Résumé

La Belgique est membre du Comité d’aide au développement (CAD) depuis 1960 et le dernier examen du pays par les pairs a eu lieu en 2015. Ce rapport passe en revue les progrès réalisés depuis lors, met en évidence les succès et les défis récents, et fait des recommandations pour l'avenir. La Belgique a partiellement mis en œuvre 53 % des recommandations formulées en 2015, et en a pleinement mis en œuvre 35 %. Cet examen – qui comprend les principales conclusions et recommandations du CAD et le rapport analytique du Secrétariat – a été préparé avec des examinateurs du Luxembourg et de la Suisse pour la réunion d'examen par les pairs du CAD de la Belgique à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 14 octobre 2020.

Efforts déployés à l’échelle mondiale. La Belgique se distingue par son engagement international en faveur de la cause des pays en situation de fragilité et de l’égalité des genres, principalement en matière de santé et droits sexuels et reproductifs. Fervent défenseur du multilatéralisme pour traiter des enjeux mondiaux, elle s’investit activement dans la réforme des Nations Unies. Cependant, bien qu’engagée en faveur de la cohérence des politiques pour le développement, la Belgique mobilise peu les instances de coordination et de suivi qui lui permettraient de mesurer l’impact de ses politiques domestiques sur les pays en développement. Si la recherche de cohérence passe avant tout par la mise en œuvre d’une approche globale, c’est-à-dire une cohérence interne à sa politique étrangère, la création de partenariats multi-acteurs a d’ores et déjà facilité la prise en compte des enjeux de développement dans des secteurs clés de l’économie belge, tels que la filière chocolat, les médicaments ou le commerce diamantaire. L’engagement de la Belgique en faveur de la citoyenneté mondiale est exemplaire. En revanche, sa stratégie de communication traite peu des risques associés à un engagement dans des États fragiles.

Vision et cadre stratégique. La Belgique a modernisé son cadre stratégique en renouvelant son partenariat avec le secteur privé et en traitant du numérique pour le développement – tout en se concentrant sur les contextes fragiles. Cette réorientation a conduit à une multiplication thématique sans clarifier l’ordre des priorités, la façon dont les différents thèmes se répondent pour traiter des causes et conséquences de la fragilité, ni comment les questions de genre, d’environnement et de migrations sont intégrées dans l’ensemble du portefeuille de coopération. La loi relative à la coopération internationale s’inscrit dans la philosophie générale du Programme à l’horizon 2030 : l’approche fondée sur les droits sert de cadre analytique pour identifier les populations laissées de côté et dont les droits et libertés sont bafoués mais ne précise pas les conséquences d’une telle approche sur la programmation. Enfin, le cadre stratégique met en avant le rôle des partenariats pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) et l’importance de respecter le droit d’initiative et le mandat de chaque acteur.

Financement du développement. La Belgique est le 10e membre du CAD le plus généreux en proportion du revenu national brut (RNB) versé au titre de l’aide publique au développement (APD). Après des années de forte réduction budgétaire, le budget de l’APD s’est relativement stabilisé autour de 0.42 % du RNB entre 2015 et 2019 sans prévisions de croissance. Les allocations bilatérales, majoritairement sous forme de subventions, sont globalement en accord avec les priorités énoncées dans la Loi de coopération au développement avec une concentration sur les pays les moins avancés (PMA) et les contextes fragiles, et un engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes, mais montre une certaine dispersion thématique. Les contributions aux budgets centraux concentrées sur 15 organisations multilatérales reflètent l’importance que la Belgique accorde au multilatéralisme. Enfin, la Belgique a lancé plusieurs initiatives pour mobiliser des ressources additionnelles au financement du développement. Ces initiatives, aux succès variables, incluent le renoncement à l’exonération d’impôt sur les dépenses d’APD, l’émission d’obligations d’impact humanitaire et la création d’un fonds d’investissement ouvert aux investissements privés. Alors que l’institution financière de développement BIO renforce ses mécanismes de mesure des résultats, des efforts accrus pour clarifier les résultats attendus de chaque investissement et leur contribution aux ODD, en complément de la logique d’intervention générale, renforceraient son efficacité.

Structures et systèmes. La coopération au développement belge a engagé des réformes pour rationaliser ses efforts, favoriser les synergies, être plus flexible et accroître son impact, notamment en renforçant l’autonomie de ses partenaires. La Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire (DGD) doit désormais occuper sa place de force de proposition stratégique et de coordinatrice. Le personnel de la DGD est affecté par le rythme et la nature des réformes, et demandeur d’un accompagnement renforcé et d’une communication plus active. Un état des lieux des besoins et compétences disponibles, au sein de la DGD comme auprès des partenaires, permettrait à la DGD d’établir un plan d’action pour réconcilier besoins et ressources et s’engager pleinement dans la planification et la prévision des effectifs. Enfin, un renforcement de l’approche pangouvernementale ainsi qu’une réflexion sur le niveau de décentralisation au sein de l’administration et sur la division des responsabilités entre les niveaux politique et administratif contribueraient à renforcer l’efficacité de l’aide belge.

Mise en œuvre et partenariats. La Belgique a mis en place des instruments prévisibles et flexibles pour financer ses partenaires. L’instauration de cadres stratégiques communs aux acteurs de coopération non gouvernementaux a permis de rationaliser et consolider une partie de l’effort bilatéral, et pourrait servir d’inspiration pour la rédaction de stratégies pays couvrant l’ensemble des canaux de financement. La Belgique a amélioré la transparence et la redevabilité de sa coopération au développement auprès du public belge et dans ses pays et territoires partenaires. Elle est un acteur impliqué dans la coordination des partenaires techniques et financiers et est reconnue par ses pairs pour le courage politique dont elle fait preuve dans ses échanges avec les gouvernements sur les questions de droits humains. Bien qu’elle soit impliquée dans des exercices de consultation, l’alignement sur les priorités de développement de ses pays partenaires, l’appropriation des pays et son utilisation des systèmes nationaux sont en baisse.

Résultats, évaluation et apprentissage. Alors que la Belgique refonde son approche de la gestion axée sur les résultats pour mettre en avant les contributions de la coopération belge aux ODD, elle devra s’assurer que les nouvelles modalités de suivi permettent également de renseigner la prise de décision stratégique, y compris au niveau des pays partenaires, et qu’elles ne créent pas de contraintes incompatibles avec une gestion adaptative dans les contextes fragiles. La Belgique s’est dotée d’un système d’évaluation qui repose sur les capacités des partenaires de mise en œuvre et permet au service de l’Évaluation spéciale de se concentrer sur des évaluations transversales et stratégiques et le suivi de la mise en œuvre des recommandations. Alors que la DGD et Enabel développent de nouveaux instruments pour gérer les connaissances, une plus grande clarté sur la stratégie d’apprentissage et le rôle de chaque acteur permettrait de mieux coordonner les efforts.

Fragilité, crise et aide humanitaire. L’approche belge de la fragilité et des urgences repose sur une longue expérience des contextes fragiles, un cadre institutionnel réformé pour accroître sa flexibilité et sa réactivité, une coordination pangouvernementale renforcée et une gestion des risques modernisée. Néanmoins, les moyens alloués à la consolidation de la paix, la prévention des conflits et la réforme onusienne de la paix et de la sécurité ne sont pas à la hauteur de l’ambition affichée par la Belgique. De même, les efforts de sensibilisation aux enjeux de programmation dans les contextes fragiles n’ont pas encore touché l’ensemble du personnel de la coopération belge. La Belgique est un acteur humanitaire très apprécié, tant pour son plaidoyer stratégique que pour ses efforts pour assurer un financement flexible, prévisible et en accord avec ses convictions. L’écart croissant entre le budget humanitaire et les effectifs pose un sérieux risque de réputation.

  1. 1. Le Service Public Fédéral (SPF) Affaires étrangères devrait étendre les mécanismes mis en place dans le cadre de l’approche globale, renforcer la coordination entre les taskforces et y associer plus systématiquement les partenaires clés. Il devrait s’inspirer de cette approche pour ancrer l’approche pangouvernementale dans son programme de développement.

  2. 2. La DGD devrait continuer d’adapter ses procédures pour assurer une programmation axée sur les enjeux de résilience et de développement plutôt que sur les modalités de mise en œuvre en :

    • Assurant que les lignes budgétaires, canaux de financement et systèmes de gestion offrent la flexibilité nécessaire pour une gestion et des partenariats adaptatifs.

    • Poursuivant la sensibilisation de l’ensemble de son personnel et de celui de ses partenaires, y compris dans des fonctions supports, aux implications des enjeux opérationnels spécifiques aux contextes fragiles.

  3. 3. La Belgique devrait préciser les niveaux de délégation de responsabilité pour définir la politique de coopération, élaborer des portefeuilles pays, et gérer la connaissance stratégique et technique afin de rationaliser la prise de décision et optimiser l’apprentissage.

  4. 4. La Belgique devrait élaborer des stratégies pays et régionales couvrant l’ensemble des canaux d’acheminement de l’aide pour ses régions, pays et territoires prioritaires et concentrer le dialogue avec les partenaires de mise en œuvre sur les priorités ainsi identifiées.

  5. 5. S’appuyant sur son expérience de dialogue robuste, la Belgique devrait s’assurer que les gouvernements des pays et territoires partenaires soient impliqués suffisamment en amont de la définition des portefeuilles pays pour renforcer l’appropriation et la redevabilité mutuelle et garantir des résultats durables.

  6. 6. BIO devrait renforcer ses efforts pour mesurer et communiquer les résultats ex ante et ex post de chaque investissement et rechercher des complémentarités avec les portefeuilles pays d’Enabel.

  7. 7. La DGD devrait, en consultation avec ses partenaires, clarifier dans une stratégie générale :

    • l’ordre des priorités et comment ces priorités et thèmes transversaux se répondent dans les contextes fragiles ;

    • les conséquences opérationnelles d’une approche fondée sur les droits pour réduire la pauvreté et ne laisser personne de côté.

    Une telle réflexion pourra servir de feuille de route pour l’élaboration de futurs stratégies thématiques et régionales et portefeuilles pays.

  8. 8. Dans l’esprit de son approche globale, la Belgique devrait mobiliser les taskforces créées dans le cadre de cette approche ainsi que d’autres mécanismes existants ou à créer afin d’identifier les politiques domestiques ayant un impact sur les pays en développement et relayer les enjeux aux services publics fédéraux et ministères concernés et leurs cabinets.

  9. 9. La Belgique devrait établir une feuille de route pour maintenir les volumes d’APD à court-terme avant de revenir à une trajectoire de croissance à moyen-terme.

  10. 10. Dans le cadre d'une planification stratégique de ses effectifs, la DGD devrait recenser les compétences disponibles dans l'ensemble du système, évaluer si elles correspondent à ses priorités stratégiques, accompagner le déploiement des récentes réformes et former le personnel en fonction des nouveaux besoins. Cela pourrait inclure des rotations de postes entre les départements et avec les autres acteurs de la coopération bilatérale directe.

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