3. Argentine

Les taxes à l’exportation de l’Argentine font baisser les prix intérieurs perçus par les producteurs, d’où un soutien négatif au secteur agricole. Les paiements limités reçus par les producteurs sont axés sur le soutien à l’utilisation d’intrants, principalement sous forme de crédits à des taux préférentiels.

Le soutien aux producteurs est négatif depuis le début des années 2000, avec des fluctuations dues aux variations des taxes à l’exportation, également influencées par l’instabilité de la conjoncture macroéconomique, par exemple par la dépréciation du peso depuis 2018. Sa valeur négative la plus basse a atteint -51.1 % des recettes agricoles brutes en 2008, puis elle est remontée jusqu’à -10.3 % en 2017, avant de retomber à un plus faible niveau depuis le début de la récession de 2018, à savoir -23.4 % en 2018-20. Le soutien négatif des prix du marché est la principale composante de l’estimation du soutien aux producteurs (ESP). Par conséquent, 98 % des transferts découlant de l’action publique ont créé des distorsions importantes en 2018-20. Le ratio du prix à la production au prix à la frontière (CNP) n’a été que de 0.80 en 2018-20, ce qui signifie que les prix à la production ont été en moyenne de 20 % inférieurs aux prix du marché mondial. Le soutien négatif des prix du marché est, pour une part prépondérante, associé au soja, principal produit d’exportation, qui est soumis au plus fort taux de taxes à l’exportation et enregistre le soutien au titre d’un seul produit (TSP) le plus négatif, équivalent à 50 % des recettes agricoles brutes par produit. Certaines céréales et certains produits animaux présentent de même des TSP nettement négatifs, alors que le soutien des prix et les TSP sont positifs pour la viande porcine et pour les œufs.

Le soutien aux services d’intérêt général (ESSG) en pourcentage de la valeur ajoutée agricole est passé de 0.8 % en 2000-02 à 1.6 % en 2018-20. La plus grande partie de ce soutien a été consacré au financement des systèmes d’innovation agricole. Ces vingt dernières années, la production et les exportations agricoles ont enregistré une croissance dynamique en Argentine grâce à un secteur privé innovant, ainsi qu’aux services publics, notamment dans le domaine des connaissances, de la recherche, de la vulgarisation et des contrôles sanitaires.

La majeure partie du soutien budgétaire de l’Argentine au secteur est destinée à ces composantes de l’ESSG. Toutefois, le soutien budgétaire total (ESBT) aux agriculteurs et au secteur dans son ensemble n’a représenté que 0.1 % du PIB, bien en deçà de la valeur absolue du soutien négatif des prix du marché, ce qui rend l’estimation du soutien total à l’agriculture (EST) également négative : -1.1 % du PIB en 2000-02 et -2.3 % en 2018-20.

Depuis décembre 2019, la politique agricole de l’Argentine a évolué dans le sens d’un renforcement des taxes à l’exportation, donnant notamment lieu à la réintroduction de taxes qui avaient été précédemment réduites ou éliminées entre 2015 et 2018. En mars 2020, les taxes à l’exportation sur le soja et sur les produits à base de soja ont été portées de 30 % à 33 %, bien qu’elles aient été provisoirement ramenées à 30 % d’octobre à décembre 2020. En décembre 2020, le taux des taxes à l’exportation a été fixé à 0 % pour les produits autres que ceux de la pampa, tels que les olives, le miel, les fruits, le thé, l’herbe à maté et les œufs. Pour garantir la disponibilité des intrants fourragers nécessaires pour préserver l’offre alimentaire nationale, les exportations de maïs ont été interdites entre décembre 2020 et janvier 2021. À la suite de négociations avec le secteur privé, dans le cadre desquelles la chaîne de valeur du maïs a garanti un approvisionnement intérieur à des prix plus bas, le gouvernement a levé les mesures de restriction des exportations.

Le programme de compensation et de stimulation a été créé pour compenser par des remboursements des taxes à l’exportation les pertes de recettes subies par les petits producteurs de soja. Par ailleurs, l’Administration fédérale des recettes publiques (Administración Federal de Ingresos Públicos – AFIP) a autorisé les sociétés inscrites sur le registre des micro, petites et moyennes entreprises à différer de 60 jours le règlement des droits à l’exportation. Cette mesure a été prolongée jusque fin 2020.

Face à la pandémie de COVID-19, le ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche a accordé une prime aux bénéficiaires des cartes alimentaires, qui procurent une aide alimentaire aux personnes vulnérables. Le gouvernement a par ailleurs lancé le « Programme d’aide d’urgence aux exploitants familiaux et autochtones » (Programa de Asistencia Crítica y Directa para la Agricultura Familiar, Campesina e Indígena) pour apporter un soutien aux petits producteurs affectés par la pandémie de COVID-19.

Le gouvernement et les chambres de commerce ont collaboré à la définition de bonnes pratiques et de protocoles à l’intention des entreprises du secteur de l’alimentation afin d’éviter une désorganisation de la filière alimentaire et une perturbation des échanges internationaux. Les principaux ports d’exportation de l’Argentine situés le long du fleuve Paraná ont subi des perturbations en 2020. En mars, les navires ont été dans l’impossibilité de se mettre à quai à Rosario, principal port d’exportation de tourteaux et d’huile de soja, car les procédures de contrôle de l’absence de maladies contagieuses parmi les membres d’équipage avaient été suspendues en raison de la pandémie de COVID-19. Le trafic a repris après quelques jours, en vertu d’une décision gouvernementale exemptant les travailleurs liés à l’exportation des restrictions dont s’accompagne la pandémie.

  • Les taxes et autres restrictions à l’exportation sont source de distorsions et d’incertitude. Pour faire face aux turbulences macroéconomiques, une nouvelle taxe sur l’ensemble des exportations a été instaurée en septembre 2018 et, depuis décembre 2019, certains produits agricoles sont soumis à des restrictions à l’exportation, assorties d’une augmentation des taux des taxes applicables à certains produits et d’une interdiction temporaire des exportations de maïs. Les restrictions à l’exportation devraient être progressivement levées dans le cadre d’un plan à long terme visant à intégrer le secteur dans un système fiscal couvrant l’ensemble de l’économie et à renforcer la certitude quant à la politique mise en œuvre, à l’aide d’autres sources de recettes fiscales. Dans l’environnement actuel, il sera essentiel de réduire l’incertitude de l’action publique et de trouver un équilibre entre l’objectif à long terme de réduction des droits sur les exportations et les besoins à court terme de perception de recettes fiscales. L’action menée en Argentine est depuis longtemps imprévisible et défavorable au secteur agricole. La politique agricole pourrait mieux s’inscrire dans la législation générale, par exemple à travers l’élaboration d’un cadre sectoriel et une réforme du système fiscal à l’échelle de l’économie dans son ensemble, et évoluer vers plus de neutralité, de stabilité, de prévisibilité, et dans le sens d’un ciblage accru.

  • Les mesures de stimulation en faveur des petits producteurs de soja visent à compenser leurs pertes de recettes découlant des taxes à l’exportation en leur octroyant des paiements directs et en différant l’application de ces droits d’exportation. Une réduction et une suppression progressives des taxes à l’exportation dans le cadre d’une stratégie à long terme constitueraient une approche plus transparente, et une source de certitude pour le secteur.

  • Le programme « L’Argentine contre la faim » (Argentina contra el Hambre) offre un soutien financier mensuel à travers une carte électronique qui s’est révélée être un excellent moyen d’apporter une aide alimentaire complémentaire aux populations vulnérables dans le cadre de la pandémie de COVID-19. L’approche consistant à soutenir les consommateurs au moyen de mesures sociales de ce type est plus efficace que le recours à des mesures commerciales destinées à faire baisser les prix intérieurs des produits alimentaires de base, qui ne représentent qu’une faible part des dépenses alimentaires. Cependant, ces programmes d’aide alimentaire doivent cibler la population dans le besoin afin de lutter contre la pauvreté alimentaire, et ils nécessitent un bon suivi de leur mise en œuvre.

  • La crise du COVID-19 a mis en évidence combien il importe de préserver le fonctionnement des marchés, en conjuguant des lignes directrices et des protocoles pour la gestion des produits alimentaires avec un suivi et une action rapide pour maintenir opérationnels les ports et les infrastructures de marché et du commerce international qui présentent un caractère essentiel. Dans la perspective de l’après-COVID-19, la contribution de toutes les mesures prises par les pouvoirs publics (dont les taxes, les paiements, les réglementations des marchés et l’investissement dans les infrastructures) à la résilience et à la réactivité du système alimentaire mériterait d’être systématiquement évaluée.

  • Pour améliorer les performances environnementales, il faudra disposer de meilleurs systèmes de suivi et d’information, de manière à mieux concevoir les mesures mises en œuvre. Afin de pouvoir fournir les prestations de recherche et de vulgarisation et les biens publics nécessaires à l’innovation dans l’agriculture, l’Argentine doit mettre en place un suivi systématique des activités et des résultats dans les secteurs de la R-D et de l’innovation agricoles, mais aussi définir et mettre en œuvre des priorités stratégiques. La politique d’innovation devrait être axée sur la prestation de biens publics dans les domaines où le secteur privé a des difficultés à les fournir, tels que ceux liés à la durabilité et aux chaînes de valeur moins développées, ou pour les économies régionales hors de la région de la pampa.

  • Le fonds spécial du tabac (Fondo especial del tabaco – FET), qui dispose d’un budget similaire à celui de l’Institut national de technologie agricole (Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria – INTA), devrait être réformé. Les paiements au titre de la production versés aux producteurs de tabac devraient être progressivement éliminés, et les ressources utilisées pour financer le développement des régions pauvres productrices de tabac, en investissant dans le capital humain et physique. La réforme devrait inclure un suivi et une évaluation de l’ensemble des initiatives mises en œuvre par les provinces.

  • En décembre 2020, l’Argentine a soumis sa deuxième contribution prévue déterminée au niveau national (CPDN) dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, et elle s’est engagée à de nouvelles réductions de 25.7 % de ses émissions totales de gaz à effet de serre (GES) par rapport à la précédente CPDN, soumise en 2016. Cette nouvelle soumission est bienvenue, et elle prévoit des actions dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage, dans des domaines tels que les pratiques durables et résilientes, la prévention et le transfert des risques climatiques, ainsi que la recherche et le renforcement des capacités. Les plans de mise en œuvre de la CPDN, en cours d’élaboration, devraient être applicables, concrets et vérifiables.

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