Résumé

Le Maroc a réussi, lors des deux décennies écoulées, à relever le défi de la généralisation de l’accès à l’enseignement primaire. La scolarisation dans l’enseignement secondaire du premier et deuxième cycle a connu une forte croissance pendant la même période. Cependant des difficultés persistent en ce qui concerne la qualité des apprentissages qui demeurent relativement faibles par rapport aux pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. Les lacunes d’apprentissages commencent dès les premières années du primaire et s’accumulent au fil des années, menant à des taux de décrochage scolaire élevés (redoublement et abandon). Le plan stratégique sectoriel du Maroc à l’horizon 2030: a « Vision 2030 pour l’éducation » (Vision 2030), vise à améliorer la qualité de l’enseignement et créer une « nouvelle école marocain » qui promeut l’apprentissage et qui offre des opportunités de vie meilleure à tous les élèves.

Le présent rapport s’intéresse aux politiques et pratiques d’évaluation des élèves, des enseignants, des écoles et du système éducatif et comment celles-ci peuvent aider à réaliser le Maroc à atteindre ses objectives stratégiques. Le Maroc possède certains des fondements d’un système d’évaluation efficace. Il a mis en place des institutions en charge de l’évaluation et des outils prometteurs dont une évaluation nationale des acquis des élèves. Il dispose également des principaux indicateurs statistiques de l’éducation, ainsi que d’une base de données de l’éducation permettant de suivre la progression des élèves dans le système éducatif et la mise en place d’un programme de renforcement de la gestion scolaire (le Projet d’Établissement ). Le Maroc gagnerait cependant, à définir des objectifs et des normes sur la qualité attendue de l’éducation afin de guider l’évaluation et de fixer un cap clair pour son système éducatif. Un renforcement des capacités en évaluation aux niveaux central et régional et au sein des écoles est également nécessaire pour rendre le cadre d’évaluation plus effectif. Enfin, une meilleure exploitation des données des évaluations pour informer et éclairer les politiques d’éducation et le public permettrait au Maroc d’assurer la cohérence des réformes et fédérer les acteurs autour des objectifs de la Vision 2030.

Évaluation des élèves : soutenir les élèves dans leur apprentissage

Au Maroc, l'utilisation à la fois des évaluations en classes et des examens est majoritairement sommative et ses résultats déterminent la progression des élèves dans le système éducatif à partir de la première année du cycle primaire. Afin de renforcer le rôle de l’évaluation dans l’amélioration des apprentissages, il est essentiel que le Maroc développe la capacité des enseignants à mettre en place et exploiter des évaluations formatives alignées avec le curriculum. Pour ce faire, le Maroc pourrait poursuivre ses projets de révision de l’évaluation diagnostic en début d’année, le Programme d’Évaluation des Prérequis (PEP), afin d’aider les enseignants à identifier les difficultés d’apprentissage de leurs élèves. Les enseignants gagneraient également à obtenir une formation plus approfondie en évaluation en classe, en particulier l’évaluation formative, dans le cadre de leur formation initiale et de la formation continue.

Afin de faire face aux difficultés d’apprentissages et le décrochage précoce des élèves, le Maroc gagnerait à revoir les modalités de progression dans son système éducatif afin de limiter le redoublement dans l’enseignement obligatoire, en particulier, durant les premières années du primaire. Une première étape dans ce sens serait de remplacer l’examen du Certificat d’Étude Primaire (CEP) à la fin du primaire par une évaluation nationale standardisée sans enjeu de passage pour les élèves. Une telle évaluation permettrait de mesurer de manière plus juste les acquis des élèves tout en faisant ressortir les informations nécessaires à l’amélioration des pratiques d’enseignement et des politiques nationales. Un tel changement déplacerait ainsi la responsabilité de la réussite ou de l’échec scolaire de l’enfant vers le système dans sa globalité.

Le rapport préconise également un renforcement de la fiabilité des examens certificatifs du Brevet et du Baccalauréat afin qu’ils évaluent de manière précise les acquis des élèves, et reflètent mieux les compétences attendues par le curricula et celles désirées par le marché du travail.

Évaluation des enseignants : fournir un retour d’information et des lignes directrices pour rehausser les normes professionnelles

La Vision 2030 donne la priorité à la professionnalisation du corps enseignant notamment par la réforme de l'évaluation des enseignants considérée comme un levier essentiel de l'amélioration de la qualité pédagogique. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire que le Maroc mette en place des normes professionnelles d’enseignement pour ancrer les évaluations et s’assurer qu’elles servent bien l’objectif d’amélioration des pratiques d’enseignement. Ce rapport présente quelques pistes pour orienter le travail déjà entamé du Ministère dans le développement de telles normes. En particulier, le rapport insiste sur le besoin d’engager des consultations poussées avec les enseignants en amont et le besoin de centrer les normes sur les pratiques d’enseignement en classe qui ont un impact prouvées sur l’amélioration des apprentissages.

Créer une évaluation plus efficace, fournissant à la fois un accompagnement et une supervision, prendra du temps et demandera un important investissement en ressource sur le moyen et long terme. Le Maroc gagnerait à mettre en place progressivement deux processus d’évaluation distinct. Un processus d’évaluation interne à l’établissement scolaire et axé sur le développement professionnel de l’enseignement et un processus externe ayant pour but d’informer la gestion du plan de carrière et récompenser la performance. Au vue de l’afflux important de nouveaux enseignants dans le système éducatif, le rapport accorde une place particulière au développement d’un système de certification et de titularisation plus robuste se basant sur un accompagnement pédagogique du nouvel enseignant au sein de l’école.

Évaluation des établissements scolaires : renforcer leur capacité d’amélioration

L’évaluation des écoles est une pratique naissante au Maroc. Le pays a introduit récemment un audit régulier des établissements scolaires qui couvre certains aspects de l’évaluation externe des écoles. Le Maroc a encouragé également les écoles à mettre en place des auto-évaluations dans le cadre du Projet d’Établissement. Cependant, les capacités limitées en évaluation tant au niveau des écoles qu’aux niveaux régional et central, l’absence de normes de qualité claires pour les écoles et une culture de la gestion et de la planification scolaire balbutiante, constituent de réelles limites au développement des pratiques d’évaluation.

Le Maroc pourrait développer une approche plus systémique de l’évaluation externe en se basant sur les outils et les capacités existantes aux niveaux de l’IGAP et de l’inspection pédagogique. L’IGAP, a qui devrait revenir le mandat pour l’évaluation externe des établissements, se doit de développer ses indicateurs afin d’y mettre plus l’accent sur l’évaluation de l’enseignement et des apprentissages en classe, au lieu de l’exigence de conformité administrative qui domine actuellement. À cette fin, il est conseillé que les inspecteurs pédagogiques, source d’expertise en évaluation des pratiques pédagogiques au Maroc, soient associés à l’évaluation des établissements en prenant en charge la partie évaluation de la qualité de l’enseignement à travers l’observation des pratiques en classes d’enseignement et d’apprentissage.

Le Maroc reconnait l’importance de renforcer les capacités d’auto-évaluation au sein des écoles. Ce rapport présente quelques actions d’appui que le Ministère pourrait introduire sur le court terme pour renforcer les pratiques d’auto-évaluation. Tout d’abord, le MNEFP pourrait mettre en place des questions simples auxquels les écoles devraient répondre et une liste d’indicateurs et de ressources qu’elles peuvent utiliser. Sur le court terme toujours, le Ministère pourrait aussi fournir un appui technique externe à travers des coachs qui viendraient accompagner les établissements dans leurs activités d’auto-évaluation. Il est aussi conseillé dans un premier temps de concentrer l’appui externe en priorité dans les écoles primaires, en particulier en zones socio-économiques défavorisées avant de généraliser le dispositif à l’ensemble des établissements scolaires.

Enfin, il est important que le Ministère et les AREF apportent un appui à la fois technique et financier aux écoles pour leur permettre d’appliquer les recommandations des évaluations externes et internes. Comme c’est le cas pour l’auto-évaluation, il est conseillé que cet appui soit concentré dans un premier temps sur les écoles dans les zones rurales et les zones défavorisées.

Évaluation du système éducatif : informer les politiques d’éducation et responsabiliser les acteurs

La mise en place par le Maroc en 2015 d’une vision à l’horizon 2030 pour son système éducatif, est une étape importante pour redynamiser le processus de réforme. Cependant, le pays devrait également mettre en place un plan stratégique sur le moyen terme pour clarifier les objectifs de la Vision et permettre d’orienter l’action de l’ensemble des acteurs pour sa réalisation. Ce rapport présente comment le Maroc pourrait développer un cadre d’évaluation du système éducatif cohérent et qui permet le suivi des objectifs et cibles du plan stratégique pour atteindre la Vision 2030. Ce cadre d’évaluation devrait contenir à la fois un système de gouvernance claire de l’évaluation, le développement d’indicateurs de suivi ainsi que des processus de communication et de dissémination de l’information transparent pour promouvoir la responsabilisation de l’action publique.

Ce cadre d’évaluation devrait avoir pour principal objectif de permettre au Maroc d’améliorer les apprentissages des élèves. Pour ce faire, le Maroc gagnerait également à mettre à profit le PNEA et les évaluations internationales auxquelles il participe pour recentrer les politiques et le débat éducatif sur l’amélioration des apprentissages des élèves. Par exemple, l’évaluation nationale des acquis des élèves gagnerait à se focaliser en priorité sur le primaire où commencent les lacunes d’apprentissage menant au décrochage scolaire des élèves.

L’accélération du processus de décentralisation du système éducatif est l’un des objectifs centraux de la Vision 2030. Pour réaliser cette ambition, il est central que le Maroc investisse plus dans le développement des capacités des AREF à évaluer la performance de leur sous-système éducatif afin de prendre des décisions informées. Dans un premier temps, créer une obligation pour les AREF de définir des objectifs régionaux et des cibles chiffrées permettrait de dynamiser le débat sur la qualité de l’éducation au niveau régional. Le Ministère pourrait également apporter un appui statistique aux AREF pour développer leurs capacités d’analyse.

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