1. Réformer les politiques agricoles pour atténuer le changement climatique

L’agriculture est confrontée à un défi complexe et unique dans le contexte du changement climatique. Tout d’abord, l’agriculture est particulièrement vulnérable au changement climatique, du fait de sa dépendance aux conditions météorologiques et climatiques. Elle subit déjà les répercussions négatives du changement climatique dues à la hausse des températures, à la variabilité accrue des précipitations, aux espèces nuisibles et à la fréquence plus élevée des phénomènes météorologiques extrêmes. Dans le monde entier, le renforcement de la résilience du secteur et l’adaptation au changement climatique représentent un défi de taille, en particulier dans les pays les plus pauvres où l’agriculture joue un rôle important dans l’économie et dans la satisfaction des besoins vitaux, et où les effets du changement climatique devraient le plus se faire sentir.

Ensuite, l’agriculture elle-même est une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre (GES), à la fois directement, du fait des émissions liées à la production dans les exploitations, et indirectement, en raison du changement d’affectation des terres découlant de l’expansion agricole. En cas d’inaction, les émissions d’origine agricole devraient continuer à augmenter et la part du secteur dans les émissions totales à progresser à mesure que les efforts pour décarboner les autres secteurs s’accélèrent. Cela étant, le secteur agricole peut contribuer de nombreuses manières aux efforts mondiaux visant à atténuer le changement climatique, en réduisant à la fois ses émissions directes et indirectes.

Ensuite, contrairement à de nombreux secteurs à forte intensité d’émission, l’agriculture pourrait contribuer positivement à la réduction des émissions en retirant le carbone de l’atmosphère par le biais de projets de piégeage du carbone dans la biomasse et dans les sols. Cet objectif peut être atteint en adoptant des pratiques qui permettent également d’augmenter la productivité, comme l’agriculture de conservation et la restauration des terres dégradées, à la fois pour atténuer les émissions directes et pour éviter de nouvelles émissions indirectes résultant d’un changement d’affectation des terres.

La réduction des émissions de GES d’origine d’agricole pose également des difficultés particulières. Un vaste éventail de mesures gouvernementales s’applique à ce secteur, dont d’importantes mesures de soutien dans les pays de l’OCDE. L’une des questions clés est donc de savoir dans quelle mesure les politiques existantes appuient ou au contraire entravent les efforts d’atténuation du changement climatique ou d’adaptation à ses effets dans le secteur agricole. Un autre point important concerne les types de politiques d'atténuation qui ont été adoptées – ou sont envisagées – par les pays pour réduire les émissions imputables à l’agriculture. Étant donné que la hausse de la population et des revenus continuera de soutenir la croissance de la demande, la sécurité alimentaire est appelée à gagner en importance stratégique. L’agriculture est donc au cœur du triple défi que doivent relever les systèmes alimentaires : fournir suffisamment d’aliments sûrs, nutritifs et aux prix abordables, à une population mondiale qui ne cesse d’augmenter ; procurer des moyens de subsistance sur l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire ; et atteindre ces objectifs en faisant progresser la durabilité du secteur et sa contribution à la lutte contre le changement climatique.

Dans ce contexte, ce chapitre traite de la contribution de l’agriculture et des politiques agricoles actuelles au changement climatique et de la façon dont un changement de politique peut aider le secteur à participer davantage à la réduction des émissions mondiales de GES. Si la résilience et l’adaptation sont des enjeux clés, elles ont déjà fait l’objet de nombreux travaux (voir l’encadré 1.1) et ne sont pas abordées plus avant dans ce rapport. Par ailleurs, les émissions de GES provenant d’autres segments des systèmes alimentaires mondiaux, en amont et en aval de la production, ont enregistré des hausses conséquentes au cours des dernières décennies, mais ce chapitre se concentre sur la contribution de l’agriculture et sur les questions connexes susceptibles de concerner plus directement les responsables de la politique agricole (comme les pertes alimentaires et la demande des consommateurs). Ce chapitre s’ouvre sur une vue d’ensemble de la contribution du secteur agricole au changement climatique avant de décrire de quelle manière le secteur pourrait contribuer à la réduction des émissions. Il se penche ensuite sur les objectifs des pays en vertu de l’Accord de Paris et sur les mesures qu’ils ont prises pour atténuer les émissions d’origine agricole. Il conclut en examinant dans quelle mesure les politiques actuelles de soutien à l’agriculture peuvent favoriser ou gêner les efforts déployés à l’échelle mondiale pour atténuer les émissions de GES, et propose une marche à suivre assortie de recommandations visant à aider les pays à réformer leur politique agricole afin de concrétiser les objectifs d’atténuation du changement climatique.

L’agriculture est l’une des causes majeures du changement climatique par deux canaux principaux :

  • Les émissions du secteur lui-même, liées à la production. Le secteur agricole est une source majeure d’émissions autres que de CO2, notamment de méthane (CH4) et de protoxyde d’azote (N2O) provenant directement de la production animale et végétale1.

  • Les émissions liées à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF)2. Parmi les principales sources d’émissions de la catégorie UTCATF liées à l’agriculture figurent la conversion nette de forêts en terres cultivées et en prairies, la conversion de prairies naturelles en terres cultivées, les feux de forêts tropicales, les feux de tourbières, l’évolution du carbone organique du sol et les sols organiques drainés (graphique 1.1).

Ensemble, ces deux éléments – l’agriculture et le secteur UTCATF – sont désignés sous le nom de secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres affectations des terres (AFAT). Au cours de la période 2010-19, les émissions annuelles nettes du secteur AFAT ont représenté en moyenne environ 21 % des émissions anthropiques mondiales totales de GES et ont atteint 22 % en 20193. Sur ces 22 %, les émissions du secteur UTCATF ont représenté environ 11 % des émissions mondiales de GES4, et celles des exploitations liées à la production agricole, 11 % également5. En d’autres termes, le secteur AFAT représente approximativement un cinquième des émissions anthropiques de GES, dont la moitié provient des émissions de CO2 du secteur UTCATF et l’autre moitié des émissions directes de CH4 et de N2O issues de la production agricole.

Les émissions directes des exploitations provenant de l’agriculture contribuent bien plus aux gaz autres que le CO2 que les autres secteurs : les exploitations génèrent 42 % des émissions anthropiques mondiales de méthane et 70 % des émissions mondiales de protoxyde d’azote6. Ces gaz ont un effet bien plus marqué sur le réchauffement planétaire que le CO2 et le potentiel de réchauffement global à 100 ans (PRG100)7 du méthane a été régulièrement revu à la hausse par le GIEC au cours des vingt dernières années (de 21 en 1995 à 27 actuellement pour l’agriculture). En outre, le méthane est un gaz de courte durée de vie, ce qui signifie que son impact sur le climat est bien plus fort à court terme et devient négligeable bien plus vite que celui du dioxyde de carbone. Autrement dit, le PRG du méthane d’origine non fossile passe de 27 sur une période de 100 ans à près de 80 sur une période de 20 ans. Cela signifie que d’ici le milieu du siècle, les émissions de méthane devraient avoir un effet sur les températures mondiales environ trois fois supérieur à ce que suggèrent les calculs habituels qui utilisent un horizon temporel de 100 ans.

Les émissions indirectes de l’agriculture sont majoritairement des émissions de CO2, qui proviennent en particulier du défrichage des forêts et d’autres espaces de végétation naturelle, ainsi que du drainage des zones humides et des tourbières à des fins agricoles. Le défrichage des terres libère le carbone stocké dans la biomasse aérienne, tandis que le drainage des sols organiques provoque l’oxydation du carbone du sol et cet important puits de carbone souterrain continue de générer des émissions de nombreuses années après la réaffectation des terres. Le brûlage de la biomasse sur les terres agricoles et les terrains boisés et la combustion des sols organiques (feux de tourbières) contribuent également aux émissions de GES provenant de la sylviculture et d’autres utilisations des terres.

En revanche, l’agriculture peut également contribuer à l’élimination des GES, grâce au piégeage du carbone dans les plantations agricoles, les sols des terres cultivées et des prairies, ainsi que les tourbières partiellement réhumidifiées (Henderson et al., 2022[7]). Globalement, la capacité des terres à jouer le rôle de puits naturel de CO2 dépendra du changement climatique et des futures activités agricoles (GIEC, 2022[5]).

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone du secteur AFAT sont restées relativement stables au cours des dernières décennies. En revanche, les émissions hors CO2 du secteur AFAT ont augmenté de 15 % entre 1990 et 2019. Cette hausse est principalement attribuable aux émissions directes de l’agriculture, qui ont représenté en moyenne 91 % des émissions hors CO2 du secteur AFAT au cours de cette période8.

Les émissions directes de GES de l’agriculture varient d’un pays à l’autre en raison de différences entre des facteurs tels que la superficie agricole, l’envergure du secteur agricole, le panachage de produits et la structure de la production agricole. Les émissions totales de GES générées par l’agriculture dans l’ensemble des 54 pays examinés dans le présent rapport correspondent environ aux deux tiers des émissions mondiales totales de GES du secteur agricole9. Les cinq principaux pays émetteurs sont l’Inde, la République populaire de Chine (ci-après « la Chine »), les États-Unis, le Brésil et l’UE-27, qui représentent ensemble 72 % du total des 54 pays. À l’inverse, les cinq pays produisant le moins d’émissions (l’Islande, Israël, le Costa Rica, la Norvège et la Suisse) ne représentent que 0.4 % des émissions totales de GES issues de l’agriculture (voir le graphique 1.2 pour connaître les émissions directes de GES du secteur agricole de ces 54 pays en 2019). Afin que la ventilation des émissions soit lisible, ce graphique est présenté en totalité, puis décomposé en trois graphiques distincts couvrant les pays regroupés en fonction de leur niveau d’émissions d’origine agricole : élevé, moyen ou faible.

La fermentation entérique et la gestion des effluents associées à l’élevage représentent plus de 50 % des émissions directes du secteur agricole dans l’ensemble des 54 pays. La fermentation entérique, un processus digestif des bovins, des ovins, des caprins et d’autres ruminants qui génère du méthane, représente la grande majorité de ces émissions (42 % des émissions directes de l’agriculture). La gestion des effluents d’élevage, qui produit des émissions de méthane et de protoxyde d’azote est à l’origine de 8 % des émissions directes. La part de ces émissions liées à l’élevage dans les émissions totales d’origine agricole varie dans les 54 pays étudiés dans ce rapport, s’échelonnant entre 19 % aux Philippines et 78 % en Australie et en Nouvelle-Zélande. L’élevage est également responsable d’autres émissions en raison des dépôts de fumier dans les prairies et des épandages de fumier sur les terres cultivées (pour de plus amples informations, voir la partie sur les sols agricoles plus bas). Lorsqu’on ajoute le fumier laissé dans les pâturages aux sources ci-dessus, au total, l’élevage représente les deux tiers des émissions agricoles dans les 54 pays étudiés10.

La riziculture est également une source importante d’émissions de méthane et est responsable de 11 % des émissions directes produites par l’agriculture dans l’ensemble des 54 pays. Ces émissions se concentrent en Asie, où cinq pays (la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines et le Viet Nam) représentent 67 % de la production mondiale de riz et 91 % des émissions totales liées à la riziculture des 54 pays (OCDE/FAO, 2021[8]). En moyenne, dans la zone OCDE, la riziculture ne représente que 2 % des émissions directes d’origine agricole.

Les sols agricoles sont la principale source d’émissions de protoxyde d’azote, du fait de l’application d’engrais organiques ou azotés de synthèse, des résidus de récolte, ainsi que du fumier et de l’urine déposés par les ruminants dans les prairies. Ces émissions représentent 37 % des émissions directes de l’agriculture des 54 pays, mais avec de fortes variations d’un pays à l’autre : les sols agricoles représentent 76 % des émissions directes de l’agriculture en Ukraine, et plus de la moitié des émissions totales d’origine agricole en Israël et aux États-Unis.

Les autres sources d’émissions directes de l’agriculture sont plus marginales dans l’ensemble des 54 pays et ne représentent que 2 % des émissions totales du secteur. Il s’agit notamment du dioxyde de carbone provenant du chaulage, de l’application d’urée et d’autres engrais carbonés, ainsi que de méthane et de protoxyde d’azote issus du brûlage dirigé de savanes et du brûlage des résidus agricoles dans les champs. En outre, certaines sources d’émissions des exploitations ne sont pas comptabilisées comme des émissions directes de l’agriculture en vertu de la typologie des inventaires au titre de la CCNUCC, mais peuvent être non négligeables : elles couvrent notamment la consommation d’énergie au sein de l’exploitation, comme le carburant pour les machines agricoles, d’autres sources d’énergie utilisées pour les bâtiments d’élevage et les serres, ainsi que l’irrigation. L’encadré 1.2 fournit plus de détails sur ces sources, et comptabilise notamment les émissions de GES du point de vue des systèmes alimentaires.

Afin de tenir compte des différences de taille considérables entre les secteurs agricoles des pays, les émissions peuvent également être exprimées en pourcentage de la production agricole ou d’un facteur de production, comme les terres agricoles. La mesure des émissions de l’agriculture par USD de valeur de production permet de connaître l’intensité d’émission de la production agricole (graphique 1.4). Les pays ayant une part élevée de produits issus de ruminants dans leur production agricole (p. ex., le Brésil, l’Argentine, la Nouvelle-Zélande, le Mexique) ou des prix bas sur leur marché intérieur (p. ex., le Kazakhstan, les Philippines) occupent les premières places du classement. À l’inverse, les pays ayant une valeur de production élevée (p. ex., le Japon, la Corée, la Suisse) ou une faible part de produits issus de ruminants (p. ex., la Chine) tendent à afficher une faible intensité d’émission dans leur secteur agricole. Globalement, l’intensité d’émission de la production agricole dans la zone OCDE est légèrement supérieure à celle des 11 économies émergentes étudiées dans ce rapport12.

Lorsqu’on examine l’intensité d’émission des terres agricoles, mesurée par les émissions agricoles rapportées à la superficie agricole totale, les pays occupant un vaste territoire comme l’Australie, le Kazakhstan et l’Afrique du Sud affichent globalement les plus faibles émissions d’origine agricole par hectare. Les émissions de l’agriculture par hectare tendent à être plus élevées dans les pays ayant une superficie agricole relativement faible et où les produits à forte intensité d’émission (p. ex., la riziculture en Corée, au Japon, au Viet Nam et aux Philippines ; ou la production animale en Norvège, en Suisse et en Nouvelle-Zélande) représentent une part importante de la production agricole. Outre les caractéristiques géographiques, les différences entre les pays peuvent s’expliquer par les divers systèmes de production existants et le degré de contribution des terres à la production (par rapport à d'autres facteurs). Avec cet indicateur, les émissions agricoles par hectare de la zone OCDE sont plus faibles que la moyenne de celles des 11 économies émergentes13.Cependant, il est important de préciser que cet indicateur ne prend pas en compte les émissions indirectes du secteur agricole (c.-à-d. celles liées au changement d’affectation des terres), qui sont importantes dans un certain nombre de pays. La forte intensité d’émission des terres agricoles peut, lorsqu’elle est liée à l’intensification de la production, neutraliser une part des émissions de GES en raison d’une extension moindre des superficies.

Les intensités d’émission de GES varient aussi notablement lorsqu’on compare les produits alimentaires. Poore et Nemecek (2018[13]) fournissent des estimations des intensités d’émission de GES, exprimées en kg éq. CO2 par kilogramme de produit et par unité fonctionnelle nutritionnelle (p. ex., 100 g de protéine) pour plus de 40 produits (graphique 1.5)14. Les intensités d’émission sont mesurées en utilisant l’évaluation du cycle de vie attributionnelle qui prend en compte l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

En moyenne, les intensités d’émission les plus élevées concernent la viande de ruminant, notamment la viande bovine provenant de troupeaux de races à viande, et la viande d’agneau15. Les émissions de l’élevage laitier étant réparties entre la production de lait et la production de viande, l’empreinte carbone de la viande bovine provenant du cheptel laitier est plus faible16. Les intensités d’émission sont nettement inférieures pour les produits alimentaires d’origine végétale. Si le riz produit beaucoup d’émissions, la plupart des autres céréales génèrent relativement peu d’émissions par unité de produit, et la majorité des fruits, des légumes, des racines et des tubercules affichent des émissions moyennes encore plus faibles17.

Lorsque l’on tient compte de l'hétérogénéité des exploitations, les émissions de GES des produits varient aussi considérablement selon l’endroit où et la façon dont le produit concerné est produit (graphique 1.5). Par exemple, les émissions les plus élevées des exploitations de viande bovine sont plus de cinq fois supérieures aux émissions les plus faibles dans le cas des troupeaux de races à viande, et près de 12 fois supérieures aux émissions les plus faibles dans le cas des troupeaux laitiers18. Cette forte variation reflète les différences entre les systèmes de production, pour lesquels la productivité, la composition de l’alimentation, la qualité de l’alimentation et l’efficacité alimentaire changent. Le bétail des systèmes de pâturage consomme essentiellement de l’herbe et a généralement une intensité d’émission plus élevée que dans les systèmes de polyculture-élevage, où il est plus facile d’optimiser l’alimentation des animaux. Les intensités d’émission moyennes sont particulièrement élevées dans les systèmes de pâturage qui entraînent une expansion des pâturages et donc des émissions supplémentaires dues au changement d’affectation des terres, ainsi que dans les systèmes caractérisés par une faible digestibilité des aliments pour animaux, de mauvaises pratiques d’élevage et un faible poids à l’abattage (Herrero et al., 2013[14] ; Gerber et al., 2013[15]).

S’agissant des principales cultures de base telles que le blé et le maïs, les émissions les plus élevées par kilogramme sont trois fois supérieures aux plus faibles. Le riz est la culture de base générant le plus d’émissions, car sa production dans les rizières inondées empêche l’oxygène de pénétrer dans le sol, favorisant la croissance des bactéries produisant du méthane (Adhya et al., 2014[16]). L'intensité de ces émissions est cependant très variable selon les exploitations rizicoles, le niveau le plus élevé étant équivalant à six fois le niveau le plus faible.

Avec une population mondiale qui devrait atteindre 9.7 milliards en 2050, les émissions d’origine agricole devraient continuer à progresser dans les années à venir. D’après les projections des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2022-2031, les émissions directes produites par l’agriculture devraient augmenter de 6 % entre 2019-21 et 2031 (dans l’hypothèse où aucun changement n’est apporté aux politiques actuelles et où les progrès technologiques suivent la tendance). La production animale représentera alors plus de 85 % de la hausse mondiale et les émissions du secteur agricole devraient progresser dans la quasi-totalité des régions au cours de la décennie à venir (sauf en Europe et en Asie centrale) (graphique 1.6). La plus forte augmentation des émissions devrait avoir lieu dans les régions à revenu intermédiaire et faible, qui sont caractérisées par une croissance plus rapide de la production et des systèmes de production générant davantage d’émissions. Cette hausse devrait se produire essentiellement en Afrique subsaharienne, où les émissions directes de GES de l’agriculture devraient progresser de 17 % au cours des dix prochaines années.

Cela étant, dans l’ensemble des régions, la croissance de la production agricole devrait être supérieure à celle des émissions directes de GES de l’agriculture, entraînant un découplage partiel entre les émissions et la production, ainsi qu’une baisse de l’intensité carbone de la production agricole au cours de la prochaine décennie. Le découplage entre les émissions et la production correspond à la poursuite d’une tendance de fond observée au cours des dernières décennies, et sera principalement attribuable à l’amélioration du rendement et à une diminution de la part des ruminants dans la production agricole totale (OCDE/FAO, 2022[18]).

Si les projections à long terme varient considérablement, la plupart des études prévoient une poursuite de la hausse des émissions de GES du secteur agricole d’ici le milieu du siècle en l’absence d’efforts soutenus pour atténuer ces émissions. Dans un scénario de statu quo, la FAO (2018[20]) prévoit une croissance de 50 % de la production agricole mondiale entre 2012 et 2050, ainsi qu’un accroissement de 18 % des superficies récoltées, une augmentation de 46 % de la taille totale du cheptel, une hausse de 50 % de la consommation d’engrais azotés, et une progression de 20 % des émissions mondiales de GES du secteur agricole. La hausse des émissions de l’agriculture pourrait aisément dépasser 50 % au cours de la même période si l’on prend en compte des conditions moins favorables (OCDE, 2016[21] ; Popp et al., 2017[22] ; Springmann et al., 2018[23]).

En tant que source majeure d’émissions mondiales de GES, l’agriculture a un important rôle à jouer pour favoriser l’atteinte des objectifs mondiaux d’atténuation du changement climatique. En effet, les objectifs fixés en vertu de l’Accord de Paris resteront hors d’atteinte si les efforts d’atténuation n’incluent pas les secteurs agricole et alimentaire (Clark et al., 2020[24]). Le dernier rapport d’évaluation du GIEC juge que la mise en place rapide de mesures d’atténuation dans le secteur AFAT apportera une contribution essentielle à toutes les stratégies possibles pour limiter la hausse des températures mondiales à 1.5 °C au-dessus des niveaux préindustriels (GIEC, 2022[5]). En utilisant la modélisation de l’évaluation intégrée et des études ascendantes techniques, on estime que le secteur AFAT dans son ensemble pourrait contribuer à hauteur de 20 à 30 % aux efforts d’atténuation mondiaux pour une trajectoire vers l’objectif de 1.5 °C ou 2 °C d’ici 2050, à un coût relativement modeste (GIEC, 2022[5]). La plus grande partie de cette réduction proviendrait de la protection et de la restauration des forêts et d’autres écosystèmes naturels, avec une contribution plus modeste mais néanmoins importante du seul secteur agricole (OCDE, 2019[25]).

Deux grands groupes d’options offrent des possibilités au secteur agricole pour atténuer les émissions de GES :

Options du côté de l’offre. Ces options concernent différents domaines d’intervention visant diverses phases du processus de production :

  • Réduire les émissions directes des exploitations résultant de la production agricole : faire progresser la productivité et l’efficacité de l’utilisation des intrants par des technologies et une gestion améliorées, ainsi que par des solutions techniques spécifiques réduisant les émissions d’origine agricole.

  • Réduire les émissions indirectes résultant des changements d’affectation des terres et augmenter la quantité de carbone stockée dans les sols agricoles : limiter l’expansion des terres agricoles, y compris grâce à des gains de productivité, remettre en état des terres dégradées et réhumidifier des tourbières asséchées, augmenter la séquestration du carbone par les sols des terres cultivées et des prairies, et réaliser des opérations de boisement.

  • Réduire les émissions imputables aux pertes de production alimentaire : limiter les pertes intervenant dans les champs et dans les exploitations après la récolte.

Options du côté de la demande. Ces options correspondent aux variations de la demande de produits agricoles du côté des consommateurs : changements des préférences alimentaires, achat de nourriture associée à un niveau d'émission moins élevé et réduction du gaspillage alimentaire, autant d’orientations favorisant une baisse de l’empreinte carbone des consommateurs.

En outre, l’agriculture peut contribuer dans une certaine mesure à l’atténuation mondiale grâce à la production de bioénergie. L’objectif principal de cette option n’est pas de réduire les émissions d’origine agricole, mais plutôt d’utiliser la production agricole pour réduire les émissions dues aux combustibles fossiles dans d’autres secteurs (voir l’encadré 1.4).

Cette section décrit en détail ces options techniques, tant du côté de l’offre que de la demande, avant de présenter leur potentiel en matière d'atténuation.

Les émissions des exploitations correspondent majoritairement à des émissions autres que de CO2 associées à l’utilisation d’engrais, à la riziculture, et dans le cas du secteur de l’élevage, à la fermentation entérique, à la gestion des effluents d’élevage et au dépôt de fumier au sol. Certains combustibles fossiles sont également consommés dans les exploitations pour l’utilisation des machines, l’irrigation, le chauffage des bâtiments d’élevage, entre autres, et peuvent faire partie des efforts d’atténuation, même s’ils ne sont pas directement pris en compte dans le secteur AFAT.

Pour de nombreuses cultures, la première source d’émissions est le protoxyde d’azote lié à l’utilisation d’engrais de synthèse ou organiques. L’amélioration des pratiques culturales et l’utilisation plus efficace des engrais de synthèse et du fumier organique ont permis à de nombreux pays de réduire leurs émissions de protoxyde d’azote, tout en augmentant régulièrement la production agricole. Cependant, il reste possible de réduire encore nettement les émissions sans compromettre la productivité et la sécurité alimentaire, étant donné que 45 % de l’azote ajouté dans les champs à l’échelle mondiale n’est pas absorbé par les cultures (Blandford et Hassapoyannes, 2018[26]). Les progrès de l’agriculture de précision et l’utilisation d’inhibiteurs de nitrification et d’uréase peuvent encore améliorer la gestion du recyclage des éléments nutritifs des cultures, mais devraient être complétés par des approches plus holistiques, qui s’appuient sur la gestion intégrée des cultures et des rotations de culture améliorées (p. ex. avec des légumes et des cultures de couverture), ainsi que sur l’intégration des systèmes de polyculture-élevage.

Le riz irrigué constitue une source importante d’émissions de méthane, générées par la zone inondée pour la riziculture. La production de méthane par les bactéries dans les rizières peut être fortement influencée par la modification des régimes de gestion de l’eau, comme la durée des intervalles d’inondation et la fréquence des inondations. Un drainage en milieu de saison, une pratique d’irrigation courante en Chine et au Japon de même que l’irrigation intermittente au nord-ouest de l’Inde, peut réduire sensiblement les émissions de méthane (Wassmann, Hosen et Sumfleth, 2009[27]). L’amélioration du rendement du riz peut également aider à réduire les émissions provenant de la riziculture, bien qu’il puisse y avoir des arbitrages entre l’amélioration de la gestion de l’eau pour réduire les émissions de méthane, la compensation de la hausse des émissions due à l’utilisation d’engrais et l’importance de la production.

Comme il est indiqué plus haut, la principale source d’émissions de GES du secteur agricole est la fermentation entérique des ruminants, la viande bovine arrivant largement en tête lorsqu’on mesure son empreinte carbone par unité de protéines produites à l’échelle mondiale (Blandford et Hassapoyannes, 2018[26]). Du côté de l’offre, l’intensité d’émission des produits issus des ruminants peut être réduite en améliorant la productivité à l’échelle de l’animal ou du troupeau, ou en intervenant plus directement pour limiter la fermentation entérique.

Il est possible d’accroître le taux de conversion alimentaire de la production animale en progressant dans l’amélioration génétique des troupeaux, en améliorant la qualité des aliments pour animaux et des pâturages, en renforçant la gestion des exploitations et des animaux, notamment en prévenant les maladies (MacLeod et al., 2015[28]). Toutes ces options permettent également d’augmenter la production et les revenus pour un nombre donné de têtes d’animaux. Compte tenu de la forte hétérogénéité de la productivité et de l’intensité d’émission de l’élevage à l’échelle mondiale (Herrero et al., 2013[14]), elles pourraient s’avérer particulièrement utiles dans les pays à revenu faible et intermédiaire pour réussir à la fois à atténuer le changement climatique et à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition. Pour les économies avancées, l’utilisation d’inhibiteurs de méthane semble plus prometteuse avec la mise au point de nouvelles technologies, comme les inhibiteurs chimiques de synthèse, des espèces d’algues particulières qui pourraient être utilisées comme compléments alimentaires et des vaccins contre les bactéries méthanogènes (Reisinger et al., 2021[29]). Bon nombre de ces options ont été intensivement étudiées au cours des dix dernières années et pourraient être commercialisées prochainement. Néanmoins, des questions subsistent quant à leur efficacité et leurs effets à long terme sur la santé des animaux et la productivité, leur acceptabilité sociale et le cadre réglementaire nécessaire. En outre, ces compléments alimentaires pourraient également ne pas s’avérer très efficaces pour réduire les émissions des systèmes d’agriculture intensive où les ruminants sont en grande majorité nourris à l’herbe.

La gestion des effluents contribue aussi notablement aux émissions de GES du secteur de l’élevage. Au nombre des options pour limiter les émissions de CH4 et de N2O qui s’y rapportent figurent l’amélioration des méthodes d’application, le stockage et le compostage, l’utilisation d’inhibiteurs de nitrification pour le fumier entreposé et les flaques d’urine, la modification de l’alimentation des animaux et des pratiques de pâturage, l’utilisation des effluents d'élevage pour acidifier les sols et leur séparation liquide-solide, ainsi que l’utilisation de digesteurs anaérobies. Ces options ont déjà été largement mises en œuvre dans certaines régions, où des digesteurs de petite et grande capacité produisent du biogaz. Si les estimations de réduction des émissions pour ces technologies d’atténuation sont plus limitées que pour la fermentation entérique, le potentiel de réduction est réel, en particulier dans les régions développées et pour les systèmes de gestion intensive (GIEC, 2022[5]).

La consommation énergétique des exploitations liée à l’électricité, au chauffage et aux carburants représente une source importante d’émissions. Il existe différentes technologies permettant de réduire ces émissions, dont le passage à des sources d’énergie renouvelables telles que le solaire et l’éolien, et l’adoption de carburants plus écologiques et plus efficaces pour alimenter les machines agricoles. Le déploiement des énergies renouvelables sur les terres agricoles peut également donner aux agriculteurs la possibilité de bénéficier d’un revenu supplémentaire, par exemple avec des tarifs spéciaux pour louer les éoliennes sur leurs terres (dont production d’électricité contribue à la décarbonation d’autres secteurs). La part d’émissions associée à la consommation d’énergie des exploitations reste faible par rapport aux autres sources du secteur AFAT, mais les études laissent penser qu’il pourrait être relativement peu coûteux de réduire ces types d’émissions et que les mesures pourraient être plus facilement adoptées par la communauté agricole (MacLeod et al., 2015[28]).

Si l’amélioration de la productivité du secteur agricole a réduit la nécessité d’étendre les terres agricoles (voir l’encadré 1.3), les émissions liées au changement d’affectation des terres restent néanmoins considérables, en raison de la conversion des forêts, des prairies et des autres stocks de carbone en terres cultivées ou en pâturages. Ce secteur utilise actuellement environ la moitié des terres habitables de la planète (GIEC, 2019[30]). L’élevage occupe approximativement 78 % (40 millions km2) de toutes les terres agricoles, ce qui comprend les 35 % utilisés à l’échelle mondiale pour cultiver les végétaux destinés à produire les aliments pour animaux (Dasgupta, 2021[31]). Des études empiriques ont démontré que l’expansion de l’agriculture était l’un des principaux facteurs du déboisement et de la dégradation des terres dans le monde (Busch et Ferretti-Gallon, 2017[32] ; Curtis et al., 2018[33]). Les estimations récentes indiquent que l’agriculture commerciale à grande échelle (pâturages extensifs de type ranch, production de soja et plantations de palmiers à huile) est à l’origine d’environ 40 % du déboisement tropical et subtropical, l’agriculture locale de subsistance étant responsable de 33 % supplémentaires (Hosonuma et al., 2012[34] ; FAO et PNUE, 2020[35]). Le changement d’affectation des terres est également une cause majeure de l’appauvrissement de la biodiversité et de l’épuisement du carbone du sol, en particulier des sols organiques tourbeux riches en carbone (GIEC, 2019[30]).

La réduction du déboisement dû à l’expansion agricole est essentielle pour atténuer les émissions du secteur UTCATF, en particulier dans les régions tropicales où la production agricole a connu une forte expansion territoriale. Du côté de la production, la hausse de la productivité et des rendements agricoles est primordiale pour réduire le besoin de terres supplémentaires en vue de répondre à la demande alimentaire, ainsi que pour réduire (mais pas supprimer) les compromis entre l’augmentation de la production alimentaire et les répercussions négatives sur les écosystèmes naturels (voir l’encadré 1.3). Les gains de productivité peuvent également aider à compenser les émissions grâce au piégeage du carbone, en offrant la possibilité de restaurer et de reboiser les terres marginales. Ces mesures peuvent être complétées par des actions du côté de la demande, afin de réduire encore la demande de terres agricoles, comme explicité plus bas.

Toutefois, la protection des forêts nécessite d’autres interventions des pouvoirs publics, comme la création de zones protégées, des outils d’application de la loi et une gouvernance des forêts efficaces, une amélioration du régime foncier et une certification de gestion durable. L’amélioration de la protection des forêts est considérée comme une source majeure de réduction des émissions, les régions où se concentre le déboisement (Amérique latine, Afrique et Asie du Sud-Est) étant pour l’essentiel celles offrant le potentiel d’atténuation le plus élevé. Les activités agricoles peuvent également entraîner la conversion et la dégradation d’autres terres, comme les prairies et les savanes. Toutefois, le potentiel d’atténuation des émissions associé à la protection de ces terres est plus faible.

Parmi les écosystèmes fragiles, les tourbières méritent une attention particulière en raison des stocks de carbone importants qu’elles abritent. Le drainage des tourbières provoque d’importantes émissions de GES sous l’effet de l’oxydation du carbone minéral présent dans le sol, qui se poursuit dans le temps, ainsi que des feux de tourbe. Au niveau mondial, quelque 25 millions d’hectares de tourbières drainées (environ 0.6 % des terres agricoles) généreraient environ 2 % des émissions anthropiques totales (FAO, 2022[36]), et ces émissions se poursuivront, sauf si ces tourbières sont réhumidifiées. Ce phénomène est particulièrement marqué en Asie du Sud-est, en raison de l’expansion des plantations de palmiers à huile et d’hévéas, qui représentent 80 % des émissions mondiales des tourbières (Leifeld et Menichetti, 2018[37] ; GIEC, 2022[5]). On considère que mettre fin à la conversion des tourbières et les restaurer permettrait de réduire notablement les émissions à un coût relativement faible (Henderson et al., 2022[7]).

Les sols agricoles constituent un réservoir important de carbone, et l’évolution de ces stocks dépend fortement des pratiques de gestion des cultures et du bétail. La rotation des cultures, la gestion des résidus, l’intensité du travail du sol, la gestion de l’eau, les pratiques d’irrigation et l’application de biochar auront tous une influence sur les stocks de carbone dans les terres cultivées. Dans les prairies, la gestion de la végétation, le chargement en bétail, la pression de pâturage et la gestion des feux déterminent également l’évolution du carbone organique contenu dans le sol. Bien que les pratiques de conservation qui réduisent le travail du sol se soient avérées très efficaces dans les environnements très secs, beaucoup d’incertitudes subsistent en ce qui concerne les environnements plus humides. Dans ce contexte, la mesure et la surveillance du piégeage du carbone dans le sol sont essentielles pour s’assurer que le potentiel de ce puits de carbone est pleinement exploité. Globalement, le piégeage du carbone présente des capacités considérables en matière d'atténuation car il permettrait de contrebalancer 4 % des émissions anthropiques totales (Henderson et al., 2022[7]).

La plantation d’arbres sur les terres agricoles apparaît également comme une voie prometteuse pour le piégeage du carbone. Il peut s’agir de plantations agricoles (p. ex., palmiers à huile sur les terres agricoles existantes, vergers, cultures énergétiques spécifiques), d’agroforesterie (association d’arbres et de buissons à des cultures annuelles ou du bétail) ou simplement de boisement de terres agricoles. Les options les plus adaptées dépendront des conditions locales et de marché ainsi que des mesures d’incitation en place, mais pourraient donner au lieu au piégeage temporaire ou permanent d’une quantité importante de carbone. Cependant, une réserve importante associée au boisement des terres agricoles est l’effet indirect du changement d’affectation des terres, car la production agricole pourrait être déplacée dans d’autres zones, entraînant un déboisement supplémentaire.

La réduction des pertes de production devrait également offrir des possibilités non négligeables de limiter les émissions liées à la production alimentaire. Les pertes de production ont lieu à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement, dont la gestion des cultures, la récolte, le transport, l’entreposage et la distribution. Les pertes qui se produisent aux étapes de la vente au détail et de la consommation par le public ou les ménages sont plutôt considérées comme du gaspillage alimentaire (voir les détails ci-après). D’après la FAO (2019[45]), 14 % de la production alimentaire serait perdue tout au long de la chaîne d’approvisionnement, entre la phase post-récolte et la phase de distribution (hors vente au détail). Ces pertes génèrent d’importantes émissions de GES du fait de la nécessité de produire des aliments qui ne sont pas consommés. À l’étape de la récolte, il est possible de réduire les pertes en améliorant la qualité des cultures grâce à des techniques agronomiques, en choisissant mieux le moment des récoltes et en améliorant le matériel de récolte. Les pertes alimentaires peuvent être davantage réduites à l’étape post-récolte en améliorant l’infrastructure d’entreposage, en optimisant les usines du secteur agroalimentaire, notamment les processus de transformation, en améliorant la chaîne logistique et en réduisant la contamination. L’amélioration des emballages devrait également aider à réduire les pertes liées aux produits alimentaires endommagés dans la chaîne logistique, tout en réduisant la consommation de matières.

Les options qui agissent sur la demande suscitent un intérêt croissant, le grand public étant de plus en plus sensibilisé à l’effet des choix et des comportements de consommation sur le changement climatique. On peut distinguer deux possibilités d’atténuation principales du côté de la demande : la modification des habitudes alimentaires et la réduction des déchets de consommation.

Le potentiel de réduction des émissions associé à une réduction de la consommation des produits alimentaires ayant une forte intensité d’émission (p. ex., viande de ruminant et produits laitiers) et à leur remplacement par des sources nutritionnelles moins émettrices de GES (comme des protéines végétales ou des protéines animales plus efficientes, voir graphique 1.5) a été bien documenté. Les estimations du niveau de consommation de protéines dans différentes parties du monde (graphique 1.8) révèlent qu’il est possible de réduire significativement les protéines animales dans les économies développées tout en respectant les apports nutritionnels recommandés en protéines. Selon un vaste tour d'horizon de la littérature réalisé par le GIEC (2022[5]), la modification des habitudes alimentaires à l’échelle mondiale peut permettre de réduire les émissions directes du secteur agricole de 1 à 2.7 Gt éq. CO2, et jusqu'à 4 Gt éq. CO2 en intégrant les émissions indirectes. Il a par exemple été démontré que par rapport à un régime alimentaire conventionnel (omnivore), un régime méditerranéen (moins de viande et plus de fruits et légumes), pescétarien (pas de viande, plus de protéines d’aliments d’origine marine) ou végétarien (protéines végétales uniquement) permettait d’importantes réductions d’émissions de GES à l’échelle mondiale, tout en ayant simultanément des avantages non négligeables pour la santé (Tilman et Clark, 2014[46]). Cela dit, pour être acceptable, l'évolution des habitudes alimentaires vers des aliments générant moins d'émissions doit présenter une offre nutritionnelle appropriée, d’où la nécessité de tenir compte de tous les macro- et micronutriments pour obtenir une alimentation saine (Willett et al., 2019[47]). Toutefois, la faisabilité au niveau mondial d’une évolution pareille des habitudes alimentaires – répondant à la fois aux exigences du climat et de la santé – fait débat. Selon le GIEC, l’abandon progressif des produits à forte intensité d'émissions devrait être faisable dans de nombreuses régions, mais des études économiques ont également montré qu’une alimentation totalement durable et saine pouvait s'avérer plus coûteuse pour le consommateur, en particulier dans les régions à faible revenu (Hirvonen et al., 2020[48]).

Outre les avantages sur le plan du changement climatique et de la nutrition, les changements de régime alimentaire devraient avoir d’autres bénéfices pour la durabilité. Par exemple, les pâturages représentent les deux tiers des terres agricoles au niveau mondial, une part qui passe à 78 % lorsque les besoins en cultures fourragères sont pris en compte. Le développement des systèmes bovins est fortement lié au déboisement et à la perte des écosystèmes riches en biodiversité en Amérique latine. Le surpâturage contribue également notablement aux pertes de carbone et au recul de la biodiversité dans les systèmes d’élevage à l’herbe, tandis que dans les systèmes plus intensifs, les fortes densités de bétail entraînent des excédents d’éléments nutritifs qui sont des sources importantes de pollution de l’eau. Néanmoins, la réduction des produits animaux dans les régimes alimentaires pose des problèmes considérables pour les moyens de subsistance et le développement rural. Le bétail représente une part importante de la valeur ajoutée de l’agriculture dans de nombreuses économies développées, tandis que dans les régions pauvres, l’élevage bovin assure souvent le revenu de base et la sécurité alimentaire des populations rurales. Les prairies ne peuvent pas toujours être converties à un autre usage agricole en raison des critères climatiques et topographiques, et les animaux peuvent aussi être une source d’engrais organiques qui nécessiteraient des substituts. Ces transformations devraient donc être adaptées au contexte, progressives et accompagnées de programmes de reconversion et de dispositifs de protection sociale appropriés, ainsi que de plans de développement local et d’adaptation au paysage.

Outre les changements de régime alimentaire, la réduction du gaspillage alimentaire représente une option importante d’atténuation, qui pourrait faire baisser le volume de production nécessaire sans avoir d’effet sur la consommation alimentaire (tableau 1.1). Au-delà des changements de comportement qu’entraîne la sensibilisation accrue des consommateurs, la réglementation et la taxation ciblant les détaillants et les grandes entreprises, des objectifs de déclaration et de réduction des déchets alimentaires, les produits plus durables et les mesures pour encourager les consommateurs à acheter des produits présentant des défauts esthétiques sont au nombre des interventions possibles. La réduction du gaspillage alimentaire procurerait également un certain nombre de co-avantages environnementaux liés à la baisse de la production, mais aurait, une fois encore, des répercussions sur les revenus des agriculteurs.

La contribution potentielle des différentes mesures susmentionnées à l’atténuation du changement climatique varie en fonction de leur nature, des sources qu’elles ciblent et des régions où elles sont appliquées. Le GIEC estime que globalement, le secteur AFAT a un potentiel technique de 28 Gt éq. CO2 par an, bioénergie exclue, ce qui représente environ la moitié des émissions anthropiques annuelles sur la période 2010-19. Cependant, le potentiel économique serait moindre, avec 8 à 14 Gt éq. CO2 de réduction réalisables chaque année à un coût inférieur à 100 USD par tonne d’équivalent CO2, dont 30 à 50 % seraient concrétisables pour moins de 20 USD par tonne d’équivalent CO2. Les potentiels d’atténuation détaillés par domaine d’action du secteur AFAT sont présentés dans le tableau 1.2 ci-dessous, tels que déterminés par le GIEC à partir d’évaluations sectorielles ascendantes, ainsi que ceux correspondant à la fourchette supérieure de 8 à 14 Gt éq. CO2 de potentiel économique total réalisable19. Les mesures axées sur l’offre représentent un potentiel économique d’atténuation d’environ 10 Gt éq. CO2 par an, mais seule 0.6 Gt éq. CO2 serait atteignable en réduisant les émissions hors CO2 des exploitations, ce qui ne représente que 10 % de ces sources agricoles et souligne l’importance des mesures dans le secteur UTCATF. Les sols agricoles, en particulier, pourraient contribuer à hauteur de 1.6 Gt éq. CO2 par an d’après le GIEC, un chiffre qui concorde également avec l’estimation d’Henderson et al. (2022[7]).

Les mesures axées sur la demande offrent un potentiel relativement élevé, s’élevant à 4.2 Gt éq. CO2 par an, et pourraient atteindre des niveaux bien plus élevés si les réductions d’émissions liées à l’expansion des terres, ainsi que d’autres émissions associées à la chaîne d’approvisionnement, étaient également prises en compte (jusqu’à 8 Gt éq. CO2 par an)20. L’efficacité comparée des mesures axées sur l’offre et de celles axées sur la demande par rapport à leur coût est sujette à débat. Le GIEC estime que le potentiel réalisable sur le plan économique pour les mesures axées sur la demande est de 2.2 Gt éq. CO2, mais bon nombre de ces options dépendent de l’évolution du comportement des consommateurs. Si ces options nécessitent moins d’investissements en amont, elles peuvent être difficiles à mettre en œuvre en raison d’une résistance normative, culturelle et institutionnelle. En termes d’efficacité, les deux axes d’action sont jugés offrir un potentiel d’atténuation important pour les mêmes sources (OCDE, 2019[25]) et un consensus s’établit quant à la nécessité de les utiliser en association.

La composition actuelle de la production alimentaire, qui repose sur une grande part de terres et de production végétale consacrées aux produits animaux, est au cœur du défi de l’atténuation du changement climatique pour l’agriculture. Cependant, il est également important de reconnaître l’hétérogénéité des intensités d’émission du côté de l’offre. Le fait de cibler les sources majeures d’émissions et de s’attaquer aux producteurs les moins efficaces et générant le plus d’émissions pourrait faire baisser drastiquement les émissions de GES sans nécessairement influer sur la consommation21.

Étant donné le rôle que le secteur AFAT doit jouer pour atteindre les objectifs fixés en vertu de l’Accord de Paris de 2015, des mesures ambitieuses dans le secteur agricole s’imposent pour que les pays puissent tirer parti des possibilités d’atténuation qui s’offrent. Cette partie fournit une vue d’ensemble des objectifs définis par les pays et des mesures adoptées pour atténuer les émissions d’origine agricole. Bien que cet examen ne soit pas exhaustif, il vise à mettre en lumière les mesures et instruments principaux en lien avec l’atténuation des émissions dans le secteur agricole.

Les 54 pays considérés dans le présent rapport ont soumis une contribution déterminée au niveau national (CDN) en vertu de l’Accord de Paris de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Toutefois, les ambitions et les engagements des pays en matière d’atténuation des émissions varient considérablement selon les pays (tableau 1.3). Si la majorité des pays étudiés dans le présent rapport ont fixé des objectifs intermédiaires pour 2030 et des objectifs de neutralité en gaz à effet de serre pour 2050 (voire, dans certains cas, 2060 ou 2070), tous ne les ont pas rendus contraignants dans leur législation. Sur les 54 pays étudiés dans le présent rapport, 36 pays (plus l’Union européenne dans son ensemble) ont communiqué leur stratégie à long terme à la CCNUCC.

Bien que la plupart des pays aient précisé dans leurs CDN les émissions imputables à l’agriculture, seuls 16 des 54 pays ont fixé des objectifs de réduction des émissions propres à leur secteur agricole. Lorsque des objectifs propres au secteur agricole ont été définis par les pays, ils sont généralement inférieurs aux réductions nécessaires pour stabiliser la hausse des températures à 2 °C (Henderson, Frezal et Flynn, 2020[51]).

Certains pays ont fixé des objectifs de réduction de GES précis, comme les émissions de méthane ou de protoxyde d’azote. En vertu de la loi portant amendement de la loi Neutralité carbone (Zero Carbon Amendment Act) de 2019, la Nouvelle-Zélande a défini des objectifs de réduction des émissions distincts pour les émissions de GES à courte et à longue durée de vie. Il existe notamment un objectif spécifique pour le méthane : réduire les émissions de méthane biogène de 10 % d’ici 2030 et de 24 à 47 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2017). Le Canada s’est fixé comme objectif national de réduire les émissions liées aux engrais de 30 % par rapport aux niveaux de 2020 d’ici 2030, et collaborera avec les fabricants d’engrais, les agriculteurs, les provinces et les territoires pour élaborer une approche permettant d’atteindre cet objectif. La première CDN de la Chine soumise en 2016 intégrait l’objectif de parvenir à une croissance nulle en matière d’utilisation d’engrais et de pesticides à l’horizon 2020 (qui, selon les autorités chinoises, a été atteinte en 2018), ainsi que les objectifs généraux de maîtriser les émissions de méthane provenant des rizières et les émissions de protoxyde d’azote générées par les terres agricoles. La Corée s’est fixé l’objectif de réduire ses émissions de méthane de 30 % d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2018) et de 20.6 % dans le secteur agricole.

Les gouvernements disposent d’un éventail d’instruments d’action pour atténuer les émissions d’origine agricole. Ces instruments peuvent être divisés en quatre grandes catégories : instruments de tarification des émissions ; soutien à l’agriculture, subventions et crédits à des conditions préférentielles ; réglementation environnementale ; et R-D et transfert des connaissances.

La recherche montre que ces démarches générales donnent des résultats très différents sur le plan de l’efficacité à réduire les émissions, du rapport coût-efficacité, et des répercussions sur les producteurs, les consommateurs et les budgets publics (OCDE, 2019[25]). Les instruments de tarification des émissions qui s’appuient sur le principe pollueur-payeur, soit en taxant les émissions, soit en instaurant des permis négociables, sont les plus efficaces pour réduire les émissions pour un prix donné du carbone car ils incitent à adopter des mesures en faveur d’une baisse des émissions, à passer de produits à fort taux d’émissions à des produits à faible taux d’émissions et à réduire la production et les émissions globales. Ils génèrent également des recettes pour les gouvernements. En revanche, ils imposent des coûts aux producteurs, en particulier aux agriculteurs qui produisent des produits générant beaucoup d’émissions, ainsi qu’aux consommateurs, et ces répercussions sur le bien-être doivent être gérées. Les réglementations limitant certaines pratiques à fort taux d’émissions peuvent également imposer des coûts aux producteurs et aux consommateurs, mais elles n’ont pas l’efficience et le rapport coût-efficacité des mesures fondées sur le principe pollueur-payeur (Baumol et Oates, 1988[52]).

Les mesures s’appuyant sur le principe bénéficiaire-payeur qui subventionnent la réduction des émissions peuvent constituer une autre approche axée sur le marché, et qui n’impose pas de coût aux producteurs, ni n’augmente les prix des produits alimentaires. Cependant, ces mesures doivent être conçues avec soin de manière à ce que les producteurs ne reçoivent pas d’indemnisation excessive, elles tendent à être moins efficaces et elles peuvent faire peser d’importants coûts sur les gouvernements et les autres secteurs qui achètent des réductions d’émissions (si elles sont mises en œuvre à grande échelle). L’utilisation de subventions pour appuyer l’adoption de pratiques à faible taux d’émissions, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un système de conditionnalité, présente des similitudes avec les subventions à la réduction des émissions. Toutefois, comme ce dispositif n’utilise pas d’approche concurrentielle fondée sur le marché pour verser les fonds et n’inclut généralement pas d’exigence de mesure stricte des émissions, il ne fixe pas de prix explicite du carbone et est moins efficace que les subventions à la réduction des émissions (OCDE, 2019[25]).

D’autres démarches générales d’atténuation axées sur l’offre telles que la R-D et le transfert des connaissances, ainsi que les systèmes de crédit à des conditions préférentielles s’avèrent particulièrement utiles pour encourager l’adoption de mesures d’atténuation rentables qui ne sont pas utilisées ou sont sous-utilisées en raison d’un manque d’information et d’obstacles au financement. Elles peuvent également créer un environnement plus favorable pour améliorer les résultats des autres politiques d’atténuation et, dans le cas de la R-D et du transfert de connaissances, elles peuvent stimuler l’innovation et la compétitivité à long terme et aider à faire baisser les émissions sans imposer de coûts aux producteurs et aux consommateurs (OCDE, 2019[25]). Un investissement dans des procédures et des technologies de mesure, de notification et de vérification (MNV) précises et abordables est également primordial, notamment pour permettre le fonctionnement efficace des systèmes de tarification des émissions.

Le tableau 1.4 présente des instruments d’action caractéristiques qui correspondent à ces catégories et quelques exemples de pays ayant appliqué ces instruments.

Les instruments de tarification des émissions visent à influer sur les mesures d’incitation liées à la production et à la consommation. Parmi les mécanismes qui fixent un prix pour les émissions figurent la tarification du carbone par l’intermédiaire de taxes sur les émissions et les systèmes d’échange de droits d’émission, les crédits carbone et certaines subventions à la réduction des émissions (p. ex., celles qui sont versées par le biais d’enchères). Il existe relativement peu d’exemples de pays qui ont mis en place une tarification des émissions pour atténuer les émissions d’origine agricole.

Le Fonds de réduction des émissions (Emissions Reduction Fund, ERF) de l’Australie a été mis en place en 2015. Il s’agit d’un système volontaire qui prévoit des mesures incitatives afin que les entreprises lancent des projets de réduction des émissions et de piégeage du carbone qui respectent des exigences strictes d’intégrité, notamment en matière d’additionnalité. Dans le secteur agricole, les propriétaires fonciers et les agriculteurs peuvent gagner des revenus en produisant des crédits de carbone australiens pour chaque tonne d’émission réduite ou de carbone stockée dans le cadre d’un projet, et les vendre au gouvernement ou à des tiers. En avril 2022, l’ERF avait engagé 2.7 milliards AUD (2 milliards USD) par l’intermédiaire de 14 ventes aux enchères pour un total de 217 Mt éq. CO2 de réduction d’émissions, dont 15.2 Mt éq. CO2 d’émissions issues de l’agriculture (sur lesquelles seule 1.1 Mt éq. CO2 de réduction a été concrétisée jusqu’à présent). Le Japon a mis en place le programme J-Credit Scheme en 2013, qui fournit des crédits carbone certifiés en cas de réduction des émissions et organise des actions de piégeage du carbone comme la mise en place de technologies favorisant les économies d’énergie et la gestion des forêts. En janvier 2022, 107 projets avaient été enregistrés dans les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche, avec des réductions d’émissions et des émissions évitées qui devraient s’élever à 1.5 Mt éq. CO2.

À terme, l’échelle de ces approches volontaires fondées sur le marché est limitée par la disponibilité des fonds versés par le gouvernement et le secteur privé pour payer les réductions d’émissions aux producteurs (Henderson, Frezal et Flynn, 2020[51]). Le fait de combiner les réductions d’émissions avec d’autres services environnementaux offre une possibilité aux agriculteurs d’accroître et de diversifier leurs sources de financement. Récemment, l’Australie a lancé le Projet pilote « Carbone + Biodiversité » (Carbon + Biodiversity Pilot) afin de tester une approche fondée sur le marché où les agriculteurs qui améliorent la biodiversité reçoivent des paiements, outre les revenus qu’ils peuvent tirer de l’ERF pour les projets de piégeage du carbone. Les propriétaires fonciers doivent planter, gérer et entretenir leurs plantations de fixation du carbone conformément aux protocoles pour la biodiversité mis au point par l’Australian National University.

Les instruments de tarification des émissions qui appliquent le principe pollueur-payeur ne sont pas soumis à ces contraintes. La Nouvelle-Zélande a élaboré un système d’échange de quotas d’émission (Emissions Trading Scheme, ETS) qui couvre l’ensemble des secteurs de l’économie, mais les émissions de méthane et de protoxyde d’azote provenant de la production agricole en sont exclues. Les émissions provenant de la sylviculture sont néanmoins intégrées à ce système, ce qui incite davantage les agriculteurs et les propriétaires terriens à réduire le déboisement et à stocker le carbone en convertissant les pâturages en forêts. Les entreprises de la chaîne d’approvisionnement agricole (p. ex., usines de transformation de la viande, usines de transformation des produits laitiers, fabricants et importateurs d’engrais azotés) doivent déclarer leurs émissions issues de l’agriculture, mais ne doivent pas les payer. Du fait de l’ETS de la Nouvelle-Zélande, les émissions provenant des carburants, de la production électrique, des GES de synthèse, des déchets et des procédés industriels, y compris dans les secteurs primaires, ont un coût. Différentes solutions sont actuellement discutées pour mettre en place une tarification des émissions issues de l’agriculture.

Les émissions d’origine agricole sont exclues de la plupart des autres systèmes de tarification du carbone à l’échelle de l’économie, et sont souvent traitées par le biais d’autres mécanismes. Le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) fournit un cadre pour les réductions d’émissions dans les secteurs de la production d’électricité, de la fabrication et de l’aviation, mais n’inclut pas les émissions agricoles qui sont assujetties à des objectifs annuels d’atténuation des émissions en vertu de la décision relative au partage de l’effort de l’UE (pour les émissions autres que de CO2 du secteur agricole) et de la décision du secteur UTCATF (pour les émissions de CO2 générées par le changement d’affectation des terres). Le système d’échanges de droits d’émission de la Corée (KETS) a été lancé en 2015 et impose des obligations de réduction des émissions aux entreprises qui dépassent un seuil défini d’émissions de GES. Bien que le secteur agricole ne fasse pas partie du KETS à l’heure actuelle, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales réalise des projets volontaires de réduction et de compensation des émissions afin de faire baisser les émissions dans le secteur agricole, et subventionne le coût de la vérification. Les agriculteurs peuvent obtenir des crédits compensatoires certifiés pour leurs projets de réduction des émissions et les vendre sur le marché d’échange de droits d’émission. Plusieurs systèmes d’échanges de droits d’émission régionaux et propres aux États sont en place ou en cours d’instauration aux États-Unis, notamment dans les États suivants : Californie, Washington, Connecticut, Delaware, Maine, Maryland, Massachusetts, New Hampshire, New Jersey, New York, Rhode Island, Vermont et Virginie. Si l’agriculture n’est pas obligatoire pour réduire les émissions de GES dans le cadre de ces programmes, c’est une source autorisée de compensation dans l’ensemble de ceux-ci.

Plusieurs pays ont mis en place des taxes sur les émissions, mais celles-ci excluent également le secteur agricole. Le système de tarification de la pollution par le carbone du Canada, en place dans l’ensemble des provinces et territoires depuis 2019, exclut en grande partie le secteur agricole. L’Indonésie a adopté une loi pour introduire une taxe sur le carbone, qui devrait être mise en œuvre en juillet 2022. La taxe sur le carbone se limitera dans un premier temps aux centrales à charbon, et servira de fondement à l’élaboration, d’ici 2025, d’un mécanisme de taxation du carbone plus général et d’une bourse du carbone où les entreprises pourront échanger leurs permis d’émission. Le secteur agricole de la Norvège est en grande partie exempté de la taxe nationale sur le carbone, à l’exception des émissions provenant de l’utilisation des combustibles fossiles dans l’agriculture. L’Afrique du Sud a instauré une taxe nationale sur le carbone en vertu de la loi sur la taxe carbone de 2017 (2017 Carbon Tax Act), mais l’agriculture primaire est exemptée de la phase 1 en cours.

Les prêts subventionnés sont parfois utilisés comme outil pour encourager la réduction des émissions dans le secteur agricole. Le programme pour une agriculture bas carbone ou le programme pour une agriculture à faibles émissions de carbone (programme ABC) du Brésil a été lancé en 2010 et fournit des ressources et des incitatifs aux agriculteurs pour qu’ils adoptent des pratiques et des technologies agricoles durables. Le programme ABC propose des prêts à faible taux d’intérêt aux agriculteurs pour des activités qui réduisent les émissions, comme la restauration de zones fragiles et de pâturages, le développement des systèmes intégrés culture-élevage-sylviculture et de culture sans travail du sol, l’adoption de pratiques de préservation des forêts, l’amélioration de sols improductifs et dégradés, la plantation de forêts, l’agriculture biologique, les bio-intrants, les engrais organiques et la production d’énergie renouvelable pour l’agriculture. Le programme a permis de réduire les émissions de quelque 166 Mt éq. CO2 au cours de la période 2010-19. Les États-Unis ont mis en œuvre des projets qui offrent des crédits à des conditions préférentielles et des subventions afin d’encourager l’adoption de pratiques d’atténuation des émissions de GES. Ainsi, le programme Rural Energy for America (REAP) fournit des prêts garantis et des subventions pour permettre aux producteurs de se doter de systèmes fonctionnant à l’énergie renouvelable et d’améliorer leur efficacité énergétique. Le programme AgSTAR de récupération du biogaz dans le secteur agricole (AgSTAR: Biogas Recovery in the Agriculture Sector) aide les producteurs à se procurer des informations et à financer des systèmes de récupération du biogaz afin de réduire les émissions de méthane provenant des effluents d’élevage.

Plusieurs pays ont financé des initiatives qui encouragent le boisement et le piégeage du carbone dans le sol. Le Fonds pour des solutions climatiques naturelles du Canada a mis à disposition plus de 2 milliards USD sur dix ans pour planter deux milliards d’arbres, 48 millions USD sur deux ans pour protéger les zones humides et les arbres existants dans les exploitations, et 470 millions USD pour des projets qui conservent, restaurent et améliorent les zones humides, les tourbières et les prairies. Le programme « Des cultures à la verdure » de la Chine a été mis en place en 2000 et fournit des paiements directs aux agriculteurs pour réimplanter des forêts et de la végétation arbustive sur les terres en pente menacées d’érosion et pour boiser de vastes étendues de terres stériles. Le programme aurait permis le boisement de 29 millions d’hectares, dont 9 millions d’hectares de terres cultivées transformées en surfaces boisées. Le ministère de l’Environnement, de la Forêt et du Changement climatique de l’Inde mène un programme national de boisement (National Afforestation Programme) depuis 2000, ciblant des activités communautaires telles que l’agroforesterie, l’amélioration de la préservation des sols et la restauration des forêts dégradées. Le programme de boisement (Afforestation Scheme) de l’Irlande a été instauré en 2014 et fournit des subventions et une aide financière pour encourager la création et l’entretien de nouvelles forêts et surfaces boisées.

L’Ukraine a lancé Pays vert (Green Country), un projet de boisement à grande échelle de l’Ukraine, qui vise à planter un milliard d’arbres au cours des trois prochaines années et d’accroître les surfaces boisées d’un million d’hectares au cours des dix prochaines années. Le Royaume-Uni a mis en place plusieurs nouveaux systèmes de gestion écologique des terres qui contribuent à l’atténuation des émissions en favorisant la plantation d’arbres ainsi que la gestion et la restauration des tourbières. Ces programmes incluent notamment le programme d’agriculture dans des paysages protégés (Farming in Protected Landscapes Scheme) de l’Angleterre, le programme d’aide à la sylviculture (Forestry Grant Scheme) de l’Écosse et le programme « Des forêts pour notre avenir » (Forests for Our Future) du Pays de Galles. Les États-Unis ont mis en œuvre à titre temporaire le programme pour les cultures de couverture en période de pandémie (Pandemic Cover Crop Program, PCCP), qui encourage l’adoption de cultures de couverture en réduisant les primes d’assurance récolte des producteurs qui plantent une culture de couverture admissible pendant la campagne 2021 ou 2022.

L’Inde a lancé plusieurs programmes pour réduire les émissions générées par la production de riz, dont des systèmes de riziculture intensive dans le cadre de sa Mission nationale pour la sécurité alimentaire (actuellement menée dans 24 États), fournissant du matériel agricole pour permettre de semer en temps opportun dans les résidus des cultures de riz sur pied, ainsi que des centres de location à la carte et des banques de prêt de machines agricoles pour permettre aux producteurs de semer le blé sans brûler les résidus des cultures de riz. Le Japon fournit aux agriculteurs des paiements directs pour les activités d’atténuation, comme l’épandage de compost, la prolongation de la période de drainage en milieu de saison dans les rizières et la diminution de l’utilisation des engrais de synthèse. Les paiements au titre de la superficie sont versés aux producteurs laitiers pour qu’ils mettent en œuvre des pratiques respectueuses de l’environnement telles que la culture sans travail du sol associée à l’utilisation réduite de pesticides et d’engrais de synthèse. Les agriculteurs bénéficient d’une aide à l’investissement pour mettre en place des énergies renouvelables, des méthaniseurs et des installations de compostage afin de mieux gérer les effluents d’élevage et de produire de l’énergie propre, ainsi que des systèmes de chauffage des serres dans le secteur horticole. Depuis 2014, la Suisse fournit aux producteurs des aides favorisant une utilisation plus efficiente des ressources pour encourager l’utilisation de techniques respectueuses de l’environnement comme les systèmes de travail de conservation du sol (non-labour, labour en bandes et paillis), les méthodes d'épandage des effluents d’élevage contribuant à la réduction des émissions, ainsi que la réduction progressive de la teneur en azote de l’alimentation des porcs.

Les instruments réglementaires visant à réduire la pollution diffuse causée par les intrants agricoles comme les engrais et les effluents d'élevage peuvent aussi avoir des effets importants sur les émissions de GES du secteur agricole. La directive de l’UE sur les nitrates, qui date de 1991, vise à prévenir la pollution des eaux souterraines et superficielles par les nitrates en encourageant de bonnes pratiques agricoles. Bien que les nitrates ne soient pas des GES, cette directive contribue, en restreignant l’utilisation d’intrants à base d’azote dans le système de production agricole, à la réduction de sources importantes d’émissions de protoxyde d'azote. Elle prévoit notamment la restriction de l’épandage d'engrais azotés et d’effluents d'élevage sur les sols, la réduction de la charge animale, l’instauration d’une capacité minimale de stockage des effluents d’élevage ainsi que la mise en place de rotations des cultures, de cultures de couverture pendant l'hiver et de cultures dérobées pour empêcher le lessivage et le ruissellement des nitrates. La Norvège a établi des réglementations relatives à la gestion des engrais et des effluents d'élevage dans le but de contrôler les émissions provenant de ces sources, et a limité la culture des tourbières afin d’empêcher les émissions supplémentaires provenant des sols organiques. En 2025, les bâtiments agricoles ne pourront plus être chauffés à l’aide de combustibles fossiles (l'interdiction est en vigueur pour les autres types de bâtiments depuis 2020). En Suisse, le plan de qualité de l’eau adopté en 2022 fixe un objectif de réduction des pertes d'azote et de phosphore des engrais de 20 % au moins avant 2030. Par ailleurs, des prestations écologiques requises plus strictes, relatives à l’épandage des effluents d’élevage, vont également inciter les producteurs à utiliser moins d'engrais.

Le mécanisme de conditionnalité mis en œuvre dans l’UE peut également aider à atténuer les émissions du secteur agricole en obligeant les exploitants agricoles à respecter les règles européennes en ce qui concerne la santé publique, végétale et animale, le bien-être animal et l’environnement. Les exploitants bénéficiant d'une aide au titre de la PAC sont en outre tenus de respecter les normes de l’UE relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres, à savoir : prévenir l’érosion des sols, préserver la structure des sols et leur teneur en matières organiques, maintenir des prairies permanentes, protéger la biodiversité et protéger/gérer l’eau. Au Kazakhstan, certaines bonifications d’intérêt accordées aux éleveurs s'accompagnent d’une obligation de réhabiliter leurs pâturages, ce qui pourrait aider à réduire les émissions du secteur agricole. La Corée a instauré un système de paiements directs couplé à des exigences accrues en matière d'écoconditionnalité et à l’extension de la couverture végétale grâce au développement de l’agriculture urbaine. Aux États-Unis, l’éligibilité à des programmes et subventions agricoles fédéraux est conditionnée à des pratiques de conservation.

La déforestation représente, dans un grand nombre de pays, une source importante d’émissions du secteur agricole. En Argentine, la loi de 2007 sur les forêts naturelles, le plan de 2015 sur la gestion intégrée des forêts et du bétail ainsi que la loi pour la promotion des forêts visent à garantir la mise en œuvre de bonnes pratiques et à faire reculer la déforestation. Au Brésil, le Code forestier contient des dispositions imposant un changement d’affectation des terres et conditionne l'accès aux crédits bonifiés au respect des réglementations environnementales.

Les réglementations visant à promouvoir les biocarburants peuvent dans une certaine mesure contribuer à réduire les émissions provenant des combustibles fossiles. Au Canada, par exemple, la Norme sur les combustibles propres a pour but d’encourager la production de biocarburants au niveau national en obligeant les fournisseurs à réduire progressivement au fil du temps l’intensité carbone des carburants liquides. Cette norme consiste à mettre en place un marché réglementé en vertu duquel les fournisseurs de biocarburants à faible intensité de carbone (comme l’éthanol et le biodiesel) peuvent recevoir des crédits d'émission de carbone. Elle a été complétée récemment par un investissement de 1.1 milliard USD de l’administration canadienne dans un fonds destiné aux carburants à émissions faibles ou nulles qui financera la production intérieure de cultures énergétiques pour fabriquer des biocarburants.

Un grand nombre des pays examinés dans le présent rapport participent au financement de programmes de R-D et de transfert de connaissances dans le but de promouvoir l’atténuation des émissions de GES par le secteur agricole. C’est le cas de l’Australie, dont le plan gouvernemental de réduction des émissions à long terme (Long-Term Emissions Reduction Plan) fixe l’objectif de neutralité carbone pour 2050. Ce plan inclut une Feuille de route pour l'investissement technologique (Technology Investment Roadmap) qui vise à accélérer le développement et la commercialisation de technologies à faible émission de carbone – nouvelles et émergentes –, y compris dans le secteur agricole. Au Canada, le Plan de réduction des émissions pour 2030 fournit 366 millions USD au Fonds d'action à la ferme pour le climat pour aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables comme la gestion de l'azote, les cultures de couverture et le pâturage en rotation, et 234 millions USD au Programme des technologies propres en agriculture pour financer la recherche-développement, ainsi que la commercialisation et l'adoption de nouvelles technologies vertes pour le secteur agricole. Une enveloppe de 78 millions USD est en outre fournie pour la science transformative, et 117 millions USD financent une initiative ayant trait aux paysages agricoles résilients. Au Chili, la Stratégie climatique à long terme, rendue publique lors de la COP26 en novembre 2021, contient plusieurs objectifs relatifs à la promotion de la R-D et des services de vulgarisation pour réduire les émissions de l’agriculture. En Corée, le Plan de développement et d’application de la technologie agricole pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, mis au point par l’administration pour le développement rural, vise à étendre les technologies bas carbone à l’agriculture, comme par exemple l’alternance de l’inondation et l’assèchement pour la riziculture, le recyclage des effluents d'élevage, l'augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables et des technologies peu gourmandes en énergie, ainsi que l’amélioration de la capacité de piégeage du carbone des sols. Aux États-Unis, les pôles climat (Climate Hubs) du ministère de l’Agriculture compilent des informations et des technologies scientifiques et les mettent à disposition en collaboration avec les agences et les partenaires du ministère dans le but d’accompagner la mise en œuvre de pratiques climato-intelligentes. Les programmes de vulgarisation des États fédérés fournissent des services de sensibilisation, de formation, d'assistance technique et d’expérimentation des pratiques d’atténuation du changement climatique dans les exploitations.

Un certain nombre de pays ont mis en place des programmes de recherche sur les émissions liées à l’élevage. L’Australie a accordé 23.1 millions USD sur six ans pour son programme MERiL d’aide à la réduction des émissions de méthane dans l’élevage. Ce programme finance les essais, le développement et la commercialisation de nouvelles technologies d’alimentation animale ainsi que de technologies bas carbone pour la fourniture de compléments alimentaires afin de réduire les émissions de méthane liées à la fermentation entérique des bovins et des ovins. En Chine, plusieurs projets de recherche collaborative ont été lancés en 2018 entre les universités et le secteur privé dans le but d'imaginer des solutions innovantes en matière d'alimentation animale et d’évaluer les réductions d'émissions rendues possibles grâce aux pratiques plus durables des exploitations laitières. La Colombie met actuellement en œuvre plusieurs projets d'élevage durable et a créé un organe interinstitutions public-privé sur le sujet, chargé des consultations techniques. Au Costa Rica, 200 prestataires de services de vulgarisation ont été formés pour établir la composition des aliments pour animaux, contrôler les exploitations d’élevage et mettre en place des actions d'atténuation comme la rotation des pâturages et des systèmes sylvo-pasturaux. En Nouvelle-Zélande, le partenariat pour l’action climatique dans le secteur primaire (« He Waka Eke Noa ») fournit des services de vulgarisation et de conseil aux agriculteurs pour les aider à mesurer et gérer leurs émissions ; il investit également dans la R-D consacrée aux technologies d'atténuation comme des inhibiteurs et un vaccin empêchant la production de méthane. D'autres travaux sur les technologies d'atténuation applicables aux ruminants sont également menés par le Centre néo-zélandais de recherche sur les gaz à effet de serre agricoles (New Zealand Agricultural Greenhouse Gas Research Centre – NZAGRC) et le Consortium de recherche sur les gaz à effet de serre pastoraux (Pastoral Greenhouse Gas Research Consortium – PGgRc), en coordination avec les pays membres de l’Alliance mondiale de recherche sur les gaz à effet de serre en agriculture (Global Research Alliance on Agricultural Greenhouse Gases – GRA).

Plusieurs pays soutiennent quant à eux la mise en place d'une agriculture intelligente face au climat. L’Islande met actuellement en œuvre le projet « L’agriculture pour le climat » (Climate-Friendly Agriculture) qui fournit des conseils et une éducation approfondis aux agriculteurs dans le but de réduire les émissions de GES liées à l’agriculture et l’utilisation des terres. Ce projet s'inscrit dans le cadre du Plan d’action pour le climat 2020 (2020 Climate Action Plan) qui inclut également des actions visant à réduire l’utilisation d’engrais minéraux, améliorer l’alimentation du bétail de manière à réduire la fermentation entérique, accroître la production végétale au niveau national et atteindre la neutralité carbone dans le domaine de l’élevage bovin. L’Inde a accru le financement de la R-D dans le domaine des technologies afin de convertir les chaumes en biogaz ou autres produits énergétiques. En Indonésie, l’Agence pour la recherche et le développement dans l’agriculture a créé un certain nombre de programmes de R-D et de vulgarisation centrés sur les pratiques et les technologies intelligentes face au climat, notamment la conception de variétés de plantes résistantes au stress climatique, d’un système d'ajustement du calendrier des plantations ainsi que d'équipements et de machines agricoles efficients.

Israël a mis en place plusieurs programmes visant à améliorer les pratiques agricoles de conservation et de production régénérative (par exemple : travail minimal du sol, cultures de couverture, dispersion de matière organique sur les sols), à réduire l’emploi d’engrais (naturels et de synthèse), à améliorer le traitement des déchets agricoles organiques, à développer le savoir-faire en matière d’agriculture intelligente face au climat, à protéger les arbres et les forêts de manière à assurer le piégeage du carbone et à promouvoir le rôle de l’agriculture dans la production d’énergies renouvelables. Au Mexique, la stratégie adoptée pour le secteur de l’agriculture consiste à encourager les pratiques agricoles adaptées aux conditions climatiques et environnementales (comme la conservation des sols et la réduction du brûlage des résidus), à tenir compte des connaissances traditionnelles et scientifiques ainsi qu’à mettre en place des systèmes d’agroforesterie/d’agroécologie et des biodigesteurs dans les exploitations d'élevage. Les Philippines font la part belle aux nouvelles technologies et aux pratiques permettant de réduire les émissions telles que l’alternance de l’inondation et de l’assèchement pour la riziculture, l’adoption d'inoculants microbiens, de biocharbon et de compléments alimentaires pour l’élevage, ainsi que l'utilisation de solutions fondées sur la nature. L’Ukraine a introduit des techniques de travail minimal du sol et interdit l'écobuage, amélioré les pratiques agricoles dans les zones exposées à la pollution par les nitrates, accru le soutien à la restauration des terres dégradées, et encourage aujourd'hui l’utilisation de fumier pour produire du biogaz.

Le renforcement des capacités de mesure, de notification et de vérification (MNV) des émissions liées au secteur agricole peut aider à préparer le terrain en vue de la mise en place de mesures de tarification du carbone. L’Australie a organisé un « défi national pour l'innovation » (National Soil Carbon Innovation Challenge) doté de 38.1 millions USD sur trois ans, dans le but de mettre au point en accéléré des solutions technologiques peu coûteuses et de précision pour mesurer le carbone présent dans le sol à un prix inférieur à 2.25 USD par hectare et par an en moyenne. Le programme quinquennal de gestion des données sur le carbone présent dans le sol (Soil Carbon Data Program), pourvu de 5.9 millions USD, vise à améliorer les données relatives au stock de carbone, à susciter l’intérêt pour les solutions de mesure et d’évaluation alternatives à bas coût, et à créer une base de données nationale sur le carbone présent dans le sol. Au Viet Nam, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural met également en place des systèmes de MNV pour l’agriculture et d’UTCATF dans le cadre de son plan de mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le changement climatique pour 2021-30.

Créée en 2009, l’Alliance mondiale de recherche sur les gaz à effet de serre en agriculture comprend 65 pays membres unis dans la volonté d’accroître la coopération et l’investissement dans la R-D afin de réduire les émissions liées aux activités agricoles et de renforcer les capacités de piégeage du carbone présent dans le sol. La Coalition pour une croissance durable de la productivité au service de la sécurité alimentaire et de la conservation des ressources (Coalition on Sustainable Productivity Growth for Food Security and Resource Conservation) a pour but d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires plus durables grâce à une hausse de la productivité agricole respectueuse de l’environnement. Créée officiellement lors du Sommet 2021 des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, cette coalition est soutenue par 46 pays (dont l’Union européenne), ainsi que par un large éventail d’organismes universitaires et de recherche, d'organisations privées et d'associations professionnelles.

Plusieurs initiatives internationales ont été lancées lors de la COP26 à Glasgow en novembre 2021, à savoir :

  • L’engagement mondial concernant le méthane a été signé par plus de 100 pays dont 29 membres de l’OCDE et tous les États membres de l’Union européenne. Les pays signataires ont ainsi accepté de prendre volontairement des mesures pour réduire les émissions mondiales de méthane d'au moins 30 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2020, ce qui permettra éventuellement de réduire le réchauffement de 0.2 °C à l’horizon 2050. Bien que l’objectif concerne l’ensemble des pays et que les réductions indiquées s’effectuent sur la base du volontariat, cet engagement envoie un signal fort de la volonté des pays d'abaisser substantiellement leurs émissions de méthane d’ici 2030.

  • La Déclaration des dirigeants de Glasgow sur les forêts et l'utilisation des terres, signée par 141 pays, appelle à stopper et inverser la disparition des forêts et la dégradation des terres avant 2030 par des initiatives de préservation et restauration des forêts et des autres écosystèmes terrestres, et par des efforts pour accélérer leur restauration.

  • La mission d'innovation agricole pour le climat (Agriculture Innovation Mission for Climate – AIM for Climate), qui a été lancée lors de la COP26, rassemble 31 pays et plus de 48 partenaires non gouvernementaux. L’objectif est d'accroître significativement l'investissement dans l’innovation agricole au cours des cinq prochaines années dans le domaine de l’agriculture climato-intelligente et des systèmes alimentaires. L’initiative vise en outre à favoriser les débats techniques et à promouvoir la coordination de l’innovation aux niveaux national et international, ainsi qu'à faciliter la coopération sur des priorités de recherche communes ayant trait à l’agriculture et au climat.

  • Le Programme d'action publique pour la transition vers une agriculture et une alimentation durables (Policy Action Agenda for Transition to Sustainable Food and Agriculture) propose des trajectoires et des actions pouvant être adoptées par les pays pour réorienter leurs politiques publiques et leur soutien à l’alimentation et l’agriculture, obtenir des résultats en la matière et favoriser une transition juste du monde rural.

Les politiques de soutien à l’agriculture ont des conséquences importantes sur le changement climatique et la durabilité environnementale. Les administrations publiques des 54 pays examinés dans le présent rapport ont dépensé 817 milliards USD par an en 2019-21 en transferts à l’agriculture, dont 611 milliards USD par an sous forme de soutien versé directement aux producteurs. Le reste était réparti presque également entre le soutien aux services d'intérêt général (106 milliards USD) et les transferts budgétaires aux consommateurs (100 milliards USD). Certaines économies émergentes ont également imposé une taxe implicite aux producteurs, d'un montant de 117 milliards USD par an en moyenne.

Les politiques de soutien peuvent, selon la façon dont elles sont conçues, influer sur les émissions de GES et l’évolution de la situation environnementale. En modifiant les prix sur les marchés agricoles, elles peuvent influencer les décisions des agriculteurs au regard de leur production et avoir une incidence sur les émissions qui sont générées en fonction des volumes produits. Si ces politiques concernent le prix des intrants ou des facteurs de production, elles peuvent avoir des effets sur le mode de production des agriculteurs, par exemple en encourageant la substitution d'intrants intermédiaires par des facteurs primaires de production (comme la terre, le capital et la main-d'œuvre), ce qui a des conséquences sur l’intensité des émissions liées à la production, que ce soit sur l’exploitation ou par une modification de l'utilisation des terres (Henderson et Lankoski, 2019[53]). Compte tenu de ces effets, les politiques de soutien – qu’elles prennent la forme de transferts au titre du marché ou de transferts budgétaires – peuvent aller à l’encontre d'autres mesures engagées par les pouvoirs publics pour atténuer le changement climatique.22 Elles peuvent aussi être conçues de manière à promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement, ou dispenser des services plus généraux susceptibles de favoriser la réduction des émissions, comme le soutien à la R-D et l’innovation.

Dans ce contexte, la section ci-après examine les effets des politiques de soutien actuelles sur les incitations à la réduction des émissions de GES et les efforts déployés dans ce sens.

Les politiques de soutien à l’agriculture visent souvent à favoriser la production de certains produits. Le soutien des prix du marché (SPM), par exemple, correspond à des mesures qui créent un écart entre les prix intérieurs et les prix à la frontière pour certains produits agricoles. Les licences d'importation, les droits de douane, les contingents tarifaires et les prix minimums sont des exemples de mesures entraînant une majoration des prix pour les consommateurs. Le SPM majore le prix perçu par le producteur et incite donc à produire plus, à intensifier l’utilisation d’intrants, ainsi qu’à accroître la part des terres affectées aux cultures aidées et l’entrée de terres dans le secteur agricole. Les autres types de soutien direct à la production sont notamment les paiements couplés, qui peuvent être calculés sur la base de la production, de la superficie cultivée ou du nombre d'animaux. De manière générale, ces paiements encouragent également l’augmentation de la production, que ce soit via l’intensification, l’extension de la superficie des terres ou le maintien en activité d’exploitations qui ne seraient sinon pas viables financièrement. Du côté des consommateurs, en revanche, les conséquences de ces deux types de soutien divergent : le SPM renchérit les prix de vente, ce qui entraîne (toutes choses égales par ailleurs) une baisse de la consommation intérieure ; les paiements couplés produisent l’effet inverse, à savoir la diminution des prix de vente qui, à terme, soutient et stimule la consommation intérieure.

Le soutien direct à la production de produits agricoles particuliers se mesure dans le contexte du présent rapport par l'indicateur des transferts au titre d’un seul produit (TSP), qui tient compte à la fois du SPM et des paiements couplés en faveur de tel ou tel produit. Sur les 54 pays examinés dans ce rapport, les TSP représentent en moyenne la moitié du soutien direct aux producteurs, soit 247 milliards USD en 2019-21 (362 milliards en transferts positifs et 115 milliards en taxation implicite). Le soutien aux produits d'origine animale, qui ont tendance à générer de fortes émissions de GES, s’est élevé à 111 milliards USD, soit 31 % du montant total des TSP positifs (graphique 1.9). Les transferts au profit de ces produits représentent plus de 60 % des TSP positifs en Islande, au Royaume-Uni, en Norvège, en Suisse, au Canada et dans l’Union européenne.

Parmi les produits bénéficiant des plus forts pourcentages de TSP, plusieurs affichent des niveaux d'émissions particulièrement élevés, comme l’indique le nombre de kg d'équivalent CO2 par rapport aux recettes agricoles brutes mesurées en USD (graphique 1.10). Trois produits en particulier génèrent de fortes émissions – qui, mesurées par le volume d’émissions par rapport à la valeur de la production en USD (dont les recettes), représentent 47 % des émissions directement liées à l’agriculture examinées dans le présent rapport – et bénéficient de soutiens positifs importants ; il s'agit de la viande bovine (25 milliards USD), de la viande ovine et caprine (7 milliards USD) et du riz (44 milliards USD). Sous l’angle environnemental, cela correspond respectivement à un transfert de 22 USD, 31 USD et 115 USD par tonne d’équivalent CO2. Cela dit, ces TSP prennent plus souvent la forme d'un soutien des prix du marché que de paiements directs aux producteurs.

L'impact global des TSP sur le climat dépend au final des instruments utilisés. Les mesures susceptibles d’être les plus préjudiciables pour l’environnement sont les paiements au titre de la production – dont le SPM et le soutien à la production – car ils provoquent une hausse directe de la production intérieure, mais aussi les paiements au titre de l’utilisation d’intrants, sauf s'ils améliorent la compétitivité des produits à faibles émissions par rapport à ceux qui en génèrent beaucoup, ou s'ils entraînent la baisse de l’utilisation d'intrants à forte intensité d'émissions par rapport à d'autres intrants. Au niveau mondial, l’utilisation généralisée du soutien des prix du marché a des effets plus incertains sur la production globale et pourrait même susciter une diminution des émissions à l’échelle planétaire dans le cas où le SPM améliore la compétitivité des systèmes de production peu générateurs d’émissions (Laborde et al., 2021[54] ; Guerrero et al., 2022[55]).23 Par conséquent, l’impact global sur le climat de la réforme du SPM dépendra des différences de niveau des émissions entre les régions où la production est relocalisée, ainsi que des gains de productivité éventuels associés à la réforme. Les contextes locaux ainsi que les conditions accompagnant certaines formes de soutien doivent également être pris en compte. Le problème des TSP reste qu'ils fournissent généralement aux producteurs un soutien relativement peu ciblé et ne sont donc pas aussi efficaces que les investissements privilégiant des technologies et des modes de gestion sobres en carbone, ou que d'autres incitations visant à accélérer les actions d'atténuation (Gautam et al., 2022[56]). Pour finir, les formes de TSP causant moins de distorsion (comme les paiements au titre de la superficie de terres ou du nombre d’animaux) peuvent accroître les émissions si elles favorisent la production de produits à forte intensité de GES, ce qui est souvent le cas dans le domaine de l’élevage. En revanche, lorsqu’elles sont associées à des exigences en matière d’écoconditionnalité relatives à la gestion des exploitations, ces formes de soutien peuvent aussi inciter à adopter des mesures d'atténuation.

Cette catégorie de paiements mérite une attention particulière car leur montant s’est élevé à 60 milliards USD en 2019-2021 et une grande partie de ces paiements ne sont pas inclus dans les TSP. Les intrants variables dont il est question sont généralement des engrais, des combustibles fossiles ou de l’irrigation, qui sont des sources d’émissions directes de GES ou génèrent une demande supplémentaire d'énergie, et qui peuvent également produire d'autres impacts environnementaux. L'utilisation excessive d’engrais et d’effluents d'élevage entraîne une accumulation excédentaire d'azote qui, en plus des émissions d’oxyde d'azote, provoque une pollution au niveau local qui endommage les écosystèmes d’eau douce, porte atteinte aux invertébrés et aux poissons et est à l’origine d'une acidification et d'une eutrophisation des milieux favorisant la croissance d'algues toxiques et la baisse du niveau d’oxygène dans l’eau (hypoxie). (Guerrero, 2018[57] ; Sud, 2020[58]). De même, les subventions à l’irrigation peuvent générer de gros problèmes de surexploitation des ressources et aggraver la rareté de l’eau dans des régions déjà fragilisées (OCDE, 2017[59]).

Dans la plupart des pays, rares sont les restrictions ayant été mises en place pour se prémunir contre l'utilisation excessive des intrants subventionnés, d'où l’absence d'atténuation de leurs impacts en matière d'émissions de GES. Le panachage optimal de mesures, dans le cas d’un soutien encourageant l’utilisation d’intrants préjudiciables à l’environnement, voudrait non pas que l'on verse une subvention mais que l’on impose une taxe prenant en compte les dommages causés au climat, aux cours d’eau et aux écosystèmes naturels (Anderson et Valenzuela, 2021[60]).

Les autres formes de soutien aux producteurs – paiements à la surface découplés et autres paiements spécifiques non liés à un produit particulier – ont un impact moins direct sur les émissions liées à la production et peuvent parfois procurer d'autres types de bienfaits sur le plan social et environnemental. Il n’en reste pas moins que les paiements au titre de la superficie agricole courante créent, même lorsqu'ils ne sont pas destinés à des cultures précises, des incitations à étendre la superficie cultivée et à maintenir les terres marginales en production. Si les paiements à l’hectare privilégient les grandes cultures plutôt que la production animale, ils peuvent induire un recul de l’élevage et une baisse des émissions de GES et des excédents d’éléments nutritifs d’origine agricole. En revanche, ces mêmes paiements à l’hectare peuvent augmenter les émissions de GES dans les pays où les émissions liées à l'agriculture proviennent surtout de la production végétale (Henderson et Lankoski, 2019[53]).

Les paiements totalement découplés, octroyés au titre de la superficie cultivée non courante (paiements fondés sur des droits historiques, par exemple, ou paiements au titre du revenu global de l’exploitation), font partie des mesures de soutien les moins dommageables pour l’environnement (Henderson et Lankoski, 2019[53]). Ils permettent aux agriculteurs de suivre les signaux des marchés pour prendre leurs décisions de production ; dans certains cas, d’ailleurs, la production n’est pas obligatoire pour que les exploitants reçoivent les paiements. Si la superficie cultivée sur laquelle reposent les paiements est fixe, prise en compte à une date historique donnée, il n’y a pas d’incitation à étendre la superficie de terres agricoles (Lankoski et Thiem, 2020[61]). Malgré tout, il est possible que les paiements fondés sur des droits historiques conservent un pouvoir incitatif si les agriculteurs pensent que leurs décisions actuelles sont susceptibles d’influer sur les paiements futurs (DeBoe et al., 2020[62]). Par ailleurs, dans la mesure où ils complètent le revenu des exploitants et améliorent la rentabilité de l’agriculture par rapport à d’autres utilisations des terres, les paiements découplés peuvent cependant freiner le changement structurel et empêcher la réaffectation des terres agricoles à d’autres utilisations plus durables. Enfin, l’impact sur le climat des paiements découplés dépend du type et de l’efficacité des modes de gestion et des critères environnementaux obligatoires (écoconditionnalité) qui leur sont associés (DeBoe, 2020[63]).

Réorienter le soutien à l’agriculture en abandonnant les formes d’aide les plus génératrices de distorsions au niveau de la production pour leur substituer des paiements découplés devrait permettre de réduire les impacts climatiques et d’améliorer encore la durabilité de la production. Par ailleurs, il est important de comprendre que les choix de la politique agricole sont susceptibles de déterminer la structure et l’intensité de la production à long terme. Il est donc peu probable que le découplage, seul, soit suffisant, surtout dans les pays caractérisés par un chargement en bétail élevé et des systèmes de production intensive (OCDE, 2020[64] ; Lankoski et Thiem, 2020[61]). Dans ces cas de figure, des mesures plus ciblées peuvent s’imposer pour faire en sorte que les politiques et les prix du marché prennent en compte les externalités écologiques négatives associées à la production agricole.

Les mesures prises au regard de l’agriculture peuvent aussi être conçues pour produire des résultats positifs sur l’environnement, en encourageant les agriculteurs à fournir des biens et services environnementaux comme le piégeage du carbone, la préservation des paysages ruraux, la résilience aux catastrophes naturelles, la pollinisation, la création d’habitats et la lutte contre les espèces envahissantes. Les paiements agro-environnementaux qui incitent à observer des pratiques ou utiliser des intrants éco-compatibles (respect des restrictions d’utilisation d’engrais, par exemple) se classent potentiellement parmi les types de mesures d’aide les plus bénéfiques sur le plan de l’environnement (DeBoe, 2020[63]). Cela concerne en particulier l’atténuation du changement climatique, qui requiert des technologies et des modifications très particulières sur le plan de la gestion. Cela dit, sur les 293 milliards USD de transferts budgétaires versés annuellement aux producteurs en 2019-21, seul 1.7 milliard USD était exclusivement consacré à la fourniture de biens publics environnementaux (autrement dit, des paiements au titre de produits spécifiques autres que des produits de base). L'augmentation du soutien pourrait cependant avoir des impacts directs ou indirects importants sur les biens environnementaux, comme par exemple les paiements découplés (voir plus haut) dans le cas de l’agriculture biologique. La conditionnalité attachée aux paiements directs aux producteurs peut également être bénéfique à l’environnement en compensant les effets potentiellement néfastes des subventions.

D'autres mesures des pouvoirs publics peuvent avoir des effets positifs sur le climat. Ainsi, la mise hors production de terres agricoles est susceptible d’inciter les agriculteurs à passer d’une production végétale à des pâturages permanents ou de la forêt, favorisant une contraction des terres agricoles et un abaissement des pressions sur l’environnement. Toutefois, si elle n’est pas bien gérée, cette contraction – aboutissant à une déprise – peut, dans certains cas, avoir des effets défavorables sur l’environnement, comme l'appauvrissement de la biodiversité, la prolifération d’espèces envahissantes ou un risque accru d’incendie incontrôlé (DeBoe et al., 2020[62]). Si la réduction de la superficie cultivée a souvent des effets bénéfiques pour le climat en réduisant les stocks de carbone, elle peut aussi s’accompagner d’une intensification de la production sur les terres restantes, qui peut avoir des effets néfastes involontaires sur l’environnement (dont des émissions supplémentaires liées aux engrais).

Ces éléments montrent l’importance d’une gestion attentive du processus de réforme, afin de prendre en considération d’éventuels effets pervers sur l’environnement. Ainsi, la diminution du soutien des prix du marché peut aussi se traduire par une déprise agricole accompagnée d’une intensification de la production, ce qui peut avoir des conséquences déplorables sur la biodiversité et l’écologie des paysages. Par ailleurs, les programmes agro-environnementaux pourraient gagner à être mieux conçus – en tenant compte des objectifs d'atténuation du changement climatique – et à s'accompagner de contraintes imposant la fourniture de réels gains environnementaux (DeBoe, 2020[63]).

Le soutien à la R-D et l’innovation dans le secteur de l’agriculture joue un rôle vital en contribuant à l’atténuation des émissions imputables aux activités agricoles. De nombreuses preuves attestent en outre du fort taux de rendement des investissements publics dans la R-D au service de l’agriculture (Alston, Pardey et Rao, 2021[65] ; Alston et al., 2010[66] ; Piesse et Thirtle, 2010[67]). Cette dernière est un moteur clé de la hausse de la productivité qui, en permettant de produire plus d'aliments avec la même quantité d’intrants ou avec des intrants générant moins d'émissions (par exemple les terres, les engrais et les aliments pour animaux), peut aider à réduire les émissions. Les innovations telles que les améliorations des modes de gestion des exploitations, les nouvelles variétés de cultures et races de bétail ainsi que les nouvelles technologies numériques (par exemple l’agriculture de précision) peuvent réduire le niveau des émissions de la production agricole (c’est-à-dire le volume d’émissions par unité produite) tout en atténuant celles provenant du changement d’affectation des terres.

Le soutien à l’innovation agricole reste faible, à seulement 0.7 % de la valeur de la production pour les 54 pays examinés dans ce rapport (graphique 1.11). S'agissant de la zone OCDE dans son ensemble, les dépenses publiques consacrées aux systèmes d’innovation agricole y représentent 1.1 % de la valeur de la production du secteur, soit nettement plus que les 0.4 % obtenus en moyenne dans les 11 économies émergentes. C’est en Suisse, en Norvège et en Corée que le soutien à l’innovation dans l'agriculture est le plus élevé, à plus de 2 % de la valeur de la production du secteur.

Dans certains cas, les améliorations de la productivité peuvent entraîner une hausse de la production et n'abaisseront pas nécessairement les émissions (voir l’encadré 1.3). Cela dit, l’affectation d'une part plus élevée des dépenses de R-D à des mesures d'atténuation peut aider à mettre en place une intensification durable et a plus de chances de réduire les émissions liées à l’activité agricole. Bien que le soutien aux mesures d'atténuation soit en hausse, il existe peu de preuves qu'il représente une part importante du financement total affecté à la R-D et l’innovation dans le secteur agricole. En Australie, par exemple, l'aide au développement de technologies innovantes pour l’alimentation animale s’élève à 23 millions USD sur six ans, ce qui représente moins de 0.4 % du total des dépenses annuelles consacrées à l'innovation dans le secteur agricole (994 millions USD en 2019-21). Jusqu'à récemment, le Fonds d'action à la ferme pour le climat créé par le Canada (160 millions USD sur la période 2021-24) ne représentait que 6 % du budget affecté à l’innovation pour l’agriculture (842 millions USD en 2019-21), même si de nouveaux investissements viennent d’être proposés. Ces deux exemples concernent des pays qui affichent des taux relativement élevés de soutien à la R-D et l’innovation dans le secteur agricole, ce qui laisse entendre qu'il existe une grande marge d’amélioration en ce qui concerne l’augmentation des sommes affectées à la R&D pour l’atténuation des émissions de l’agriculture.

Les récentes études ont montré que les aides publiques consacrées au développement et à l'adoption d’innovations vertes dans l’agriculture (c’est-à-dire les nouvelles technologies permettant de réduire les émissions et d'accroître la productivité, comme l’agriculture climato-intelligente) peuvent abaisser les émissions imputables à l’activité agricole et l’utilisation des terres de plus de 40 %, avec une restitution de 105 millions d’hectares de terres agricoles aux habitats naturels (Gautam et al., 2022[56]). Malheureusement, l’augmentation des investissements dans la R-D agricole publique a ralenti ces dix dernières années dans les pays à revenu élevé (Heisey et Fuglie, 2018[68]). Il est donc de la plus haute importance, pour atténuer les émissions liées à l’agriculture, d'inverser cette tendance et d’accroître le soutien au développement de nouvelles technologies et d’innovations allant dans ce sens. Il faudra cependant du temps avant que ces travaux de R-D ne donnent des résultats, raison pour laquelle cette disposition devrait être associée à des actions produisant des effets plus immédiats.

L’agriculture intervient pour une part importante dans le changement climatique, à la fois du fait des émissions directes au niveau des exploitations et des émissions indirectes provenant du changement d’affectation des terres. L’agriculture, la foresterie et les autres affectations des terres (AFAT) sont aujourd'hui responsables de 22 % des émissions mondiales de GES d'origine anthropique ; ce pourcentage devrait s'accroître à mesure que la croissance démographique et la hausse des revenus au niveau mondial continuent de faire augmenter la demande alimentaire, et à mesure que les autres secteurs procèdent à leur décarbonation. L’engagement qui a été pris par les signataires de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement à 1.5 °C au-dessus des niveaux pré-industriels ne pourra pas être respecté si l’agriculture ne contribue pas aux efforts d’atténuation internationaux. Ce secteur est amplement capable de réduire ses émissions de GES et il est en outre idéalement placé pour contribuer à l’élimination du CO2 par le piégeage du carbone. D'un autre côté, l’agriculture doit faire face à des défis sans pareil car elle doit s'adapter au changement climatique tout en fournissant des aliments sûrs et nutritifs pour tous et en assurant des revenus et des moyens de subsistance pour la population rurale.

Bien que la plupart des pays aient précisé dans leurs CDN les émissions imputables à l’agriculture, seuls 16 des 54 pays examinés dans le présent rapport ont fixé des objectifs de réduction des émissions propres à leur secteur agricole. Certains d’entre eux ont inclus ces objectifs dans leurs CDN ou dans leurs plans stratégiques nationaux, mais la plupart de ces objectifs n’ont pas de caractère obligatoire. Un petit nombre seulement de pays ont inclus l’agriculture dans les mécanismes de tarification du carbone ; par ailleurs, les réglementations environnementales sont souvent à la traîne lorsqu'il est question du changement climatique. Il existe donc une très grande marge d'action de la part des pouvoirs publics pour intensifier et accélérer la réduction des émissions liées à l’agriculture, afin d’œuvrer pour la stabilisation du climat.

La structure des aides à la production agricole a peu changé en dix ans et continue de contribuer à l'augmentation des émissions de GES. Sur les 611 milliards USD de soutien annuel versé aux producteurs à titre individuel en 2019-21, plus de la moitié (361 milliards USD) étaient des transferts positifs au titre de produits spécifiques. Cela inclut le soutien des prix du marché (SPM), qui correspond à la majoration des prix sur le marché intérieur par rapport à ceux pratiqués sur les marchés internationaux, et les paiements au titre de produits spécifiques. Ces mesures de soutien représentent des incitations à accroître la production intérieure, intensifier l’utilisation d'intrants et étendre la superficie des terres agricoles, autant d'actions qui aboutissent à la hausse des émissions de GES (même si l’effet du SPM sur les émissions globales a tendance à être peu important et potentiellement négatif en raison des différences d’intensité des émissions entre les pays). Le SPM pourrait donc être perçu, dans les pays à faible niveau d'émissions, comme un moyen de réduire celles qui sont liées aux importations. Toutefois, cette approche indirecte a des impacts incertains et est probablement moins efficace que la tarification directe des émissions ou les investissements ciblés dans les efforts d'atténuation.

Le soutien au secteur de l’élevage est à cet égard particulièrement problématique. L'élevage est responsable de la majorité des émissions de GES de l'agriculture et contribue pour une grande part aux émissions mondiales de méthane, en particulier à cause de la fermentation entérique des ruminants. Le soutien aux produits d'origine animale, qui ont tendance à générer des niveaux élevés d’émissions de GES, s’est élevé à 111 milliards USD, soit 31 % du montant total des transferts positifs au titre de produits spécifiques. Du point de vue environnemental, ce soutien équivaut par exemple à une subvention de respectivement 22 USD et 31 USD par tonne d’équivalent CO2 pour la viande bovine et la viande ovine et caprine. La production de riz génère elle aussi plus d'émissions que d'autres cultures en raison du méthane émis par les zones inondées. Or, le soutien au riz a atteint 44 milliards USD, soit 115 USD par tonne d’équivalent CO2. Les soutiens précités se présentent la plupart du temps sous la forme d'un SPM qui encourage la production locale et risque de pousser la consommation intérieure à la baisse en raison de la hausse des prix, mais qui n'incite pas à investir pour réduire les émissions. Le soutien aux autres cultures contribue relativement moins au changement climatique mais entraîne malgré tout l’augmentation des émissions de GES du fait de l’utilisation d’engrais. Ces formes de soutien devraient être réduites et réformées en tenant compte des situations de chaque pays ainsi que des spécificités des actions publiques.

Les politiques en vigueur actuellement subventionnent directement l'utilisation d'intrants variables comme les engrais, les aliments pour animaux et le carburant, à hauteur de 60 milliards USD par an en 2019-21. Les subventions aux engrais de synthèse qui ne s’accompagnent d'aucune contrainte entraînent une hausse des émissions d’oxyde d'azote ainsi que le lessivage et le ruissellement des éléments fertilisants, qui causent de graves dommages aux ressources d’eau douce. Les subventions aux aliments pour animaux sont une incitation directe à l’accroissement de la production dans le secteur de l’élevage – dont le corollaire est la hausse des émissions de GES –, tandis que les subventions aux combustibles fossiles favorisent les émissions de CO2 du fait de l’augmentation de la consommation d'énergie dans les exploitations. Ces intrants ne devraient pas être subventionnés mais au contraire taxés lorsqu'ils s'avèrent préjudiciables à l’environnement, de manière à tenir compte de leurs externalités écologiques négatives.

La réduction du soutien aux produits et intrants générateurs d’émissions ne sera en soi pas suffisante, et des actions plus ciblées seront nécessaires pour obtenir une atténuation importante des émissions. Réduire les émissions directement liées à l'activité agricole sur les exploitations nécessitera d’accroître la productivité et l’efficience de l’utilisation des intrants, de déployer à plus grande échelle les nouvelles technologies et d’améliorer la gestion des exploitations. Pour de nombreux producteurs, cela suppose d’améliorer les méthodes de culture, d’utiliser les engrais de manière plus efficiente ainsi que de développer l’agriculture de précision et la gestion intégrée des cultures. Les solutions pour réduire les émissions provenant de l’élevage sont les suivantes : amélioration de l’efficience alimentaire, meilleure qualité des aliments pour animaux et des pâturages, renforcement de la gestion des exploitations et des animaux, et utilisation d'inhibiteurs de méthane (comme les compléments alimentaires). Il est en outre possible de revoir à la baisse les besoins de production en limitant les pertes des exploitations grâce à l'utilisation de variétés végétales plus résistantes, à l’amélioration des équipements et des techniques de récolte, et à la mise en place d'une infrastructure de stockage et d'une logistique plus adaptées. La consommation d'énergie sur les exploitations peut également être réduite en promouvant les énergies renouvelables ainsi que l’adoption de carburants plus écologiques et plus efficients pour faire fonctionner les machines agricoles. L’agriculture peut aussi réduire sa consommation de combustibles fossiles grâce à la production durable de bioénergie.

Pour réduire de façon significative les émissions, plusieurs pistes sont également envisageables du côté de l'affectation des terres. La protection des forêts, associée à l’amélioration de la productivité de l’agriculture, peut jouer un rôle essentiel en limitant l’expansion des terres agricoles ; elle peut également favoriser la séquestration du carbone par la restauration et la reforestation des terres marginales. Une autre possibilité, au coût relativement faible, est de stopper et d’inverser la conversion des marécages. La séquestration du carbone présent dans le sol est possible à l’aide de mesures comme l’amélioration de la gestion de la rotation des cultures, des résidus, de la végétation, de la densité des cheptels bovins et de l’association cultures-pâturages. Les plantations agricoles, l’agroforesterie et le boisement des terres agricoles sont d'autres pistes prometteuses pour opérer cette séquestration.

Les autres formes de soutien aux producteurs – notamment les paiements à la surface découplés et autres paiements spécifiques non liés à un produit particulier – ont un impact moins direct sur les émissions liées à la production et procurent simultanément des bienfaits pour l’environnement par le mécanisme de la conditionnalité. Il n’en reste pas moins que les paiements au titre de la superficie agricole courante risquent, même lorsqu'ils ne sont pas destinés à des cultures précises, de créer des incitations à étendre la superficie cultivée et à maintenir les terres marginales en production. Il existe donc une grande marge d'amélioration pour rendre ces paiements plus profitables à l’action climatique. Les paiements peuvent par exemple être conditionnés à la fourniture de biens et services environnementaux comme la séquestration du carbone, le boisement ainsi que la restauration et la réhabilitation des terres marginales. En 2019-21, sur les 293 milliards USD de transferts budgétaires versés annuellement aux producteurs, seul 1.7 milliard USD était exclusivement consacré à la fourniture de biens publics environnementaux (autrement dit, sous forme de paiements au titre de produits spécifiques autres que des produits de base). L'augmentation du soutien pourrait cependant avoir des impacts directs ou indirects importants sur les biens environnementaux, au travers des paiements découplés (p. ex. dans le cas de l’agriculture biologique). Les paiements à l’agriculture pour des services en faveur du climat devraient être accrus afin d’accélérer les ajustements requis au niveau des exploitations.

Les mécanismes fixant explicitement un prix aux émissions représentent la méthode la plus efficiente pour réduire au maximum le fardeau de l’atténuation qui pèse sur le secteur, en tenant compte de l’hétérogénéité des coûts de cette tâche pour les différents producteurs. Il existe plusieurs options de tarification du carbone telles que les taxes sur les émissions et les systèmes d'échange de quotas d'émission, la compensation carbone et certaines subventions accordées en échange du piégeage du carbone (par exemple aux enchères). La participation à des dispositifs volontaires comme les programmes de compensation carbone et les subventions précitées est limitée par la disponibilité des fonds publics et privés utilisés pour financer la réduction des émissions par les producteurs. Pour que ces dispositifs produisent plus d’effets, des normes strictes en matière de transparence et d'intégrité doivent en outre être mises en place, avec le risque qu’elles limitent la portée et l’efficacité des mesures. Inversement, les instruments mettant en pratique le principe « pollueur-payeur » (comme les taxes sur les émissions) figurent parmi les plus efficaces et les plus efficients pour atténuer les émissions de l’agriculture, mais ils transfèrent une partie de la charge aux consommateurs et peuvent donc nécessiter des mesures d'accompagnement.

Malgré l’efficience de la tarification des émissions et son utilisation dans d'autres secteurs, il existe à ce jour relativement peu d’exemples de pays l’ayant mise en œuvre dans le secteur de l’agriculture. Les émissions liées à l'activité agricole ont tendance à être exclues de la plupart des systèmes de taxation du carbone et d'échange de quotas d'émission qui sont appliqués dans les autres secteurs, et sont souvent traitées dans le cadre de dispositifs annexes. Le fait de soumettre l'agriculture à des dispositifs de tarification pourrait favoriser des plans d'atténuation plus ambitieux, même si ces dispositifs devront être adaptés au contexte et tenir compte des contraintes du secteur.

Le renforcement des réglementations environnementales peut permettre d’accélérer l’atténuation des émissions du secteur agricole. Les administrations publiques peuvent par exemple combiner le soutien avec des mesures visant à prévenir la poursuite du déboisement et de l’expansion des terres agricoles. Une bonne pratique veut qu’aucun soutien ne soit versé aux producteurs participant à la déforestation illégale ou à la conversion et au drainage de marécages. Le fait d’associer les paiements aux producteurs au principe d’écoconditionnalité pourrait en outre favoriser l’adoption de pratiques agricoles n’ayant pas d’effets néfastes sur le climat. L'instauration de réglementations environnementales et de normes plus strictes dans des domaines d'action connexes – comme la qualité de l’air et de l’eau – peuvent également être nécessaire pour encourager le secteur agricole à agir en faveur du climat.

Une production plus durable aidera certes à limiter les impacts climatiques de l’agriculture, mais elle ne sera pas forcément suffisante au vu du niveau de transformation requis. Des changements structurels profonds devront être engagés pour réduire l’empreinte carbone de la production agricole, ce qui nécessitera de se concentrer sur les systèmes alimentaires et de procéder à des adaptations à toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement et au niveau de la demande. Cela pourra passer par des modifications des habitudes alimentaires en vue de réduire la consommation de produits à forte intensité d’émissions (en particulier d’origine animale) dans les pays où la consommation de protéines par habitant dépasse de loin les recommandations alimentaires. Ces modifications pourraient par ailleurs s’avérer doublement bénéfiques pour les consommateurs dans le sens où elles favoriseraient une meilleure santé et nutrition. Le fait de réduire la consommation de produits d’origine animale peut aussi endiguer la déforestation et limiter la perte de biodiversité due à l’expansion des pâturages et des terres cultivées destinées à la production d'aliments pour animaux. Les actions visant à encourager les consommateurs à limiter le gaspillage alimentaire et la surconsommation peuvent aussi contribuer à atténuer les émissions liées à l’agriculture en réduisant le volume des besoins de production – même si l’atténuation obtenue par ce biais est plus limitée.

Enfin, le soutien à la R-D et l’innovation dans le secteur agricole a un rôle vital à jouer au regard de l’atténuation des émissions du secteur. Le soutien à l’innovation agricole, qui n’a atteint que 26 milliards USD en 2019-21, reste faible, à seulement 0.7 % de la valeur de la production. Si le soutien aux mesures d'atténuation ne cesse d'augmenter, sa part dans le financement total de la R-D et l’innovation dans l’agriculture demeure peu élevée. Le fait d'accroître la part de R-D consacrée à l’atténuation peut favoriser une croissance durable de la productivité et permettre le développement des nouvelles technologies qui sont nécessaires pour parvenir à une agriculture sobre en carbone. Il est recommandé aux administrations publiques d'accroître leur financement de la R-D au service de l’agriculture, de créer des conditions susceptibles d’attirer les investissements privés, ainsi que de faciliter les partenariats public-privé et la coopération internationale en matière de R-D, avec la participation des exploitants agricoles et autres parties prenantes.

Au vu de l’urgence du défi climatique, l’agriculture doit engager rapidement des actions en faveur du climat. Cela dit, ces actions ne sont optimales que si elles tiennent compte de leurs implications au sens large sur les systèmes alimentaires, si elles exploitent les synergies qui existent avec d'autres objectifs (sociaux et environnementaux) et si elles parviennent, dans chaque contexte, à contrebalancer les impacts potentiellement négatifs. Pour citer un exemple, les mesures visant à réduire la déforestation ou à limiter l'utilisation d’engrais de synthèse permettent également d’améliorer la biodiversité, la santé des sols et la qualité de l’eau, mais elles peuvent entrer en conflit avec les besoins de production de l’agriculture. De même, les politiques qui, axées sur la demande, encouragent l'adoption de régimes contenant des produits à plus faible intensité d'émissions peuvent être simultanément bénéfiques pour la santé publique, mais elles peuvent aussi représenter une menace pour les producteurs vivant de l'élevage.

La mise en place de taxes sur les émissions peut se traduire par une hausse des coûts pour certains producteurs et consommateurs, et devrait donc s'accompagner d'une assistance transitoire et de transferts ciblés à l'intention des populations les plus vulnérables pouvant être mises en difficulté par l’augmentation des prix de l’alimentation. D'un autre côté, payer les producteurs pour qu’ils réduisent leurs émissions peut alléger leur facture ainsi que celle des consommateurs, mais cela peut aussi peser sur les finances publiques, à moins que ce soutien ne soit compensé par une baisse des aides à l’agriculture existantes. Une approche plus globale incluant les systèmes alimentaires doit être adoptée pour faire face à ces défis et avoir une vue d’ensemble sur les effets des mesures en faveur du climat, étant donné les nombreux autres objectifs des pouvoirs publics et les implications pour les diverses parties prenantes.

Comme pour d'autres questions ayant trait aux systèmes alimentaires, l'action de l’agriculture en faveur du climat devra, pour être efficace, reposer sur la collaboration entre différents domaines de l’action publique (climat, agriculture, développement rural, sécurité alimentaire, santé publique) et surmonter les obstacles liés aux faits, aux intérêts et aux valeurs (OCDE, 2021[40]). Des processus robustes, inclusifs et fondés sur des preuves sont donc indispensables.

Références

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Notes

← 1. Le secteur « Agriculture » des inventaires au titre de la CCNUCC couvre uniquement les émissions hors CO2 associées à la production agricole et quelques sources mineures de CO2 liées à l’amélioration des sols. Les émissions issues des combustibles fossiles générées dans les exploitations sont comptabilisées dans le secteur « Énergie ». L’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles est prise en compte dans la catégorie UTCATF.

← 2. La catégorie UTCATF correspond à la partie concernant l’utilisation des terres et le changement d’affectation des terres du secteur AFAT, de sorte que AFAT = agriculture + UTCATF.

← 3. Les émissions du secteur AFAT en 2010-19 se sont élevées en moyenne à 11.9 ± 4.4 milliards de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Gt éq. CO2) sur un total de 56.3 ± 6.1 Gt éq. CO2 par an. En 2019, les émissions du secteur AFAT ont représenté 12.8 ± 5.0 Gt éq. Co2 sur un total de 58.6 Gt éq. CO2 avec le potentiel de réchauffement global à 100 ans du 6e rapport d’évaluation du GIEC pour le CH4 et le N2O (GIEC, 2022[5] ; Minx et al., 2021[6]).

← 4. 5.9 ± 4.1 Gt éq. CO2 par an.

← 5. 6.0 ± 1.7 Gt éq. CO2 par an pour la catégorie Agriculture du GIEC (qui exclut la consommation énergétique dans les exploitations).

← 6. En moyenne, l’agriculture génère 4.2 ± 1.3 Gt éq. CO2 par an en émissions de méthane et 1.8 ± 1.1 Gt éq. CO2 par an en émissions de protoxyde d’azote.

← 7. Les potentiels de réchauffement global (PRG) sont utilisés pour convertir les GES en équivalent dioxyde de carbone (éq. CO2), ce qui fournit une échelle commune pour mesurer l’effet de chaque GES sur le climat. Le dioxyde de carbone sert de référence et a un PRG de 1 quel que soit l’horizon temporel. Le méthane d’origine non fossile comme celui produit par l’agriculture aurait un potentiel de réchauffement global (PRG100) de 27.0 ± 11, ce qui signifie qu’une tonne d’émissions de méthane absorbera 27 fois plus d’énergie qu’une tonne de dioxyde de carbone sur une période de 100 ans. Le protoxyde d’azote a un PRG100 de 273 ± 130 fois celui du dioxyde de carbone sur une échelle de temps de 100 ans.

← 8. La moyenne annuelle des émissions autres que de CO2 d’origine agricole est passée de 5.2 ± 1.4 Gt éq. CO2 durant la période 1990-99 à 6.0 ± 1.7 Gt éq. CO2 pour la période 2010-19 (en utilisant les valeurs du PRG100 du 6e rapport d’évaluation du GIEC pour convertir les émissions de CH4 et de N2O en équivalent CO2) (GIEC, 2022[5]). Les émissions autres que de CO2 du secteur UTCATF représenteraient 0.6 Gt éq. CO2 et sont prises en compte séparément dans le rapport du GIEC (2022[5]).

← 9. Ou 4.1 Gt éq. CO2.

← 10. La part des émissions liées à l’élevage associée à la fermentation entérique, à la gestion des effluents d’élevage et au fumier déposé dans les prairies représente 67 % des émissions directes issues de l’agriculture dans les 54 pays étudiés dans ce rapport, d’après le PRG100 du 6e rapport d’évaluation du GIEC pour le méthane et le protoxyde d’azote. Lorsqu’on ajoute le fumier épandu comme engrais organique sur les terres cultivées, la part de ces émissions atteint 70 % (FAO, 2022[36]).

← 11. Des estimations antérieures de (GIEC, 2019[70]) évaluent les émissions des systèmes alimentaires mondiaux à 10.8 à 19.1 Gt éq. CO2 par an, soit 21 % à 37 % des émissions anthropiques totales. D’après (Poore et Nemecek, 2018[13]), les systèmes alimentaires génèrent 26 % des émissions anthropiques de GES. Ce pourcentage grimpe à 31 % lorsqu’on inclut le secteur agricole non alimentaire et d’autres facteurs de déboisement. (Crippa et al., 2021[11]) estime que les systèmes alimentaires ont été à l’origine de 34 % des émissions anthropiques totales de GES en 2015, tandis que (FAO, 2021[12]) a évalué les émissions totales des systèmes alimentaires à 16.5 Gt éq. CO2, soit 31 % des émissions globales en 2019.

← 12. Elles s’élèvent à 1.2 kg éq. CO2/USD et 1.1 kg éq. CO2/USD respectivement.

← 13. Elles s’élèvent à 1.2 t éq. CO2/ha et 1.5 t éq. CO2/ha respectivement.

← 14. Les estimations sont fondées sur une méta-analyse exhaustive de 1530 études couvrant plus de 38 000 exploitations commerciales dans 119 pays.

← 15. La viande bovine provenant de troupeaux de races à viande génère 90 kg éq. CO2 par kg de produit et 45 kg éq. CO2 pour 100 g de protéines. Les viandes d’agneau et de mouton génèrent 34 kg éq. CO2 par kg de produit et 17 kg éq. CO2 pour 100 g de protéines.

← 16. 30 kg éq. CO2 par kg de produit et 15 kg éq. CO2 pour 100 g de protéines.

← 17. Le riz génère des émissions s’élevant à 3.9 kg éq. CO2 par kg de produit. La plupart des céréales génèrent moins de 3 kg éq. CO2 par kg de produit et pour 100 g de protéines, tandis que la majorité des fruits, des légumes, des racines et des tubercules produisent en moyenne moins de 1 kg éq. CO2 par kg de produit.

← 18. Dans ces exemples, les émissions les plus élevées font référence au 90e centile, et les plus faibles, au 10e centile. Les émissions liées à la viande bovine les plus élevées atteignent 188 kg éq. CO2 par kg, contre 34 kg éq. CO2 par kg pour les plus faibles dans les troupeaux de races à viande et 16 kg éq. CO2 par kg pour les plus faibles dans les troupeaux laitiers.

← 19. La borne inférieure correspond aux résultats moyens fondés sur les modèles d’évaluation intégrée (MEI). Ces modèles ont l’avantage de refléter toutes les combinaisons possibles entre les options dans un cadre cohérent sur le plan structurel, mais ils ne prennent pas en compte la gamme complète des options d’atténuation analysées par les modèles sectoriels.

← 20. Les potentiels techniques peuvent atteindre 8 Gt éq. CO2 pour les changements touchant au régime alimentaire et 5.8 Gt éq. CO2 par an pour la réduction des pertes de production et du gaspillage alimentaire, selon le GIEC (2022[5]). Étant donné qu’il y a beaucoup de chevauchements entre ces deux options d’atténuation, nous n’additionnons pas les deux estimations ici, mais ne présentons que la plus élevée.

← 21. Par exemple, dans le cas de la viande bovine provenant de troupeaux de races à viande, les 25 % de la production affichant les plus fortes intensités d’émission représentent 56 % des émissions du secteur et 61 % de l’utilisation des terres (Poore et Nemecek, 2018[13]).

← 22. Cela est également vrai pour d'autres dispositions environnementales. Des études ont montré que la plupart des mesures de soutien à l’agriculture ayant des effets de distorsion sont également les plus néfastes pour l’environnement, que ce soit au regard de la pollution à l’azote (Henderson et Lankoski, 2019[53] ; Henderson et Lankoski, 2020[69] ; OCDE, 2020[64] ; DeBoe, 2020[63]) ou de la biodiversité (DeBoe, 2020[63] ; Lankoski et Thiem, 2020[61]).

← 23. D'après les estimations de Laborde et al. (2021[54]), la suppression des mesures de soutien interne et à la frontière entraînerait une hausse des émissions directes de l’agriculture de 1.7 %. Dans une étude similaire portant sur l’ensemble du secteur AFAT, Guerrero et al. (2022[55]) déduit que cette suppression provoquerait une augmentation des émissions de 0.5 %.

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