Chapitre 3. Quel est le juste niveau de salaire des alternants ?

Ce chapitre traite de la question de la rémunération des alternants. Sont examinés les processus de fixation des salaires dans un certain nombre de pays de l’OCDE, ainsi que les facteurs, parmi lesquels les coûts de la formation, les gains de productivité, la concurrence des autres filières et voies d’accès à l’emploi, qui ont une incidence sur les revenus des alternants. Le rapport coûts-avantages y est étudié du point de vue des employeurs, ainsi que des jeunes et des adultes intéressés par une formation en alternance. Des mesures spécifiques doivent être envisagées pour faire en sorte que l’alternance soit financièrement intéressante pour les travailleurs plus âgés.

    

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

Problématiques et défis

Les responsables de l’action publique n’ont qu’une influence limitée sur les salaires des alternants

La question des salaires des alternants diffère des autres sujets traités dans le présent rapport, car les pouvoirs publics n’ont, dans ce domaine, qu’une influence relativement limitée. Les salaires des alternants sont en règle générale fixés dans le cadre d’une négociation collective ou individuellement entre l’employeur et l’alternant, et rarement par la loi. L’État dispose en revanche de plusieurs leviers pour influer sur les salaires. Il peut notamment fixer un salaire minimum pour les alternants, accorder aux employeurs des incitations financières afin d’alléger leurs coûts salariaux (chapitre 2 pour de plus amples informations) ou bien offrir aux alternants d’autres aides financières pour les inciter à revoir leurs prétentions salariales à la baisse. L’analyse présentée ci-après peut également éclairer les parties associées à une négociation collective ainsi que les employeurs.

Les salaires des alternants influent sur le nombre de places de formation proposées par les employeurs

Pour un employeur qui accueille des alternants, les salaires constituent la part la plus importante des coûts qu’il supporte, ce qui en fait l’un des principaux facteurs du rapport coûts-avantages de l’alternance pour l’entreprise. Même dans les pays où ils sont relativement faibles (comme en Allemagne, en Autriche et en Suisse, tableau 3.1), les salaires des alternants représentent entre la moitié et les deux tiers du coût total de l’alternance. Dans de nombreux autres pays, les données sont fragmentaires, mais la part salariale des alternants est probablement plus importante encore, notamment lorsque les niveaux de salaires sont relativement élevés. Une étude menée aux États-Unis a ainsi montré que les salaires des alternants (et les avantages annexes) comptent pour 70 % du coût de l’alternance (Helper et al., 2016[1]).

Tableau 3.1. Salaires des alternants dans certains pays de l’OCDE

Pays

Salaires moyens des alternants en % des salaires des travailleurs qualifiés

Salaires versés par les employeurs durant la période d’enseignement théorique

Part des salaires des alternants dans le coût total de l’alternance pour l’employeur

Autriche

50 % en moyenne

Oui

57 % la première année, 72 % la troisième année

(Schlögl et Mayerl, 2016[2])

Danemark

30 à 70 %

Non1

n. d.

Allemagne

25 à 33 %

Oui

62 % environ

Norvège

30 à 80 %

Non

n. d.

Suisse

20 % en moyenne

Oui

50 % environ (Strupler, Wolter et Moser, 2012[3])

a. d. = non disponible

1. Au Danemark, durant les périodes d’enseignement théorique, les alternants sont rémunérés grâce à un fonds pour la formation.

Source : Kuczera, M. (2017[4]), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 153, https://doi.org/10.1787/995fff01-en.

Les salaires des alternants contribuent à rapprocher l’offre de la demande

Tout comme sur le marché du travail classique, les salaires proposés aux alternants agissent comme un signal adressé aux candidats potentiels, rendant certains choix plus attractifs que d’autres et contribuant à rapprocher l’offre de la demande. Il ressort des travaux de recherche que les salaires des alternants ont une incidence sur la perception du statut d’une profession donnée chez les alternants potentiels (Ulrich, 2016[5]). En théorie, si un employeur fait face à des difficultés de recrutement sur certains métiers ou peine à attirer des candidats à l’alternance, il sera disposé à offrir des salaires plus élevés. Ces signaux peuvent émaner des entreprises (en Suisse par exemple, où les salaires des alternants sont essentiellement déterminés par le marché, certains organismes de branche formulent des recommandations concernant les salaires minimum), mais les travaux de recherche montrent que les salaires des alternants sont, dans une large mesure, soumis aux forces du marché (Mühlemann, Ryan et Wolter, 2013[6]). Les salaires des alternants peuvent aussi faire l’objet d’une négociation au niveau sectoriel, de la même manière que les salaires des travailleurs qualifiés sont définis dans le cadre de conventions collectives. C’est le cas dans plusieurs pays qui appliquent un salaire minimum garanti pour les alternants, par profession et par secteur (tableau 3.2). Ces dispositifs laissent cependant à chaque entreprise le choix d’offrir des salaires plus élevés pour attirer de meilleurs candidats.

Tableau 3.2. Modalités de fixation du salaire minimum des alternants

Pays

Échelon chargé de fixer le salaire minimum des alternants

Australie

Secteurs aux échelons national et régional et entreprises dans certains cas

Autriche

Secteurs à l’échelon régional

Danemark

Secteurs

Angleterre (Royaume-Uni)

Échelon national

Allemagne

Secteurs à l’échelon régional

Pays-Bas

Secteurs

Norvège

Secteurs à l’échelon national

Écosse (Royaume-Uni)

Échelon national

Suisse

Pas de réglementation mais certains organismes de branche formulent des recommandations, qui sont appliquées par les employeurs

Source : Kuczera, M. (2017[4]), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 153, https://doi.org/10.1787/995fff01-en.

Proposer des salaires plus élevés peut inciter davantage d’adultes à opter pour l’alternance

Les adultes sont particulièrement attentifs à l’évolution de leurs salaires, car ils doivent subvenir à leurs propres besoins et sont souvent chargés de famille. Dans les pays qui souhaitent promouvoir l’alternance chez les adultes, la question de savoir si les candidats potentiels auront les moyens de s’engager dans ce type de formation dépendra en grande partie des niveaux de salaires qui leur seront proposés. L’alternance chez les adultes est plus ou moins développée selon les pays et peut évoluer dans le temps. Ainsi, en Allemagne et en Suisse, où les jeunes sont historiquement au cœur du dispositif, depuis quelques années, les adultes sont de plus en plus encouragés à se tourner vers l’alternance. En Israël, l’alternance est utilisée à petite échelle, mais les autorités ont récemment mis en œuvre des réformes ambitieuses afin de développer cette filière pour former des personnes sans emploi et peu qualifiées. Une des solutions pour faire en sorte que les dispositifs de formation en alternance ciblent davantage d’adultes peut passer par une réévaluation des salaires des alternants adultes (et, plus généralement, de leur revenu).

Les salaires des alternants devraient prendre en compte le rapport coûts-avantages de l’alternance selon les cas de figure

Les salaires des alternants représentent la part la plus importante des coûts de l’alternance pour les employeurs. Leur niveau a donc une incidence sur la propension des entreprises à accueillir des alternants. Il faut fixer les salaires à un niveau qui, une fois tous les autres coûts pris en compte (salaire du formateur, matériels de formation et coûts administratifs), permet à l’employeur d’espérer pouvoir compenser le coût total de l’alternance par le travail productif des alternants et la perspective de recruter les éléments les plus compétents à des postes de travailleurs qualifiés.

Une modulation des salaires des alternants en fonction des professions est souhaitable, car le rapport coûts-avantages de l’apprentissage pour les employeurs est différent selon les professions et parce que cela contribue à rapprocher l’offre de la demande.

  • Les pouvoirs publics ne devraient pas imposer un même niveau de salaire pour l’ensemble des alternants (même si l’instauration de salaires minimums peut aider à prévenir tout risque d’exploitation). Les dispositifs de fixation des salaires devraient en revanche prévoir la possibilité d’adapter les salaires selon les secteurs et les professions.

  • Les salaires devraient également être revalorisés tout au long de la période d’alternance, à mesure que l’alternant gagne en compétences et que sa productivité augmente.

Argument n° 1 : les coûts et les avantages de l’alternance varient selon les professions

Les coûts de formation ne sont pas les mêmes selon les professions

L’alternance nécessite que des travailleurs qualifiés renoncent à une activité productive et qu’ils soient rémunérés pour le temps qu’ils consacrent à la formation des alternants. Les salaires de ces travailleurs qualifiés varient en fonction des professions exercées, tout comme les coûts de formation correspondants. Les autres coûts sont liés à l’équipement et au matériel que les alternants utilisent pour apprendre et pratiquer. Ces coûts sont plus élevés dans les métiers techniques que dans les métiers de services.

Les avantages pour les employeurs durant la période d’alternance diffèrent selon les professions

Les employeurs se contentent de payer les salaires de leurs alternants en partie seulement parce que les coûts salariaux sont, dans une certaine mesure, compensés par le travail productif des alternants, lesquels contribuent à la productivité de l’entreprise dès le premier jour par l’exécution de tâches simples, comme l’épluchage des pommes de terre ou le nettoyage de l’atelier (voir le chapitre 5 sur l’éventail des tâches). À mesure que les alternants se perfectionnent et gagnent en compétences, les entreprises peuvent leur confier des tâches exigeant davantage de qualifications.

L’avantage productif apporté par les alternants est fonction du coût pour l’entreprise d’un employé permanent affecté au même poste. Autrement dit, l’avantage pour l’employeur dépend en partie des salaires qu’il verse à ces employés permanents. Par exemple, lorsqu’un apprenti technicien chimiste prépare un rapport technique (c’est-à-dire exécute une tâche nécessitant une qualification) qu’un technicien qualifié mettrait une heure à rédiger, les avantages tirés du travail de l’apprenti sont équivalents au salaire horaire du technicien qualifié. Si, d’un autre côté, l’apprenti réalise une tâche simple (nettoyer un laboratoire, par exemple), les avantages seront équivalents au salaire d’un ouvrier non qualifié, le salaire minimum en règle générale. Les salaires des travailleurs qualifiés varient selon les professions, tout comme les avantages générés par les alternants.

Le graphique 3.1 illustre l’évolution du rapport coûts-avantages au cours d’une formation en alternance en fonction des domaines professionnels en Allemagne. Une des principales raisons qui poussent un employeur à accueillir des alternants, malgré des coûts supérieurs aux avantages durant la période d’alternance, est l’économie qu’il peut réaliser sur ses coûts de recrutement. Le graphique 3.1 ne rend cependant pas compte de ces avantages qui peuvent faire pencher le rapport coûts-avantages au bénéfice des employeurs.

Graphique 3.1. Coûts et avantages moyens par alternant durant une formation en alternance en Allemagne (EUR)
Par domaine de formation, 2012/13
picture

Source : Adapté de Mühlemann, S (2016[7]), « The cost and benefits of work-based learning », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n° 143, https://doi.org/10.1787/5jlpl4s6g0zv-en.

 StatLink https://doi.org/10.1787/888933869317

La productivité des alternants évolue différemment selon les professions

Un alternant ne produit pas un travail de même qualité et aussi vite qu’un travailleur qualifié, en particulier en début d’alternance. Toutefois, sa productivité, par comparaison avec celle d’un travailleur qualifié, progresse tout au long du programme, à un rythme qui varie en fonction des professions (chapitre 4) : dans certaines professions, les alternants peuvent être productifs assez rapidement, tandis que dans d’autres cas, une longue période de formation sera nécessaire avant qu’ils ne puissent contribuer à la production de l’entreprise. Les salaires des alternants sont généralement revalorisés selon une grille prédéfinie durant la période de formation afin de rendre compte de l’amélioration de leur productivité.

L’évolution des salaires des alternants n’est pas strictement corrélée à celle de leur productivité, mais les coûts salariaux (et autres) et les avantages productifs doivent soit se compenser globalement sur toute la période d’alternance, soit s’équilibrer à long terme une fois pris en compte les avantages liés au recrutement. Par exemple, il ressort des données relatives à l’Allemagne et à la Suisse qu’en début d’alternance, les salaires des alternants sont supérieurs à leur productivité. Durant cette période, les alternants passent beaucoup de temps en formation et leur travail productif consiste principalement en des tâches ne nécessitant pas de compétences particulières. La situation s’inverse en fin de formation, les alternants étant payés en deçà de leur productivité. Selon les estimations, la productivité des alternants en Suisse est égale à 70 % de celle des travailleurs qualifiés au cours de la dernière année d’alternance, tandis que leur salaire représente 20 à 30 % du salaire des travailleurs qualifiés (CSRE, 2011[8] ; Office fédéral de la statistique (OFS), 2016[9]). La période finale compense donc l’investissement initial.

Argument n° 2 : les avantages pour les employeurs à l’issue de la période d’alternance varient selon la profession et la taille de l’entreprise

Les entreprises seront probablement plus attentives aux niveaux de salaires si elles n’envisagent pas de recruter les alternants diplômés à des postes de travailleurs qualifiés

Lorsqu’un employeur voit dans l’alternance un moyen de recruter du personnel qualifié, il peut espérer amortir son investissement en embauchant les meilleurs alternants et, ainsi réaliser des économies sur ses coûts de recrutement. Dans ce cas, les entreprises peuvent être enclines à offrir des salaires plus élevés à leurs alternants. Les données concernant l’Allemagne et la Suisse indiquent que cette tendance s’observe dans les grandes entreprises et dans les entreprises où les besoins en compétences techniques sont élevés (Kuczera, 2017[4] ; Mühlemann, 2016[7]). Mais lorsqu’une entreprise n’envisage pas de proposer un poste à un alternant à l’issue de sa période de formation, ou bien si elle n’est pas certaine de pouvoir le faire, elle s’emploiera à rentrer dans ses frais avant la fin de la période d’alternance. Les employeurs seront par conséquent plus attentifs aux niveaux de salaires qu’ils proposent.

Les salaires devraient aussi tenir compte des caractéristiques des alternants et des priorités de l’action publique

Les salaires des alternants doivent être suffisamment bas pour inciter les entreprises à proposer des contrats d’alternance, mais assez élevés aussi pour attirer des candidats. Du point de vue des alternants potentiels, l’attractivité du salaire proposé est fonction de leurs besoins et des autres voies d’accès à l’emploi qui s’offrent à eux.

  • Lorsque les salaires sont bas, les pouvoirs publics devraient faire en sorte que les jeunes alternants bénéficient en compensation d’avantages substantiels sous la forme d’une offre de formation de qualité au sein des entreprises.

  • Lorsque les politiques publiques visent à promouvoir l’alaternance chez les adultes, il convient de mettre en œuvre des mesures afin de garantir des revenus suffisants aux alternants pour que cette filière soit accessible aux adultes. Il faut, pour ce faire, s’appuyer sur une analyse des coûts et des avantages de tel ou tel groupe cible (selon le niveau d’emploi, en fonction de l’âge, etc.) et prévoir, en plus du salaire, des aides financières ciblées sur les adultes en alternance.

Argument n° 1 : le salaire optimal dépend des coûts des autres filières d’enseignement et des débouchés qu’elles offrent

Les alternants seront plus disposés à accepter des salaires plus bas s’ils espèrent un retour sur investissement satisfaisant

Lorsqu’un jeune relevant encore du système de formation initiale, ou un adulte à la recherche d’une amélioration de sa situation professionnelle, envisage différentes options, l’une des principales questions qu’il se pose concerne les coûts engagés par rapport aux perspectives de carrière, notamment les chances de trouver un emploi, les conditions de travail et les salaires, ou plus précisément, les attentes et perceptions au regard de ces retombées (l’orientation professionnelle et l’information sur les métiers sont traités au chapitre 7).

Les données comparatives internationales concernant les résultats de l’alternance par rapport aux autres de filières sont fragmentaires. Mais l’Enquête sur les compétences des adultes, menée dans le cadre du Programme international pour l’évaluation des compétences des adultes (PIAAC) fournit quelques indications sur les résultats observés en Allemagne, en Autriche, au Canada, au Danemark, et en Norvège (graphique 3.2). Ces résultats tiennent compte du niveau des compétences de base, de sorte que les différences constatées dans ce domaine n’ont pas d’incidence sur le rendement observé sur le marché du travail. Dans chacun des cinq pays étudiés, les diplômés des filières en alternance ont moins de risques de se retrouver au chômage que les personnes n’ayant pas suivi un deuxième cycle de l’enseignement secondaire, et autant de probabilités de trouver un emploi que les personnes qui ont suivi un cursus d’enseignement post-secondaire (Kuczera, 2017[4]). Les retombées sur le plan salarial sont également prometteuses : dans les cinq pays considérés, les salaires des jeunes alternants diplômés sont supérieurs à ceux d’adultes comparables ayant suivi un deuxième cycle de l’enseignement secondaire général (mais pas d’études supérieures). Il semble cependant que les diplômés des filières en alternance perçoivent des salaires inférieurs à ceux des personnes ayant fréquenté un établissement d’enseignement post-secondaire ou supérieur, sauf au Canada et en Norvège où les écarts ne sont pas significatifs d’un point de vue statistique (Kuczera, 2017[4]).

Ces avantages sur le plan salarial peuvent résulter de divers facteurs, outre l’incidence des études suivies sur l’acquis professionnel. Certains écarts de salaires peuvent s’expliquer par des différences préexistantes entre les élèves selon le cursus d’enseignement suivi. Par exemple, ceux qui poursuivent des études universitaires peuvent avoir, dès le départ, des compétences théoriques plus solides que ceux qui se tournent vers une formation par apprentissage. Même s’ils ne développent pas plus avant ces compétences au cours de leurs cursus, les diplômés de l’université toucheraient au final de meilleurs salaires et le fait qu’ils soient titulaires de diplômes de niveau supérieur peut attester de ces compétences aux yeux des employeurs. Certains diplômés issus de l’alternance poursuivent des études supérieures (ils sont par exemple environ 10 % en Allemagne). Leur avantage salarial s’explique à la fois par le fait qu’ils ont suivi un cursus d’enseignement post-secondaire et tertiaire mais aussi une formation en alternance. Compte tenu de ces biais, il est difficile d’estimer les retombées potentielles aux étapes clés, par exemple pour un élève avec des résultats scolaires probablement moyens ou faibles décidant soit de poursuivre un deuxième cycle dans l’enseignement secondaire général, soit d’opter pour l’alternance.

Graphique 3.2. L’avantage salarial des alternants diplômés
16-35 ans non scolarisés et ne suivant aucune formation, par niveau de qualification le plus élevé (hors diplômes étrangers)
picture

Note : Coefficients de la régression des moindres carrés ordinaires des salaires horaires logarithmiques. Coefficients ajustés pour tenir compte des compétences en mathématiques, de l’âge, du sexe et de la taille de l’entreprise. Les valeurs extrêmes (salaires supérieurs au 99centile ou inférieurs au 1er centile) ont été éliminées. Les cursus d’enseignement post-secondaire et supérieur correspondent aux programmes de niveau 4A et B, 5 et 6 de la CITE. Le deuxième cycle de l’enseignement secondaire général correspond aux programmes de niveau 3 de la CITE supérieurs à deux ans et aux programmes de niveau 4C de la CITE qui ne sont pas des programmes d’EFP. Pour la définition des diplômés des filières d’apprentissage, se reporter à l’annexe A. n. s. : résultat non significatif sur le plan statistique (p > 0.05).

Source : Kuczera, M., (2017[4]) « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n ° 153, https://doi.org/10.1787/995fff01-en.

 StatLink https://doi.org/10.1787/888933869336

Le graphique 3.2 montre le salaire des alternants diplômés comparé aux personnes ayant opté pour d’autres filières d’enseignement. Par exemple, en Norvège, la barre bleu foncé indique que les alternants diplômés gagnent 7 % de plus que les personnes qui possèdent un niveau de qualification correspondant au deuxième cycle de l’enseignement secondaire général. La barre bleu clair montre que les alternants diplômés gagnent 14 % de plus que les personnes dont le niveau de qualification est inférieur ou égal au premier cycle de l’enseignement secondaire. La barre en bleu moyen avec la mention « n. s. » indique que les données ne présentent pas de différence significative d’un point de vue statistique entre les salaires des alternants diplômés et les salaires des diplômés de l’enseignement post-secondaire ou supérieur.

Les formations en alternance doivent soutenir efficacement la concurrence avec les autres filières d’enseignement

Les individus ne choisiront une formation en alternance que si les avantages qu’ils en espèrent (de meilleures perspectives d’emploi, de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail) justifient les coûts engagés. De plus, pour attirer des candidats, les cursus en alternance doivent faire aussi bien, pour ce qui est du retour sur investissement, que les autres filières. Les cursus possibles varient en fonction de chaque pays et du contexte. Lorsque l’alternance relève du deuxième cycle de l’enseignement secondaire (comme dans la plupart des pays européens), les filières d’enseignement professionnel ou général en milieu scolaire constituent l’alternative la plus probable. Dans les pays où l’alternance fait partie de l’enseignement de base (comme aux États-Unis), les élèves peuvent opter pour l’enseignement post-secondaire ou bien entrer sur le marché du travail. Les avantages et les coûts seront différents selon la solution retenue.

La concurrence des formations gratuites dispensées dans les établissements d’enseignement peut tirer à la hausse les salaires des alternants

Dans les pays où l’alternance est en concurrence avec des formations organisées en milieu scolaire, des salaires plus élevés peuvent contribuer à attirer davantage de jeunes vers cette filière. En Autriche et en Suisse, par exemple, les dispositifs d’alternance sont relativement similaires au regard des normes internationales. Une différence importante est qu’en Autriche, les jeunes ont la possibilité d’opter pour le système de formation professionnelle en milieu scolaire, alors qu’en Suisse, les formations dispensées dans les établissements scolaires sont relativement peu nombreuses. Les chercheurs estiment qu’en Suisse, les jeunes qui se tournent vers la formation professionnelle acceptent des salaires relativement faibles et choisissent l’alternance comme la principale voie d’accès à un emploi qualifié. À l’inverse, en Autriche, le système d’alternance est en concurrence avec les filières d’enseignement professionnel en milieu scolaire, ce qui tire vers le haut les salaires des alternants (Moretti et al., 2017[10]).

Les alternants potentiels seront peut-être moins regardants sur les salaires si les autres options impliquent des frais de scolarité

Si les autres formations comparables impliquent des frais de scolarité, l’alternance, même dans les cas où les salaires sont relativement bas, peut s’avérer financièrement intéressante. Par exemple, aux États-Unis, les partisans de l’alternance font souvent valoir que cette filière représente une alternative à l’université, et permet d’acquérir des compétences professionnelles sans s’endetter. L’enseignement post-secondaire suppose des frais de scolarité, alors que l’enseignement en classe dispensé dans le cadre d’une formation en alternance est généralement gratuit pour les alternants, dans la mesure où il est soit assuré au sein de l’entreprise soit les frais de scolarité dans les community colleges sont pris en charge par l’employeur (Helper et al., 2016[1]).

Argument n° 2 : le salaire optimal sera supérieur pour les adultes en alternance

Les adultes en alternance ont des attentes salariales plus élevées

Le salaire de réserve (c’est-à-dire le salaire minimum qu’un alternant potentiel serait prêt à accepter) dépend à la fois de facteurs liés à l’environnement (comme les tensions sur le marché du travail) et de caractéristiques qui lui sont propres. Les salaires de réserve des jeunes sont moins élevés parce que leurs besoins immédiats sont faibles s’ils habitent encore chez leurs parents, parce qu’ils espèrent valoriser leur investissement dans une formation en alternance sur l’ensemble de leur carrière et parce que, généralement, l’alternative à l’alternance est une formation en milieu scolaire, non rémunérée. Pour les adultes en revanche, l’alternative la plus probable à l’alternance est un emploi à temps plein (ou la perspective d’en trouver un) avec au minimum un salaire de travailleur non qualifié. Les adultes doivent la plupart du temps subvenir à leurs propres besoins et sont souvent chargés de famille. C’est la raison pour laquelle ils ne peuvent pas se contenter d’un salaire d’alternant, relativement faible, pendant plusieurs années. De plus, leur vie active est moins longue que celle des jeunes ; ils disposent donc de moins de temps pour rentabiliser leur investissement (Mühlemann, à paraître[11]). Combinés, ces facteurs expliquent que de nombreux adultes ne peuvent se permettre d’envisager la voie de l’alternance que si les salaires qu’ils percevront durant leur période de formation sont suffisamment élevés.

Les adultes en alternance sont aussi plus productifs que les jeunes alternants

L’employeur peut décider de s’aligner sur les attentes salariales d’un adulte en alternance et lui verser un salaire plus élevé s’il estime qu’il sera plus productif qu’un candidat plus jeune. Les adultes en alternance cumulent parfois plusieurs années d’expérience professionnelle, notamment dans le secteur dans lequel ils se forment ou au sein de la même entreprise. Le plus souvent, ils font le choix de l’alternance pour améliorer leurs compétences ou en acquérir de nouvelles. Il convient donc de se demander si les modalités devraient être sensiblement différentes de celles réservées aux jeunes alternants.

Argument n° 3 : dans les pays où l’alternance pour les jeunes est importante, les adultes à la recherche d’une seconde chance peuvent avoir du mal à trouver un stage adapté

Les adultes à la recherche d’une seconde chance peuvent faire face à la concurrence de candidats plus jeunes

Le rôle de l’alternance dans le système de compétences d’un pays constitue une caractéristique contextuelle importante. Dans les pays où l’alternance pour les jeunes est importante (par exemple, en Allemagne et en Suisse), les adultes qui recherchent un contrat d’alternance se retrouvent en concurrence avec des jeunes. Parmi ces adultes, certains ont suivi un cursus d’enseignement général (voire sont allés jusqu’au niveau supérieur) et sont susceptibles d’être très intéressants pour des employeurs potentiels. Toutefois, certains ont laissé passer leur chance lorsqu’ils étaient plus jeunes et voient dans l’alternance un moyen de se donner une seconde chance, après avoir débuté leur vie professionnelle sans qualification. Le simple fait d’aspirer à une seconde chance peut envoyer un message négatif aux employeurs potentiels en ce qui concerne leurs compétences, et les rendre moins attractifs. Ceux qui possèdent une expérience professionnelle pertinente peuvent trouver des employeurs prêts à leur proposer un salaire plus élevé durant leur période d’alternance. Mais pour ceux qui ont connu un parcours professionnel chaotique, avoir des attentes salariales supérieures peut représenter un obstacle, dans la mesure où les employeurs préféreront la plupart du temps opter pour des jeunes alternants qui n’ont pas un passé de décrocheur. Il s’ensuit que dans les pays où l’alternance pour les jeunes est importante, les adultes qui veulent se donner une seconde chance grâce à l’alternance, risquent d’avoir du mal à trouver des employeurs prêts à répondre à leurs attentes salariales plus élevées. Certains pays ont donc fait le choix d’accorder des aides financières aux alternants adultes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins, leur évitant d’avoir à trouver un employeur disposé à leur offrir un salaire plus élevé (encadré 3.1).

La situation est différente dans les pays où l’alternance pour les jeunes est peu répandue et où cette filière est l’une des voie permettant aux jeunes adultes (et même aux adultes plus âgés) d’accéder à un emploi qualifié. Dans ces pays, la plupart des adultes intéressés par une formation en alternance recherchent plus une possibilité de se former qu’une seconde chance. Dans les pays où l’alternance vise essentiellement un public d’adultes (par exemple, au Canada et aux États-Unis), les futurs alternants sont nombreux à effectuer leur formation au sein de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Pour l’entreprise, l’alternance devient alors un outil de formation des employés. Comme l’alternant percevait un salaire en tant qu’employé permanent avant son entrée en formation, l’entreprise sera plus disposée à lui verser un salaire relativement élevé durant sa période d’alternance.

Les employeurs sont d’autant plus disposés à accueillir des adultes que les candidats potentiels sont difficiles à trouver

Même dans les pays où l’alternance pour les jeunes est importante, les employeurs sont plus disposés à accueillir des alternants adultes s’ils peinent à trouver des candidats plus jeunes et bien préparés. C’est le cas en Allemagne où, pour des raisons démographiques en partie, les places en alternance dans certaines régions et certaines professions restent vacantes faute de candidats qualifiés. De la même façon, en Israël, où la formation en alternance est très peu répandue, les employeurs font face à des pénuries de compétences et ont du mal à trouver des candidats sur un marché du travail en tension. L’État a donc mis au point des outils afin de compléter le revenu des alternants adultes durant les périodes de formation.

Encadré 3.1. Des mesures spécifiques destinées aux alternants adultes

En Allemagne, l’initiative Zukunftsstarter vise à promouvoir l’alternance chez les adultes âgés de 25 à 35 ans afin de répondre aux pénuries de compétences et au manque de jeunes alternants dans certains secteurs. Les alternants peuvent se voir octroyer une aide financière destinée à couvrir les frais d’études, de déplacement, de garde d’enfant, de tutorat et de séjour durant leur formation. Ils reçoivent aussi une prime en cas de réussite à l’examen à mi-parcours et en fin d’études.

En Israël, les adultes qui souhaitent développer leurs compétences ont droit à des incitations financières, notamment des aides destinées à compenser les pertes de revenus. Les participants au programme Class in the Workplace peuvent prétendre à une aide de 1 500 NIK et à une prime en cas de réussite à l’examen à mi-parcours et en fin d’études. Les participants au programme Starter reçoivent 1 500 NIK durant la première phase du programme qui se déroule dans un établissement de formation professionnelle. Le montant de l’aide accordée représente environ un tiers du salaire minimum.

En Suisse, les salaires des alternants adultes se négocient entre l’alternant et l’employeur, dans le respect des lois cantonales en vigueur. Les adultes en alternance perçoivent en règle générale environ deux tiers du salaire d’un travailleur non qualifié, contre un cinquième pour les alternants plus jeunes. Les alternants âgés de moins de 35 ans peuvent solliciter une bourse d’un montant maximum de 12 000 CHF par an, soit environ deux fois et demie le salaire mensuel médian d’un travailleur non qualifié. Dans certains cas, ils peuvent aussi prétendre à des prestations d’assistance sociale. Les personnes sans emploi ont droit à des aides financières supplémentaires.

Source : Ben Rabi, D. et al. (2017[12]), Apprenticeship and Work-Based Learning in Israel. Background Report  (non publié) ; Mühlemann, S. (à paraître[11]),  Apprenticeship Training for Adults: Theoretical Considerations and Empirical Evidence for Selected OECD Member Countries.

Conclusion

Ce chapitre traite de la question du juste niveau de salaire des alternants et conclut que les salaires doivent être faibles pour encourager les employeurs à proposer des places en alternance, mais suffisamment élevés pour attirer des candidats. Les salaires des alternants devraient varier pour tenir compte des coûts et des avantages pour l’employeur, qui sont différents selon le dispositif d’alternance. Les pouvoirs publics devraient s’abstenir d’imposer un niveau de salaire pour l’ensemble des alternants, mais envisager d’instaurer des salaires minimums afin d’éviter tout risque d’exploitation. Les salaires devraient être fixés par entreprise, secteur ou profession dans le cadre de négociations collectives, eu égard à l’attrait de ces filières et voies d’accès à l’emploi pour les jeunes. Les responsables de l’action publique devraient prendre conscience que des obstacles financiers peuvent dissuader les adultes de se tourner vers l’alternance et envisager de mettre en place des mesures correctives spécifiques.

Références

[12] Ben Rabi, D. et al. (2017), Apprenticeship and Work-Based Learning in Israel. Background Report (document non publié).

[8] CSRE (2011), L'éducation en Suisse - rapport 2010, Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation, Aarau, https://www.skbf-csre.ch/fileadmin/files/pdfs/bildungsberichte/2010/bildungsbericht_10_fr.pdf.

[1] Helper, S. et al. (2016), The Benefits and Costs of Apprenticeship: A Business Perspective, Case Western Reserve University, US Department of Commerce, Economics and Statistics Administration, http://www.esa.gov/sites/default/files/the-benefits-and-costs-of-apprenticeships-a-business-perspective.pdf.

[4] Kuczera, M. (2017), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, no. 153, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/995fff01-en.

[10] Moretti, L. et al. (2017), « So similar and yet so different: A comparative analysis of a firm's cost and benefits of apprenticeship training in Austria and Switzerland », IZA Discussion Paper Series, no. 11081, IZA - Institute of Labor Economics, Bonn, http://ftp.iza.org/dp11081.pdf.

[7] Mühlemann, S. (2016), « The cost and benefits of work-based learning », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, no. 143, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jlpl4s6g0zv-en.

[11] Mühlemann, S. (à paraître), Apprenticeship Training for Adults: Theoretical Considerations and Empirical Evidence for Selected OECD Member Countries.

[6] Mühlemann, S., P. Ryan et S. Wolter (2013), « Monopsony Power, Pay Structure, and Training », ILR Review, vol. 66/5, pp. 1097-1114, https://doi.org/10.1177/001979391306600504.

[9] Office fédéral de la statistique (OFS) (2016), « Revenu professionnel brut par année des personnes actives occupées selon le statut d'activité, les groupes de professions, le taux d'occupation et le sexe », dans Enquête suisse sur la population active, Office fédéral de la statistique, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/catalogues-banques-donnees/tableaux.assetdetail.276587.html (consulté le 18 octobre 2016).

[2] Schlögl, P. et M. Mayerl (2016), Betriebsbefragung zu Kosten und Nutzen der Lehrausbildung in Österreich. Teilbericht im Rahmen der ibw-öibf-Studie. Hintergrundanalyse zur Wirksamkeit der betrieblichen Lehrstellenförderung (gemäß §19c BAG) [Enquête auprès des entreprises autrichiennes sur les coûts et avantages de la formation en apprentissage, Institut autrichien de recherche sur la formation professionnelle], öibf, Vienne, http://www.bmwfw.gv.at/Berufsausbildung/Ingenieurwesen/Documents/endbericht_betriebsbefragung_oeibf.pdf.

[3] Strupler, M., S. Wolter et M. Moser (2012), Die duale Lehre : eine Erfolgsgeschichte - auch für die Betriebe : Ergebnisse der dritten Kosten-Nutzen-Erhebung der Lehrlingsausbildung aus der Sicht der Betriebe [L’alternance : une bonne affaire pour les entreprises – Résultats de la troisième étude des coûts et avantages du point de vue des entreprises], Rüegger.

[5] Ulrich, J. (2016), « Berufsmerkmale und ihre Bedeutung für die Besetzungsprobleme von betrieblichen Ausbildungsplatzangeboten [« De la relation entre les caractéristiques des emplois et les difficultés à pourvoir les places offertes en apprentissage »] », Berufsbildung in Wissenschaft und Praxis 4.

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