1. Renforcer l’intégrité dans les marchés publics au Québec

Afin d’atteindre des hauts standards d’intégrité et de performance dans les marchés publics, il est essentiel que les institutions pertinentes se coordonnent de manière efficace et selon des responsabilités bien définies, et ce particulièrement dans des contextes caractérisés par une forte décentralisation. Les institutions publiques doivent également mettre en œuvre des mesures d’orientation et de suivi, ainsi que des indicateurs fiables qui leur permettront d’exercer une surveillance efficace sur la mise des politiques et standards pertinents. Ces indicateurs doivent être développés et priorisés selon une approche stratégique basée sur le risque et l’atteinte des objectifs institutionnels prédéfinis.

Le gouvernement du Québec a accompli des progrès significatifs ces dernières années dans le but de mettre en place un cadre institutionnel d’intégrité dans les processus de marchés publics applicable aux organismes publics et municipaux. Ainsi, deux cadres institutionnels distincts s’appliquent dans le secteur public québécois : d’une part, celui régissant les contrats des ministères et des organismes relevant du gouvernement (les organismes publics) et, d’autre part, celui régissant les contrats des organismes municipaux (tableau 1.1). En matière d’intégrité et de transparence, ces deux cadres normatifs sont, à quelques détails près, très semblables. Cependant, le cadre institutionnel du gouvernement québécois pourrait adopter une approche plus coordonnée pour la mise en place de standards d’intégrité dans les organismes publics et municipaux, qui opèrent actuellement dans un contexte hautement décentralisé.

Au Québec, chaque organisme public est ultimement responsable de la mise en place de leurs cadres institutionnels en matière d’intégrité. Toutefois, il y a davantage de standards contraignants spécifiquement applicables au contexte des marchés publics qu’en matière d’intégrité en général au sein des organismes publics.

Une coordination accrue entre les cadres institutionnels en matière de marchés publics et d’intégrité dans la fonction publique pourrait permettre de renforcer les standards d’intégrité applicables au contexte spécifique des marchés publics. L’article 21.0.1 de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) exige de chaque organisme public qu’il désigne un responsable de l’application des règles contractuelles (RARC) afin d’assurer la coordination entre les directions des contrats publics et les dirigeants d’organismes. Le mandat étendu du RARC lui permet de jouer un rôle clé afin de renforcer la conformité des processus de marchés publics avec les règles applicables. Le RARC est responsable de veiller à la conformité des activités contractuelles et de procurer l’assurance au dirigeant de l’organisme, qui est ultimement responsable, du respect de la LCOP et des autres normes relatives à la conduite des marchés publics. Il est également responsable de veiller à la mise en place de mesures au sein de l’organisme afin de voir à l’intégrité des processus internes, et de s’assurer que de la qualité du personnel qui exerce les activités contractuelles.

Ainsi, le RARC est responsable de déterminer les contrôles et procédures précises visant à assurer la conformité avec la LCOP, tout en respectant les balises générales suggérées par la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics et la Directive concernant la gestion du risque de corruption et de collusion dans les processus de gestion contractuelle. Cette approche, où un organisme central est responsable de veiller à l’élaboration d’une approche coordonnée concernant l’intégrité dans la fonction publique, tout en favorisant un « management de proximité » concernant l’élaboration et l’application des règles par chaque organisme public est alignée avec les bonnes pratiques des pays membres de l’OCDE.

En effet, un grand nombre de pays prévoient une combinaison d’exigences normatives et d’orientations formulées par une administration centrale, avec des services spécialisés dans les ministères sectoriels pour formaliser les politiques en matière d’intégrité (graphique 1.1).

Toutefois, la plupart des dispositifs et arrangements institutionnels visant à garantir l’intégrité dans les contrats publics dans les pays membres de l’OCDE sont intégrés d’une manière ou une autre au cadre général du gouvernement en matière d’intégrité. À ce titre, le cadre institutionnel des États-Unis se rapproche de celui du Québec et de la désignation du RARC en tant que responsable de l’intégrité dans les marchés publics (encadré 1.1). Néanmoins, une distinction importante est qu’une agence ou un département fédéral doit nommer un responsable de l’éthique dans les marchés publics, qui doit travailler étroitement avec les directeurs des approvisionnements (Senior Procurement Executive) et les responsables principaux des acquisitions (Chief Acquisition Officer). D’autres pays de l’OCDE, comme l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, délèguent les responsabilités d’assurer l’intégrité dans les marchés publics aux ressources désignées pour les questions en matière d’intégrité en général pour assurer une approche coordonnée et cohérente.

Au Québec, il n’existe pas d’exigences relatives à la coordination du RARC avec le cadre institutionnel général applicable en matière d’intégrité dans les organismes publics. Certaines parties prenantes ont également rapporté qu’il y avait peu de coordination en pratique entre les RARC et les répondants en éthiques au niveau des organismes publics.

Au niveau des institutions centrales, la coordination gouvernementale en éthique du Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) n’apparaît pas non plus être formellement impliquée dans la gestion de l’intégrité dans les processus de contrats publics. Par exemple, la coordination gouvernementale en éthique n’est pas impliquée dans l’application de la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics, même si celle-ci traite de la gestion des conflits d’intérêts et de communications d’influence dans les contrats. De plus, la coordination gouvernementale en éthique ne semble pas avoir contribué au Rapport d’analyse du Secrétariat du Conseil du trésor concernant les lignes internes de conduite, qui fait état des bonnes pratiques pour la mise en œuvre de lignes de conduite en matière de gestion contractuelle, incluant la gestion des conflits d’intérêts.

Ainsi, afin de s’assurer de mettre en œuvre une approche holistique et coordonnée en matière d’intégrité dans les contrats publics qui est intégrée au cadre général d’intégrité, le SCT pourrait considérer une collaboration accrue entre les répondants à l’éthique et les RARC afin, par exemple, de guider efficacement ces derniers dans la mise en œuvre de la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics, spécialement en matière de conflits d’intérêts et de communications d’influence.

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a compétence pour l’encadrement des affaires municipales en vertu de la Loi sur les cités et villes et le Code municipal, incluant les marchés publics et les questions d’intégrité. Il n’existe pas d’approche systémique pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics des municipalités de taille comparable, mais cela peut s’expliquer en partie par la volonté de respecter l’autonomie des élus municipaux.

Le MAMH a conduit un grand nombre de réformes afin de renforcer les normes en matière d’intégrité publique dans les municipalités depuis le déclenchement des cas qui ont mené à la Commission Charbonneau, et ces réformes constituent des progrès notables. De plus, la mise en place de l’Autorité des marchés publics (AMP), avec ses pouvoirs de vérification et de surveillance, vient renforcer davantage le cadre d’intégrité dans les contrats publics. Tous les organismes sous contrôle municipal (ex. OBNL) sont maintenant assujettis aux règles d’adjudication des contrats municipaux, ce qui répond à une autre recommandation de la Commission Charbonneau.

Suite à des réformes législatives menées en 2010 et 2011, les organismes municipaux doivent maintenant adopter une politique de gestion contractuelle (PGC), la rendre accessible sur internet et la transmettre au ministère. Le MAMH assure un suivi sur l’adoption des PGC (99.3 % des organismes municipaux se sont conformés à leur obligation), mais il n’y a pas de suivi d’effectué sur leur exhaustivité et sur l’efficacité de la mise en œuvre de ces instruments.

Le MAMH a également récemment procédé à des amendements législatifs, par l’entremise du projet de loi 155, afin de rendre applicable aux organismes municipaux le régime de divulgation prévu dans la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics.

De plus, et tel que recommandé par la Commission Charbonneau, le MAMH a mis en place un pôle d’expertise en gestion contractuelle municipale pour accompagner les municipalités dans la conduite de leurs marchés publics, mais la mise en place de ce processus est encore aux étapes préliminaires. Ce pôle d’expertise couvre certains sujets reliés à l’intégrité, notamment à l’étape de la définition des besoins et du mode d’octroi. Ce pôle d’expertise s’ajoute à deux autres pôles semblables créés au sein de la SQI (gestion contractuelle dans le secteur de la construction) et du CSPQ (gestion contractuelle dans le secteur des technologies de l’information).

D’autres juridictions ont d’ailleurs mis en place des mécanismes semblables pour consolider l’expertise technique en matière de marchés publics au sein d’une même institution responsable de fournir un support technique à d’autres institutions publiques faisant partie d’un système décentralisé. Par exemple, La Nouvelle-Zélande a consolidé l’expertise en matière de marchés publics dans le secteur de la construction à l’agence Infrastructure New Zealand. Les organismes publics resteront maîtres de l’organisation des marchés publics, mais pourront requérir le support nécessaire d’Infrastructure New Zealand. L’État de New South Wales en Australie a fait de même en Australie avec l’agence Infrastructure NSW, de même que la Colombie Britannique avec Partnerships BC et l’Écosse avec le Scottish Futures Trust. Toutes ces juridictions ont réalisé les bénéfices importants générés par la consolidation de l’expertise dans une entité adaptée à son mandat.

Selon le plan de travail du pôle d’expertise sur la gestion contractuelle au niveau municipal, plusieurs des besoins identifiés pouvant avoir un impact sur l’intégrité des processus dans l’ensemble du cycle des marchés publics sont liés au renforcement des capacités des municipalités. Plusieurs des actions proposées pour remédier à ces problématiques consistent à publier davantage d’informations ou de clauses d’appels d’offre types sur le site internet du MAMH, ou par l’entremise de bulletins de communication destinés aux municipalités (ex. muni-express). Bien que le partage d’informations techniques puisse s’avérer utile pour solidifier les processus de marchés publics, il est possible d’encadrer davantage les élus et fonctionnaires municipaux en leur fournissant des conseils personnalisés adaptées à des situations précises, tel que le font les organismes mentionnés ci-dessus dans le secteur de la construction.

La seule fourniture d’informations techniques aux élus ou aux fonctionnaires municipaux au moyen de publications ponctuelles peut s’avérer insuffisante pour appliquer les standards pertinents à des cas d’espèces précis et ainsi, accroître la vulnérabilité des processus à de potentiels actes de malversation, tel que l’exercice d’influence indue. Le plan d’action du pôle d’expertise concernant le suivi des contrats prévoit déjà le financement de ressources techniques pour certaines étapes spécifiques du cycle des marchés publics. De la même façon, le MAMH pourrait considérer le financement des ressources engagées par les associations municipales (la Fédération québécoise des municipalités (FQM) et l’Union des municipalités du Québec (UMQ)) afin de guider les municipalités sur une base permanente de manière à ce qu’elles évitent les écueils susceptibles de compromettre l’intégrité de l’ensemble des étapes du cycle des marchés publics. De plus, le MAMH pourrait également considérer si le format des formations actuelles répond aux besoins des responsables des marchés publics au niveau municipal, et considérer la mise en place de programmes de certification et de nouvelles formations dédiés aux élus municipaux et aux professionnels des marchés publics, tel que discuté à la section « Développer des formations adaptées aux besoins des professionnels des marchés publics afin d’en maximiser l’impact » du présent rapport pour les organismes publics du gouvernement du Québec.

Considérant la nature et l’étendue des pouvoirs qui sont conférés à l’AMP, celle-ci est appelée à interagir sur une base régulière avec les organismes publics et municipaux. Son mandat de surveillance, ainsi que ses pouvoirs d’ordonnance pour les organismes publics, et de recommandation pour les organismes municipaux, jouent un rôle de premier plan dans le renforcement de l’intégrité dans la conduite de l’ensemble des marchés publics au Québec. Toutefois, compte tenu de l’expertise de pointe dont bénéficie l’AMP dans différentes sphères des marchés publics, celle-ci pourrait également jouer un rôle important dans l’accroissement de l’efficience dans les marchés publics en prévenant les irrégularités dans les processus, ainsi qu’en renforçant l’expertise technique dans les organismes publics et municipaux.

L’entrée en fonction de l’AMP a coïncidé avec l’extension du mandat de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) aux cas de corruption qui ne touchent plus exclusivement les contrats publics. Le partage des pouvoirs de nature administrative et criminelle entre l’AMP et l’UPAC est un développement positif qui va engendrer un accroissement des ressources et de l’expertise pour la surveillance de la gestion des contrats publics, ainsi que pour les enquêtes et poursuites sur les actes de corruption dans la fonction publique provinciale et municipale.

Néanmoins, l’accroissement des pouvoirs de surveillance de l’AMP sur les contrats publics ne se fait pas sans inquiétudes au sein des organismes publics et municipaux. Certaines parties prenantes interrogées pour les fins de ce rapport ont mentionné qu’une surveillance accrue des fonctionnaires de petites municipalités pourrait avoir pour effet d’augmenter significativement leur charge de travail en leur imposant une obligation de résultat, malgré le peu de moyens à leur disposition. D’autres parties prenantes sont inquiètes du fait que les pouvoirs étendus de l’AMP pourraient être utilisées indûment pour retarder l’octroi de marchés publics pour des erreurs mineures aux règles applicables.

Lorsqu’elle établira son plan stratégique requis par l’article 18 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics (LAMP), l’AMP devra prévoir des moyens d’intervention adaptés aux conséquences des manquements observés par rapport à l’intérêt public. Le gouvernement du Québec peut également consulter l’AMP dans le but de renforcer ses activités de prévention et de partage des connaissances techniques, l’AMP étant bien positionnée pour apporter une perspective externe en vertu de ses pouvoirs de veille et de recommandation prévus à la LAMP.

Finalement, l’AMP pourrait développer une stratégie de communication destinée à l’ensemble des organismes publics et municipaux qui réitèrera sa volonté d’adopter une approche constructive dans l’accompagnement des organismes assujettis à ses pouvoirs de surveillance, alignée avec l’esprit même de la LAMP. En effet, la LAMP est structurée de façon à ce que les organismes publics et municipaux puissent avoir l’opportunité de se corriger eux-mêmes avant que l’AMP puisse être amenée à effectuer une intervention, sauf dans les cas où des modifications seraient apportées aux documents d’appel d’offre moins de deux jours avant l’expiration du délai pour recevoir des plaintes. Par souci de prévisibilité, la stratégie de communication de l’AMP pourrait aussi spécifier clairement lorsque les pouvoirs de modification ou d’annulation d’un marché public seront appliqués.

Conformément aux bonnes pratiques en vigueur dans les pays de l’OCDE, le SCT et le MAMH ont développé des normes centralisées en matière d’intégrité et de compétences techniques spécifiques aux marchés publics dans les organismes publics et municipaux. La mise en œuvre de ces normes est fortement décentralisée car chaque sous-ministre ou dirigeant d’organisme est responsable pour leur application au niveau des organismes publics, ainsi que chaque conseil municipal au niveau municipal. Afin de renforcer la reddition de compte concernant la définition et l’application de valeurs d’intégrité et de performance pour les professionnels œuvrant dans le secteur des marchés publics, le gouvernement du Québec pourrait considérer développer des mesures additionnelles de suivi et d’évaluation pour l’ensemble des organismes publics et municipaux, combinées à des formations adaptées aux contextes spécifiques.

Pour établir des valeurs communes en matière d’intégrité dans la fonction publique, le gouvernement a adopté le Règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique en 2002 qui énonce les devoirs généraux des fonctionnaires en matière d’éthique. Concernant spécifiquement les marchés publics, le gouvernement requiert l’adoption de lignes de conduite dans les organismes publics par la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de construction des organismes publics.

Toutefois, la mise en œuvre du règlement et de la directive est fortement décentralisée. Il appartient au dirigeant de chaque organisme public de définir les paramètres de mise en œuvre dans chaque organisme public. Cette décentralisation a engendré des résultats inégaux d’un organisme à l’autre. De plus, selon une liste disponible sur le site internet du SCT, il existe 55 organismes publics qui ne sont pas assujettis à la Loi sur la fonction publique et par le fait même, au règlement.

La Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de construction des organismes publics fournit un cadre normatif exhaustif spécifique à la conduite des marchés publics, au même titre qu’un code de conduite. Cependant, la responsabilité d’application de ces règles est fortement décentralisée, de sorte qu’il en revient ultimement à la discrétion des organismes publics de développer et appliquer des politiques innovantes afin de renforcer l’intégrité dans leurs processus de marchés publics.

Ainsi, plusieurs organismes ont développé des mécanismes d’intégrité en réponse à la directive, qui requiert l’adoption de lignes de conduite sur plusieurs aspects reliés à l’intégrité des marchés publics, concernant notamment la gestion de conflits d’intérêts et de communications d’influence (SCT, 2016[2]).

Par exemple, certains organismes publics, conformément aux documents types développés par le SCT, requièrent la divulgation par les contractants potentiels de leurs employés qui occupaient autrefois un emploi dans un organisme public. Cette pratique a pour but de faire respecter les règles d’après-mandat applicables. Afin de formaliser davantage ce mécanisme, des travaux sont actuellement en cours pour inclure ces clauses des documents types à la réglementation sur l’éthique et la déontologie dans la fonction publique et sur les contrats publics.

Le rapport portant sur l’analyse des lignes internes de conduite des organismes publics avait également pour objectif d’identifier globalement les pistes d’amélioration et les bonnes pratiques en matière d’intégrité dans les marchés publics pour l’ensemble des organismes publics. Cependant, il ne devait pas rendre un portrait spécifique à chaque organisme public en comparant leur performance. Il n’y a donc pas de suivi et d’évaluation systématiques sur la mise en œuvre des lignes de bonne conduite.

Il existe plusieurs façons pour accroître la reddition de compte d’organismes publics pour la mise en œuvre de directives, politiques ou autres outils en matière d’intégrité dans les contrats publics dans un cadre décentralisé. D’abord, une obligation de mettre en œuvre les directives émises au niveau central peuvent être inclues dans une loi ou un texte réglementaire. De plus, afin d’assurer un suivi sur les efforts déployés par les organismes publics, la loi ou le texte réglementaire peut requérir que le dirigeant d’organisme fasse rapport sur une base annuelle sur les efforts déployés pour s’assurer d’une application effective des directives. Par exemple, le gouvernement du Canada exige, par l’entremise de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, que les administrateurs généraux des ministères et organismes veillent à la mise en œuvre du Code de valeurs et d’éthique du secteur public, de la Politique sur les conflits d’intérêts et l’après-mandat, de leur code de conduite organisationnel ainsi que de leur procédure interne de divulgation d’actes répréhensibles. Certains gouvernements ont également des mesures pour évaluer la mise en œuvre de politiques en matière d’intégrité (encadré 1.2). D’autres ont également adaptés des méthodologies d’audit pour évaluer la mise en œuvre de différentes politiques en matière d’intégrité dans les organismes publics, tel que l’Autriche, le Costa Rica, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (EUROSAI, 2017[3]).

Ainsi, le gouvernement du Québec pourrait déléguer au SCT le pouvoir d’exercer un suivi et d’évaluer les mesures mises en œuvre pour appliquer les politiques développées par le SCT en matière d’intégrité dans les marchés publics, ainsi que leur adaptation au contexte particulier aux organismes publics. Afin d’assurer une plus grande cohérence dans l’ensemble du secteur public, ce pouvoir de suivi et d’évaluation pourrait s’appliquer à l’ensemble des organismes publics, incluant ceux qui ne sont pas réglementés par la Loi sur la fonction publique.

Ce mécanisme de suivi par le SCT pourrait également s’apparenter à l’évaluation faite présentement par le SCT et l’UPAC des plans de gestion de risque développés par les organismes publics en vertu de la Directive concernant la gestion des risques en matière de corruption et de collusion dans les processus de gestion contractuelle. En effet, contrairement à la Directive concernant la gestion des contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics, l’obligation de développer des plans de gestion des risques et les mécanismes d’accompagnement prévus la Directive concernant la gestion des risques font en sorte que les organismes publics doivent rendre des comptes sur sa mise en œuvre sur une base périodique.

Les formations pertinentes à l’intégrité dans les marchés publics au sein des organismes publics sont principalement normatives et conduites par le SCT et l’UPAC. Selon l’information recueillie auprès des parties prenantes, les formations en matière d’intégrité mettent l’emphase sur les hauts fonctionnaires ou les directeurs de services, plutôt que sur les professionnels des marchés publics. Le gouvernement du Québec pourrait considérer développer des formations qui vont au-delà des aspects normatifs et qui sont davantage axées sur les besoins pratiques des professionnels. Conformément aux bonnes pratiques adoptées dans les pays membres de l’OCDE, ces formations peuvent également avoir pour objectif de valoriser le rôle et les fonctions des professionnels des marchés publics.

Le SCT porte une attention particulière aux RARC, aux cadres supérieurs et intermédiaires, ainsi qu’aux secrétaires de comité de sélection des organismes publics pour les formations en matière d’intégrité. Par exemple, les cadres reçoivent une formation sur l’éthique dans le cadre du Programme gouvernemental d’apprentissage du gestionnaire-leader (PGAGL). Du côté des RARC et des Secrétaires de comité de sélection, des forums de discussion abordant différent aspects de la gestion contractuelle, dont les enjeux d’intégrité et de conflits d’intérêts dans les contrats, sont donnés sur une base annuelle. Lors de ces rencontres, les RARC sont également invités à sensibiliser les employés de leur organisation impliqués dans la gestion contractuelle aux questions d’intégrité et de conflits d’intérêts. Finalement, les Secrétaires de comité de sélection doivent obligatoirement réussir un examen portant spécifiquement sur les connaissances requises afin d’exercer cette fonction stratégique. Cet examen est administré par le SCT, qui dispense également des séances de formation préalablement à l’examen.

Les formations destinées aux professionnels des marchés publics sont données sous forme de cours ou de conférence, et dans une moindre mesure sous forme de webinaire. Le SCT favorise les formations visant l’ensemble des gestionnaires et employés des marchés publics et dispensées en présentiel afin de favoriser les échanges et les discussions de cas pratiques pour favoriser l’apprentissage. Selon les statistiques comptabilisées par le SCT, les webinaires sont surtout utilisés afin de diffuser rapidement des informations techniques ou administratives, tel que le remplissage d’un formulaire ou de formalités administratives, où pour joindre des professionnels étant postés à distance des centres urbains.

Toutefois, selon les perceptions des parties prenantes rencontrées pour les fins de ce rapport, la majorité des formations accessibles aux professionnels des marchés publics se donnent sous forme de webinaires, et que ceux-ci ne sont pas adaptés à la discussion des aspects pratiques de l’application des règles. D’autres intervenants ont ajouté que les formations s’adressaient davantage aux gestionnaires plutôt qu’aux employés responsables des marchés publics. Il semble donc exister un écart entre la disponibilité de formations en personne sur les marchés publics et les perceptions sur la disponibilité de ces formations par les professionnels. Ainsi, le gouvernement du Québec pourrait prendre des mesures pour s’assurer de la diffusion de ces formations à l’ensemble des professionnels dans chaque organisme public. La recommandation ne vise pas à réduire le nombre de formations aux gestionnaires, puisque ceux-ci sont un acteur clé dans la diffusion de valeurs communes et de connaissances techniques dans le secteur public, particulièrement dans les environnements décentralisés. La recommandation vise principalement à s’assurer que les formations soient disponibles et adaptées à chaque tranche de professionnels des marchés publics dans la fonction publique québécoise.

Le gouvernement du Québec pourrait également s’assurer de recueillir des commentaires sur le contenu des formations ainsi que des statistiques sur le nombre et l’identité des participants. L’ensemble de ces données pourraient permettre de déterminer si les formations atteignent l’ensemble des professionnels des marchés publics et répondent bien à leurs besoins. Finalement, afin de complémenter les formations traditionnelles, le gouvernement du Québec pourrait mettre en œuvre des programmes de mentorat, de jumelage ou de rotation temporaire entre différents organismes publics pour stimuler l’apprentissage d’autres perspectives et favoriser la diffusion de bonnes pratiques.

De par la nature de son mandat et de ses fonctions en matière de surveillance et de contrôle, l’AMP sera dans une position stratégique pour prendre la mesure des besoins en matière de renforcement des connaissances techniques, à la fois dans les organismes publics et municipaux. Une utilisation optimale des pouvoirs de veille et de recommandation de l’AMP concernant les formations permettrait d’intégrer des considérations et des cas pratiques vécus par l’organisation lors de ses interventions afin de compléter le contenu normatif plus traditionnel (encadré 1.3). Comme l’un des objectifs derrière la création de l’AMP était de regrouper des professionnels bénéficiant d’une expertise hautement qualifiée et variée par rapport à différents aspects des marchés publics, cette organisation serait bien positionnée pour juger de la pertinence et de l’efficacité de la formation dispensée aux fonctionnaires en matière de contrats publics.

En vertu de ses pouvoirs de veille et de recommandation, l’AMP pourrait évaluer les activités de formation conduites par le gouvernement et les associations municipales (Fédération québécoise des municipalités, Union des municipalités du Québec), notamment par l’entremise des pôles d’expertise nouvellement créés au sein du CSPQ, de la SQI et du MAMH, et faire des recommandations au gouvernement du Québec et aux municipalités sur la bonification de la formation au besoin. Les conseils de l’AMP en matière de formation technique permettraient possiblement d’assurer une certaine cohérence entre l’information dispensée par l’entremise de formations aux niveaux provincial et municipal.

Finalement, l’information recueillie auprès des parties prenantes révèle que les directions des contrats publics des organismes publics sont sujettes à des pertes d’expertise dues au haut taux de roulement des professionnels des marchés publics. Ces professionnels doivent s’adapter à des changements de règles et de processus fréquents, à d’importantes charges de travail et à des attentes élevées de leurs clients compte tenu des courts délais à respecter pour conduire les processus de marchés publics. Selon les discussions tenues avec les parties prenantes, l’importance du rôle des professionnels des marchés publics n’est pas toujours bien comprise et mise en valeur au sein de la fonction publique québécoise.

En réponse aux préoccupations exprimées sur le haut taux de roulement des spécialistes des marchés publics au profit, par exemple de l’inspection et de l’audit, le gouvernement du Québec pourrait considérer la pertinence de développer et de mettre en place un programme de certification pour les professionnels des marchés publics. Le SCT administre déjà un programme similaire destiné aux Secrétaire de comité de sélection, duquel pourrait être dérivé de bonnes pratiques pour la formation et l’examen des connaissances et habiletés des spécialistes des marchés publics. Un programme de certification peut contribuer à revaloriser le rôle des professionnels des marchés publics, planifier la relève afin de compenser le taux de roulement de personnel, et mieux outiller les professionnels à faire face aux exigences élevés de la profession (encadré 1.4).

Le gouvernement du Québec a entrepris des efforts significatifs depuis 2016 afin de développer et mettre en œuvre une culture de gestion des risques pour la conduite des marchés publics dans un grand nombre d’organismes publics et municipaux. Ces efforts tiennent compte notamment des recommandations du Vérificateur général du Québec (VGQ) et du Commissaire à la lutte contre la corruption afin d’imposer des plans de gestion du risque de corruption et collusion dans tous les processus contractuels des organismes publics (Commissaire à la lutte contre la corruption, 2017[4]; VGQ, 2016[5]).

Les organismes publics assujettis à la LCOP sont tenus, en vertu de la Directive concernant la gestion des risques en matière de corruption et de collusion dans le processus de gestion contractuelle, d’adopter un plan de gestion des risques dans le but de renforcer l’intégrité de leur processus contractuels. L’UPAC a développé un outil robuste et efficace pour guider les organismes publics dans l’analyse et le développement de réponses adéquates au risque de corruption, à savoir le Guide d’élaboration d’un modèle de cadre organisationnel de gestion des risques de corruption et de collusion dans les processus de gestion contractuelle (le Guide). L’UPAC a également développé une boîte à outils pour faciliter la mise en œuvre de la Directive qui comprend 45 risques types dans la gestion des contrats publics. La démarche de gestion de risque de l’UPAC est inspirée des normes ISO 31000, ISO 37001, ainsi que des normes internationales pour la pratique professionnelle de l’audit interne (IIA).

L’UPAC effectue également plusieurs séances d’accompagnement et de de partage des connaissances dans les organismes publics pour le développement de leur plan de gestion du risque, et le retour d’expérience des parties prenantes a été positif. Le développement des plans de gestion du risque des organismes publics plus vulnérables au risque de corruption ont été priorisés, ce qui est conforme aux bonnes pratiques.

Afin d’en maximiser l’utilité et le potentiel de sensibilisation, l’UPAC et le SCT pourraient également guider les organismes publics afin qu’ils définissent précisément comment l’information générée en continu par les plans de gestion de risques sera utilisée, au-delà du renforcement des contrôles internes en place. En effet, le développement d’un plan de gestion du risque ne doit pas être une fin en soi ; l’information générée doit être utilisée de façon stratégique. Par exemple, cette information pourrait être utilisée pour mettre à jour et bonifier les formations données aux fonctionnaires en matière d’intégrité, et pour développer ou mieux cibler les campagnes de sensibilisation données dans les organismes publics.

L’UPAC offre des services-conseils aux municipalités et aux municipalités régionales de comté (MRC) du Québec afin d'aider leurs dirigeants à évaluer les risques liés à la corruption et la collusion. Le mandat de l’UPAC envers les municipalités est issu de l’article 3 de la Loi concernant la lutte contre la corruption (LCLCC), qui inclut toutes les municipalités dans la définition de secteur public. Comme pour les organismes publics, les services proposés par l’UPAC aux organismes municipaux reposent essentiellement sur le Guide d’élaboration d’un modèle de cadre organisationnel de gestion des risques de corruption et de collusion dans les processus de gestion contractuelle, la trousse d’outils du plan de gestion de risque en matière de corruption et de collusion dans les processus de gestion contractuelle, et les formations données par l’UPAC.

L’adoption d’un plan de gestion des risques par les municipalités n’est pas obligatoire, car celles-ci ne sont pas assujetties à la Directive concernant la gestion des risques en matière de corruption et de collusion dans le processus de gestion contractuelle. La méthodologie est toutefois proposée par l’UPAC à l’ensemble des municipalités et des MRC du Québec, et elle est adaptable à la taille et au contexte propre à chaque municipalité. La méthodologie a également fait l’objet de projets-pilotes conduits auprès de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), du MTQ et de la Ville de Sorel-Tracy.

Même si le MAMH a fait état d’un intérêt croissant des municipalités dans le renforcement de leur gestion du risque de corruption dans les contrats publics, les interventions de l’UPAC ont permis de révéler que les bonnes pratiques internationales de gestion du risque et de contrôle interne (par exemple, les bonnes pratiques du l’Institut des auditeurs internes, ou IIA) ne font pas partie de la culture des municipalités. Ni le MAMH, ni la Commission municipale du Québec (CMQ) et ni l’AMP ne planifient fournir d’accompagnement en matière de gestion du risque de corruption, de fraude ou de collusion. Finalement, les organismes publics interrogés se sont montrés très satisfaits des services de support pour développer leur plan de de gestion du risque reçus de l’UPAC jusqu’à maintenant.

Lorsque l’essentiel du travail pour le développement et la mise en œuvre des premiers plans de gestion du risque sera accompli pour les organismes publics, le gouvernement du Québec pourrait requérir expressément que l’UPAC accompagne le développement et la mise en œuvre de tels plans dans les municipalités ou les MRC au-delà d’une certaine taille, ou qui représentent un risque particulier en matière de corruption et de collusion. L’accompagnement des municipalités par une agence anti-corruption au niveau d’un gouvernement central a déjà été expérimenté dans certains pays de l’OCDE, incluant la Lituanie, où de bons résultats ont été obtenus (encadré 1.5).

Les marchés publics sont un secteur particulièrement vulnérable au risque de corruption et de collusion. La mise en place d’une fonction d’audit interne robuste et indépendante devrait figurer au premier plan de toute stratégie de gestion du risque et de contrôle interne afin de prévenir et détecter la corruption et la collusion dans les marchés publics.

Au printemps 2016, le VGQ a publié une étude qui dresse un portrait de la vérification interne au sein du gouvernement du Québec qui indique qu’il existe un écart important entre plusieurs organismes publics concernant l’état d’avancement des dispositifs institutionnels en matière de vérification interne. Effectivement, il n’existe pas d’approche systémique en matière d’audit interne dans la fonction publique québécoise. La Loi sur l’administration publique reconnaît à chaque sous-ministre et dirigeant d’organisme le rôle d’exercer les contrôles relatifs à la gestion par résultats.

Des mécanismes ont bien été établis afin de renforcer la surveillance des marchés. Le MTQ a par exemple mis en place une Direction de l’assurance qualité en gestion contractuelle, qui a notamment pour fonctions l’analyse des documents contractuels avant l’octroi des contrats, et dans certains cas a posteriori afin de vérifier divers mécanismes de contrôle prévus dans les directives et procédures du ministère.

Afin d’améliorer la coordination et le partage des connaissances entre les équipes d’auditeurs internes, le gouvernement du Québec a développé un le Guide de vérification du processus de gestion contractuelle (2014) et le Forum des responsables de la vérification interne (FRVI), qui regroupe les responsables de l’audit interne qui travaillent au sein de l’administration publique québécoise. Le Guide de vérification propose différentes démarches inspirées de la norme ISO 31 000 et des normes internationales IIA afin de procéder à des vérifications internes concernant les processus de gestion contractuelle, incluant des méthodologies pour procéder à la planification des audits internes. Cependant, ces initiatives à elles-seules n’ont pas été suffisantes pour assurer un certain niveau d’expertise et de cohérence entre les systèmes de contrôle d’un organisme public à l’autre (VGQ, 2016[6]).

Une autre problématique est reliée à l’indépendance de l’audit interne dans les ministères, où plus de 50 % des membres des comités d’audit interne provenaient de l’intérieur de l’organisme public, ce qui comporte des risques quant à l’objectivité des audits. Finalement, le rapport du VGQ conclut que plusieurs des unités d’audit interne ont une connaissance insuffisante des risques et des contrôles à l’extérieur de leur propre ministère (VGQ, 2016[6]).

À l’inverse, les entités assujetties à la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État ont mis en place plusieurs bonnes pratiques en matière de vérification interne. Ainsi, le gouvernement pourrait s’inspirer des moyens prévus à cette loi pour renforcer les exigences applicables aux autres organismes publics. Cela inclut notamment de considérer l’établissement d’un comité de vérification avec des membres indépendants et dotés de compétences adéquates pour chaque organisme public. Ce comité serait responsable, entres autres, d’approuver le plan annuel de vérification interne, de veiller à ce que des mécanismes de contrôle interne soient mis en place et de s’assurer qu’ils soient adéquats et efficaces, et de s’assurer qu’un processus de gestion des risques est mis en place. La Loi sur la gouvernance des sociétés d’État demande également au comité de vérification d’aviser le conseil d’administration (le ministre ou le dirigeant d’organisme dans le cas d’un organisme public qui n’a pas de conseil d’administration) par écrit s’il relève des opérations ou des pratiques de gestion qui ne sont pas saines ou qui ne sont pas conformes aux lois, aux règlements ou aux politiques de l’organisme public (VGQ, 2016[6]).

Pour assurer une certaine cohérence dans la mise en œuvre de bonnes pratiques de vérification interne à travers l’ensemble de la fonction publique, le gouvernement du Québec, par l’entremise du SCT ou d’un autre organisme, pourrait imposer des normes et des standards en matière de vérification interne qui pourraient prévoir certaines des mesures prévues à la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État. Ces lignes directrices pourraient prévoir l’établissement d’un comité d’audit avec des membres indépendants qui s’assurerait de la supervision et de la qualité des activités d’audit interne conduites par la direction des audits dans les organismes publics. Les normes et standards pourraient également prévoir des activités de renforcement des capacités administrées par le SCT pour l’ensemble des organismes publics afin d’assurer un niveau adéquat de compétences. De plus, le SCT pourrait se voir déléguer le pouvoir d’émettre des recommandations aux organismes publics pour renforcer leurs capacités d’audit interne, incluant des évaluations de performance. Finalement, ces normes et standards pourraient être enchâssés dans une loi ou une directive pour leur donner un caractère obligatoire.

Plusieurs organismes externes disposent de pouvoirs de surveillance étendus concernant la conduite des marchés publics au Québec. Dans certains cas, ces organismes disposent de pouvoirs complémentaires en matière de prévention et d’inspection ou d’enquête. Certains organismes de surveillance coordonnent ainsi leurs activités afin d’accroître leur effectivité et d’éviter les surcharges de travail.

Une des forces du régime Québécois de lutte contre la corruption dans la conduite des marchés publics est la délégation de pouvoirs de surveillance étendus à plusieurs organismes, dont certains ne se rapportent pas directement au pouvoir exécutif. Leur mandat est de surveiller l’application de différents cadres réglementaires en matière de gestion des contrats publics (tableau 1.2).

Suite à la mise en place de l’AMP et aux réformes engendrées par le projet de loi 155 concernant la vérification indépendante dans les municipalités, il existe maintenant un grand nombre d’acteurs différents qui sont responsables de la vérification externe des organismes publics et municipaux sur les plans de la conformité et de l’optimisation des ressources. Une coordination efficace peut leur permettre de s’acquitter de leur mandat de surveillance plus efficacement, ce qui est non-négligeable en considérant que pour l’ensemble des organismes publics et municipaux, il y avait plus de 30 000 contrats publics en 2016-2017, pour une valeur de plus de 16 milliards USD.

La LAMP prévoit que l’AMP puisse partager des renseignements portés à sa connaissance avec l’Inspecteur général de la ville de Montréal, le Protecteur du citoyen, le Commissaire à la lutte contre la corruption, le SCT et le MAMH, selon la nature de l’information. Selon l’article 71 de la LAMP, ces institutions devront signer une entente spécialement à cet effet. De plus, plusieurs parties prenantes ont également indiqué lors des entrevues qu’elles transmettraient immédiatement toute information pertinente au mandat d’une autre institution de surveillance qui viendrait à leur connaissance pour fins d’analyse.

Toutefois, il pourrait être souhaitable de formaliser non seulement le partage d’informations a posteriori, mais également de coordonner les activités de surveillance en amont pour une plus grande efficacité. En effet, bien que le partage d’informations a posteriori est essentiel afin de pouvoir réagir à des irrégularités ou des actes de corruption dans la conduite des marchés publics, il est essentiel de coordonner la programmation des activités de surveillance en amont afin d’éviter les dédoublements et s’assurer que les principaux secteurs à risque soient l’objet d’un niveau approprié de contrôles.

Ainsi, dans le but d’adopter une approche coordonnée et proactive, le SCT et les organes d’audit interne des organismes publics pourraient considérer coordonner, dans une certaine mesure, la programmation de leurs activités de surveillance afin d’éviter les chevauchements et de renforcer, autant que possible, leur cohérence et leur efficacité. Les organismes de surveillance prévus à l’article 71 de la LAMP pourraient également s’assurer que l’échange de renseignements en vertu de la LAMP puisse se faire à double sens entre l’AMP d’une part; et l’UPAC, le Bureau de l’Inspecteur général de la ville de Montréal (BIG), le Protecteur du citoyen, le SCT et le MAMH d’autre part. La loi québécoise pourrait également prévoir une entente afin de formaliser le partage d’informations et éviter les chevauchements en lien avec les activités de surveillance au niveau municipal, par exemple entre le MAMH, les vérificateurs des municipalités, la CMQ, l’UPAC et l’AMP.

Finalement, l’information recueillie pour les fins de ce rapport a permis d’apprendre que le VGQ et les organismes de surveillance gouvernementaux coordonneront les aspects de leur mandat qui peuvent également se chevaucher. Ainsi, le gouvernement du Québec, en partenariat avec le VGQ, pourrait explorer la possibilité de formaliser leur collaboration en s’inspirant notamment du comité de coordination du Système national d’audit du Mexique, qui est responsable de la coordination des activités de surveillance des institutions d’audit externe et interne au niveau fédéral, étatique et municipal, malgré l’autonomie de ces institutions en vertu de la Constitution mexicaine.

Références

[4] Commissaire à la lutte contre la corruption (2017), Guide d’élaboration d’un modèle de cadre organisationnel de gestion des risques en matière de corruption et de collusion dans les processus contractuelle.

[3] EUROSAI (2017), Guideline for Audit of Ethics in Public Sector Organisations, https://www.sayistay.gov.tr/en/Upload/files/Ethics/Guidelines%20to%20audit%20ethics.pdf.

[2] SCT (2016), Rapport d’analyse du Secrétariat du Conseil du trésor concernant les lignes internes de conduite, Gouvernement du Québec, http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3195764.

[1] U.S. Office of government Ethics (2007), Ethics & Procurement Integrity, https://www.oge.gov/web/oge.nsf/Education%20Resources%20for%20Ethics%20Officials/7D9F7E91B7DF89BE85257FB6003E2917/.

[5] VGQ (2016), Contrats d’achats regroupés en technologies de l’information, Rapport du Vérificateur général du Québec, https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-annuel/2016-2017-VOR-Printemps/fr_Rapport2016-2017-VOR-Chap02.pdf.

[6] VGQ (2016), Portrait de la vérification interne au gouvernement du Québec, Rapport du Vérificateur général du Québec, http://vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2016-2017-VOR-Printemps/fr_Rapport2016-2017-VOR-Chap08.pdf.

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