Chapitre 1. Efforts déployés par la France à l’échelle mondiale à l’appui du développement durable

La France joue un rôle de premier plan en matière de stabilité internationale et de développement durable dans le monde. Elle soutient fortement l’adhésion, la promotion et la mise en œuvre de l’Accord de Paris depuis 2015. Cependant, la France ne dispose toujours pas d’un dispositif et de moyens lui permettant de garantir la cohérence des politiques. Dans le domaine économique, la France a réalisé des progrès pour combattre la corruption et les flux illicites de capitaux : la loi dite « Sapin 2 » de 2016 oblige les grandes entreprises, y compris les sociétés de financement telles que l’Agence française de développement (AFD), à instaurer un dispositif de prévention de la corruption. Les ressources et les moyens de sensibilisation demeurent faibles en comparaison avec d’autres pays et il reste du chemin à faire pour que toutes les parties prenantes internalisent et communiquent clairement les priorités et les résultats de la coopération pour le développement.

    

Efforts à l’appui du développement durable à l’échelle mondiale

Indicateur d’examen par les pairs : le membre assume un rôle actif en contribuant à l’établissement de normes internationales et de cadres mondiaux, et au développement de biens publics mondiaux qui bénéficient aux pays en développement

La France joue un rôle de premier plan en matière de stabilité internationale et développement durable dans le monde, comme elle l’a démontré lors de sa revue nationale volontaire au premier Forum politique de haut niveau sur le développement durable en juillet 2016. Elle soutient fortement l’adhésion, la promotion et la mise en œuvre de l’Accord de Paris depuis son adoption en décembre 2015, et accorde une priorité accrue au financement pour la lutte contre le changement climatique.

La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) du 7 juillet 2014 fait du développement durable la finalité de la politique française de développement, fondé sur ses trois composantes économique, sociale et environnementale. Sur la scène mondiale, la France met en avant la stabilité internationale, le climat, l’éducation, l’égalité entre les femmes et les hommes, et la santé. Dans son discours délivré au Forum économique mondial de Davos en janvier 2018, le président Emmanuel Macron a souligné que « la France est de retour au centre de l’Europe parce que nous n’aurons jamais de réussite française sans la réussite européenne ». Il a appelé à une stratégie européenne pour la migration, le numérique, l’énergie, la défense, le développement, les finances et les investissements (Macron, 2018). C’est également dans cette perspective européenne que la France conçoit ses responsabilités en matière de coopération internationale.

La France montre le bon exemple en matière de développement durable et de stabilité internationale

La France s’est engagée pleinement en faveur du développement durable lors des quatre principaux sommets internationaux qui se sont déroulés en 2015. Lors de la Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophes, à Sendai en mars 2015, elle a joué un rôle important en liant ces risques aux politiques d’adaptation au changement climatique. Au Sommet d’Addis-Abeba, la France a soutenu une vision modernisée du financement du développement. Au Sommet des Nations Unies sur le développement durable, elle a entériné cette convergence des agendas du développement et de la protection de la planète en adoptant le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Enfin, elle a obtenu un succès diplomatique majeur grâce à l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat en décembre 2015 (MEAE, 2017).

La France s’est soumise à une revue volontaire nationale sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) lors du premier Forum politique de haut niveau pour le développement durable en juillet 2016. Cette revue souligne les points forts de la France, notamment un niveau et une qualité de vie élevés ; une protection sociale inclusive ; la mise en œuvre de l’Accord de Paris ; une croissance verte ; et une transparence renforcée de la vie politique. Néanmoins, elle souligne également les défis auxquels est confrontée la France pour réduire les inégalités sociales, scolaires et entre les sexes (MEAE, 2016). La feuille de route sur la mise en œuvre des ODD par la France, pilotée par la déléguée interministérielle au développement durable sous l’autorité du Premier ministre devrait être finalisée en 2019.

La France est un pilier des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. En 2016 et 2017, elle figurait parmi les cinq premiers contributeurs financiers et apportait la deuxième contribution européenne en matière de personnel, principalement au travers de sa participation à la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (ONU DOMP, 2017). Le lien entre développement et sécurité se renforce dans les zones de crises où elle intervient. Par exemple, la France est fer de lance de la lutte contre le terrorisme et pour le maintien de la sécurité dans la région du Sahel, avec des effectifs de 4 000 militaires sur le terrain au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Tchad, et dans le cadre de l’Opération Barkhane (ministère des Armées, 2018). En revanche, alors que la France est un contributeur engagé lorsqu'il s’agit de contextes de crise et de maintien de la stabilité, elle s’est jusqu'à présent moins concentrée sur la prévention des crises et la réduction des vulnérabilités.

La France priorise davantage le financement pour le climat, l’environnement et la biodiversité

La France déploie l’ensemble de ses efforts, acteurs et politiques pour propulser le financement climatique au cœur des actions de développement. En effet, elle joue depuis 2015 un rôle de premier plan pour ce qui concerne l’adhésion, la promotion et la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Le directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Rémy Rioux, a été nommé président du Club mondial des banques de développement (International Development Finance Club [IDFC]), un club où 23 banques nationales, régionales et internationales de développement peuvent débattre des grands thèmes (telle que la finance publique pour le climat), pour parler ensuite d’une seule voix lors des forums internationaux sur le développement et le climat1 (Encadré 5.1). Adoptée en avril 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte fixe un objectif de 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie française d’ici à 2030 ; elle vise à réduire cette consommation de 50 % d’ici à 2050 par rapport à 2012. Cela confère à la France une légitimité pour porter le message universel de l’Accord de Paris (JORF, 2015)2.

Les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), émises en février 2018, confirment que les activités de l’AFD seront « 100 % compatibles avec l’Accord de Paris ». Elles soulignent que la France soutiendra uniquement des trajectoires de développement bas-carbone, au moyen de financements et d’appuis aux politiques publiques accélérant la transition écologique et la sortie des énergies fossiles (MEAE, 2018). Lors du One Planet Summit tenu à Paris en décembre 2017, la France a renouvelé son engagement à consacrer 5 milliards EUR à la lutte contre le dérèglement climatique à l’horizon 2020, y compris en augmentant la part des financements consacrés à l’adaptation au changement climatique à 1.5 milliard EUR3. Elle s’est également engagée à débloquer 700 millions EUR pour la promotion de l’énergie solaire dans les pays émergents par le biais de l’Alliance solaire internationale (Laborde et Imbach, 2018).

La France est l’un des premiers pays de l’OCDE à avoir développé une stratégie de coopération dédiée à la biodiversité. Créé en 2010, l’Observatoire national de la biodiversité a été intégré au sein de la nouvelle Agence française pour la biodiversité. La France a également triplé ces dernières années son aide publique au développement (APD) consacrée à la biodiversité, surtout dans le cadre de grands projets de transport d’eau et d’assainissement financés par l’AFD. Par ailleurs, elle lutte pour une révision ambitieuse des objectifs d’Aichi sur la diversité biologique et un financement renforcé de projets répondant conjointement aux objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité4.

Cohérence des politiques au service du développement durable

Indicateur d’examen par les pairs : les politiques de portée nationale du membre soutiennent, ou du moins ne nuisent pas, aux pays en développement

Les enjeux et engagements internationaux susceptibles d’être impactés par les politiques et législations de portée nationale font l’objet d’une bonne coordination et prise de conscience interministérielle, surtout en matière de financement de la lutte contre le changement climatique. Cependant, la France ne dispose toujours pas d’un dispositif et de moyens lui permettant de garantir la cohérence des politiques. Dans le domaine économique, la France a réalisé des progrès pour combattre la corruption et les flux illicites : la loi « Sapin 2 » de 2016 oblige les grandes entreprises, y compris les sociétés de financement telles que l’AFD, à instaurer un dispositif de prévention de la corruption.

La cohérence des politiques en faveur du développement est au cœur de la législation, mais aucune instance ne garantit leur cohérence au service du développement durable

Depuis 2010, la France a retenu six priorités de cohérence politique, qui s’inscrivent dans le Consensus européen de 2009 : le commerce, les migrations, les investissements étrangers, la sécurité alimentaire, la protection sociale et le changement climatique. Le Secrétariat général des affaires européennes œuvre à assurer la cohérence des politiques françaises portées au niveau européen, tout comme la cohérence de l’ensemble des politiques européennes.

L’article 3 de la LOP-DSI de 2014 mentionne explicitement l’importance qu’attache la France à la cohérence de ses politiques de développement, bien que la loi n’esquisse aucun mécanisme de suivi, d’analyse ni de redevabilité (JORF, 2014). La loi a créé le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI), composé de 54 membres et organisé en huit collèges représentant un ensemble d’acteurs : organisations non gouvernementales (ONG), acteurs économiques, organismes de recherches et universités, employeurs, collectivités territoriales, parlementaires, syndicats et – singularité du Conseil – des personnalités étrangères5. Les discussions qui ont eu lieu lors de l’examen à mi-parcours de l’aide au développement de la France en 2015 ont établi que le suivi de la cohérence des politiques en faveur du développement incombe au Conseil6. En amont des CICID (de novembre 2016 puis février 2018), l’intégralité du projet de conclusions interministérielles était soumis aux membres du CNDSI pour avis, commentaires et propositions. Ce rôle de suivi de la cohérence est également ponctuellement – et encore insuffisamment – recherché lors de concertations du CNDSI sur des stratégies sectorielles interministérielles (par exemple concernant la Stratégie fiscalité et développement portée par le MINEFI et le MEAE en 2017). Ces exemples spécifiques ne suffisent cependant pas à garantir un suivi efficace et dans la durée du CNDSI quant à la cohérence des politiques de développement de la France. Les avis du Conseil pourraient être davantage sollicités par l’ensemble des administrations.

La France doit toutefois renforcer la prise en compte des ODD dans l’ensemble de ses politiques publiques, même si le développement durable est déjà intégré dans plusieurs politiques et textes juridiques. Le Comité de pilotage interministériel pour la mise en œuvre des ODD, dirigé par la déléguée interministérielle au développement durable, répond au Premier ministre. Même si ce n’est pas le cas aujourd’hui, ce comité pourrait garantir la cohérence et un suivi formel des politiques françaises de développement.

La cohérence des politiques en faveur du développement est visible au niveau des finances vouées à la lutte contre le changement climatique, à l’agriculture et (ce qui est peut-être plus contestable) à la migration. Lors d’une réunion organisée par l’AFD et l’OCDE à la fin de 2017 sur la cohérence des politiques au sein de l’économie mondiale, le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, a insisté sur la nécessité de développer de nouveaux instruments financiers en soutien à l’Accord de Paris et d’assurer des contributions nationales 100 % conformes à l’accord. Par le biais de l’International Development Finance Club, qu’il préside, Rémy Rioux prône des partenariats entre les banques de développement afin de mobiliser davantage de ressources au-delà de l’APD pour lutter contre le changement climatique (Encadré 5.1).

L’avancée de la réforme de la politique agricole commune contribue de manière croissante à la promotion du développement durable en France et commence à éliminer les effets de distorsion des échanges7 qui desservaient auparavant les pays en développement. (Chatignoux, 2018). Deux des dix projets participatifs proposés en 2017 aux États généraux de l’alimentation française traitaient des enjeux en matière d’alimentation et d’investissement responsable des entreprises françaises dans les pays en développement (République française, 2017).

D’autre part, deux centres d’accueil (hotspots) ont été mis en place à la fin de 2017 au Niger et au Tchad afin d’identifier les ressortissants ayant droit à l’asile et les réinstaller en France sans passer par la route dangereuse traversant la Libye et la Méditerranée8. En plus des risques pour les personnes déboutées, cet effort de triage demeure cependant minime par rapport à la demande. D’autre part, le taux de réponses positives de la France aux demandeurs d’asile en 2017 était de 30 %, un taux inférieur à la moyenne de 45 % des 27 pays cités dans le « Commitment to Development Index » (Center for Global Development, 2017).

Dans le domaine de l’éducation, les examinateurs ont observé un manque de synergies, notamment, entre la stratégie d’action extérieure de la France pour l’éducation, la formation professionnelle et l’insertion dans les pays en développement, et les activités de Campus France, qui accompagne les étudiants étrangers souhaitant étudier en France. Les frais d’écolage, par exemple, ne figurent pas dans la stratégie pour l’éducation du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), alors qu’ils représentent une part importante de l’APD française (chapitre 3).

Même s’il ne s’agit pas à proprement parler de cohérence des politiques, il existe une forte prise de conscience du développement international au sein des ministères, comme le démontrent les deux exemples suivants :

  • En juin 2016, le ministère des Armées et l’AFD ont signé un accord-cadre formalisant la coopération existante. Cet accord-cadre prône la concertation et les échanges d’informations entre l’AFD et plusieurs services des armées, et exprime un principe d’appui ponctuel lors de la phase délicate de sortie de crise.

  • Le Plan d’action migrations internationales et développement 2018-2022 est l’aboutissement d’un effort interministériel ayant bénéficié d’une concertation étroite avec les collectivités territoriales et la société civile (MEAE, Ministère de l’Intérieur, l’Agence française de développement, Expertise France, 2018).

Ces rapprochements sont établis afin de faire face à des défis majeurs. Le retour à la sécurité est un des facteurs de la lutte contre la pauvreté, mais la France doit veiller à ne pas subordonner l’aide au développement aux seules problématiques de sécurité, de politique intérieure ou de régulation des flux migratoires.

Une cohérence améliorée dans le domaine des finances et des entreprises

La France possède de bonnes politiques en matière de respect des normes internationales et de coopération dans le domaine de la finance, surtout en ce qui concerne l’échange d’informations. En 2011, le Groupe d’action financière estimait que la France disposait d’un système performant pour combattre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (GAFI/OCDE, 2011). Le pays n’avait par conséquent fait l’objet d’aucun suivi9.

En 2014, cependant, le Groupe de travail anti-corruption de l’OCDE lors du suivi écrit de son examen de Phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers avait considéré que la France ne se conformait pas encore suffisamment à la Convention. Malgré des progrès – comme la création du parquet national financier, la protection généralisée des lanceurs d’alerte et l’augmentation substantielle des sanctions pénales punissant la corruption active d’agent étranger – le Groupe de travail s’inquiétait du manque d’initiatives de la part des autorités françaises au regard des affaires impliquant des entreprises françaises dans des faits de corruption à l’étranger (OCDE, 2014). La loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (dite Loi « Sapin 2 »), promulguée en 2016, a cependant relancé l’action de la France, notamment en créant l’Agence française d’anticorruption, qui oblige les grandes entreprises – y compris les sociétés de financement telles que l’AFD10 – à mettre en place un dispositif de prévention de la corruption. La loi Sapin 2 a été appliquée pour la première fois en novembre 2017, lorsque le parquet national financier a reconnu la banque HSBC coupable d’avoir dissimulé des avoirs à l’administration fiscale (Michel, 2017).11

En mars 2018, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, initiée en réaction à la catastrophe du Rana Plaza à Dacca, a été adoptée par la France. L’objectif est de responsabiliser les sociétés sur l’ensemble de leurs activités et de leur supply chain au-delà des instruments traditionnels de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) reposant sur des bases volontaristes. La France se conforme aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. L’examen par les pairs du point national de contact12 de 2017 souligne les efforts entrepris par le pays pour intégrer le principe de comportement responsable des entreprises françaises dans les plans d’action des ambassades et des services économiques du réseau diplomatique. Des actions dans ce domaine se sont déroulées en collaboration avec les entreprises françaises en Colombie, en Côte d’Ivoire et au Sénégal (OCDE, 2018a). D’autre part, l’AFD a formalisé sa démarche de responsabilité sociétale et vient d’évaluer sa politique actuelle afin d’informer l’élaboration de sa prochaine politique. À cet égard, en 2016, l’AFD s’est conformée aux bonnes pratiques des donneurs en mettant en place son dispositif de gestion des réclamations environnementales et sociales, qui permet aux personnes affectées d’un point de vue environnemental ou social par un projet financé par l’Agence de déposer une réclamation (AFD, 2017).

Sensibilisation à l’échelle mondiale

Indicateur d’examen par les pairs : le membre promeut la participation de l’ensemble de la société au développement durable

Le public français est assez sensible aux questions de développement durable. Les ressources et moyens de sensibilisation augmentent, même s’ils demeurent faibles en comparaison avec d’autres pays. Il reste toutefois du chemin à faire pour que toutes les parties prenantes, y compris l’administration française, les acteurs non-étatiques, les ONG, le monde académique, le secteur privé et les collectivités territoriale internalisent et communiquent clairement les priorités et les résultats de la coopération pour le développement.

Un public instruit, mais dissocié des politiques de développement françaises

Selon le baromètre de l’AFD établi en 2016, 54 % des ressortissants français ont déjà entendu parler des ODD et 70 % sont favorables à ce que la France fournisse des financements et une expertise technique à certains pays en développement ; cependant, 77 % estiment que la France finance déjà suffisamment l’aide aux pays en développement (Kraus et Dubrulle, 2016). Ces résultats correspondent à ceux de l’Eurobaromètre, selon lequel près de la moitié (49 %) du public français est informée des ODD, ce qui constitue un pourcentage supérieur à la moyenne européenne (40 %) (Commission européenne, 2017). Il en ressort qu'il conviendrait de mieux impliquer le public français (pourtant relativement bien sensibilisé) lorsqu’il s’agit de contribuer aux biens publics mondiaux et au développement durable, compte tenu de l’objectif français visant à porter l’APD à 0.55 % du revenu national brut en 2022.

Le manque d’appropriation de la gestion axée sur les résultats constitue une occasion manquée de sensibiliser davantage le public aux objectifs stratégiques de l’administration française (chapitre 6). Pour donner suite aux différents engagements mondiaux pris en 2015, l’AFD a mené une mission de recherche afin de mieux comprendre les fondements politiques et citoyens du consensus, de l’accord autour de la politique de développement, qui s’est construit en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni (de Cazotte, 2017). Il s’en dégage des lignes d’action possibles pour la France (Encadré 1.1).

Les rapports bisannuels mandatés par la LOP-DSI et soumis au Parlement permettent aux ministères et opérateurs de rendre compte aux parlementaires (MEAE, 2017). En outre, le document de politique transversale (DPT) « Aide publique au développement » et les questions parlementaires dans le cadre du Projet de loi de finance permettent chaque année de présenter la stratégie et les moyens consacrés à la coopération internationale. Certains réseaux d’ONG, comme Coordination SUD, convient régulièrement les parlementaires à des réunions afin de les sensibiliser à leurs problématiques et coordonner les positions. Ce plaidoyer est d’autant plus difficile que les parlementaires dénoncent depuis longtemps « la double opacité – budgétaire et statistique – de l’APD », défi auquel s’attaquera le député Hervé Berville dans le contexte de la mission sur la modernisation de la politique d’aide au développement de la France qui lui a été confiée par le président Macron en février 2018 (de Grandi, 2018). Il est à souligner que la France a invité Coordination SUD à alimenter les réflexions et analyses de cet examen par les pairs en soumettant une revue alternative du bilan de politique de développement et de solidarité de la France par la société civile (Coordination SUD, 2017).

Des ressources accrues dédiées à la sensibilisation, mais des approches encore modestes et éparses

En 2012-16, la France a consacré 0.05 % de son APD brute à la sensibilisation et l’éducation aux questions de développement ; c’est bien moins que l’Allemagne (0.52%), et en dessous de l’ensemble du Comité d’aide au développement de l’OCDE (0.20 %) sur la même période. Toutefois, il en demeure que cette aide augmente, pour atteindre 11.38 millions USD (dollars des États-Unis) en 2016 ; cela constitue le montant le plus important depuis 2008, date à laquelle la France a commencé à notifier ces flux, qui transitent notamment par les ONG nationales dans les pays en développement (OCDE, 2018b).

Il est prévu que 20 % du budget de l’AFD consacré au financement des ONG françaises seront affectés à des activités dans l’intérêt du public, y compris à des projets éducatifs à l’échelle mondiale. Une feuille de route interministérielle visant à sensibiliser l’opinion publique est en cours d’élaboration (MEAE, 2017), comme prévu par les conclusions du CICID de 2016, à laquelle seront associés le secteur privé et la société civile.

Un partenariat entre l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et l’AFD renforce les liens entre les établissements scolaires et les agences AFD locales. Lors de l’année européenne pour le développement en 2015, dix projets d’éducation à la citoyenneté et la solidarité internationale ont été sélectionnés pour recevoir une subvention de l’Union européenne (SGAE, 2015). L’AFD cherche notamment à mieux cibler le grand public par le biais d’événements comme les festivals de musique, le Partenariat mondial pour l’éducation à Dakar, ou encore le huitième Forum mondial de l’eau à Brasilia en mars 2018.

Encadré 1.1. Recherche d’un consensus citoyen : quels enseignements pour la France ?

L’étude de recherche commandée par l’AFD à la fin de 2016 s’est fondée sur une panoplie d’indicateurs de consensus, qui ont nourri la réflexion comparée entre l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Cette étude révèle des enseignements possibles pour la France en ce qui concerne la recherche d’un consensus citoyen relevant des moteurs politiques et sociaux, et l’objectif d’accroître la sensibilisation au développement. Selon l’auteur du rapport, la France gagnerait à instaurer les mesures suivantes :

Engagement de la société civile

  • renforcer avec la société civile un dialogue plus fluide sur le développement durable international permettant une large prise de parole des parties prenantes

  • concevoir la création d’une plateforme française indépendante et non partisane réunissant tous les acteurs appuyant la politique publique d’aide au développement.

Opinion publique

  • mieux connaître les attentes du public en matière d’aide publique et privée au développement ; déterminer les populations-cibles ; et construire des messages positifs adaptés pouvant être repris par les différents acteurs

  • lier le soutien du public à des préoccupations domestiques pour ancrer les sujets de développement dans un référentiel proche des Français et repenser les messages, s’appuyant sur un développement universel et partenarial

  • associer les médias et les réseaux sociaux à la diffusion de messages sur le développement, et valoriser avec eux les initiatives individuelles et collectives de proximité.

Communication et influence

  • élaborer un message rajeuni sur l’aide au développement française, sans jargon, débarrassé de concepts instrumentaux et techniques, et ancré dans la réalité des actions portées par la France et ses acteurs.

Crédibilité et légitimité des institutions

  • placer le développement comme élément fort de la politique d’affaires étrangères, à l’égal des questions de sécurité, pilier clair de la projection internationale de la France

  • proposer une dynamique budgétaire de moyen terme débattue avec le Parlement, visant à réaliser un objectif amélioré de respect des engagements européens d’APD.

Source : de Cazotte, H. (2017), Chercher l’accord sur l’aide publique au développement : Royaume-Uni, Allemagne et États-Unis, AFD, Paris.

Références

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OCDE (2016), Examens environnementaux de l’OCDE : France 2016, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264252592-fr.

OCDE (2014), France: Rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations, OCDE, Paris, www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/France-Rapport-Suivi-Ecrit-Phase-3-FR.pdf.

OFPRA (2017), À l’écoute du monde : rapport d’activité 2017, www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/ra_ofpra2017_web_0604.pdf (consulté le 23 février 2018).

République française (2017), États généraux de l’alimentation - Consultations, www.egalimentation.gouv.fr/projects (consulté le 23 février 2018).

SGAE (2015), Appel à propositions : Education à la citoyenneté et à la solidarité internationale - Année européenne pour le développement, Paris, www.developpement2015.fr/appel-a-propositions-education-citoyennete-solidarite-internationale/ (consulté le 26 février 2018).

ONU DOMP (2017), Troop and police contributors | United Nations Peacekeeping, https://peacekeeping.un.org/en/troop-and-police-contributors (consulté le 12 février 2018).

Notes

← 1. En effet, l'AFD se positionne comme la première banque de développement bilatérale ayant pour mandat explicite la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat, même si les ONG lui reprochent de ne pas avoir annoncé la fin de son soutien aux énergies fossiles.

← 2. En particulier, l'article 173 oblige les investisseurs et les entreprises à expliquer chaque année leur impact climatique, ainsi que leurs politiques concernant le changement climatique. La France mène également en matière d’éco-innovation dans les domaines de l'eau et des déchets, et des technologies de lutte contre le changement climatique (OCDE, 2016).

← 3. Ces financements transiteront par le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l'environnement mondial, le Fonds multilatéral du protocole de Montréal, le Fonds d’adaptation et les fonds concessionnels de la Banque mondiale. La France dispose également d’un instrument bilatéral, le Fonds français pour l’environnement mondial, doté d’une enveloppe de 90 millions EUR pour la période 2015-18.

← 4. Par le biais du Fonds français pour l'environnement mondial, qui finance des projets innovants à effet de levier, la France est l'un des deux pays à financer la « Conservation Finance Alliance », qui étudie les mécanismes de financement durable pour la conservation de la biodiversité. Autre exemple du leadership français, le Programme des petites initiatives, lancé par le Fonds français pour l'environnement mondial en 2005 dans le but de soutenir les ONG africaines dans la conservation et la gestion de la biodiversité, a été repris comme modèle par l'Union internationale pour la conservation de la nature afin de développer le programme des petites initiatives pour les organisations de la société civile d'Afrique du Nord (OCDE, 2016)

← 5. Dans les faits, 53 membres sont aujourd’hui nommés (le siège prévu pour un député européen n’a jamais été pourvu).

← 6. Le CNDSI forme régulièrement des groupes de travail qui lui permettent de donner des avis formels sur des thèmes compris dans le programme d’action international. Par exemple, des groupes de travail constitués au sein du Conseil sur le financement du développement en 2015 (pour enrichir la position française en vue du Sommet d’Addis-Abeba), sur « migration et développement » (2016) ou encore sur la contribution du secteur privé français au développement (2017, finalisation en 2018).

← 7. La réforme rend les subventions compatibles avec la « boîte verte » des pratiques autorisées par l'Organisation mondiale du commerce.

← 8. Les Centres d’examen des demandeurs d’asile (ou hotspots) sont mis en place par les autorités locales et le UNHCR, afin que la demande d’asile soit effectuée en amont de l’arrivée sur le territoire français. (OFPRA, 2017) Les migrants recevant le statut de réfugiés sont amenés en France par avion, alors que les personnes déboutées restent sur place faisant peser un risque socio-économiques aux villes abritant ces centres.

← 9. La prochaine revue de la France par le Groupe d’action financière aura lieu en 2020.

← 10. L’AFD est également en tant qu’agence d’aide au développement soumise aux obligations de gestion des risques de corruption prévus dans la Recommandation du Conseil développée conjointement par le CAD et le Groupe de travail anti-corruption et adoptée par le Conseil en novembre 2016 : www.oecd.org/corruption/oecd-recommendation-for-development-cooperation-actors-on-managing-risks-of-corruption.htm

← 11. En février 2018, deux autres entreprises ont également signé une Convention mais, cette fois, dans des affaires de corruption.

← 12. Les Principes directeurs sont soutenus par un mécanisme de mise en œuvre unique, les Points de contact nationaux (PCN), qui aident les entreprises et leurs actionnaires à prendre des mesures appropriées afin de promouvoir les objectifs des Principes directeurs. Ils fournissent une plateforme de médiation et de conciliation pour résoudre les questions pratiques qui peuvent se présenter avec la mise en œuvre des principes directeurs.