Mettre les échanges et l’investissement au service des individus

Ash Ken
Directeur de la Direction des échanges et de l’agriculture de l'OCDE

Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, tout comme les Nouvelles approches face aux défis économiques (NAEC) de l’OCDE, reconnaissent explicitement que les échanges et l’investissement ne constituent pas une fin en soi, mais plutôt un moyen d’atteindre un but. En l’occurrence, le but recherché est une croissance plus forte et plus inclusive, des emplois de meilleure qualité et plus nombreux, et l’amélioration du bien-être collectif. Les politiques publiques en matière d’échanges et d’investissement ne permettent pas à elles seules d’obtenir ces résultats, mais elles peuvent y contribuer dans la mesure où elles s’inscrivent dans un ensemble plus large de réformes structurelles complètes, conçues en fonction du contexte propre à chaque pays et de son stade de développement.

Les chaînes de valeur mondiales (CVM) représentent une part croissante du revenu mondial, qui témoigne de l’importance de l’interdépendance économique des pays à l’heure actuelle. Les revenus associés à la participation aux CVM ont augmenté dans tous les pays, en particulier dans les grandes économies émergentes, mais ces effets positifs ne se produisent pas de façon automatique. La fragmentation de la production entre différents pays met en relief l’importance que revêt la mise en œuvre de politiques d’échanges et d’investissement ouvertes, prévisibles et transparentes, mais aussi de mesures d’accompagnement efficaces, permettant aux pays les moins avancés (PMA) et aux petites et moyennes entreprises (PME), en particulier, de prendre part aux chaînes de valeur mondiales et d’en tirer profit. En d’autres termes, pour mettre les échanges et l’investissement au service des individus, les pouvoirs publics doivent disposer d’un programme d’action cohérent et intégré.

Les CVM gonflent le coût de la protection. Les biens, les services, les capitaux, les données et les personnes franchissant les frontières à de multiples reprises, l’effet cumulatif de toute une série de coûts, même peu élevés pris isolément, fait peser une charge importante sur les négociants et les investisseurs. Ces coûts peuvent provenir de restrictions officielles, comme les droits de douane, de procédures aux frontières inefficaces ou inutiles, ou encore de mesures limitant la circulation des capitaux. Lorsque l’investissement étranger constitue l’un des moteurs de la capacité exportatrice d’un pays, cet effet « boule de neige » peut même décourager les entreprises d’investir dans ce pays, ou d’y maintenir leurs investissements. Par conséquent, les installations de production, les technologies, le savoir-faire et les emplois risquent d’être délocalisés.

Dans un monde où prévalent les CVM, on observe que les normes réglementaires ont tendance à être plus nombreuses et plus exigeantes, en raison de la nécessité impérative d’assurer fiabilité, qualité et sécurité. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause le droit de réglementer et de protéger les consommateurs, mais la réglementation doit être fondée sur des données scientifiques, proportionnée et non discriminante. Tous les coûts inutiles imposés par une réglementation excessivement lourde pèsent particulièrement lourd pour les PME et les entreprises des PMA, où la capacité d’adaptation est souvent limitée. Trop souvent, cette situation fait obstacle à une participation efficace aux CVM.

Les CVM n’existeraient pas sans services aux entreprises performants, notamment de transport, logistiques, financiers ou de communication, permettant d’assurer le transport des marchandises et la coordination de la production tout au long de la chaîne de valeur. Les services représentent aujourd’hui plus de 60 % du PIB des pays du G20, dont 30 % de la valeur ajoutée totale des produits manufacturés. Ces services reposent souvent sur l’investissement, pourtant, les marchés des services restent plutôt soumis à des restrictions dans bon nombre de pays, ce qui fait peser des coûts élevés sur les entreprises locales mais aussi étrangères, limite les gains de productivité et entrave inutilement la participation aux CVM.

Les CVM constituent un argument supplémentaire en faveur d’une réforme unilatérale des politiques publiques. Les entreprises locales tirent profit de l’ouverture de nouveaux débouchés à l’exportation, qui constitue souvent la finalité des négociations commerciales, mais elles bénéficient aussi d’un accès à des importations de biens et services intermédiaires figurant parmi les plus performants. Lorsqu’un pays ouvre ses marchés, notamment aux intrants intermédiaires, les entreprises et les travailleurs de ce pays en tirent profit. Mais les gains sont encore plus importants lorsque les pays sont plus nombreux à participer et que les marchés des biens, des services, des capitaux, des technologies, des données, des idées et du capital humain s’ouvrent sur une base multilatérale.

Les CVM mettent en évidence la nécessité de disposer de règles plus cohérentes en matière d’échanges et d’investissement ; pour que ces deux moteurs du développement tournent à plein régime, il faut que d’autres domaines de l’action publique soient eux aussi mieux alignés et coordonnés avec ceux des échanges et de l’investissement. Parmi ces autres domaines figurent les politiques macroéconomiques, les politiques en matière d’innovation, de compétences et les politiques sociales et du marché du travail. La nature des conditions à réunir et des politiques d’accompagnement nécessaires pour soutenir la libéralisation des échanges et de l’investissement dépend des spécificités de chaque pays ; il n’existe pas de recette universelle mais un certain nombre d’ingrédients communs.

L’ouverture aux échanges et à l’investissement est une condition nécessaire mais non suffisante pour favoriser la croissance, le développement et les emplois plus inclusifs dont les pays ont grand besoin. Les mesures d’accompagnement qui encouragent la conduite responsable des entreprises et favorisent les investissements publics et privés nécessaires, en particulier dans le capital humain, l’innovation et les infrastructures matérielles stratégiques, aident non seulement à concrétiser la croissance mais aussi à faire en sorte que les fruits en soient largement partagés.

Liens utiles

Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2nW.

Travaux de l’OCDE sur les échanges : www.oecd.org/trade.

Travaux de l’OCDE sur l’investissement : www.oecd.org/investment.