Éditorial

La fragilité constitue une menace majeure, à l’échelle mondiale, pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. En 2016, le nombre de pays ayant connu une forme ou une autre de conflit violent était plus élevé qu’à n’importe quel moment au cours des 30 dernières années. Près de 26 000 personnes ont perdu la vie en conséquence d’attaques terroristes, et la violence a causé la mort de 560 000 personnes. Le nombre de personnes déplacées dans le monde n’a jamais été aussi élevé depuis la Seconde guerre mondiale. L’an dernier, le monde a connu simultanément quatre famines.

Cet inventaire de la souffrance humaine trouve en son cœur la fragilité. Et chacun de ces chiffres effarants le démontre avec force : il est absolument crucial que la communauté internationale s’efforce encore plus activement de mieux comprendre, anticiper et prendre en compte les déterminants aussi bien que les conséquences de la fragilité.

Ce rapport montre que faute d’action, plus de 80 % des habitants les plus pauvres de la planète vivront en 2030 dans des contextes fragiles. Cela signifie que les acteurs du développement dans de nombreux secteurs devront mieux appréhender les défis spécifiques au développement dans les contextes fragiles, dont il faudra venir à bout afin que les ambitions des Objectifs de développement durable puissent se concrétiser. De surcroît, à peine 2 % du total de l’aide publique au développement (APD) brute a servi la prévention des conflits et des activités associées en 2016. Nous savons qu’un conflit peut réduire à néant des décennies de progrès en matière de développement et, simultanément, renforcer les dynamiques mêmes qui ont initialement conduit au conflit.

Nous savons également que la coopération pour le développement exerce un impact positif, non seulement en renforçant la résilience face à la fragilité, mais aussi en améliorant la vie des filles, des garçons, des femmes et des hommes qui se trouvent dans des environnements fragiles. Afin de modifier le cours des choses, il nous faut faire mieux. L’APD est un outil puissant face à la fragilité, et c’est l’un des rares apports financiers sur lesquels les contextes fragiles peuvent compter.

Les choix d’allocation des fonds par les acteurs du développement peuvent faire une différence. L’APD est encore trop concentrée sur une poignée de territoires, et ne correspond pas toujours aux besoins spécifiques et multidimensionnels des contextes fragiles. Par ailleurs, il existe une marge d’amélioration pour ce qui concerne la coordination des différents apports financiers dans les contextes fragiles, et la combinaison de l’aide humanitaire avec le financement du développement à long terme et les capitaux privés, afin d’en maximiser la valeur et l’impact.

Le présent rapport explore ces aspects et d’autres questions relatives à la fragilité dans le monde actuel et aux financements dont peuvent aujourd’hui disposer les contextes fragiles, ainsi que les conclusions que l’on peut tirer de ces constats dans l’optique de remédier plus efficacement à la fragilité dans toute sa complexité. Dans le sillage du rapport décisif États de fragilité 2016, l’édition 2018 continue de faire évoluer le concept novateur de la fragilité multidimensionnelle, qu’illustre le Cadre de l’OCDE sur la fragilité, rendant compte des risques et des capacités d’adaptation dans cinq dimensions.

Les personnes qui vivent dans des contextes fragiles sont d’ores et déjà menacées d’être laissées pour compte, alors même que nous nous sommes tous engagés à ne laisser personne de côté. Si les pays membres du Comité d’aide au développement veulent tenir leur promesse, la fragilité doit rester un axe de focalisation des politiques de développement et des interventions sur le terrain jusqu’en 2030 et au-delà. L’OCDE fournira des données et des analyses utiles pour l’action publique, afin d’aider l’ensemble de la communauté du développement dans ses efforts pour pérenniser la paix et favoriser le développement durable.

 

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Charlotte Petri Gornitzka, OCDE,

Présidente, Comité d’aide au développement (CAD)

 

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Jorge Moreira da Silva, OCDE,

Directeur, Direction de la coopération pour le développement (DCD)

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