5. Déterminations de la base d’imposition

406. Le Montant A représente un nouveau droit d’imposition sur une part du bénéfice résiduel des groupes d’EMN qui relèvent de son champ d’application. La base d’imposition est donc déterminée sur la base des bénéfices d’un groupe (plutôt que sur celle d’une entité distincte) et pour cela il est nécessaire de partir des états financiers consolidés du groupe. Cette approche soulève trois grandes catégories de problèmes pour déterminer la base d’imposition du Montant A. Premièrement, il s’agit de définir une mesure normalisée du bénéfice comme base pour le Montant A, y compris le degré selon lequel des ajustements à des fins d’harmonisation sont requis pour pallier les divergences entre les normes comptables financières existantes. Deuxièmement, il convient de réfléchir à la logique, et à la faisabilité technique, du calcul du Montant A en utilisant des comptes segmentés, que ce soit sur une base par branche d’activité ou sur une base géographique. Troisièmement, la conception des règles de report des pertes doit veiller à prendre en compte les pertes dans le calcul du Montant A. Ce chapitre présente un ensemble complet de règles et d’orientations pour déterminer la base d’imposition du Montant A en tenant compte des travaux techniques entrepris jusqu’ici à ces trois égards. Ces règles et orientations ont été conçues pour minimiser, pour autant que possible, les coûts de mise en conformité additionnels pour les contribuables et les charges administratives pour les administrations fiscales.

407. La base d’imposition du Montant A sera quantifiée en adoptant une mesure ajustée du bénéfice avant impôt qui proviendra des états financiers consolidés des groupes d’EMN couverts. Dans la pratique, on utilisera surtout les états financiers consolidés établis selon des principes comptables généralement admis (GAAP) qui produisent des résultats équivalents ou comparables aux états financiers consolidés établis selon les normes internationales d’information financière (IFRS) – les « GAAP éligibles »1. Si nécessaire, d’autres GAAP seront également admis dès lors que leur utilisation aura été autorisée par l’organisme investi de l’autorité juridique dans la juridiction fiscale de son entité mère ultime (EMU) pour prescrire, établir ou accepter des normes comptables et à condition que leur utilisation n’entraîne pas de distorsions de concurrence significatives dans l’application du Montant A. Cette approche (y compris l’évaluation de l’équivalence GAAP) s’inscrit dans le droit fil du Pilier Deux, qui a adopté une approche similaire.

408. Conformément au Pilier Deux, à ce stade, aucun ajustement spécifique à des fins d’harmonisation entre les données comptables (pour tenir compte des variations entre différents GAAP) n’est jugé nécessaire, étant donné l’importante complexité supplémentaire que leur introduction entraînerait. Il n’en reste pas moins que la base d’imposition du Montant A pourrait incorporer un processus de suivi continu pour veiller à ce que les écarts entre les normes comptables ne produisent pas de résultats sensiblement incohérents entre les contribuables du Montant A.

409. Pour en faciliter l’administration, seul un nombre limité de corrections entre données comptables et fiscales s’appliquera pour déterminer la mesure pertinente du bénéfice avant impôt, et il s’agira de chercher à aligner la base d’imposition du Montant A sur celle de l’impôt sur les sociétés des membres du Cadre inclusif. Ces ajustements comprendront : l’exclusion des charges d’impôts sur les bénéfices, l’exclusion des revenus de dividendes et des plus-values ou pertes liées aux actions, et des dépenses non déductibles aux fins de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) dans la plupart des juridictions du Cadre inclusif pour des raisons de politique publique. Ces ajustements sont cohérents avec l’approche au titre du Pilier Deux, sauf potentiellement en ce qui concerne les revenus dérivés de coentreprises et les charges d’intérêt provenant de transactions avec des parties liées qui n’appartiennent pas au groupe consolidé en vertu de la norme comptable concernée (par exemple, des entités d’investissement).

410. D’autres travaux seront entrepris sur la mise en œuvre du cadre proposé en vue d’utiliser les états financiers consolidés du groupe (par exemple l’introduction d’un mécanisme de suivi) et de finaliser certains aspects de la mesure normalisée du bénéfice avant impôt (par exemple les revenus provenant de coentreprises).

411. Dans le document Contours de l’architecture, il est admis que pour certains groupes, il peut être nécessaire de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, tout en reconnaissant également que le recours à la segmentation pour déterminer la mesure pertinente du bénéfice avant impôt entraînera des coûts de mise en conformité supplémentaires pour les contribuables et des charges accrues pour les administrations fiscales, qui devront examiner ces comptes segmentés dans le cadre de toute activité de conformité et dans le cadre du processus de la sécurité juridique en matière fiscale. Le cadre de segmentation pour le Montant A vise à trouver un juste équilibre entre d’un côté les avantages de la précision accrue que la segmentation confère, et de l’autre la complexité et les coûts supplémentaires qu’elle induirait.

412. Le cadre part du constat que, bien qu’il soit faisable de demander aux contribuables de ventiler leurs revenus entre leurs activités de services numériques automatisés, leurs activités en relation étroite avec les consommateurs et leurs activités non couvertes, ils peuvent ne pas forcément être en mesure de calculer séparément les bénéfices nets attribuables à ces activités (c’est-à-dire la segmentation de la base d’imposition). Néanmoins, étant donné que le Pilier Un applique le principe de l’imposition sur une base nette, plutôt que brute, il sera toujours nécessaire de réattribuer uniquement les bénéfices attribuables aux activités couvertes. La façon la plus simple d’y parvenir consisterait à calculer la base d’imposition du Montant A sur une base consolidée et à utiliser la marge bénéficiaire consolidée du groupe comme un indicateur de la marge bénéficiaire couverte, en l’appliquant au chiffre d’affaires couvert pour obtenir une mesure des bénéfices couverts. Cet indicateur de la marge bénéficiaire permettrait de calculer le Montant A, puis de le répartir entre les juridictions du marché à l’aide de la formule de répartition2. Par conséquent, le cadre de segmentation adoptera cette simplification comme règle par défaut, tout en prévoyant que dans certaines circonstances, principalement pour maintenir des conditions de concurrence équitables entre les contribuables, la base d’imposition du Montant A sera calculée sur une base segmentée.

413. Le cadre reposera sur le processus en trois étapes suivant :

  • Premièrement, il est prévu que tous les groupes d’EMN relevant du champ du Montant A ventilent leur chiffre d’affaires entre leurs activités de services numériques automatisés, leurs activités en relation étroite avec les consommateurs et leurs activités non couvertes, comme peuvent l’exiger les règles du champ d’application et du lien.

  • Deuxièmement, pour limiter le nombre de groupes d’EMN qui sont tenus de segmenter leur base d’imposition du Montant A, les groupes d’EMN dont le chiffre d’affaires mondial est inférieur à [X] milliards EUR bénéficieraient d’une « exemption à l’obligation de segmentation » qui les obligerait à calculer la base d’imposition du Montant A sur une base de groupe3. Pour faciliter l’administration et la transition, ce seuil serait initialement fixé à [X] milliards EUR, pour être réduit progressivement sur une période de transition de cinq ans4. Sinon, cette exemption pourrait être conçue à titre de régime de protection, en vertu duquel les groupes d’EMN dont le chiffre d’affaires est inférieur au seuil auraient la possibilité de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base de groupe ou sur une base segmentée, sous réserve des contraintes décrites à la troisième étape ci-après.

  • Troisièmement, ces groupes qui n’ont pas droit à l’exemption ou, si conçue au titre du régime de protection ont choisi de ne pas l’adopter, pourraient alors vérifier s’ils sont tenus ou non de segmenter leur base d’imposition du Montant A et sur quelle base. Il est envisagé de proposer une approche qui s’articule autour des trois sous-étapes suivantes :

    • Les groupes d’EMN appliqueront les « marqueurs de segmentation » pour déterminer s’ils sont tenus ou non de segmenter leur base d’imposition. S’ils ne le sont pas, ils calculeront leur base d’imposition du Montant A sur une base de groupe.

    • Pour les groupes d’EMN qui affichent ces marqueurs de segmentation, les segments déclarés dans les états financiers du groupe d’EMN seront vérifiés pour s’assurer qu’ils répondent bien aux marqueurs convenus. Si c’est le cas, la base d’imposition du Montant A sera calculée sur la base de ces segments. Une exemption sera prévue pour les groupes dont les segments déclarés présentent des marges de profit similaires, auquel cas eux aussi calculeront leur base d’imposition du Montant A sur une base de groupe.

    • Enfin, les groupes d’EMN non éligibles à utiliser leurs segments déclarés seront tenus de calculer leur base d’imposition du Montant A sur la base d’autres segments. On s’attend à ce que seul un petit nombre de groupes d’EMN soit concerné. Cette autre approche serait déterminée en fonction de la définition d’un segment aux fins du Montant A. On peut s'attendre à ce que dans la plupart des cas, cette autre approche oblige simplement un groupe à ventiler davantage le compte de résultat d’un ou plusieurs segments existants et que le groupe dispose éventuellement d’un cadre de suivi interne sur lequel baser cette autre segmentation.

414. De plus amples travaux seront entrepris pour finaliser des aspects spécifiques des différentes étapes de ce cadre de segmentation, y compris la pertinence du niveau des seuils du chiffre d’affaires mondial (étape 2), la définition d’un segment basé sur les marqueurs (étape 3) et l’administration du cadre par le processus de sécurité à un stade précoce et de règlement des différends, et pour étudier les possibles simplifications permettant de faciliter l’administration de l’approche.

415. Les règles relatives au report des pertes s’appliqueront au titre d’un mécanisme de compensation au niveau du groupe ou du segment (tel que déterminé par le cadre de segmentation). Cela signifierait que, à la différence des bénéfices, les pertes générées pendant une période d’imposition donnée au titre du Montant A ne seraient pas attribuées à la juridiction de marché. Elles seraient au contraire regroupées dans un seul compte pour le segment concerné et reportées sur des exercices ultérieurs, de sorte que ce segment ne générerait aucun bénéfice au titre du Montant A (et aucun bénéfice ne serait réattribué aux juridictions de marché) tant que les pertes historiques figurant sur ce compte n’auraient pas été pleinement absorbées. Ce régime de report sera maintenu à l’écart de toutes règles actuelles relatives au report des pertes au niveau national et il prévoira des règles spécifiques pour traiter des réorganisations des activités (y compris des modifications de la base de segmentation).

416. Certains aspects spécifiques de la conception des règles de report des pertes devront être affinés. Il s’agira notamment d’envisager un régime transitoire pour les pertes subies avant l’adoption du Montant A (pertes antérieures au régime) et de déterminer si le régime de report des pertes devrait inclure ou non des règles de limitations dans le temps et de lutte contre l’évasion fiscale. S’ajoute à cela une question distincte pour déterminer si ce régime devrait s’appliquer exclusivement aux pertes économiques ou s’il devrait être élargi pour couvrir les manques à gagner (lorsque le bénéfice d’un groupe ou d’un segment est inférieur au seuil de rentabilité), question qui sera résolue dans le cadre des discussions portant sur la fraction du Montant A (voir section 6.2).

417. Étant donné que le Montant A est un nouveau droit d’imposition qui est déterminé sur la base des bénéfices d’un groupe (plutôt que sur une base d’entité distincte), il est nécessaire d’utiliser les états financiers consolidés du groupe comme point de départ pour calculer la base d’imposition du Montant A. Cette approche présente aussi l’avantage que la base d’imposition du Montant A est moins affectée par des transactions contrôlées5 et, pour les grands groupes d’EMN, qu’elle repose sur des états financiers qui ont fait l’objet d’un audit externe,6 fournissant ainsi une source fiable d’informations qui est généralement facilement accessible aux administrations fiscales.

418. En général, le Montant A n’oblige pas les groupes d’EMN à établir des états financiers consolidés relevant d’une norme comptable spécifique. La norme comptable financière pertinente pour le calcul de la base d’imposition du Montant A sera celle qu’utilise l’EMU pour établir ses états financiers consolidés.

419. Ceci dit, étant donné que les groupes d’EMN établissent des états financiers consolidés selon différentes normes comptables, cette approche nécessite de résoudre plusieurs problèmes pour faire en sorte que la détermination de la base d’imposition du Montant A produise des résultats comparables lorsque différentes normes sont utilisées. Ces problèmes portent notamment sur la nécessité, d’une part, de déterminer des normes comptables acceptables dans l’ensemble des juridictions du Cadre inclusif qui produisent des résultats suffisamment comparables et fiables pour calculer le Montant A et, d’autre part, de clarifier si des ajustements spécifiques à des fins d’harmonisation sont nécessaires pour traiter certains éléments de produits et de charges.

420. Malgré les variations qui existent entre les différentes normes comptables consolidées, les GAAP de nombreux membres du Cadre inclusif présentent bien plus d’éléments en commun que de différences. Pour limiter les coûts de mise en conformité, les groupes d’EMN seront donc autorisés à se fonder sur les états financiers consolidés établis par leur EMU indépendamment des GAAP utilisés, sous réserve que ces principes comptables produisent des résultats équivalents ou comparables aux états financiers consolidés établis selon les normes IFRS7. L’équivalence aux normes IFRS doit être évaluée en fonction des travaux du Conseil international de normalisation comptable (IASB), ainsi que des travaux d’organismes de réglementation des valeurs mobilières qui autorisent d’autres normes comptables dans les rapports financiers des sociétés ayant une obligation publique de rendre des comptes, conformément à l’évaluation de l’équivalence des GAAP au titre du Pilier Deux. Une première évaluation a montré que les GAAP éligibles étaient ceux d’Australie, du Canada, des États-Unis, de Hong Kong (Chine), du Japon, de Nouvelle-Zélande, de République de Corée, de République de l’Inde, de République populaire de Chine et de Singapour. Comme l’illustre le Graphique 5.1 ci-après, ces GAAP éligibles couvrent déjà environ 90 % des groupes d’EMN d’un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions EUR et d’une rentabilité supérieure à 10 % en 2016.

421. Il existera des groupes d’EMN relevant du champ du Montant A dont les états financiers consolidés ne sont pas établis selon des GAAP éligibles. Ces groupes d’EMN seront toutefois autorisés à utiliser d’autres GAAP comme base pour déterminer la base d’imposition du Montant A afin de faciliter l’administration. Il s’agit de GAAP autorisés par l’organisme compétent investi de l’autorité juridique dans la juridiction fiscale de son EMU pour prescrire, établir ou accepter des normes comptables, dès lors que leur utilisation n’entraîne pas de distorsions concurrentielles importantes dans l’application du Montant A. Cette approche doit être compatible avec la détermination de normes comptables acceptables au titre du Pilier Deux8. De plus amples travaux techniques sont nécessaires pour définir et mesurer les distorsions de concurrence significatives.

422. Lorsqu’un groupe d’EMN relevant du champ du Montant A ne produit pas d’états financiers consolidés, ce groupe sera tenu d’en établir et de calculer la base d’imposition du Montant A en vertu des normes comptables autorisées par l’organisme investi de l’autorité juridique dans la juridiction fiscale de son EMU pour prescrire, établir ou accepter des normes comptables à des fins d’information financière, à condition que ces normes soient éligibles ou qu’elles n’entraînent pas sinon de distorsions concurrentielles importantes dans l’application du Montant A.

423. La base d’imposition du Montant A ne nécessitera pas d’ajustements spécifiques à des fins d’harmonisation pour tenir compte des différences entre les divers GAAP qui pourraient avoir une incidence sur le calcul de la base d’imposition du Montant A.

424. Il est admis que la conception et l’administration d’ajustements à des fins d’harmonisation seraient extrêmement complexes, car l’importance des écarts entre les normes varie considérablement d’un secteur industriel à l’autre, et même d’un groupe d’EMN à l’autre9. Voici les types d’ajustements envisagés :

  • Reprise de dépréciation : Les IFRS exigent que les ajustements de dépréciation soient annulés lorsque les raisons de la dépréciation ne sont plus valables, sauf en cas de dépréciations de l’écart d’acquisition. Au contraire, d’autres GAAP peuvent ne pas autoriser la reprise de dépréciation (par exemple les stocks, les éléments d’actifs à long terme). Cela pourrait donner lieu à des écarts temporels, qui pourraient être quasiment permanents selon la durée qu’il est prévu de laisser les éléments sous-jacents figurer au bilan. Ce problème pourrait être plus marqué pour les secteurs dont les cycles d’activité sont particulièrement longs.

  • Classification des actifs financiers : Il est possible que les normes comptables emploient différents critères pour classifier les actifs financiers, qui peuvent entraîner des différences permanentes dans la mesure des bénéfices parce que la classification influe sur la comptabilisation des recettes. Par exemple, en vertu de certains GAAP, c’est surtout sa forme juridique qui influe sur la classification d’un instrument de dette. Au contraire, en vertu des IFRS, la forme juridique ne détermine pas la classification des instruments de dette. C’est plutôt la nature des flux de trésorerie de l’instrument et le modèle économique du groupe d’EMN pour gérer les instruments de dette qui sont les principaux éléments à prendre en compte pour la classification.

425. Par conséquent, le fait de ne pas exiger d’ajustements entre les données comptables à des fins d’harmonisation facilitera grandement le respect de la règle et son administration, ainsi que le respect du Pilier Deux et l’actuelle exigence des déclarations pays par pays.

426. Au lieu de procéder à des ajustements entre les données comptables, la base d’imposition du Montant A peut toutefois incorporer certaines mesures de protection pour s’assurer que les écarts entre les normes comptables ne produisent pas de résultats sensiblement incohérents entre les groupes d’EMN après l’introduction du Montant A. Par exemple, un mécanisme de surveillance continue de ces écarts pourrait être introduit dans le cadre de la mise en œuvre du Montant A. Cette surveillance continue pourrait inclure l’exécution de comparaisons entre les groupes d’EMN couverts soumis à différentes normes afin, d’une part, de cerner et d’évaluer l’incidence réelle des différences comptables sur la base d’imposition du Montant A sur la durée et, d’autre part, de déceler d’éventuelles distorsions concurrentielles importantes découlant des différences existantes ou futures entre les normes comptables qui exigeraient des ajustements spécifiques. De plus amples travaux techniques seront entrepris pour concevoir et explorer les mécanismes appropriés.

427. Conformément à la décision d’utiliser un chiffre normalisé du bénéfice avant impôt, le calcul de la base d’imposition du Montant A partira du montant total des bénéfices ou des pertes tiré du compte de résultat des états financiers consolidés du groupe d’EMN. Plusieurs ajustements seront alors appliqués, y compris l’élimination des charges d’impôts sur les bénéfices, afin de remédier aux problèmes potentiels qui pourraient autrement survenir compte tenu des différents objectifs du Montant A et des règles comptables (c’est-à-dire les corrections entre données comptables et fiscales). Ces ajustements seront cohérents avec l’approche adoptée au titre du Pilier Deux, sauf potentiellement en ce qui concerne les revenus dérivés de coentreprises et les charges d’intérêt provenant de transactions avec des parties liées qui n’appartiennent pas au groupe consolidé en vertu de la norme comptable concernée (par exemple, des entités d’investissement).

428. Une mesure du bénéfice avant impôt servira de base pour déterminer le Montant A puisqu’elle se rapproche de la mesure du bénéfice sur laquelle l’IS est normalement prélevé. Le bénéfice avant impôt est un chiffre global qui comprend généralement l’ensemble des charges et des produits d’un groupe d’EMN, à l’exception de la charge d’impôt. Il prend en compte l’ensemble des coûts réels de la pratique des affaires, à la fois les frais d’exploitation et les frais non opérationnels (tels que les coûts financiers), et il n’est pas affecté par la classification d’éléments spécifiques dans les différentes sections du compte de résultat. Cela en fait la mesure la plus appropriée pour le calcul du Montant A. De plus, sa ressemblance avec la base d’IS existante a l’avantage de minimiser le risque de déterminer un bénéfice aux fins du Montant A qui serait nettement différent du bénéfice imposable agrégé déclaré par les membres du groupe en vertu des règles actuelles.

429. Le bénéfice avant impôt n’est pas défini dans la plupart des GAAP, qui donnent généralement des directives sur la façon de comptabiliser les divers éléments de charges et de produits à des fins comptables. Cela signifie que les groupes d’EMN disposent d’un certain degré d’appréciation quant aux éléments à inclure dans le bénéfice avant impôt. Aux fins du Montant A, il sera nécessaire de parvenir à une définition normalisée (avec ajustements) afin d’assurer un calcul cohérent de la base d’imposition dans l’ensemble des groupes couverts, point qui est abordé à la section suivante.

430. Comme point de départ, tous les éléments compris dans le compte de résultat consolidé10 seront pris en compte11. Il s’ensuit que le calcul de la base d’imposition du Montant A partira du chiffre qui figure sur la ligne au bas du compte de résultat (à savoir le total du bénéfice ou de la perte). À ce stade, certaines corrections entre données comptables et fiscales seront effectués (comme la déduction de certains éléments de revenu et le rajout de certaines dépenses) pour arriver à un chiffre normalisé de bénéfice avant impôt. Pour faciliter l’administration et la conformité, ces corrections seront maintenus au minimum afin de limiter la complexité et seront alignés sur les ajustements effectués au titre du Pilier Deux.

431. L’objectif de ces ajustements est d’aligner pour autant que possible la base d’imposition du Montant A sur la base de l’impôt sur les sociétés des juridictions du Cadre inclusif. Il s’agira pour cela d’exclure certains éléments importants qui sont généralement exclus de la base de l’impôt sur les sociétés des juridictions du Cadre inclusif. L’exclusion de ces éléments reflète généralement les différents objectifs poursuivis par les règles fiscales et comptables.

432. Les impôts sur les bénéfices constituent la charge la plus évidente à rajouter pour déterminer le bénéfice avant impôt normalisé au titre du Montant A. Dans les juridictions du Cadre inclusif, la charge d’impôt n’est généralement pas déductible de l’IS.

433. La comptabilité financière fait la distinction entre les impôts sur les bénéfices et les autres impôts. Les impôts sur les bénéfices, tels que définis aux fins de la comptabilité financière12, sont généralement déclarés séparément dans le compte de résultat. Les impôts qui ne sont pas considérés comme des impôts sur les bénéfices sont traités comme des frais d’exploitation et peuvent ne pas figurer séparément dans le compte de résultat. Seuls les impôts visés par la définition des impôts sur les bénéfices à des fins de comptabilité peuvent être extraits du compte de résultat en vue de les prendre en compte dans le calcul de la base d’imposition du Montant A13.

434. Dans de nombreuses juridictions du Cadre inclusif, les revenus de dividendes et les plus-values ou pertes découlant de la cession d’actions sont exclus, en tout ou en partie, de la base de l’IS ou bénéficient d’un allégement fiscal (tel que le crédit indirect pour impôts payés). Dans certaines juridictions, l’exclusion est subordonnée à certaines exigences relatives à la propriété et à la période de détention. Dans d’autres, l’exclusion s’applique sans restrictions. Ces exclusions sont souvent qualifiées d’exonérations fiscales des participations et visent généralement à éliminer la double imposition qui se produirait autrement si le bénéfice de l’entreprise détenue (c’est-à-dire l’entité distributrice ou l’entité dont les actions sont transférées) devait être imposé de nouveau au niveau de l’investisseur au moment de la distribution ou de la cession.

435. Compte tenu du caractère général des exonérations fiscales des participations de nombreuses juridictions du Cadre inclusif, les revenus de dividendes et les plus-values ou pertes liées aux actions seront exclus de la base d’imposition du Montant A, conformément à l’approche adoptée au titre du Pilier Deux14. Cette exclusion s’appliquera également lorsque, en l’absence de toute cession, le compte de résultat comptabilise des plus-values (ou des pertes) attribuables aux variations de la valeur des actions selon la méthode de la juste valeur. Certains aspects de cet ajustement sont toutefois encore à l’étude, comme la possibilité d’introduire des conditions ou des restrictions à cette exclusion (par exemple, un pourcentage spécifique de propriété, une certaine période de détention). Dans le cadre de ces travaux, est aussi à l’étude le traitement des dépenses engagées en rapport aux revenus de dividendes ou celui de la production de plus-values ou de pertes découlant d’actions. Pour résoudre cette question, il s’agira de trouver le juste équilibre entre les difficultés associées au suivi de ces dépenses dans les états financiers et le risque d’érosion de la base d’imposition du Montant A (par exemple les charges financières liées au financement d’acquisitions de participations).

436. En corollaire, seront aussi exclus tout bénéfice ou toute perte découlant de la méthode comptable de mise en équivalence, conformément à l’approche adoptée au titre du Pilier Deux15. En général, la méthode de la mise en équivalence s’applique aux investissements dans des entités ou des dispositifs dans lesquels l’investisseur détient une participation substantielle (comprise généralement entre 20 % et 50 %) qui ne sont pas consolidés selon des normes comptables financières. Dans la pratique, ces participations sont traitées comme transparentes, reconnaissant la part proportionnelle de l’investisseur dans les bénéfices ou la perte après impôt de l’entité ou du dispositif16. Pour autant, des discussions ont lieu au sein du Cadre inclusif pour décider s’il convient ou non d’appliquer cet ajustement aux bénéfices dérivés des coentreprises, en particulier lorsque ceux-ci ne représentent pas des bénéfices non distribués qui ont déjà été soumis au Montant A (ou le seront) au niveau de l’entité ou du dispositif (par exemple, parce que le chiffre d’affaires de la coentreprise est inférieur aux seuils de chiffre d’affaires couverts).

437. L’exemple suivant illustre bien ce problème. Supposons que le Groupe d’EMN A et le Groupe d’EMN B constituent une coentreprise où chaque groupe détient une participation de 50 %. La coentreprise génère un chiffre d’affaires inférieur à celui du seuil du Montant A, de sorte qu’il ne relève pas du champ d’application du Montant A. Supposons en outre que la coentreprise réalise un bénéfice de 100 au cours de la première période et que le Groupe A et le Groupe B réalisent un bénéfice de 50 chacun selon la méthode de mise en équivalence. D’aucuns font valoir que, au titre de la méthode de la mise en équivalence, les bénéfices du Groupe A et du Groupe B dérivés de la coentreprise ne devraient pas être exclus de la base d’imposition du Montant A, dans la mesure où il s’agit de bénéfice non soumis au Montant A au niveau de la coentreprise. Toutefois, ce point nécessite des travaux supplémentaires pour étayer la logique de cet ajustement et pour réfléchir au risque de manipulations.

438. Dans la plupart des juridictions du Cadre inclusif, pour des raisons de politique publique, plusieurs éléments traités à titre de charges en vertu des règles de comptabilité financière ne sont pas déductibles aux fins de l’IS. Ces charges sont généralement associées à des comportements que les gouvernements considèrent indésirables et seront donc rajoutées dans le calcul de la base d’imposition du Montant A. Ces ajustements s’appliqueront aux pots-de-vin et autres paiements illégaux, ainsi qu’aux amendes et sanctions à verser à une autorité publique pour violation de toute législation. De plus amples travaux sont nécessaires pour déterminer si la déduction de ces dépenses devrait se limiter exclusivement aux cas où celles-ci dépassent un certain montant afin de réduire les contraintes de conformité.

439. D’autres travaux seront entrepris sur la mise en œuvre du cadre proposé pour l’utilisation des états financiers consolidés du groupe, notamment :

  • La définition d’un groupe d’EMN à des fins de consolidation : la base d’imposition du Montant A suivra les règles de consolidation pour circonscrire la composition d’un groupe d’EMN relevant du champ du Montant A. Par conséquent, les entités qui bénéficient d’exemptions de consolidation, telles que les entités d’investissement, ne seront pas tenues de produire des états consolidés aux fins du Montant A. Cela vaut pour l’interaction avec le critère de consolidation comptable selon les règles de déclaration pays par pays et les éventuels changements dans le groupe de consolidation découlant d’une décision d’organismes de réglementation comptable locaux.

  • Groupes d’EMN bicéphales : il s’agit ici de résoudre tout problème particulier pour le calcul de la base d’imposition du Montant A soulevé par des structures bicéphales qui peuvent être cotées sur plusieurs Bourses et tenues de satisfaire les cadres comptables et réglementaires de plusieurs juridictions.

  • Modifications des estimations comptables et erreurs de période antérieure : il s’agit de clarifier l’impact sur la base d’imposition du Montant A de corrections rétrospectives d’importantes « erreurs de période antérieure » dans les états financiers consolidés et de concevoir un mécanisme simple pour ajuster les calculs du Montant A.

  • Élaboration d’un mécanisme de suivi destiné à évaluer les différences entre les GAAP susceptibles d’entraîner d’importantes distorsions concurrentielles.

440. De plus amples travaux seront également entrepris pour finaliser la détermination de la mesure normalisée du bénéfice avant impôt. Plusieurs questions sont à envisager, notamment :

  • S’il faut conserver dans la base d’imposition du Montant A le bénéfice ou la perte provenant de coentreprises en utilisant la méthode comptable de mise en équivalence.

  • Si les charges d’intérêt provenant de transactions avec des parties liées qui n’appartiennent pas au groupe consolidé en vertu de la norme comptable (par exemple, une entité d’investissement qui contrôle un groupe d’EMN et avance des fonds au groupe) présentent un risque d’érosion de la base suffisant pour envisager l’introduction d’une mesure spécifique au titre du Montant A.

  • S’il faut exclure de la base d’imposition du Montant A les plus-values et les pertes provenant d’éléments exceptionnels et non récurrents, en notant que ces éléments ne sont généralement pas exclus de la base de l’IS dans les juridictions du Cadre inclusif, ni au titre du Pilier Deux ni à titre d’exigence des règles sur les déclarations pays par pays.

  • S’il faut inclure les éléments classés dans l’état « autres éléments du résultat global »17 dans la base d’imposition du Montant A, en notant que ces éléments ne sont généralement pas rajoutés à la base de l’IS dans les juridictions du Cadre inclusif, ni au titre du Pilier Deux ni à titre d’exigence des règles sur les déclarations pays par pays.

  • S’il faut comptabiliser les participations minoritaires dans le calcul de la base d’imposition du Montant A.

441. Ces travaux reposeront sur plusieurs considérations importantes, notamment la simplicité de l’administration, la facilité du respect de la règle et l’adoption d’une approche normalisée et cohérente au titre des deux piliers.

442. La principale raison susceptible de justifier la nécessité de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée tient au fait que le Montant A s’applique uniquement aux bénéfices que les groupes dégagent de l’exercice d’activités couvertes. Par exemple, les exigences relatives au champ d’application des activités de services numériques automatisés font la distinction entre les services de cloud computing standardisés, qui seraient couverts, et les services de cloud sur mesure, qui ne le seraient pas. Un groupe qui fournit ces deux types de services doit donc adopter une approche de segmentation qui permet d’appliquer le Montant A uniquement aux bénéfices dérivés des activités couvertes.

443. Pour les règles du champ d’application et du lien, les contribuables devront distinguer leurs revenus entre ceux attribuables à des activités en relation étroite avec les consommateurs, à des activités de services numériques automatisés et à des activités non couvertes. Il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un contribuable puisse établir une ventilation de son chiffre d’affaires sur cette base, que les administrations fiscales pourront examiner. Il serait toutefois plus complexe de demander au contribuable de segmenter ces différents types d’activités pour calculer une mesure du bénéfice avant impôt. En effet, il faudrait pour cela demander aux groupes de répartir les coûts entre ces différents types d’activités d’une manière qui ne reflète probablement pas leurs actuelles données internes ou externes. Par ailleurs, on est en droit de s’interroger si le recours à des clés de répartition pour un tel exercice produira une représentation fidèle de la réalité économique sous-jacente de chaque branche d’activité par la segmentation de son bénéfice avant impôt18.

444. Néanmoins, étant donné que le Pilier Un applique le principe de l’imposition sur une base nette, plutôt que brute, il sera toujours nécessaire de calculer les bénéfices attribuables aux activités couvertes. La façon la plus simple d’y parvenir consisterait à calculer la base d’imposition du Montant A sur une base consolidée et à utiliser la marge bénéficiaire consolidée du groupe comme indicateur de la marge bénéficiaire couverte, en l’appliquant au chiffre d’affaires couvert pour obtenir une mesure des bénéfices couverts. Cet indicateur de la marge bénéficiaire permettrait de calculer le Montant A, puis de le répartir entre les juridictions du marché à l’aide de la formule de répartition. Par conséquent, par défaut, un groupe devrait pouvoir calculer la base d’imposition du Montant A sur la base du groupe.

445. Toutefois, dans certaines circonstances, cette règle s’avérerait déplacée ou ne permettrait pas de maintenir des conditions de concurrence équitables entre les contribuables. Par exemple, lorsqu’un grand groupe exploite deux entreprises essentiellement indépendantes, avec des marges bénéficiaires différentes, le calcul de la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée permettrait d’éviter qu’un contribuable réduise ou élimine un impôt redevable au titre du Montant A en combinant les bénéfices d’activités à marge élevée et à marge faible. Dans de pareilles circonstances, le cadre de segmentation pourrait exiger du contribuable qu’il calcule la mesure pertinente du bénéfice avant impôt à l’aide de comptes segmentés.

446. Le cadre de segmentation vise à trouver le juste équilibre entre ces pressions concurrentes. Partant de la nécessité d’adopter l’approche la plus simple possible vis-à-vis du Montant A, tout en maintenant l’intégrité de la politique globale, un ensemble de règles permettant de déterminer si la segmentation est nécessaire et, le cas échéant, comment arriver à un bénéfice avant impôt segmenté, est présenté ci-après. De plus amples travaux seront entrepris pour élaborer ce cadre de segmentation19 et, une fois l’accord atteint, des lignes directrices détaillées seront publiées à l’attention des contribuables et des administrations fiscales.

447. Le cadre de segmentation vise à concilier la nécessité d’une exactitude accrue et la complexité renforcée découlant de la segmentation de la base d’imposition. Il établit le processus suivant en trois étapes pour évaluer la base de la segmentation, y compris en prévoyant des exemptions à l’obligation de segmentation en vue de faciliter les besoins d’administration et de conformité :

  • Premièrement, il est prévu que tous les groupes d’EMN ventilent leur chiffre d’affaires entre leurs activités de services numériques automatisés, leurs activités en relation étroite avec les consommateurs et leurs activités non couvertes, comme peuvent l’exiger les règles du champ d’application et du lien ;

  • Deuxièmement, pour limiter le nombre de groupes d’EMN tenus à la règle de segmentation, les groupes d’EMN calculeront la base d’imposition du Montant A sur une base de groupe dès lors que leur chiffre d’affaires est inférieur à un seuil convenu ; et

  • Troisièmement, les autres groupes devront vérifier s’ils sont tenus ou non de segmenter et sur quelle base. Il est envisagé de proposer une approche qui s’articule autour des trois sous-étapes suivantes :

    • Les groupes d’EMN appliqueront les « marqueurs de segmentation » pour déterminer s’ils sont tenus de procéder à une segmentation. S’ils ne le sont pas, la base d’imposition du Montant A sera calculée sur la base du groupe.

    • Pour les groupes d’EMN qui affichent ces marqueurs de segmentation, les segments déclarés dans les états financiers consolidés seront vérifiés pour s’assurer qu’ils répondent bien aux marqueurs convenus. Si c’est le cas, la base d’imposition du Montant A sera calculée en fonction de ces segments, sous réserve d’une exemption lorsque les segments déclarés présentent une marge bénéficiaire similaire.

    • Les groupes d’EMN qui ne peuvent pas utiliser leurs segments déclarés mais qui sont tenus de procéder à une segmentation seront tenus de calculer leur base d’imposition du Montant A sur la base d’autres segments. On s’attend à ce que cette obligation ne concerne qu’un petit nombre de groupes d’EMN couverts, en raison de l’application des étapes précédentes.

448. Ces étapes sont précisées ci-dessous.

449. Pour simplifier, l’exclusion des bénéfices provenant d’activités non couvertes se fera, dans la plupart des cas, par l’application de la clé de répartition basée sur le chiffre d’affaires de la formule du Montant A (voir section 6.2.3), plutôt que d’exiger d’un groupe d’EMN de segmenter ses comptes entre ses activités couvertes et celles non couvertes pour parvenir à une mesure pertinente du bénéfice avant impôt. La formule du Montant A est conçue pour veiller à ce que seule la fraction de la base d’imposition du Montant A correspondant au chiffre d’affaires couvert dans une juridiction de marché donnée soit attribuée à cette dernière. Il s’ensuit que, même dans les cas où le calcul de la base d’imposition du Montant A ne fait pas la distinction entre les activités couvertes et celles qui ne le sont pas, les juridictions du marché se voient attribuer un indicateur de la marge bénéficiaire se rapportant au chiffre d’affaires couvert dont l’origine se trouve dans leur juridiction, calculée en supposant que la rentabilité de l’activité couverte est égale à la rentabilité du groupe dans son ensemble. De plus amples travaux seront entrepris pour remédier à des distorsions potentiellement importantes lorsque, par exemple, un groupe d’EMN affiche des activités non couvertes hautement bénéficiaires ou hautement déficitaires qui pourraient ébranler la fiabilité de l’approche. Il s’agira notamment de savoir si, dans certaines circonstances, les contribuables devraient être tenus de calculer séparément le bénéfice net pour les activités couvertes et pour celles non couvertes (ou pour les activités de services numériques automatisés, celles en relation étroite avec les consommateurs et celles non couvertes).

450. Pour appliquer la formule du Montant A, il suffit à un groupe d’EMN de répartir ses recettes entre celles attribuables à des activités en relation étroite avec les consommateurs, à des activités de services numériques automatisés et à des activités non couvertes, en faisant remarquer qu’une telle ventilation serait également nécessaire pour appliquer les règles du Montant A relatives au champ d’application (voir chapitre 2) et au lien (voir le chapitre 3).

451. Le cadre de segmentation pour le Montant A comprend une exemption ou un régime de protection pour limiter le nombre de groupes qui seront tenus de calculer le Montant A sur une base segmentée. Cela réduira les coûts de mise en conformité et allégera la charge pour les administrations fiscales qui devront revoir la segmentation d’une branche d’activités dans le cadre de la sécurité juridique en matière fiscale.

452. L’exemption dispenserait les groupes de petite taille, au chiffre d’affaires mondial inférieur à un montant convenu, d’appliquer le Montant A sur une base segmentée. Dès lors, la segmentation ne sera obligatoire que pour les grands groupes, davantage susceptibles d’exploiter plusieurs entreprises essentiellement indépendantes, à la marge bénéficiaire et au profil géographique qui leur sont propres. C’est bien pour ces entreprises qui touchent les bénéfices les plus élevés, que l’effet fiscal du calcul du Montant A sur une base segmentée sera le plus marqué. Par conséquent, les groupes d’EMN dont le chiffre d’affaires mondial est inférieur à [X] milliards EUR calculeraient la base d’imposition du Montant A sur une base de groupe (autrement dit, une « exemption de segmentation » s’appliquerait). Pour faciliter l’administration et la transition, ce seuil serait initialement fixé plus haut, à [X] milliards EUR, pour être réduit progressivement sur une période de transition, de cinq ans par exemple.

453. Sinon, cette exemption pourrait opérer à titre de régime de protection. Ainsi, les groupes d’EMN au chiffre d’affaires inférieur au seuil auraient la possibilité de calculer la base d’imposition du Montant A soit sur la base du groupe, soit sur une base segmentée, sous réserve des contraintes décrites à la troisième étape ci-dessous. Un tel libre choix pourrait toutefois accroître considérablement le nombre de groupes d’EMN qui pourraient calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, voire déboucher sur des situations où les coûts de ce processus de segmentation dépasseraient de loin les recettes fiscales en jeu.

454. Le Cadre inclusif envisagera l’élaboration d’exceptions ou de régimes de protection pour limiter l’accès à l’exemption de segmentation ou au régime de protection dans certaines circonstances. Par exemple, il pourrait être envisagé d’exclure les groupes dont le chiffre d’affaires non couvert est de [x %] supérieur au chiffre d’affaires total et dont la marge bénéficiaire du groupe est inférieure au seuil de rentabilité convenu, ou lorsqu’un groupe qui se situe en deçà du seuil compte deux segments opérationnels déclarés, l’un qui relève du champ d’application du Montant A et l’autre qui y échappe.

455. Les entreprises qui n’ont pas droit à l’exemption de segmentation ou au régime de protection (au titre de l’étape 2) peuvent être tenues de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, et ce bien qu’il s’agisse là d’une obligation qui peut ne pas convenir à tous les cas. L’étape 3 déterminera si un contribuable est tenu ou non de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée et, le cas échéant, de définir les segments concernés pour lesquels la mesure pertinente du bénéfice ou de la perte sera calculée séparément.

456. Dans la plupart des cas, un groupe qui est tenu de segmenter sa base d’imposition du Montant A devrait pouvoir le faire en fonction des segments opérationnels qu’il déclare à des fins d’information financière (voir ci-dessous). Cela n’enlève rien au constat que les objectifs de segmentation à des fins d’information financière diffèrent des objectifs de l’application du Montant A sur une base segmentée. Dans le contexte de la communication des situations financières, la segmentation devrait permettre aux utilisateurs d’états financiers de mieux comprendre les activités d’un groupe. En revanche, la segmentation aux fins du Montant A devrait garantir que le nouveau droit d’imposition produit des résultats acceptables et assure des conditions de concurrence équitables pour les entreprises qui se trouvent dans des circonstances comparables. En outre, des préoccupations ont été soulevées quant au fait que l’application du Montant A à des segments opérationnels déclarés pourrait permettre à des groupes d’influencer ou de modifier l’application du Montant A en changeant la façon dont les informations sont communiquées au principal décideur opérationnel qui, selon les normes IFRS et GAAP américaines, décide des modalités de déclaration des segments.

457. Par conséquent, des critères spécifiques sont en cours d’élaboration pour déterminer si un groupe est tenu de calculer sa base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, ou s’il serait plus approprié de le faire sur une base de groupe. Ces critères établiront une définition objective et normalisée d’un segment aux fins du Montant A, fondée sur des « marqueurs de segmentation ». Selon une approche possible, cette définition d’un segment pourrait reposer sur la norme comptable internationale (IAS) 14, qui précédait la norme IFRS 820. Cette norme comptable antérieure constitue un point de départ utile pour définir un segment aux fins du Montant A, car elle repose sur la nature de l’activité d’un groupe, plutôt que sur la base selon laquelle le principal décideur opérationnel examine une entreprise.

458. La norme IAS 14 définit un secteur d’activité comme « une composante distincte d’une entreprise qui est engagée dans la fourniture d’un produit ou service unique ou d’un groupe de produits ou services liés, et qui est exposée à des risques et à une rentabilité différents des risques et de la rentabilité des autres secteurs d’activité. Les facteurs qui doivent être pris en compte pour déterminer si les produits et services sont liés sont notamment :

  1. a) la nature des produits ou services ;

  2. b) la nature des procédés de fabrication ;

  3. c) le type ou la catégorie de clients auxquels sont destinés les produits ou services ;

  4. d) les méthodes utilisées pour distribuer les produits ou fournir les services ; et

  5. e) s’il y a lieu, la nature de l’environnement réglementaire, par exemple, la banque, l’assurance ou les services publics. »21

459. Pour certaines entreprises, notamment celles qui sont principalement gérées sur une base régionale, il peut être approprié de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base régionale. Pour cela, les « marqueurs de segmentation » pourraient également inclure une autre définition ou une définition supplémentaire d’un « secteur géographique »22. Toutefois, on pourrait également faire valoir que la subdivision des entreprises couvertes sur une base régionale est contraire à la nature du Montant A comme répartition des bénéfices à l’échelle du groupe, avec une clé de répartition convenue basée sur le chiffre d’affaires couvert relatif dans chaque juridiction.

460. Pour certains groupes d’EMN, en particulier ceux dont l’activité est relativement homogène, il est possible que les « marqueurs de segmentation » montrent qu’il serait plus approprié de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base de groupe. Pour d’autres, les « marqueurs de segmentation » montreront qu’ils devraient calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, et par ailleurs définiront l’approche la plus appropriée à la segmentation.

461. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce cadre et pour aider les contribuables à appliquer cette définition dans la pratique, celle-ci sera étayée d’un commentaire, accompagné d’exemples, afin de clarifier les domaines susceptibles d’être source d’incertitude ou de différends.

462. On s’attend à ce que la grande majorité des groupes qui sont tenus de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée reprendront les segments opérationnels déclarés inclus dans leurs états financiers. Cela tient au fait que la plupart des groupes déclareront dans leurs états financiers des segments opérationnels qui répondent aux « marqueurs de segmentation » décrits plus haut. D’où la présomption réfutable que le Montant A sera appliqué sur cette base. Cette présomption pourrait être réfutée soit par le groupe lui-même, soit par une administration fiscale (par exemple par application du processus de sécurité juridique en matière fiscale) ; par conséquent, lorsque les segments déclarés d’un groupe d’EMN ne répondent pas aux « marqueurs de segmentation », il ne serait pas possible à ce dernier de mesurer sa base d’imposition du Montant A sur cette base.

463. Cette approche signifie que lorsqu’un groupe ne déclare pas de segments opérationnels dans ses états financiers, la présomption serait que l’application du Montant A devrait se faire sur une base de groupe. Il n’en reste pas moins que ces groupes devront malgré tout démontrer que cette approche est cohérente avec les « marqueurs de segmentation ». De même, lorsqu’un groupe déclare des segments de secteur d’activité, il y a une présomption que le Montant A devrait être appliqué sur cette base. Une question importante reste en suspens, à savoir s’il sera présumé qu’un groupe déclarant des segments régionaux devrait appliquer le Montant A dans tous les cas, en particulier s’il s’agit d’un groupe qui engage aussi de grands ensembles de coûts de recherche et développement (R-D) centraux ou autres non répartis. La conception finale de la définition d’un segment aux fins du Montant A sera particulièrement pertinente pour ces entreprises, qui pourrait permettre à celles qui opèrent sur une base régionale de calculer leur base d’imposition du Montant A sur une base régionale.

464. Il peut se produire des situations, notamment lorsque les marges bénéficiaires varient peu entre les segments d’un groupe, où l’impact fiscal de l’application du Montant A sur un groupe ou un segment sera minime. Dans ces cas-là, afin de réduire le plus possible les coûts de mise en conformité et les charges administratives associés à la segmentation, les contribuables pourraient être tenus d’appliquer le Montant A sur une base de groupe. Cette exemption s’appliquerait lorsque la variation de la marge bénéficiaire des segments déclarés (au niveau du bénéfice indiqué dans les états financiers, qui peut être au niveau brut ou opérationnel) est inférieure à un nombre convenu de points de pourcentage. Comme pour l’exemption de segmentation basée sur le chiffre d’affaires mondial, cette exemption pourrait se transformer en régime de protection et devenir optionnelle.

465. Lorsqu’un contribuable calcule la base d’imposition du Montant A sur la base de ses segments déclarés, il lui faudra toujours répartir entre les segments un ensemble de coûts centraux ou non répartis afin de parvenir à la mesure pertinente du bénéfice avant impôt pour chaque segment. Dans de nombreux cas, il peut s’avérer difficile, voire impossible, de répartir ces coûts directement entre les segments. Par conséquent, encore une fois à titre de présomption réfutable, ces coûts seront répartis entre les segments en utilisant le chiffre d’affaires comme clé de répartition. Pour éviter que cette présomption réfutable ne donne lieu à des distorsions, une règle de protection pourrait être introduite de sorte que l’option du recours à une répartition des coûts basée sur le chiffre d’affaires ne soit disponible que lorsque la proportion des coûts centraux à répartir entre les segments est inférieure à un pourcentage donné du total des coûts du groupe ou du segment. Au-dessus de ce seuil, il serait obligatoire de répartir les coûts selon une méthode plus précise, moins approximative. Dans les cas où les contribuables calculent leur base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, ils seront tenus également de rapprocher le bénéfice avant impôt agrégé (calculé aux fins du Montant A) au niveau du segment, le bénéfice avant impôt étant déclaré au niveau consolidé.

466. En cas d’application du Montant A sur une base segmentée, le traitement des transactions inter-segment reste à déterminer. Il peut arriver que des groupes reconnaissent les transactions inter-segment dans leurs états financiers segmentés, ou qu’une approche spécifique de la segmentation exige la prise en compte de transactions inter-segment. Les transactions inter-segment seront éliminées dans le cadre de l’établissement d’états financiers consolidés. Toutefois, ces transactions peuvent avoir un impact direct sur la rentabilité déclarée de différents segments. Lorsque le Montant A est appliqué sur une base segmentée, des groupes pourraient y voir là des incitations à utiliser des transactions inter-segment pour déplacer les bénéfices vers des segments qui échappent principalement au champ d’application du Montant A (ou inversement des pertes vers des segments qui entrent essentiellement dans le périmètre du Montant A).

467. La façon la plus simple de se prémunir contre ce risque serait d’exclure toutes les transactions inter-segment aux fins du Montant A. Pour autant, dans certains cas, cela induirait des erreurs de répartition des bénéfices entre les segments, par exemple lorsqu’un segment engage des coûts importants pour développer un actif incorporel, qui est ensuite exploité de manière rentable dans un autre. Pour remédier aux difficultés associées aux transactions inter-segment, il est envisagé d’obliger le groupe à combiner les segments concernés lorsque les transactions inter-segment dépassent un pourcentage donné du chiffre d’affaires attribuable à un segment.

468. Les quelques groupes qui ne peuvent pas calculer la base d’imposition du Montant A sur la base du groupe ou en fonction de leurs segments déclarés pourraient être tenus d’effectuer ce calcul sur la base d’autres segments. Cette autre approche serait déterminée en fonction de la définition d’un segment aux fins du Montant A, comme précisé plus haut. On s’attend à ce que dans la plupart des cas, cette autre approche oblige simplement un groupe à ventiler davantage le compte de résultat d’un ou plusieurs segments existants et que le groupe dispose d’un cadre de suivi interne sur lequel baser cette autre segmentation.

469. Un contribuable pourrait décider (ou les administrations fiscales, au titre du processus de sécurité juridique en matière fiscale, pourraient exiger) que le Montant A soit appliqué sur la base d’une autre segmentation. Par conséquent, cette option devrait dissuader les contribuables qui pourraient autrement chercher à se servir de leur approche en matière de segmentation comme outil de planification fiscale.

470. D’autres travaux seront entrepris pour finaliser les domaines spécifiques suivants du cadre de segmentation :

  • L’exemption de segmentation (étape 2), en particulier :

    • L’adéquation du niveau des seuils de chiffre d’affaires mondiaux, y compris du seuil qui s’appliquerait pour la période transitoire, est éclairée par les données et l’analyse de l’impact des différents seuils de chiffre d’affaires mondiaux sur le nombre de groupes requis pour segmenter leur base d’imposition (voir Tableau 2.1).

    • Le régime de cette exception, et son caractère obligatoire (exemption) ou facultatif (régime de protection).

    • D’éventuelles exceptions supplémentaires sur les régimes de protection, pour passer outre l’exemption dans certaines circonstances (par exemple dans le cas d’un groupe dont le chiffre d’affaires non couvert est de [x %] supérieur au chiffre d’affaires total et dont la marge bénéficiaire du groupe est inférieure au seuil de rentabilité convenu, ou d’un groupe en deçà du seuil qui compte deux segments opérationnels déclarés, l’un qui relève du champ d’application du Montant A et l’autre qui y échappe).

  • La définition d’un segment basé sur les marqueurs (étape 3), en particulier :

    • L’inclusion ou non d’une obligation de chiffre d’affaires réalisé avec des tiers, pour empêcher les groupes d’utiliser des segments qui consistent principalement en des produits et des charges générés par des transactions entre groupes.

    • L’inclusion ou non d’un seuil d’importance relative, pour s’assurer que la définition n’entraîne pas une prolifération de petits segments de faible valeur (car cela augmenterait considérablement les coûts de mise en conformité et la charge administrative associée à l’application du Montant A). Par exemple, ce seuil d’importance relative peut obliger un groupe à combiner certains segments qui produisent moins qu’un pourcentage convenu du chiffre d’affaires consolidé du groupe et/ou un montant absolu du chiffre d’affaires.

  • Le calcul de la mesure du bénéfice avant impôt sur une base segmentée (étape 3), en particulier le traitement des segments régionaux déclarés dans les états financiers, l’utilisation de clés de répartition basées sur le chiffre d’affaires pour les coûts indirects, et le traitement des transactions inter-segment.

471. Ces travaux reposeront sur plusieurs considérations importantes, notamment la simplicité de l’administration (et des coûts de mise en conformité) et la garantie des conditions de concurrence équitables entre les contribuables.

472. Pour comptabiliser les pertes, les règles de la base d’imposition du Montant A s’appliqueront de manière uniforme au niveau du groupe ou du segment (le cas échéant), que le résultat soit un bénéfice ou une perte. Les pertes découlant d’une période imposable seront conservées et reportées sur les exercices ultérieurs par le truchement d’un mécanisme de « compensation ». Cela signifie que les pertes du Montant A seront déclarées et administrées par un compte unique pour le groupe ou le segment concerné et seront distinctes de tout régime national existant de report des pertes.

473. Conformément à la législation de nombreuses juridictions membres du Cadre inclusif, le régime de report des pertes visera à faire en sorte que le Montant A repose sur une mesure appropriée du bénéfice net23. Il est nécessaire de compenser les pertes fiscales d’exercices antérieurs par rapport aux bénéfices imposables de l’exercice en cours pour permettre à toutes les entreprises de recouvrer les pertes reflétant les coûts de leur investissement et de mettre les entreprises dont le bénéfice est fluctuant dans la même position que celles dont le bénéfice est plus stable. Cette approche est conforme à l’objectif d’imposer uniquement le bénéfice économique (ou au principe de la capacité contributive)24, et améliore la neutralité du Montant A en veillant à la bonne corrélation entre produits et charges pour tous les types d’activités commerciales25.

474. Le report des pertes est également un moyen de préserver les droits d’imposition des juridictions de résidence, par exemple parce qu’elles ont déjà accepté (et continueront d’accepter) la déduction des pertes générées par une entreprise dans le cadre du système existant basé sur le principe de pleine concurrence. La comptabilisation des pertes permet de s’assurer que la juridiction de résidence d’une entreprise qui subit la baisse initiale d’une activité commerciale (à son démarrage, par exemple) pourra recouvrer ces pertes avant qu’une partie du bénéfice généré par la même activité ne soit attribuée à une autre juridiction au titre du Montant A.

475. La base d’imposition du Montant A sera calculée de façon uniforme, que l’entreprise réalise des bénéfices ou subisse des pertes (symétrie). Cela signifie que le calcul des pertes « une fois le régime en vigueur » (pertes subies après l’introduction du Montant A) sera établi sur la base des états financiers consolidés après avoir effectué les corrections pertinentes entre données comptables et fiscales (voir la section 5.2.2). Cela peut s’appliquer au niveau du bénéfice avant impôt du groupe ajusté dans sa globalité ou, lorsque le cadre de segmentation s’applique et que le Montant A sera mesuré au niveau du segment, à chaque segment (voir la section 5.3).

476. En l’absence de segmentation26, les bénéfices et les pertes liés à différentes activités commerciales (y compris les activités potentiellement non couvertes) au sein du groupe seront combinés dans la même base d’imposition aux fins du Montant A27. En revanche, lorsque la base d’imposition du Montant A est segmentée, l’approche de segmentation impliquera de calculer séparément les pertes et les bénéfices engagés par différents segments du groupe, et fera en sorte que les pertes subies par un segment ne soient généralement pas disponibles pour réduire les bénéfices d’un autre (c’est-à-dire qu’il ne se produira pas de mélange inter-segment des bénéfices et des pertes). Des travaux supplémentaires seront nécessaires pour arrêter définitivement des aspects spécifiques de ces règles de calcul, tels que le relevé d’exceptions pour les réorganisations des activités (voir la section 5.44), des obligations spécifiques pour remédier aux effets des transactions inter-segment (généralement, pour empêcher le transfert abusif de bénéfices et de pertes, voir la section 454), et d’autres implications de la symétrie dans l’application des règles relatives à la base d’imposition du Montant A.

477. Conformément au document « Contours de l’architecture » et aux principes directeurs établis par le Cadre inclusif (voir la section ci-dessus la section 1.1), un régime transitoire est envisagé, qui autoriserait la conservation de certaines pertes nettes antérieures au régime (pertes subies avant l’introduction du Montant A qui sont supérieures aux bénéfices réalisés pendant cette période antérieure au régime) pour les déduire des bénéfices au titre du Montant A une fois le régime en vigueur, et ce pendant une certaine durée. Pour éviter la complexité, aucune distinction ne serait faite entre les pertes antérieures au régime et celles constatées une fois le régime en vigueur au titre du régime de report : les caractéristiques de ce dernier (y compris les restrictions potentielles) s’appliqueraient de la même manière, que les pertes soient antérieures au régime ou engagées une fois le régime en vigueur. Ce régime transitoire viserait à permettre aux groupes de recouvrer les coûts d’investissement engagés avant l’introduction du Montant A (c’est-à-dire les distorsions découlant du moment de l’introduction du nouveau droit d’imposition), et à empêcher une réattribution du bénéfice au titre du Montant A là où aucun bénéfice économique n’a été réalisé. Force est de constater toutefois que cette approche traiterait différemment les pertes antérieures au régime et les bénéfices antérieurs au régime, introduisant ainsi une asymétrie dans le calcul des pertes qui réduirait le bénéfice au titre du Montant A potentiellement réattribué aux juridictions de marché. Certains membres du Cadre inclusif estiment que les bénéfices et les pertes devraient s’appliquer de manière symétrique et s’opposent donc en principe à la prise en compte des pertes antérieures au régime. Ils font valoir que s’il est envisagé de reporter les pertes antérieures au régime, alors il faut faire de même avec les bénéfices antérieurs au régime pour en assurer la distribution. Par ailleurs, l’identification et le calcul rétroactifs des pertes du Montant A fondés sur des états financiers antérieurs pourraient présenter des difficultés pratiques. Pour remédier à ces problèmes et réduire les coûts administratifs et de mise en conformité, il pourrait être possible d’introduire un délai au-delà duquel les pertes antérieures au régime ne seraient plus envisagées. Aux côtés d’autres points relatifs à cette approche, d’autres travaux et discussions seront nécessaires pour déterminer cette durée28.

478. En fonction de la durée de cette période pour les pertes antérieures au régime et de la disponibilité des données historiques, il peut aussi falloir envisager de simplifier à certains égards les règles relatives à la base d’imposition du Montant A (par exemple les rapprochements entre données comptables et fiscales, les règles de segmentation) ou celles élaborées pour les réorganisations des activités, pour faciliter l’administration. Par exemple, si une longue période de pertes antérieures au régime est acceptée, il faudra alors élaborer des règles qui traitent de l’impact de l’évolution des approches vis-à-vis de la segmentation tout au long de cette période, afin de s’assurer qu’une mesure appropriée des pertes antérieures au régime est disponible pour compenser les bénéfices couverts (par exemple en utilisant une clé de répartition basée sur le chiffre d’affaires).

479. Contrairement aux bénéfices, les pertes générées sur une période donnée ne seront pas attribuées aux juridictions du marché au moyen d’une formule. La répartition de ces pertes auprès des juridictions de marché serait complexe et pesante à administrer29, et pourrait produire des résultats difficiles à rationaliser. Par exemple, le Montant A pourrait être attribué à de nouveaux marchés qu’un groupe a récemment pénétrés au cours d’exercices bénéficiaires, même si, au cours des exercices antérieurs, les pertes subies (par exemple pour procéder au développement d’une plateforme numérique) étaient attribuées à d’autres marchés sur lesquels le groupe était en activité depuis plus longtemps. De même, des pertes pourraient être attribuées à une juridiction de marché qui ne peuvent pas être compensées plus tard par des bénéfices futurs du groupe en raison de changements de l’activité du groupe dans cette juridiction de marché (par exemple baisse des ventes dans cette juridiction, cessation de l’activité dans cette juridiction).

480. Pour éviter de telles difficultés et dans l’optique de simplifier le processus de gestion des pertes, les pertes du Montant A seront conservées et regroupées dans un compte unique au niveau du groupe (ou du segment le cas échéant), pour être reportées sur des exercices ultérieurs par le truchement d’un mécanisme de « compensation ». 30 Cela signifie qu’une base d’imposition positive pour le Montant A (supérieure au seuil de rentabilité déterminé selon la formule) ne surviendrait qu’après absorption de toutes les pertes historiques accumulées dans le compte de pertes du groupe (ou du segment le cas échéant)31 par un mécanisme de compensation.

481. Bien que les règles de report des pertes soient une caractéristique essentielle pour imposer les bénéfices nets et éviter les distorsions, de nombreuses juridictions du Cadre inclusif limitent la déduction de certaines pertes reportées pour plusieurs raisons, notamment pour entraver des stratégies de planification fiscale ou pour faciliter l’administration du système. Concernant le Montant A, d’autres travaux sont nécessaires pour évaluer la possibilité d’inclure des restrictions de temps et pour élaborer des règles spécifiques pour les réorganisations des activités. Ces travaux tiendront dûment compte de l’effet de ces règles sur la complexité et sur l’administration, ainsi que sur la répartition des droits d’imposition.

482. Dans la législation de nombreux membres du Cadre inclusif, la période au cours de laquelle les pertes reportées peuvent être utilisées est limitée. Passé un certain délai, le droit du contribuable de compenser les pertes par des bénéfices peut expirer, en tout ou en partie. Au-delà de questions portant sur le chiffre d’affaires, des limitations dans le temps sont imposées pour des raisons pratiques et administratives, comme pour gérer la difficulté de conserver des informations pendant longtemps et pour simplifier les dispositifs de l’administration fiscale.

483. Pour les pertes du Montant A, il s’agit de trouver un compromis entre les contraintes pratiques et administratives qui peuvent justifier l’introduction d’une limitation dans le temps et l’effet préjudiciable que toute limitation pourrait avoir sur la mesure appropriée du bénéfice net (par exemple, les coûts des investissements effectués avant la limitation de temps), le respect de neutralité (par exemple des modèles commerciaux au bénéfice fluctuant) ou sur la répartition des droits d’imposition (par exemple des juridictions de résidence qui ont accepté la déduction de pertes non compensées en vertu du système existant basé sur le principe de pleine concurrence au niveau d’une entité). Des travaux supplémentaires sont donc nécessaires pour évaluer la meilleure approche à adopter pour gérer ce compromis, analyser les interactions avec les dispositions en matière de délais de prescription (et d’audit fiscal) et déterminer si la solution d’un report illimité pourrait être retenue sans engendrer des lourdeurs administratives excessives.32

484. Dans la législation de l’ensemble des membres du Cadre inclusif, les régimes de report des pertes prévoient des règles spécifiques pour les réorganisations des activités au sein d’un groupe d’EMN ou entre différents groupes33. Ces règles visent généralement à empêcher les opportunités d’évasion fiscale en s’assurant que l’activité qui réclame la déduction pour perte n’est pas économiquement différente de celle qui a subi la perte. Certaines de ces restrictions sont axées sur les transferts de propriété, par exemple en prévoyant que le droit d’une entreprise de reporter des pertes est perdu en cas de changement d’identité de son actionnaire majoritaire (par exemple des transactions d’actions aboutissant à un transfert de contrôle). D’autres restrictions portent sur des changements dans l’activité commerciale et imposent de répondre à ce qui est essentiellement un critère de « continuité des activités commerciales » en refusant de déduire des pertes lorsque le bénéfice contre lequel la déduction est demandée n’est pas produit par la même activité commerciale que celle qui a subi la perte. Enfin, certaines législations prévoient une combinaison des deux approches. Dans tous les cas, ces règles sont complexes et pesantes pour les contribuables comme pour les administrations fiscales, présentant d’importantes variations en termes de portée et d’impact (par exemple, la définition de ce qui constitue un « transfert de propriété » ou un « changement d’activité commerciale »). Ces règles créent une source importante de différends et d’insécurité juridique.

485. Concernant le Montant A, des règles spécifiques seront élaborées pour traiter des pertes non compensées à la suite de réorganisations des activités (par exemple création d’une nouvelle entreprise, modification d’une entreprise existante, vente (ou achat) de tout ou partie d’une entreprise à un tiers). Ces règles viseraient à veiller à ce que les pertes non compensées soient transférées (et reportées) au groupe concerné (ou au segment concerné, le cas échéant) en cas de poursuite de l’activité commerciale concernée. Elles chercheraient aussi à empêcher le transfert de pertes et les dispositions connexes d’évasion fiscale. Plusieurs points importants seront à envisager dans l’élaboration de ces règles, et notamment : les questions de complexité (et d’administration), les questions de définition, les interactions avec les règles de segmentation (y compris les changements dans le temps de la base de segmentation) et la nécessité de se prémunir contre des dispositions d’évasion fiscale, ainsi que l’impact possible sur la répartition des droits d’imposition. En conséquence, un certain nombre de simplifications seront envisagées pour obtenir ces résultats, y compris, par exemple, l’utilisation de clés de répartition pour répartir les pertes non compensées.

486. En accord avec les caractéristiques visées plus haut et étant donné que le Montant A a sa propre base d’imposition, le régime de report du Montant A sera maintenu à l’écart de tout régime national existant de report des pertes. Cela signifie que les pertes subies au niveau de l’entité dans le cadre du système de répartition des bénéfices basé sur le principe de pleine concurrence (« pertes au niveau de l’entité ») ne modifieraient pas la base d’imposition du Montant A, pas plus que les pertes non compensées du Montant A ne se répercuteraient sur la base d’imposition distincte d’une entité du groupe d’EMN déterminée selon le principe de pleine concurrence. En pratique, cela signifie que :

  • Une entité du groupe redevable du Montant A (ou d’une partie de celui-ci) ne serait pas en mesure de réduire ou d’éliminer ce passif par des pertes au niveau de l’entité ;

  • Les pertes du Montant A d’un groupe (ou d’un segment, le cas échéant) ne seraient pas compensées par le bénéfice d’une entité déterminé en vertu du système de répartition des bénéfices fondé sur le principe de pleine concurrence ; et

  • Les pertes au niveau de l’entité en vertu du système de répartition des bénéfices fondé sur le principe de pleine concurrence ne seraient généralement pas affectées par le bénéfice (ou l’impôt) du Montant A34.

487. Une question distincte se pose quant aux pertes au niveau de l’entité pour savoir si, dès lors qu’elles ne sont pas prises en compte dans le calcul de la base d’imposition du Montant A, elles pourraient l’être pour déterminer l’identité de la ou des entités du groupe (ou du segment) devant s’acquitter de l’impôt du Montant A (aux fins d’éliminer la double imposition). Le mécanisme pour éliminer la double imposition découlant du Montant A repose sur plusieurs étapes (par exemple critère d’activité, critère de rentabilité) ; des réflexions sont en cours dans le cadre des travaux sur l’élimination de la double imposition quant à l’inclusion à l’une de ces étapes de la prise en compte des pertes au niveau de l’entité (voir la section 7.2.6.).

488. Certains membres du Cadre inclusif ont proposé que le régime de report du Montant A tienne compte, en plus des pertes économiques, des « manques à gagner ». Ils estiment en effet que, au cours d’une période donnée, lorsque le bénéfice du Montant A d’un groupe (ou d’un segment) est inférieur au seuil de rentabilité convenu de la formule du Montant A, le régime de report du Montant A traiterait en tant que « perte » la différence entre ce bénéfice et le niveau du seuil de rentabilité (c’est-à-dire les manques à gagner), qui peut être reportée aux périodes imposables suivantes. Les manques à gagner seraient ainsi conservés et pourraient éventuellement donner lieu à un allégement fiscal au cours des exercices bénéficiaires ultérieurs aux fins du Montant A (voir l’illustration à l’Annexe C, Encadré C.1.).

489. Pour les partisans de cette approche, un régime de report qui inclut les manques à gagner améliorerait la neutralité en veillant à ce que le Montant A ne s’applique pas différemment aux contribuables dont les bénéfices sont fluctuants d’une période à l’autre (voir les Groupes X et Y à l’exemple de l’Annexe C, Encadré C.1.)35. Ils font observer que dans les systèmes fiscaux conventionnels qui imposent la première unité de bénéfice supérieure à zéro, la rentabilité zéro (où commencent les pertes) correspond au « point pivot » pour les reports. Ils suggèrent que dans un système tel que le Montant A, qui réattribue uniquement les bénéfices résiduels supérieurs à un seuil de bénéfice positif fixe, la neutralité exige que le point pivot pour les reports soit le seuil de bénéfice résiduel. Cette approche permettrait aussi au Montant A de mieux s’adapter à une conjoncture économique imprévisible. Certains de ces membres notent que les méthodes d’établissement des prix de transfert, telles que la méthode transactionnelle de la marge nette, reposent sur les données financières moyennes de plusieurs exercices ; et qu’une règle de report pour les manques à gagner est compatible avec cette approche, tout en évitant les difficultés administratives engendrées par une méthode de calcul de la moyenne. Par ailleurs, ils estiment que cette approche améliorerait l’exactitude de la mesure du bénéfice résiduel soumis à la formule du Montant A, en s’assurant que seul le bénéfice supérieur au seuil de rentabilité calculé sur une période plus longue (et un cycle d’activité plus long) est réattribué aux juridictions du marché. Cela contribuerait ainsi à préserver les droits d’imposition des juridictions de résidence sur les bénéfices du Montant A, non seulement en recouvrant les pertes préalablement déduites, mais aussi en améliorant la mesure du bénéfice qui reste soumis au système de répartition basé sur le principe de pleine concurrence (appelé bénéfice standard « présumé » de l’activité, voir la section 6.2.1). La juridiction de résidence où l’entreprise supporte des coûts et prend des risques bénéficierait plus longtemps de son droit d’imposition en vertu des règles actuelles sur l’approximation du bénéfice standard. Ces membres tendent aussi à penser que les mêmes règles devraient s’appliquer aux pertes et aux manques à gagner (un système unique de report, y compris pour les restrictions de temps potentielles), et que cette approche n’ajouterait pas de complexité et serait facile à administrer.

490. En revanche, pour un autre groupe de membres, aucun principe ne justifie la comptabilisation des manques à gagner, qui de surcroît ajouterait une source de complexité et augmenterait les contraintes administratives et de conformité. D’un point de vue de politique publique, ces membres font observer que la plupart des règles actuelles d’impôt sur les bénéfices n’établissent pas la moyenne des bénéfices sur plusieurs exercices (y compris lorsqu’il existe un taux d’imposition progressif) et suggèrent également que les régimes de report des pertes sont conçus uniquement pour permettre aux contribuables de recouvrer les pertes découlant des coûts de leurs investissements antérieurs. Étant donné que les manques à gagner ne constituent pas un coût qui entrave la capacité d’un groupe à recouvrir ses investissements antérieurs, ils estiment qu’ils sont fondamentalement différents des pertes et considèrent que rien ne justifie d’en autoriser le report. Ces membres estiment aussi que le fait de ne pas tenir compte des manques à gagner n’a que peu, voire aucune, incidence sur la charge fiscale du contribuable (selon les écarts de taux d’imposition), et donc sur la neutralité, car la répartition des bénéfices (et la juridiction où le contribuable doit s’acquitter de son impôt sur les bénéfices) ne s’en trouve en rien modifiée. En outre, ils considèrent que cette proposition est incompatible avec la justification du seuil de rentabilité du Montant A, qui est une convention simplifiée introduite pour limiter les interactions entre les règles du Montant A et celles existantes relatives à la répartition des bénéfices, et pour simplifier le calcul du bénéfice au titre du Montant A. À leur avis, ce seuil ne vise pas à reproduire le concept de bénéfice résiduel utilisé dans les règles d’établissement du prix de transfert, il n’est pas destiné à s’appliquer au bénéfice d’un groupe d’EMN (ou d’un segment le cas échéant) sur plusieurs exercices et il implique un degré d’approximation accepté. Enfin, ces membres s’inquiètent des difficultés pratiques de cette proposition. D’après eux, l’objectif différent de politique publique d’« établissement de la moyenne du revenu » nécessiterait un traitement distinct des pertes et des manques à gagner et ajouterait de la complexité par l’existence de deux régimes de report distincts. Plus précisément, ils estiment que des délais plus stricts devraient s’appliquer aux manques à gagner par rapport aux pertes, dans la mesure où la comptabilisation de manques à gagner sur une période excessivement longue entraînerait des résultats inappropriés. Par exemple, une entreprise ayant une faible marge bénéficiaire pourrait accumuler des manques à gagner non compensés sur 10 ou 15 ans, ce qui ne serait pas justifié d’un point de vue politique et ouvrirait la voie à des possibilités de planification fiscale. Ces membres font également observer que les manques à gagner augmenteraient le montant des pertes administré par le système de report du Montant A et renforceraient donc la nécessité de règles strictes et complexes de lutte contre l’évitement pour empêcher le transfert de ces pertes (y compris en cas de réorganisations des activités).

491. Une décision devra être tranchée pour décider d’élargir ou non aux manques à gagner le régime de report du Montant A. Pour faciliter cette décision, des travaux supplémentaires seront effectués afin d’estimer l’impact de la comptabilisation des manques à gagner sur le montant des pertes administré par le régime de report du Montant A (sur le bénéfice du Montant A pour les groupes d’EMN couverts) et, de là, sur la réduction de la fraction du Montant A. Les facteurs à prendre en considération porteront sur les possibles implications et retombées de cette proposition sur d’autres caractéristiques de ce régime de report ou du Montant A, comme les limitations dans le temps de l’utilisation des pertes (voir la section 5.4.4) ou le niveau du seuil de rentabilité dans la formule du Montant A (voir la section 6.2.1).

492. L’approche qui est à l’étude obligerait tous les groupes d’EMN relevant du champ du Montant A à calculer leur base d’imposition du Montant A pour identifier et conserver les pertes subies sur une période donnée, y compris les périodes où les groupes d’EMN peuvent ne pas envisager de bénéfices à court ou moyen terme qui seraient pertinents aux fins du Montant A (supérieurs au seuil de rentabilité)36. Pour gérer le ou les comptes de pertes, ces groupes seront également soumis à des obligations spécifiques en matière de dépôt et de documentation, telles que la tenue de registres au niveau du groupe (ou du segment le cas échéant) des pertes reportées (y compris des pertes antérieures au régime) pour chaque période à partir de l’introduction du nouveau droit d’imposition. Ces contraintes de conformité pourraient toutefois être considérablement atténuées par l’élaboration d’un cadre de conformité simplifié et centralisé pour le Montant A (y compris des exigences de dépôt normalisées), où une seule et même entité du groupe serait responsable de l’administration et du respect des règles du Montant A (voir la section 10.2.1). En outre, d’autres procédures élaborées pour faciliter l’administration du Montant A sont susceptibles d’être pertinentes pour le régime proposé de report des pertes, comme la possibilité de parvenir à la sécurité à un stade précoce (par exemple via le calcul et la répartition des pertes antérieures au régime, l’incidence sur les pertes non compensées d’une réorganisation d’activités).

493. De plus amples travaux seront entrepris sur les aspects spécifiques du régime de report des pertes qui restent à finaliser, notamment :

  • La question des pertes antérieures au régime et des limitations spécifiques dans le temps, le cas échéant, à imposer pour limiter les coûts d’administration et de mise en conformité.

  • L’impact des réorganisations des activités (y compris les modifications dans le temps de la base de segmentation) et les règles spécifiques à élaborer pour empêcher le transfert de pertes et les dispositifs connexes d’évasion fiscale.

  • La question des limitations dans le temps et les implications de l’adoption du report illimité.

494. Dans le cadre de ces discussions, les facteurs importants pris en compte porteront sur la simplicité d’administration (et les coûts de mise en conformité), la garantie d’une imposition sur une base nette, la neutralité et l’impact possible sur la répartition des droits d’imposition.

495. D’autre part, lors des discussions sur la fraction du Montant A (voir la section 6.5), il sera nécessaire de décider si ce régime devrait s’appliquer exclusivement aux pertes économiques ou être étendu pour couvrir les manques à gagner.

Notes

← 1. Il s’agit, outre les IFRS, des principes comptables généralement admis de l’Australie, du Canada, des États-Unis, de Hong Kong (Chine), du Japon, de la Nouvelle-Zélande, de la République de Corée, de la République de l’Inde, de la République populaire de Chine et de Singapour.

← 2. La fraction des bénéfices à répartir au titre du Montant A à une juridiction du marché éligible résultera de l’application de la formule du Montant A (comprenant la clé de répartition basée sur le chiffre d’affaires couvert) à la base d’imposition consolidée. Cela signifierait que même si le calcul de la base d’imposition du Montant A ne faisait pas la distinction entre les activités couvertes et non couvertes, les bénéfices pour les activités non couvertes au titre du Montant A ne seraient toujours pas attribués aux juridictions du marché. Concrètement, la marge bénéficiaire du groupe ou du segment serait utilisée comme indicateur de la marge bénéficiaire des activités couvertes.

← 3. Cette approche de régime de protection pourrait toutefois augmenter considérablement le nombre de groupes d’EMN qui choisiraient de calculer la base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, ce qui entraînerait une charge administrative lourde pour les administrations fiscales. L’approche du régime de protection bénéficierait aux contribuables, car elle permettrait à un groupe aux activités non couvertes à rentabilité élevée et aux activités couvertes à rentabilité peu élevée de choisir de calculer sa base d’imposition du Montant A sur une base segmentée, ce qui aurait ainsi pour effet de réduire l’impôt potentiel dont il pourrait être redevable au titre du Montant A.

← 4. Lorsqu’un groupe d’EMN répond aux critères d’exemption de l’obligation de segmentation, mais a un segment déclaré couvert par le Montant A et un segment déclaré non couvert, il peut être préférable d’exclure le groupe d’EMN de cette exemption. Cette question fera l’objet de plus amples travaux.

← 5. Les transactions entre entreprises associées ne sont pas toutes telles que définies à l’article 9 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE qui seront forcément éliminées par le processus de consolidation. La raison tient au fait que, à des fins comptables, la définition du terme « contrôle » est généralement plus étroite que celle des entreprises associées au titre de l’article 9 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE.

← 6. Même lorsque les groupes d’EMN ne sont pas tenus d’établir des états financiers consolidés audités, diverses contraintes associées au processus comptable (par exemple, incitations, contrôles) contribuent à la fiabilité de l’information fournie par les états financiers.

← 7. L’IFRS est un ensemble de normes comptables émises par la Fondation IFRS et l’IASB. Il s’agit de la norme comptable financière la plus couramment utilisée et acceptée dans le monde (voir https://www.ifrs.org/use-around-the-world/use-of-ifrs-standards-by-jurisdiction/). Cette utilisation généralisée dans le monde en fait un point de référence utile et pragmatique pour évaluer les différences entre des GAAP locaux lors du calcul de la base d’imposition du Montant A.

← 8. Voir chapitre 4 (section 4-7) des règles GloBE.

← 9. En outre, un grand nombre des différences potentielles entre les GAAP sont de nature qualitative, ce qui nuirait à la fiabilité de la quantification et de l’ajustement de ces divergences pour calculer la base d’imposition du Montant A.

← 10. Le compte de résultat est l’un des cinq états interconnectés qui constituent les états financiers consolidés d’un groupe d’EMN. Le chiffre qui figure au bas du compte de résultat est le total des « profits ou pertes » qui inclut, en principe, l’ensemble des charges et des produits d’un groupe d’EMN pour une période donnée. La seule exception tient aux charges et produits présentés dans l’état « autres éléments du résultat global ».

← 11. Par exemple, les plus-values cumulées non réalisées peuvent être pertinentes pour les actionnaires d’un groupe, mais ne donnent généralement pas lieu à une charge d’impôt sur les bénéfices tant qu’elles ne sont pas réalisées et, par conséquent, ne seraient pas incluses dans la base d’imposition du Montant A. La plupart des plus-values cumulées non réalisées sont comptabilisées dans l’état « autres éléments du résultat global » et ne figurent donc pas au compte de résultat tant qu’elles ne sont pas réalisées. Par conséquent, les groupes d’EMN qui comptabilisent les plus-values cumulées dans leur état « autres éléments du résultat global » n’auront pas besoin de calculer la base d’imposition du Montant A ; cette approche sera donc relativement simple à appliquer.

← 12. À cette fin, les IFRS définissent les « impôts sur les bénéfices » comme incluant « tous les impôts nationaux et étrangers qui sont basés sur des bénéfices imposables. Les impôts sur les bénéfices comprennent également des impôts, tels que les retenues à la source, qui sont payables par une filiale, une société associée ou un partenariat sur les distributions à l’entité déclarante. » Par exemple, dans le cas particulier des sociétés de personnes qui ne sont pas assujetties à l’IS, la charge fiscale ne tient compte que de la retenue à la source prélevée sur la distribution des bénéfices aux associés.

← 13. Sont inclus les impôts sur les bénéfices exclus aux fins du calcul de la base d’imposition du Montant A.

← 14. Voir chapitre 4 (section 4-7) des règles GloBE.

← 15. Voir chapitre 4 (section 4-7) des règles GloBE.

← 16. Pour en savoir plus sur la méthode comptable de mise en équivalence, voir chapitre 4 (section 4-7) des règles GloBE.

← 17. Selon les IFRS et un certain nombre de GAAP, les produits et les charges sont classés et inclus soit dans le compte de résultat, soit dans l’état « autres éléments du résultat global ». En règle générale, les produits et les charges non réalisés sont comptabilisés dans l’état « autres éléments du résultat global » au cours de la période où ils sont survenus. Ces éléments sont ensuite reclassés (« recyclés »), partant de l’état « autres éléments du résultat global » pour figurer dans le compte de résultat à une période future, généralement lorsqu’ils sont réalisés.

← 18. Pour calculer le bénéfice avant impôt attribuable à des services de cloud computing standardisés et sur mesure, un groupe doit répartir des coûts partagés importants entre ces activités à l’aide de clés de répartition (qui sont susceptibles d’inclure du chiffre d’affaires). Le recours à des clés de répartition pour ventiler un éventail potentiellement large de coûts distincts à mène à se demander si le bénéfice avant impôt qui sera calculé pour chacune de ces activités reflétera fidèlement la réalité économique sous-jacente de chaque branche d’activité. Il serait difficile aussi de vérifier ces répartitions.

← 19. Il s’agira notamment d’envisager s’il peut être approprié d’exiger uniquement du contribuable de segmenter sa base d’imposition entre les activités couvertes et non couvertes, conformément au périmètre du Montant A.

← 20. La norme IFRS 8 définit le segment opérationnel comme la « composante d’une entité a) qui se livre à des activités à partir desquelles elle est susceptible d’acquérir des produits des activités ordinaires et d’encourir des charges (y compris des produits des activités ordinaires et des charges, relatifs à des transactions avec d’autres composantes de la même entité) ; b ) dont les résultats opérationnels sont régulièrement examinés par le principal décideur opérationnel de l’entité en vue de prendre des décisions en matière de ressources à affecter au secteur et d’évaluer sa performance ; et c) pour laquelle des informations financières isolées sont disponibles. » Conseil international de normalisation comptable, Norme internationale d’information financière 8 : Segments opérationnels, paragraphe 5.

← 21. Conseil international de normalisation comptable, Norme internationale d’information financière 14 : Information sectorielle, paragraphe 9.

← 22. Norme comptable internationale 14 : Information sectorielle, paragraphe 9 comprend une définition d’un « secteur géographique » qui peut être utile pour développer cet aspect des « marqueurs de segmentation ».

← 23. Bien que la législation relative à l’IS de certaines juridictions prévoie des règles de report de pertes sur les exercices antérieurs, en vertu desquelles les pertes peuvent être transférées pour réduire ou éliminer l’IS payé au cours d’un exercice fiscal antérieur, ces règles ne sont pas envisagées dans le contexte du Montant A en raison de la complexité et du manque de sécurité qu’elles induisent. Des régimes de report de pertes sur les exercices antérieurs se sont révélés difficiles à administrer, car ils nécessitent de rouvrir l’évaluation d’un contribuable pour des périodes d’imposition antérieures. Ils compliquent aussi la tâche des juridictions en matière de prévisions des recettes fiscales, car ils nécessitent le remboursement (éventuellement pendant des années de déclin économique) d’impôts payés au cours d’exercices passés.

← 24. Dans le présent rapport, on entend par capacité contributive la capacité d’un contribuable de s’acquitter de son impôt sur les bénéfices sans nuire à son investissement original.

← 25. Par exemple, il s’agit là d’un point pertinent pour les activités commerciales à haut risque nécessitant des investissements importants dans l’innovation et la technologie, où le risque de pertes est plus élevé que pour d’autres activités commerciales (à faible risque). De nombreuses entreprises à forte composante numérique démarrent leur cycle économique par une période de « montée en puissance » au cours de laquelle elles réalisent de gros investissements pour développer leur modèle d’affaires et amorcer leur croissance internationale à la conquête de nouveaux marchés. Au cours de cette période, elles peuvent subir de lourdes pertes, même si à long terme elles deviennent efficientes et hautement bénéficiaires. Le report des pertes est nécessaire pour s’assurer que ces entreprises prenant des risques, dont le bénéfice est très fluctuant, sont en mesure de récupérer les coûts associés à leurs investissements initiaux, et ne sont donc pas soumises à une charge fiscale relativement plus élevée que d’autres activités commerciales dont la voie vers la rentabilité est plus rapide.

← 26. En raison des différentes exemptions disponibles pour déterminer l’obligation ou non de segmentation, on s’attend à ce qu’un nombre limité d’EMN relevant du champ du Montant A soient tenues de segmenter leurs états financiers consolidés aux fins du calcul de la base d’imposition du Montant A (voir la section 5.3.3).

← 27. Cela signifie qu’en cas d’adoption d’une approche fondée sur la marge bénéficiaire (voir la section 6.2.4), le groupe d’EMN calculera la fraction des pertes aux fins du Montant A en multipliant sa marge bénéficiaire négative consolidée par son chiffre d’affaires couvert total.

← 28. Ce délai pour le calcul et la déclaration des pertes engagées avant l’introduction du Montant A ne s’appliquerait pas forcément au report de ces pertes antérieures au régime aux exercices ultérieurs (voir la section 5.4.4).

← 29. Une approche d’attribution de pertes à des juridictions de marché exigerait l’élaboration, dans chaque juridiction de marché, de règles de report des pertes aux fins du Montant A, vraisemblablement en conformité avec certaines normes harmonisées pour s’assurer que les juridictions de marché ne sont pas en mesure de rendre inopérante l’attribution des pertes (par exemple, en imposant des délais prohibitifs à toute compensation). Il faudrait demander aux contribuables d’administrer séparément les pertes attribuées dans chaque juridiction de marché et de soumettre dans chacune d’elles une demande d’allégement fiscal une fois que des bénéfices seront attribués à cette même juridiction au titre du Montant A au cours des exercices ultérieurs.

← 30. Des mécanismes comparables sont utilisés dans la législation de différentes juridictions du Cadre inclusif, comme pour le traitement de certains véhicules d’investissement (généralement, pour compenser les bénéfices et les pertes générés par un portefeuille d’actifs sur plusieurs exercices avant de redistribuer les bénéfices aux investisseurs).

← 31. En cas d’élargissement du régime de report au titre du Montant A à certaines pertes antérieures au régime, le compte de pertes inclurait également ces pertes antérieures au régime.

← 32. Certains membres du Cadre inclusif considèrent comme prioritaire l’imposition du bénéfice net du Montant A et sont favorables à un report illimité (en clair, aucune limitation dans le temps imposée au régime de report national dans les juridictions). D’autres s’inquiètent des difficultés administratives induites par un report illimité, notamment des risques de manipulations et d’usage abusif. Ils préfèrent donc imposer un délai dans le temps. Ces membres estiment aussi en règle générale que la nécessité d’imposer des limitations dans le temps est proportionnelle au montant des pertes en jeu, et qu’au moment de trancher sur cette question, il conviendra d’envisager la possible inclusion de manques à gagner.

← 33. Une réorganisation des activités signifie ici toute situation où un ou plusieurs membres du groupe d’EMN, ou un ou plusieurs actifs d’entreprise ou succursales au sein du groupe, sont transférés pour appartenir à un autre groupe, ou à une autre entreprise ou succursale au sein du même groupe. Sont donc incluses les modifications apportées à l’organisation d’une activité qui entraînent des modifications de la base de segmentation (voir la section 5.3).

← 34. S’agissant d’une question de politique fiscale nationale, les membres du Cadre inclusif resteront libres de réduire une répartition du Montant A à leur juridiction des pertes au niveau de l’entité que le même groupe d’EMN a subies par le truchement d’une entité dans cette juridiction.

← 35. La volatilité des bénéfices peut être le résultat de différents facteurs dans le contexte du Montant A, y compris des écarts temporels dans le traitement des produits et des charges selon les normes comptables (voir la section 5.2.1).

← 36. Il s’agira aussi de tenir compte du traitement à réserver aux pertes subies par les groupes d’EMN qui ne relèvent pas du champ d’application du Montant A parce qu’elles sont inférieures à l’un des deux seuils de chiffre d’affaires (voir la section 2.3). Par exemple, le régime transitoire élaboré pour tenir compte des pertes antérieures au régime (voir la section 5.4.2) pourrait être prolongé et s’appliquer de la même manière aux pertes subies pendant les périodes où le chiffre d’affaires du groupe d’EMN est inférieur au seuil couvert.

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