Récapitulatif des recommandations

Recommandation 1 : l’OCDE suggère que, dans le cadre de son engagement affiché en faveur de l’égalité des sexes et de son programme d’action sur les résultats et l’exécution, le Canada aille plus loin dans la démarche constructive qu’il a récemment engagée avec la création du Cadre des résultats relatifs aux sexes, en s’appuyant sur ce dernier pour :

  • mettre au point une stratégie globale en faveur de l’égalité des sexes au niveau fédéral, avec des objectifs précis, ainsi qu’une répartition claire des fonctions et des ressources et une chaîne des responsabilités bien définie à l’échelle pangouvernementale, et avec un plan de mise en œuvre et une stratégie pour les données. L’« ancrage » de cette stratégie dans le programme d’action du gouvernement et de chaque ministère sur les résultats et l’exécution, ainsi que son alignement sur celui-ci (ex., lettres de mandat, Chartes des résultats et de l’exécution, cadres ministériels de résultats) pourraient accroître au maximum l’efficacité de sa mise en œuvre (voir Recommandation 9) ;

  • collaborer avec les administrations fédérale, provinciales et territoriales en vue de définir une approche et une stratégie pancanadiennes pour l’égalité des sexes et d’aider le Canada à assurer l’exécution des engagements qu’il a pris au niveau international au titre, par exemple, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) et des Objectifs de développement durable (ODD). Il serait possible d’accroître fortement l’impact de cette démarche en harmonisant entre eux les objectifs d’action établis au niveau fédéral et aux échelons provinciaux et territoriaux, tout en respectant l’autonomie et la marge de manœuvre dont disposent les administrations fédérale, provinciales et territoriales pour la conception de leurs propres politiques.

Cette démarche à deux axes permettra de clarifier les objectifs primordiaux des pouvoirs publics, ainsi que de la société civile, en matière d'égalité des sexes, et permettra au Canada d’appréhender les inégalités entre les sexes selon un point de vue global centré sur l’être humain. La définition des priorités de l’action à mener s’en trouvera améliorée, tout comme la transparence et l’exercice de la redevabilité. Il pourra aussi en résulter une intensification du dialogue entre les échelons fédéral, provinciaux et territoriaux d’administration, ce qui facilitera le renforcement de la cohérence des politiques et la mise en place d’une plateforme pour l’échange de bonnes pratiques.

Recommandation 2 : dans le cadre de la transformation de Condition féminine Canada en ministère à part entière, il pourrait être envisagé d’en étendre le mandat afin qu’il ne couvre plus uniquement les femmes, mais inclue également les problématiques plus vastes de l’égalité des sexes, de manière à cadrer avec le champ de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+). Avec un tel mandat et des ressources suffisantes, CFC pourrait devenir le pilier et l’institution de référence en matière d’égalité des sexes et d’intersectionnalité.

Recommandation 3 : le Canada pourra souhaiter engager une réflexion sur la marche à suivre pour optimiser le dispositif institutionnel fédéral de manière à permettre une réponse coordonnée et cohérente en matière d’égalité des sexes, de diversité et d’inclusion. L’action visant à répondre aux besoins des citoyens en la matière est, pour l’heure, menée par un certain nombre de ministères et d’organismes (y compris, par exemple, CFC ; le ministère du Patrimoine canadien ; le BCP ; et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada). Le Groupe de travail des sous-ministres sur la diversité et l’inclusion pourrait constituer un espace propice à cette réflexion.

Recommandation 4 : le Canada ayant pour ambition d’accélérer les progrès accomplis sur le terrain de l’égalité des sexes, il conviendrait d’attribuer, au niveau des comités du Cabinet, des pouvoirs et des responsabilités permettant de renforcer encore la prise en compte des questions liées à l’égalité des sexes et à l’intersectionnalité dans le cadre des décisions du Cabinet.

Recommandation 5 : dans le cadre des nouveaux investissements réalisés par le Canada pour renforcer les données liées à l’égalité des sexes et à la diversité, CFC et Statistique Canada – en partenariat avec les ministères sectoriels et les organismes centraux – pourraient étudier la possibilité d’élaborer une stratégie en matière de données, en vue des objectifs suivants :

  • favoriser l’intégration des indicateurs liés aux sexes au sein de l’approche en matière d’exécution et de résultats (voir Recommandation 9) ;

  • supprimer, au sein des ministères et organismes fédéraux, les barrières liées aux données qui font obstacle à la pleine mise en œuvre de l’ACS+ et de la budgétisation sexospécifique ;

  • accompagner la recherche de progrès au titre du Cadre des résultats relatifs aux sexes et la concrétisation de la stratégie proposée en matière d’égalité des sexes (voir Recommandation 1), et prévoir les données qui seront nécessaires pour suivre le chemin parcouru dans la réalisation des objectifs de cette stratégie.

Recommandation 6 : afin d’optimiser l’impact concret de l’ACS+ sur l’égalité des sexes, il faudrait envisager de définir des critères d’évaluation de la qualité de l’ACS+. On pourrait, par exemple, apprécier si l’ACS+ est « axée sur les résultats », c’est-à-dire si elle permet de montrer en quoi la mesure proposée contribuera aux objectifs formulés dans le Cadre des résultats relatifs aux sexes ; si elle intervient en temps voulu, c’est-à-dire si l’analyse est entreprise suffisamment tôt pour éclairer la mise au point de la mesure proposée ; et si elle a produit un impact, c’est-à-dire si elle a influé sur la conception de la mesure. On pourrait envisager d’attribuer aux organismes centraux et, éventuellement, à CFC un rôle renforcé d’évaluation des ACS+ à l’aune de ces critères pour les principaux projets soumis au Cabinet. La qualité de l’ACS+ pourrait également être améliorée si les responsables ministériels disposaient d’un meilleur accès aux ACS+ menées à travers l’ensemble de l’administration, qui constitueraient une source d’orientations et de bonnes pratiques.

Recommandation 7 : au vu des efforts déployés par le Canada pour améliorer encore la qualité et l’impact de l’ACS+, il conviendrait, en priorité, d’aider les ministères à intégrer l’ACS+ dès les premières étapes du cycle de l’action publique. À cette fin, il faudrait :

  • présenter systématiquement l’ACS+ et la budgétisation sexospécifique comme des éléments intrinsèquement liés et qui se renforcent mutuellement au service d’un objectif commun d’amélioration de la prise de décision et de l’égalité des sexes.

  • renforcer la collaboration entre les ministères fédéraux, CFC et Statistique Canada, pour veiller à ce que les ministères fédéraux disposent de suffisamment de données pour élaborer et suivre des politiques tenant compte de l’égalité des sexes (voir Recommandation 6).

  • mieux utiliser les données aux premières étapes des discussions relatives à l’action à mener, afin de permettre des ACS+ plus complètes et de favoriser la prise en compte des données probantes.

  • reconnaître les organisations de la société civile et les établissements universitaires comme des partenaires susceptibles de fournir des indications précieuses sur les incidences des politiques publiques. Il serait possible d’accroître la qualité des ACS+ et leur impact si les ministères fédéraux fondaient l’élaboration de leurs politiques en matière d’égalité des sexes sur une analyse des besoins menée en concertation avec la société civile, afin de mieux repérer les lacunes et les défis en présence.

Recommandation 8 : il faudrait que les ministères tirent parti de l’élan actuel en matière d’égalité des sexes pour intégrer de façon plus systématique une optique « sexes + » à toutes les étapes du processus de l’action publique, c’est-à-dire de la conception à la mise en œuvre (y compris la rédaction des textes législatifs), au suivi et à l’évaluation. Le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) est d’ores et déjà en train de rédiger des orientations à l’intention des ministères à cet égard ; il serait bien placé pour aider les ministères à mettre en œuvre ces orientations, en partenariat avec le BCP et CFC. À cette fin, il faudrait que les réformes en cours prennent en compte la question de l’égalité des sexes au stade de la planification par les ministères, lors de la collecte et de l’analyse de données sectorielles et pour l’association des parties prenantes. Une mise en œuvre effective est au cœur de l’évolution culturelle nécessaire à une réelle prise en compte des considérations liées à l’égalité des sexes dans l’élaboration des politiques, pour éviter de s’en tenir à un exercice de pure forme.

Recommandation 9 : la présentation, à l’occasion du budget 2018, du Cadre des résultats relatifs aux sexes constitue un jalon important et un point de départ utile pour continuer d’intégrer les dimensions liées aux sexes au cadre de performances et de résultats. Les prochaines étapes devraient être axées sur le renforcement des liens du Cadre à la fois en amont, avec des objectifs spécifiques énoncés dans une stratégie pour l’égalité des sexes au Canada, et en aval, avec les cadres de résultats et d’exécution ministériels.

Recommandation 10 : il serait possible de poursuivre les progrès récemment réalisés en matière de transparence de l’administration en rendant publics les rapports d’ACS+ selon des modalités permettant de respecter la confidentialité des travaux du Cabinet et d’éviter de perturber les délibérations internes qui précèdent l’action publique. Dans le cadre du budget 2018, les autorités se sont engagées à publier l’ACS+ de toutes les mesures inscrites au budget 2019 et aux budgets ultérieurs, ce qui constitue un pas important dans la bonne direction. Les analyses devraient être présentées de façon claire et facilement compréhensible par toutes les parties prenantes, y compris CFC, les ministères fédéraux, le parlement et la société civile. Pour assurer une plus grande facilité d’accès, les autorités devraient étudier la possibilité de créer un registre en ligne des analyses comparatives entre les sexes.

Recommandation 11 : le Canada peut poursuivre sur la lancée des bons exemples existants de consultation des citoyens en dialoguant de façon plus systématique avec les organisations de la société civile concernées, y compris les associations de défense de l’égalité entre les sexes, afin de les consulter sur la gouvernance de l’égalité des sexes et ses évolutions1. La prise en compte des points de vue de la société civile peut permettre de renforcer la qualité et le caractère réceptif d’un processus d’élaboration des politiques tenant compte de l’égalité des sexes et inclusif. Les moyens suivants permettraient de renforcer le dialogue :

  • offrir aux parties prenantes des possibilités d’être informées et consultées à toutes les phases pertinentes du cycle de l’action publique. En associant les parties prenantes dès le départ, on leur permet véritablement de favoriser des politiques tenant compte de l’égalité des sexes.

  • s’employer tout particulièrement à établir un dialogue avec les groupes les plus concernés, les plus vulnérables, les moins représentés ou les plus marginalisés de la société, tout en évitant les risques d’influence indue ou de captation de l’action publique ;

  • assurer une communication claire à destination des parties prenantes quant à l’objet, au périmètre et au déroulement du processus de consultation ;

  • assurer un retour d’information aux parties prenantes sur le degré de prise en compte des conclusions du processus de consultation.

  • Condition Féminine Canada pourrait aussi souhaiter créer un groupe consultatif composé d’experts issus de la société civile qui l’aiderait à ancrer ses actions dans les réalités locales et à montrer à la société que les avis et les intérêts des divers groupes de personnes sont respectés.

Recommandation 12 : le Parlement du Canada devrait étudier la possibilité de renforcer le mandat du Comité permanent de la condition féminine (FEWO) en y incluant le contrôle de l’impact sur les sexes de toutes les propositions législatives (au-delà des seules propositions directement et explicitement liées à la question féminine). Une stratégie dans le cadre de laquelle le FEWO ciblerait les lois les plus importantes et pertinentes permettrait de garantir que ces lois répondent aux exigences requises en termes de prise en compte de l’égalité des sexes. Ce processus aurait à gagner à un niveau élevé de collaboration et de coordination entre le FEWO et les comités chargés d’examiner les projets de lois, étant précisé qu’il faudrait que l’évaluation du FEWO soit fournie en temps utile (voir aussi Recommandation 13).

Recommandation 13 : il conviendrait de poursuivre sur la lancée des interventions couronnées de succès du Parlement du Canada en matière de CSA+ en encourageant davantage les comités parlementaires à intégrer les considérations liées à l’égalité des sexes dans leurs travaux (en étudiant, par exemple, l’évaluation ACS+ associée aux propositions législatives qu’ils examinent). Pour assurer au mieux ce rôle, les comités auraient tout intérêt à engager de façon volontariste un dialogue avec les organisations de la société civile concernées, à rechercher un équilibre entre les sexes au niveau des listes de témoins et à rechercher le dialogue avec les groupes sous-représentés.

Recommandation 14 : dans la foulée des audits menés avec succès en 2009 et 2015, on pourrait envisager que le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) tienne compte de l’égalité des sexes dans ses audits de performance, dans la mesure de ce qui s’avérera pertinent et pratique. Cela aiderait le BVG à tenir ses engagements en matière de suivi et d’appui à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD), et notamment l’ODD 5, relatif à l’égalité des sexes.

Recommandation 15 : le ministère des Finances pourrait poursuivre sur la lancée des progrès qu’il a accomplis en 2017 et 2018 sur le plan de la budgétisation sexospécifique en continuant de fournir au sein du budget des indications exhaustives en matière d’égalité des sexes, ce qui constituerait un outil robuste de responsabilisation des administrations en la matière. Son action pourrait être renforcée par les moyens suivants :

  • donner suite à l’engagement pris de communiquer des informations sur les effets prévus de l’ensemble des grandes mesures budgétaires, y compris les réductions de crédits, sur l’égalité des sexes.

  • accroître la prise de conscience, autant que faire se peut, de l’intersectionnalité et des effets potentiels des principales mesures budgétaires sur différents groupes sociaux, constitués par exemple des femmes autochtones, des femmes handicapées et des diverses communautés partageant une même identité sexuelle.

  • présenter une analyse montrant, de façon individuelle et cumulative, les effets prévisionnels des mesures en matière de prélèvements et de transferts sur différents groupes de femmes et d’hommes, et montrant comment le budget influe sur les incitations à prendre un emploi formel pour les deuxièmes apporteurs de revenu et sur la capacité de différents groupes de femmes et d’hommes à accéder aux services publics.

  • développer les moyens de « marquage » des éléments budgétaires de façon à mettre en évidence et à suivre les montants totaux dépensés par l’intermédiaire du budget pour atteindre les objectifs d’égalité des sexes.

Recommandation 16 : le ministère des Finances peut collaborer avec les parties prenantes publiques afin de mobiliser, de coordonner et d’enrichir la vaste panoplie d’instruments de budgétisation sexospécifique mis en œuvre à toutes les étapes du cycle budgétaire au Canada. Une démarche exhaustive de budgétisation sexospécifique devrait englober un programme continu d’analyses budgétaires de référence sous l’angle de l’égalité des sexes et une prise en compte accrue de l’égalité des sexes au sein des instruments de budgétisation a posteriori tels que les évaluations et les examens de dépenses.

Recommandation 17 : pour favoriser un examen parlementaire approfondi de la budgétisation sexospécifique – qui ouvrira la voie à une mobilisation de fond à l’égard des priorités de l’action publique et des progrès en la matière –, il conviendrait de mettre en place au sein du parlement une instance spécifique chargée de l’examen approfondi du contenu du budget relatif à l’égalité des sexes. La participation du FEWO à l’examen approfondi des incidences du budget 2018 sur les femmes et les filles marque une avancée. À plus long terme, un modèle de responsabilisation plus solide pourrait amener le FINA et le FEWO à tenir une séance commune consacrée à l’examen du contenu du budget relatif à l’égalité des sexes. Ce ou ces comité(s) ferai(en)t probablement participer les ministres des Finances et de la Condition féminine, ainsi que les associations de défense de l’égalité des sexes, à l’exercice de ce contrôle.

Recommandation 18 : caractérisés par leur indépendance, le mandat du DPB et les compétences des experts de son Bureau seraient bien adaptés à l’évaluation indépendante du contenu du budget relatif à l’égalité des sexes. Si le Bureau du DPB doit s’engager dans cette voie, il pourrait être utile de commencer par produire une analyse indépendante des effets redistributifs pour voir dans quelle mesure les dispositions en matière de prélèvements et de transferts prévues dans le projet de budget favorisent concrètement l’égalité des sexes. Une telle contribution serait susceptible de favoriser la transparence budgétaire et de promouvoir un élargissement de l’examen parlementaire approfondi du budget.

Recommandation 19 : le ministère des Finances devrait poursuivre sa collaboration avec les parties prenantes publiques afin de mettre en place, en matière de budgétisation sexospécifique, une approche efficace, viable et résiliente face aux changements de cap politiques et économiques, grâce aux moyens suivants :

  • établir des fondements juridiques pour la budgétisation sexospécifique ;

  • s’ériger en défenseur de la budgétisation sexospécifique;

  • constituer un ensemble de données ventilées par sexe ;

  • Veiller à ouvrir la budgétisation sexospécifique à une dimension critique ; et

  • évaluer les effets de la budgétisation sexospécifique.

Recommandation 20 : le ministère des Finances et Condition féminine Canada pourraient favoriser une démarche coordonnée en matière de budgétisation sexospécifique à l’échelle des différents niveaux d’administration en constituant un groupe de travail pan-canadien sur cette budgétisation. L’objectif serait la mise en commun des pratiques optimales et l’échange d’enseignements sur les meilleurs moyens de coordonner et d’échelonner les objectifs d’action publique au sein de la sphère des décideurs canadiens.

Note

← 1. Voir la Recommandation de 2017 du Conseil de l’OCDE sur le gouvernement ouvert.

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