Chapitre 9. Jordanie

Les fondements de la politique en faveur des PME : définitions, statistiques et institutions

La Jordanie a fait peu de progrès depuis la publication de l’Indice des politiques en faveur des PME 2014. Le principal développement positif à cette époque était la finalisation de la Stratégie nationale pour l’entreprenariat et la croissance des PME 2014-2018. Quatre ans plus tard, cette stratégie de soutien aux PME doit encore être approuvée, financée et mise en œuvre. La stratégie pour les PME propose une définition officielle des PME qui entrerait en vigueur une fois la stratégie adoptée (tableau 9.1).

Tableau 9.1. Définition des PME dans la Stratégie pour les PME

Type d’entreprise

Employés

Chiffre d’affaires

Micro

1 à 4

≤ 100 000 JOD (EUR 115 438)

Petite

5 à 19

≤ 1 m JOD (EUR 1 154 382)

Moyenne

20 à 99

≤ 5 m JOD (EUR 5 771 912)

Source : Stratégie nationale jordanienne pour l’entreprenariat et la croissance des PME 2016-2020, p. 36.

En ce qui concerne les statistiques sur les PME et l’entreprenariat, la principale source de données continue d’être le Recensement des entreprises effectué tous les quelques années par le Département de la statistique (DOS). Le dernier recensement a été publié en 2011 et le nouveau sera réalisé au premier semestre 20181. Par ailleurs, l’une des principales avancées dans ce domaine au cours des dernières années a été la création d’un Observatoire des PME hébergé par l’agence des PME, la Jordan Enterprise Development Corporation (JEDCO). L’Observatoire des PME recueille des données provenant de différentes sources, y compris le Recensement des entreprises et le Global Entrepreneurship Monitor (GEM), et a publié des études approfondies de l’état des PME dans le pays sur la base de ces données2. Il prévoit également de lancer un portail web pour diffuser largement ses informations. L’OCDE collabore avec le DOS, le Département chargé du contrôle des entreprises, le Département des douanes et d’autres pour améliorer les mécanismes de collecte et de diffusion des données sur les PME dans le cadre du projet du Fonds de transition MENA Efficacité des politiques de soutien aux PME en Jordanie (SME Policy Effectiveness in Jordan).

Le contexte économique plus large de la Jordanie et son agenda politique continuent d’être fortement affectés par le grand nombre de réfugiés fuyant les conflits de la Syrie et de l’Irak voisins. On estime que la Jordanie accueille plus de 1,3 million de Syriens, dont 83 % vivent à l’extérieur des camps de réfugiés. Pour aider le pays à faire face à cette charge, le gouvernement jordanien et la communauté internationale ont signé le Pacte pour la Jordanie, qui prévoit des prêts à des taux concessionnels et des conditions commerciales préférentielles en échange de l’ouverture du marché du travail aux réfugiés. Cependant, les effets réels du Pacte pour la Jordanie sur la création d’emplois et l’esprit d’entreprise chez les réfugiés restent peu clairs. En outre, selon les consultations menées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, deux des programmes d’appui phares de la JEDCO financés par les bailleurs, le Programme de mise à niveau et de modernisation de la Jordanie (Jordan Upgrading and Modernisation Programme, JUMP) et le Programme de modernisation des services jordaniens (Jordan Services Modernisation Programme, JSMP) ont été clos en raison de la réorientation des fonds vers le soutien aux réfugiés.

La politique économique globale de la Jordanie est également guidée par Jordanie 2025 : vision et stratégie nationales3 (Jordan 2025: A National Vision and Strategy), qui est un plan stratégique à long terme devant être mis en œuvre à travers des programmes de développement triennaux et des plans de développement au niveau des gouvernorats. Jordanie 2025 fixe un certain nombre de priorités pour le développement du secteur privé, y compris l’amélioration de l’environnement des affaires, l’augmentation de la disponibilité des capitaux à l’appui de la croissance, ainsi que la promotion des clusters et des PME. Il n’y a toutefois pas de mécanisme clair de suivi et d’évaluation qui permettrait de suivre l’efficacité de Jordanie 2025.

En ce qui concerne le cadre institutionnel et la coordination du développement des PME en Jordanie, le ministère de l’Industrie et du Commerce continue d’être chargé de l’élaboration des politiques en faveur des entreprises et des PME, avec le soutien de la JEDCO. Le ministère de la Planification et de la Coopération internationale reste responsable de la mise en œuvre de la stratégie plus large de développement du pays et de la mobilisation des bailleurs, tandis que la mise en œuvre de la politique des PME est déléguée à un certain nombre d’agences spécialisées.

La JEDCO, dans son rôle d’agence des PME, est supervisée par un conseil d’administration, présidé par le ministre de l’Industrie et du Commerce et composé de représentants des principaux ministères économiques et du secteur privé. La stratégie de soutien aux PME identifie la JEDCO comme étant la principale agence de coordination des politiques en faveur des PME. Cependant, la stratégie pour les PME n’ayant toujours pas été approuvée, la JEDCO ne dispose que d’une capacité technique et financière réduite et d’un faible pouvoir rassembleur pour pouvoir véritablement remplir sa mission de coordination.

La stratégie pour les PME comprend un cadre politique complet couvrant six piliers stratégiques, à savoir 1) l’amélioration de l’environnement juridique et réglementaire ; 2) la sensibilisation à l’entreprenariat et le renforcement de la culture de l’entreprenariat ; 3) les compétences entrepreneuriales et les services d’appui aux entreprises ; 4) l’accès au financement ; 5) l’adoption/développement de l’innovation et de la technologie ; et 6) l’accès aux marchés.

La stratégie pour les PME propose également une structure de gouvernance complète comprenant : 1) un comité de haut niveau (formé par les ministres compétents, le gouverneur de la banque centrale et les organisations du secteur privé) ; 2) un comité de niveau technique composé des coordinateurs dans les institutions du secteur public concernées ; 3) un comité consultatif des PME composé d’organisations du secteur privé et d’organisations non gouvernementales (qui sont très actives dans le soutien aux PME et à l’entrepreneuriat en Jordanie) ; et 4) des comités régionaux des PME dans chaque gouvernorat. La stratégie pour les PME prévoit également de faire de la JEDCO l’agence de coordination des PME et le secrétariat du comité de haut niveau. Dans ce contexte, l’OCDE travaille avec la JEDCO et d’autres homologues jordaniens à la mise en place des mécanismes de gouvernance de la stratégie et d’un mécanisme de suivi et d’évaluation.

En ce qui concerne le dialogue public-privé, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait noté que les consultations étaient déjà une pratique courante dans le cadre du Conseil économique et social qui se réunissait au moins deux fois par an. De plus, la préparation de la stratégie nationale pour les PME en 2013-2014 a nécessité des consultations approfondies avec différents participants. Cependant, la mise en œuvre toujours en attente de la Stratégie pour les PME signifie que les mécanismes de DPP prévus dans ce document, en particulier la création d’un comité consultatif des PME composé d’organisations du secteur privé et d’organisations non gouvernementales, ne sont pas encore opérationnels. La JEDCO et l’OCDE travaillent actuellement à la mise en place de tels mécanismes dans le cadre du projet du Fonds de transition MENA Efficacité de la politique en faveur des PME en Jordanie.

Pour aller plus loin : L’un des principaux progrès constatés par cette évaluation intermédiaire en termes de coordination et de mise en œuvre des politiques en faveur des PME est la mise en place de l’Observatoire des PME pour mieux diffuser les données et informations sur les PME et l’entreprenariat en Jordanie. Cependant, la principale pierre d’achoppement est le manque de mise en œuvre et de financement de la Stratégie pour les PME qui a été élaborée en 2013 et aurait dû entrer en vigueur en 2015. La stratégie vise à renforcer les synergies et l’impact des différentes mesures de soutien ; cependant, l’un des principaux obstacles à son exécution a été l’environnement politique difficile dans le pays et la direction en constante évolution de la JEDCO, l’agence des PME. De plus, l’instabilité politique et économique liée à la crise syrienne a détourné l’attention et les ressources des programmes existants pour les PME, et la durabilité de certaines actions entreprises est menacée. Cela affecte particulièrement les programmes qui ont été développés pour faciliter les services de financement et de soutien aux PME (voir la section sur ce thème ci-dessous) ; il conviendrait donc d’envisager à l’avenir d’éviter de revenir sur les mesures prises et de renforcer les programmes de soutien. Le double rôle de la JEDCO en tant que coordonnateur de la politique en faveur des PME et que secrétariat de la mise en œuvre de la Stratégie pour les PME pourrait être renforcé. L’OCDE soutient la Jordanie à cet égard dans le cadre du projet du Fonds de transition MENA Efficacité de la politique en faveur des PME.

Améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les entrepreneurs

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 a reconnu les efforts initiaux effectués par la Jordanie pour améliorer son cadre réglementaire et réduire la charge administrative pour les PME. Ces efforts ont d’abord été encadrés par le Programme de développement économique de l’Agence fédérale américaine pour le développement international USAID en Jordanie (SABEQ) (2006-2012) qui a préparé le terrain pour la mise en place d’un comité de pilotage public-privé pour la réforme et de trois comités techniques représentant les institutions régulatrices et les associations professionnelles. Ces comités ont mis en place un processus pilote de guillotine réglementaire, bien que dans un très petit nombre de domaines (licences professionnelles et permis de construire), afin de revoir, d’éliminer et de rationaliser systématiquement les contraintes et les procédures commerciales.

À l’issue du projet de SABEQ et après l’arrêt des opérations de la guillotine réglementaire, un projet du Fonds de transition MENA Réforme de la législation économique de la Jordanie 2016-2018 a continué de passer en revue et de moderniser les lois et règlements en concertation avec le secteur privé4. Ce projet pousse encore plus loin la guillotine réglementaire notamment en renforçant l’unité chargée de la réforme réglementaire au sein du Bureau du Premier ministre afin d’améliorer sa capacité à superviser les activités de réforme ; en élaborant une feuille de route détaillée des réformes à mener et en identifiant les besoins en matière de renforcement des capacités ; puis en mettant en œuvre cette feuille de route et en procédant au renforcement des capacités. Le projet vise également à établir un mécanisme d’analyse de l’impact de la réglementation pour garantir la qualité des nouvelles lois et réglementations et la qualité de la mise en œuvre de la réglementation.

Concernant la mise en œuvre du test PME, un atelier de renforcement des capacités a été organisé par la JEDCO, l’UE et le projet L’amélioration de l’environnement des affaires dans la région sud de la Méditerranée (EBESM) en mars 2016. L’objectif de cet atelier était de sensibiliser aux meilleures pratiques internationales pour mesurer l’impact des nouvelles réglementations sur les PME, élaborer un modèle de test PME simple pour mesurer cet impact et faire émerger des champions du modèle capables d’inciter à son adoption en Jordanie. Ce test PME n’est cependant toujours pas en place.

Dans le domaine de la facilitation des procédures de création de nouvelles entreprises, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait constaté que la Jordanie était l’une des rares économies MED à disposer d’un numéro d’identification unique pour les entreprises, même si cela ne concernait que quelques agences (le Département chargé du contrôle des entreprises, les chambres de commerce et d’industrie, la municipalité du Grand Amman et le Département chargé de l’impôt sur le revenu et des taxes de vente) de la taxe sur les revenus et la vente). À l’époque, cependant, il n’y avait pas de système d’enregistrement des entreprises en ligne bien que les formulaires puissent être téléchargés depuis le site web du Département chargé du contrôle des entreprises.

Depuis, un projet Soutien aux entreprises locales (Local Enterprise Support, LENS) a été mis en place par l’USAID pour, entre autres, améliorer l’enregistrement des entreprises. L’agence américaine travaille actuellement avec le ministère de l’Industrie et du Commerce et le Département chargé du contrôle des entreprises pour améliorer l’efficacité du processus d’enregistrement des PME. Cela inclut la mise à niveau de la capacité de stockage des serveurs du Département chargé du contrôle des entreprises pour qu’ils puissent gérer davantage de données sur les entreprises enregistrées, et le développement d’un manuel de l’enregistrement des entreprises (en coopération avec le Financial Services Volunteer Corps) qui présente clairement le processus d’enregistrement des différents types d’entreprises afin de motiver les gens à formaliser leurs entreprises. Ce manuel a été publié et largement diffusé. Toutefois, il n’existe aucune preuve de l’impact de cette initiative sur l’enregistrement de nouvelles entreprises et il n’y a pas non plus de preuve de progrès sur les services d’enregistrement en ligne et les guichets uniques pour l’enregistrement des entreprises.

Sur la faillite, une nouvelle Loi sur la réorganisation, la faillite et la liquidation visant à établir un cadre juridique pour les entreprises en difficulté a été adoptée en avril 2018. De plus, les indicateurs Doing Business notent que la procédure est particulièrement complexe en Jordanie, puisque ce pays a le taux de recouvrement le plus faible de la région (27,7 cents par dollar, contre plus de 71 dans l’OCDE) et un coût de 20 % de l’immobilier.

Pour aller plus loin : Au cours des dernières années, la Jordanie a poursuivi ses efforts pour améliorer son environnement des affaires en mettant en œuvre des projets parrainés par des bailleurs pour établir des analyses de l’impact réglementaire et un test PME. Ces efforts en restent toutefois à leurs débuts et ils doivent être poursuivis et formalisés au-delà des projets pilotes. En effet, le projet SABEQ et le projet du Fonds de transition MENA Réforme de la législation économique de la Jordanie, ainsi que les premiers efforts menés dans le cadre du projet EBESM pour introduire un test PME devraient être poursuivis et se traduire par la mise en œuvre de mécanismes d’AIR permanents. La présente évaluation intermédiaire n’a toutefois trouvé aucun détail sur la façon dont cela doit être réalisé. La Jordanie pourrait également poursuivre la mise en application de sa nouvelle loi sur les faillites, laquelle, tout comme la stratégie pour les PME.

Favoriser l’accès au financement

En ce qui concerne l’environnement juridique et réglementaire de l’accès au financement, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 a noté l’existence d’un registre de crédit à la Banque centrale, bien que sa couverture soit limitée et que les particuliers et les entreprises ne puissent consulter ses informations. Depuis, un nouveau bureau de crédit, CRIF, a été lancé en décembre 2015. Il vise à centraliser et à rassembler les informations de crédit sur les particuliers et les entreprises fournies par les institutions financières, les organisations de microfinance, les compagnies d’assurance et, à terme, les agences publiques telles que la JEDCO. Le bureau de crédit vise aussi à accroître la transparence des entreprises et à atténuer les asymétries d’information qui nuisent à l’octroi de prêts aux PME. Cela accélérerait les procédures de prêt et réduirait les taux de défaillance. Le bureau de crédit recueille des informations auprès de 39 sources et, selon Doing Business, couvre 15,3 % de la population adulte, un score restant beaucoup plus faible que la moyenne de l’OCDE qui s’établit à 63,7 %.

Des progrès ont également été accomplis dans la mise en place d’un registre des biens mobiliers pouvant servir de garantie. Un tel registre des biens mobiliers en ligne a été mis en service en avril 2017. Ce projet est dirigé par le ministère de l’Industrie avec le soutien de l’IFC et de l’USAID. Durant sa première phase, le registre mettait l’accent sur les contrats de location. En mai 2018, la Loi sur les prêts garantis a été approuvée, qui lui permettra de fournir des services pour une gamme complète d’actifs et de contrats.

Une nouvelle Loi sur les sociétés, qui contient des dispositions sur le capital-risque, a été approuvée en septembre 2017. Le Département de contrôle des entreprises a commencé à travailler sur les réglementations pertinentes telles qu’identifiées dans la Loi, y compris celles régissant l’enregistrement des sociétés de capital-risque.

En ce qui concerne l’accès aux sources de financement pour les PME, la Jordan Loan Guarantee Corporation (JLGC) est le principal organisme chargé de fournir des systèmes de garantie de crédit aux PME. Le JLGC dispose d’un capital de près de 30 millions JOD (environ 35,7 millions EUR) et propose cinq grands programmes : garantie de prêt aux PME, assurance-crédit domestique et export, garantie de prêt aux microentreprises, garantie de financement islamique et garantie du leasing financier5. Le JLGC est un organisme bien établi produisant des rapports réguliers sur ses activités6. La présente évaluation intermédiaire constate des progrès dans la fourniture de garanties de crédit par le JLGC, en particulier la création de deux fonds spéciaux en 2016 pour fournir des garanties aux start-ups. Le premier fonds se concentre sur les prêts des banques commerciales tandis que le second est consacré aux prêts accordés par les banques islamiques. Ces programmes offrent une garantie de 85 % de la valeur du prêt à concurrence de 100 000 JOD et des frais de 1 %. En outre, le JLGC a lancé le Fonds pour l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique en Jordanie offrant une garantie de 70 % aux ménages et aux PME pour augmenter leur recours à l’énergie renouvelable et réduire leur dépendance aux subventions énergétiques.

Parmi les autres avancées positives concernant l’accès au financement, on peut citer la poursuite des activités du Fonds de développement du Gouvernorat (GDF) qui a soutenu 96 projets entre 2012 et 2018. Toutefois, le personnel du GDF a été réduit en raison des contraintes budgétaires de la JEDCO. De plus, le JLGC a fait des efforts pour mettre en place un fonds de capital-risque pour les entreprises en phase de démarrage afin de fournir des capitaux propres pour des produits innovants mais, en raison de problèmes de financement, ce fonds n’est pas encore opérationnel. Le Programme de guichet bancaire de la JEDCO a également été fermé en raison de difficultés de financement.

Pour aller plus loin : Des progrès ont été réalisés en termes d’accès au financement ces dernières années, mais les efforts restent encore très préliminaires. En ce qui concerne l’accès au crédit, un nouveau bureau de crédit et un registre en ligne des biens mobiliers ont été créés mais ils ne sont pas encore pleinement opérationnels. L’approbation de la Loi sur les opérations garanties permettra la mise en application de la phase II du registre des garanties. De plus, d’autres sources de financement et d’initiatives telles que le GDF, le mécanisme de financement par capital-risque d’entreprises en phase de démarrage du JLGC ou encore le guichet bancaire de la JEDCO ont connu des revers en raison d’une moindre disponibilité de ressources pour leurs opérations. En revanche, une avancée a été l’extension des garanties proposées par le JLGC. La conclusion est cependant que plusieurs efforts visant à accroître l’accès au financement pour les PME ont souffert du manque de rapidité dans le rythme des réformes et des difficultés plus générales générées par l’environnement politique et institutionnel en Jordanie.

Soutenir l’entreprenariat et la croissance des PME

La Jordanie continue d’avoir un marché diversifié et étendu de services d’appui aux PME. Parmi les organisations les plus importantes et les plus actives à cet égard, on peut citer la JEDCO, le Centre d’appui aux entreprises, plusieurs ONG et prestataires de services privés, ainsi que les associations d’entreprises et les chambres d’industrie et de commerce. Les informations sur tous ces services de soutien restent dispersées entre un grand nombre de sources, bien que l’une des missions de l’Observatoire des PME établi au sein de la JEDCO soit de faciliter l’accès à ces informations.

Cette évaluation intermédiaire constate que de nouveaux services d’appui aux entreprises ont été introduits depuis l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 ; par exemple, un projet financé par le Fonds de transition MENA soutient la mise en place d’un programme visant à soutenir les entreprises à fort potentiel : le programme Accelerate with JEDCO (Accélérer avec la JEDCO). Ce programme fournit des diagnostics d’entreprise complets pour aider les dirigeants des PME et des start-ups à identifier les obstacles à leur croissance, ainsi qu’un service d’accompagnement des entreprises pour surmonter ces obstacles. Accelerate with JEDCO a reçu 340 demandes de l’ensemble des gouvernorats de Jordanie ; un diagnostic initial a été réalisé pour 43 entreprises et 50 plans de croissance ont été développés. 70 managers ont été coachés et 15 collaborateurs de la JEDCO sont devenus managers chargés de la croissance des entreprises. En ce qui concerne les initiatives d’assistance financière, le Projet de soutien aux entreprises locales (LENS) de l’USAID appuie la croissance des petites entreprises et apporte un soutien direct aux micro- et petites entreprises. De plus, la JEDCO a lancé le projet REGEP (Rural Economic Growth and Employment Project, Croissance économique et emploi dans les zones rurales) qui fournit un soutien technique et financier aux petits agriculteurs, aux associations d’agriculteurs, aux producteurs et exportateurs de cultures agricoles, ainsi qu’aux PME.

Le projet du Fonds de transition MENA sur l’Efficacité des politiques en faveur des PME en Jordanie s’emploie à renforcer la coordination et le dialogue entre toutes ces initiatives pour en accroître l’impact. Le cadre utilisé est fondé sur la Stratégie en faveur des PME, qui est toujours en attente d’approbation, mais qui fournit un bon programme pour accroître l’impact des politiques publiques étant donné le grand nombre de services et d’agences de soutien aux entreprises déjà présents dans le pays.

Malheureusement, la présente évaluation intermédiaire a révélé que d’autres initiatives phares, telles que le Programme de mise à niveau et de modernisation de la Jordanie (JUMP) pour les entreprises industrielles et son équivalent pour les entreprises de services (JSMP) qui étaient mis en œuvre par la JEDCO, ont été fermées faute de financement.

Concernant l’accès des PME aux marchés publics, cette évaluation intermédiaire constate que le domaine de progrès le plus important depuis l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 est le travail en cours en vue de la mise en place d’un système de passation électronique des marchés publics. Ce travail se fonde sur la publication d’une mise à jour de la Loi sur les fournitures concernant la mise en œuvre de systèmes électroniques pour la gestion des stocks gouvernementaux et pour la passation des marchés publics. Dans ce domaine, un nouveau système de passation électronique des marchés publics est en cours d’élaboration avec le soutien de l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA) dans le but de centraliser l’information pour les entités adjudicatrices et les soumissionnaires/fournisseurs, y compris les PME.

Des progrès ont également été réalisés en termes d’accès des PME aux marchés internationaux. En juin 2015, la JEDCO et le Conseil supérieur pour la science et la technologie (HCST) ont signé un accord avec l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises de l’UE (EASME) pour l’adhésion de la Jordanie au Réseau Entreprise Europe (EEN). Ils ont mis en place un consortium pour fournir une aide aux entreprises cherchant à exporter et pour faciliter les transferts de technologie et la coopération commerciale et de recherche. En 2017, la Chambre d’industrie d’Amman a rejoint le consortium. La Jordanie ne fait cependant pas encore partie du Réseau Entreprise Europe.

De plus, en juillet 2016, un accord a été conclu avec l’UE sur la simplification des règles d’origine énoncées dans l’accord d’association UE-Jordanie afin d’encourager l’intégration de la main-d’œuvre syrienne en Jordanie7. Mais le défi réside dans la mise en œuvre de cet accord. En effet, en juillet 2017, selon certaines estimations, seulement huit entreprises avaient été considérées comme remplissant les conditions et seulement deux d’entre elles en avaient effectivement bénéficié8.

Plusieurs projets ont été mis en place pour fournir une assistance technique et financière à l’appui de l’internationalisation des PME. En septembre 2014, la JEDCO, le Centre du commerce international (ITC) et la Banque mondiale ont lancé le projet du Fonds de transition MENA « Développement des exportations des PME à travers des marchés virtuels (VMP) » pour développer le commerce électronique. Le projet forme des conseillers en exportation, accompagne les PME exportatrices et a créé un comité interinstitutionnel sur le commerce électronique.

Enfin, le Plan de croissance économique de la Jordanie 2018-2022 prévoit la création d’une unité de coordination des exportations au sein de la JEDCO, destinée à apporter une aide technique aux entreprises cherchant à exporter. La JEDCO doit créer un fonds dédié au soutien et au financement des exportations, mettre en place un programme de coaching à l’exportation et fournir un soutien technique aux entreprises cherchant à exporter.

Pour aller plus loin : Favoriser l’entreprenariat et la croissance des PME est le domaine d’action dans lequel la Jordanie a réalisé le plus de progrès dans cette évaluation intermédiaire. Parmi les résultats positifs, on note l’expansion des services d’appui aux entreprises, malgré la fermeture de certains programmes. L’Observatoire des PME jouera un rôle important en facilitant l’accès à l’information dispersée sur la diversité de ces services. La Jordanie pourrait également poursuivre ses efforts en vue de la mise en œuvre intégrale du nouveau système de passation électronique des marchés publics, qui est toujours en phase pilote. La Jordanie pourrait rejoindre le Réseau Entreprise Europe pour faciliter l’internationalisation de ses PME. Et elle pourrait également évaluer, avec le soutien de l’UE, quels ont été les obstacles au succès de l’initiative d’assouplissement des règles d’origine pour un meilleur accès au marché unique de l’UE.

Investir dans le capital humain entrepreneurial

Depuis la dernière évaluation, la Jordanie a fait état de progrès dans la mise en œuvre d’actions clés visant à déployer l’apprentissage entrepreneurial dans l’enseignement. La promotion de l’apprentissage entrepreneurial fait partie du Plan de croissance économique de la Jordanie pour 2018-2022 (JEGP), et un événement national a été organisé en 2016, le « Generation Dialogue Program », pour presenter une plateforme qui comprend les organes clés du gouvernement, le secteur privé, les jeunes entrepreneurs et les partenaires internationaux pour discuter de l’importance de l’apprentissage entrepreneurial pour les jeunes.

INJAZ9 soutient le ministère de l’Éducation et gère des programmes dans les écoles publiques et privées, tels que le Programme Start-up - Écoles et compétition, qui offre aux lycéens une expérience concrète et une formation pratique en affaires ; le concours CP National Competition, qui aide des équipes d’élèves à présenter leurs entreprises à un panel de chefs d’entreprise et d’experts ; ou encore My Entrepreneurial Project (MEP), qui ouvre des opportunités de carrière pour les jeunes dans l’entreprenariat ou le travail indépendant. Le Centre de développement des entreprises soutient l’application de l’approche de l’entreprenariat come compétence clé dans les écoles d’enseignement et de formation professionnels (EFP). En coopération avec le Ministère jordanien de l’Éducation, le Centre de développement des entreprises a formé au cours de la dernière période plus de 120 professeurs d’école professionnelle et instructeurs techniques d’instituts universitaires techniques à l’approche de l’entreprenariat comme compétence clé, bénéficiant ainsi à 4 000 étudiants dans 20 institutions pilotes. Ces initiatives sont d’excellents exemples de coopération entre l’école et l’entreprise.

La formation à l’entrepreneuriat féminin est devenue une priorité politique, comme en témoignent le JEGP et le Plan stratégique pour l’autonomisation des femmes de la Commission nationale jordanienne pour les femmes 2013-2017. En Jordanie, seulement 3,3% des femmes sont impliquées dans l'entrepreneuriat (JEDCO, 2017), et une proportion d'entreprises ayant un dirigeant féminin est aussi faible que 2,4% (Banque mondiale, 2013). La Jordanie a fait des progrès substantiels dans le traitement de ce domaine politique d'une importance cruciale. La conférence sur la Participation économique des femmes a porté sur le développement de l’entrepreneuriat féminin, et un certain nombre d’études ont été publiées sur l’entrepreneuriat féminin, telles que L’entreprenariat féminin en Jordanie de la JEDCO : l’autonomisation des femmes et le rapport 2017 de l’EBESM sur L’entreprenariat féminin et le développement des PME en Jordanie.

Il existe des programmes financés par les secteurs public et privé pour soutenir les femmes entrepreneurs dans les régions rurales et urbaines, comme le programme du Centre de développement des entreprises avec le ministère du Tourisme pour les femmes entrepreneurs afin d’améliorer la capacité touristique locale ; le programme de mentorat d’affaires du Centre de développement des entreprises axé spécifiquement sur le renforcement des capacités des femmes diplômées à devenir des mentors (SEEDS) ; le projet Shorouq, mis en œuvre par Etihad Bank pour soutenir les services financiers spécialement destinés aux femmes entrepreneurs, les événements de réseautage, le coaching, le conseil, le mentorat ; ou le Village Business Incubator qui promeut le rôle des femmes rurales dans le développement économique en les encourageant à établir des micro- et des petites entreprises bien au-delà des modèles traditionnels basés sur la maison ou le genre, et d’autres initiatives.

La Jordanie a développé des initiatives pour fournir une formation à l’internationalisation des PME. Un exemple est l’activité du Comité interinstitutionnel sur le commerce électronique, qui fournit des recommandations indépendantes pour créer un environnement favorable au commerce électronique et soutient l’internationalisation des PME. Le dialogue politique sur le développement des compétences pour l’internationalisation des PME a été avancé dans le cadre du processus de consultation ouvert qui a abouti à la Stratégie nationale pour les PME 2016-2020.

La JEDCO a mis en œuvre des programmes de formation à l’internationalisation des PME dans les secteurs du vêtement et des services. Les informations sur les programmes de formation et les prestataires pour l’internationalisation des PME sont nombreuses et accessibles au public auprès des principaux acteurs : la Chambre de l’industrie de Jordanie, le Fonds national de soutien aux entreprises (NAFES) et le Centre de développement des entreprises.

Pour aller plus loin : Le gouvernement jordanien devrait mettre en œuvre d’autres actions systémiques pour intégrer l’entreprenariat comme compétence clé dans les programmes d’enseignement et la formation des enseignants dans la perspective de l’apprentissage tout au long de la vie. Les autorités nationales pourraient aider les praticiens à appliquer des outils avancés pour le développement de la culture entrepreneuriale, tels que le Cadre européen des compétences en entrepreneuriat (EntreComp). Afin de mieux soutenir l’entrepreneuriat féminin, des efforts inter-agences et intersectoriels sont nécessaires, étant donné qu’il s’agit d’une question transversale. La JEDCO pourrait jouer un rôle crucial, en s’appuyant sur la force de ses programmes impliquant les principaux partenaires politiques des secteurs public et privé. Afin de continuer à soutenir les programmes de formation à l’internationalisation des PME, le gouvernement pourrait consolider ses politiques commerciales internationales et aider la JEDCO à intensifier ses activités dans ce domaine.

Recommandations pour l’avenir

Au total, la Jordanie a fait des progrès limités dans la mise en œuvre des réformes identifiées par l’Indice des politiques en faveur des PME 2014. Les raisons semblent découler de la situation institutionnelle difficile et des afflux importants de réfugiés qui ont détourné l’attention et les ressources loin des politiques du développement des PME. La Stratégie en faveur des PME est encore en attente d’approbation. En outre, comme en 2014, la Jordanie reste fortement tributaire de l’aide des donateurs et de l’aide internationale, ce qui n’est pas nécessairement négatif tant que ces initiatives sont viables à long terme et mènent à de plus grandes capacités nationales pour la conception et la mise en œuvre des politiques. Néanmoins, cette durabilité n’est pas très claire. Dans cette optique, cette évaluation intermédiaire recommande les principales actions suivantes :

  • Avancer sur la mise en œuvre et le financement de la stratégie pour les PME, y compris en renforçant le rôle de secrétariat exécutif de la JEDCO. La JEDCO et l’OCDE continueront de progresser dans ce domaine, mais l’impact final dépendra de la promulgation du document stratégique et de son plan d’action.

  • Poursuivre la mise en place intégrale de l’AIR et du test PME.

  • Finir de mettre en place la passation électronique des marchés publics et avancer sur l’adhésion au Réseau Entreprise Europe, ainsi que sur la maximisation des opportunités offertes par un meilleur accès au marché de l’UE pour les entreprises pouvant bénéficier de l’assouplissement des règles d’origine.

  • L’entreprenariat comme compétence clé devrait être mieux promu dans les programmes scolaires et la formation des enseignants dans une perspective d’apprentissage tout au long de la vie.

  • Des efforts inter-agences et intersectoriels sont nécessaires pour renforcer l’entreprenariat féminin, étant donné qu’il s’agit d’une question transversale.

  • Des programmes de formation pour l’internationalisation des PME bénéficieraient de politiques du commerce extérieur consolidées, et soutien à la JEDCO pour développer ses activités dans ce domaine.

Notes

← 1. Département de la statistique, « Recensement des établissements économiques », http://dosweb.dos.gov.jo/censuses/economic-establishments-census/

← 2. Jordan Enterprise Development Corporation, « Observatoire des PME », http://www.jedco.gov.jo/Pages/viewpage.aspx?pageID=171

← 3. http://www.jordanembassyus.org/blog/jordan-2025-national-vision-and-strategy.

← 4. Fonds de transition MENA, « Réforme de la législation économique de la Jordanie », https://www.menatransitionfund.org/documents/jordan-economic-legislation-reform

← 5. Jordan Loan Guarantee Corporation, http://www.jlgc.com/en/page/about-us

← 6. Jordan Loan Guarantee Corporation, rapports annuels, http://www.jlgc.com/en/page/annual-reports

← 7. Décision N°1/2016 du Comité d’association UE-Jordanie (19 juillet 2016), http://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:22016D1436&from=EN.

← 8. Ghazal, M. (24 juillet 2017), “Only two Jordanian companies benefiting from EU relaxed rules of origin”, The Jordan Times, http://www.jordantimes.com/news/local/only-two-jordanian-companies-benefiting-eu-relaxed-rules-origin.

← 9. Organisation à but non lucratif centrée sur les jeunes, créée en 1999, et active dans l’Union européenne et dans le monde entier, y compris au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au Pakistan.

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