4. Taxer l’utilisation des véhicules

Dans la plupart des pays de l’OCDE, les véhicules ont commencé à être taxés au cours de la première moitié du XXe siècle jusqu’à devenir, dans bien des cas, une importante source de recettes pour les pouvoirs publics. Tous les pays membres disposent d’un arsenal d’instruments fiscaux qui leur garantissent un volume non négligeable de recettes provenant des usagers de la route, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. La fiscalité des véhicules au sens large illustre bien l’utilisation possible de toute la panoplie des impôts sur la consommation, tels que la TVA ou d’autres impôts fondés sur la quantité (ad quantum) ou la valeur (ad valorem) (voir les définitions dans le chapitre 3). Elle a été progressivement adaptée de manière à influer sur le comportement des consommateurs et à réduire les externalités négatives liées aux transports, en particulier les effets externes négatifs sur l’environnement.

Les taxes et autres impositions applicables aux véhicules comprennent :

  • les impôts (TVA et impôts sur les ventes au détail, taxes d’immatriculation) liés à l’achat et à l’immatriculation des véhicules automobiles dus au moment de l’acquisition et/ou de la première mise en ciculaion du véhicule (voir Tableau annexe 4.A.1) ;

  • les impôts périodiques dus au titre de la possession ou de l’utilisation des véhicules (voir Tableau annexe 4.A.2) ;

  • les taxes sur les carburants routiers (voir Tableaux annexes 4.A.3 et 4.A.4) ;

  • les taxes sur les carburants d'aviation (voir Tableau annexe 4.A.5) ;

  • toute autre taxe et imposition liée directement ou indirectement à la possession ou à l’utilisation des véhicules, par exemple droits à l’importation, taxes sur les assurances, péages routiers, redevances basées sur la distance parcourue, redevances de congestion, taxes sur les véhicules de société, taxes sur le transport de voyageurs, etc. (les éléments repris sous ce dernier point ne sont pas traités dans la présente publication).

La vente et l’utilisation des véhicules à moteur génèrent des recettes considérables de TVA ou de taxes sur les ventes au détail. Ces taxes portent sur l’importation et la vente de véhicules (elles s’appliquent au prix de vente total ou, dans le cas des véhicules d’occasion, à la différence entre le prix d’achat et le prix de revente). En général, la TVA et l'impôt sur les ventes au détail s'appliquent aussi aux frais généraux d’entretien et de fonctionnement. L’assiette imposable est le plus souvent la valeur finale, toutes autres taxes incluses (par exemple, la TVA sur les carburants est prélevée sur la base du prix majoré de l’accise, voir tableaux annexes 3.A.3 et 3.A.4 dans le chapitre 3 ainsi que les Tableaux annexes 4.A.3 et 4.A.4).

La fiscalité sur les véhicules est sensible à diverses influences, au-delà de la nécessité évidente de générer des revenus. Qu’il s’agisse du contexte géographique, industriel et social ou encore des politiques liées aux questions énergétiques, aux transports, à l’urbanisme ou à l’environnement, toutes ces considérations pèsent sur le niveau et la structure de l’imposition. Un grand nombre de ces impôts et taxes ont vu le jour alors que l’automobile était considérée comme un objet de luxe. La généralisation de l’usage des automobiles au cours des dernières décennies a diminué la progressivité de la fiscalité sur l’automobile (à l’heure actuelle, nombre de ménages à faible revenu possèdent au moins une voiture). Les dispositifs en place sont aujourd’hui de plus en plus conçus pour influer sur le comportement des consommateurs ou des entreprises. La prise en compte des préoccupations en matière d’énergie et d’environnement a conduit à remodeler cette fiscalité en fonction de l’efficacité énergétique des véhicules, ou de leurs émissions de CO2 et autres émissions polluantes. Des taxes sur l’utilisation du réseau routier ont également été créées pour financer les externalités du secteur des transports et lever des recettes supplémentaires.

Dans la plupart des pays, le montant total des recettes fiscales liées aux véhicules est composé de prélèvements ponctuels (intervenant au moment de l’achat ou de l’importation) et réguliers (lorsqu’ils visent les propriétaires de véhicules ou leur utilisation) auxquels s’ajoute un panachage d’impôts ad valorem (sur le prix) et ad quantum (fondés sur les volumes d’émissions polluantes, le poids du véhicule, la puissance du moteur, le nombre d’essieux, l’âge, la consommation spécifique moyenne de carburant, l’équipement, la suspension, la cylindrée, le nombre de sièges, le type de carburant consommé, la propulsion électrique ou la distance parcourue).

Les impôts liés à la vente, l’immatriculation et l’utilisation des véhicules à moteur (voir Tableaux annexes 4.A.1 et 4.A.2) ne peuvent être considérés de manière isolée des autres bases et taux d’imposition. Un certain nombre d’autres éléments devraient également être pris en compte dans leur analyse, tels que les taxes sur la prime d'assurance, certains péages (péages de pont ou d’autoroute, redevances de congestion, redevances kilométriques), les taxes sur les carburants, les taxes sur l’énergie et d’autres composantes de l’imposition directe, telles que le traitement des véhicules de société dans l'impôt sur le revenu des personnes physiques (Harding, 2014[1]).

Tous les pays de l’OCDE prélèvent des impôts sur l'acquisition et/ou l’immatriculation des véhicules à moteur. Ces impôts peuvent comprendre la TVA, les taxes à l’achat, les droits d'accise et d'autres droits et redevances associés à l’immatriculation d'un véhicule. Pouvant varier considérablement d’un pays à l’autre (voir Tableau annexe 4.A.1), ils reposent sur un vaste ensemble de critères ou combinaisons de critères. Il en existe cinq principaux sur la base desquels l’impôt est calculé :

  • le prix ou la valeur du véhicule ;

  • la puissance du moteur ou la cylindrée ;

  • l’impact environnemental, notamment les émissions de polluants, de CO2 et la catégorie de carburant utilisé ;

  • certaines considérations sociales, telles qu’un traitement préférentiel accordé aux véhicules d’intervention d’urgence, ambulances, véhicules pour personnes handicapées, véhicules de transport public, etc.

  • l’usage qui est fait du véhicule (ainsi les véhicules utilitaires peuvent être soumis à des critères particuliers, comme le nombre d’essieux, le volume de cargaison, le nombre de sièges, etc.).

Un certain nombre d’autres critères spécifiques peuvent également être pris en compte, comme le poids du véhicule, la présence d’équipements de sécurité ou d’un système d’air conditionné. Dans plusieurs pays, l'imposition dépend aussi de l’âge du véhicule.

La charge fiscale qui en résulte varie donc grandement d’un pays à l’autre, mais aussi, à l’intérieur même des pays, selon l’État, la province, la ville ou la région qui l’applique. Par exemple, au Japon, le taux de la TVA est de 10 % auquel s’ajoute une taxe d’achat de 3 %, alors que le Danemark applique un taux de TVA de 25 % et une taxe d’immatriculation qui peut atteindre 150 % de la valeur du véhicule. Cela dit, le montant dû est généralement ajusté en fonction des performances environnementales (voir section 4.4 ci-dessous).

Les véhicules à moteur ne font pas l’objet d’un volume significatif d’achats transfrontaliers motivés par la disparité des fiscalités, dans la mesure où ils ne peuvent être immatriculés que dans le pays principal d’utilisation. De même, la TVA à l’importation d’un véhicule (ou à son « acquisition » si la transaction a lieu au sein de l’UE) est généralement due dans le pays d’immatriculation. Même sur le marché commun de l’Union européenne les impôts et taux d’imposition applicables aux véhicules automobiles ne sont ni harmonisés, ni même convergents.

La fiscalité peut néanmoins influer sur le fonctionnement du marché des véhicules à moteur, principalement au travers des taxes liées à l’immatriculation. En général, le montant de la taxe versé dans le pays de première immatriculation n’est pas restitué lorsque le véhicule est transféré dans un autre pays (par exemple, si le propriétaire déménage à l’étranger). Lorsque la taxe d’immatriculation doit (une nouvelle fois) être payée dans le pays de destination, il y a double imposition. Par ailleurs, des disparités fiscales trop importantes accentuent la fragmentation du marché automobile. Les voitures techniquement adaptées à la structure fiscale d’un pays donné (par exemple, fourchettes de puissance du moteur, politique fiscale à l’égard du diesel) sont des substituts imparfaits, perturbant la concurrence avec les modèles commercialisés dans un autre pays, doté de règles fiscales différentes. Les prix avant impôt semblent eux aussi dépendre de considérations fiscales. Dans certains cas, une disparité fiscale trop importante incite les consommateurs à réaliser leurs achats dans un pays appliquant des taxes d’immatriculation très élevées, mais dans lequel les fabricants, par compensation, pratiquent des prix plus faibles avant impôt, pour ensuite les importer et les immatriculer dans leur pays de résidence. Une telle pratique peut remettre en question les avantages que les consommateurs et le secteur sont censés retirer d’un marché concurrentiel.

Tous les pays de l’OCDE prélèvent des impôts au titre de la possession et/ou de l’utilisation des véhicules à moteur. Ces impôts englobent les redevances pour droit d’usage des routes publiques, qui prennent généralement la forme d’une taxe annuelle (voir Tableau annexe 4.A.2), auxquelles s’ajoutent les droits d’accise perçus sur les carburants (voir section 4.3 ci-dessous) ainsi que les redevances autoroutières, péages routiers et autres impôts sur les carburants des véhicules à moteur (voir section 4.4 ci-dessous). Les impôts périodiques sur la possession d’un véhicule à moteur revêtent plusieurs formes. Leur montant est calculé sur la base d’éléments très semblables à ceux retenus aux fins des impôts sur la vente et l’immatriculation : la nature de l’utilisation (professionnelle ou non), le type du véhicule concerné, le type de carburant utilisé, la cylindrée, l’âge, les niveaux d’émissions polluantes et la consommation de carburant.

Comme la vente et l’immatriculation, la possession et l’utilisation des véhicules à moteur sont plus ou moins fortement imposées selon les pays de l’OCDE. Elles relèvent d'ailleurs de la fiscalité locale dans environ un tiers d’entre eux (13 sur 37, soit l’Australie, la Belgique, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Espagne, les États-Unis, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la Suisse). Nombre de pays réservent un traitement préférentiel aux véhicules d’intervention d’urgence, aux ambulances, aux véhicules pour personnes handicapées, aux véhicules de transport public ou aux véhicules utilisés par les pouvoirs publics, les diplomates, etc. Les deux tiers accordent des allégements ou exonérations sur la base de critères environnementaux (voir section 4.4 ci-dessous).

Les recettes tirées de ces taxes sont importantes dans la zone OCDE, parce que la consommation d’énergie y est très forte et les taux d’imposition souvent élevés dans bon nombre de pays. Malgré d’importantes disparités entre pays, l’imposition des produits énergétiques par rapport au niveau de référence est très élevée comparativement à celui observé pour d’autres impôts. Pour ce qui est du supercarburant sans plomb par exemple, la charge fiscale totale (principalement composée d’un droit d’accise et de la TVA) est supérieure à 100 % du prix hors taxes dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Australie, au Canada, au Chili, au Japon, aux États-Unis, au Mexique et en Nouvelle-Zélande (Tableau annexe 4.A.3). S'agissant de l’essence sans plomb, c’est au Mexique (13.8 %), aux États-Unis (18.6 %) et en Colombie (22 %) que la part des taxes dans le prix à la pompe est la plus faible. Les pourcentages les plus élevés sont enregistrés en Finlande (65.4 %) et aux Pays-Bas (64.9 %). Un seul pays, la Colombie, applique un taux de TVA réduit aux carburants routiers.

Le droit d’accise sur le diesel reste inférieur à celui de l’essence (Tableau annexe 4.A.3) dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Australie, en Belgique, en Hongrie et au Royaume-Uni, où ils sont identiques, tandis qu’en Suisse, le montant appliqué est supérieur dans le cas du diesel. Du point de vue de l’environnement, cette situation est pour le moins paradoxale, le diesel étant plus polluant que l’essence sans plomb, notamment parce qu’il émet beaucoup plus d’oxydes d’azote (NOx) et de particules. Sous l’effet du durcissement de la réglementation relative aux véhicules, cette différence s’estompe pour les nouveaux véhicules, mais les écarts entre les cycles d’essai et les performances sur route suscitent des inquiétudes ; de surcroît, le parc de véhicules reste pour l’heure dominé par les véhicules diesel plus anciens et plus polluants (Harding, 2014[2]).

La directive européenne 2003/96/CE définit le cadre en vigueur au sein de l’Union européenne pour la taxation des produits énergétiques dans les États membres. Elle vise à réduire les distorsions de concurrence entre les huiles minérales et les autres formes d’énergie, ainsi qu’à limiter la concurrence fiscale à laquelle peuvent se livrer les États membres en jouant sur les différences de taux d’imposition de l’énergie. Elle a aussi pour but d’encourager une utilisation plus efficiente de l’énergie. Elle fixe des règles communes pour la taxation d’un ensemble de produits énergétiques, notamment de nombreux produits pétroliers, du charbon et du gaz naturel, ainsi que pour la taxation de la consommation d’électricité. Elle définit pour chaque produit des minima de taxation exprimés en fonction du volume, du poids ou du contenu énergétique. Par exemple, les minima applicables aux carburants utilisés pour le transport routier sont les suivants : 0.359 EUR par litre pour l’essence sans plomb ; 0.330 EUR par litre pour le gazole et 0.125 EUR par kilogramme pour le gaz de pétrole liquéfié (GPL). Elle ne précise pas quelles taxes doivent être utilisées pour atteindre ce niveau minimum. Ces taxes peuvent être diverses (accises, taxe carbone, taxe sur l’énergie, etc.).

En principe, les accises appliquées aux carburants utilisés dans le secteur des transports sont beaucoup plus élevées que celles qui frappent les huiles minérales et, plus généralement, les énergies fossiles utilisées dans d’autres secteurs (OECD, 2013[3]). Plusieurs raisons peuvent expliquer cet écart, notamment l’élasticité-prix plus faible de la base d’imposition dans le secteur des transports, l’utilisation d’accises pour couvrir (plus ou moins directement) certains coûts externes propres à ce secteur (en particulier les embouteillages) et des considérations liées à l’équité. Par exemple, c’est au nom de l’équité qu’un taux d’imposition plus faible est appliqué au fioul domestique qu’au diesel utilisé dans les transports (Flues and Thomas, 2015[4]). La grande majorité des pays de l’OCDE (à l’exception de la Grèce, de la Hongrie, d’Israël et des Pays-Bas) taxent moins le fioul domestique que le diesel utilisé comme carburant, bien que ces deux produits soient plus ou moins identiques (voir Tableau annexe 3.A.8 au Chapitre 3).

La prise en compte des droits d’accise appliqués aux carburants automobiles ne permet pas, à elle seule, de mesurer la charge fiscale globale pesant sur le transport automobile. Les véhicules peuvent aussi être soumis à des taxes kilométriques, à des taxes de stationnement, à des péages, à des droits d’immatriculation et à des taxes de circulation récurrentes que beaucoup de pays modulent en fonction du type de carburant utilisé ou des émissions de CO2 par unité de distance (voir section 4.4 ci-dessous). De surcroît, l’utilisation de véhicules de société bénéficie souvent d’un traitement fiscal plus favorable, voire beaucoup plus favorable, que l’utilisation d’autres types de véhicules (Harding, 2014[1]).

On trouvera dans la présente section une description de la TVA et des droits d'accise appliqués aux deux grandes catégories de carburants destinés aux aéronefs : le carburant Jet A-1, pour l’alimentation des moteurs à turbines, et l’essence d'aviation (AvGas), pour l’alimentation des moteurs à piston. Le Tableau annexe 4.A.5 montre les taux d'accise et de TVA appliqués à ces types de carburants (ci-après dénommés les « carburants d'aviation ») dans les pays membres de l’OCDE et, le cas échéant, les impositions frappant leur fourniture (par exemple, taxe carbone). Les autres taxes et impôts qui touchent le transport aérien (taxes sur les billets d'avion, taxes d'aéroport, etc.) ne sont pas étudiés dans le présent rapport.

La fourniture de carburants d'aviation aux exploitants d’aéronefs qui effectuent des vols commerciaux internationaux (transport de passagers ou de marchandises) est soumise à un taux de TVA nul dans tous les pays de l’OCDE, si ce n’est qu’au Chili, la TVA est remboursée dans sa totalité. Y font exception la Colombie, où le taux réduit de 5 % s’applique, et les États-Unis, où il n’existe pas de TVA au niveau fédéral. En revanche, la fourniture de carburants d’aviation à l’usage des vols commerciaux intérieurs est soumise à la TVA dans tous les pays de l’OCDE (à l’exception des États-Unis), et ce au taux normal, sauf en Colombie où le taux réduit de 5 % s’applique. Dans la mesure où le carburant d'aviation fait généralement partie des intrants d’entreprises dont la taille permet l’enregistrement aux fins de la TVA, cette composante fiscale est normalement intégralement déductible et, par conséquent, dénuée de toute incidence économique. La fourniture de carburants d'aviation destinés aux vols intérieurs à but récréatif ou non commercial est soumise au taux de TVA normal dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Colombie, où le taux réduit de 5 % s’applique, et aux États-Unis, où cet impôt est prélevé au niveau infranational à un taux variable selon les États. En théorie, si un taux de TVA nul est appliqué aux carburants d’aviation utilisés dans les vols internationaux dans le pays d'origine, c’est pour éviter qu'ils fassent l'objet d'une double imposition en en tant que biens importés puisque le principe de destination confère au pays de destination le droit de prélever la TVA sur les biens faisant l’objet d’échanges internationaux. Cependant, contrairement à la plupart des autres articles exportés, normalement soumis à la TVA dans le pays de destination, le carburant d'aviation des vols internationaux donne rarement lieu à des prélèvements puisque la majeure partie est consommée pendant le vol et que le reste échappe à l’impôt, par application de la Convention relative à l'aviation civile internationale (également appelée « Convention de Chicago », voir ci-dessous), aux termes de laquelle tout État contractant doit exempter de droits le carburant d'aviation se trouvant dans un aéronef lorsque celui-ci arrive sur son territoire en provenance d'un autre État contractant (tous les pays de l’OCDE sont parties à la Convention).

Le Tableau annexe 4.A.5 sur les accises montre que tous les pays de l’OCDE exemptent des droits d’accise les carburants d'aviation destinés aux vols commerciaux internationaux, contrairement à la pratique établie à l’égard des carburants à usage routier et ferroviaire. Cette exemption vaut également pour les vols commerciaux intérieurs, sauf en Australie, au Canada, aux États-Unis, au Japon et en Suisse. La situation est plus contrastée dans le cas des vols à but récréatif et non commercial : le carburant d'aviation est taxé dans 12 pays lorsqu’il s'agit de vols internationaux (Belgique, Espagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Portugal, Slovénie et Suède) et dans la majeure partie de la zone OCDE (21 pays sur 37) lorsqu'il s'agit de vols intérieurs.

Trois pays de l’OCDE frappent les carburants d'aviation d'autres taxes (environnementales) : l’Islande et la Norvège exemptent le carburant d'aviation des droits d'accise mais le soumettent à une taxe carbone ; tandis que la Slovénie frappe d’une surtaxe tous les carburants d’aviation (y compris ceux destinés aux vols internationaux) en complément des droits d’accise (appliqués aux carburants destinés aux vols à but récréatif et non commercial).

Comme expliqué précédemment, l’exemption dont les carburants d’aviation destinés aux vols internationaux font l'objet dans les pays d'arrivée découle de la Convention de Chicago, qui définit les normes et principes de base régissant l'aviation internationale. L’article 24 de la Convention interdit de taxer le carburant qui se trouve dans les aéronefs arrivant du territoire d'une partie contractante. En revanche, la Convention n’interdit pas de taxer le carburant avitaillé au départ (Faber and O’Leary, 2018[5]). Cette exemption procède des accords bilatéraux sur le transport aérien conclus entre des pays, dont la plupart prévoient une clause de cette nature sur la base de la réciprocité (Antony Seely, 2019[6]). Le transport aérien intérieur étant exclu du champ d'application de la Convention de Chicago, rien n’empêche les pays de taxer les carburants d'aviation utilisés pour les vols intérieurs.

Les huiles minérales se distinguent par le fait que, plus que dans d’autres domaines, les accises sont utilisées pour faire évoluer le comportement des consommateurs. Bien que les accises sur les carburants existent depuis des années, à l’origine leur instauration a été principalement, voire exclusivement, motivée par des objectifs sans lien avec l’environnement (par exemple, la volonté de percevoir des recettes fiscales ou, dans certains cas, de financer des projets d’infrastructures). Lorsque l’essence sans plomb, moins nocive pour l’environnement, est apparue sur le marché, elle était moins compétitive au détail que l’essence avec plomb parce que plus chère à la production. La fiscalité sur l’énergie a permis d’y remédier en abaissant le prix à la pompe de l’essence sans plomb. L’essence avec plomb a aujourd’hui disparu du marché et n’est même plus autorisée à la vente. Par contre, l’application de taxes plus faibles au GPL utilisé comme carburant a eu un effet beaucoup moins net sur le comportement des consommateurs. Les caractéristiques de ce produit (qui n’est pas liquide à température ambiante à pression atmosphérique, est plus difficile à stocker et nécessite des stations dotées d’équipements spéciaux) ont fait obstacle à son essor. Le GPL est globalement très peu utilisé par rapport au diesel et à l’essence.

Voilà maintenant plusieurs décennies qu’il est de plus en plus recouru à l’impôt pour influencer le comportement des consommateurs et encourager les achats de véhicules moins polluants ou présentant une meilleure efficacité énergétique. En 2020, dans tous les pays membres de l’OCDE, excepté le Chili et la Colombie, des critères environnementaux ou liés à la consommation de carburant entrent en ligne de compte dans le calcul du niveau d'imposition applicable à l’achat ou à l’utilisation de véhicules (voir Tableaux annexes 4.A.1 et 4.A.2). Vingt et un pays se fondent sur les émissions polluantes (CO2, NOx ou particules par kilomètre) ou sur les seules émissions de CO2, tandis que 24 pratiquent des allégements ou exonérations d’impôt à l’égard des véhicules électriques ou hybrides. Un certain nombre d’États membres de l’UE s’appuient sur les normes d’émissions polluantes définies dans les directives européennes (directive 2007/46/CE et textes subséquents) pour établir leur système d’impôt sur les véhicules bien qu’il n’existe pas encore de règle européenne en la matière. Trois pays de l’OCDE (Belgique, Japon et Pologne) pratiquent des allégements ou exonérations de taxes à l’achat ou à l’utilisation des véhicules à pile à combustible hydrogène.

Dès lors que le montant de la taxe liée à l’achat/immatriculation d’un véhicule automobile varie en fonction de sa consommation spécifique moyenne de carburant ou de ses rejets d’émissions polluantes (ce qui est le cas dans 26 des 37 pays de l’OCDE), l’acquéreur est immédiatement incité à opter pour un véhicule moins polluant, ou consommant moins de carburant, voire conjuguant ces deux qualités. Moduler le montant des redevances annuelles suivant des principes analogues (comme c’est le cas dans 26 pays sur 37) peut également induire le même effet incitateur, quoique de façon moins directe. Seize pays de l’OCDE (Autriche, Belgique, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suisse et Turquie) procèdent de même à l’égard des taxes annuelles et liées à l’achat/immatriculation. Une approche consiste à estimer quelle sera l’utilisation d’un véhicule durant sa vie utile afin d’établir un taux d’imposition en tenant compte des tonnes de CO2 qu’il émettra pendant cette durée de vie. Les recherches conduites en la matière indiquent que les taux d’imposition appliqués par tonne de CO2 varient grandement d’un pays à l’autre (pour une étude approfondie de ce sujet, voir (Nils Axel Braathen, 2009[7])

Des taxes d’immatriculation élevées peuvent faire reculer le nombre des achats de véhicules neufs. Si, de prime abord, cela peut sembler favorable à l’environnement par une diminution du parc automobile, cette situation peut aussi amener certains consommateurs à reporter leur décision d’achat, ou à se rabattre sur des voitures d’occasion, augmentant le nombre de véhicules plus anciens et donc plus polluants en circulation.

À l’échelon local, d’autres impôts et redevances ont été mis en place ou envisagés dans l’objectif de réduire la pollution atmosphérique et les autres coûts sociaux consécutifs à l’utilisation des véhicules en général, et plus précisément dans les zones urbaines (Kurt van Dender, 2019[8]). Le trafic routier local est à l’origine d’émissions de CO2 et d’autres polluants atmosphériques, notamment des particules fines, qui provoquent des dommages à la santé dont le coût économique peut être évalué. Exprimés en véhicule/kilomètre, ces coûts des externalités environnementales du trafic automobile ont été estimées à 0.01 EUR (véhicules à essence) et 0.037 EUR (véhicules diesel). La congestion du trafic routier crée elle aussi des coûts externes marginaux, estimés entre 0.30 EUR et 2.42 EUR par véhicule/kilomètre, lorsque le volume du trafic excède la capacité routière. Les autres externalités liées au transport routier recouvrent les accidents de la route (coûts estimés à 0.03 EUR par véhicule/kilomètre), les nuisances sonores (jusqu’à 0.36 EUR par kilomètre pour les poids lourds en zone urbaine) et la dégradation de la voirie (de 0.05 EUR/km pour les voitures à 0.52 EUR/km pour les poids lourds). À condition d’être ciblée avec soin, la fiscalité permet d’internaliser de manière efficiente ces coûts externes et d’en assurer la réduction selon un bon rapport efficacité-coût (Braathen et al., 2017[9]). Si les taxes sur les carburants sont adaptées pour rendre compte des coûts externes liés aux émissions de CO2, les redevances basées sur la distance parcourue et, dans une certaine mesure, les droits de stationnement, peuvent couvrir efficacement d’autres coûts spécifiques, notamment ceux liés à la congestion, à la dégradation de la voirie, ainsi que d’autres coûts relatifs aux infrastructures. Les redevances basées sur la distance parcourue qui prennent en compte les caractéristiques des véhicules peuvent elles aussi contribuer à la réduction de la pollution atmosphérique (OECD/ITF, 2019[10]).

La publication de l’OCDE intitulée Taxing Energy Use (OECD, 2019[11]) fournit un panorama complet des différentes taxes spéciales appliquées à l’énergie dans 43 pays membres de l’OCDE ou du G20. Elle montre que ces taxes sont très hétérogènes et sont en général trop faibles pour protéger l’environnement. Dans tous les pays étudiés, les droits d'accise constituent la plus grande composante du taux d’imposition effectif moyen. Les taxes sur le transport routier sont nettement plus élevées que celles appliquées dans d’autres secteurs, mais restent le plus souvent trop faibles pour couvrir les externalités du transport routier. Bien qu'il soit établi que des systèmes bien conçus de fiscalité énergétique encouragent les citoyens à préférer les sources propres aux polluantes, les enjeux politiques de la tarification du carbone se révèlent souvent très problématiques et les prix de l’énergie et du carbone pratiqués à l’égard d'un trop nombre de consommateurs sont insuffisants pour juguler le péril du changement climatique, même si l’on compare les signaux-prix du carbone à une valeur basse de référence de 30 EUR par tonne de CO2.

En règle générale, en complément des mesures fiscales, les pouvoirs publics imposent généralement aux constructeurs automobiles des normes techniques visant à réduire la pollution des véhicules et de nombreux systèmes fiscaux mentionnés ci-dessous définissent les bases et les taux d’imposition en retenant l’hypothèse d’un respect des normes relatives aux émissions de CO2 ou autres polluants. Ainsi, depuis 1970, l’Union européenne (UE) régit les émissions polluantes et promulgue régulièrement de nouvelles dispositions durcissant les valeurs limites. Les normes en vigueur fixent le niveau maximal autorisé des émissions de monoxyde de carbone (CO), de composés organiques volatils, d’oxydes d’azote (NOx) et de particules. Il s’agit des normes Euro 6 (qui déterminent les limites maximales d’émission applicables à l’immatriculation et à la vente de voitures et fourgonnettes neuves à compter du 1er septembre 2015) et des normes Euro VI, qui visent les véhicules lourds. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) étant également dans la ligne de mire de la Commission européenne depuis 2007, l’UE a mis en place un vaste cadre juridique pour réduire les émissions de CO2 des véhicules légers neufs dans le cadre des efforts engagés pour atteindre les objectifs définis en matière d’émission de gaz à effet de serre.

Dans les tableaux en annexe, le Royaume-Uni est pris en compte dans la mention « Union européenne et ses États membres » pour janvier 2020 et est comptabilisé à part pour la période comprise entre le 1er février 2020 et la fin décembre 2020 (« les États membres et le Royaume-Uni »).

Références

[6] Antony Seely (2019), “Taxing aviation fuel”, Briefing Paper, No. 523, House of Commons, London.

[9] Braathen, A. et al. (2017), Environmental Fiscal Reform PROGRESS, PROSPECTS AND PITFALLS, http://www.oecd.org/tax/tax-policy/tax-and-environment.htm.

[5] Faber, J. and A. O’Leary (2018), Taxing aviation fuels in the EU, CE Delft, Delft.

[4] Flues, F. and A. Thomas (2015), “The distributional effects of energy taxes”, OECD Taxation Working Papers, No. 23, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5js1qwkqqrbv-en.

[1] Harding, M. (2014), “Personal Tax Treatment of Company Cars and Commuting Expenses: Estimating the Fiscal and Environmental Costs”, OECD Taxation Working Papers, No. 20, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jz14cg1s7vl-en.

[2] Harding, M. (2014), “The Diesel Differential: Differences in the Tax Treatment of Gasoline and Diesel for Road Use”, OECD Taxation Working Papers, No. 21, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jz14cd7hk6b-en.

[8] Kurt van Dender (2019), Taxing vehicles, fuels, and road use Opportunities for improving transport tax practice, OECD, Paris.

[7] Nils Axel Braathen (2009), Incentives for CO2 Emission Reductions in Current Motor Vehicle Taxes, http://www.oecd.org/env/transport.

[11] OECD (2019), Taxing Energy Use 2019: Using Taxes for Climate Action, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/058ca239-en.

[3] OECD (2013), Taxing Energy Use: A Graphical Analysis, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264183933-en.

[10] OECD/ITF (2019), Tax Revenue Implications of Decarbonising Road Transport: Scenarios for Slovenia, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/87b39a2f-en.

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