3. Prise en compte des incidences sur la TVA/TPS de l’essor de l'économie du partage/à la demande : approches envisagebales en matière de politique fiscale et d’administration de l’impôt – rôle des plateformes numériques

Comme expliqué au chapitre 2, les principales motivations politiques à l’origine du développement d’une stratégie en matière de TVA/TPS pour répondre à l’essor de l’économie du partage/à la demande sont susceptibles de varier d’une juridiction à l’autre. Ces motivations dépendent d’un certain nombre de facteurs, notamment la taille et l’essor de l’économie du partage/à la demande (ou de l’un de ses secteurs) dans une juridiction donnée, son impact potentiel sur la base d’imposition et les recettes de TVA/TPS, ainsi que la pression concurrentielle qu’elle créée pour le(s) secteur(s) économique(s) équivalent(s). Il est admis que la priorité politique d’une juridiction n’implique pas nécessairement la collectede la TVA/TPS sur toutes les activités de l’économie du partage/à la demande, mais elle peut, par exemple, avoir pour but de répondre à la nécessité d’acquérir une bonne compréhension du développement de l’économie du partage/à la demande ainsi que de surveiller tout risque potentiel d’érosion de la base d’imposition à la TVA/TPS afin, le cas échéant, d’éclairer les futures décisions politiques.

Les motivations politiques et les difficultés étant différentes d’une juridiction à l’autre, il n’existe pas de réponse universelle aux répercussions de l’économie du partage/à la demande sur la TVA/TPS. On peut raisonnablement s’attendre à ce que la conception et la mise en œuvre des mesures envisageables soient à l’image des différences observées au regard du cadre politique et législatif, des problèmes spécifiques et des priorités de l’administration fiscale ainsi que de la diversité des modèles d’activité de l’économie du partage/à la demande. Il revient à chaque juridiction de déterminer quelles mesures sont les plus adaptées à sa situation particulière. Ce Rapport a pour objectif principal d’identifier les options envisageables et d’aborder les considérations politiques connexes (opportunités et difficultés) afin d’aider les responsables de l’action publique à évaluer et mettre au point leur réponse politique et administrative en prenant en compte leurs spécificités nationales.

Ce Rapport reconnaît que le statut au regard de la TVA/TPS des acteurs de l’économie du partage/à la demande (y compris les plateformes et les fournisseurs sous-jacents) dans une juridiction donnée sera généralement déterminé sur la base des règles normales de TVA/TPS de cette juridiction, souvent au cas par cas et à la lumière de faits et circonstances spécifiques. Cela englobe la question de savoir si une plateforme de l'économie du partage/à la demande agit en qualité de principal ou d’agent aux fins de la TVA/TPS. En effet, comme indiqué au chapitre 1, les activités exercées dans l’économie du partage/à la demande ne sont généralement pas nouvelles, et elles sont généralement couvertes par les règles normales de TVA/TPS. C’est le recours à la technologie pour faciliter et mener à bien ces activités qui est nouveau et crée des opportunités et des difficultés en ce qui concerne la politique et l’administration de la TVA/TPS, car les plateformes de l’économie du partage/à la demande génèrent et stimulent l’activité d’un nombre potentiellement important de nouveaux acteurs économiques qui peuvent devenir assujettis à la TVA/TPS selon les règles normales. Cette nouvelle réalité commerciale peut soumettre l’administration de la TVA/TPS à une pression considérable, car elle peut notamment faire entrer dans le système de TVA/TPS un nombre important de particuliers ayant des connaissances limitées et/ou une capacité limitée à respecter les obligations en la matière (micro-entreprises et PME, par exemple), dont les activités peuvent être difficiles à suivre et impliquent des recettes de TVA/TPS ainsi que des distorsions de concurrence qui restent limitées à une échelle individuelle mais peuvent prendre de l’ampleur lorsqu’elles sont additionnées. L’objectif de ce chapitre est de présenter un ensemble d’options envisageables qui pourraient permettre aux équipes chargées de la politique et de l’administration fiscales de surmonter ces difficultés.

Il est admis que l’administration fiscale peut avoir à relever le défi délicat qui consiste à trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger les recettes et de réduire les distorsions de concurrence, qui peut amener à intégrer un grand nombre d’acteurs économiques nouveaux et relativement petits au système de TVA/TPS, et, d’autre part, la nécessité de préserver l’efficacité de l’administration fiscale et d’éviter aux acteurs de l’économie du partage/à la demande d’être confrontés à une charge administrative excessive. Bien souvent, il peut s’agir d’un exercice complexe, qui nécessite de prendre soigneusement en compte un certain nombre de paramètres différents, notamment le contexte politique national et les particularités d’une activité ou d’un secteur donné(e) de l’économie du partage/à la demande.

Dans ce contexte, ce chapitre examine diverses mesures politiques et administratives non mutuellement exclusives visant à optimiser l’application de la TVA/TPS à l’économie du partage/à la demande. Il peut, par exemple, s’agir des options possibles pour simplifier l’administration de et la conformité à la TVA/TPS, ainsi que d’approches pour la collecte efficace et efficiente de données fiscalement pertinentes et pour la collecte de la TVA/TPS due sur les transactions de l’économie du partage/à la demande.

Ces mesures peuvent être regroupées dans deux grandes catégories, comme illustré dans le graphique 3.1. :

  • Des mesures politiques et administratives générales sur la TVA/TPS, qui peuvent potentiellement s’appliquer tant aux activités traditionnelles qu’aux activités similaires de l’économie du partage/à la demande. Il s’agit d’un éventail de mesures qui permettraient à l’administration fiscale de mettre en œuvre l’égalité de traitement entre les secteurs traditionnels et les secteurs correspondants de l’économie du partage/à la demande, tout en réduisant les risques de charge administrative ainsi que les coûts de respect des obligations fiscales. Ces mesures visent essentiellement à gérer le nombre de nouveaux acteurs économiques entrant dans le système de TVA/TPS, ainsi qu’à simplifier le respect des obligations de conformité pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande, notamment en tirant parti des opportunités offertes par la technologie pour faciliter la déclaration et la collecte de la TVA/TPS. Elles sont analysées plus en détail à la section 3.2, et incluent :

    • la détermination du seuil d’assujettissement à et/ou de collecte de la TVA/TPS ;

    • la conception de régimes d’imposition forfaitaire pour déterminer l’exigibilité de la TVA/TPS ;

    • la simplification de la comptabilité et de la déclaration ;

    • la mise en œuvre de mécanismes de collecte de la TVA/TPS par paiement scindé/retenue à la source ;

    • le recours à la technologie pour faciliter l’administration de la TVA/TPS et simplifier le respect des obligations ;

    • la mise en place d’obligations déclaratives pour les tiers ;

    • la mise en œuvre d’activités d’éducation ou d’autres activités de sensibilisation des assujettis.

  • Des mesures ciblant plus spécifiquement les plateformes numériques au regard de leur rôle important pour générer et faciliter les activités de l’économie du partage/à la demande :

    • informer les fournisseurs sous-jacents sur leurs obligations en matière de TVA/TPS ;

    • fournir des données à l’administration fiscale afin de permettre à celle-ci de surveiller l’économie du partage/à la demande, de faciliter le respect des obligations et l’administration et/ou de gérer les risques liés à la conformité ;

    • assurer la collecte de la TVA/TPS et/ou assumer une responsabilité à l’égard de la TVA/TPS sur les transactions de l’économie du partage/à la demande qu’elles facilitent.

Ces mesures relatives aux rôles que peuvent jouer les plateformes de l’économie du partage/à la demande sont examinées plus en détail à la section 3.3. Cette section porte exclusivement sur les plateformes qui facilitent les transactions entre les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande et leurs clients, mais qui, en vertu des règles normales de TVA/TPS, n’ont pas l’obligation de déclarer ou payer la TVA/TPS sur ces transactions (c’est-à-dire qu’elles agissent en qualité d’agent). Elle ne concerne pas les plateformes de l’économie du partage/à la demande qui sont déjà soumises à des obligations de déclaration et/ou de paiement de la TVA/TPS sur les fournitures de l’économie du partage/à la demande, notamment parce que, en vertu des règles normales, ces plateformes sont considérées comme le redevable de la TVA/TPS sur ces opérations. Elle ne se rapporte pas non plus aux obligations normales en matière de TVA/TPS auxquelles sont soumises les plateformes numériques en ce qui concerne les commissions ou redevances qu’elles perçoivent pour leurs activités auprès des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande, des utilisateurs ou des deux. Cette section s’appuie sur le rapport publié en 2019 sur le rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne, qui met en lumière les différences de fonctionnement possibles entre les différentes plateformes de l’économie du partage/à la demande, ainsi que l’impact de ces différences sur leur rôle potentiel pour appuyer la conformité à la TVA/¨TPS (OCDE, 2019[1]).

Comme expliqué au chapitre 2, il se peut qu’il n’y ait aucune raison ou justification valable expliquant la disparité de traitement en matière de TVA/TPS entre les activités de l’économie du partage/à la demande et les activités similaires ou identiques de l’économie traditionnelle ou de l’économie collaborative au sens large, tout simplement parce que les activités de l’économie du partage/à la demande passent par un canal différent (numérique). La neutralité concurrentielle dans le domaine de la TVA/TPS pourra normalement être atteinte grâce à l’application des règles normales de TVA/TPS et des obligations de conformité aux fournisseurs de l’économie du partage/à la demande ainsi qu’aux fournisseurs opérant dans des circonstances similaires dans l’économie traditionnelle ou d’autres secteurs de l’économie collaborative.

Il est toutefois admis que les juridictions peuvent vouloir envisager de prendre des mesures spécifiques adaptées aux caractéristiques de l’économie du partage/à la demande (par exemple la technologie favorisant le respect des obligations) ou atteindre des objectifs politiques plus larges (par exemple la surveillance des développements du secteur), ce qui pourrait au final aboutir à un traitement fiscal différent. Dans la pratique, lors du développement de ses politiques relatives à l’économie du partage/à la demande, l’administration fiscale peut avoir besoin d’envisager un compromis adapté entre, d’une part, l’objectif visant à améliorer la conformité et le recouvrement des recettes dans l’économie du partage/à la demande et, d’autre part, les différences possibles dans le traitement en matière de TVA/TPS des opérateurs relevant de l’économie du partage/à la demande qui peuvent résulter de ces politiques (par exemple du fait de l’application d’un régime d'imposition forfaitaire). Identifier ce qui justifie les différences de traitement en matière de TVA/TPS, le cas échéant, est une tâche inévitablement difficile pour l’administration fiscale.1 Pour préserver l’intégrité globale de son système de TVA/TPS, l’administration fiscale a généralement tout intérêt à réduire la complexité, la charge administrative et les coûts du respect des obligations fiscales qui peuvent résulter de l’instauration de règles de TVA/TPS spécifiques pour l’économie du partage/à la demande, ainsi qu’à réduire la vulnérabilité de cette dernière à l’indiscipline et à l’évasion fiscales.

Le chapitre 4 du Rapport analyse un certain nombre d’approches basées sur les risques en matière de respect des obligations et d’application des règles que les administrations fiscales doivent prendre en compte pour garantir des niveaux de conformité appropriés avec les mesures examinées au chapitre 3.

Cette section examine un certain nombre d'options plus larges de politique fiscale et d'administration qui visent essentiellement à gérer le nombre de nouveaux acteurs économiques entrant dans le système TVA/TPS, et à simplifier les obligations de conformité pour les fournisseurs d'économie de partage / à la demande, notamment en utilisant les opportunités offertes par la technologie pour faciliter la déclaration et la collecte de la TVA/TPS. L'analyse pertinente repose sur la reconnaissance du fait que le statut TVA/TPS des fournisseurs d'économie de partage/à la demande et d'autres acteurs dans une juridiction donnée sera généralement déterminé sur la base des règles normales de TVA/TPS de cette juridiction, souvent au cas par cas à la lumière de faits et de circonstances spécifiques.

La plupart des régimes de TVA/TPS appliquent un ou plusieurs seuils, généralement destinés aux petites entreprises, en dessous desquels ces entreprises sont dispensées de l’obligation de facturer et payer la TVA/TPS sur leurs ventes, ainsi que des obligations de déclaration associées. Ces seuils sont généralement basés sur le chiffre d’affaires annuel. Pour faire simple, on peut distinguer deux catégories: les seuils d’assujettissement, qui dispensent une entreprise de s’assujettir à la TVA/TPS et de la collecter ; et les seuils de collecte, en vertu desquels une entreprise est tenue de s’enregistrer à la TVA/TPS même lorsque son chiffre d’affaires est inférieur au seuil, mais est dispensée de la collecte de la TVA/TPS tant que son chiffre d’affaires ne dépasse pas le seuil. Les seuils peuvent varier en fonction du secteur ou du type d’activité et du secteur.

L’impact sur la politique et l’administration de la TVA/TPS de l’essor de l’économie du partage/à la demande, notamment en ce qui concerne les recettes et la neutralité concurrentielle, est susceptible de dépendre considérablement de la politique de seuils d’un système de TVA/TPS :

  • une juridiction avec un seuil d’assujettissement à ou de collecte de la TVA/TPS relativement élevé (en général ou par secteur) peut en particulier être confrontée à une érosion de la base d’imposition à la TVA/TPS ainsi qu’à des pertes de recettes dans les secteurs pour lesquels l’essor de l’économie du partage/à la demande peut entraîner un transfert de l’activité depuis un nombre relativement réduit d’opérateurs économiques qui sont au-dessus du seuil (des hôtels, par exemple) vers une multitude de nouveaux opérateurs économiques relativement petits (comme des propriétaires de biens immobiliers proposés à la location à court terme) qui sont en dessous du seuil. Cela peut entraîner une augmentation rapide des pertes de recettes et des distorsions de concurrence, notamment lorsque les opérateurs s’organisent pour maintenir leurs activités en dessous du seuil afin de rester compétitifs.

  • une juridiction avec un seuil de TVA/TPS inexistant ou peu élevé peut avoir à faire face au défi administratif que représente l’entrée d’un grand nombre de nouveaux opérateurs économiques de petite taille dans le système de TVA/TPS du fait de l’essor de l’économie du partage/à la demande, lesdits opérateurs présentant souvent une capacité limitée à comprendre leurs obligations en matière de TVA/TPS et à les respecter (par exemple les travailleurs à la demande). Ce phénomène peut également entraîner une augmentation du nombre d’assujettis pouvant prétendre à la déduction de la TVA/TPS en amont (par exemple la TVA/TPS sur les frais de carburant des conducteurs dans le secteur du transport), avec la charge administrative importante et les risques potentiels en matière de recettes que cela représente, car les actifs utilisés (véhicules ou logements, par exemple) seront souvent également utilisés à des fins privées.

Les seuils peuvent ainsi s’avérer utiles pour aider les juridictions à gérer l’impact sur les recettes et l’administration de la TVA/TPS de l’essor de l’économie du partage/à la demande. Un seuil élevé peut contribuer à réduire la pression sur l’administration de la TVA/TPS due à l’entrée dans le système d’un grand nombre de nouvelles petites entreprises, avec des coûts et des risques de conformité qui peuvent s’avérer disproportionnés par rapport aux recettes de TVA/TPS générées. Pour les fournisseurs relevant de l’économie du partage/à la demande, cela permet d’éviter les coûts de respect des obligations fiscales en matière de TVA/TPS, qui peuvent souvent être disproportionnés par rapport à leur chiffre d’affaires. Un seuil relativement bas peut contribuer à limiter les risques d’érosion de la base d’imposition et de distorsion de la concurrence, mais également inciter les entreprises à formaliser leur activité. La conception de cet outil est donc un délicat exercice d’équilibre. Il n’existe pas de réponse unique à la question de savoir ce qu’est un « bon » seuil de TVA/TPS. Un certain nombre de facteurs doivent être pris en compte par une juridiction lors de la définition du seuil. Le niveau du seuil est généralement le résultat d’un compromis entre, d’une part, l’objectif de limiter les coûts administratifs et les coûts de conformité et, d’autre part, la nécessité de préserver les recettes et d’éviter toute distorsion de la concurrence.

Avant d’envisager d’utiliser les seuils de TVA/TPS en tant qu’outils permettant de gérer l’impact sur la TVA/TPS de l’essor de l’économie du partage/à la demande, les facteurs suivants doivent également être pris en compte :

  • les caractéristiques principales du secteur concerné de l’économie du partage/à la demande, en particulier sa taille, sa perspective de croissance et le profil type des (nouveaux) opérateurs économiques qui vont devenir actifs en tant que fournisseurs de l’économie du partage/à la demande. La réponse à ces questions peut aider à déterminer si les risques en matière de recettes et les risques de distorsion de la concurrence sont considérés comme suffisamment importants pour justifier une action politique, et dans quelle mesure un transfert de l’activité depuis les opérateurs économiques traditionnels vers les opérateurs de l’économie du partage/à la demande peut conduire à cette perte de recettes et à cette distorsion de concurrence, ainsi qu’à une augmentation de la pression sur l’administration fiscale. Par exemple, les résultats de cette analyse peuvent varier selon qu’il s’agit d’un secteur à forte intensité de main-d’œuvre qui nécessite des investissements limités (comme le « travail à la demande ») ou d’un secteur à plus forte intensité de capitaux (comme la location à court terme). Un secteur à forte intensité de main-d’œuvre est susceptible d’attirer un grand nombre de nouveaux opérateurs économiques potentiellement moins en mesure de respecter leurs obligations en matière de TVA/TPS et qui peuvent s’avérer plus difficiles à suivre pour les administrations. Dans un secteur à forte intensité de capitaux, les opérateurs économiques sont potentiellement moins nombreux et relativement plus faciles à suivre, et on peut supposer qu’ils sont davantage en mesure de respecter leurs obligations fiscales ;

  • la complexité du régime de TVA/TPS ainsi que les obligations de mise en conformité et les coûts associés pour les opérateurs de l’économie du partage/à la demande ;

  • la disponibilité d’un régime de comptabilité et de déclaration simplifié pour les petites entreprises, et notamment d’un régime simplifié pour le calcul de l’exigibilité de la TVA/TPS. De telles mesures de simplification pourraient par exemple justifier l’instauration d’un seuil relativement bas pour un secteur donné de l’économie du partage/à la demande ;

  • la capacité de l’administration fiscale à gérer et surveiller un (plus) grand nombre d’assujettis à la TVA/TPS, y compris les coûts d’administration liés à la supervision et à la collecte fiscales ;

  • le civisme fiscal des (petites) entreprises.

Il est donc évident qu’il appartient à chaque juridiction de déterminer le niveau du seuil en fonction de sa situation, en faisant potentiellement des compromis entre, d’une part, la volonté d’encourager les nouvelles activités économiques et de réduire la proportion de l’économie monétaire/informelle et, d’autre part, l’impact potentiel sur la concurrence dans des secteurs spécifiques. Dans ce contexte, les aspects suivants méritent d’être examinés plus en détail par les juridictions concernées :

  • Envisager d’appliquer un régime d’assujettissement volontaire aux petites entreprises, notamment des acteurs de l’économie du partage/à la demande, qui peuvent être désavantagés par l’exonération de TVA/TPS. Cela peut notamment s’appliquer aux entreprises qui souhaitent déduire la TVA/TPS sur leurs intrants et/ou qui traitent avec les clients assujettis à la TVA/TPS qui eux-mêmes souhaitent établir des contrats avec des fournisseurs assujettis à la TVA/TPS pour éviter l’effet de cascade en matière de TVA/TPS (cet effet de cascade peut amener des fournisseurs non assujettis à répercuter le coût de la TVA/TPS non déductible dans les prix facturés à leurs clients). La solution de l’assujettissement volontaire peut également stimuler et aider les entreprises à organiser leur activité dans l’optique de rapidement dépasser le seuil et donc d’élaborer immédiatement leurs procédures en matière de TVA/TPS). Cet assujettissement volontaire peut être autorisé à la condition que l’entreprise reste assujettie pendant une durée minimale afin d’éviter toute fraude à la TVA/TPS de la part de fournisseurs peu scrupuleux, qui peuvent s’assujettir et faire des demandes de remboursement sur une base ad hoc ;

  • Envisager la mise en œuvre de mesures anti-abus, par exemple pour lutter contre les opérateurs de l’économie du partage/à la demande qui répartissent artificiellement leurs activités entre un certain nombre de plateformes de l’économie du partage/à la demande ou autres canaux de distribution afin de rester en dessous du seuil. Ces mesures peuvent par exemple inclure la collecte et le recoupement des données issues des plateformes numériques ainsi que le recours à des solutions technologiques (voir l’analyse ci-dessous).

C’est souvent le chiffre d’affaires annuel qui est utilisé pour déterminer le seuil d’assujettissement à la TVA/TPS. Toutefois, une juridiction peut souhaiter déterminer le seuil en fonction du secteur et en se référant à des indicateurs (supplémentaires) types et considérés comme pertinents pour une activité donnée. Dans le secteur du logement, par exemple, ces indicateurs peuvent inclure le type de bien proposé à la location à court terme (par exemple une chambre dans une résidence principale ou un appartement entier). Dans le secteur du transport, le nombre de trajets par période spécifique (mois/année) peut être considéré comme un indicateur supplémentaire. Il est toutefois admis que ces types d’indicateurs d’activité par secteur peuvent accroître la complexité et rendre plus difficiles l’administration et le respect de la conformité.

Un seuil peut servir d’outil permettant à l’administration fiscale d’élargir ou de restreindre le nombre d’opérateurs de l’économie du partage/à la demande qu’elle accepte dans le système de TVA/TPS et/ou de les en exclure.2 Quand une juridiction choisit de faire entrer (une partie) des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande dans le système de TVA/TPS en mettant en place un seuil (bas), il se peut qu’elle doive envisager des solutions pour simplifier le respect des obligations en matière de TVA/TPS par les petites entreprises, notamment pour permettre une détermination simple de l’exigibilité de la TVA/TPS et faciliter le paiement de la TVA/TPS due. Les options politiques possibles pour permettre cette simplification et plus généralement pour améliorer l’administration de la TVA/TPS et le respect des obligations en la matière sont examinées dans les sections suivantes de ce chapitre.

Les programmes d’imposition forfaitaire de TVA/TPS peuvent être particulièrement utiles pour réduire la charge administrative liée à la TVA/TPS pour les (petites) entreprises éligibles, et ainsi permettre aux acteurs de l’économie du partage/à la demande d’entrer dans le système de TVA/TPS sans entraîner de coûts de mise en conformité et de complexité excessifs. Une caractéristique essentielle et pertinente des régimes d’imposition forfaitaire est le fait qu’ils permettent généralement de simplifier la comptabilité et le calcul de l’exigibilité de la TVA/TPS, notamment en éliminant la nécessité de déterminer la déductibilité de la TVA/TPS sur intrants individuels. Cela peut conduire à une simplification significative de la TVA/TPS pour les activités de l’économie du partage/à la demande, lesquelles impliquent souvent des actifs qui sont utilisés à des fins à la fois professionnelles et privées (par exemple véhicules, biens immobiliers). Cela entraîne souvent des difficultés, dans le cas des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande pour déterminer le bon montant de TVA/TPS déductible en amont, et dans le cas de l’administration fiscale pour contrôler que la TVA/TPS a été correctement déduite par un grand nombre d’entreprises relativement petites.

Les principales variantes des programmes d’imposition forfaitaire de TVA/TPS peuvent inclure :

  • Un régime de calcul simplifié du crédit d’impôt en amont, dans le cadre duquel les assujettis éligibles doivent facturer la TVA/TPS sur leurs ventes conformément aux dispositions habituelles en matière de TVA/TPS mais se voient accorder une déduction fixe de la TVA/TPS payée en amont du montant de la TVA/TPS due. Le montant de la TVA/TPS à acquitter à l’administration fiscale est ainsi calculé autrement que dans le cadre des règles normales (lesquelles exigent une compensation entre le montant de la TVA/TPS qui a effectivement été supportée sur les intrants des entreprises et la TVA/TPS collectée en aval). Cette approche réduit la charge administrative liée à la TVA/TPS pour les assujettis éligibles, car elle élimine la nécessité de déterminer la déductibilité de la TVA/TPS sur les éléments de charges individuels. Dans le cadre d’un régime de calcul simplifié du crédit d’impôt en amont, la définition du niveau de déduction fixe de la TVA payée en amont nécessite une réflexion approfondie afin d’éviter toute conséquence inattendue (par exemple un niveau trop élevé se traduisant par une aide financière pour les assujettis éligibles et une possible distorsion de la concurrence). Le niveau de la déduction fixe de la TVA/TPS en amont devra généralement être établi sur la base d’une analyse du secteur (moyennes sectorielles). Cette difficulté peut être moindre dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, où les montants de la TVA/TPS en amont déductible peuvent être moindres. Dans les cas où une entreprise approvisionne généralement d’autres entreprises assujetties à la TVA/TPS, qui peuvent prétendre à une déduction intégrale de la TVA/TPS acquittée en amont, l’administration fiscale devra examiner dans quelle mesure l’application du régime de calcul simplifié du crédit d’impôt en amont a des conséquences excessives sur les recettes, étant donné que le montant global de la TVA/TPS déduite peut ne pas correspondre au montant de la TVA/TPS versée à l’administration fiscale.

  • L’application d’un taux de TVA/TPS spécifique (un « taux fixe ») sur les ventes des assujettis éligibles, en prenant en compte le droit (moyen) présumé de l’assujetti à bénéficier de la déduction de la TVA/TPS payée en amont. Dans le cadre de ce régime, les assujettis éligibles facturent la TVA/TPS à un taux spécifique (inférieur à la normale), mais ils ne pourront pas prétendre à une déduction de la TVA/TPS payée sur leurs intrants. Les taux fixes pour déterminer l’exigibilité de la TVA/TPS dans le cadre de ce régime d'imposition forfaitaire sont conçus pour refléter le taux de TVA/TPS effectif moyen dans les secteurs pertinents, en s’appuyant sur une estimation de la déduction moyenne de la TVA/TPS sur les intrants dans ces secteurs. La variation des taux fixes applicables sera notamment pertinente dans l’économie du partage/à la demande, où les activités à forte intensité de main-d’œuvre peuvent généralement être soumises à une TVA/TPS en amont moins élevée que les secteurs à forte intensité de capitaux (basés sur des actifs), ce qui pourrait potentiellement justifier l’application de taux fixes différents. La détermination de ces taux fixes nécessite une bonne compréhension de l’écosystème dans lequel opèrent ces acteurs de l’économie du partage/à la demande, et donc une consultation étroite des parties prenantes impliquées. Il est toutefois reconnu que la variation des taux d’imposition fixes entre les différents secteurs de l’économie du partage/à la demande peut créer des distorsions et des problèmes politiques dans les cas où un fournisseur de l’économie du partage/à la demande est impliqué dans plusieurs activités qui peuvent être soumises à différents taux fixes.

  • Un régime forfaitaire, dans le cadre duquel l’exigibilité à la TVA/TPS des assujettis éligibles est déterminée sur une base forfaitaire plutôt qu’en s’appuyant sur le processus normal basé sur les transactions réelles des assujettis. Ce régime de paiement forfaitaire se fonde uniquement sur un certain nombre d’indicateurs spécifiques par type de marchandise, par exemple le type de biens immobiliers proposés à la location à court terme, le nombre de trajets effectués, etc.

  • L’application d’un régime de remboursement de la TVA/TPS payée en amont/de récupération de la TVA/TPS via la déclaration de revenus du fournisseur. Dans le cadre de ce régime, les assujettis facturent le taux de TVA/TPS normal sur leurs transactions, mais le crédit sur/la déduction de la TVA en amont est calculé(e) en se basant sur les charges fiscales (majorées) déclarées par les assujettis via leurs déclarations de revenus, c’est-à-dire que ces charges majorées servent de base/de variable indicative pour la récupération de la TVA/TPS. Cela pourrait être étayé par l’utilisation des taux standard du marché pour déterminer le taux de remboursement majoré correct. Cette approche peut permettre de simplifier le respect des obligations en matière de TVA/TPS pour les fournisseurs éligibles et les inciter davantage à remplir leurs déclarations de revenus pour bénéficier du remboursement de leur TVA/TPS en amont. Elle peut ainsi encourager l’engagement des fournisseurs vis-à-vis du système fiscal en général et améliorer l’intégrité de celui-ci.

Ces régimes ont le potentiel de simplifier la mise en conformité pour les petits opérateurs de l’économie du partage/à la demande, tout en améliorant la neutralité concurrentielle en les faisant entrer dans le système de TVA/TPS et en les obligeant à appliquer à leurs ventes le taux normal de TVA/TPS. Il est toutefois possible que la neutralité ne puisse pas être entièrement atteinte dans le cadre des variantes « à taux fixe » et « forfaitaire » du régime d'imposition forfaitaire, dans la mesure où les acteurs non éligibles qui exercent des activités économiques similaires devront facturer le taux de TVA/TPS (très probablement plus élevé) qui s’applique normalement à cette activité. Ces variantes peuvent toutefois refléter un compromis entre, d’une part, faire entrer les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande dans le système de TVA/TPS et, d’autre part, réduire la charge administrative pour les micro-entreprises et les PME. Il est possible d’améliorer la neutralité en permettant à toutes les entreprises qui exercent des activités économiques équivalentes (acteurs traditionnels, mais également relevant de l’économie du partage/à la demande) et qui répondent aux critères pertinents d’accéder à ces régimes.

Une juridiction peut également envisager de coupler l’utilisation d’un régime d'imposition forfaitaire avec un rôle de collecte et/ou de responsabilité quant à la TVA/TPS dévolu à des autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement de l’économie du partage/à la demande (par exemple les plateformes numériques), le cas échéant (voir les points 3.2.4, 3.3.6 et 3.3.7).

Le chiffre d’affaires (par exemple celui de l’exercice précédent) est le critère le plus courant pour déterminer l’éligibilité à un régime d'imposition forfaitaire. Sa capacité d’attraction dépendra du fait que la quasi-totalité des assujettis concernés aient une idée générale de la valeur attendue de ses activités, le rendant ainsi relativement facile à utiliser et à respecter. Même si d’autres indicateurs spécifiques peuvent également être pris en compte pour déterminer l’éligibilité à un régime d'imposition forfaitaire (par exemple le type de propriétés proposées à la location à court terme, le nombre de trajets effectués, etc.), il est admis que ces indicateurs peuvent contribuer à augmenter la complexité ainsi que la charge administrative associée.

Ces régimes pourraient être considérés comme des régimes d’adhésion. Certaines entreprises peuvent préférer déclarer avec précision la TVA/TPS qu’elles ont effectivement encourue en vertu des règles normales, notamment dans les cas où un investissement initial élevé est nécessaire pour une activité de l’économie du partage/à la demande (par exemple quand les plateformes demandent aux chauffeurs d’utiliser des véhicules relativement neufs qui répondent à des normes spécifiques), ou encore quand elles opèrent principalement pour des clients professionnels. Elles peuvent choisir d’appliquer le régime normal plutôt qu’un régime d’imposition forfaitaire. Il est nécessaire de faire preuve de prudence pour éviter toute utilisation abusive des régimes d’adhésion par des fournisseurs peu scrupuleux qui peuvent utiliser ces régimes sur une base ad hoc pour obtenir des avantages injustifiés. C’est pour cette raison qu’une mesure possible pour lutter contre ces utilisations abusives peut consister à imposer une durée minimale pendant laquelle les assujettis qui ont opté pour un régime doivent le conserver.

Si les régimes d’imposition forfaitaire, qui associent simplification, flexibilité des taux fixes variables et indicateurs par secteur/activité, peuvent sembler intéressants pour faciliter la mise en conformité dans un environnement en constante évolution comme celui de l’économie du partage/à la demande, il convient de faire preuve d’une grande prudence afin de s’assurer que ces régimes ne réduisent pas l’intégrité du système fiscal en créant des risques supplémentaires d’évasion fiscale et/ou en générant des charges liées à la l’administration et à la mise en conformité. En effet, la nécessité pour une entreprise de contrôler le respect des critères d’éligibilité, de comprendre les différentes règles applicables et d’évaluer en permanence les avantages des régimes simplifiés par rapport au régime normal pourrait générer de la complexité qui viendrait contrebalancer les avantages liés à la simplification pour les assujettis éligibles. Les clients professionnels qui établissent des transactions avec des fournisseurs opérant dans le cadre d’un régime d’imposition forfaitaire peuvent également être concernés par cette complexité et être confrontés à des coûts supplémentaires de mise en conformité, car les montants de la TVA/TPS déductible sur les fournitures concernées varieront selon le taux de TVA/TPS qui s’applique dans le cadre du régime d’imposition forfaitaire du fournisseur. Les clients professionnels peuvent rencontrer des difficultés à adapter leurs systèmes de comptabilité pour faire face à cette complexité et choisir de ne pas établir de contrats avec des fournisseurs opérant dans le cadre d’un régime d’imposition forfaitaire. Il est donc important de contrôler régulièrement l’efficacité des régimes d’imposition forfaitaire de TVA/TPS et de consulter les secteurs impliqués afin de s’assurer de bien comprendre les tendances émergentes, les opportunités et les difficultés liées à leur fonctionnement.

Cette section décrit un certain nombre d’options supplémentaires à prendre en compte par l’administration fiscale pour simplifier l’administration de la TVA/TPS et le respect des obligations en la matière afin de permettre aux nouvelles et souvent petites entreprises opérant dans l’économie du partage/à la demande d’entrer dans le système de TVA/TPS. Ces mesures visent principalement à rendre les procédures de conformité fiscale plus simples et plus transparentes. La simplification des obligations en matière de mise en conformité peut être un moyen efficace de faire respecter ces obligations, en particulier pour les petites entreprises qui peuvent être moins en mesure de le faire.

Les juridictions sont invitées à recourir à la technologie pour faciliter l’assujettissement. Cela peut inclure la possibilité pour les assujettis de gérer leur assujettissement en ligne via un portail web unique ; le fait de limiter les documents papier demandés ; et la mise à disposition d’une assistance en ligne aux assujettis. Dans le cadre d’une approche pangouvernementale, l’assujettissement à la TVA/TPS pourrait être intégré au processus d’assujettissement d’autres organismes/entités publics (une approche de « guichet unique », avec un seul système d’assujettissement remplissant plusieurs objectifs).

Les mesures visant à simplifier la comptabilité et la déclaration que les juridictions peuvent vouloir envisager sont notamment les suivantes :

  • limiter les obligations en matière de déclaration et de tenue de comptabilité imposées aux assujettis à ce qui est strictement nécessaire pour calculer l’exigibilité de la TVA/TPS finale ;

  • limiter l’obligation des assujettis de produire des factures normales, sauf dans les cas où le client en fait la demande expresse ;

  • réduire les exigences en matière de fréquence de dépôt. La réduction de la fréquence à laquelle la TVA/TPS doit être déposée et payée est susceptible de réduire les coûts de mise en conformité et de soutenir la trésorerie des assujettis éligibles. Il est toutefois admis que la réduction de la fréquence de dépôt et de paiement (sur une base annuelle, par exemple) peut augmenter le risque que l’assujetti ne soit pas en capacité de s’acquitter d’un montant élevé de TVA/TPS, et donc qu’une analyse régulière du profil de risque des contribuables pourrait être utile dans le cadre de cette approche ;

  • Autoriser l’utilisation facultative de régimes de comptabilité de caisse, c’est-à-dire des régimes qui permettent aux assujettis de reporter les paiements de la TVA/TPS jusqu’à ce qu’ils aient encaissé le paiement de leurs clients. Ces régimes peuvent contribuer à soutenir la trésorerie des assujettis tout en simplifiant la comptabilité de leur TVA/TPS et en fournissant un mécanisme d’allégement fiscal pour créance douteuse. Ils s’accompagnent souvent d’une restriction sur la déduction de la TVA payée en amont jusqu’à ce que la TVA/TPS en amont due ait été acquittée, ce qui en fait une solution moins intéressante dans certains cas. Il est admis que ces régimes peuvent être moins pertinents pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande, dans laquelle le paiement est souvent effectué au moment même de la prestation (voire avant) ou peu de temps après ;

  • faciliter l’utilisation de logiciels de déclaration fiscale et de comptabilité par les assujettis. La mise en place de processus électroniques de déclaration et/ou de facturation peut permettre de bénéficier d’une précision et d’une efficacité accrues par rapport aux processus papier, en particulier quand ces solutions peuvent être utilisées pour faciliter et simplifier la mise en conformité fiscale. La familiarité supposée des acteurs de l’économie du partage/à la demande avec la technologie, ainsi que l’accès à cette technologie dont ils peuvent bénéficier via les plateformes de l’économie du partage par lesquelles passent leurs activités, peuvent créer d’importantes opportunités pour l’utilisation des logiciels de comptabilité et de déclaration dans le but de faciliter la mise en conformité avec les obligations en matière de TVA/TPS. Cela peut inclure l’utilisation d’un logiciel de comptabilité permettant aux micro et petites entreprises d’enregistrer leurs transactions Business-to-Consumer (B2C) en ligne et en temps réel, ainsi que de générer des déclarations de revenus préremplies. Ces solutions peuvent également inclure des caisses enregistreuses virtuelles à bas coût nécessitant une infrastructure informatique de base, par exemple uniquement un téléphone mobile (un appareil dont disposent souvent les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande). Le rapport du Forum de l’OCDE sur l’administration fiscale intitulé Implementing Online Cash Registers: Benefits, Considerations and Guidance présente un grand intérêt dans ce contexte et fournit d’autres informations utiles à prendre en compte par les juridictions concernées (OECD, 2019[2]).

Concernant le développement de ces logiciels, il sera généralement utile d’établir une coopération étroite avec les développeurs et éditeurs de logiciels afin de déterminer les informations requises et d’identifier les exigences des règles fiscales qui doivent être intégrées aux logiciels à utiliser par les assujettis.

Ces logiciels de comptabilité peuvent permettre de préremplir les déclarations (simplifiées) de TVA/TPS et les listes des transactions à envoyer à l’administration fiscale, et donc de gagner en productivité et en exactitude. Compte tenu des avantages potentiels de ces logiciels et de la réduction des coûts de mise en conformité associés pour les assujettis ayant une capacité limitée à respecter leurs obligations, les juridictions peuvent envisager de les mettre gratuitement à la disposition des assujettis afin de favoriser et d’encourager leur utilisation.

Les expressions « paiement scindé » et « retenue à la source » sont utilisées indifféremment dans cette section pour désigner un mécanisme de collecte par lequel la TVA/TPS due sur une transaction de l’économie du partage/à la demande est collectée/retenue à la source par une autre partie de la chaîne d’approvisionnement pour le compte du fournisseur sous-jacent de services de partage/à la demande concerné.

Cette section examine la mise en application d’un mécanisme de collecte par paiement scindé/retenue à la source impliquant (i) des intermédiaires financiers et (ii) le client professionnel dans une chaîne d’approvisionnement de l’économie du partage/à la ressource.

Dans le cadre d’un mécanisme de collecte par paiement scindé/retenue à la source impliquant des intermédiaires financiers3 issus de la chaîne d’approvisionnement de l’économie du partage/à la demande, il est demandé à ces derniers de scinder/retenir à la source la TVA/TPS due sur le prix total payé par le client au fournisseur pour une prestation au titre de l’économie du partage/à la demande au moment du traitement du paiement.

Ce régime peut sembler être une approche intéressante, et ce pour un certain nombre de raisons. Il peut contribuer à simplifier la comptabilité de la TVA/TPS pour les assujettis, particulièrement dans les cas où les transactions sont effectuées par voie numérique (par exemple commande et paiement en ligne pour un service de transport). Pour l’administration fiscale, il réduit les risques de pertes de recettes de TVA/TPS dues au non-respect des obligations, à la fraude ou à l’insolvabilité, car ce ne sont pas les assujettis qui gèrent la TVA/TPS. Diverses difficultés et faiblesses systémiques ont toutefois été identifiées, qui peuvent limiter considérablement l’efficacité ou même la faisabilité opérationnelle de ce régime. Ces difficultés sont notamment les suivantes :

  • Les intermédiaires financiers peuvent ne pas disposer de toutes les informations nécessaires pour remplir correctement l’obligation de paiement scindé ou de retenue à la source. Cela inclut notamment les informations relatives au taux de TVA/TPS pour les juridictions qui appliquent plusieurs taux ; les éventuelles exemptions ; les informations détaillées sur le calcul des prix ; si un paiement est soumis à l’obligation de paiement scindé/de retenue à la source (par exemple parce que le destinataire du paiement n’est pas la personne redevable de la TVA/TPS). En outre, un intermédiaire financier ne sera généralement pas en capacité de traiter les aspects liés à la TVA/TPS d’un remboursement intégral ou partiel. Pour remédier à ces difficultés, le fournisseur de l’économie du partage/à la demande (ou la personne redevable de la TVA/TPS) aurait besoin d’utiliser un compte bancaire dédié pour ses activités liées à l’économie du partage/à la demande, en partant du principe que tous les paiements effectués sur ce compte sont soumis à l’obligation de paiement scindé/de retenue à la source à un taux de TVA/TPS donné. Les plateformes de l’économie du partage/à la demande peuvent conditionner leur accès par les fournisseurs à l’utilisation de ce compte bancaire dédié afin de s’assurer que lesdits fournisseurs respectent leurs obligations en matière de TVA/TPS.

  • Étant donné qu’il arrive souvent que plusieurs intermédiaires financiers soient impliqués dans les chaînes d’approvisionnement de l’économie du partage/à la demande (société de carte de crédit, prestataire de services de paiement, banque du client, banque du fournisseur, etc.), il sera souvent difficile pour chacun de ces intermédiaires de savoir s’il est ou non soumis à une obligation de paiement scindé/de retenue à la source. Il sera nécessaire de définir des règles claires à cet égard, ce qui va inévitablement contribuer à augmenter encore la complexité.

  • L’administration fiscale doit pouvoir accéder aux informations afin de contrôler le respect de l’obligation de paiement scindé ou de retenue à la source, ainsi que pour s’assurer du bon traitement de TVA/TPS des transactions qui ne sont pas concernées par le régime de paiement scindé/de retenue à la source (par exemple parce que d’autres mécanismes de paiement ont été utilisés) et des remboursements de la TVA/TPS pour les transactions annulées ou remboursées. L’administration fiscale peut avoir besoin de s’adresser à la plateforme de l’économie du partage/à la demande ou à d’autres parties pour se faire une idée complète de la situation en ce qui concerne le respect des obligations.

  • Les assujettis peuvent rencontrer des difficultés pour adapter leur déclaration de TVA/TPS ainsi que le calcul de l’exigibilité de la TVA/TPS en ce qui concerne les transactions pour lesquelles la TVA/TPS a déjà été versée à l’administration fiscale via le régime de paiement scindé/de retenue à la source. Les assujettis peuvent être dispensés de l’obligation de déclarer les transactions soumises au régime de paiement scindé/de retenue à la source, mais cela risque de limiter l’accès de l’administration fiscale aux informations potentiellement nécessaires pour garantir un suivi et une vérification appropriés (voir paragraphe précédent). Les administrations fiscales vont devoir travailler en étroite collaboration avec les développeurs de logiciels de comptabilité afin de garantir le bon traitement des aspects de TVA/TPS concernés pour les transactions soumises à un régime de paiement scindé/de retenue à la source.

  • Un mécanisme de paiement scindé/de retenue à la source réduit le montant de la TVA/TPS en aval de l’assujetti, ce qui peut s’avérer problématique pour les assujettis qui supportent régulièrement une TVA/TPS en amont déductible. Étant donné qu’il y aura moins de TVA/TPS en aval pour compenser la TVA/TPS en amont déductible, ces assujettis peuvent se retrouver en situation de crédit d’impôt structurel. Il peut en résulter des pressions de trésorerie particulièrement difficiles à supporter pour les opérateurs de l’économie du partage/à la demande. Ces conséquences négatives pourraient être atténuées en limitant l’obligation de paiement scindé/de retenue à la source à une partie seulement du montant de la TVA/TPS, de sorte qu’une part de la TVA/TPS en aval puisse toujours être utilisée par le fournisseur pour compenser la TVA/TPS en amont déductible, mais cela présenterait l’inconvénient de complexifier encore davantage le système.

  • Les coûts de mise en conformité et les risques associés peuvent être considérables pour les intermédiaires financiers, une situation qui peut se répercuter sur les opérateurs et les clients de l’économie du partage/à la demande.

  • Un régime de paiement scindé/de retenue à la source est susceptible d’encourager le recours à des solutions de paiement alternatives qui ne font pas partie du système bancaire traditionnel et/ou national (le cas échéant), et qui peuvent échapper à l’obligation de collecte qui est généralement imposée aux banques nationales et autres intermédiaires se trouvant dans la juridiction d’imposition. Il peut également encourager le recours au paiement en liquide, qui reste la principale modalité de paiement dans plusieurs juridictions (notamment dans les économies en développement).

  • Ce régime peut avoir un impact pour les clients, qui peuvent notamment rencontrer des difficultés pour se faire rembourser intégralement en cas d’erreurs ou de transaction annulée.

S’il apparaît clairement que le fonctionnement du paiement scindé/de la retenue à la source en tant que mécanisme de collecte principal ne va pas sans difficultés, une juridiction peut souhaiter mettre en place un rôle de collecte pour les intermédiaires financiers comme solution de repli pour renforcer l’application des règles dans les cas où la personne qui est le principal redevable de la TVA/TPS ne respecte pas ses obligations en matière de TVA/TPS (voir le chapitre 4).

Les utilisateurs des services proposés dans le cadre de l’économie du partage/à la demande sont principalement des particuliers, comme expliqué au chapitre 1. Mais les clients professionnels utilisent également ces services, une tendance qui peut se renforcer avec le temps, alors que l’économie du partage/à la demande continue à se développer et à se démarquer. Dans ce contexte, les paragraphes ci-après examinent la possibilité de mise en application d’un régime de paiement scindé/de retenue à la source pour permettre aux clients professionnels de collecter la TVA/TPS sur les transactions réalisées dans le cadre de l’économie du partage/à la demande.

Dans le cadre de ce mécanisme, le client professionnel d’une transaction relevant de l’économie du partage/à la demande fait office d’agent chargé de la collecte du paiement scindé/de la retenue à la source en séparant le montant de la TVA/TPS due sur cette transaction du prix net au moment du paiement et en versant le montant de cette TVA/TPS à l’administration fiscale. Si le client est une entreprise entièrement assujettie à l’impôt, il est alors autorisé à déduire la TVA/TPS qu’il a scindée et versée à l’administration fiscale, conformément aux règles normales de TVA/TPS. Ce système est similaire à un mécanisme d’autoévaluation/d’autoliquidation, avec toutefois un certain nombre de différences. L’impact sur la trésorerie d’un régime de paiement scindé/de retenue à la source diffère en ce que le client professionnel verse effectivement la TVA/TPS due sur la transaction réalisée dans le cadre de l’économie du partage/à la demande à l’administration fiscale et la déduit séparément via sa déclaration de TVA/TPS (contrairement à ce qui se passe avec un régime d’autoévaluation/d’autoliquidation, où la TVA/TPS est normalement déclarée comme due et déductible dans la même déclaration). L'exigibilité de la TVA/TPS peut également être différente dans la mesure où, dans un régime de paiement scindé/de retenue à la source, elle reste normalement au niveau du fournisseur, tandis que dans un mécanisme d’autoévaluation/d’autoliquidation, elle relève du client professionnel.

Ce régime peut être particulièrement utile pour faciliter la mise en conformité des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande qui traitent principalement avec des clients professionnels. Il peut s’agir, par exemple, des livreurs de repas à domicile qui traitent directement avec des restaurants et/ou une plateforme numérique pour la livraison de nourriture ; ou encore des propriétaires de biens immobiliers (appartements, maisons) qui louent leurs biens directement à une chaîne d’hôtels, laquelle propose ensuite des séjours aux consommateurs finaux. Dans ces exemples, avec un régime de paiement scindé/de retenue à la source, il serait demandé au restaurant et à l’hôtel de fractionner/retenir à la source la TVA/TPS due sur la transaction conclue auprès du fournisseur de l’économie du partage/à la demande (le livreur de repas à domicile et le propriétaire du bien immobilier) et de la verser à l’administration fiscale. La fonction d’agent chargé de la collecte du paiement scindé/de la retenue à la source peut également être assurée par les plateformes numériques qui agissent en qualité de mandant dans une transaction réalisée dans le cadre de l’économie du partage/à la demande, c’est-à-dire qui reçoivent la marchandise ou la prestation du fournisseur de l’économie du partage/à la demande avant de la fournir au client final en leur nom propre.

Cette approche libère le fournisseur de l’économie du partage/à la demande de la charge de devoir collecter et verser la TVA/TPS sur ses transactions en transférant au client professionnel la responsabilité du paiement de la TVA/TPS. Elle peut généralement être considérée comme une solution réalisable et adaptée, car on peut supposer que les clients professionnels disposeront des informations nécessaires pour prendre la bonne décision d’imposition, et qu’ils gardent le contrôle sur le paiement. Il serait raisonnable de renforcer la simplification de la mise en conformité pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande se trouvant sous ce régime en rendant les clients professionnels redevables de la TVA/TPS sur la transaction en lieu et place du fournisseur. Cela permettrait d’affranchir le fournisseur d’avoir à vérifier si le paiement de la TVA/TPS a bien été effectué par ses clients professionnels, condition qui détermine le respect de son assujettissement à la TVA/TPS.   

Cette approche du paiement scindé/de la retenue à la source peut être intéressante pour un certain nombre de raisons. Elle peut permettre de simplifier le respect des obligations en matière de TVA/TPS pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande qui peuvent avoir des capacités limitées en la matière, et ainsi augmenter les niveaux de conformité généraux pour l’administration fiscale. Elle facilite également la déduction de la TVA/TPS pour les clients professionnels (car ces derniers ont accès aux justificatifs nécessaires pour le paiement de la TVA/TPS), tout en réduisant les risques de fraude liés à la déduction de TVA/TPS non payée. Pour l’administration fiscale, les coûts associés à l’administration de la TVA/TPS et les risques de non-conformité sont réduits, car la TVA/TPS est collectée auprès d’un nombre relativement réduit d’entreprises qui sont généralement en mesure de respecter leurs obligations (par exemple les restaurants, les hôtels ou les plateformes), et non auprès d’un grand nombre de (souvent petits) fournisseurs de l’économie du partage/à la demande.

Avant d’envisager de mettre en œuvre un régime de paiement scindé/de retenue à la source, l’administration fiscale peut avoir intérêt à prendre en compte les aspects suivants :

  • Si on peut généralement partir du principe que les clients professionnels ont accès à toutes les informations nécessaires pour remplir leurs obligations de paiement scindé/de retenue à la source et qu’ils sont en mesure de respecter cette obligation, ce n’est pas toujours le cas, notamment pour les petites entreprises et les entreprises non résidentes. L’administration fiscale peut donc envisager d’exclure les petites entreprises et les entreprises non résidentes de l’obligation de paiement scindé/de retenue à la source.

  • Des règles claires seront nécessaires pour permettre aux clients professionnels d’identifier facilement les transactions pour lesquelles ils sont soumis à une obligation de paiement scindé/de retenue à la source, ainsi que de distinguer ces transactions de celles qui n’entrent pas dans le champ d’application. Cela peut notamment nécessiter d’identifier clairement les secteurs ou les catégories de transactions qui entrent dans le champ d’application du régime de paiement scindé/de retenue à la source.  

  • Un mécanisme de paiement scindé/de retenue à la source réduit le montant de la TVA/TPS en aval pour les fournisseurs qui sont placés sous ce régime, abaissant ainsi le montant de la TVA/TPS par rapport auquel la TVA/TPS en amont déductible peut être créditée. Il peut en résulter des pressions de trésorerie pour les très petites entreprises qui supportent régulièrement une TVA/TPS en amont déductible. L’administration fiscale peut envisager des moyens de garantir un processus simple et rapide pour rembourser ces excédents de TVA/TPS en amont.

  • La conformité à un régime de paiement scindé/de retenue à la source peut être encore davantage simplifiée en associant à ce régime des obligations simplifiées en matière de comptabilité et de déclaration pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande (voir la section 3.2.3 ci-dessous) et/ou un régime d’imposition forfaitaire (qui élimine la nécessité pour les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande d’établir une demande de déduction de la TVA/TPS en amont pour les éléments de charges individuels).

La technologie fait partie intégrante de l’économie du partage/à la demande. La section 3.2.3. a examiné le rôle de la technologie pour promouvoir et faciliter le respect des obligations, notamment grâce à l’utilisation de logiciels fiscaux et de processus numériques d’assujettissement et de déclaration. Cette section s’intéresse plus particulièrement à l’utilisation de la technologie pour la collecte des données par l’administration fiscale, l’objectif étant d’améliorer la gestion des risques de conformité et de faciliter le respect des obligations pour les acteurs de l’économie du partage/à la demande.

Les technologies de l’information peuvent être utilisées pour faciliter la collecte des données et ainsi appuyer l’administration de la TVA/TPS et la gestion des risques au sein de l’économie du partage/à la demande. De nombreuses techniques informatiques sont disponibles pour les administrations de la TVA/TPS, comme les outils de web scraping ou de web crawling qui permettent de surveiller l’économie du partage/à la demande. Ces outils peuvent être utilisés par les administrations fiscales pour rechercher sur Internet les sites qui proposent ou font la promotion des activités de l’économie du partage/à la demande ou pour extraire (« scrape ») des informations relatives à la TVA/TPS d’un certain nombre de sources publiques (y compris de sites gérés par des plateformes de l’économie du partage/à la demande). Ces outils peuvent être développés ou personnalisés en interne afin de prendre en compte les caractéristiques spécifiques des données à collecter sur certaines plateformes ou auprès de tiers. Ces données collectées sur Internet peuvent inclure des informations sur les transactions individuelles, notamment l’identité d’un fournisseur de l’économie du partage/à la demande, ou encore des coordonnées telles qu’un numéro de téléphone ou une adresse électronique, qui permettent à l’administration fiscale d’identifier les fournisseurs (par exemple en procédant à la vérification automatique du numéro de téléphone dans des annuaires téléphoniques).

Ces données peuvent être utilisées dans le cadre d’un certain nombre d’actions menées par l’administration, notamment :

  • le suivi du développement de l’économie du partage/à la demande, y compris l’émergence de nouveaux secteurs, l’évolution des secteurs existants et de leurs modèles d’activité, ainsi que les risques associés en matière de respect des obligations et de recettes ;

  • le renforcement de la capacité d’analyse des risques en matière de TVA/TPS liés à l’économie du partage/à la demande via le recours à l’analyse de données, notamment pour identifier les assujettis et/ou les segments d’assujettis qui peuvent avoir besoin d’une approche ciblée ;

  • l’analyse de l’impact des évolutions de la politique fiscale sur le respect des obligations et le comportement des assujettis, par exemple les changements apportés aux seuils d’assujettissement ou de collecte, ou encore à la fréquence de dépôt de la déclaration et de paiement de la TVA/TPS ;

  • le lancement de campagnes d’information visant à renforcer le respect volontaire des obligations par les opérateurs de l’économie du partage/à la demande, y compris en entrant directement en contact avec les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande (par exemple via des lettres, des messages électroniques ou les réseaux sociaux). Concernant l’utilisation de la technologie à l’appui de l’éducation et de la diffusion des informations visant à promouvoir le respect des obligations, voir la section 3.2.7 ci-dessous.

Il convient de mettre en lumière un certain nombre de difficultés et de limites associées à la collecte de ces données, à leur qualité et à leur utilisation par l’administration fiscale, en particulier :

  • l’administration fiscale peut ne pas avoir accès aux informations relatives à la TVA/TPS tant que la transaction n’a pas eu lieu (par exemple, l’adresse d’un bien immobilier proposé à la location à court terme peut ne devenir disponible qu'une fois qu’une réservation a été effectuée via une plateforme de réservation) ;

  • l’administration fiscale peut ne pas être en mesure d’utiliser immédiatement les données collectées sur Internet, mais il lui faudra avant tout vérifier leur fiabilité et les transformer en un ensemble de données présentant la bonne structure pour soutenir l’analyse des données (notamment avec la possibilité d’identifier les assujettis uniques), et enfin s’assurer, le cas échéant, que ces données sont stockées de façon sécurisée. Ces processus impliquent de recruter et former du personnel compétent, et ils peuvent demander beaucoup de ressources ;

  • les outils de web scraping utilisés pour extraire les informations des sites Internet et des plateformes peuvent avoir besoin d’être adaptés pour chaque site ou plateforme. Les difficultés rencontrées peuvent inclure l’utilisation par les plateformes ou les sites de techniques (par exemple les mécanismes « captcha ») visant à empêcher l’extraction automatique des informations par leurs concurrents, ainsi que de techniques permettant de protéger l’identité des fournisseurs à l’origine des offres disponibles sur leur plateforme.

Pour faire face à ces difficultés et limites, l’administration fiscale est invitée à consulter les plateformes de l’économie du partage/à la demande et d’autres parties prenantes susceptibles de détenir des informations utiles (par exemple les intermédiaires financiers) dans le but d’améliorer le potentiel et l’efficacité de la collecte de données basée sur la technologie. Il peut également s’agir de consulter les développeurs et les éditeurs des logiciels fiscaux et de comptabilité (lesquels peuvent être certifiés par l’administration fiscale) pour s’assurer que les données relatives à la TVA/TPS sont structurées de façon à permettre la transmission directe à l’administration fiscale sans qu’aucune manipulation supplémentaire soit nécessaire, ou encore que ces données peuvent être collectées directement par l’administration fiscale depuis les systèmes des assujettis, par exemple au moyen d’une API (Application Programming Interface).

Dans l’ensemble, les nouvelles technologies informatiques peuvent faciliter la transition entre les processus traditionnels de déclaration et d’évaluation et des outils davantage axés « compliance-by-design » (conformité dès la conception)4, qui présentent un excellent potentiel pour faciliter la conformité et l’administration tout en réduisant drastiquement les opportunités de non-respect des obligations.

La section 3.2.5. examine la possibilité d’utilisation de la technologie par l’administration fiscale pour collecter les données relatives à la TVA/TPS sur Internet afin d’améliorer la gestion des risques de non-respect des obligations au sein de l’économie du partage/à la demande et de faciliter le respect des obligations pour les acteurs de l’économie du partage/à la demande. Le chapitre 4 analyse plus en détail le rôle des données à l’appui du suivi de l’application des règles et du respect des obligations.

Cette section s’intéresse de façon plus poussée à la possibilité pour l’administration fiscale de collecter des informations via une obligation de déclaration imposée à d’autres parties prenantes des chaînes d’approvisionnement de l’économie du partage/à la demande que les personnes qui sont responsables de la collecte et du paiement de la TVA/TPS sur une transaction réalisée dans le cadre de l’économie du partage/à la demande.

Ces tiers qui participent aux activités de l’économie du partage/à la demande peuvent être les intermédiaires financiers, les plateformes de l’économie du partage/à la demande ou des parties agissant pour le compte d’un fournisseur de l’économie du partage/à la demande (par exemple des agents immobiliers qui administrent des biens immobiliers pour le compte de plusieurs propriétaires et qui peuvent passer des contrats directement avec les plateformes de l’économie du partage/à la demande). La section 3.3. de ce chapitre présente une analyse détaillée du rôle des plateformes de l’économie du partage/à la demande dans les stratégies de collecte des données de l’administration fiscale. Cela inclut notamment un examen détaillé de la dimension orientée TVA/TPS des Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande, qui ont été publiées par l’OCDE en 2020 (OCDE, 2020[3]).

Avant d’envisager de mettre en place des obligations de déclaration pour ces tiers, il est important que l’administration fiscale fasse l’inventaire des informations relatives à la TVA/TPS qui sont déjà disponibles via d’autres sources, en particulier les informations déclarées par les principaux acteurs de la chaîne d’approvisionnement de l’économie du partage/à la demande (fournisseurs et plateformes de l’économie du partage/à la demande), dont on peut supposer qu’ils sont les mieux placés pour fournir suffisamment d’informations exactes et pertinentes. (voir les éléments d’information disponibles à l’annexe D). Cela permettra de réduire les risques de duplication et la complexité dans le cadre des obligations de déclaration.

Les principes généraux de conception de la politique TVA/TPS suivants peuvent être utiles aux administrations fiscales lors de la conception éventuelle d’obligations d’information par des tiers dans l’économie du partage/à la demande :

  • La définition d’objectifs politiques clairs dans la dérermination du type et de la quantité de données à fournir. Ce point est essentiel pour assurer un fonctionnement efficace et proportionné des obligations de fourniture d’informations car il est reconnu que les nouvelles exigences en matière de déclaration des données ont un coût non seulement pour l’administration, mais également pour les tierces parties soumises à l’obligation de fournir les données ;

  • l’identification des sources de données adaptées :Il est important d’identifier les sources de données appropriées afin d’assurer la pertinence des données collectées et pour minimiser la charge administrative associée à cette collecte. A cette fin, les administrations peuvent explorer les opportunités de coopération et d’échange d’informations entres les agences publiques nationales afin de minimiser les risques de duplication inutile des demandes d’information ;

  • Consulter les parties prenantes concernées/impliquées (y compris les fournisseurs informatiques/logiciels) dès le début du processus afin de garantir une bonne compréhension de leurs processus commerciaux et des informations disponibles et de mettre en place l’environnement approiré (y compris des formats de rapport sécifiques) dans un et de manière proportionée) ;

  • Assurer des ressources humaines et techniques adéquates pour traiter en toute sécurité les (gros) volumes d’informations collectés et producire une analyse efficace en temps opportun ;

  • Développer un cadre juridicqe solide afin de garantir la compatibilité appropriées des règles de déclaration avec d’autres domaines réglementaires (par exemple, la protection des donnés / règles de confidentialité / la concurrence) et de soutenir leur fonctionnement et leur application efficaces ;

  • Tirer parti des solutions technologiques pour garantir la fiabilité des données transmises et de leur rapports en temps opportun tout en réduisant les coûts d’administration et de conformité. Cela inclut l’utilisation éventuelle d’interfaces de programmation d’applications (API) qui permettent aux systèmes de l’administration d’interagir numériquement avec les systèmes de tiers soumis à des obligations de déclaration ;

  • Maximiser la cohérence entre les jurisdictions en ce qui concerne les éléments d’information recueillis ainsi que les formats de rapport. Cela facilitera et améliorera la conformité, en particulier pour les tiers qui sont confrontés à des obligations de rapports multi-jurisdictionnelles, réduira les coûts de conformité et améliorera l’efficacité et la qualité des mécanismes de partage de l’information. Pour les autorités fiscales, la cohérence est également susceptible de soutenir uner cooérattion et une application internationales efficaces.

Comme expliqué au chapitre 1 de ce rapport, les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande peuvent souvent ne pas être pleinement conscients de leurs obligations fiscales et/ou avoir une capacité limitée à respecter ces obligations, car ils peuvent n’avoir qu’un accès partiel à des informations faciles à comprendre et à l’assistance de fiscalistes professionnels. Les actions de l’administration fiscale visant à sensibiliser les acteurs de l’économie du partage/à la demande et à les éduquer sur leurs obligations en matière de TVA/TPS et autres obligations fiscales sont par conséquent d'une grande importance pour promouvoir le respect volontaire des obligations.

Il est reconnu d’emblée que les outils pédagogiques fonctionnent mieux si les règles sont faciles à respecter pour les fournisseurs. Une juridiction peut donc avoir besoin de se concentrer en premier lieu sur la mise en œuvre de mesures de simplification, puis d’appuyer le fonctionnement de ces mesures par l’éducation et la communication.

La communication est essentielle pour permettre aux systèmes fiscaux de promouvoir le respect des obligations. Dans ce contexte, les stratégies de l’administration fiscale incluent généralement la publication d’informations pertinentes concernant les régimes fiscaux ainsi que de conseils relatifs aux obligations et à leur respect sur un site web dédié de l’administration fiscale, mais également des campagnes d’information ciblées, notamment sur les réseaux sociaux. L’administration fiscale peut envisager de créer des pages ou portails web dédié(e)s pour les opérateurs de l’économie du partage/à la demande, dont l’objectif serait de décrire les obligations en matière de TVA/TPS ainsi que les éventuels régimes de simplification disponibles. Les plateformes de l’économie du partage/à la demande pourraient publier des liens vers ces informations sur leur site web.

Les informations théoriques peuvent ne pas toujours suffire, en particulier dans le cadre de la communication avec les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande. Des efforts supplémentaires et ciblés de communication et de soutien ont été jugés efficaces pour sensibiliser et appuyer le respect des obligations. Il peut s’agir notamment de la publication de vidéos expliquant les procédures d’assujettissement et de respect des obligations pour la TVA/TPS ; de sessions de formation qui peuvent être organisées en coopération avec les plateformes de l’économie du partage/à la demande ; ainsi que d’une assistance téléphonique dédiée pour répondre à des questions spécifiques.

Les informations fournies par l’administration fiscale doivent bien évidemment être fiables, opportunes, facilement accessibles et simples à comprendre. L’expérience semble indiquer que l’impact et l’utilité des informations relatives à la TVA/TPS peuvent être considérablement renforcés en rendant ces informations disponibles non seulement dans la langue nationale, mais également dans les principales langues d’échange d’une juridiction. Cela peut par exemple faciliter l’éducation des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande au sujet de leurs obligations en matière de TVA/TPS par les plateformes de l’économie du partage/à la demande, qui sont souvent établies à l’étranger, et permettre à ces dernières d’aider les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande à respecter leurs obligations en matière de TVA/TPS pour les activités qu’ils exercent via leur plateforme.

Les plateformes numériques qui facilitent les activités de l’économie du partage/à la demande ont un rôle important à jouer dans ce contexte, qui est examiné plus en détail à la section 3.3.

Cette section du rapport s’intéresse aux rôles potentiels des plateformes numériques pour renforcer le respect par les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande des obligations en matière de TVA/TPS concernant leurs transactions réalisées dans le cadre de l’économie du partage/à la demande. Cette section examine donc les situations dans lesquelles, en vertu des règles normales de TVA/TPS, une plateforme de l’économie du partage/à la demande n’est pas redevable elle-même des obligations en matière de TVA/TPS concernant les activités de l’économie du partage/à la demande qui transitent par elle. Cette section ne s’applique pas aux plateformes qui sont considérées comme le prestataire d’une transaction réalisée dans le cadre de l’économie du partage/à la demande en vertu des règles de TVA/TPS d’une juridiction. Cette section s’applique aux plateformes de l’économie du partage/à la demande qui sont considérées comme agissant en qualité d’agent, y compris aux fins de la TVA/TPS, parce qu’elles rendent possible une interaction directe entre les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande et les utilisateurs à propos d’une transaction réalisée dans le cadre de l’économie du partage/à la demande qui est considérée comme ayant lieu entre ces deux parties. En contrepartie, cette plateforme de l’économie du partage/à la demande peut percevoir une rémunération/une redevance soit du fournisseur, soit de l’utilisateur, soit des deux.

Le rapport de l’OCDE sur le rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne publié en 2019 (rapport 2019 sur les plateformes numériques) a examiné un certain nombre de rôles possibles des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne (OCDE, 2019[1]). Ce rapport s’est intéressé en particulier aux ventes par commerce électronique de services et de produits numériques (streaming de musique et de films, logiciels, etc.), ainsi qu’aux ventes en ligne de marchandises (y compris l’importation de petits colis issus de ventes en ligne) (OCDE, 2019[1]). Ce rapport a également pointé le rôle prédominent des plateformes numériques pour l’essor de l’économie du partage/à la demande ainsi que la volonté de l’administration fiscale d’examiner le rôle potentiel des plateformes pour renforcer le respect des obligations en matière de TVA/TPS dans ce contexte (voir la section 1.3.3. du rapport 2019 sur les plateformes numériques) (OCDE, 2019[1]). Il a toutefois reconnu que l’économie du partage/à la demande était un phénomène relativement nouveau, qui évolue rapidement et présente des caractéristiques qui lui sont propres, et donc que des recherches et analyses supplémentaires étaient nécessaires pour étudier l’impact potentiel de son essor sur la politique et l’administration de la TVA/TPS avant de pouvoir tirer des conclusions sur le rôle possible des plateformes numériques pour traiter ces aspects liés à la TVA/TPS (OCDE, 2019[1]). Le rapport 2019 sur les plateformes numériques a donc conclu que des travaux supplémentaires sur l’économie du partage/à la demande seraient réalisés en tant que volet distinct, en concertation avec les parties prenantes de l’économie du partage/à la demande et en prenant en compte les conclusions et recommandations du rapport 2019 (OCDE, 2019[1]).

Le tableau 3.1. ci-dessous répertorie et décrit les principales similitudes et les spécificités de l’économie du partage/à la demande par rapport à l’économie des plateformes numériques au sens large, qui peuvent mériter un examen spécifique lorsqu’il s’agit d’évaluer les rôles potentiels des plateformes de l’économie du partage/à la demande pour la prise en compte des incidences sur la TVA/TPS de l’essor de l’économie du partage/à la demande.

Les différents rôles joués par les plateformes numériques à l’appui de la collecte de la TVA/TPS tels qu’ils sont identifiés dans le rapport 2019 sur les plateformes numériques sont examinés plus en détail dans cette section, à la lumière des spécificités de l’économie du partage/à la demande décrites ci-dessus (OCDE, 2019[1]). Les rôles suivants joués par les plateformes numériques pour faciliter et renforcer la conformité à la TVA/TPS dans l’économie du partage/à la demande seront plus particulièrement examinés :

  • éduquer les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande sur leurs obligations en matière de TVA/TPS ;

  • communiquer des données à l’administration fiscale pour faciliter le respect des obligations (par exemple en préremplissant les déclarations de TVA/TPS) et/ou éviter le non-respect des obligations par les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande ;

  • assumer une responsabilité concernant la collecte de la TVA/TPS sur les transactions de l’économie du partage/à la demande qu’elles facilitent.

Le tableau 3.2 ci-dessous présente ces rôles plus en détail, en se concentrant sur leurs caractéristiques principales et les éventuels objectifs politiques que chacun de ces rôles peut traiter. Chacun de ces rôles s’accompagne de ses propres difficultés et opportunités, qui sont examinées plus en détail dans la partie restante de cette section, avec des considérations plus générales en matière de conception.

Si l’ordre dans lequel ces rôles sont présentés et examinés dans cette section n’indique pas de préférence particulière ou de priorité, il repose en revanche sur un certain nombre de considérations, notamment :

  • l’éventualité que les juridictions choisissent d’adopter une approche graduelle en matière de politique de TVA/TPS ou une approche sectorielle différenciée, ce qui est susceptible d’avoir une influence sur le rôle potentiel des plateformes de l’économie du partage/à la demande à l’appui de cette politique ;

  • l’éventualité qu’une juridiction ne souhaite pas nécessairement collecter la TVA/TPS sur l’ensemble des activités de l’économie du partage/à la demande et souhaite d’abord, par exemple, surveiller ce développement de l’économie et examiner l’éventuelle nécessité d’actions politiques supplémentaires en matière de TVA/TPS ;

  • l’éventualité qu'une juridiction préfère limiter la charge administrative pour les plateformes numériques et/ou mettre en œuvre des rôles qui peuvent potentiellement s’appliquer à un plus grand nombre de plateformes ;

  • la capacité d’une juridiction à gérer la conformité à la TVA/TPS et sa collecte dans le cadre de l’économie du partage/à la demande en l’absence d’implication des plateformes de l’économie du partage/à la demande dans le processus de TVA/TPS.

Cette partie de l’analyse examine les rôles potentiels des plateformes qui permettent à des groupes de fournisseurs et d’utilisateurs de l’économie du partage/à la demande d’interagir directement et de réaliser des transactions grâce aux technologies avancées que fournissent ces plateformes. Elle s’intéresse plus particulièrement aux plateformes numériques ayant des fonctions dans l’économie du partage/à la demande, qui peuvent jouer un rôle essentiel pour faciliter et renforcer la conformité à la TVA/TPS pour les transactions de l’économie du partage/à la demande.

Dans cette optique, l’analyse se concentre sur les approches qu’une administration fiscale peut utiliser pour identifier les plateformes numériques auxquelles elle souhaite attribuer un rôle potentiel dans le cadre des procédures de conformité à la TVA/TPS. Pour ce faire, il est nécessaire de commencer par examiner ce dont une plateforme numérique a besoin pour pouvoir remplir un rôle spécifique, en fonction de l’objectif politique défini. Globalement, c’est souvent le modèle d’activité d'une plateforme numérique qui détermine si une plateforme numérique est en mesure de remplir un rôle spécifique, et à cet égard, il serait donc nécessaire de mener une analyse ciblée et de consulter chaque plateforme.

L’administration fiscale est invitée à publier des orientations claires concernant la portée du ou des régime(s) de TVA/TPS pour les plateformes numériques de l’économie du partage/à la demande dans leur juridiction. Ces orientations pourraient être fournies par référence aux fonctions exercées par les plateformes numériques, qui prennent en compte la capacité de ces plateformes à remplir un rôle spécifique (voir Annex E).

Il revient à l’administration fiscale de décider du niveau de détail qu’elle souhaite utiliser lorsqu’elle fournit des orientations/des indicateurs concernant l’inclusion des plateformes numériques dans la portée d’un rôle. Parmi les approches possibles, citons notamment l’utilisation de listes de fonctions qui sont considérées comme des indicateurs de la capacité d’une plateforme numérique à assumer un rôle spécifique (liste positive) ; et/ou de l’incapacité d’une plateforme numérique à assumer un rôle spécifique (liste négative). Le recours à des indicateurs détaillés pour justifier l’attribution ou non d’un rôle spécifique à une plateforme présente l’avantage de renforcer la certitude pour les plateformes numériques et l’administration fiscale. L’administration fiscale peut toutefois rencontrer des difficultés pour maintenir à jour ces indicateurs détaillés, compte tenu de l’évolution rapide des modèles d’activité de l’économie du partage/à la demande et des technologies de l’information et de la capacité qu’elle offre aux plateformes numériques de se conformer aux obligations en matière de TVA/TPS en vertu d’un rôle/régime spécifique. Il peut en résulter des règles du jeu inéquitables, car certaines plateformes numériques ne rentrent pas dans la portée d’un rôle selon les indicateurs définis par une administration fiscale, même si elles se trouvent en fait dans la même position que les plateformes qui rentrent dans le cadre de ce même rôle et si elles ont la capacité à l’assumer, par exemple via la mise en œuvre de nouvelles technologies qui ne sont pas encore prises en compte par ces indicateurs. Les mêmes considérations s’appliquent dans le cas où une juridiction décide de publier une liste répertoriant les noms des plateformes numériques qui rentrent dans le cadre d’un rôle spécifique. En fonction de la compréhension du marché par l’administration fiscale, cette approche individuelle peut être à l’origine de distorsions de concurrence/de décisions arbitraires.

Dans ce contexte, l’administration fiscale a intérêt à faire preuve d’une certaine flexibilité lors de la conception et de la mise en œuvre des indicateurs présidant à l’attribution d’un rôle spécifique aux plateformes numériques. Outre les considérations relatives à la neutralité, selon lesquelles les plateformes numériques qui sont dans une situation similaire doivent être traitées de façon équitable, une approche flexible permet également à l’administration fiscale d’accorder toute l’attention nécessaire à l’aspect de proportionnalité. Une plateforme peut par exemple être éligible à un rôle d’après les fonctions qu’elle exerce, alors que l’application de ce rôle entraînerait en fait une charge administrative disproportionnée au regard de ses capacités technologiques ou financières. Cela peut notamment être le cas pour les petites et moyennes plateformes numériques ainsi que pour celles de création récente. Pour éviter tout risque potentiel de traitement inéquitable des plateformes qui sont dans une situation similaire, cette approche flexible pourrait être basée sur des critères clairs et solides, et l’exclusion d’un rôle pourrait être révisée régulièrement afin de prendre en compte les éventuelles évolutions des capacités technologiques ou financières de la plateforme numérique concernée. Une attention toute particulière sera également nécessaire dans le cas d’une plateforme faisant partie d’un écosystème de plateformes lorsqu’il s’agit d’identifier à quelle plateforme pourrait être attribué un rôle spécifique (voir l’annexe D pour une description plus précise).

Il peut également être envisagé d’examiner comment d’autres règles que les règles de TVA/TPS qui s’appliquent aux plateformes numériques peuvent interagir avec les conditions imposées dans le cadre de l’un des rôles potentiels analysés dans ce rapport, par exemple les obligations de déclaration sur les plateformes numériques qui peuvent déjà exister à des fins de fiscalité directe.

Toutes ces considérations viennent confirmer l’importance pour l’administration fiscale de consulter étroitement les plateformes numériques impliquées dans l’économie du partage/à la demande pour bien comprendre leurs écosystèmes et tendances, l’objectif étant d’assurer le fonctionnement des rôles des plateformes d’une manière proportionnée et, dans la mesure du possible, pérenne.

En principe, il ne devrait pas importer qu’une plateforme de l’économie du partage/à la demande soit gérée par un résident ou un non-résident de la juridiction d’imposition. Il convient toutefois de tenir compte du fait que l’application des règles peut être plus difficile dans le cas de plateformes numériques étrangères, et l’administration fiscale peut envisager de mettre en place des précautions supplémentaires (raisonnables et proportionnées) afin, le cas échéant, de réduire les risques de non-respect des obligations (voir l’analyse détaillée ci-dessous, au chapitre 4).

L’administration fiscale peut avoir intérêt à se montrer particulièrement attentive lors de l’examen d’un rôle de collecte de la TVA/TPS ou de responsabilité pour les plateformes en ce qui concerne les activités qu’elles facilitent. Comme expliqué ci-dessus, les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande sont souvent situés dans la juridiction d’imposition et peuvent déjà y être assujettis à la TVA/TPS. La situation est différente dans l’économie des plateformes au sens large, en particulier pour les ventes par commerce électronique de biens, de services et de produits numériques, qui impliquent souvent des vendeurs en ligne qui commercialisent leurs produits dans des marchés du monde entier depuis un seul endroit. Si la plateforme de l’économie du partage/à la demande n’est pas située dans la juridiction d’imposition, l’administration fiscale peut avoir intérêt à examiner soigneusement les risques et les avantages du transfert de la collecte ou de la responsabilité de la TVA/TPS pour les transactions de l’économie du partage/à la demande de chacun des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande résidant dans sa juridiction vers une plateforme qui ne réside pas dans sa juridiction. Ce point est examiné plus en détail dans chacune des sections consacrées aux différents rôles des plateformes.

En théorie, la plupart des rôles des plateformes examinés dans ce rapport (à l’exception des rôles liés aux accords formels de coopération) peuvent être qualifiés soit de volontaires, soit d’obligatoires. Pour chaque approche, un certain nombre d’éléments méritent d’être pris en compte.

Si les rôles facultatifs et contractuels présentent l’avantage de la flexibilité, ils peuvent entraîner le développement de régimes exceptionnels de collecte de la TVA/TPS, qui peuvent varier d’une plateforme à l’autre et créer de l’incertitude et de la complexité en ce qui concerne le respect des obligations et l’administration. La prolifération d’un tel nombre de régimes, ainsi que leur caractère facultatif, peuvent risquer de compromettre les efforts déployés pour garantir le respect des obligations en matière de TVA/TPS par des acteurs qui peuvent chercher à opérer sur des plateformes qui n’ont pas adhéré à un régime facultatif ou qui gèrent un régime facultatif impliquant une charge administrative (perçue) liée à la TVA/TPS moindre.

Les rôles facultatifs de l’économie du partage/à la demande peuvent également poser des problèmes pour la coopération administrative et l’échange de renseignements entre les juridictions, dans la mesure où il se peut qu’il n’y ait pas de statut juridique défini ni d’obligation pour la plateforme de se conformer à un rôle. Dans l’ensemble, l’exécution obligatoire d’un rôle par toutes les plateformes éligibles de l’économie du partage/à la demande sera généralement plus efficace pour permettre à l’administration fiscale de renforcer la conformité à la TVA/TPS ainsi que d’apporter de la certitude et de créer des règles du jeu équitables pour les acteurs concernés de l’économie du partage/à la demande.

Dans l’intervalle, une juridiction peut envisager de mettre en place un programme pilote (volontaire) avec les plateformes de l’économie du partage/à la demande afin de tester un régime possible, par exemple dans le cadre d’un accord de coopération avec les plateformes. Au final, cela permettrait de faciliter la transition vers une exécution obligatoire de ce rôle par toutes les plateformes concernées.

L’implication des plateformes numériques dans les procédures de conformité à la TVA/TPS ne va pas sans présenter de difficultés en termes d’évaluation des risques, de contrôle fiscal, de vérifications et de conformité. En particulier, étant donné que la plupart des (grandes) plateformes peuvent ne pas être physiquement présentes dans la juridiction de consommation (juridiction d’imposition), ce qui rendrait possible l’application des règles nationales, il existe des limites inhérentes à l’efficacité de ces règles. Les efforts déployés en matière de vérification et de gestion des risques sont confrontés à d’importantes limites, car la législation locale peut s’avérer inefficace pour les faire appliquer aux plateformes non résidentes.

La capacité à appliquer efficacement ces efforts, c’est-à-dire à s’assurer que les plateformes numériques respectent leurs obligations en vertu des rôles en matière de TVA/TPS imposés par la législation nationale, est d’une importance cruciale pour éviter les distorsions de concurrence dont seraient victimes les plateformes qui respectent leurs obligations si une surveillance insuffisante permettait à des plateformes étrangères de ne pas s’acquitter des leurs. Une mise en œuvre inappropriée pourrait conduire à ce que les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande délaissent les plateformes numériques qui respectent leurs obligations pour une plateforme permettant d’exercer une activité non conforme.

Pour relever ces défis, l’administration fiscale est invitée à adopter une approche en deux volets selon laquelle, d’une part, les plateformes numériques sont incitées et aidées à respecter leurs obligations par des cadres juridiques solides qui s’appuient sur les Conditions cadres d’Ottawa sur la fiscalité et, de l’autre, des mesures dissuasives sont mises en place contre les infractions.

Outre les considérations et principes généraux relatifs à la conception d’une stratégie de TVA/TPS ciblant l’économie du partage/à la demande décrits au chapitre 2, l’administration fiscale est invitée à prendre en compte les considérations et principes politiques suivants lors de la conception des rôles assumés par les plateformes numériques pour renforcer la conformité à la TVA/TPS au sein de l’économie du partage/à la demande :

  • Ouvrir un dialogue avec les plateformes numériques dès le début du processus de réforme. La concertation avec les plateformes numériques concernées permet à l’administration fiscale de parvenir à une bonne compréhension des modèles d’activité et du fonctionnement des plateformes, contribuant ainsi à identifier des solutions à la fois proportionnées et réalistes. En ce qui concerne les obligations de déclaration, par exemple, il est important d’identifier quels types d’informations on peut raisonnablement s’attendre à ce que les plateformes fournissent à l’administration fiscale afin de s’assurer que les objectifs politiques peuvent être atteints sans charge administrative disproportionnée pour les plateformes numériques (ce qui implique de reconnaître que les informations disponibles peuvent varier d’une plateforme à l’autre).

  • Accorder un délai suffisant pour s’assurer que les plateformes numériques seront en mesure de se conformer à ce rôle. Les plateformes peuvent avoir besoin de concevoir et d’appliquer des modifications considérables de leurs systèmes pour obtenir les résultats voulus en termes d’efficacité, d’efficience et de certitude.

  • Favoriser la conformité fiscale en limitant les obligations en matière de TVA/TPS à celles qui sont strictement nécessaires pour faciliter l’exécution des procédures de conformité par les plateformes numériques. Lorsque les procédures de conformité sont trop complexes et/ou disproportionnées, leur application aux plateformes numériques peut déboucher sur un non-respect des obligations, ou sur un refus de service aux clients de la part de certaines plateformes numériques (non résidentes) dans certaines juridictions. Les procédures de conformité doivent par conséquent être aussi simples et efficaces que possible. Là où c’est possible, des régimes administratifs et d’identification simplifiés tels que ceux qui sont présentés dans les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS (OCDE, 2017[4]) et le rapport 2017 sur les mécanismes de collecte de la TVA/TPS (OCDE, 2017[5]) permettront aux plateformes numériques de s’acquitter plus aisément de leurs obligations fiscales.

  • Chaque fois que cela est pertinent, définir clairement les obligations en matière de TVA/TPS des fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande, notamment dans le cadre de leur relation avec la plateforme. Cela inclut des règles claires sur le statut au regard de la TVA/TPS de la relation entre le fournisseur sous-jacent et la plateforme numérique et les obligations de conformité connexes (facturation, déclaration, paiement de la TVA/TPS, etc.). De même, envisager de fournir des conseils clairs dans les cas où des personnes/entités sont actives sur une plateforme sous leur propre nom mais pour le compte d'autres parties en tant qu'agents non divulgués (par exemple, un gestionnaire immobilier qui peut agir en son propre nom mais au nom de divers propriétaires illustré à l'annexe D).

  • Fournir des orientations claires sur le fonctionnement des éventuels seuils de collecte ou d’assujettissement à la TVA/TPS. Si un seuil est en place dans la juridiction d’imposition, il est important d’indiquer clairement si ce seuil est défini au niveau de la plateforme ou au niveau de chacun des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande.

  • Envisager de mettre en œuvre des règles de hiérarchisation dans les cas où plusieurs plateformes numériques participent à la chaîne/à l’écosystème d’approvisionnement (par exemple dans le cadre d’un scénario de type « plateforme dans la plateforme » - voir Annex D). Ces règles doivent indiquer clairement à quelle plateforme est confié tel rôle spécifique.

  • Selon la situation, la meilleure solution pour mettre en œuvre une réforme serait de l’appliquer progressivement et/ou d’adopter des dispositions destinées aux activités de l’économie du partage/à la demande couvertes par un rôle avant l’entrée en vigueur de la loi, tant pour les autorités nationales concernées que pour les plateformes numériques.

  • Tenir compte de la nécessité de règles limitant les risques de conformité fiscale pour les plateformes agissant de bonne foi et qui ont fait des efforts raisonnables pour veiller au respect des obligations, en particulier en ce qui concerne la collecte et la vérification des éléments d’informations que les plateformes peuvent être tenues de déclarer ou sur lesquels elles peuvent avoir à fonder leurs décisions relatives à l’application des règles fiscales. Les plateformes numériques sont souvent obligées de se fier aux informations qui leur sont communiquées par les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande et par des tiers pour s’acquitter de leurs obligations en matière de TVA/TPS en vertu de certains rôles. C’est pourquoi on attend d’elles qu’elles appliquent des procédures de diligence raisonnable effectives pour s’assurer de l’exactitude et de la fiabilité de ces informations. En principe, les procédures de diligence raisonnable visent à s’assurer que les informations déclarées/utilisées pour déterminer quelles règles appliquer en matière de TVA/TPS sont exactes, le tout sans imposer de procédures trop lourdes aux plateformes. L’application d’une règle exonérant la responsabilité des plateformes numériques pour les erreurs dues à des informations inexactes peut être considérée comme raisonnable, si ces plateformes sont en mesure de prouver leur bonne foi et l’accomplissement d’efforts raisonnables pour s’assurer de l’exactitude et de la fiabilité des informations. Cela peut concerner les cas où la plateforme s’appuie sur un service de vérification proposé par l’administration fiscale d’une juridiction pour établir l’identité et le statut au regard de la TVA/TPS d’un fournisseur sous-jacent et/ou d'un utilisateur.

  • Envisager de passer d’un système basé sur les transactions pour déterminer et valider l’exactitude des informations relatives à la TVA/TPS à un système de validation basé sur des systèmes. Sur la durée, le recours à l’analyse commerciale peut constituer une solution plus efficace pour évaluer la conformité à la TVA/TPS que la pratique actuelle, qui consiste à tester chaque transaction, y compris sur des fournitures en gros volumes/de faible valeur. La transition vers une approche basée sur des systèmes nécessitera en principe que l’administration acquière une bonne compréhension des plateformes numériques concernées, de leurs modèles d’activité, de leurs systèmes de comptabilité d’entreprise et de leurs systèmes visant à garantir le respect des obligations fiscales.

  • Prendre en compte les considérations relatives au commerce international. On attend de l’administration fiscale qu’elle s’assure que, conformément aux Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS, la conception et les modalités de fonctionnement des rôles impliquant des plateformes numériques étrangères dans son pays n’affectent pas indument le principe de neutralité dans le contexte des échanges internationaux (OCDE, 2017[4]). Le Principe directeur 2.6, selon lequel des mesures spécifiques peuvent être nécessaires pour les transactions impliquant des entreprises étrangères, s’applique également aux plateformes numériques (OCDE, 2017[4]). Cependant, ce Principe directeur précise sans ambiguïté que ces mesures ne doivent pas entraîner de charge administrative indue ou disproportionnée (OCDE, 2017[4]). En conséquence, l’administration fiscale est invitée à prendre en compte comme il convient les approches décrites dans cette analyse qui visent à faire en sorte que la conception des régimes impliquant des plateformes étrangères soit cohérente et à limiter la complexité des règles fiscales.

  • Envisager la mise en place d’un certain nombre de mesures d’accompagnement visant à garantir l’efficacité des rôles assumés par les plateformes numériques pour faciliter le respect en matière de TVA/TPS des obligations au sein de l’économie du partage/à la demande, notamment en complétant ces rôles par une coopération administrative internationale solide ; en s’assurant que des mesures dissuasives sont mises en place contre les infractions ; en complétant ces rôles par des stratégies ciblées de gestion des risques, notamment l’utilisation extensive des données des tiers pour aider au contrôle de la conformité et à l’analyse des données ; en n’oubliant pas les activités similaires qui peuvent être exercées hors ligne et/ou avec une intervention limitée des plateformes numériques (par exemple dans les cas où la plateforme fonctionne comme une plateforme de réacheminement vers le site d’un vendeur ou de mise en relation d’acheteurs et de fournisseurs, permettant ainsi de présenter, promouvoir ou donner une liste des transactions des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande sans que la plateforme numérique participe en aucune façon, que ce soit directement ou indirectement, à la fixation des conditions auxquelles est conclue la vente, ni au processus de paiement ou de livraison). Ces mesures d’accompagnement sont décrites plus en détail au chapitre 4 de ce rapport.

Dans le cadre d’un rôle d’éducation et de communication, les plateformes de l’économie du partage/à la demande servent de moyen de communication pour envoyer en temps utile aux fournisseurs des informations exactes sur leurs obligations en matière de TVA/TPS. Il est ainsi possible de diffuser des directives et d’envoyer des messages directs notifiant les modifications des obligations des fournisseurs. Les plateformes peuvent également développer, en concertation avec l’administration fiscale, leur propre documentation et leurs propres orientations à l’intention de leurs fournisseurs de l’économie du partage/à la demande.

Les plateformes numériques peuvent être invitées à assumer ce rôle spontanément, ou cela peut être organisé en étroite collaboration avec l’administration fiscale, par exemple dans le cadre d’un accord de coopération. Les plateformes numériques assument ce rôle d’éducation/de communication généralement dans le but de compléter plutôt que de remplacer les stratégies de communication existantes de l’administration fiscale visant à informer les assujettis (potentiels) de leurs obligations. L'objectif politique principal consiste à promouvoir et à faciliter le respect des obligations et, au final, à créer des règles du jeu équitables pour les acteurs qui respectent leurs obligations.

Lorsqu'elles envisagent d'impliquer les plateformes de l’économie du partage/à la demande dans l'éducation et l'information des fournisseurs de cette économie quant à leurs obligations en matière de TVA/TPS, l’administration fiscale est invitée à prendre en compte les aspects spécifiques suivants :

  • Pour que les plateformes de l’économie du partage/à la demande puissent remplir leur rôle d'éducation/de communication, elles doivent pouvoir s'appuyer sur des informations suffisamment ciblées, claires et actualisées émanant de l’administration fiscale. L’administration fiscale doit tenir compte du niveau souvent limité de connaissances fiscales des fournisseurs sous-jacents de l'économie du partage/à la demande. Toute modification de ces informations doit être communiquée en temps opportun par l’administration fiscale à la plateforme, laquelle doit en informer rapidement ses fournisseurs sous-jacents.

  • Le processus par lequel les nouveaux fournisseurs de l’économie du partage/à la demande ont accès à une plateforme numérique pour exécuter leurs activités relevant de cette économie (« entrée en relation ») représente une première occasion idéale d'informer les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande de leurs obligations en matière de TVA/TPS. L’entrée en relation est une exigence standard incontournable pour tout fournisseur de l’économie du partage/à la demande.

  • Il peut être important de rendre les informations pertinentes disponibles dans un certain nombre de langues (notamment en anglais), en particulier dans les secteurs où les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande ne sont pas nécessairement situés dans la juridiction d'imposition (par exemple, le logement).

  • Le ton de la communication est également susceptible d'avoir une incidence car il s’avère que les assujettis sont généralement plus réceptifs aux messages rédigés de manière simple, positive et amicale (cf. Chapitre 10 du document Tax Administration 2019 – Comparative Information on OECD and other Advanced and Emerging Economies (OECD, 2019[6])).

  • L'implication des plateformes de l’économie du partage/à la demande dans la communication avec les fournisseurs sous-jacents sur leurs obligations en matière de TVA/TPS bénéficiera généralement d'une coopération étroite avec les autorités fiscales, notamment pour identifier le moment approprié pour communiquer, les besoins d'information au fur et à mesure de leur évolution, les outils de communication ainsi que les actions ciblées. Il peut s'agir, par exemple, de l'organisation par des plateformes de webinaires avec l’administration fiscale ou de pages web de « questions fréquemment posées » et/ou via lesquelles les fournisseurs sous-jacents d'une plateforme peuvent communiquer directement avec des représentants de l’administration fiscale.

Les accords formels de coopération sont essentiellement multifacettes dans le sens où ils peuvent combiner toute une série de mesures et d’approches visant à impliquer les plateformes numériques dans l’optimisation des niveaux de conformité en matière de TVA/TPS dans l’économie du partage/à la demande. Ils comprennent généralement : le partage d'informations (sur demande ou sur une base régulière) et l'éducation via une plateforme numérique (y compris l'utilisation de la plateforme comme vecteur de communication avec les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande concernant leurs obligations en matière de TVA/TPS) ; l'alerte des autorités fiscales en cas de soupçon de manquement ou de fraude ; et la réponse rapide aux notifications d'une administration fiscale lorsque les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande d'une plateforme sont jugés en infraction à leurs obligations en matière de TVA/TPS. Ces accords sont conclus sur la base du volontariat, généralement dans le cadre d'une approche de conformité coopérative entre l'administration fiscale et la plateforme.

Lorsqu'elle envisage de conclure des accords de coopération formels avec des plateformes de l'économie du partage et de l'économie à la demande pour soutenir la conformité en matière de TVA/TPS de leurs fournisseurs sous-jacents, l’administration fiscale est outre encouragée à prendre en considération les aspects suivants :

  • Une consultation étroite avec les plateformes numériques sera nécessaire pour définir clairement les termes, les conditions et le calendrier de l'accord. Le document « Code of Conduct: Co-operation between tax administrations and sharing/gig economy platforms » élaboré par le Forum sur l’administration de l’impôt prévoit une normalisation des approches « non contraignantes » en matière de communication d'informations par les plateformes (OECD, 2020[7]). Il peut constituer une excellente base pour un modèle de conformité à la TVA/TPS qui soit acceptable par les administrations fiscales du monde entier en vue de réduire la complexité liée à la négociation de multiples accords similaires avec des plateformes opérant dans leur juridiction et, inversement, par les plateformes qui peuvent négocier de tels accords avec les administrations fiscales de nombreuses juridictions.

  • Les juridictions peuvent envisager de rendre publics ces accords de coopération formels afin de motiver la participation des plateformes, compte tenu de l'incidence positive escomptée sur la réputation des plateformes concernées.

Dans un rôle de partage de l’information, la plateforme numérique est tenue par la loi de transmettre à l’administration fiscale les informations pertinentes aux fins de la gestion de la TVA/TPS et du respect des obligations applicables en la matière, sans qu’elle soit nécessairement responsable de la collecte et du versement de la TVA/TPS due au titre de l’activité des fournisseurs sous-jacents impliqués dans l’économie du partage/à la demande ou qu’elle joue un rôle dans ces processus. Le schéma ci-après donne une vue d’ensemble de ce rôle.

La plateforme peut avoir à fournir l’information soit sur demande, soit spontanément (par exemple en cas d'activité suspecte) et de manière régulière.

La section 3.2.6 ci-avant proposait un certain nombre de principes généraux pour la conception des rôles de partage de l'informations pour les tiers de l’économie du partage/à la demande, non limités aux plateformes l’économie du partage/à la demande. Un certain nombre d’éléments supplémentaires sont fournis ci-après pour examen par les autorités fiscales aux fins de la conception et mise en œuvre de leurs régimes de déclaration informative pour les plateformes numériques dans le but de faciliter la conformité en matière de TVA/¨TPS dans l’économie du partage/à la demande :

  • Un rôle de partage de l’information pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande peut être envisagé comme une mesure autonome (notamment pour suivre les évolutions de l’économie du partage/à la demande et/ou pour surveiller la conformité des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande) ou venir en complément d'autres rôles (notamment pour compléter un régime de responsabilité conjointe et solidaire pour les plateformes qui s'avèrent accepter la non-conformité de leurs fournisseurs sous-jacents). L’objectif ou les objectifs poursuivis par le régime de partage de l’information pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande dicteront dans une large mesure le type d'informations que l’administration fiscale demandera aux plateformes de lui communiquer. La mise en place de déclarations de TVA/TPS préremplies nécessitera probablement des informations plus détaillées et plus fréquentes que l'objectif de contrôle de la conformité des fournisseurs à leur obligation de s’assujettir à la TVA/TPS, qui pourra se satisfaire de données plus agrégées sur une période plus longue. Ces objectifs, et donc les obligations de déclaration, peuvent différer selon le secteur de l’économie du partage/à la demande visé.

  • D'une manière générale, il est conseillé d'exiger des plateformes qu'elles déclarent les informations dont on peut raisonnablement penser qu’elles existent du fait de leurs activités normales, qui sont proportionnellement pertinentes au vu des objectifs poursuivis par l’administration fiscale et dont la divulgation n’est pas limitée au titre de la législation sur protection des données ou d'autres dispositions légales restrictives. Il est par conséquent important que l’administration fiscale ait une bonne idée des données que les plateformes de l’économie du partage/à la demande détiennent sur leurs fournisseurs sous-jacents et sur les activités qu'elles facilitent, ainsi que de leur capacité à partager ces informations avec les autorités fiscales aux fins du respect des dispositions en matière de TVA/TPS, tant d'un point de vue technique que juridique (par exemple, confidentialité, protection des données).

  • Les délais associés à l'obligation de déclaration peuvent avoir un impact sur la qualité des données. Les plateformes auront généralement besoin de temps pour formater les données et mener des contrôles qualité avant de les communiquer à l’administration fiscale. L’administration fiscale peut souhaiter déterminer la fréquence et le moment de la déclaration de manière à laisser un délai raisonnable aux plateformes pour traiter et préparer les données à transmettre. Les autorités fiscales peuvent en outre envisager de dissocier cette déclaration informative des autres déclarations exigées qui peuvent concerner les mêmes informations, et ce dans la mesure où il pourra être difficile pour les plateformes de faire face à plusieurs obligations de déclaration en même temps, en particulier pour les petites et les nouvelles plateformes

  • Idéalement, il serait souhaitable que l’administration fiscale autorise la transmission des informations déclarées par voie électronique afin de permettre aux opérateurs de plateforme de mettre en œuvre un processus de déclaration automatisé. Dans le cadre de la conception d'un régime de déclaration informative, une consultation précoce des opérateurs des plateformes de l’économie du partage/à la demande sera donc importante pour la mise en place d'un régime efficace et pour son bon fonctionnement, et notamment pour une communication fluide et simple des données.

  • En fonction de la conception finale du régime de déclaration et de la charge administrative associée pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande, l’administration fiscale pourra envisager de limiter son champ d'application aux plateformes dont les activités dépassent un certain seuil de matérialité afin d'éviter les risques de conséquences disproportionnées pour se mettre en conformité. Ce seuil pourra être basé sur plusieurs paramètres (combinés) : le chiffre d'affaires des transactions sous-jacentes de l’économie du partage/à la demande, le nombre de fournisseurs sous-jacents et/ou le volume des transactions facilitées par la plateforme. Pour les plateformes exclues du champ d’application par le seuil, l’administration fiscale pourra toujours se réserver la possibilité d’obtenir les renseignements sur demande.

  • Afin de mieux gérer le volume des données déclarées et d'améliorer l'efficacité du régime de déclaration pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande, les autorités fiscales pourront exclure de l'obligation de déclaration les fournisseurs sous-jacents dont on peut s'attendre à ce qu'ils soient déjà connus de l'administration fiscale et qu'ils soient eux-mêmes de leur côté soumis à des obligations de déclaration, notamment du fait de la taille de leur activité. Cette dispense pourra par exemple s'appliquer aux entreprises de taxis/transport proposant également leurs services sur une plateforme de l’économie du partage/à la demande, de même qu’aux chaînes hôtelières proposant des hébergements de courte durée par le biais d'une telle plateforme. À cette fin, l’administration fiscale pourra mettre en place un seuil de matérialité basé sur le chiffre d'affaires et/ou la valeur des transactions au-delà duquel les fournisseurs sous-jacents seront exclus du champ d'application de l'obligation de déclaration faite à la plateforme numérique qui facilite leurs transactions.

  • Les autorités fiscales peuvent envisager des règles limitant les risques de non-conformité en ce qui concerne les données déclarées si la plateforme a agi de bonne foi et engagé des efforts raisonnables pour garantir l'exactitude de ces données (règles de « protection »). Il peut s’agir des cas dans lesquels la plateforme s’est fiée aux informations communiquées par les autorités fiscales, notamment pour déterminer l’identité de prestataires et/ou d’utilisateurs et leur statut au regard de la TVA/TPS. On peut s'attendre à ce que les plateformes appliquent les processus de diligence raisonnable appropriés en ce qui concerne l'exactitude et la fiabilité des informations qu'elles recueillent dans le cadre de leurs activités normales. L’administration fiscale pourra souhaiter subordonner l'application d'une éventuelle règle de protection pour les plateformes numériques à l'assurance qu’un processus de diligence raisonnable approprié, basé sur les systèmes, est bien appliqué.

  • Étant donné qu'une multitude de plateformes numériques peuvent être impliquées dans la facilitation des transactions de l’économie du partage/à la demande, il convient que les autorités fiscales fournissent des orientations claires sur les exigences de déclaration qui leur sont applicables au vu de leur rôle dans le processus de l’économie du partage/à la demande. En règle générale, la plateforme la plus proche du fournisseur sous-jacent de l’économie du partage/à la demande sera la mieux placée pour rendre compte des activités de ce fournisseur (généralement la plateforme qui a « mis en selle » le fournisseur pour permettre la réalisation de l'activité de partage/à la demande).

  • Les autorités fiscales devront s'assurer que leur administration dispose de la capacité technologique et des ressources nécessaires pour recevoir les données communiquées par les plateformes de l’économie du partage/à la demande et pour utiliser ces informations afin d'atteindre le ou les objectifs visés. Un aspect crucial à prendre en compte à cet égard est le volume de données que les autorités fiscales s'attendent à recevoir, qui peut être important selon le secteur de l’économie du partage/à la demande concerné. Les déclarations au niveau transactionnel, par exemple, pourront engendrer la déclaration de milliers de transactions d'une valeur relativement faible dans certains cas (par exemple pour le secteur des transports). L’administration fiscale pourra dès lors préférer opter pour la déclaration, par exemple, des montants imposables au niveau agrégé par fournisseur sous-jacent de l’économie du partage/à la demande. Il serait déraisonnable et inefficace d'exiger la communication d’informations dans un volume et/ou à un niveau de détail que l'administration fiscale ne serait pas en mesure de traiter.

  • Les autorités fiscales sont fortement encouragées à déployer une approche coordonnée au sein de leur administration fiscale, afin que les données communiquées par les plateformes numériques puissent être utilisées pour différents types d'impôts (impôts directs et indirects), le cas échéant, et pour minimiser les risques de duplication des régimes de déclaration. Dans ce contexte, les juridictions sont invitées à tirer parti du potentiel des Règles types de déclaration de l'OCDE pour soutenir la mise en œuvre d'un régime d'information efficace et coordonné pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande (voir plus bas) (OCDE, 2020[3]).

  • Les Règles types de déclaration de l'OCDE sont également à même de favoriser la cohérence entre les régimes de déclaration au niveau international, notamment en ce qui concerne le format et les éléments de données, et d'améliorer par voie de conséquence la conformité, en particulier pour les plateformes confrontées à des obligations multi-juridictionnelles (OCDE, 2020[3]). Cette cohérence favorisera par ailleurs une coopération internationale efficace en matière d'administration et de mise en œuvre de la fiscalité. Le chapitre 4 examine d'autres approches possibles pour soutenir une telle coopération internationale efficace en matière d'administration et de mise en œuvre de la fiscalité.

Les Règles types de déclaration de l’OCDE ont été adoptées par le Cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE/G20 en 2020 afin d’aider les juridictions à appliquer l'obligation faite aux plateformes numériques de collecter des informations sur les revenus réalisés par les vendeurs relevant de l’économie du partage/à la demande qui proposent des services d’hébergement, de transport et personnels, et de communiquer ces informations à l’administration fiscale (OCDE, 2020[3]). L’un des objectifs essentiels de ces règles types est de promouvoir la coopération internationale entre les administrations fiscales de sorte que celles-ci aient accès à des informations sur les bénéfices réalisés par des vendeurs de l’économie du partage/à la demande en ligne relevant de leur juridiction, y compris via des plateformes situées dans d’autres juridictions. Pour ce faire, les règles prévoient que les opérateurs de plateforme rendent compte à l’administration fiscale de la juridiction dans laquelle résident ces opérateurs. Ces règles disposent également que les informations sont échangées automatiquement et annuellement par la juridiction de résidence de l'opérateur de la plateforme avec les juridictions de résidence des vendeurs et, dans le cas de transactions impliquant la location de biens immobiliers, avec les juridictions dans lesquelles ces biens immobiliers sont situés.

Les Règles types de déclaration de l’OCDE visent à promouvoir la normalisation des règles de déclaration applicables dans les différentes juridictions de façon à aider les plateformes à se conformer aux obligations qui leur incombent dans ces juridictions en matière de communication d’informations en les autorisant à suivre des processus largement similaires pour le recueil et la communication des informations relatives aux transactions et à l’identité des vendeurs en ligne (OCDE, 2020[3]). L'annexe C du présent rapport contient des informations plus détaillées sur les principales caractéristiques des Règles types de déclaration de l'OCDE (OCDE, 2020[3]).

Les Règles types de déclaration de l’OCDE ont été conçues principalement pour faciliter et améliorer le respect des obligations en matière d’impôts directsddes fournisseurs de l'économie du partage/à la demande (OCDE, 2020[3]). Ils reconnaissent toutefois explicitement que les informations déclarées et échangées au titre de ces règles sont susceptibles d'être également pertinentes pour le respect des obligations en matière de TVA/TPS (OCDE, 2020[3]). Les informations déclarées au titre des règles types de déclaration de l'OCDE englobent la rémunération reçue par les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande, les types/nombre de services fournis et les données d'identification fiscale des fournisseurs sous-jacents (OCDE, 2020[3]). Ces informations sont susceptibles d'être pertinentes aux fins du respect de la TVA/TPS dans la juridiction qui reçoit les informations en vertu des règles types de déclaration (OCDE, 2020[3]). Selon le type de services et les règles applicables pour déterminer leur lieu d'imposition de la TVA/TPS, l’administration fiscale peut bénéficier des informations reçues en vertu des règles types de déclaration (OCDE, 2020[3]) aux fins du respect de la TVA/TPS comme suit :

  • En général, l’administration fiscale de la juridiction où est établi un fournisseur de l’économie du partage/à la demande pourra utiliser les informations reçues en vertu des Règles types pour s'assurer du respect de ses obligations d'enregistrement à la TVA/TPS (et des obligations associées telles que la déclaration, l'application de régimes de simplification, etc.) (OCDE, 2020[3]) ;

  • Lorsqu'une administration fiscale reçoit des informations sur un fournisseur de l’économie du partage/à la demande dans sa juridiction en ce qui concerne les prestations soumises à la TVA/TPS dans cette juridiction, l'administration fiscale pourra utiliser ces données pour superviser et veiller au respect par ce fournisseur de toutes les obligations associées en matière de TVA/TPS, notamment l'obligation du fournisseur d'enregistrer, de déclarer et d’acquitter la TVA/TPS. Cela s'applique généralement aux prestations de services pour lesquelles le lieu d'imposition à la TVA/TPS est déterminé par référence à leur lieu d'exécution ou par référence à l'implantation du fournisseur (généralement des services « sur place » tels que décrits à la directive 3.5. des Principes directeurs internationaux pour l'application de la TVA/TPS (OCDE, 2017[4])). C'est important dans le contexte de l'économie de partage/à la demande, car il s'agit souvent de services « sur place » qui seront soumis à la TVA/TPS dans la juridiction où est établi le fournisseur de l'économie du partage/à la demande, comme les services de transport et de livraison locaux et les services personnels.

  • Lorsqu'une administration fiscale reçoit des informations relatives à des services liés à des biens immobiliers situés dans sa juridiction, elle peut utiliser ces informations pour contrôler le respect de toutes les obligations en matière de TVA/TPS concernant ces services. En fait, ces services seront en général soumis à la TVA/TPS dans la juridiction où se trouve le bien immobilier concerné (voir la directive 3.8. des principes directeurs internationaux pour l'application de la TVA/TPS (OCDE, 2017[4])). Ces informations seront particulièrement utiles pour superviser et veiller au respect des obligations en matière de TVA/TPS dans le secteur du logement (location à court terme) de l'économie du partage/à la demande.

Il est donc clair que les informations qui seront échangées dans le cadre des règles types de déclaration de l'OCDE seront d'une grande utilité pour les autorités en vue d'améliorer le respect de la TVA/TPS dans des secteurs clés de l'économie du partage/à la demande, notamment les secteurs des transports, des services personnels et du logement (OCDE, 2020[3]). Il est important que l’administration fiscale veille à ce que les informations échangées dans le cadre de ces règles soient utilisées efficacement pour répondre à leurs besoins de déclaration de TVA/TPS au niveau national ainsi que pour soutenir la coopération internationale en matière de TVA/TPS dans ce contexte. Cela permettra notamment d’atténuer les risques de prolifération non coordonnée des obligations de déclaration qui auraient une incidence négative sur l'efficacité et les coûts de la conformité et de l'administration fiscales, tant pour l’administration fiscale que pour les opérateurs économiques.

Lorsque les informations échangées en vertu de ces Règles types de déclaration (OCDE, 2020[3]) sont destinées à être utilisées à des fins autres que l'administration d’impôts directs par l’administration fiscale destinatrice, les juridictions doivent s'assurer que ces informations sont échangées et utilisées conformément aux dispositions pertinentes en matière de confidentialité et d’utilisation appropriée de l’instrument d'échange international applicable, tel que l’article 22 de la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (OECD/Council of Europe, 2011[8]).

Si les informations couvertes par les Règles types de déclaration s’avéreront donc précieuses aux fins du respect des règles de TVA/TPS concernant une gamme importante de prestations relevant de l'économie du partage/à la demande, notamment dans des secteurs susceptibles de nécessiter une attention particulièrement urgente compte tenu de leur ampleur et de leur potentiel de croissance future, il est reconnu que ces règles peuvent ne pas répondre à tous les besoins en matière de TVA/TPS (OCDE, 2020[3]). Cela peut, par exemple, être le cas pour des services qui sont soumis à la TVA/TPS dans une autre juridiction que celle où se trouve le prestataire concerné ou le bien immobilier concerné. De plus, la fréquence annuelle de l'échange d'informations peut ne pas répondre à tous les besoins de déclaration de la TVA/TPS (étant donnée la nature transactionnelle de la taxe et la fréquence plus élevée des obligations de déclaration et de paiement de la TVA/TPS). Dans ce contexte, il est reconnu qu'une nouvelle extension des exigences de déclaration aux fins de la TVA/TPS pourrait être nécessaire au fil du temps. Il est important de noter dans ce contexte que les Règles types de déclaration reconnaissent que la déclaration d'autres types de transactions est susceptible de devenir pertinente à l'avenir (OCDE, 2020[3]). Cela pourrait par exemple inclure des types de services qui ne font pas encore partie de son champ d'application, comme la location de biens mobiliers et le prêt entre particuliers. Les Règles types de déclaration prévoient que le développement et l’élargissement possibles de ces règles tiendront dûment compte des exigences en matière de respect de la TVA/TPS, notamment en déterminant le champ d'application de la déclaration et les flux de déclaration (OCDE, 2020[3]).

Les juridictions ne sont pas dans l’obligation de mettre en œuvre les Règles types de déclaration (OCDE, 2020[3]). Il s’agit plutôt d’inviter les juridictions qui souhaitent introduire des règles de déclaration applicables à l'économie du partage/à la demande à le faire d'une manière qui soit cohérente avec les Règles types de déclaration (OCDE, 2020[3]). C’est censé améliorer la cohérence des régimes de déclaration entre les juridictions, afin de promouvoir et de faciliter la coopération internationale entre les administrations fiscales, y compris à l’égard du respect des règles de TVA/TPS dans l’économie du partage/à la demande. En favorisant l’échange international d’informations, les Règles types de déclaration constituent possiblement l’outil le plus puissant à disposition de l’administration fiscale pour collecter des renseignements sur les prestations et les fournisseurs soumis à la TVA/TPS dans leur juridiction depuis les plateformes non résidentes de l’économie du partage/à la demande (OCDE, 2020[3]).

Il s'agit d'un avantage important dont les Règles types de déclaration peuvent se prévaloir par rapport aux régimes de déclaration purement nationaux aux fins de la TVA/TPS, car il peut s’avérer difficile de faire appliquer ces exigences de déclaration aux opérateurs de plateformes non résidentes (OCDE, 2020[3]). Par ailleurs, les plateformes qui facilitent la réalisation de transactions dans de multiples juridictions peuvent se trouver confrontées à toute une série d’obligations de déclaration différentes, au niveau national, en l’absence de coordination, qui peuvent alourdir les coûts à supporter et potentiellement dresser des obstacles préjudiciables à la poursuite du développement de leurs activités, sans parler des effets négatifs sur la conformité et la qualité des données.

Par-dessus tout, la cohérence entre les approches des pays promue par les Règles types de déclaration vise à favoriser la conformité, à réduire les coûts connexes et la charge administrative ainsi qu’à améliorer l’efficacité des systèmes de TVA/TPS, en reconnaissant en particulier que les plateformes numériques sont potentiellement soumises à des obligations dans une pluralité de juridictions (OCDE, 2020[3]).

Les juridictions sont donc vivement invitées à exploiter, le cas échéant, le potentiel des Règles types de déclaration afin de superviser et d’améliorer le respect des règles de TVA/TPS au sein de l'économie du partage/à la demande (OCDE, 2020[3]).

Ces Règles types de déclaration pourraient plus généralement constituer la base appropriée d’une expansion future de la déclaration et de l'échange d'informations dans le domaine de la TVA/TPS (OCDE, 2020[3]).

Au titre d’un régime de responsabilité conjointe et solidaire, si le fournisseur sous-jacent de l’économie du partage/à la demande ne respecte pas ses obligations en matière de TVA/TPS, l’administration fiscale se réserve la possibilité de déclarer la plateforme qui facilite les transactions de l’économie du partage/à la demande comme étant solidairement responsable de la TVA/TPS due. Le fournisseur sous-jacent demeure responsable au titre de la TVA/TPS. Un tel régime nécessite que les activités relevant de l’économie du partage/à la demande s’inscrivent dans le champ d'application de la TVA/TPS conformément à la législation nationale de la juridiction d’imposition et que le fournisseur de l’économie du partage/à la demande soit tenu d'enregistrer, de collecter et d’acquitter la TVA/TPS sur les prestations effectuées. Ce régime peut fonctionner selon deux variantes principales qui ne s'excluent pas mutuellement. En particulier :

  • Dans la variante 1 du régime de responsabilité conjointe et solidaire, la plateforme est tenue pour conjointement et solidairement responsable des montants futurs de TVA/TPS qui ne seraient pas déclarés par ses fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande, une fois que l’administration fiscale a détecté ces infractions, qu’elle les a signalées à la plateforme numérique, et que cette dernière n’a pas pris les mesures appropriées dans le nombre de jours imparti. Ces mesures prises par la plateforme numérique consistent généralement à garantir le respect de leurs obligations par les fournisseurs sous-jacents ou à les placer sous embargo. Cette variante peut en principe être mise en œuvre sans que l'administration fiscale ait à prouver que la plateforme numérique était informée que le fournisseur sous-jacent était défaillant.

  • Dans la variante 2 du régime de responsabilité conjointe et solidaire, la plateforme de l’économie du partage/à la demande peut être tenue pour conjointement et solidairement responsable des montants de TVA/TPS qu’un fournisseur sous-jacent n’a pas déclarés dans le passé alors qu’elle aurait raisonnablement dû s’attendre, au vu des activités de ce fournisseur sur la plateforme à ce que celui-ci se soit immatriculé pour la TVA/TPS alors qu’il ne l’a pas fait. Il revient à la juridiction d’imposition de déterminer dans quelles circonstances il existe une attente raisonnable.

    Ce régime ne garantit pas nécessairement, en tant que tel, la collecte de toute TVA/TPS perdue. Par exemple, dans le cadre de la variante 1, la plateforme aurait la possibilité d'échapper au régime de responsabilité conjointe et solidaire en prenant les mesures de sauvegarde nécessaires à l'égard du fournisseur (c'est-à-dire en le bannissant de la plateforme). En effet, dans ce cas, l’administration fiscale n'aurait d'autre choix que de poursuivre la collecte de la TVA/TPS due par le fournisseur sous-jacent. Le régime de responsabilité conjointe et solidaire pourrait être considéré comme un outil visant à promouvoir et imposer le respect des règles par les fournisseurs sous-jacents au titre de la TVA/TPS, en incitant les plateformes de l’économie du partage/à la demande à exiger ce respect de la part des fournisseurs qui utilisent leur structure (et/ou en instaurant des mesures dissuasives pour lutter contre la tolérance du non-respect par les fournisseurs utilisant les plateformes).

    Le diagramme suivant donne une description visuelle de ce régime.

Lorsqu'elles envisagent un rôle de responsabilité conjointe et solidaire pour les plateformes numériques en vue d'améliorer le respect des règles de TVA/TPS par les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande, les administrations fiscales sont invitées à prendre en compte les aspects supplémentaires suivants :

  • Il est primordial que les régimes de responsabilité conjointe et solidaire pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande soient appliqués à l’ensemble de cette économie afin d'éviter que les fournisseurs défaillants ne poursuivent simplement leur activité sur d'autres plateformes. S’il s’avère qu’un fournisseur ne respecte pas ses obligations, toutes les plateformes sur lesquelles il est actif doivent en être averties.

  • Un régime de responsabilité conjointe et solidaire doit veiller à ce qu’un délai raisonnable soit accordé aux acteurs bien intentionnés de l’économie du partage/à la demande pour régulariser leur situation en matière de TVA/TPS si nécessaire, c'est-à-dire pour que les fournisseurs s'enregistrent aux fins de la TVA/TPS lorsqu'ils sont tenus de le faire et pour que les plateformes bannissent/bloquent les fournisseurs défaillants. Les régimes de responsabilité conjointe et solidaire doivent donc notamment être cohérents avec l'exécution du processus d'une juridiction d'enregistrement aux fins de la TVA/TPS appliqué aux fournisseurs de l’économie du partage/à la demande (voir également la section 3.2.3). Dans la variante 1, il peut être approprié d'accorder un délai raisonnable à la plateforme pour qu'elle contacte dans un premier temps les fournisseurs qui ont été jugés défaillants et, si le non-respect des règles a effectivement été établi, pour qu'elle s'assure en outre que ces fournisseurs sous-jacents procèdent à leur enregistrement et fournissent à la plateforme le numéro de TVA/TPS.

  • Dans la variante 1, les moyens de communication électroniques sont préférables à la communication papier pour ce qui est d’avertir les plateformes du non-respect des règles par des fournisseurs sous-jacents, en particulier pour les plateformes non résidentes. Il serait également efficace sur le plan pratique de désigner un point de contact au niveau de chaque plateforme chargé de la communication avec l’administration fiscale.

  • La proportionnalité des régimes de responsabilité conjointe et solidaire doit être préservée. Dans le cadre de la variante 2 en particulier, il serait disproportionné de tenir une plateforme inconditionnellement responsable du non-versement de la TVA/TPS lorsqu'elle peut raisonnablement ne pas avoir eu connaissance de la défaillance, par exemple lorsqu'un fournisseur sous-jacent est enregistré mais déclare en partie seulement son activité dans sa déclaration de TVA/TPS ou lorsqu'un fournisseur a dépassé un seuil d'enregistrement en volume d’activités sur une autre plateforme. Une disposition de protection pourrait être envisagée pour prémunir une plateforme contre la responsabilité dans le cadre d'un régime de responsabilité conjointe et solidaire si elle peut démontrer à l’administration fiscale qu'elle a engagé toutes les mesures raisonnables pour éviter les manquements des fournisseurs sous-jacents. Ainsi, l’administration fiscale pourrait imposer aux plateformes de mener un certain nombre de contrôles prédéfinis et limiter la responsabilité conjointe et solidaire aux cas où le fournisseur ne satisfait pas aux exigences fixées par ces contrôles.

  • Pour être efficace, un régime de responsabilité conjointe et solidaire devra probablement être associé à une obligation de partage d’informations sur les plateformes, notamment parce que les fournisseurs sous-jacents sont susceptibles d’exploiter plusieurs plateformes. En effet, les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande exploitent souvent plusieurs plateformes, raison pour laquelle il est difficile pour l’administration fiscale et les plateformes de savoir si et quand un seuil d'enregistrement a été franchi, le cas échéant. L’administration fiscale sera mieux à même de superviser la conformité des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande à cet égard si les plateformes partagent avec elle leurs informations sur ces fournisseurs sous-jacents.

En vertu du régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS, la plateforme numérique est désignée par la loi comme le fournisseur aux fins de l'assujettissement à la TVA/TPS. Dans le cadre de ce régime, la plateforme numérique est seule et entièrement responsable du calcul et de la collecte de la TVA/TPS afférente à l'activité de l’économie du partage/à la demande qui passe par la plateforme et de son versement à l’administration fiscale de la juridiction d'imposition, conformément à la législation sur la TVA/TPS de cette juridiction. Ce régime de responsabilité est limité aux seules obligations en matière de TVA/TPS. Il n'affecte aucun autre aspect de la responsabilité des plateformes numériques au-delà de la TVA/TPS.

Le fournisseur sous-jacent de l'économie du partage/à la demande est en principe exonéré de toute responsabilité de TVA/TPS sur les prestations à son client/utilisateur. Afin d’éviter une rupture dans la chaîne de paiement fractionné, il est possible, dans le régime de responsabilité intégrale pour la TVA/TPS, de considérer que le fournisseur sous-jacent a effectué sa fourniture à la plateforme numérique, qui elle-même l’a livrée au client/à l’utilisateur.

En fonction de l'objectif politique, les variantes possibles du régime de responsabilité intégrale pourraient inclure :

  • Variante 1 : le régime de responsabilité intégrale ne s'applique que dans les cas où le fournisseur sous-jacent est considéré comme un assujetti à la TVA/TPS en vertu du droit national.

  • Variante 2 : le régime de responsabilité intégrale s'applique quel que soit le statut du fournisseur sous-jacent aux fins de la TVA/TPS en vertu du droit national.

Le diagramme suivant donne une description visuelle du rôle.

Le tableau ci-dessus montre qu'un régime de responsabilité intégrale peut donner à l’administration fiscale un grand potentiel pour faciliter l'application efficace de la TVA/TPS aux activités de l’économie du partage/à la demande et pour améliorer les niveaux globaux de respect des règles relatives à la TVA/TPS dans ce contexte. Plusieurs difficultés peuvent cependant se présenter, certaines de très grande ampleur selon la conception du régime et le secteur auquel il s'applique (son envergure, sa complexité, sa nature transfrontalière, etc.). Il sera important pour l’administration fiscale de rechercher l'équilibre approprié entre ces difficultés et ces opportunités, ce qui sera possible en accompagnant le régime de responsabilité intégrale de mesures de simplification visant à limiter à l’attention des fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande les aspects de conformité à la TVA/TPS (voir ci-dessous et à la section 3.2.2 ci-dessus pour plus de détails). Outre ce qui a été exposé ci-avant, l’administration fiscale est encouragée à prendre en compte les aspects suivants :

  • Lorsqu'elle vérifie si une plateforme de l’économie du partage/à la demande est en mesure de respecter un régime de responsabilité intégrale, l’administration fiscale est invitée à tenir compte essentiellement des deux aspects essentiels suivants :

    • Si la plateforme de l’économie du partage/à la demande a accès à des informations suffisantes et précises pour déterminer l’application de la TVA/TPS appropriée. En particulier, la plateforme aura besoin des informations utiles pour déterminer les éléments essentiels de manière fiable : l'identification et (dans le cadre de la variante 1) le statut de ses fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande ; la nature de la prestation ; sa valeur ; et le traitement au regard de la TVA/TPS (y compris le lieu d'imposition, les exonérations possibles, le taux). Le traitement à appliquer au regard de la TVA/TPS n'est pas toujours aussi évident et peut nécessiter l'accès à des éléments d'information spécifiques. Par exemple, dans le secteur du logement, les prestations peuvent être traitées différemment selon qu'elles concernent la location d'un appartement meublé ou non meublé, avec ou sans services supplémentaires (de type hôtelier). De même, dans le secteur des transports, le traitement au regard de la TVA/TPS peut différer selon que l’on s’intéresse à un service de covoiturage contre rémunération ou d'un covoiturage dans le cadre d'un accord de partage des coûts (lorsque les passagers contribuent au coût estimé du trajet pour le conducteur, par exemple – voir l’annexe D).

    • Si la plateforme de l’économie du partage/à la demande a les moyens (la capacité) de collecter la TVA/TPS due au titre des activités des opérateurs de l'économie du partage/à la demande. Une plateforme doit raisonnablement avoir les moyens (capacité) de collecter la TVA/TPS due au titre des activités des opérateurs de l'économie du partage/à la demande qu'elle facilite lorsqu'elle est impliquée dans le processus de paiement électronique de ces activités. Le chapitre 1 de ce Rapport souligne que l'utilisation du paiement électronique (souvent en ligne) est l'une des caractéristiques types de l'économie du partage/à la demande. Des difficultés peuvent survenir lorsque les paiements sont effectués en espèces, ce qui peut toujours être le cas dans le secteur des transports, notamment dans les économies en développement. Dans de tels cas, l’administration fiscale devra envisager une solution qui limite les risques financiers et les contraintes liées à la discipline fiscale pour les plateformes, afin d'éviter d'avoir possiblement à (pré)financer la TVA/TPS pour les fournisseurs sous-jacents qui sont rémunérés en espèces par leurs clients.

  • Les fonctions effectuées par une plateforme de l’économie du partage/à la demande dans le cours normal de ses activités peuvent servir d'indicateurs utiles concernant la capacité de cette plateforme à respecter le régime de responsabilité intégrale, au vu des deux aspects essentiels décrits ci-avant. Les indicateurs (non exhaustifs) particulièrement utiles sont notamment :

    • le niveau de contrôle que la plateforme exerce en établissant les conditions de la prestation (par exemple, un degré élevé de standardisation du service et une connaissance approfondie des activités des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande) ;

    • le contrôle du paiement de la prestation des activités des opérateurs de l'économie du partage/à la demande (directement ou indirectement) ;

    • la mesure dans laquelle la plateforme se présente au consommateur comme son fournisseur (approche « orientée consommateur »), le degré de garantie que fournit la plateforme quant à la qualité des services, la protection de la sécurité, le remboursement en cas d'annulation d'un service insatisfaisant...

    En revanche, les plateformes qui ne font que répertorier ou promouvoir des services, ou qui se contentent de traiter des paiements, ou qui ne fournissent que les moyens techniques ou la capacité d’acheminer des données (par exemple, l’accès au réseau internet par câble, satellite, etc., du stockage de données, etc.) ne seront probablement pas en mesure de respecter un régime de responsabilité intégrale et peuvent donc être exclues de son champ d'application. La liste des fonctions figurant à l'annexe A. du rapport de 2019 sur les plateformes numériques est tout aussi pertinente pour l'application du régime de responsabilité intégrale sur les plateformes facilitant les prestations au titre de l’économie du partage/à la demande (voir l'annexe E du présent Rapport) (OCDE, 2019[1]). Dans tous les cas un régime de responsabilité intégrale doit être conçu de manière aussi évolutive et flexible que possible étant donné l'évolution constante de l'économie du partage/à la demande et, plus généralement, de l'économie des plateformes numériques, ce qui peut avoir influer sur l'éligibilité des plateformes à un tel régime

  • Pour améliorer et faciliter le respect de leurs obligations par les plateformes non résidentes, il est conseillé d'appliquer un régime d'enregistrement simplifié, comme le recommandent les principes directeurs internationaux pour l'application de la TVA/TPS (OCDE, 2017[4]), pour que ces plateformes se conforment aux obligations en matière de TVA/TPS dans le cadre d'un régime de responsabilité intégrale. Lorsque les procédures de conformité sont trop complexes, leur application aux plateformes numériques non résidentes peut déboucher sur un non-respect des obligations, ou sur un refus de la part de certaines plateformes numériques d’exercer dans certaines juridictions. Les difficultés liées à l'application des obligations sur les plateformes qui sont hors de la juridiction fiscale sont examinées plus en détail au chapitre 4.

  • Afin d’éviter une rupture dans la chaîne de paiement fractionné, il est possible, dans le régime de responsabilité intégrale pour la TVA/TPS, de considérer que le fournisseur sous-jacent a effectué sa fourniture à la plateforme de l’économie du partage/à la demande, qui elle-même l’a livrée au client/à l’utilisateur. Dans ce contexte, la juridiction fiscale peut vouloir traiter cette transaction comme étant à taux zéro et/ou soumise à des contraintes moindres liées à la discipline fiscale en matière de TVA/TPS pour les fournisseurs comme pour les plateformes, afin, d’une part, de réduire les risques sur les recettes pour l’administration fiscale (découlant de la production de TVA/TPS déductible pour les plateformes numériques à collecter auprès des fournisseurs sous-jacents) et, d’autre part, de réduire les frais de trésorerie pour les plateformes (du fait de devoir verser la TVA/TPS à leurs fournisseurs sous-jacents et de la déduire ensuite via leur déclaration de TVA/TPS).

  • Pour atténuer la charge administrative et les risques de conformité liés aux demandes de déduction de la TVA/TPS en amont par les fournisseurs sous-jacents de l'économie du partage/à la demande, il pourrait être envisagé de renforcer le régime de responsabilité intégrale par une mesure de simplification pour les fournisseurs sous-jacents, telle qu'un régime d'impôt forfaitaire ou fixe ou un régime de crédit de TVA/TPS en amont via la déclaration d'impôt sur le revenu du fournisseur (voir l'analyse approfondie en section 3.2.2. ci-avant).

  • L’application d’un taux zéro aux redevances facturées par la plateforme numérique à ses fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande, en fonction du modèle économique utilisé, pourrait être envisagée pour réduire davantage encore les montants possibles de TVA/TPS déductible en amont pour les fournisseurs (et simplifier davantage leur conformité à la TVA/TPS), pour atténuer les coûts de trésorerie pour ces fournisseurs sous-jacents et pour éviter la double imposition au cas où ces redevances (et la TVA/TPS qui s’y applique) seraient intégrées dans le prix final de la prestation des activités des opérateurs de l'économie du partage/à la demande sur laquelle la TVA/TPS est collectée par la plateforme.

  • Un régime de responsabilité intégrale pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande nécessite des règles simples et directes avec une définition claire des obligations en matière de TVA/TPS des plateformes et des fournisseurs sous-jacents. Cela inclut des règles claires sur le statut au regard de la TVA/TPS de la relation entre le fournisseur sous-jacent et la plateforme numérique et les obligations de conformité connexes (facturation, déclaration, etc.).

  • Le régime de responsabilité intégrale nécessite également un examen minutieux de la conception et du fonctionnement des seuils (le cas échéant), en particulier s'ils s'appliquent au niveau de la plateforme ou du fournisseur sous-jacent, ainsi que de leur mode de calcul (la plateforme dispose-t-elle de la capacité et des informations nécessaires pour superviser les seuils de ses fournisseurs sous-jacents ?). Les décisions politiques à cet égard sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur les recettes, la conformité et l'administration.

  • Il convient de prendre en compte l’interaction entre le régime de responsabilité intégrale et les autres régimes spécifiques à la TVA/TPS tels que les régimes de la marge des organisateurs de circuits touristiques.

  • Les plateformes numériques demanderont probablement la certitude que l'application d'un régime de responsabilité intégrale reste circonscrite à la TVA/TPS et qu'elle n'influence pas le traitement dans d'autres domaines, comme le droit du travail, par exemple.

Dans le cadre d'un régime de collecte/retenue, la plateforme agit en tant que prestataire de services tiers ou pour le compte du fournisseur sous-jacent de l’économie du partage/à la demande pour calculer, collecter et acquitter la TVA/TPS due. Le diagramme suivant donne une description visuelle du rôle.

  • La plateforme doit avoir les moyens (la capacité) de collecter/retenir la TVA/TPS due sur la prestation au titre de l’économie du partagé/à la demande qu'elle fournit et de la verser à l’administration fiscale de sa juridiction d’imposition. Le fournisseur sous-jacent de l'économie du partage/à la demande reste responsable devant l’administration fiscale de la TVA/TPS.

  • Selon la conception, le fournisseur sous-jacent peut encore devoir remplir ses obligations de déclaration de TVA/TPS (le seul allégement réside donc dans le versement de la TVA/TPS via la plateforme).

  • Un tel régime pourrait être conçu sur la base du volontariat (en vertu d'un accord entre le fournisseur sous-jacent et la plateforme) ou sur une base obligatoire (imposée par la loi).

L’administration fiscale peut souhaiter prendre en considération les aspects politiques et opérationnels supplémentaires suivants lors de la conception d'un régime éventuel de collecte/retenue pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande afin de soutenir le respect des obligations en matière de TVA/TPS par les fournisseurs de l’économie du partage/à la demande :

  • Un régime de collecte/retenue fonctionne comme une version allégée d'une responsabilité intégrale, en cela que la plateforme collecte/retient la TVA/TPS due sur les transactions relevant de l’économie du partage/à la demande dont elle assure la fourniture et la reverse à l’administration fiscale sans endosser une responsabilité plus importante en matière de TVA/TPS vis-à-vis de cette administration. Le fournisseur sous-jacent de l'économie du partage/à la demande reste en définitive responsable devant l’administration fiscale de la TVA/TPS sur ses transactions. Il n'est donc pas nécessaire de considérer la plateforme comme le fournisseur des transactions sous-jacentes de l’économie du partage/à la demande (comme au titre du régime de responsabilité intégrale), ni de considérer la plateforme numérique comme ayant reçu la fourniture du fournisseur sous-jacent de l’économie du partage/à la demande et l'ayant livrée au client/à l’utilisateur. Toutefois, un rôle de collecte/retenue implique un certain nombre d'obligations en matière de TVA/TPS et de possibles risques de conformité pour les plateformes, ce qu'il est particulièrement important de prendre en compte lors de la définition du cadre juridique d'un tel régime. Dans ce contexte, les considérations relatives à l’élaboration et au fonctionnement abordées au titre de la responsabilité intégrale (voir section 3.3.6) sont tout aussi pertinentes dans le cadre de l’élaboration d'un rôle de collecte/retenue. En particulier, les deux conditions clés suivantes sont essentielles au bon fonctionnement des deux régimes :

    • La plateforme éligible doit détenir ou avoir accès à des informations suffisantes et précises pour pouvoir déterminer de manière appropriée la TVA/TPS en ce qui concerne la fourniture sous-jacente de TVA/TPS (statut du fournisseur et du client/utilisateur sous-jacents, nature de la fourniture, prix, taux de TVA/TPS applicable, lieu d'imposition...) ;

    • La plateforme doit avoir les moyens (la capacité) de collecter/retenir la TVA/TPS due sur la fourniture de l’économie du partage/à la demande qu'elle assure. Cela signifie, en principe, que la plateforme devrait participer d'une manière ou d'une autre (directement ou indirectement) au paiement de la fourniture sous-jacente par le client/l’utilisateur ou être raisonnablement en mesure d'assurer cette participation.

  • Les fournisseurs sous-jacents de l'économie du partage/à la demande restent en définitive assujettis à la TVA/TPS due sur leurs transactions, même si cette taxe est collectée/retenue et remise à l’administration fiscale par la plateforme qui traite ces transactions. Ces fournisseurs sous-jacents doivent par conséquent être informés des montants de TVA/TPS à collecter/retenir et versés par la plateforme à l’administration fiscale en leur nom, afin de respecter leur obligation de déclaration. Cela pourrait impliquer une déclaration récapitulative régulière des montants de TVA/TPS collectés/retenus et versés, à délivrer par la plateforme au fournisseur sous-jacent L’administration fiscale devra en tenir compte lors de l’examen du régime de dépôt et de déclaration des fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande, afin de s'assurer que les moyens et le délai sont suffisants pour recevoir et traiter les données de la plateforme. Des mesures de simplification visant à limiter les obligations de dépôt et de déclaration des fournisseurs de l’économie du partage/à la demande pourraient permettre de relever ce défi (voir notamment la section 3.2.3.).

  • À la lumière de ce qui précède, l’administration fiscale doit avoir conscience que l'obligation pour chaque fournisseur sous-jacent de verser la TVA/TPS aux autorités fiscales séparément et la déclaration associée (en rapprochant les montants versés à chaque fournisseur sous-jacent individuellement) peut s’avérer difficile pour les plateformes de l’économie du partage/à la demande, en particulier pour les petites plateformes et celles de création récente et/ou les plateformes qui sont confrontées à des obligations de collecte/retenue dans plusieurs juridictions.

  • Des régimes de protection peuvent devoir être envisagés afin de protéger à la fois les plateformes et les fournisseurs sous-jacents contre la responsabilité d'éventuelles erreurs commises de bonne foi et en dépit d’efforts raisonnables. Ainsi, cela pourrait s'appliquer à une plateforme numérique s’appuyant sur des informations qui se sont révélées incorrectes malgré les efforts raisonnables mis en œuvre pour en vérifier la validité. Cela pourrait aussi s’appliquer à un fournisseur sous-jacent pour des erreurs relevant de la plateforme alors qu'elle avait fourni en temps opportun des informations correctes.

Références

[9] Milanez, A. et B. Bratta (2019), « Taxation and the future of work: How tax systems influence choice of employment form », OECD Taxation Working Papers, n° 41, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/20f7164a-en.

[3] OCDE (2020), Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/echange-de-renseignements-fiscaux/regles-types-declaration-intention-des-vendeurs-relevant-economie-du-partage-et-economie-a-la-demande.pdf (consulté le 4 avril 2021).

[1] OCDE (2019), Le rôle des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/0aef4c54-fr.

[5] OCDE (2017), Mécanismes pour la collecte effective de la TVA/TPS - OCDE, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/fr/ctp/beps/mecanismes-pour-la-collecte-effective-de-la-tva-tps.htm (consulté le 24 mai 2019).

[4] OCDE (2017), Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264272958-fr.

[7] OECD (2020), Code of Conduct: Co-operation between tax administrations and sharing and gig economy platforms, OECD, Paris, http://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/code-of-conduct-co-operation-between-tax-administrations-and-sharing-and-gig-economy-platforms.pdf (consulté le 25 février 2021).

[2] OECD (2019), Implementing Online Cash Registers: Benefits, Considerations and Guidance, OECD , Paris, http://www.oecd.org/ctp/implementing-online-cash-registers-benefits-considerations-and-guidance.htm (consulté le 25 février 2021).

[6] OECD (2019), Tax Administration 2019: Comparative Information on OECD and other Advanced and Emerging Economies, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/74d162b6-en.

[10] OECD (2014), Tax Compliance by Design: Achieving Improved SME Tax Compliance by Adopting a System Perspective, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264223219-en.

[8] OECD/Council of Europe (2011), La Convention mutilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale: Amendée par le Protocole de 2010, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264115682-fr.

Notes

← 1. Des considérations similaires sont également disponibles dans le document de travail de Milanez, A. et B. Bratta (2019), développé sous les auspices du Groupe de travail n° 2 et intitulé Taxation and the future of work:How tax systems influence choice of employment form (Milanez et Bratta, 2019[9]).

← 2. Il est admis que le statut de TVA/TPS des acteurs de l’économie du partage/à la demande est déterminé conformément aux dispositions pertinentes de chaque législation nationale et ne rentre pas dans le champ d’application de ces travaux.

← 3. Dans le cadre du présent Rapport, un intermédiaire financier est une tierce partie qui traite les paiements liés aux transactions réalisées par les fournisseurs sous-jacents de l’économie du partage/à la demande. Il ne faut pas confondre ces intermédiaires financiers avec les plateformes de l’économie du partage/à la demande qui mettent en contact les fournisseurs sous-jacents et les utilisateurs et rendent possible la fourniture d'une prestation au titre de l’économie du partage/à la demande. Pour ces plateformes de l’économie du partage/à la demande, les rôles de collecte et de déclaration sont examinés à la section 3.3. ci-dessous.

← 4. Voir la publication du Forum on Tax Administration sur la conformité fiscale dès la conception (2014) qui rassemble les différents éléments de la technologie associés au commerce moderne dans un système (en tant que partie intégrante de celui que les PME utilisent pour mener à bien leurs activités quotidiennes) qui offre une et un flux sécurisé d'informations fiscales précises et de paiements d'impôts (OECD, 2014[10]).

← 5. Les règles types de l’OCDE définissent un « Vendeur » comme étant un utilisateur d’une Plateforme qui est enregistré à tout moment au cours de la Période de déclaration sur la Plateforme aux fins de la prestation de Services visés. Dans ce contexte, les Vendeurs peuvent inclure des personnes physiques et des Entités. Aux fins du présent Rapport, les termes « Vendeur » et « Fournisseur » sont utilisés indifféremment l’un pour l’autre (OCDE, 2020[3]).

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