Chapitre 5. Recommandations pratiques pour l’avenir

Ce chapitre présente une synthèse des conclusions tirées de l’enquête de l’OCDE, ainsi qu’un aperçu de la façon dont les fondations se comportent lorsqu’elles travaillent en partenariat et des aspects fructueux ou problématiques notables des modalités de l’action qu’elles mènent pour atteindre les objectifs de développement.

Ce chapitre contient aussi des recommandations pratiques à l’intention des fondations, qui visent à leur permettre d’accroître l’impact de leur action à l’appui du développement, ainsi qu’à l’intention des fournisseurs d’aide publique au développement et des gouvernements.

    

5.1. Recommandations destinées aux fondations

5.1.1. Répartition géographique des ressources

La comparaison de la répartition géographique des apports philanthropiques avec celle des apports d’aide publique au développement (APD) fait apparaître de nombreuses similitudes et confirme que les premiers sont fortement concentrés dans certains pays à revenu intermédiaire et certaines régions, comme l’Afrique.

  • Organiser le financement de manière à produire l’impact le plus grand. Si l’on compte parfois sur les fondations pour combler les lacunes, il est difficile de déterminer jusqu’à quel point elles devraient compléter les efforts d’APD, c’est-à-dire travailler dans les régions ou les catégories de pays qui sont moins ciblées par la communauté des donneurs. Toutefois, les fondations pourvues de budgets importants sont peut-être davantage en mesure d’affecter leurs ressources financières à l’ensemble des pays à revenu intermédiaire, ainsi qu’à certains des pays les moins avancés. Quant aux petites fondations, sans doute ne parviendront-elles à produire un impact que si elles concentrent leur action sur un nombre limité de pays.

  • Mieux partager les connaissances avec les pouvoirs publics et les donneurs pour contribuer à une meilleure coordination des efforts. Il y a peu d’éléments concrets qui attestent que les fondations et les fournisseurs d’APD partagent leurs connaissances, d’où un risque involontaire de recoupement entre les activités d’origine philanthropique et celles qui sont soutenues par l’APD. Par conséquent, les fondations qui travaillent dans des pays à revenu intermédiaire pourraient s’attacher à coordonner plus étroitement leur action avec celle des gouvernements et de la communauté des donneurs (voir les sections 5.2.1 et 5.3.2). Cette démarche garantirait que les efforts des différentes parties se renforceront mutuellement, et que ceux des fondations prendront en compte les stratégies nationales de développement et complèteront les activités des autres acteurs, au lieu de faire double emploi avec elles.

5.1.2. Répartition sectorielle des ressources

La santé a été le premier secteur visé par les fondations lors de l’affectation de leurs ressources financières au cours de la période couverte par l’enquête de l’OCDE. Dans ce domaine, les fondations travaillent généralement avec de grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales, ainsi que des organisations internationales, qui assurent l’exécution de leurs projets sur le terrain. De ce point de vue, leurs priorités et leurs partenaires de prédilection sont assez semblables à ceux des fournisseurs d’APD.

  • Étudier les possibilités de mise en commun de fonds et de renforcement de la coordination. Il est difficile de savoir si le financement philanthropique destiné à la santé aurait davantage d’impact s’il était mis en œuvre par des canaux différents (c’est-à-dire des petites ONG et des entreprises sociales locales). Étant donné que la santé exige d’importants investissements au titre des infrastructures et du renforcement des capacités, la mise en commun de fonds et l’adoption d’approches coordonnées s’imposent pour pouvoir assurer le financement de programmes porteurs de transformations profondes dans le domaine de la santé.

  • Comparer l’impact de la philanthropie avec celui des investissements d’autres sources. Cette approche soulève toutefois la question de savoir si la philanthropie exploite vraiment au maximum l’avantage comparatif que constituent sa fonction d’ « appoint » et son aptitude à innover en sortant des sentiers battus des programmes institutionnalisés. Les résultats des évaluations portant sur les performances et l’impact des programmes financés par la philanthropie devraient être comparés à ceux des évaluations consacrées aux programmes financés par l’APD. Des investissements philanthropiques effectués dans d’autres secteurs seraient-ils plus rentables que les investissements de niche gérés par des organismes d’exécution locaux ?

L’éducation est un autre secteur privilégié du financement d’origine philanthropique, et plus d’une centaine des fondations soumises à l’enquête avaient des activités dans ce domaine.

  • S’engager dans des alliances multipartites à l’échelon national. Les investissements philanthropiques au titre de l’éducation sont relativement peu importants si on les compare aux dépenses publiques ou même aux ressources financières de l’APD qui sont consacrées à ce domaine. Il serait par conséquent plus logique (du point de vue du rapport coût-résultats) que les fondations s’engagent dans des alliances multipartites au niveau national dans les pays en développement1. Elles pourraient ainsi agir à une plus grande échelle afin de produire un impact maximal.

  • Donner autant que possible la priorité aux populations marginalisées. Les fondations qui sont en mesure d’intervenir dans des pays en situation de fragilité et désireuses d’expérimenter de nouvelles approches pourraient adopter une démarche différente dans le cas de ces pays. Elles pourraient donner la priorité à l’éducation chez les populations les plus marginalisées, que le financement public tend à laisser de côté.

5.1.3. Innovation

Les fondations ont à la fois les ressources et la volonté nécessaires pour pouvoir concevoir et mettre en œuvre des approches innovantes qui leur permettent d’appréhender les problèmes de développement les plus divers. Toutefois, d’après les résultats de l’enquête de l’OCDE, il semble que leur tolérance au risque soit limitée. Elles investissent principalement dans des pays à revenu intermédiaire, en travaillant en partenariat avec des ONG internationales pour l’exécution de projets de court terme. Cette situation est d’autant plus regrettable que l’expérimentation d’approches nouvelles et la capacité d’innover demeurent parmi les avantages comparatifs les plus importants qu’offre la philanthropie. Mais, apparemment, la « culture de l’échec » reste du domaine du discours et ne fait pas encore l’objet d’une large acceptation de la part des responsables des organismes philanthropiques, de leur conseil d’administration et de leurs partenaires chargés de l’exécution. Les fondations peuvent néanmoins recourir à plusieurs moyens pour renforcer leur aptitude à prendre des risques et à innover au service du développement mondial :

  • Apporter des capitaux d’amorçage. Dans le cas des grandes organisations qui disposent de moyens financiers appréciables, la fourniture de capitaux d’amorçage dans le but d’atténuer les risques associés à l’investissement à impact social pourrait constituer un pas important. Le rôle que celles-ci jouent dans le domaine du « financement mixte » est une bonne illustration de cette approche.

  • Renforcer les capacités locales. Quant aux organisations dont les moyens sont plus modestes, le « renforcement de la ligne de front », c’est-à-dire le soutien des ONG et des entrepreneurs locaux au niveau des pays contribuerait au renforcement des capacités locales. Cette démarche permettrait d’élargir l’éventail des partenaires chargés de l’exécution, même si cet avantage aurait un coût (nécessité de prendre davantage de mesures de vérification) et malgré le risque de faire appel à des organismes qui ne seront pas forcément à la hauteur. Toutefois, les approches et les décisions de financement requises à cet effet ne peuvent être imposées par des acteurs extérieurs. De plus, les critères d’évaluation appliqués seront différents de ceux qui servent à mesurer l’efficacité du secteur public en matière de développement.

  • Remplacer la « culture de l’échec » par une culture de l’apprentissage. Un plus grand nombre de fondations pourraient être encouragées à investir dans l’expérimentation d’approches nouvelles et l’analyse des résultats obtenus (ainsi que des éventuels échecs), et à mettre à profit les enseignements qui s’en dégagent pour aller plus loin. Par ailleurs, il n’est pas toujours nécessaire de s’engager dans un long processus de vérification lorsqu’il s’agit d’expérimenter un partenariat ou de mobiliser des sommes très faibles pour éprouver une idée. Les nouvelles approches pourraient aussi être mises à l’essai en collaboration avec d’autres bailleurs de fonds, afin de limiter les risques supportés par chacune des organisations concernées.

  • Évaluer aussi bien les échecs que les réussites. Il est nécessaire d’évaluer les approches innovantes de façon plus systématique, même si elles échouent, afin de déterminer leur impact potentiel. Qui plus est, il faut les analyser pour savoir comment les reproduire à une plus grande échelle.

  • Faire connaître les enseignements de l’expérience et mettre au point de nouveaux outils. Les connaissances que les fondations tirent elles-mêmes de leur activité doivent pouvoir être utiles à l’action des autres fondations ou partenaires présents dans le même secteur. Ainsi, la diffusion des enseignements de l’expérience concernant l’efficacité d’approches innovantes, mais aussi l’élaboration d’outils et de méthodes d’évaluation préalable (aux fins des mesures de vigilance et des études d’impact, par exemple) dans le cadre de groupes de pairs dignes de confiance, pourraient aider les fondations à mieux maîtriser les risques lors de la sélection des partenaires ou de l’investissement dans des projets hasardeux.

5.1.4. Travailler en partenariat avec d’autres fondations

Il est possible pour les fondations d’instaurer entre elles une collaboration plus active et plus durable qui aille au-delà du partage de l’information et des bonnes pratiques. Celle-ci pourrait notamment consister à définir des stratégies communes, partager la prise de décision et regrouper les ressources.

  • Créer des espaces sûrs pour l’échange d’informations. Les réseaux de fondations ont la capacité de soutenir le processus de mise en place et de développement de la collaboration entre leurs composantes à différents niveaux. L’enquête de l’OCDE montre que les fondations hésitent toujours dans une certaine mesure à faire connaître certains types d’informations. En particulier, elles gardent jalousement celles qui concernent leur stratégie générale, leurs performances et les résultats des évaluations (dont peuvent faire l’objet leurs programmes et leurs bénéficiaires). Les réseaux offrent un « espace sûr », un espace de confiance où l’information peut être partagée de façon plus régulière avec des pairs dignes de foi.

  • Forger un point de vue commun par la coordination de l’action : de plus, les réseaux ou les associations de fondations, en particulier au niveau des pays, confèrent à ces dernières un caractère formel et institutionnel. C’est une dimension dont celles-ci ont besoin pour pouvoir coopérer de manière constructive et durable avec les pouvoirs publics. Lorsque les fondations se coordonnent et parlent d’une seule voix (par exemple, au sujet des incitations fiscales), leur message acquiert plus de force et a plus de chances d’être entendu. Dans les pays où elles existent, les associations de fondations constituent aussi, pour les pouvoirs publics, un moyen de se rapprocher de leurs membres (citons, par exemple, le Cemefi au Mexique ou l’AFE - Asociación de Fundaciones Empresariales - en Colombie).

  • Au-delà des organisations existantes, des possibilités s’offrent de créer des réseaux et des associations de fondations et de soutenir davantage ceux qui sont déjà en place, dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, ainsi qu’au niveau régional.

  • Il conviendrait aussi de promouvoir et de mieux soutenir les réseaux thématiques, qui sont encore plus capables que les réseaux régionaux de contribuer à la mise en place de partenariats ou de faciliter le financement conjoint (ex., Fondation ClimateWorks, Freedom Fund ou Ariadne).

5.1.5. Travailler en partenariat avec d’autres acteurs du développement

Les fondations qui souhaitent susciter un changement systémique et produire un impact plus grand devraient être prêtes à collaborer plus étroitement avec d’autres acteurs du développement.

  • Déterminer dans quelle mesure les activités des fondations vont dans le sens des objectifs d’action mondiaux et nationaux relatifs aux secteurs dans lesquels elles interviennent. À cette fin, celles-ci doivent s’employer activement à comprendre l’économie politique des pays dans lesquels elles travaillent, ainsi que de l’écosystème local de la coopération pour le développement. Dans le cas des fondations dont la présence sur le terrain est limitée, elles doivent s’associer à des partenaires solides qui sont attentifs à des dimensions et soucieux de tirer parti des efforts existants et de renforcer les capacités locales (voir sections 5.2 et 5.3). Elles devront aussi parfois subordonner certains de leurs buts propres aux objectifs collectifs.

  • Mettre en commun les contacts afin de réduire les coûts. Comme le montre l’enquête de l’OCDE, les fondations qui financent des ONG de première ligne dans les pays en développement sont trop peu nombreuses. Les grandes ONG internationales semblent accaparer la majeure partie du financement. Or, pour que l’écosystème de la philanthropie puisse croître, il faut que les fondations soutiennent les organismes locaux (organisations de la société civile [OSC], entreprises sociales, etc.). Le fait d’être géographiquement proches des bénéficiaires peut permettre de resserrer les liens et de travailler avec plus de souplesse, de mieux cerner les problèmes qui se posent et les besoins qui s’expriment sur le terrain, ainsi que de mieux concevoir les outils nécessaires à la sélection des bénéficiaires et à l’évaluation de leurs activités. Cet effort a toutefois un coût. Les mesures de vérification préalable à la coopération avec des partenaires locaux sont onéreuses et exigent beaucoup de temps. Les fondations pourraient donc faire connaître aux autres organismes philanthropiques les bénéficiaires qu’elles ont jugés dignes de confiance après les avoir soumis à un examen approfondi. Le partage des coordonnées de personnes à contacter au sein d’organisations solides et soucieuses de produire un impact, pourrait aider les petites fondations à sélectionner des bénéficiaires très performants sans avoir à supporter le coût de vérifications laborieuses. Les associations de fondations pourraient faciliter l’échange des coordonnées de ces contacts, ainsi que l’établissement de partenariats entre les fondations et les ONG.

5.1.6. Données

Rendre les informations sur les apports philanthropiques plus accessibles est un effort coûteux pour les fondations. Mais ce coût devrait être compensé par les avantages découlant de l’existence d’une transparence plus grande dans ce secteur. La possibilité de nouer des liens avec des pairs travaillant dans des pays ou des secteurs semblables, ainsi que d’assurer l’établissement de partenariats plus importants, devrait apparaître comme un avantage et un résultat positif du mouvement en faveur d’un renforcement de la transparence.

La transparence et l’accessibilité à des données comparables et fiables sont essentielles pour accroître l’efficacité de la coordination, des partenariats et d’autres formes de collaboration. Les bases de données internationales permettent aux bailleurs de fonds de mieux affecter leurs ressources (car ils peuvent déceler les déficits de financement et éviter les apports qui font double emploi). De plus, elles permettent aux bénéficiaires actuels et potentiels de cibler de façon plus rationnelle leurs efforts de recherche de fonds. Cependant, pour qu’elles aient réellement cette utilité, il doit exister un certain degré de normalisation des données au niveau international. Cette condition suppose elle-même qu’il y ait comparabilité avec d’autres normes internationales, comme l’APD, et que la fiabilité des données soit établie au moyen d’une vérification approfondie de leur qualité (notamment pour éviter le double comptage).

  • Mieux tirer parti des plateformes existant aux niveaux mondial, régional et local. La transparence et la disponibilité des données sur les apports philanthropiques effectués à l’appui du développement pourraient s’en trouver améliorées. De ce fait, les fondations pourraient intensifier leurs efforts pour rendre le partage des données systématique. Il serait alors possible d’assurer la comparabilité des données recueillies avec celles qui se rapportent aux autres apports au titre du développement. Il existe un grand nombre de supports de notification à l’échelon des pays et au niveau international, comme 360giving, Glasspockets, l’Initiative internationale pour la transparence de l'aide (IITA) et les statistiques du CAD de l’OCDE sur le financement du développement gérées par la DCD au moyen du Système de notification des pays créanciers (SNPC). Le système statistique du CAD de l’OCDE garantit la comparabilité des données (par exemple, de celles qui concernent les apports philanthropiques avec celles de l’APD) et leur fiabilité, tout en les rendant librement accessibles à travers des bases de données en ligne centralisées. Près d’une centaine de pays et d’organisations rendent leurs données publiques à travers le SNPC de l’OCDE, dont quatre fondations philanthropiques (Fondation Bill et Melinda Gates, ainsi que Dutch Postcode Lottery, Swedish Postcode Lottery et People’s Postcode Lottery, réunies sous l’égide de United Postcode Lotteries). L’OCDE invite aussi d’autres bailleurs de fonds privés actifs dans le domaine du développement à suivre leur exemple, afin de contribuer au renforcement de la transparence et à la normalisation des données.

  • Faire des données un bien public mondial. De plus, des réseaux tels que le Réseau mondial des fondations œuvrant dans le domaine du développement (réseau netFWD), de même que le Foundation Center, WINGS et d'autres, devraient encourager le secteur philanthropique à partager l’information et à contribuer à faire des données un bien public mondial.

5.2. Recommandations destinées à la communauté des donneurs

5.2.1. Dialogue

L’espace de réflexion stratégique sur le développement ne demeure ouvert et attrayant que pour un petit groupe de fondations pourvues de dotations importantes. Les fondations ayant une forte présence sur le terrain et la capacité de tisser des relations et de dialoguer avec les donneurs dans les capitales ou les grands pôles régionaux, créent une dichotomie sur le marché. Par conséquent, une poignée de fondations (principalement nord-américaines) donnent l’impression d’avoir une influence excessive sur les débats de fond et semblent jouer un rôle prépondérant au sein des grandes alliances.

  • Ouvrir le dialogue entre les fondations et les donneurs d’APD, afin d’élargir et de diversifier la participation. L’intensification du dialogue à l’échelon mondial permettrait aux fondations sans présence sur le terrain de prendre part aux débats qui se déroulent à ce niveau et de s’engager dans des partenariats. Le renforcement des enceintes de dialogue dans les pays offrirait aux petites fondations locales, ainsi qu’aux bureaux décentralisés, la possibilité de participer à ces débats.

  • Coordonner l’action par secteur. Les fondations ayant tendance à effectuer des investissements à caractère thématique, la coordination pourrait être particulièrement efficace et utile si elle s’exerçait au niveau sectoriel (par exemple, à travers des mécanismes de portée mondiale, comme le Partenariat mondial pour l’éducation).

  • Définir des mécanismes souples de dialogue et de partenariat. Ils pourraient créer une synergie plus forte et des possibilités de coordination plus grandes entre les donneurs d’APD et les fondations, car il est peu probable que les secondes se joignent aux groupes de coordination des donneurs sur le terrain. Les acteurs philanthropiques estiment en effet que ces groupes exigent beaucoup de temps et qu’ils sont principalement conçus pour les donneurs et les destinataires de leurs apports.

5.2.2. Partenariats

Comme le montre l’enquête de l’OCDE, la communauté des donneurs coopère rarement avec le secteur philanthropique. Cette situation tient en partie au fait que, dans bien des cas, les donneurs d’APD ne savent pas comment fonctionne la philanthropie, ni quels points d’accès utiliser pour se rapprocher des fondations qui peuvent les intéresser. L’engagement dans des partenariats durables avec les fondations peut donc difficilement devenir une pratique courante pour nombre d’entre eux. L’adoption par les deux parties d’approches plus systématiques de la coopération pourrait contribuer à renforcer la confiance et à entretenir les liens entre elles. Elle exigerait toutefois de nouveaux investissements dans le personnel, ainsi que la définition d’une approche souple du partenariat :

  • Élaborer des stratégies générales de coopération avec les fondations, qui reconnaissent la contribution financière et non financière qu’elles apportent au développement (indépendamment de l’objectif de recueillir des fonds). Ces stratégies devraient être définies en collaboration étroite avec les fondations et les réseaux ou associations de fondations implantés dans les pays donneurs, et dont les membres travaillent dans des pays en développement. Les donneurs devraient adopter une démarche de longue haleine pour assurer un renforcement du dialogue et de la confiance mutuelle dans des domaines complémentaires. Pour que cette démarche soit fructueuse, il est indispensable que s’opère un changement de mentalité, c’est-à-dire que les fondations soient considérées comme des partenaires ayant une contribution précise à apporter, et non comme de simples bailleuses de fonds.

  • Rechercher les fondations au-delà du « cercle des habituées ». S’il y a adoption d’une démarche à long terme, il faut nécessairement rechercher les fondations avec lesquelles coopérer en-dehors du « cercle des habitués ». Nombre de donneurs d’APD préfèrent en effet travailler avec une poignée de fondations visibles et fortunées, au détriment d’autres fondations qui ont à la fois la capacité et la volonté de coopérer avec eux au niveau du terrain.

  • Désigner des points de contact spéciaux au sein des organismes donneurs. Ces points de contact pourraient établir et entretenir des relations, et aussi travailler, avec les équipes chargées de la stratégie, des programmes et des questions financières et juridiques dans les fondations et dans l’ensemble des organismes donneurs. Plusieurs donneurs sont déjà bien engagés dans cette voie (France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Banque mondiale et UNICEF, pour n’en citer que quelques-uns).

  • Mettre en place des programmes d’échange de personnel entre les fondations et les organismes donneurs, afin d’aider à renforcer la confiance et la compréhension mutuelle. Quelques donneurs, comme le BMZ en Allemagne, ont adopté des programmes de cette nature, qui sont assez prometteurs.

  • Étudier la possibilité d’instaurer des partenariats souples. La mise en commun des fonds pourrait permettre de répondre aux contraintes auxquelles sont soumises les petites fondations qui, dans bien des cas, n’ont pas les moyens de supporter le coût de la participation à un partenariat classique. De plus, le financement de projets pilotes réalisés dans certains pays et portant sur des questions d’intérêt commun, qui permette aux fondations et aux donneurs d’assurer ensemble la conception de ces projets dès ses tout premiers stades, pourrait constituer un bon préalable à la coopération avec un plus grand nombre de fondations.

5.3. Recommandations destinées aux gouvernements des pays en développement

5.3.1. Des conditions propices

Les pouvoirs publics des pays en développement commencent à beaucoup s’intéresser aux fondations. Certains ont déjà mis en place de solides partenariats avec des acteurs philanthropiques (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Indonésie, République populaire de Chine). Toutefois, pour que cette collaboration soit durable, il est nécessaire de créer des conditions qui lui soient plus propices.

  • Étudier de façon plus approfondie les moyens qu’ont les pouvoirs publics d’adopter une réglementation sur la philanthropie ou d’adapter celle qui existe. Ils peuvent notamment créer, pour les fondations, un statut juridique qui les distingue des OSC, et aussi éventuellement instaurer des avantages fiscaux. Il s’agit aussi de faire en sorte que les partenaires des fondations aient la possibilité de recevoir des fonds, soient protégés par la loi et puissent librement exercer les activités relevant de leur mission.

  • Étudier les conséquences involontaires. Les exemples récents de mesures prises par les pouvoirs publics pour brider l’action de la société civile et soumettre les apports de fonds internationaux à des restrictions, ont montré combien les conditions dans lesquelles l’activité philanthropique s’exerce dans certains pays peuvent être fragiles. Dans bien des cas, la législation relative à la lutte contre le terrorisme ou contre le blanchiment a eu des effets désastreux sur l’aptitude des fondations à soutenir leurs ONG partenaires sur le terrain.

  • Étudier la possibilité de renforcer les obligations imposées aux bénéficiaires des fondations en matière de transparence et de redevabilité, au-delà des efforts visant à créer des conditions favorables à l’essor de la philanthropie. Cette démarche serait profitable à l’ensemble du secteur et permettrait de limiter l’application de mesures restrictives pour toutes les organisations, quels que soient leurs résultats antérieurs. Bien entendu, dans les pays où les libertés civiles ne sont pas garanties et où les OSC sont menacées, les acteurs philanthropiques étudieront avant tout les moyens de soutenir les organisations partenaires sans les mettre en danger. Il est donc probable que la collaboration avec les pouvoirs publics de ces pays sera restreinte.

5.3.2. Dialogue et partenariats

Des possibilités s’offrent de renforcer la coordination entre les fondations, les pouvoirs publics des pays en développement et la communauté des donneurs. C’est particulièrement vrai dans le cas des pays à revenu intermédiaire, vers lesquels est dirigée la majeure partie des apports philanthropiques. Cependant, il est peu réaliste de croire que les fondations pourront être poussées à agir comme le font les donneurs bilatéraux classiques et qu’elles se joindront aux groupes de coordination ou d’harmonisation présents sur le terrain en même temps que les homologues du gouvernement du pays concerné.

  • Créer des plateformes spéciales de dialogue sur la philanthropie (à l’instar de la Kenya Philanthropy Platform) entre les pouvoirs publics et les fondations, afin de suppléer la participation des fondations aux groupes de coordination des donneurs. Des plateformes institutionnalisées pourraient constituer une assise plus stable et plus durable pour les efforts continus de coopération. Cette dernière pourrait alors se poursuivre au-delà de la brève durée des relations personnelles entre les agents de l’administration du pays concerné et les employés de la fondation.

  • Rechercher des points d’ancrage utiles pour l’instauration de partenariats entre les fondations et les gouvernements. S’il est vrai que les fondations et les pouvoirs publics peuvent conclure entre eux des protocoles d’accord de grande portée, des partenariats se mettent souvent en place lorsque les organisations concernées ont déterminé les points auxquels leurs priorités se rencontrent. La mise en évidence de ces points d’intersection stratégiques est une première étape indispensable à l’instauration de tout partenariat qui se veut solide.

  • Engager des ressources et du temps des deux côtés. Par exemple, l’éducation constitue un domaine de prédilection des apports philanthropiques, tout particulièrement des apports Sud-Sud et des apports intérieurs. Par conséquent, les pouvoirs publics des pays en développement pourraient donner la priorité au dialogue avec les fondations présentes sur leur sol qui travaillent dans le domaine de l’éducation. Cette démarche aiderait à optimiser la mise en commun des fonds et les partenariats concernant l’enseignement postsecondaire (supérieur et universitaire) et la formation professionnelle, sous-secteurs que les fondations soutiennent tout particulièrement.

Note

← 1. L’appellation « pays en développement » désigne l’ensemble des pays et territoires inscrits sur la Liste des bénéficiaires de l’aide publique au développement (APD) établie par le CAD, qui comprend l’ensemble des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, définis comme tels d’après les données publiées par la Banque mondiale sur le revenu national brut par habitant, à l’exception des membres du G8, des États membres de l’Union européenne et des pays dont la date d’adhésion à l’UE a été fixée. La Liste comprend également l’ensemble des pays les moins avancés, selon la définition des Nations Unies.