser un processus rapide d’intégration des migrants et des réfugiés, lequel suppose notamment l’accès à des cours de langue, la reconnaissance des qualifications et des compétences ainsi qu’une intégration rapide des enfants dans le système scolaire et des adultes sur le marché du travail.

Acquérir des compétences utiles tout au long de la vie : pour des systèmes de compétences plus réactifs

Les besoins en compétences évoluent sous l’effet de ces mégatendances et se caractérisent principalement par une demande accrue de compétences particulières et de compétences variées et la nécessité d’évoluer d’un système éducatif concentré sur la première partie de la vie, qui s’arrête à un âge précoce à la fin des études secondaires ou supérieures, vers un apprentissage tout au long de la vie.

Ce sont là des défis de taille : en effet, pour permettre aux individus d’acquérir des niveaux plus élevés de compétences, il est nécessaire d’améliorer la qualité des systèmes éducatifs tout en préservant leur équité. Les nouveaux ensembles de compétences nécessaires pour réussir au travail et dans les sociétés modernes sont des compétences transversales telles que la résolution de problèmes complexes, l’esprit critique, le travail en équipe, la résilience et l’adaptabilité, pour lesquelles des enseignants hautement qualifiés sont nécessaires. Enfin, la restructuration des systèmes traditionnels d’éducation en modèles d’apprentissage tout au long de la vie suppose de coordonner la planification de toutes les étapes, en commençant par la petite enfance et en englobant la scolarité, la formation professionnelle, les études universitaires et la formation des adultes.

Faire de chaque étape de l’apprentissage un tremplin pour franchir la suivante

La formation tout au long de la vie au sens large couvre toutes les étapes de l’acquisition de connaissances, depuis l’éducation et l’accueil des jeunes enfants jusqu’à la formation des adultes. Commencer à apprendre à un stade précoce peut avoir des retombées durables sur la capacité d’apprentissage. Des éléments sans cesse plus nombreux confirment que les enfants sont capables d’acquérir des compétences à la fois cognitives et non cognitives dès leur plus jeune âge, avant même le début de la scolarité obligatoire. Ces développements sont, qui plus est, essentiels à l’amélioration ultérieure de leurs capacités d’apprentissage, dans le cadre des études et sur le marché du travail. Les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) montrent que les enfants préscolarisés (entre 0 et 6 ans) pendant au moins deux ans obtiennent de meilleurs résultats à 15 ans. L’amélioration des résultats scolaires est particulièrement nette pour les élèves défavorisés : les services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants semblent en effet fonctionner comme un dispositif efficace venant compenser des situations de départ difficiles. Il est donc essentiel d’éliminer les obstacles financiers et autres qui se posent à la préscolarisation des jeunes enfants et de veiller à la qualité de ces services.

L’accès universel à la scolarité obligatoire est crucial ; pourtant, l’abandon scolaire précoce est une source majeure d’inégalités dans certains pays, car les élèves concernés quittent le système scolaire avec un faible niveau de compétence, ont généralement beaucoup de difficultés à s’engager dans d’autres activités d’apprentissage ou de formation et connaissent parfois de longues périodes de chômage. Ces difficultés sont exacerbées dans un environnement où le niveau de compétence exigé est plus élevé. Il est dès lors essentiel de mettre en œuvre des mesures permettant de détecter les élèves exposés à un risque de décrochage scolaire, d’élaborer des mesures d’accompagnement et de proposer des parcours plus souples.

La qualité de la scolarité obligatoire doit être améliorée pour que les élèves atteignent des niveaux de compétences plus élevés et acquièrent de nouvelles aptitudes. Des données comparatives internationales issues du PISA font ressortir d’importantes différences entre les pays en termes de niveaux de performance des élèves vers la fin du premier cycle du secondaire, différences qui équivalent à plusieurs années de scolarité. Les pays qui ont su renforcer la qualité et l’équité de leur système éducatif - les deux dimensions qui définissent les systèmes éducatifs les plus performants - peuvent susciter des bonnes pratiques. Il est possible d’améliorer les résultats d’ensemble des élèves tout en minimisant l’influence toujours négative de certains facteurs tels que le milieu socio-économique de l’élève, les préjugés sexistes, le statut de migrant et les différences régionales. Malheureusement, rares sont les systèmes éducatifs qui permettent une amélioration systématique des résultats des élèves au fil des années, mais ceux qui existent montrent la voie à suivre. Ces systèmes donnent la priorité à la qualité des enseignants en sélectionnant les meilleurs candidats, en leur assurant une formation de haut niveau et en leur proposant des parcours professionnels offrant des perspectives d’évolution et de formation professionnelle. Les enseignants deviennent des apprenants à vie. Les systèmes éducatifs performants fixent également des normes élevées pour tous les élèves en modernisant leurs programmes et en tenant compte des évaluations qui recensent les compétences requises aux différents stades de la scolarité. La population des élèves étant plus diversifiée, l’enseignement doit être plus individualisé pour permettre aux élèves d’atteindre leurs objectifs en empruntant des voies différentes. Enfin, les élèves défavorisés bénéficient d’un soutien supplémentaire dès les premières années, puisque c’est là que les mesures compensatoires sont les plus efficaces.

La dimension hommes/femmes mérite une attention particulière. Indépendamment de la qualité du système éducatif, les garçons ont tendance à obtenir de meilleurs résultats en mathématiques et les filles en compréhension de l’écrit, et ce de manière constante. L’enquête PISA de 2015 montre cependant que les filles et les garçons font jeu égal en sciences. Pour autant, les filles se jugent peu performantes et se disent plus angoissées, réactions qui semblent liées aux faibles attentes qu’affichent les enseignants et les parents quant à leurs capacités de réussite. Il en est de même pour les mathématiques, même pour les filles qui atteignent des niveaux élevés de performance. Ces différences, qui se manifestent tôt, ont de lourdes conséquences puisque, même si davantage de femmes que d’hommes achèvent leurs études supérieures, peu de femmes choisissent de poursuivre des études supérieures en sciences, technologie, ingénierie ou mathématiques (STIM) (à l’exception de celles qui suivent des études en rapport avec la prise en charge d’autrui comme la médecine) ; les femmes sont donc sous-représentées dans ces secteurs économiques qui sont les plus susceptibles de se développer à l’heure de la transformation numérique. Ainsi, les femmes représentent seulement 20 % des diplômés de l’enseignement supérieur dans les domaines en rapport avec les technologies de l’information et de la communication (TIC). Aussi est-il essentiel de lutter contre les stéréotypes sexistes à l’école pour permettre aux femmes de réussir dans l’économie numérique.

Traditionnellement, les systèmes d’éducation et de formation professionnelles (EFP) s’adressaient aux élèves peu performants afin de les aider à acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans des secteurs caractérisés par des tâches manuelles peu qualifiées. Cette conception du rôle de l’EFP valait par le passé lorsque les économies dépendaient plus largement de ces secteurs et qu’une plus forte proportion de la population affichait des niveaux de compétences plus faibles, mais le monde a changé. La plupart des secteurs ont opéré (ou sont en train d’opérer) une transition vers un modèle économique différent, davantage en prise avec les besoins des économies modernes. Même les travailleurs spécialisés dans des domaines techniques doivent posséder des compétences plus diversifiées et d’un niveau plus élevé. Les systèmes modernes d’EFP attirent des élèves ayant des niveaux de performance très divers et les dotent des compétences nécessaires à des emplois moyennement ou hautement qualifiés, en suivant une approche pratique qui comporte un important volet de formation continue. Souples, ces systèmes permettent aux étudiants de passer de l’EFP à l’enseignement universitaire (proposant parfois plus de deux filières), d’atteindre un niveau de formation plus élevé (y compris universitaire) et mettent davantage l’accent sur l’apprentissage en milieu professionnel. Parce qu’ils entretiennent des liens étroits avec le marché de l’emploi, les systèmes d’EFP peuvent rester en phase avec les évolutions que connaissent les environnements de travail. Lorsqu’ils sont bien conçus, les systèmes d’EFP peuvent offrir des niveaux élevés d’employabilité et d’accès à des emplois de qualité, y compris dans des secteurs émergents tels que l’économie numérique.

Face à la nécessité de doter les personnes d’un niveau plus élevé de compétences, la réponse la plus fréquente a été d’élargir l’accès à l’université. Cela suppose une forte mobilisation de ressources et donne lieu à la création de nombreuses nouvelles universités et à une diversification des diplômes. L’Enquête de l’OCDE sur les compétences des adultes (PIAAC) fait ressortir que dans les pays dotés de systèmes éducatifs de qualité, l’enseignement supérieur est associé à des niveaux de compétence beaucoup plus élevés. Les retombées pour les personnes titulaires d’un diplôme universitaire restent dès lors élevées, en dépit du développement massif de l’éducation. En revanche, le rendement n’est pas toujours celui attendu dans les pays qui ont élargi l’accès à l’éducation sans assurer un niveau de qualité élevé puisqu’en l’occurrence, l’enseignement supérieur n’entraîne pas de nette augmentation du niveau de compétence. Il importe donc de garder à l’esprit qu’un accès plus large ne va pas toujours de pair avec une augmentation substantielle du niveau de compétence et que le nombre de diplômés du supérieur ne constitue pas un indicateur fiable du niveau de compétence de la population. En réalité, l’enquête PIAAC montre que certains diplômés de l’enseignement supérieur ont un faible niveau de compétence. Les données du PISA et du PIAAC sur l’ampleur des écarts en matière de qualité entre les systèmes éducatifs montrent que ni le niveau de formation ni le nombre d’années d’études ne sont représentatifs du niveau de compétence.

Dès lors, tant pour les individus que pour les employeurs, les diplômes ne sont plus une garantie fiable du niveau de compétence. En outre, le dynamisme du marché du travail appelle à faire des choix plus individualisés, plus flexibles et plus précis que les diplômes traditionnels. Cette situation a donné lieu au développement de nouveaux types de formation, notamment des micro-formations et différents types de formation en ligne (MOOC : cours en ligne ouverts à tous ; SOC : cours en ligne en petits groupes ; SPOC : cours en ligne privés en petits groupes), qui offrent plus de souplesse et permettent aux individus d’acquérir des compétences sur des périodes de temps plus courtes, à mesure qu’évoluent leurs besoins en matière de reconversion et de perfectionnement.

Des politiques à l’appui de la formation des adultes

L’environnement professionnel et social évoluant très rapidement, les adultes ressentent désormais le besoin de se perfectionner et de faire évoluer leurs compétences tout au long de leur vie. Un changement de paradigme s’opère et rend nécessaire le passage de systèmes éducatifs concentrés sur la partie initiale de la vie à des modèles efficaces d’apprentissage tout au long de la vie. Les premiers ont permis aux élèves d’acquérir des compétences générales et spécialisées de l’enfance jusqu’à leurs 20 ans, suffisantes pour trouver un emploi à vie ou du moins des emplois dans la même branche. L’enquête PIAAC montre qu’avec ce modèle, l’acquisition de compétences augmentait jusqu’à la fin de la phase d’éducation puis diminuait avec le temps du fait de l’obsolescence des acquis. Aujourd’hui, plusieurs scénarios sont possibles : un individu est susceptible d’occuper plusieurs emplois au cours de sa vie professionnelle et de passer d’un secteur à l’autre. Même durant la période où il occupe le même emploi, la nature de cet emploi évoluera rapidement. Il ressort de tout cela qu’il faut désormais faire évoluer ses compétences et se perfectionner pendant toute sa vie, mais les systèmes d’apprentissage tout au long de la vie ne peuvent être gérés par le seul pouvoir central. De nombreux acteurs devront participer à l’élaboration d’un nouveau modèle d’apprentissage tout au long de la vie, qu’il s’agisse des employeurs, des syndicats, des collectivités territoriales, des prestataires privés et des individus eux-mêmes, qui seront de plus en plus appelés à prendre des décisions au sujet de parcours d’apprentissage complexes.

Ce nouveau modèle, dans lequel les individus continuent à apprendre et à se former tout au long de leur vie par des moyens formels, non formels et informels, doit s’appuyer sur un certain nombre de mesures :

  • Des mécanismes d’évaluation et d’anticipation de haute qualité sont nécessaires pour faire en sorte que tous les acteurs concernés détiennent les informations nécessaires afin que les individus puissent acquérir les compétences les plus recherchées.

  • Des mécanismes sont nécessaires pour améliorer la coopération entre les individus, les employeurs et les services de l’emploi ainsi que les prestataires de formation, pour mieux harmoniser les intérêts, les aptitudes et les compétences des individus, d’une part, et les attentes du marché du travail, d’autre part.

  • Des mécanismes de financement efficaces sont nécessaires pour optimiser les contributions financières de tous ceux qui bénéficient des investissements dans les compétences des adultes. Les États ne peuvent pas, seuls, supporter le coût total de la mise en œuvre des systèmes de formation des adultes, les employeurs et les individus aussi doivent y contribuer, et le juste équilibre entre toutes ces contributions dépendra des besoins et des bénéfices obtenus. Il est essentiel de mettre en œuvre les bonnes mesures d’incitation pour les employeurs et les travailleurs, car il s’agit de fournir un financement ciblé pour les formations axées sur les compétences en déficit et celles à l’intention des groupes défavorisés.

  • Des systèmes de reconnaissance et de validation des compétences sont nécessaires pour inciter les individus à continuer à apprendre tout au long de leur vie. Il semble évident que de nouveaux modèles de diplômes reflétant véritablement les compétences doivent être mis en place, mais reste à savoir dans quelle mesure (ou quand) ils remplaceront les diplômes traditionnels. Pour les individus, cette reconnaissance peut être synonyme d’une plus grande employabilité, d’une meilleure utilisation des compétences et d’une plus grande satisfaction au travail. Elle peut également les pousser à suivre à nouveau une activité de formation formelle, le temps et le coût nécessaires à l’obtention d’un diplôme étant réduits. Pour les employeurs, une meilleure connaissance des compétences de leurs employés peut générer une productivité accrue et un renouvellement moindre du personnel. Pour la société dans son ensemble, la reconnaissance des compétences peut permettre une meilleure adéquation des compétences au marché du travail et favoriser la relance de la croissance économique et la mise en place d’une société plus résiliente et plus inclusive.

  • Des systèmes d’orientation professionnelle efficaces sont de plus en plus importants pour aider les individus à évoluer dans des écosystèmes complexes et à de multiples étapes de leur vie. Les systèmes d’apprentissage tout au long de la vie exigeront des individus qu’ils prennent de nombreuses décisions à différents stades concernant les différentes formes de formation - formelle, non formelle et informelle - pour pouvoir accéder à un nouvel emploi, conserver leur emploi actuel ou obtenir une promotion. L’offre en matière de formation des adultes est très diversifiée, et ces décisions exerceront une influence majeure sur la capacité des individus à s’adapter au changement.

Aider les enseignants à devenir des apprenants tout au long de leur vie

Pour faire face aux défis évoqués plus haut, les individus doivent également acquérir de nouveaux ensembles de compétences. Il ressort invariablement des enquêtes menées auprès d’employeurs que la demande de compétences horizontales, telles que la résolution de problèmes complexes, l’esprit critique, le travail en équipe, la créativité, l’innovation, la résilience et l’adaptabilité, augmente rapidement. Or, les systèmes éducatifs traditionnels ne permettent pas toujours d’acquérir ces compétences. Une transformation majeure est donc nécessaire pour que les enseignants obtiennent le soutien leur permettant d’acquérir ces compétences et d’apprendre à les enseigner. Il s’agit là d’une vaste entreprise qui nécessitera de nouveaux modèles de la formation et de développement professionnel des enseignants. De nouveaux programmes doivent également être mis sur pied, intégrant ces compétences de manière transversale de façon à ce qu’elles soient enseignées dans toutes les disciplines et non de façon isolée.

La carrière des enseignants devrait être structurée de manière à ce que les enseignants puissent suivre différentes voies selon leurs intérêts. En outre, le développement professionnel devrait être conçu de sorte que les enseignants aient les incitations et le temps nécessaires pour suivre la formation dont ils ont besoin pour devenir la force motrice de systèmes éducatifs qui devront s’adapter rapidement (et en permanence) à l’évolution des attentes de la société et du marché du travail.

Financer la formation des adultes

Dans la mesure où la majorité des formations pour adultes se déroulent sur le lieu de travail, il importe que les employeurs soient associés à la conception, à la mise en œuvre et au financement des systèmes de formation des adultes. Pour assurer la réussite de ces modèles, le rapport bénéfices/coûts doit être positif à la fois pour l’employeur et pour le salarié. À cet égard, les petites et moyennes entreprises (PME) sont confrontées à des difficultés particulières puisque pour elles, les coûts sont élevés (moins de personnel et de ressources) et les bénéfices faibles (le taux de rétention est peu élevé lorsque les autres PME n’investissent pas dans la formation et viennent débaucher les individus qui ont été formés par d’autres). Il est donc nécessaire d’élaborer des politiques spécifiques, notamment dans les pays qui comptent une forte proportion de PME.

Mettre la puissance de la technologie au service de l’apprentissage

On entend souvent que les outils numériques peuvent, tout au moins en partie, répondre aux défis engendrés par la révolution technologique. Il est cependant surprenant de constater que les systèmes éducatifs sont à la traîne par rapport à d’autres secteurs dans l’utilisation des TIC pour améliorer les résultats, alors que leur rôle est justement de préparer les élèves à un avenir numérique. L’une des plus grandes erreurs a peut-être été de penser que l’introduction d’ordinateurs portables et de tablettes dans la salle de classe serait une alternative plus rapide et moins coûteuse à la lourde tâche d’améliorer la qualité des enseignants. Les études de l’OCDE montrent que ce n’est pas le cas : la simple présence d’appareils technologiques en classe ne suffit pas à améliorer les résultats des élèves. En revanche, la technologie se montre pleine de promesses lorsque les enseignants sont formés à son utilisation pour améliorer les environnements d’apprentissage, concevoir un enseignement plus individualisé, se dégager du temps grâce à l’automatisation de certaines tâches qu’ils pourront consacrer aux nouvelles tâches horizontales que la technologie ne peut remplacer, comme la créativité, l’esprit critique et le travail en équipe. La technologie dans la salle de classe ne remplacera jamais les enseignants. Elle exige en revanche des enseignants de qualité sachant l’utiliser pour pouvoir concevoir des méthodes d’enseignement plus sophistiquées et doter les élèves d’un plus large éventail de compétences.

Les possibilités qu’offre la technologie pour connecter les individus du monde entier ont rendu possible la création de réseaux au sein desquels les enseignants échangent des bonnes pratiques, notamment des vidéos en situation d’enseignement en classe, des supports et des idées pour améliorer les méthodes d’enseignement. Ces communautés mondiales d’enseignants sont devenues un outil très utile, source d’enrichissement mutuel et d’innovation.

La technologie semble jouer un rôle plus important (et déstabilisant) dans l’enseignement supérieur et la formation des adultes. Dans de nombreux pays, ces étapes de la formation sont devenues très dynamiques et de nouveaux modèles apparaissent face à l’évolution des besoins des adultes et des nouvelles générations. C’est ainsi qu’une multitude de cours en ligne et mixtes sont mis au point pour proposer des formations plus courtes, mieux ciblées et décomposées qui semblent mieux répondre aux besoins des utilisateurs jeunes et plus âgés, à l’université comme dans la formation professionnelle.

Utiliser efficacement les compétences dans le cadre professionnel et social : optimiser le potentiel de chacun

L’importance de l’offre et de l’utilisation des compétences dans l’économie comme dans la société a d’importantes répercussions sur les retombées que les individus et les pays peuvent espérer de leur investissement dans les compétences. Les initiatives ciblant l’offre ne permettront de réaliser les gains de productivité souhaités que si elles s’accompagnent de mesures visant à stimuler la demande de compétences et à faire en sorte qu’elles soient utilisées à bon escient. En effet, si les compétences ne sont pas pleinement utilisées, l’investissement initial dans le capital humain risque d’être perdu, les compétences inutilisées pourraient se déprécier et devenir obsolètes et les individus plus qualifiés risquent d’aller là où leurs compétences seront davantage valorisées.

Des études comparatives montrent que les pays qui affichent de bons résultats en matière de développement des compétences ont tendance à exploiter largement les compétences sur le lieu de travail, ont des marchés du travail performants et enregistrent des taux d’emploi élevés. Cette logique n’est toutefois pas toujours respectée : en effet, certains pays ont des niveaux de compétence relativement élevés mais ne les utilisent pas à bon escient dans le cadre professionnel, les compétences devenant alors rapidement obsolètes, tandis que dans d’autres, le vivier de compétences est plus limité, mais mieux mis à profit.

Utiliser pleinement les compétences de chacun

La qualité des systèmes d’enseignement et de formation conjuguée au degré d’utilisation et de développement des compétences au travail permet de déterminer le niveau de compétence de la population. L’Enquête PIAAC montre que le niveau moyen des compétences et leur répartition au sein des différents groupes varient grandement selon les pays. Dans quelques pays, les jeunes générations et les générations plus âgées ont des niveaux de compétence comparables, aucun progrès n’ayant été réalisé au cours des 40-50 dernières années. Toutefois, dans la plupart, les différences liées à l’âge sont marquées : les jeunes affichent des niveaux de compétence beaucoup plus élevés que les générations plus âgées, soit parce que le développement vers des niveaux de formation plus élevés s’est opéré récemment, soit parce que la qualité des systèmes éducatifs s’est grandement améliorée au fil des années. Ainsi, la tendance la plus marquée qui se dégage est celle de générations plus âgées affichant des niveaux de compétence moins élevés.

Dans la plupart des pays ayant participé à l’étude PIAAC, la cohorte d’adultes ayant un faible niveau de compétence est beaucoup plus importante qu’attendu ; il est donc nécessaire d’élaborer des politiques à leur intention. Étant donné la diversité de la composition de ces groupes (par ex. individus ayant l’école prématurément, chômeurs de longue durée, générations plus âgées), des interventions différentes et bien ciblées sont nécessaires. En revanche, les données de l’enquête PIAAC montrent que 41 % seulement des adultes interrogés suivent une formation pour adulte, formelle ou non formelle. Il est très préoccupant de constater que les adultes qui en ont le plus besoin sont ceux qui sont les moins susceptibles de rechercher une formation complémentaire et d’en bénéficier. Cela concerne les adultes peu qualifiés occupant des emplois susceptibles d’être automatisés, les chômeurs de longue durée et plus généralement les employés des PME. Pour certains, le manque de motivation constitue le principal frein, soit parce qu’ils ne connaissent pas leur niveau réel de compétences, soit parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de se former. Pour d’autres, les possibilités de formation sont plus restreintes, soit en raison de la capacité limitée des employeurs à la financer et/ou à gérer l’absence des employés, soit en raison du manque de mesures incitant l’employeur à investir dans le capital humain du travailleur (souvent peu qualifié). Il est donc fondamental de mettre en place des programmes permettant aux individus de prendre conscience de l’utilité d’une formation et d’un apprentissage. En revanche, les adultes très qualifiés mettent largement à profit les possibilités qui leur sont offertes (formation continue, formation en ligne, etc.) pour continuellement faire évoluer leurs compétences. Ces tendances pourraient avoir pour effet de creuser l’écart entre les personnes les plus qualifiées et les moins qualifiées, à mesure que se multiplient les nouveaux outils permettant d’améliorer les compétences. L’une des priorités des pouvoirs publics, des employeurs et des partenaires sociaux doit donc être d’assurer une large participation aux formations destinées aux adultes. À cette fin, des mesures incitatives à l’intention des employeurs devront être mises en place, des mécanismes permettant la transférabilité des droits à la formation devront être créés et la motivation devra être stimulée.

La plupart des pays membres de l’OCDE se sont relevés de la récente crise économique, mais des séquelles demeurent. Dans les pays comptant un nombre important d’adultes peu qualifiés, qui travaillaient auparavant dans des secteurs en déclin, le chômage reste élevé. Il semble notamment difficile de vaincre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée dans des contextes où le taux d’abandon scolaire précoce et le taux de jeunes sans emploi, non scolarisés et ne suivant aucune formation (NEET) sont élevés et où, avec le temps, les chômeurs connaissent une détérioration de leurs compétences et une perte de motivation.

Dans la plupart des pays, les pouvoirs publics sont responsables de la formation des chômeurs, mais lorsque des modèles classiques de formation sont appliqués, les formations offertes ne sont pas toujours en adéquation avec les besoins du marché du travail et ne permettent pas l’évolution des compétences. Toutefois, les systèmes efficaces mettent à profit ces montants considérables de financement pour évaluer les compétences réelles, doter les personnes des compétences recherchées sur le marché du travail et proposer une orientation professionnelle adaptée en intégrant une grande quantité d’informations sur les perspectives d’emploi et la formation nécessaire pour y accéder. Ainsi, pour les personnes qui perdent leur emploi, il importe de prévoir des « filets de sécurité », associés à des stratégies d’activation, pour leur permettre de se réinsérer sur le marché du travail avant que leurs compétences ne se déprécient.

Par ailleurs, les services d’intervention précoce s’avèrent très efficaces et proposent des services d’aide au retour à l’emploi dans les secteurs en déclin avant que les personnes ne perdent leur emploi. Ces services ne sont toutefois pas exploités aussi largement qu’il serait souhaitable et ne sont souvent proposés qu’aux travailleurs touchés par des licenciements massifs. Il importe d’élaborer des politiques pour aider les travailleurs à passer de secteurs, d’industries et de régions en déclin à celles qui sont porteuses d’opportunités. Cela évitera à une grande partie de la population de se retrouver au chômage pendant de longues périodes et favorisera une croissance économique inclusive ainsi que des avancées technologiques rapides.

Enfin, les allocations de chômage reposent encore largement sur la notion de relation employeur-employé et il importe de concevoir de nouveaux modèles afin de s’adapter au nouveau monde du travail. Les individus qui occupent des emplois atypiques, comme les travailleurs indépendants, intérimaires ou à temps partiel, sont particulièrement vulnérables compte tenu de la rareté des systèmes de protection dont ils peuvent bénéficier. Un changement profond de paradigme est nécessaire afin que les prestations dépendent non pas de l’emploi occupé, mais de la personne concernée et soient transférables d’un emploi à l’autre.

Utiliser pleinement les compétences des immigrés

Étant donné l’afflux massif de migrants dans de nombreux pays membres de l’OCDE et la situation propre à chacun d’eux, des efforts particuliers doivent être déployés à l’égard de cette catégorie de population pour leur permettre de s’intégrer réellement. Les immigrés représentent désormais un habitant sur dix dans les pays membres de l’OCDE et constituent entre un quart et la moitié des nouveaux venus sur le marché du travail. Certains pays ont mis en place des politiques spécifiques pour attirer les immigrés dont les compétences pourraient permettre de remédier au déficit que connaissent certains secteurs économiques. Ces politiques sélectives ont permis de renforcer les économies. Dans le cas où les migrants fuient des zones de conflit ou sont en quête de meilleures perspectives économiques, les pays doivent mettre en place des mécanismes permettant d’évaluer leur niveau de compétence afin d’identifier les perspectives d’emplois potentielles et assurer parallèlement une formation linguistique. En général, les immigrés peu instruits affichent un taux d’emploi comparable à celui des autochtones qui sont dans une situation comparable. En revanche, le taux d’emploi des immigrés très instruits est généralement inférieur à celui des autochtones qui sont dans la même situation. La méconnaissance par les employeurs du niveau réel correspondant aux diplômes étrangers en est l’une des raisons. La formation doit donc tenir compte des besoins en compétences de chacun et être axée sur l’insertion sur le marché du travail.

Mobiliser les compétences au service d’une société plus inclusive et plus unie

Le niveau de compétence des adultes va également de pair avec le niveau de cohésion sociale. Les adultes présentant un niveau de compétence plus élevé ont davantage confiance en autrui, dans les institutions et les pouvoirs publics, s’estiment en meilleure santé et pensent jouer un rôle actif dans la société. L’importance de la cohésion sociale se vérifiera d’autant plus à mesure que nos sociétés se complexifieront, que les questions pour lesquelles des décisions doivent être prises deviendront plus difficiles à appréhender et qu’il sera nécessaire d’adopter une vision globale. Par ailleurs, la technologie a entraîné une multiplication exponentielle des sources d’information, aussi est-il devenu plus important que jamais d’être capable de faire la distinction entre divers contenus et sources et d’intégrer une grande quantité d’informations. Les individus hautement qualifiés seront plus enclins et mieux à même de gérer cette complexité alors que d’autres se réfugieront dans des « chambres d’écho » où se retrouvent uniquement des personnes partageant les mêmes idées ou resteront indifférents aux questions qui se posent, estimant que rien de ce qu’ils pourront dire ou faire ne changera quoi que ce soit. L’érosion de la confiance accordée aux pouvoirs publics et le fait que des composantes de plus en plus nombreuses de la population fassent preuve d’un plus faible engagement citoyen constituent une menace sérieuse pour le fonctionnement efficace des sociétés démocratiques.

Intensifier l’utilisation des compétences dans le cadre professionnel

Encourager et aider les individus à proposer leurs compétences sur le marché du travail n’est qu’une première étape en vue d’atteindre une utilisation optimale des compétences. Il est très important de favoriser les secteurs d’activité à forte intensité de compétences pour que les investissements consentis dans le développement des compétences soient rentables. Les pouvoirs publics peuvent aider les entreprises en promouvant les avantages d’une amélioration des méthodes d’organisation et de gestion qui contribuent à une meilleure utilisation des compétences, notamment le travail en équipe, la latitude dans le choix des tâches, le tutorat, la rotation des emplois, l’application de nouvelles connaissances, les incitations salariales et les horaires souples. Les pouvoirs publics peuvent aussi diffuser les bonnes pratiques, élaborer des outils de diagnostic aidant les entreprises à identifier des points d’amélioration possibles, promouvoir le transfert de connaissances et proposer des programmes de renforcement des compétences en gestion. Il convient que les mesures prises visent en particulier les PME, pour lesquelles il est financièrement plus difficile de mettre en place de nouvelles méthodes de gestion et d’organisation.

Harmoniser les compétences avec les besoins de l’économie et de la société

Dans un contexte d’évolution rapide, des inadéquations entre les compétences offertes par les travailleurs et celles demandées par le marché du travail ont toutes les chances d’advenir. De fait, dans la plupart des pays, les employeurs déplorent de ne pas trouver les compétences dont ils ont besoin. Il existe plusieurs types d’inadéquation, aux répercussions très différentes. Le type d’inadéquation le plus courant concerne le domaine d’études (environ 40 % des cas) : il s’agit de personnes qui travaillent dans un domaine ou un secteur différent de celui auquel leurs études les destinaient. Ce phénomène montre clairement que les individus font des choix qui ne correspondent pas toujours aux besoins du marché du travail. Des informations supplémentaires sur le taux d’employabilité, les échelles de salaires et les secteurs où la demande est forte, pourraient contribuer à rééquilibrer l’offre et la demande. Le deuxième type d’inadéquation est l’inadéquation des compétences : environ 20 % des travailleurs ont un niveau de compétence plus élevé que ne l’exige leur emploi. Toutefois, l’inadéquation du niveau de compétence est beaucoup moins marquée et laisse supposer que bien souvent les titulaires de ces diplômes n’ont pas le niveau de compétence auquel on pourrait s’attendre et que les employeurs s’efforcent de faire en sorte que les individus correspondent aux compétences requises par les emplois. Même si le degré d’inadéquation des compétences est moins élevé, cela n’en reste pas moins un problème qui pénalise les individus sur le plan salarial et entraîne des coûts de productivité pour l’économie et il importe d'y remédier.

Harmoniser les politiques en faveur des compétences avec les politiques industrielles et de l’innovation

La transformation numérique et la mondialisation sont susceptibles de générer d’importantes distorsions, à l’heure de l’automatisation et de la délocalisation des emplois et des tâches. Les personnes qui occupent ces emplois risquent ainsi de se retrouver au chômage ou d’être licenciées. On assiste dès lors à une polarisation généralisée de l’emploi, caractérisée par une augmentation de la part des emplois très qualifiés, une diminution des emplois intermédiaires et une relative stagnation des emplois peu qualifiés. Les personnes qui acquièrent les compétences nécessaires pour s’adapter à ces changements auront des emplois plus créatifs et plus épanouissants, dans lesquels l’automatisation sera considérée davantage comme une alliée que comme une menace. Les robots effectueront les tâches routinières et intégreront de grandes quantités d’informations tandis que les travailleurs seront responsables de la prise de décision à plus haut niveau. Ces mégatendances permettent également aux individus du monde entier de partager plus facilement leurs idées sur le marché, ce qui stimule l’esprit d’entreprise. Les technologies numériques ont en outre contribué à l’essor de l’économie de plateforme.

Dans cet environnement en constante évolution, il importe que les politiques de développement des compétences soient en adéquation avec les politiques industrielles et d’innovation : il s’agit de faire en sorte que les employeurs aient accès aux compétences leur permettant de faire évoluer leur entreprise vers des activités à plus forte valeur ajoutée et à forte intensité d’innovation. Les politiques industrielles et d’innovation doivent aussi être pensées de sorte à favoriser le développement des compétences au moyen de la formation et du transfert de connaissances. L’innovation exige de solides compétences en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) ainsi que des compétences non techniques et entrepreneuriales. L’investissement dans la recherche et le développement (R-D) contribue au développement des connaissances et des compétences, stimule l’innovation et améliore la capacité des entreprises à intégrer et exploiter le socle de connaissances existant. Par ailleurs, lorsque les politiques sur les compétences ne sont pas en phase avec les politiques industrielles et d’innovation, les pays et les régions risquent de se retrouver piégés dans une « logique de faibles compétences » : une main-d’œuvre composée d’adultes peu qualifiés qui ne sont guère encouragés à faire évoluer leurs compétences sachant qu’il leur sera difficile de trouver un emploi à la hauteur des efforts qu’ils ont fournis ; et des employeurs qui ne peuvent progresser vers des activités à plus forte valeur ajoutée étant donné le faible niveau de qualification de leur personnel. Cette logique freine la croissance et le développement économiques et expose les économies aux chocs économiques et technologiques, comme ceux liés aux chaînes de valeur mondiales ou à la transformation numérique.

Renforcer la gouvernance des systèmes de compétences : faire face à une complexité croissante

Tous secteurs politiques confondus, les politiques destinées à améliorer les compétences et leurs effets - les politiques en faveur des compétences - sont un exemple éloquent de complexité. La capacité des politiques à améliorer le développement et l’utilisation des compétences dépend généralement des actions et des réactions d’un large éventail d’acteurs, parmi lesquels les pouvoirs publics, les élèves, les enseignants, les travailleurs, les employeurs, les syndicats, etc. Le domaine d’action des politiques en faveur des compétences est, à maints égards, radicalement différent de celui des autres politiques. Ces politiques bénéficient d’un large soutien en ceci qu’elles contribuent à améliorer les résultats sur le marché du travail et le bien-être des personnes et qu’elles jouent un rôle clé en matière de stimulation du développement économique et de la croissance inclusive des pays. Elles sont toutefois beaucoup plus complexes que beaucoup d’autres politiques, car elles se situent à la croisée de l’éducation, du marché du travail, de l’industrie et d’autres domaines d’action. Elles sont donc aussi source de conflits d’intérêts entre des acteurs puissants et appellent à une coordination et à une harmonisation des politiques relevant d’autres secteurs.

Les difficultés inhérentes à la mise en œuvre des réformes s’exacerbent dès lors que les politiques mobilisent un large éventail d’acteurs et d’entités, tels que différents niveaux de gouvernement et différentes parties prenantes, et couvrent plusieurs domaines d’action. Lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques intersectorielles, les pouvoirs publics se heurtent souvent à d’énormes difficultés d’ordre politique et technique, liées notamment à la nécessité d’assurer la coordination des différents niveaux de gouvernement, de communiquer avec les parties prenantes et de définir les aspects de la réforme ayant trait au financement et à l’information. En outre, les réformes intersectorielles supposent souvent des compromis très complexes en matière de redistribution, car elles s’accompagnent souvent d’une distribution et une redistribution des ressources entre et au sein de l’ensemble des secteurs et niveaux de gouvernement.

Les efforts actuels de réforme des systèmes de compétences s’inscrivent souvent dans des processus de décentralisation, au titre desquels la gestion et une partie du financement des services sociaux sont délégués, ce qui signifie que davantage de politiques et de services seront conçus et mis en œuvre en partenariat ou par les échelons inférieurs de l’administration, les partenaires sociaux et d’autres parties prenantes, dont les actions ne relèvent pas nécessairement des autorités centrales. Aussi est-il difficile de concevoir des systèmes de gouvernance assurant une approche coordonnée du pilotage et de l’établissement des priorités tout en tenant compte des besoins propres aux différentes régions et secteurs.

De fait, les quatorze rapports de diagnostic élaborés au titre de la Stratégie sur les compétences de l’OCDE font ressortir que les difficultés inhérentes à la coordination et à l’harmonisation des différents domaines d’action et acteurs constituent l’un des principaux obstacles à une mise en œuvre efficace et effective des politiques en faveur des compétences. Les défis qui se posent actuellement au développement des compétences découlent pour la plupart de mécanismes de gouvernance peu efficaces entre les domaines d’action, niveaux d’administration et parties prenantes, de l’insuffisance des informations sur les compétences et l’apprentissage et de l’inefficacité des mécanismes de financement. Les structures et instances gouvernementales ont généralement vocation à promouvoir des politiques sectorielles spécifiques et ne coordonnent pas l’action des différents secteurs.

Promouvoir la coordination, la coopération et la collaboration à tous les niveaux de l’administration

Les politiques axées sur les compétences relèvent rarement du domaine exclusif d’un seul ministère ou niveau de gouvernement. Des niveaux plus élevés de coordination, de coopération et de collaboration permettent d’accroître les retombées des compétences. Il est plus facile d’assurer la coordination des différents domaines d’action si l’idée que les compétences sont une priorité nationale fait consensus. Les gouvernements devraient promouvoir la coordination entre les autorités centrales et infranationales. Une première bonne mesure consiste à recenser toutes les politiques et tous les acteurs institutionnels qui interviennent dans le développement et l’utilisation des compétences. Les efforts de coordination devraient être appuyés par les bonnes institutions. Ces institutions peuvent prendre plusieurs formes. Il importe en revanche qu’elles adoptent une « vision embrassant l’ensemble du cycle de la vie » et mettent en place des mécanismes efficaces de suivi et d’évaluation pour examiner le fonctionnement des systèmes de compétences.

Dans beaucoup de pays, le développement d’une approche pangouvernementale des politiques en faveur des compétences est entravé par la complexité inhérente aux mécanismes de gouvernance pluriniveaux, qui répartissent inégalement le pouvoir d’élaboration des politiques entre les différents domaines d’action publique. Ainsi, dans de nombreux pays, ce sont les collectivités locales qui ont compétence en matière de politique éducative ou qui partagent cette compétence avec l’administration centrale. En revanche, les politiques relatives au marché du travail et à l’apprentissage tout au long de la vie relèvent souvent de la responsabilité des instances fédérales/centrales afin que des normes communes s’appliquent aux marchés nationaux du travail ; dans d’autres pays, en revanche, les collectivités locales jouent un rôle important dans la gestion et le financement de ces politiques. Quoi qu’il en soit, le pouvoir de décision concernant les différentes composantes d’un ensemble de politiques en faveur des compétences est souvent réparti de façon inégale entre les différents niveaux de gouvernement ; il devient alors très difficile pour les décideurs politiques d’assurer la coordination entre ces différents niveaux. Indépendamment du modèle qu’appliquent les différents pays et de la façon dont les responsabilités sont réparties entre les différents niveaux de gouvernance, le plus sûr moyen d’éviter que les disparités ne se creusent entre les régions est que la définition de normes communes sur le niveau approprié de compétences correspondant à chaque niveau de formation, le développement de modèles de formation pour toutes les régions ainsi que l’évaluation de l’efficacité des différents acteurs et des différentes politiques restent de la responsabilité du pouvoir central.

Associer les parties prenantes à l’ensemble du cycle d'élaboration des politiques

La nécessité d’associer les parties prenantes découle de la complexité et de la multiplicité des mesures stratégiques devant être prises pour améliorer le développement et l’utilisation du capital humain d’un pays. Les décideurs politiques qui sont confrontés à des choix politiques complexes ont besoin de l’expertise et des connaissances des parties prenantes. La participation des parties prenantes vient quant à elle renforcer la légitimité des décisions politiques. Une première étape vers la mobilisation des parties prenantes consiste à répertorier l’ensemble des acteurs intervenant dans le système de compétences et à identifier la nature et le degré de leur interaction. Il est essentiel que cette participation donne lieu à des résultats concrets et que les parties prenantes aient la possibilité de peser sur la politique en faveur des compétences. Il importe en revanche de veiller à ce qu’elle n’entraîne pas une « captation » des institutions publiques par des intérêts privés.

Une gouvernance efficace et politiquement légitime des systèmes de compétences suppose que les décideurs politiques créent des synergies avec les acteurs concernés sur le terrain. La difficulté ici est d’identifier les acteurs en question tout en corrigeant les éventuels déséquilibres de pouvoir entre les intérêts particuliers très organisés et les intérêts collectifs souvent peu organisés et plus diffus. La mobilisation des parties prenantes doit aller au-delà des structures tripartites classiques représentant les intérêts des entreprises, des travailleurs et de l’État que l’on trouve dans de nombreux pays. Dans le contexte de l’apprentissage tout au long de la vie, le succès des politiques en faveur des compétences dépend de plus en plus d’un grand nombre d’acteurs, représentant des secteurs émergents de l’économie, comme les nouvelles entreprises de technologie et les prestataires de formation ainsi que les travailleurs d’un nouveau genre (par ex., travailleurs indépendants et travailleurs atypiques), dont beaucoup ne sont pas nécessairement bien représentés par les institutions ou entités traditionnelles. Lors de l’élaboration d’une stratégie globale sur les compétences, il importe de solliciter aussi bien les associations traditionnelles et bien implantées dans l’économie que celles représentant des intérêts naissants.

Plus concrètement, l’approche mobilisant l’ensemble des pouvoirs publics entend mener à bien des programmes d’action à long terme sur les compétences, mettre en place des institutions solides chargées de suivre et d’évaluer les résultats des réformes politiques, impliquer directement les parties prenantes de manière à partager la propriété (ou la charge) de la réforme politique dans un cadre où le secteur public reste responsable de la qualité et de l’accessibilité des services et enfin, corriger les déséquilibres entre les gagnants et les perdants de la réforme. Ce dernier aspect - les effets redistributifs de la réforme politique - peut souvent devenir un obstacle majeur dans la conception et la mise en œuvre des réformes politiques. Afin d’éviter tout blocage dans les étapes ultérieures du processus de mise en œuvre, il est par conséquent essentiel d’associer les parties prenantes à un stade précoce du processus décisionnel.

En outre, il existe des moyens plus formels d’instaurer une coopération, tels que la création d’institutions ou de conseils spécifiques assurant la continuité du dialogue entre les principales parties prenantes. Lors de la mise en place des institutions et des organes délibérants, il importe de veiller à établir une bonne corrélation entre le nombre d’acteurs mobilisés et l’efficacité de la prise de décision. Si le nombre d’intervenants et de parties à la négociation est trop élevé, le processus de délibération risque de devenir trop lourd à gérer et la participation des acteurs pourrait alors devenir superficielle et donc inefficace. Les acteurs gouvernementaux peuvent éviter cette situation en encourageant les parties prenantes à s’organiser avant de participer au processus de délibération, notamment en désignant des porte-paroles pour chaque secteur ou groupe d’acteurs. Toutefois, le danger tient au fait que si le nombre de parties prenantes diminue trop, le caractère représentatif du groupe d’acteurs concerné pourrait être remis en question. Il est tout sauf facile de trouver des compromis, car d’un pays à l’autre, le nombre et la nature des acteurs de la société varient considérablement. Les pouvoirs publics devraient toutefois avoir conscience des difficultés liées à l’organisation de ces protagonistes et à leur participation à l’élaboration des politiques publiques.

Les pouvoirs publics peuvent aussi se montrer proactifs et participer aux forums créés et gérés par les organisations/structures représentant les parties prenantes. Outre la promotion du dialogue sur la politique en faveur des compétences, cette approche a l’avantage de montrer aux parties prenantes que le gouvernement tient compte de leur avis. L’enjeu n’est pas seulement que les pouvoirs publics associent les parties prenantes, mais aussi qu’ils soient eux-mêmes prêts à s’investir. Cette attitude proactive peut en outre s’avérer utile lorsque les parties prenantes sont particulièrement fragiles et marginalisées du fait d’un manque d’organisation, de ressources fiscales ou administratives (notamment un manque de représentation organisée) qui nuit à leur capacité à participer aux politiques et aux dialogues.

Enfin, certaines réformes portant sur les compétences peuvent se révéler bénéfiques pour certains groupes de parties prenantes et préjudiciables pour d’autres. Même si le processus de participation des parties prenantes pourrait et devrait s’efforcer de trouver des solutions consensuelles aux problèmes politiques, il arrive que les solutions politiques imposent des compromis difficiles. Si les acteurs gouvernementaux ne peuvent rester extérieurs à ces conflits politiques, ils doivent dans toute la mesure du possible rester des arbitres neutres afin de veiller à ce que les parties prenantes continuent à contribuer à l’effort collectif. Une plus grande contribution et participation de la recherche empirique pourrait aider à apaiser les éventuels conflits d’intérêts : des politiques élaborées sur la base d’éléments concrets peuvent en effet contribuer à établir un socle de faits objectifs partagés et reconnus par tous les acteurs concernés.

Élaborer des systèmes d’information intégrés

À mesure que les systèmes de compétences évoluent et se complexifient, la gestion des données et des informations devient un enjeu stratégique clé. Des systèmes d’information efficaces sont nécessaires pour recueillir et gérer les données et les informations que les pouvoirs publics et les parties prenantes produisent, analysent et diffusent afin que les dirigeants, les entreprises, les particuliers et autres aient accès à des informations précises, récentes, détaillées et personnalisées.

Les informations pertinentes permettent notamment de mesurer les niveaux de compétence réels des individus, d’identifier les compétences attendues par le marché du travail, d’anticiper les besoins futurs en compétences et de déterminer les possibilités d’apprentissage et de formation ainsi que leur efficacité.

Les dirigeants devraient utiliser ces données pour évaluer l’impact des politiques qu’ils mettent en œuvre, de manière à savoir si les programmes de formation permettent réellement d’améliorer les niveaux de compétence des individus et leur employabilité. Des évaluations précises des pénuries ou des excès de compétences disponibles pourraient également aider les pouvoirs publics à élaborer des initiatives visant à rapprocher l’offre de la demande, en mettant en place des incitations à investir dans les compétences recherchées ou en direction des individus pour les encourager à acquérir ces compétences.

Des services d’orientation professionnelle efficaces devraient reposer sur des données solides concernant les retombées de tel ou tel choix (par exemple, cursus universitaire/cursus d’enseignement professionnel), les établissements et les domaines d’études, en termes d’employabilité et de salaire. De même, les établissements d’enseignement et de formation peuvent tirer profit des données sur l’évolution de la demande de compétences afin de mieux aligner leur offre de programmes et de diplômes.

Toutefois, des difficultés majeures doivent être surmontées. Premièrement, les questions de protection de la vie privée peuvent limiter le type d’informations pouvant être recueillies et/ou diffusées. Deuxièmement, de nombreuses sources de données doivent être intégrées. Troisièmement, il existe une multitude d’utilisateurs avec des besoins divers et qui pourraient donc avoir besoin d’accéder à différentes parties des informations disponibles ou à différents degrés d’agrégation des données.

Harmoniser et coordonner les mécanismes de financement

Gouvernance et financement sont inexorablement liés. Les efforts visant à améliorer l’efficacité des dépenses consacrées au développement des compétences doivent être étayés par de solides capacités institutionnelles. Les dispositions financières devraient reposer sur des dispositifs de partage des coûts plus souples facilitant la combinaison des diverses sources de financement. Les fonds publics doivent être affectés avec soin afin d’optimiser le résultat des politiques et de garantir à tous un accès équitable aux possibilités de développement des compétences. Une première étape de la hiérarchisation des investissements et des dépenses consacrés aux compétences consiste à identifier les besoins de financement des systèmes. Les stratégies d’investissement doivent être définies en cohérence avec les priorités stratégiques à moyen terme du gouvernement. Les ressources doivent être affectées de manière à assurer le financement des responsabilités et des mécanismes de responsabilisation de manière à permettre aux personnes ayant des responsabilités d’avoir les moyens matériels et financiers d’exercer leurs fonctions selon les normes souhaitées en la matière.

Les principaux défis que pose la mise en place d’un mécanisme de financement efficace sont les suivants :

  • Diversifier les sources de financement. Promouvoir le développement et l’utilisation des compétences, notamment dans le contexte de l’apprentissage tout au long de la vie, est une entreprise coûteuse qui pourrait nécessiter une répartition plus équitable des coûts et des retombées des investissements en faveur des compétences entre les pouvoirs publics, les individus et le secteur public - en tenant compte du fait que la manière de parvenir à cet équilibre varie d’un pays à l’autre. Compte tenu des pressions toujours plus fortes auxquelles sont soumis les budgets des États, les dispositions financières reposeront de plus en plus sur des mécanismes de partage des coûts plus souples facilitant la coordination entre d’une part, les ressources des ménages et des employeurs et, d’autre part, les budgets publics relevant aussi bien du niveau central qu’infranational. Les investissements dans le capital humain sont source de bénéfices aussi bien publics (au niveau de la société) que privés (salaires plus élevés et/ou productivité accrue) ; le partage des coûts entre les acteurs publics et privés se justifie donc dans une certaine mesure bien qu’il soit bien souvent source de tensions politiques, en raison des compromis qu’il suppose en matière de redistribution entre les différents groupes de parties prenantes. Pour trouver le bon équilibre entre financement privé et financement public, il est nécessaire d’évaluer les bénéfices retirés par chaque partie et d’assurer la coordination des efforts pour faire converger les incitations des acteurs publics et privés. Cet équilibre peut en outre varier selon les secteurs : ainsi, l’investissement dans les services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants pourrait être reconnu comme un bien public, car il est jugé particulièrement efficace pour atténuer les inégalités en matière d’éducation aux premiers âges de la vie. D’un autre côté, les investissements dans le développement des compétences à des niveaux supérieurs (enseignements postsecondaire et supérieur et apprentissage tout au long de la vie) sont généralement associés à des retombées concrètes et immédiates sur le marché du travail et pourraient par conséquent justifier une participation accrue des acteurs privés (ménages et employeurs).

  • Mettre en place des mécanismes efficaces d’allocation des ressources et de budgétisation. Les fonds publics doivent être alloués avec soin afin que les politiques donnent de meilleurs résultats. Les procédures de priorisation et de budgétisation peuvent toutefois se révéler complexes et donner lieu à de graves conflits d’intérêts. Les pays doivent être dotés de solides outils de priorisation des investissements en faveur des compétences et d’allocation des fonds publics nécessaires à leur réalisation, qui soient adaptés aux besoins nationaux en matière de compétences, capables d’évaluer le coût et la rentabilité de ces investissements et inspirent la confiance des individus et des parties prenantes. Un investissement optimal des ressources dans les compétences exige souvent une réaffectation des fonds dont l’impact est limité ; lorsque cela implique un transfert de fonds entre ministères ou la suppression de certaines politiques qui, bien qu’inefficaces, peuvent être populaires ou avantageuses pour certaines parties prenantes, des coûts politiques et des conflits d’intérêts peuvent survenir.

  • Prendre en compte l’équité dans les modalités de financement. Les investissements des pouvoirs publics en faveur des compétences sont justifiés par les retombées bénéfiques globales d’une amélioration du niveau de compétence de la population. Pour parvenir à un juste équilibre entre financement public et financement privé, une évaluation des retombées potentielles et un effort de coordination pour assurer la convergence des incitations des acteurs publics et privés sont nécessaires afin que le partage des coûts au niveau du pays soit largement considéré comme équitable et n’empêche pas les individus d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en matière d’éducation. Dans un souci d’équité, les financements doivent être ciblés sur les populations défavorisées ou sur des besoins urgents comme le recyclage ou le perfectionnement des adultes risquant de perdre leur emploi.

  • Prévoir des ressources et une gestion adaptées. Comme le montrent les données tirées des projets de l’OCDE sur les stratégies nationales en matière de compétences ainsi que d’autres études de l’OCDE, il existe souvent un déséquilibre entre les responsabilités politiques et l’allocation des ressources. Ce déséquilibre peut à son tour entraîner une décorrélation entre la conception et la mise en œuvre des politiques. Les responsabilités sont généralement réparties entre de nombreux ministères, organismes ou services différents, qui agissent à différents niveaux et qui ont chacun leur organisation propre. Certaines responsabilités sont par ailleurs déléguées à des agents du secteur privé, tels que des organisations non gouvernementales ou des organismes ou organisations hybrides comme les partenariats public-privé.

En résumé, les systèmes de compétences sont extrêmement complexes du fait de la multitude des acteurs concernés. Ce degré de complexité s’accroît encore avec l’évolution des systèmes éducatifs traditionnels vers des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie, tandis que la diversité des acteurs s’accroît également. Le manque de coordination entre les divers acteurs concernés au sein de l’administration et entre ses différents niveaux, ainsi qu’avec les parties prenantes, constitue l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre des politiques en faveur des compétences. Il est tout aussi important de définir et répartir les responsabilités et de mettre en place les mécanismes de responsabilisation ainsi que les systèmes d’information et les mécanismes de financement adaptés. En outre, la plupart des réformes portant sur les compétences se heurtent à de sérieux conflits d’intérêts entre les acteurs concernés alors que leur objectif doit être d’améliorer l’acquisition et l’utilisation des compétences de l’ensemble de la population. Il apparaît donc d’autant plus important de mettre en œuvre des mécanismes de gouvernance rigoureux afin d’assurer la réussite des politiques en faveur des compétences.

Le rôle des pouvoirs publics : nouveaux défis et responsabilités partagées

Les mégatendances exercent une influence non seulement sur nos environnements professionnels et sociaux, mais aussi sur le rôle des pouvoirs publics. La mondialisation et la transformation numérique ont entraîné la décentralisation de l’information, donné naissance à de nouvelles formes de travail atypiques, facilité la délocalisation de certaines parties des processus de production et éliminé les barrières géographiques. En outre, les changements démographiques soumettent les budgets publics à d’énormes pressions. Les pouvoirs publics ont dès lors de plus en plus mal à s’acquitter du rôle qui leur est traditionnellement dévolu.

Dans la plupart des pays membres de l’OCDE, les individus attendent qu’un enseignement de qualité soit dispensé dans les écoles publiques et les universités, grâce auquel ils pourront occuper des emplois de qualité toute leur vie durant. Dans le même temps, nombre d’entre eux attendent qu’un accès gratuit à un système de santé et à une pension leur soit garanti au moment de la retraite.

Cependant, sous l’effet de ces nouvelles dynamiques, les individus auront peu de chance d’occuper un emploi à vie, seront obligés de se reconvertir et d’étoffer leurs compétences pour pouvoir passer d’un emploi à un autre à mesure que certains emplois disparaîtront et d’autres apparaîtront et la pérennité des systèmes traditionnels de retraite sera remise en question. Les individus risquent de développer un sentiment de peur, de défiance, voire de colère, à l’égard des pouvoirs publics qui ne sont plus en mesure de leur offrir les « filets de sécurité » qu’ils attendent.

L’érosion de la confiance dans les pouvoirs publics constitue une grave menace qu’il convient de parer. D’une part, les pouvoirs publics doivent élaborer des politiques pour s’attaquer à ces problématiques aussi précocement que possible et minimiser les risques. D’autre part, les individus doivent acquérir les compétences nécessaires pour convertir ces défis en opportunités, s’investir davantage dans leur éducation et leur formation, s’adapter à un environnement en constante évolution, développer une résilience afin de surmonter leur peur d’être laissés pour compte et nourrir des attentes raisonnables pour éviter d’envisager des solutions trop simplistes et irréalistes. S’ils y parviennent, ils comprendront qu’ils ne doivent pas attendre passivement que le changement se produise, mais au contraire qu’ils sont les architectes de l’avenir, qu’ils peuvent influencer les tendances de la société et utilement contribuer à définir l’aide que les pouvoirs publics peuvent apporter.

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