Chapitre 6. Algérie

Les fondements de la politique en faveur des PME : définitions, statistiques et institutions

L’une des principales mesures prises par l’Algérie ces dernières années a été la promulgation de la loi 1702 de 2017 sur les PME, qui définit officiellement plusieurs aspects importants pour l’élaboration des politiques de soutien aux PME, à savoir : 1) une définition officielle des micro-, petites et moyennes entreprises ; 2) les mécanismes de soutien aux PME ; 3) des mesures visant à promouvoir l’externalisation (sous-traitance) par des PME dans le cadre des efforts de développement industriel et de substitution aux importations ; et 4) le développement d’un système d’information économique des PME (Observatoire des PME) 1.

En ce qui concerne l’établissement d’une définition officielle des PME, la loi sur les PME s’appuie sur un certain nombre de principes et de pratiques internationales, en particulier les suivantes (voir Tableau 6.1) :

L’identification des PME en tant qu’entités commerciales produisant des biens et des services, quel que soit leur statut (responsabilité limitée, société constituée, entrepreneur individuel, etc.).

  • La combinaison de critères d’emploi et financiers pour mieux identifier et cibler les PME opérant dans différentes activités ou secteurs économiques.

  • L’inclusion de critères d’indépendance (par exemple, une PME ne devrait pas être détenue à plus de 25 % par une autre entité, elle ne devrait pas être détenue à plus de 49 % par une société de capital-investissement, etc.)

L’adoption de la loi 1702 sur les PME fait de l’Algérie la seule économie MED dotée d’une définition à part entière des PME officiellement inscrite dans la législation.

Tableau 6.1. Définition des PME

Critère

Micro

Petite

Moyenne

Critère de l’emploi

1-9 employés

10-49 employés

50-250 employés

Critère financier

Chiffre d’affaires annuel

< 40 m DZD

Chiffre d’affaires annuel

< 400 m DZD

Chiffre d’affaires annuel

< 4 md DZD

Bilan de fin d’exercice

< 20 m DZD

Bilan de fin d’exercice

< 200 m DZD

Bilan de fin d’exercice

< 1 md DZD

Source : Loi sur les PME 1702 de 2017

La loi 1702 sur les PME, dans son chapitre 3, ouvre également la voie à la mise en place d’un système d’information économique des PME sous la responsabilité de l’Agence nationale pour le développement des PME (ANDPME) en tant qu’outil de planification et de décision. Ce système (en principe un Observatoire des PME) consoliderait les informations provenant de plusieurs sources statistiques et administratives, à savoir l’Office national de statistique (ONS), le registre des entreprises et l’Institut national de sécurité sociale (CNAS) et l’Institut de sécurité sociale. Les employés et les professionnels indépendants (CASNOS), l’administration fiscale, l’administration des douanes, la chambre de commerce et d’industrie et l’association des banques et établissements financiers. S’il était mis en œuvre avec succès, un tel système fournirait des informations opportunes et complètes sur les entreprises privées à un coût faible et avec une charge moindre pour les entreprises que les recensements d’entreprises ou d’établissements réalisés dans la plupart des pays.

Cela renforcerait la disponibilité déjà bonne des données sur les PME en Algérie, lesquelles sont publiées régulièrement (environ deux fois par an) par les bulletins statistiques du ministère de l’Industrie et des Mines2. Les bulletins comprennent des informations sur la population totale des PME, les créations de PME et les cessations d’activité, l’emploi, ainsi que les exportations et les importations. Ils comprennent également des informations sur les PME par activité économique et par répartition territoriale. Les données sont obtenues auprès de sources officielles telles que la Caisse nationale de sécurité sociale (CNAS) et son équivalent pour les indépendants et les professionnels non salariés (CASNOS).

L’agenda économique global dans lequel s’inscrit la politique des PME reste pratiquement inchangé. L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 constatait que le cadre économique général était défini par le Plan économique quinquennal (2010-2014) qui faisait du développement du secteur privé l’une des principales priorités du pays, aux côtés des investissements publics dans les infrastructures, le logement et les services sociaux, dans le but de réduire la dépendance vis-à-vis du secteur des hydrocarbures et de diversifier la structure économique du pays.

Le Plan de développement économique 2015-2019 continue d’accorder la priorité à la diversification économique par le développement du secteur privé. Dans ce cadre, la Politique gouvernementale dans le domaine de l’industrie et des mines mentionne le développement des PME comme une priorité, à mettre en œuvre notamment par le biais du développement des industries de base et de « PME en aval » et d’activités substitutives aux importations3. Ce document et les consultations réalisées pour l’élaboration de cette évaluation intermédiaire indiquent une forte orientation de la politique des PME vers le développement du secteur industriel. En outre, il est surprenant que d’autres domaines de politique économique couverts par le Plan de développement économique 2015-2019 mentionnent à peine le rôle des PME dans des secteurs tels que le commerce, l’agriculture et la pêche, l’énergie, le tourisme et l’artisanat4.

En termes de cadre institutionnel et de coordination de la politique des PME, le ministère de l’Industrie et des Mines reste la principale institution en charge de la politique de développement des entreprises, sous l’égide de l’ANDPME et de l’Agence Nationale de Développement de l’Investissement (ANDI). Les autres autorités compétentes dans ce domaine sont l’Agence nationale pour le soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ), le Fonds de garantie des crédits pour les PME (FGAR) et les « Centres de facilitation pour les PME » et les pépinières d’entreprises à travers le pays5.

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 a noté que la coordination des politiques entre les différentes institutions était un problème majeur en raison de l’absence de stratégie globale de développement des PME à moyen terme soutenue par des plans d’action à court terme. À cet égard, la Loi sur les PME désigne l’ANDPME en tant qu’institution principale en charge de l’agenda politique des PME pour la création, la croissance et la survie des entreprises. La loi fait des autorités locales les initiateurs du soutien aux PME, notamment en termes d’accès à la terre et aux biens immobiliers. Selon les consultations menées pour cette évaluation intérimaire, afin d’accroître la flexibilité de l’ANDPME pour la réalisation de son mandat politique, l’agence des PME gagnera en autonomie en devenant un « établissement public de caractère spécifique » et sera dotée d’un conseil d’administration comprenant des représentants du privé secteur (un modèle déjà appliqué dans plusieurs pays de la région, y compris le Maroc et la Jordanie).

La loi sur les PME note également que « la politique algérienne de développement des PME devrait être fondée sur la consultation et la coordination entre les acteurs publics et privés concernés et sur des études appropriées conduisant à l’élaboration de programmes, mesures et structures de soutien ». Elle prévoit aussi la création d’un organisme de consultation public-privé, le Conseil national de concertation pour le développement de la PME (CNC), qui devrait être formé par des organisations et associations professionnelles représentant les PME. Le CNC a été officiellement lancé en novembre 2017 (voir le Chapitre 1, section 4 sur le dialogue public-privé).

Fait important, la loi sur les PME établit un fonds spécial pour financer les actions et le soutien indiqués dans le texte, ainsi que les opérations de l’ANDPME : le Fonds national de mise à niveau des PME, d’appui à l’investissement et de promotion de la compétitivité industrielle 6. Selon la loi des finances 2018 et les consultations, ce Fonds doit être financé par une nouvelle taxe sur les terrains industriels pour un montant de 395 millions DZD (soit environ 2,8 millions d’euros).

La loi sur les PME définit le cadre juridique d’une politique des PME plus complète et plus cohérente en Algérie. Néanmoins, l’élaboration d’une stratégie et de plans d’action concrets pour les PME présentant dans le détail les activités, les responsabilités, les budgets et les mécanismes de suivi et d’évaluation fait toujours défaut. Selon les consultations menées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, une stratégie pour les PME est en cours d’élaboration dans le cadre du Projet d’appui au développement des PME (PAD-PME) soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) 7. Le projet se concentre sur l’élaboration de la stratégie, la réorganisation de l’ANDPME, le renforcement des capacités de l’Agence et la mise en place du système d’information sur les PME (Observatoire des PME).

En ce qui concerne le dialogue public-privé, le Conseil tripartite (la Tripartite), formé par le gouvernement, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et de nombreuses associations du secteur privé, continue d’aborder les grandes questions économiques. Plus précisément sur la politique des PME, le développement récent le plus important est la création du Conseil national de consultation pour le développement de la PME (CNC) prévu par la loi sur les PME de 2017. Le CNC représente plusieurs organisations professionnelles dans divers secteurs économiques. Selon les consultations menées aux fins de la présente évaluation, le CNC travaille avec l’instrument d’assistance technique et d’échange d’informations de l’UE (TAIEX) pour élaborer un plan d’action entre le CNC et l’ANDPME. Lors du lancement du CNC en novembre 2017, les autorités algériennes ont dévoilé une feuille de route pour l’élaboration de leur stratégie concernant les PME8.

Pour aller plus loin : Grâce à la loi sur les PME et à la mise en œuvre initiale de certaines de ses actions, l’Algérie a fait un pas important vers l’adoption d’une politique des PME plus complète et plus cohérente. La Loi sur les PME, bien qu’elle soit brève, est un document très complet comprenant des stipulations sur la manière dont les aspects les plus importants des PME doivent être menés. Sa mise en œuvre intégrale, y compris l’exécution d’une stratégie en faveur des PME, est désormais essentielle pour traduire les mots en action. De plus, la création du CNC devrait fournir un mécanisme de consultation formel des PME et des entrepreneurs leur permettant de contribuer à l’élaboration des politiques publiques. Son succès sera néanmoins fortement influencé par le niveau réel de représentativité de la population des PME et des entrepreneurs au sein du CNC.

En revanche, comme indiqué dans l’Indice des politiques PME 2014, les facteurs structurels, notamment le contexte réglementaire et commercial difficile et le manque de diversification et d’ouverture économiques créent des distorsions importantes pour le développement des PME et de l’entreprenariat. De plus, la politique des PME est considérée comme un instrument important pour la politique industrielle et la diversification économique, mais on ne parle pas beaucoup du rôle des PME dans les services et les secteurs non industriels. Ainsi, les autorités algériennes pourraient élargir leur vision du rôle des PME à l’ensemble de l’économie et envisager les mesures de soutien nécessaires à la promotion de l’entreprenariat et des PME en dehors des activités industrielles.

Améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les entrepreneurs

L’indice des politiques en faveur des PME 2014 notait que l’Algérie avait intensifié ses efforts en matière de réforme réglementaire et de simplification administrative. Il mentionnait notamment l’existence de plusieurs groupes de travail interministériels visant à améliorer l’environnement des affaires, notamment dans le cadre du Conseil tripartite, formé par le gouvernement, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et de nombreuses associations du secteur privé (voir Chapitre 1, section 4). Cependant, l’absence de stratégie réglementaire claire et de mandats précis de simplification administrative entravaient ces efforts. De plus, il n’y avait pas eu d’efforts pilotes ou officiels pour introduire l’analyse d’impact réglementaire (AIR) ou le test PME.

La présente évaluation intermédiaire ne constate aucun progrès significatif dans ce domaine. En effet, selon les consultations menées, le gouvernement lève les contraintes qui nuisent à une croissance forte et soutenue par l’amélioration de l’environnement des affaires et des investissements en termes de procédures, délais et coûts, ainsi que par la mise en œuvre de politiques de promotion d’entreprises rénovées. Les consultations soulignent également le fait que la loi 1702 sur les PME vise à encourager la création et la compétitivité des PME et le rôle qui est donné aux autorités locales à cet égard. Cependant, comme indiqué ci-dessus, bien que la loi sur les PME constitue la base légale pour améliorer l’environnement commercial et réglementaire des PME, son approbation ne se traduit pas automatiquement par des résultats. En dernière analyse, selon Doing Business, l’Algérie continue d’avoir l’environnement des affaires le plus complexe parmi l’ensemble des économies MED.

Selon la présente évaluation intermédiaire, il n’est pas prévu d’introduire des mécanismes formels d’AIR (ex ante et ex post) et il n’y a donc pas d’indication de mise en place d’un test PME. Cet effort pourrait cependant être entrepris dans le contexte du Conseil national de consultation pour le développement de la PME (CNC) récemment créé et mentionné plus haut.

En termes d’efforts pour faciliter la création de nouvelles entreprises, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait appelé l’Algérie à introduire un numéro d’identification unique pour mieux exploiter les synergies entre les différentes institutions impliquées dans le processus d’enregistrement. L’introduction d’un tel numéro est actuellement envisagée dans le cadre de la mise en place d’un Système d’Information Economique des PME mandaté par la Loi 1702 sur les PME sous la responsabilité de l’ANDPME. Dans le cadre de ce système, les agences et institutions concernées seront tenues de fournir les différentes informations qu’elles ont sur les PME. Ces agences sont l’ONS, le Centre national du registre du commerce (CNCR), la CNAS, la CASNOS, l’administration fiscale, l’administration des douanes, la chambre de commerce et d’industrie, les associations bancaires et les établissements financiers.

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait également noté l’existence d’un système en d’enregistrement des entreprises en ligne, même si la plate-forme n’était accessible qu’aux notaires, lesquels pouvaient se connecter au portail du CNRC et, au nom de leurs clients, réserver un nom de société, insérer des résumés des statuts et publier l’inscription au Bulletin officiel des annonces légales. Les entrepreneurs pouvaient uniquement télécharger des formulaires de création d’entreprises à partir des sites internet du CNRC et de l’ANDI.

L’une des principales actions signalées par cette évaluation intermédiaire est la création en mai 2017 d’un portail électronique dédié à la création d’entreprises, qui est hébergé et géré par l’ANDPME qui en assure également la maintenance9. Le portail fournit des informations importantes pour la création d’une entreprise, que ce soit en tant que personne physique ou en tant que personne morale. La plateforme est accessible au public mais il faut encore choisir un notaire inscrit au CNRC pour effectuer toutes les formalités nécessaires à la création d’une entreprise de manière numérique. Le notaire est chargé de transférer les informations et les documents nécessaires aux différents organismes concernés par la procédure, à savoir le CNRC, le registre des impôts et la caisse de sécurité sociale (CNAS-CASNOS). À la fin du troisième trimestre 2018, environ 80 entreprises avaient été créées grâce au portail et environ 276 notaires étaient formés à l’utilisation du portail. Les obstacles à un déploiement plus large de cette initiative sont cependant le manque de reconnaissance des signatures électroniques et des paiements électroniques.

L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait également signalé les mesures prises pour renforcer le rôle des guichets uniques gérés par l’ANDI dans les 48 wilayas ou gouvernorats du pays. Toutefois, les guichets uniques ne disposaient que d’une capacité décisionnelle limitée et agissaient principalement en tant que points de contact initiaux uniques. Sur ce point, l’ANDI signale, dans cette évaluation intermédiaire, que les guichets uniques ont été réorganisés suite aux dispositions de la loi 16-09 sur l’investissement de 2016, avec l’introduction de la notion de « centres » chargés de la promotion et de la facilitation des investissements. Les implications de ces réformes pour la facilitation de la création d’entreprise ne sont cependant pas claires. Rien n’indique que les activités de promotion et de facilitation des investissements soient explicitement liées à la facilitation de la création de nouvelles entreprises à travers le territoire.

Comme en 2014, le cadre de la faillite reste le Code du commerce (ordonnance n°75-79) de 1975. Selon l’édition 2018 de Doing Business, l’Algérie conserve également un système de faillite relativement efficace avec une résolution relativement rapide (1,3 an, soit une durée plus courte que la moyenne de l’OCDE) et un coût de 7 % des actifs (soit également moins que les coûts de l’OCDE). Cependant, le taux de recouvrement est seulement de 50 cents par dollar, en-dessous des 71 cents de l’OCDE. L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 indiquait que les tribunaux algériens n’étaient généralement pas formés aux questions liées à la réorganisation des entreprises et qu’ils optaient donc souvent pour la liquidation, une situation pouvant conduire à la fermeture d’entreprises qui auraient pu survivre à la faillite. Par conséquent, la recommandation était que l’Algérie pourrait bénéficier de programmes de renforcement des capacités des juges en charge de l’insolvabilité. Sur ce point, le ministère de la Justice signale qu’il existe depuis 2000 des programmes de formation destinés à renforcer les compétences des juges en matière d’insolvabilité. Ces programmes sont axés sur le commerce en général, le droit des affaires, la faillite, l’arbitrage commercial international, etc. Selon les consultations, environ 25 magistrats suivent ces formations, en plus d’autres formations à l’étranger en partenariat avec des pays tels que la France et la Belgique. Le nombre total de juges bénéficiant de ces formations depuis 2012 est de 800, toujours selon les consultations. Pourtant, il n’y a pas de suivi des résultats concrets de ce programme, par exemple pour savoir si les formations ont entraîné moins de liquidations d’entreprises et de cessations d’activité, et plus de restructurations d’entreprises.

Pour aller plus loin : L’Algérie a toute la marge nécessaire pour continuer à améliorer son environnement des affaires, d’autant que le pays se classe au dernier rang dans la région en termes de Facilités de faire des affaires (166) et en termes de Facilités de créer une entreprise (145). L’Algérie pourrait saisir l’opportunité de la création du CNC comme plateforme multipartite pour adopter un système d’AIR officiel et/ou un test PME. En outre, afin de développer la création d’entreprises sur le nouveau portail électronique, les autorités pourraient travailler à la mise en place d’un système de paiement électronique et à la reconnaissance des signatures numériques afin que les entrepreneurs ne soient pas contraints d’utiliser uniquement les procédures physiques. Enfin, un meilleur suivi de l’efficacité du système de formation permettant aux juges de traiter avec les entreprises en difficulté pourrait être assuré. En effet, bien que l’Algérie se classe au deuxième rang dans la région MED sur cet aspect de Doing Business, elle reste à 71 sur l’échelle mondiale.

Favoriser l’accès au financement

Le cadre légal et réglementaire de l’accès au financement est resté pratiquement inchangé ces dernières années. Une réforme récente a été la modernisation, en septembre 2015, du Registre de crédit (Centrale de risques) qui inclut désormais des informations sur les ménages et le crédit à la consommation. Le Registre du crédit, qui a plus de 20 ans, est aujourd’hui mieux à même de gérer les risques pour le système financier et d’aider les ménages à éviter le surendettement, contribuant ainsi à l’expansion du crédit à la consommation. Toutefois, les dispositions du décret ayant conduit à cette réforme10 s’appliquent aux prêts de 60 mois maximum, ce qui implique que les prêts à plus long terme pouvant financer des investissements productifs réalisés par des entrepreneurs ou des petites entreprises ne sont pas inclus dans le registre des crédits. En outre, selon les consultations réalisées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, le Registre de crédit n’inclut que les prêts supérieurs à 2 millions de dirhams (près de 189 000 euros). Ce chiffre relativement élevé entraînerait l’exclusion de plusieurs entrepreneurs et microentreprises ayant accès à de plus petits prêts.

De plus, aucun effort n’est fait pour créer un bureau de crédit ou pour améliorer le registre des biens mobiliers. Cela indique que les progrès en matière d’accès à l’information sur le crédit demeurent limités par rapport au reste de la région.

En ce qui concerne la disponibilité des sources de financement, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 constatait que les systèmes de garantie de crédit étaient financés par des institutions publiques, des banques publiques et des donateurs internationaux et qu’il n’existait pas de marché privé pour ces systèmes. La présente évaluation intermédiaire n’a trouvé aucune réforme dans ce domaine. Les principaux acteurs sont toujours les organismes publics, le FGAR (Fonds de garantie des crédits aux PME) et la Caisse de garantie des crédits d’investissement (CGGI).

De même, les placements en actions pour les PME continuent d’être dominés par des dispositifs publics. Le plus important est le Fonds d’investissement des Wilayas (gouvernorats), qui est financé par des sources publiques et vise à soutenir l’entreprenariat des jeunes sur l’ensemble du territoire. Ce dispositif finance jusqu’à 49 % de l’investissement requis par l’entreprise et a une enveloppe totale de 48 milliards de DZD, soit 1 milliard de DZD par wilaya (environ 7 242 000 EUR). Le Fonds est géré par trois institutions financières de caractère public (Finalep, Sofinance et El Djazair Istithmar) et deux banques publiques (BEA et BNA). Le Fonds fournit du capital-risque ou capital de risque pour de nouvelles entreprises, comme capital de croissance ou pour la restructuration des entreprises afin d’assurer la survie des entreprises et les emplois qu’elles maintiennent.

Pour aller plus loin : Cette évaluation intermédiaire indique des progrès limités dans le financement des PME et des entrepreneurs. L’Algérie n’a pas encore prévu de créer de bureau de crédit ou de registre des biens mobiliers et l’État continue de jouer un rôle dominant dans la fourniture de financements par le biais de garanties de crédit ou de financements directs. En outre, bien que les consultations menées dans le cadre de cette évaluation aient révélé un certain nombre de décrets et de dispositions juridiques visant à faciliter l’accès au financement, il n’y a aucune preuve de la mise en œuvre ou de l’impact de ces dispositions. L’Algérie pourrait donc prendre une série de mesures pour favoriser la participation des acteurs privés au marché du financement des PME, notamment par le biais de la création de bureaux de crédit et d’agences de notation, de garanties de crédit, ainsi que de capital-risque et business angels. Le pays pourrait également mieux suivre l’impact des dispositions légales sur l’accès effectif des PME et des entrepreneurs au financement.

Favoriser l’entreprenariat et la croissance des PME

Il n’y a pas eu de changements significatifs dans la fourniture de services d’appui aux entreprises (SAE) depuis l’Indice des politiques en faveur des PME 2014. Le principal acteur sur le marché des SAE reste le ministère de l’Industrie et des Mines à travers son programme phare, le Programme national de mise à niveau, mis en œuvre par l’ANDPME depuis 2010. Le programme fournit une formation technique et une assistance à la compétitivité des PME, notamment en soutenant les investissements matériels et immatériels dans les domaines de la normalisation, la certification de qualité, la propriété intellectuelle et industrielle, les TIC ou encore les équipements spéciaux. L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 et le site web du Programme national de mise à niveau notent que l’objectif à atteindre était de 20 000 entreprises bénéficiaires au cours de la période 2010-2014. Pourtant, selon les consultations réalisées pour les besoins de la présente évaluation, le nombre total d’adhérents est tout juste supérieur à 5 300 entreprises et il n’y a aucune preuve de l’impact de ce programme sur la compétitivité de ces entreprises. En outre, le deuxième programme mentionné par l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 (Programme de soutien aux PME ou PME II), axé sur la promotion de l’utilisation des TIC dans les PME ayant un potentiel de croissance, n’est plus opérationnel.

En revanche, l’accès aux marchés publics pour les PME continue d’être un domaine plutôt positif de la politique publique en faveur des PME. Le décret 15-247 du 16 septembre 2015 réglementant les marchés publics réserve en effet un quota de 20 % de ce marché aux PME. Le décret stipule également qu’une entreprise ayant obtenu un marché public peut en sous-traiter jusqu’à 40 % à d’autres entreprises, ce qui permet aux PME de participer indirectement à ce marché important. Il n’existe toutefois pas de chiffres sur l’impact de ce décret sur le développement des PME et il n’existe pas non plus de système de passation électronique des marchés publics.

En termes d’internationalisation des PME, un certain nombre de plateformes de diffusion d’informations sur les marchés étrangers continuent de fonctionner, notamment la Compagnie algérienne d’assurance et de garantie des exportations (CAGEX), l’Agence algérienne de promotion du commerce extérieur (ALGEX), le Bureau de promotion du commerce extérieur (PROMEX) et la Chambre de Commerce et d’Industrie Algérienne (CACI). En outre, selon ALGEX, une stratégie nationale de promotion des exportations incluant la participation de plusieurs ministères et une coordination assurée par un comité est en cours d’élaboration dans le but d’éliminer les obstacles logistiques, administratifs et techniques au commerce international11. Néanmoins, il n’y a pas de lien clair entre la stratégie et la promotion directe des exportations des PME et plusieurs des secteurs identifiés comme prioritaires sont à assez forte intensité de capital ou dominés par les grandes entreprises (industrie chimique, industrie pharmaceutique, matériaux de construction, électronique, etc.).

Pour aller plus loin : Cette évaluation intermédiaire constate que, bien que la plupart des mécanismes et initiatives de croissance des PME identifiés par l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 continuent de fonctionner, il n’y a pas de nouvelles initiatives. L’Algérie pourrait donc redoubler d’efforts pour élargir le marché des services d’appui aux entreprises au-delà des initiatives fournies par les institutions publiques et en particulier le Programme national de mise à niveau. En effet, on ne dispose d’aucun élément sur le rôle éventuel joué par des fournisseurs privés de services d’appui aux entreprises. De plus, aucun progrès n’est constaté non plus dans le domaine de la promotion de l’internationalisation des PME et l’Algérie ne fait pas encore partie du réseau européen des entreprises (Europe Enterprise Network). Enfin, les autorités pourraient assurer le suivi et la publication des faits et chiffres sur l’impact des mesures visant à promouvoir l’accès des PME aux marchés publics et elles pourraient également travailler à la mise en place d’un système électronique de passation des marchés publics.

Investir dans le capital humain entrepreneurial

En termes d’apprentissage entrepreneurial dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, le Plan d’action du gouvernement12 fait référence à l’introduction du « savoir-faire entrepreneurial » dans l’enseignement général à travers le développement de projets d’étudiants et les visites d’entreprises. Pour la formation professionnelle, le plan d’action vise à former les jeunes pour mieux les préparer au monde professionnel et à la création d’entreprise. Un accord-cadre a été signé en 2014 entre le ministère de l’Enseignement et de la Formation professionnels, 14 départements ministériels et des partenaires sociaux. L’Institut national de la formation et de l’enseignement professionnels a développé un module de formation « Feuille de route pour entrepreneurs » destiné aux écoles.

Dix ans après la réforme du système éducatif en 2008, l’apprentissage entrepreneurial en tant que compétence clé n’est toujours pas suffisamment intégré dans les programmes de l’’enseignement secondaire (général et professionnel). Néanmoins, la formation professionnelle a progressé dans ce domaine grâce au renforcement progressif du partenariat entre les écoles professionnelles et les entreprises et à la mise en place d’un cadre juridique de l’apprentissage.

Le dialogue politique au niveau national sur l’intégration de l’entreprenariat est à un stade initial et n’a pas encore débouché sur un plan d’action concret. Il serait pertinent de créer un groupe de travail pluridisciplinaire comprenant les différents ministères concernés, les organisations d’employeurs, les entrepreneurs, les enseignants, la société civile, et d’identifier un leader.

Plusieurs actions ont été menées pour promouvoir l’entreprenariat féminin depuis 2013. Le Plan gouvernemental 2017 vise à soutenir les femmes entrepreneurs, en particulier dans les zones rurales. La Charte de la femme travailleuse de 2014 reconnaît l’importance des campagnes de sensibilisation et des programmes de soutien, y compris la formation. Le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la Femme prépare un plan d’action sur l’entreprenariat féminin.

Des programmes de formation pour les femmes sont également disponibles au niveau régional, ainsi que des campagnes de sensibilisation comme la Caravane des Wilayas. Mais l’offre est souvent dispersée et se concentre sur la phase de démarrage. L’Agence Nationale de Microcrédit (ANGEM) et l’ANSEJ soutiennent les femmes indépendantes et les femmes entrepreneurs. Plusieurs modules de formation ont été développés dans le cadre du projet « Women for Growth » soutenu par l’Organisation internationale du travail (OIT) : Gérez mieux votre entreprise (GERME) et Get Ahead (Aller de l’avant).

Dans le contexte de la nouvelle loi sur les PME, la formation à l’internationalisation des PME devrait jouer un rôle important. L’offre de programmes de formation est dispersée et les informations concernant cette offre sont parcellaires. La Chambre de commerce et d’industrie algérienne et AlGEX offrent des cours et soutiennent la participation des entreprises aux foires internationales. Mais le contenu des programmes de formation n’est pas suffisamment adapté aux PME, qui bénéficieraient davantage du renforcement des capacités en matière de procédures, de conditionnement, de risques, de règles d’origine, etc.

Pour aller plus loin : L’apprentissage de l’entreprenariat en tant que compétence clé devrait être mieux intégré dans les établissements d’enseignement secondaire. Des campagnes de sensibilisation avec les enseignants et les directeurs d’école pourraient être utiles, ainsi que l’augmentation du nombre de partenariats entre écoles et entreprises locales. Les actions systémiques pour soutenir la formation des femmes entrepreneurs peuvent s’appuyer sur les documents de politique qui ont été élaborés, ce qui devrait être l’occasion de proposer une offre plus cohérente et de développer des modules qui soutiennent les entreprises au-delà de la phase de démarrage. Les programmes de formation pour soutenir l’internationalisation des PME pourraient être améliorés en entreprenant une cartographie des besoins et en se concentrant sur les secteurs à fort potentiel d’exportation tels que l’agroalimentaire. Les institutions qui dispensent ce type de formation bénéficieraient également du renforcement des capacités pour améliorer leur offre.

Recommandations pour l’avenir

La mise en place de la loi sur les PME et la mise en œuvre de certaines des actions prévues par cette loi constituent une première étape importante pour l’Algérie en vue d’améliorer la coordination et l’efficacité de ses politiques publiques, comme le recommandait l’Indice des politiques en faveur des PME 2014. Malheureusement, au-delà de la loi sur les PME et l’établissement du CNC, la présente évaluation intermédiaire ne constate aucun progrès substantiel dans les domaines politiques analysés. En conséquence, ce rapport recommande les actions suivantes :

  • Élaborer une stratégie globale et pluriannuelle pour les PME, comprenant des mesures visant à remédier aux facteurs structurels et aux distorsions empêchant le développement du secteur privé. Cette stratégie pourrait adopter une perspective plus large dépassant la focalisation étroite actuelle sur les activités industrielles ; ceci est particulièrement pertinent compte tenu des avantages comparatifs des PME dans des secteurs tels que le tourisme, le commerce et les services, ainsi que les activités innovantes.

  • Utiliser le CNC comme plate-forme pour l’amélioration de l’environnement des affaires et, en particulier, la mise en place d’un mécanisme d’AIR et du test PME.

  • Favoriser une plus grande participation du secteur privé au financement des PME et des entrepreneurs. Cela inclut un certain nombre d’actions allant de la création d’un ou plusieurs bureaux de crédit (avec leurs services connexes, tels que les notations de crédit), jusqu’à la création d’un registre des biens mobiliers, en passant par l’introduction d’outils et de sources de financement (garanties de crédit, fonds de capital-risque, réseaux de business angels, etc.).

  • Encourager une plus grande participation du secteur privé à la fourniture de services d’appui aux entreprises, lesquels sont jusqu’ici dominés par quelques dispositifs et acteurs publics.

  • Faciliter davantage l’accès des PME aux marchés publics et aux marchés internationaux, et mieux suivre l’impact des lois et mesures existantes dans ces domaines.

  • Créer un groupe de travail pluridisciplinaire (comprenant les différents ministères concernés, les organisations d’employeurs, les entrepreneurs, les enseignants, la société civile) pour promouvoir l’entreprenariat comme compétence clé.

  • Élaborer un plan d’action pour mettre en œuvre le Plan gouvernemental 2017 en faveur des femmes entrepreneurs.

  • Identifier les secteurs à fort potentiel d’exportation, tel que l’agroalimentaire, et concevoir des offres de formation spécifiques.

Notes

← 1. Journal officiel de la République algérienne n°2, 11 février 2017 et www.droit-afrique.com/uploads/Algerie-Loi-2017-02-orientation-developpement-pme.pdf

← 2. http://www.ons.dz and www.mdipi.gov.dz/?Bulletin-de-veille-statistique

← 3. Site internet du Premier ministre, rubrique sur le développement économique www.premier-ministre.gov.dz/fr/ en particulier www.premier-ministre.gov.dz/ressources/front/files/pdf/politiques/industrie-mines.fr.pdf

← 4. www.premier-ministre.gov.dz/fr/gouvernement/politiques-publiques/developpement-economique/

← 5. http://www.mdipi.gov.dz/IMG/pdf/mise_a_niveau_des_pme.pdf

← 6. Compte d’affectation spéciale n° 302-124 intitulé « Fonds national de mise à niveau des PME, d’appui à l’investissement et de promotion de la compétitivité industrielle ».

← 7. https://www.afdb.org/fr/projects-and-operations/project-portfolio/p-dz-kf0-002/

← 8. http://www.aps.dz/economie/66584-industrie-un-plan-d-action-pour-le-developpement-de-la-pme-pour-2018 et https://afrique.latribune.fr/economie/strategies/2017-12-06/algerie-le-gouvernement-devoile-les-axes-de-son-plan-d-action-pour-le-developpement-des-pme-760501.html

← 9. https://www.jecreemonentreprise.dz/index.php?lang=fr

← 10. Publié au Journal officiel n° 24 du 13 mai 2015F

← 11. http://www.algex.dz/index.php/blog-export/item/1074-la-strategie-nationale-des-exportations-sne-la-2eme-consultation-les-29-et-30-janvier-2018-au-siege-d-algex

← 12. Gouvernement algérien (2017), Plan d’action du gouvernement de la mise en œuvre du programme du président de la République, Service du premier Ministre, www.premier-ministre.gov.dz/ressources/front/files/pdf/plans-d-actions/plan-d-action-du-gouvernement-2017-fr.pdf.

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