Chapitre 3. Favoriser l’accès au financement

L’accès au financement est un domaine dans lequel des progrès significatifs ont été réalisés dans la région MED au cours des dernières années. C’est notamment le cas du cadre juridique et réglementaire de l’accès au financement. Un certain nombre de bureaux de crédit et de registres d’actifs mobiliers sont ainsi entrés en fonction et des lois sur les transactions garanties ont été adoptées ou sont en passe de l’être.

Des progrès ont également été réalisés en termes d’expansion des sources de financement pour les PME et les entrepreneurs bien que, dans ce cas, il soit moins évident de voir en quoi cela a entraîné un financement accru et si les acteurs privés joueront un rôle plus important à l’avenir, en particulier les systèmes privés de garantie de crédit, les investissements providentiels et les dispositifs de capital-investissement.

Cette évaluation intermédiaire propose aux économies MED les actions suivantes :

1. Continuer de combler les asymétries d’information grâce à la création et à l’expansion de registres de crédit et, plus particulièrement, de bureaux de crédit. Les bureaux de crédit sont particulièrement utiles puisqu’ils sont gérés par des acteurs privés et qu’ils s’appuient sur des sources d’information plus diversifiées que les registres de crédit (services publics, crédit à la consommation, institutions de microfinance, etc.).

2. Accroître les efforts faits dans le domaine de la création de registres de biens mobiliers. Ceci est important pour les entrepreneurs et les PME qui n’ont pas de biens immobiliers à donner en garantie, et ces registres sont particulièrement pertinents pour les entreprises potentiellement innovantes qui peuvent s’appuyer sur des actifs incorporels, tels que des marques, des brevets et de la propriété intellectuelle.

3. Continuer à accroître la diversité et la portée des différentes sources de financement (crédit, capitaux et instruments hybrides) et inclure des stratégies pour le développement de marchés compétitifs dans ce domaine afin que l’État puisse en dernière analyse se désengager au profit des acteurs privés.

4. Améliorer le suivi et l’évaluation de l’impact des réformes sur l’accès au financement. L’adhésion au Tableau de bord de l’OCDE sur le financement des PME et des entrepreneurs, qui contribue à combler le déficit de connaissances sur les tendances et les conditions de financement des PME, constituerait un pas important dans cette direction.

    

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

L’accès au financement est l’un des piliers essentiels de la politique de soutien aux PME et à l’entreprenariat. En facilitant le financement extérieur, les gouvernements peuvent aider les entreprises à répondre à leurs besoins en capitaux, gérer leurs cycles de trésorerie, accroître la capacité de leur entreprise et répondre à de nombreuses autres nécessités.

Comme dans d’autres régions du monde, les PME des économies MED rencontrent des obstacles plus importants que les grandes entreprises pour trouver des sources de financement externe. Certains de ces obstacles sont liés à des problèmes structurels concernant les capacités gestionnaires des PME, tels que l’imprécision de la planification des activités commerciales, l’inadéquation des pratiques comptables, le faible niveau de l’éducation financière et une intégration limitée dans l’économie formelle. D’autres obstacles proviennent des asymétries d’information entre les fournisseurs de crédit et les PME, des risques moraux et des coûts de transaction élevés. La déficience des cadres réglementaires et juridiques, le sous-développement des systèmes financiers et bancaires et les chocs financiers limitent aussi l’offre de crédit.

Dans les économies MED, les prêts bancaires, principale source de financement formel, sont limités par la qualité relativement médiocre de l’environnement juridique et réglementaire, le manque de profondeur des marchés financiers et le manque de concurrence entre les institutions bancaires et financières. De plus, les autres sources de financement, telles que le crédit-bail, l’affacturage, le financement mezzanine ou l’apport de capitaux propres, restent sous-développées.

Faciliter l’accès au financement pour les PME nécessite une approche globale et multidimensionnelle, combinant les efforts des autorités publiques, des institutions financières locales et internationales, des banques et des entreprises privées. Ne pas s’attaquer aux problèmes sous-jacents derrière l’inefficacité du marché financier a un impact sur les capacités de croissance du tissu des PME et ralentit la création de nouvelles entreprises, ainsi que la survie et l’expansion des entreprises existantes.

Le tableau 3.1 résume les informations contenues dans ce chapitre, lesquelles, dans l’ensemble, révèlent des évolutions très positives en ce qui concerne l’accès au financement dans l’ensemble des économies MED.

Tableau 3.1. Vue d’ensemble des mesures prises pour faciliter l’accès au financement

 

Systèmes d’information sur le crédit (registres de crédit et bureau de crédit)

Registres de biens mobiliers

Autres mesures pour améliorer l’accès au crédit

Réformes pour faciliter l’accès aux capitaux boursiers et autres sources de financement

Algérie

Expansion relative du registre de crédit et pas encore de bureau de crédit

Pas de registre de biens mobiliers

Non

Un Fonds d’investissement des Wilayas (gouvernorat) est toujours opérationnel

Égypte

Registre de crédit et fonction de bureau de crédit.

Nouvelle initiative pour la création d’un registre des biens mobiliers, s’appuyant sur la Loi de 2015 sur les sûretés mobilières

Injection de fonds par la Banque centrale

Efforts menés pour établir des capitaux de risque pour les sociétés nouvellement créées et pour les PME en difficultés mais viables.

Israël

Registre de crédit et deux bureaux de crédit

Registre de biens mobiliers opérationnel

Création d’un comité pour renforcer la concurrence dans le secteur bancaire

Plusieurs réformes visant à faciliter les introductions en bourse, les prêts P2P et la création de deux nouveaux fonds d’actions pour les entreprises de taille moyenne

Jordanie

Registre de crédit et nouveau bureau de crédit

Registre récemment créé mais pas encore pleinement fonctionnel

Expansion des garanties des crédits par le JLGC

Quelques réformes en cours mais en attendant l’approbation de la Loi sur les sociétés

Liban

Registre de crédit mais pas de bureau de crédit

Pas de registre des biens mobiliers

Injection de fonds par la Banque centrale

Plusieurs nouvelles initiatives mettant l’accent sur les start-ups et les entreprises innovantes

Maroc

Expansion des services du bureau de crédit et ouverture d’un nouveau bureau de crédit

Projet de réforme de la loi sur les biens mobiliers

Plusieurs mesures prises par les banques et le gouvernement

Pas d’élément

AP

Registre de crédit pleinement opérationnel mais pas de bureau de crédit

Registre des biens mobiliers opérationnel

Introduction d’une Loi sur les transactions sécurisées

Nouveaux fonds de capital-risque, bien qu’il n’y ait pas de cadre juridique formel

Tunisie

Nouveau registre de crédit pour la microfinance. Création prévue d’un bureau de crédit

Réforme en cours du registre des biens mobiliers

Instruction administrative pour élaborer un dispositif de notation des crédits

Code sur les placements collectifs en attente d’approbation

La plupart des économies MED ont mené des initiatives importantes au cours de ces dernières années pour améliorer le cadre juridique et réglementaire de l’accès au financement.

Le cadre juridique et réglementaire de l’accès au financement joue un rôle crucial en encourageant les prêteurs et les investisseurs à fournir le capital dont les PME et les entrepreneurs ont besoin pour démarrer, poursuivre et développer leurs activités. Cela implique 1) le développement de systèmes adéquats pour faciliter la circulation de l’information entre les prêteurs et les emprunteurs et pour permettre la mise en gage de garanties autres que des actifs immobiliers tels que les bâtiments et les terrains ; et 2) l’existence et l’application de lois qui établissent entre autres les droits et les obligations des prêteurs et des emprunteurs, ainsi que ceux des investisseurs et des sociétés émettrices.

Les de systèmes d’information sur le crédit aident à lutter contre les asymétries d’information qui sont particulièrement marquées et pertinentes pour les PME et les entrepreneurs. Ces systèmes d’information sur le crédit peuvent être divisés en deux grandes catégories :

  • Les registres des crédits qui sont détenus par les banques centrales et dont la fonction principale est de surveiller la santé du système financier, mais qui peuvent également être utiles pour fournir des informations sur les prêts et les emprunteurs individuels, y compris les ménages, les particuliers et les entreprises.

  • Les bureaux de crédit, qui sont gérés par des entreprises privées et qui peuvent fournir des informations détaillées sur les prêts et les emprunteurs (également les ménages, les particuliers et les entreprises). Les bureaux de crédit peuvent obtenir leurs informations auprès de diverses sources, y compris les banques, les institutions de micro-crédit, les sociétés de crédit à la consommation, les services publics et les fournisseurs de services publics (électricité, gaz), parmi beaucoup d’autres. Les bureaux de crédit peuvent également offrir des services supplémentaires en fonction des informations qu’ils possèdent, telles que des cotes ou des notations de crédit.

L’utilisation d’actifs mobiliers comme garantie peut être particulièrement importante pour les personnes et les entreprises sans biens immobiliers, tels que les jeunes, les femmes, ou les entreprises innovantes et les PME basées sur des activités intangibles. Les biens mobiliers peuvent être des brevets, des marques de commerce, des marchandises, des comptes débiteurs, etc. Les registres d’actifs mobiliers permettent aux entreprises et aux entrepreneurs d’élargir la diversité des garanties pouvant être données pour des prêts. Il est également nécessaire de disposer d’une législation adéquate en matière de transactions sécurisées qui permette l’utilisation de ce type d’actifs comme garantie tout en offrant suffisamment de garanties et de clarté.

Enfin, il est également nécessaire d’avoir un cadre réglementaire pour les investisseurs providentiels et le capital-risque, le financement participatif, le leasing et autres afin que ces marchés puissent se développer.

Progrès réalisés depuis 2014

La présente évaluation intermédiaire a constaté des évolutions très positives dans ce domaine, notamment en termes de création ou d’expansion de bureaux de crédit et de registres de biens mobiliers. Cependant, à l’exception de l’AP et d’Israël, les éonomies MED n’obtiennent toujours pas de bons résultats sur les indicateurs Obtention de prêts de Doing Business (voir tableau 3.2).

Tableau 3.2. Indicateurs Doing Business sur l’Obtention de prêts

Economie

Obtention de prêts DTF1

Indice sur la force des droits juridiques

(0-12)

Indice sur l’étendue de l’information sur le crédit (0-8)

Obtention de prêts classement

Couverture du registre de crédit (% adultes)

Couverture du bureau de crédit (% adultes)

Algérie

10

2

0

177

2,9

0

Égypte

50

2

8

90

7,8

25,3

Israël

65

6

7

55

0

71,4

Jordanie

25

0

5

159

2,2

15,3

Liban

40

2

6

122

22,9

0

Maroc

45

2

7

105

0

25

Tunisie

45

3

6

105

26,9

0

AP

80

8

8

20

19

0

OCDE

63,03

6

6,

6

62

18,3

63,7

1. DTF : la distance d’une économie à la frontière est reflétée sur une échelle de 0 à 100, où 0 représente la performance la plus basse et 100 représente la frontière. La distance jusqu’au score frontière aide à évaluer le niveau absolu de performance réglementaire au fil du temps. Elle mesure la distance de chaque économie à la « frontière », laquelle représente la meilleure performance observée pour chacun des indicateurs dans toutes les économies de l’échantillon Doing Business depuis 2005.

Source : Banque mondiale (2018), Doing Business.

L’AP a considérablement amélioré son cadre réglementaire pour l’accès au crédit en entreprenant des réformes majeures telles que l’approbation d’une nouvelle loi sur les opérations garanties, la création d’un registre de garanties en ligne et l’amélioration de son registre de crédit. La Jordanie a également apporté des améliorations grâce à la création de son premier bureau de crédit : 

  • L’AP continue d’être beaucoup plus performante que la moyenne régionale dans ce domaine. L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait constaté que l’Autorité monétaire palestinienne (PMA) avait établi l’un des registres de crédit les plus efficaces de la région, impliquant toutes les banques et autres institutions financières, telles que les institutions de microfinance. Bien qu’aucun bureau de crédit n’ait été créé au cours des dernières années, la couverture et les services du registre de crédit se sont étendus. Selon Doing Business, le registre de crédit a commencé à distribuer des données de crédit obtenues auprès de détaillants et d’entreprises de services publics (électricité, gaz) et à fournir des rapports plus complets grâce à cette quantité d’informations accrue.

Des progrès importants ont également été réalisés grâce à l’introduction en juin 2017 d’un registre de garanties en ligne pour les biens mobiliers, qui est hébergé par le ministère de l’Économie. Selon Doing Business, le registre des garanties est opérationnel, unifié géographiquement, interrogeable grâce à l’identifiant unique du débiteur, moderne et fondé sur la notification. En outre, une Loi sur les transactions sécurisées a été publiée fin 2016. Selon Doing Business, la nouvelle loi met en œuvre un système de transactions sécurisées fonctionnel en permettant une description générale des différentes catégories d’actifs et une description générale des dettes et des obligations. La nouvelle loi accorde la priorité aux créanciers garantis en dehors des procédures d’insolvabilité et permet les réalisations extrajudiciaires, ce qui permet indirectement de pallier certaines défaillances du système de la faillite.

  • En Jordanie, l’une des principales avancées a été la création du premier bureau de crédit en décembre 2015. Le nouveau bureau de crédit vise à centraliser et à regrouper les informations sur les particuliers et les entreprises fournies par les institutions financières, les institutions de microfinance, les compagnies d’assurance et, le cas échéant, les agences publiques, comme la JEDCO. La Jordanie a également créé un registre collatéral des biens mobiliers. Après mis l’accent sur l’accent sur les contrats de location au cours de sa première phase, ce registre est maintenant en voie de devenir un registre de garantie à part entière.

En ce qui concerne les lois et réglementations pour le capital-risque et le capital-investissement, un projet de loi a été élaboré mais mis de côté par le gouvernement. Pour le remplacer, une nouvelle loi sur les sociétés, qui contient des dispositions sur le capital-risque, a été approuvée par le gouvernement mais doit encore être promulguée par le parlement.

En Égypte, au Maroc et en Tunisie, des réformes sont en cours sur les plans institutionnel et réglementaire :

  • L’Égypte avait déjà en 2014 une bonne performance dans ce domaine avec l’existence d’un registre de crédit et d’un bureau de crédit. Le bureau de crédit, I-Score, publie des rapports sur les crédits sur la base des données fournies par les banques et par le registre de crédit de la Banque centrale. I-Score a augmenté la couverture de la population adulte depuis la dernière évaluation de 19,6 % à 25,3 % et a introduit un système de notation de crédit. En outre, en septembre 2017, l’autorité de surveillance financière (EFSA) a attribué à i-Score le contrat pour la création d’un registre des biens mobiliers.

  • Le Maroc a pris plusieurs mesures pour améliorer l’accès à l’information et la transparence du crédit. En 2016, le bureau de crédit a étendu la gamme de ses services pour inclure l’octroi de notes de crédit et le suivi des portefeuilles et des systèmes d’alerte. L’ouverture du marché des bureaux de crédit privés en 2016 a ouvert la voie à l’ouverture d’un deuxième bureau. Il est également prévu d’élargir les sources d’information qui peuvent être intégrées dans les bureaux de crédit pour inclure les services publics et autres fournisseurs de services.

En ce qui concerne le système d’enregistrement des biens mobiliers, domaine dans lequel Maroc est en retard par rapport au reste de la région, il existe un projet de réforme de la loi sur les biens mobiliers. La proposition est le fruit d’un certain nombre de consultations menées depuis 2015 et est présentée en priorité par le CNEA, avec la réforme du Livre V du Code de Commerce (sur la faillite). Plus précisément, la proposition vise à élargir la gamme de biens qui peuvent être mis en gage lors de l’accès au crédit.

  • En Tunisie, le registre de crédit a amélioré ses services en mettant les données rétrospectives à disposition des particuliers, alors que son usage était auparavant limité aux entreprises. En outre, un registre de crédit pour la microfinance (CRM) a également été créé en 2016 pour faciliter les évaluations de crédit. Et une nouvelle loi sur les bureaux de crédit (privés) a été élaborée par le gouvernement et présentée à l’Assemblée nationale. La loi vise à établir un cadre légal pour autoriser le partage d’informations négatives et positives sur le crédit ; établir les droits et les obligations de toutes les parties concernées (bureau de crédit, utilisateurs, consommateurs, etc.) ; et protéger le droit des utilisateurs et des entreprises à la confidentialité de leurs informations. L’approbation de la loi devrait ouvrir la voie à la création du premier bureau de crédit (privé) en Tunisie.

De plus, une réforme du registre des biens mobiliers est en cours afin d’élargir la gamme d’actifs pouvant être donnés en garantie, de permettre les sûretés sans dépossession sur les biens et les droits mobiliers, et d’établir un registre général des biens mobiliers. Enfin, un projet de code régissant les organismes de placement collectif a été élaboré pour améliorer le cadre réglementaire du capital-risque et promouvoir ces sources de financement. Ce projet de code est actuellement examiné par le Parlement.

Moins de progrès ont été réalisés dans les autres économies MED, même si les situations varient, depuis l’Algérie, qui n’a pas les institutions d’information de crédit de base et qui n’a pas de cadre réglementaire pour les transactions sécurisées, jusqu’à Israël, qui avait déjà un système bien développé :

  • L’Algérie a réalisé des progrès limités par rapport au reste de la région. La principale avancée a été la modernisation, en septembre 2015, de son registre de crédit (Centrale de risques) pour y inclure des informations sur les ménages et le crédit à la consommation. L’Algérie continue d’afficher la plus faible performance sur les indicateurs Obtention de prêts de Doing Business.

  • Israël continue, de son côté, d’avoir un registre de crédit opérationnel, deux bureaux de crédit et un registre des biens mobiliers. Les autorités travaillent à renforcer la concurrence bancaire, considérée comme l’un des principaux obstacles à l’accès au financement pour les entreprises et les ménages. D’autres réformes visent également à favoriser l’accès des PME à des sources alternatives de financement. Par exemple, en octobre 2016, la Bourse de Tel-Aviv a assoupli ses exigences d’admission à la cote afin de faciliter l’offre publique initiale d’entreprises à forte intensité R&D et, partant, leur accès au capital à leurs débuts. Israël encourage également l’accès au financement par crowdfunding et peer-to-peer (P2P) en autorisant ces transactions lorsqu’elles s’élèvent à 1 million d’ILS (environ 233 000 EUR) ou moins. Les prêts au-dessus de ce seuil sont supervisés par l’Autorité israélienne des valeurs mobilières.

  • Le Liban est en passe de décentraliser et d’accélérer la fourniture d’informations de son registre de crédit en permettant aux personnes physiques et morales de demander un rapport d’information de crédit à partir de n’importe quelle succursale de la Banque centrale et plus seulement depuis son siège social. Un projet en cours vise à élaborer une loi sur les opérations sécurisées, qui serait ensuite suivie par la création d’un registre des garanties.

Pour aller plus loin

L’amélioration de l’environnement juridique et réglementaire pour l’accès au financement est l’un des domaines politiques mesurés dans cette évaluation intermédiaire dans lequel de bons progrès ont été réalisés au niveau régional. Ceci est très positif et souligne la priorité que les économies MED accordent à cette question vitale. Cela traduit également un bon potentiel d’apprentissage par les pairs puisque les gouvernements qui ont déjà mené à bien certaines réformes pourraient partager leurs leçons avec d’autres.

L’Algérie et le Liban, économies relativement moins performantes dans ce domaine, pourraient redoubler d’efforts pour améliorer la disponibilité de l’information sur le crédit et créer un registre des biens mobiliers. Malgré les réformes récentes, Doing Business indique également que la Jordanie, le Maroc et l’Égypte ont encore beaucoup à faire pour améliorer leur performance sur les indicateurs Obtention de prêts (Tableau 3.2).

De nombreuses initiatives visant à accroître les sources de financement ont été introduites ; l’État continue toutefois d’être le principal acteur, en particulier en termes de dispositifs de garantie de crédit mais également en matière d’investissement en capital.

Les entreprises ont des besoins et des contraintes de financement qui varient en fonction d’un grand nombre de facteurs, tels que le profil de l’entrepreneur (âge, sexe, expérience, etc.), les actifs disponibles pour l’entreprise (immobilier, machinerie, brevets, actifs incorporels, etc.), l’étape du cycle de vie de l’entreprise (démarrage, expansion, consolidation, maturité, etc.), ou encore le risque et la rentabilité potentielle de l’entreprise (entreprises traditionnelles, entreprises très innovantes, entreprises à vocation internationale, etc.). Cette diversité signifie que pour qu’un secteur privé dynamique puisse prospérer, une économie doit encourager le développement d’un large éventail de sources de financement, y compris celles résumées dans le tableau 3.3.

Tableau 3.3. Sources extérieures de financement pour les PME

Emprunts

Instruments hybrides

Instruments de capitaux

Emprunts traditionnels

Financement basé sur les actifs

Emprunts alternatifs

Produits

Prêts bancaires

Lignes de crédit

Cartes de crédit

Affacturage

Location

Bons de commande

Crédits-stockage

Obligations de société

Dette titrisée

Placements privés

Crowdfunding (emprunt)

Financement mezzanine

Prêts/titres subordonnés

Obligations convertibles

Capitaux privés (capital-risque, Business angels)

Plateformes spécialisées pour l’inscription en bourse des PME

Crowdfunding (levée participative de capitaux)

Profil risque/retour

Faible

Faible

Faible

Moyen

Elevé

Caractéristiques

Financement des opérations habituelles, entreprises stables ayant accès à des garanties

Termes plus rapides et plus flexibles ; affacturage utilisé pour financement commercial

Ne dilue pas la propriété de la société

Tournant dans le cycle de vie de l’entreprise

Investissement d’entreprise à long terme

Source : OCDE (2017).

Progrès réalisés depuis 2014

Un grand nombre d’initiatives publiques et privées visant à favoriser l’accès au financement ont été lancées ces dernières années dans la région. Cependant, il n’y a presque aucune donnée permettant d’évaluer l’impact de ces initiatives, ce qui suggère que les économies MED devraient allouer plus de ressources au suivi de l’efficacité de leurs politiques. On ne sait pas non plus si l’introduction ou l’expansion des sources de financement correspond à une approche stratégique dans ce domaine ou si les mesures sont sans lien entre elles.

  • En Algérie, le marché des produits financiers continue d’être dominé par des institutions publiques, notamment deux organismes de garantie de crédit (FGAR - Fonds de garantie des crédits aux PME et la Caisse de garantie pour les crédits d’investissement CGGI) et le Fonds d’investissement des Wilayas (gouvernorats) qui fournit du capital-risque (jusqu’à 49 % des capitaux propres) pour la création d’entreprises nouvelles, le capital de croissance et la restructuration des entreprises afin d’assurer la survie des entreprises et les emplois qu’elles soutiennent.

  • L’Égypte a engagé un grand nombre d’initiatives pour faciliter les prêts aux PME, notamment en injectant de l’argent dans le système bancaire (par le biais de l’initiative de prêt aux MPME de la Banque centrale égyptienne) et en obligeant les banques publiques à consacrer au moins 20 % de leurs prêts aux PME. Les autorités ont également créé un fonds de capital-risque financé par l’État pour investir dans des PME en difficulté.

  • En Israël, le marché des systèmes de garantie de crédit est dominé par un acteur étatique : le Fonds pour les petites et moyennes entreprises (Small and Medium Businesses Fund, SMBF), qui est soutenu par l’agence des PME et le ministère des Finances et géré par deux entreprises privées. Les autorités suivent bien la performance de ce fonds, qui a des taux de rejet élevés afin de maintenir des frais bas et d’assurer sa pérennité. En ce qui concerne les investissements en actions, deux nouveaux fonds ont été créés par l’État mais sont gérés par des entreprises privées et visent à encourager les investissements dans des entreprises à fort potentiel. Cela ajoute à un marché du capital de risque déjà dynamique.

  • En Jordanie, le marché des garanties de crédit continue d’être dominé par la société Jordan Loan Guarantee Corporation (JLGC), financée par l’État, qui a créé deux fonds spéciaux en 2016 pour fournir des garanties aux start-ups. La JLGC est un organisme bien établi produisant des rapports réguliers sur ses activités. Parmi les autres développements concernant l’accès au financement, on peut citer le fonctionnement continu du Fonds de développement du Gouvernorat (Governorate Development Fund, ou GDF) qui a soutenu 96 projets entre 2012 et 2018. Toutefois, le personnel du GDF a été réduit en raison de contraintes budgétaires. En outre, la JLGC a fait des efforts pour mettre en place un fonds de capital-risque précoce mais en raison de problèmes de financement, il n’est toutefois pas encore opérationnel.

  • La Banque centrale du Liban a incité les banques à financer des entreprises de différents secteurs et à leur accorder des prêts à des taux d’intérêt très bas (1 % de la Banque du Liban [BDL] aux banques et jusqu’à 3 % des banques aux entreprises). Cette mesure a été lancée comme plan de relance d’un montant de 1,47 milliard USD en 2013 et a été renouvelée pour la quatrième année consécutive, avec une moyenne de 1 milliard USD par an. Kafalat, à l’origine un système de garantie des prêts et maintenant l’une des initiatives les plus réussies dans la région et au-delà, a développé le programme iSME pour fournir des subventions de développement conceptuel (jusqu’à 15 000 USD) pour des projets innovants et des co-investissements (entre 100 000 et 1,2 million USD), fournis conjointement avec d’autres investissements en capital par des fonds de capital-risque, des sociétés de portefeuille, des groupes d’investisseurs providentiels et des banques d’investissement. Et ce ne sont là que quelques exemples dans une longue liste d’initiatives.

  • En 2016, l’activité totale de la Caisse centrale de garantie (CCG) du Maroc, tant pour les entreprises que pour les particuliers, s’est élevée à 21 milliards de dirhams de crédits mobilisés (environ 1,9 milliard d’euros), en hausse de 23 % par rapport à 2015. De plus, la CCG a créé un Fonds de garantie dédié aux PME, « Mouwakaba ». Dans l’ensemble, le système de garantie de crédit au Maroc semble fonctionner correctement puisque près de 52 % des entreprises interrogées dans les Enquêtes auprès des entreprises disent avoir un prêt bancaire ou une ligne de crédit (contre 28,6 % dans le reste de la région MENA) et près de 35 % utilisent les banques pour financer leurs investissements (contre 25,9 % dans la région MENA). Cependant, on ne constate pas de progrès en ce qui concerne les marchés boursiers.

  • L’AP a vu son marché de garanties de crédit se développer ces dernières années. Le Fonds de garantie de crédit euro-palestinien (EPCGF) et la Caisse de garantie des crédits qui étaient déjà opérationnels en 2014 continuent de fonctionner. Deux nouveaux dispositifs ont fait leur entrée sur le marché : le mécanisme de garantie SIDA, lancé en 2015 et géré par la Caisse de garantie des crédits ; et l’Initiative pour les investissements au Proche-Orient (Middle East Investment Initiative, ou MEII), axée sur les PME et les prêts au logement. De nouveaux fonds de capital-risque ont également été créés depuis 2014. Toutefois, il n’existe pas de données sur la portée et l’efficacité de ces mesures.

  • En Tunisie, les principaux acteurs facilitant l’accès au crédit restent les institutions publiques, notamment la Banque de financement des PME (BFPME) pour le crédit, la Société tunisienne de garantie (SOTUGAR) pour les garanties de crédit et la Banque tunisienne de solidarité (BTS) pour le microcrédit. Les autorités tunisiennes élaborent actuellement également un nouveau programme, « Investir PME », qui vise à faciliter l’introduction des PME sur les marchés alternatifs à travers le marché boursier. Le coût de l’accès à ce marché étant normalement élevé pour les PME, le nouveau programme s’attachera à réduire les barrières à l’entrée et à aider les PME à diversifier leurs sources de financement.

Pour aller plus loin

L’État continue dans l’ensemble d’être la principale source ou au moins le facilitateur de l’accès au financement pour les PME par le biais de systèmes de garantie de crédit parrainés par l’État et, dans de nombreux cas, de fonds de capital-risque. Dans la plupart des cas, il y a peu d’éléments permettant de savoir en quoi cet activisme d’État a permis un meilleur accès au financement pour les PME et si des mesures ont été prises pour favoriser, en dernière analyse, une plus grande participation du secteur privé dans le financement des différentes catégories de PME et d’entrepreneurs.

Lorsque l’État crée des dispositifs pour l’investissement en capital des PME (comme c’est le cas en Algérie, Égypte, Israël et Jordanie), on ne sait pas toujours clairement comment cela conduira à l’avenir au développement d’un marché plus dynamique de capital-risque et de business angels. Compte tenu du fait que les gouvernements ne constituent de bons investisseurs de capital-risque que sous certaines conditions (OCDE, 2018), les gouvernements devraient soigneusement évaluer l’impact de leurs activités dans ce domaine.

Les réformes importantes présentées dans la section sur le cadre légal et réglementaire de l’accès au financement devraient finir par amener à une plus grande participation des acteurs privés sur ce marché. Mais ceci n’est pas encore explicitement ou clairement décrit dans les preuves obtenues et dans les discussions tenues pour cette évaluation intermédiaire.

Recommandations pour l’avenir

Dans l’ensemble, l’accès au financement est un domaine dans lequel des progrès significatifs ont été accomplis - dans la région MED au cours des dernières années. C’est notamment le cas du cadre juridique et réglementaire de l’accès au financement, où un certain nombre de bureaux de crédit et de registres d’actifs mobiliers sont entrés en fonction, et où des lois sur les transactions garanties ont été adoptées ou sont en voie de l’être.

Des progrès ont également été réalisés en termes d’expansion des sources de financement pour les PME et les entrepreneurs bien qu’il soit, dans ce cas, moins évident de voir en quoi cela a entraîné une augmentation du financement et si les acteurs privés – à savoir les systèmes de garantie de crédit privés, les investissements de business angels et les dispositifs de capital-investissement – auront un rôle plus important à l’avenir.

Cette évaluation intermédiaire propose aux économies MED de mener les actions supplémentaires suivantes :

  • Continuer de combler les asymétries d’information grâce à la création et à l’expansion des registres de crédit et, plus particulièrement, des bureaux de crédit. Les bureaux de crédit sont particulièrement utiles puisqu’ils sont gérés par des acteurs privés et qu’ils s’appuient sur des sources d’information plus diverses que les registres de crédit (services publics, crédit à la consommation, institutions de microfinance, etc.). Cependant, le cas de l’AP montre que les registres peuvent également être des outils efficaces pour faciliter la circulation de l’information sur les créanciers.

  • Accroître les efforts en vue de la création de registres de biens mobiliers (en particulier pour l’Algérie et le Liban qui n’ont pas d’initiative en cours dans ce domaine). Ceci est particulièrement important pour les entrepreneurs et les PME qui n’ont pas de biens immobiliers à donner en garantie ; et c’est particulièrement pertinent pour les entreprises potentiellement innovantes qui peuvent s’appuyer sur des actifs incorporels tels que des marques, des brevets ou de la propriété intellectuelle.

  • Continuer à élargir la diversité et la portée des différentes sources de financement (crédit, actions et instruments hybrides) et inclure des stratégies pour le développement de marchés compétitifs dans ce domaine afin que l’État puisse se retirer et laisser la place aux acteurs privés.

  • Améliorer le suivi et l’évaluation de l’impact des réformes sur l’accès au financement. L’adhésion au Tableau de bord de l’OCDE sur le financement des PME et des entrepreneurs, qui contribue à combler le manque de connaissances sur les tendances et les conditions du financement des PME, constituerait un pas important dans cette direction.

Bibliographie

OCDE (2018), « Are governments good venture capitalists? New cross-country evidence from micro-data », document de travail.

OCDE (2017), Nouvelles approches du financement des PME et de l’entrepreneuriat : élargir la gamme des instruments, Éditions de l’OCDE, Paris, http://www.oecd.org/publications/new-approaches-to-sme-and-entrepreneurship-financing-9789264240957-en.htm

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