L’égalité hommes-femmes et les Objectifs de développement durable

Queisser Monika
Conseillère principale, Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales

Les Objectifs de développement durable (ODD) relancent les efforts déployés pour mettre en place des politiques en faveur de la parité à l’échelle mondiale. En effet, l’ODD nº 5 est consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes et vise à « parvenir à l’égalité des sexes et [à] autonomiser toutes les femmes et les filles ». Les cibles détaillées de cet objectif se rapportent à diverses problématiques, comme la discrimination à l’égard des femmes, la violence faite aux femmes, la santé procréative, les droits relatifs à la propriété et les technologies. Les progrès accomplis à travers le monde pour atteindre ces cibles sont contrastés. Malgré des avancées importantes en ce qui concerne, par exemple, la fréquentation de l’école primaire par les filles, l’égalité hommes-femmes dans beaucoup d’autres domaines reste un objectif lointain dans le monde en développement.

Cela ne signifie pas pour autant que les économies avancées peuvent relâcher leurs efforts et clore le dossier. Aucun pays de l’OCDE ne peut se targuer d’avoir atteint une égalité totale entre les hommes et les femmes. Les femmes sont aujourd'hui aussi instruites que les hommes, voire davantage, dans la plupart des pays, et leur taux d’activité progresse, bien qu’elles continuent de consacrer moins d’heures par semaine que leurs partenaires à l’exercice d’un travail rémunéré. Même les pays les plus avancés, comme les pays nordiques, dans lesquels les femmes sont bien intégrées sur le marché du travail, sont confrontés à des écarts de salaire obstinément élevés entre les deux sexes et à un déficit continu de femmes aux postes à responsabilités, par exemple.

On s’accorde de plus en plus à penser que les stéréotypes et les rôles traditionnellement attribués à chaque sexe empêchent de progresser davantage sur la voie de l’élimination des disparités entre les femmes et les hommes. Dans littéralement tous les pays pour lesquels des données existent, les femmes effectuent plus de tâches non rémunérées que les hommes. Par conséquent, elles disposent de moins de temps pour exercer un travail rémunéré et de moins de possibilités d’avancement professionnel. Les responsables de l’élaboration des politiques commencent donc à s’intéresser davantage à une meilleure répartition des responsabilités familiales et des travaux domestiques. Cette nouvelle orientation transparaît également dans l’une des cibles de l’ODD nº 5, qui appelle les pouvoirs publics à « faire une place aux soins et travaux domestiques non rémunérés et [à] les valoriser, par l’apport de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille, en fonction du contexte national ».

De nouvelles données de l’OCDE indiquent que les pays où les disparités entre les femmes et les hommes en termes de responsabilités familiales sont les moins importantes affichent aussi les écarts les plus faibles en termes de taux d’emploi. En moyenne, les femmes en couple passent deux fois plus de temps que leurs partenaires masculins à effectuer des tâches ménagères non rémunérées. Dans les couples où la femme effectue plus d’heures de travail rémunéré, il semble que la répartition des tâches domestiques (cuisine, ménage, enfants) soit plus équilibrée. On déplore toutefois que cela ne soit pas dû à une participation accrue des hommes aux travaux ménagers. La raison en est que les femmes en couple et les couples à deux revenus effectuent globalement moins d’activités non rémunérées.

Le fait de devenir parents marque un tournant dans la façon dont les couples se répartissent les corvées domestiques et les obligations familiales. À l’arrivée d’un enfant, les couples reprennent souvent des rôles plus traditionnels. Les mères passent peut-être plus de temps avec leurs enfants que les pères, mais ces derniers consacrent une plus grande proportion du temps passé avec leurs enfants à des activités interactives « de qualité », comme la lecture, le jeu et le dialogue.

Les raisons pour lesquelles les femmes effectuent davantage de tâches non rémunérées sont multiples ; certaines préfèrent consacrer moins d’heures à un travail rémunéré ou ne pas travailler du tout, en particulier si elles ont des enfants en bas âge. Mais beaucoup d’autres femmes souhaiteraient exercer un travail rémunéré et/ou effectuer un plus grand nombre d’heures de travail rémunérées. Mais elles ont du mal à concilier vie professionnelle et vie familiale en raison de contraintes telles que l’accès limité à des modes de garde peu coûteux et de bonne qualité ou à des horaires de travail flexibles. L’analyse de l’OCDE a également montré que plusieurs autres facteurs pouvaient influencer le partage des tâches non rémunérées entre les partenaires, comme la taille de la famille, l’éducation et/ou la rémunération potentielle relative des partenaires. Les inégalités entre les femmes et les hommes dans la sphère publique, les attitudes sociétales et les politiques publiques, notamment les modalités du congé parental, sont également associées à différents niveaux de participation dans les pays.

En 2014, les dirigeants des pays du G20 ont adopté l’objectif commun de réduire de 25 % d’ici à 2025 l’écart entre le taux d’activité des femmes et le taux d’activité des hommes. Pour atteindre cet objectif ambitieux, toute stratégie devra s’appuyer sur une meilleure répartition du travail rémunéré et du travail non rémunéré. Mais rien ne changera si le combat en faveur de la parité n’est mené que par des femmes, pour les femmes. Les hommes aussi doivent s’investir vigoureusement dans cette lutte pour que les obstacles et les stéréotypes liés au sexe puissent être éliminés. Et les hommes ont également beaucoup à y gagner. Ils seront en mesure de passer davantage de temps avec leur famille sans porter préjudice à leur carrière, si cela devient progressivement une norme commune. Chacun sera plus libre de choisir la place qu’il souhaite occuper dans la société, et les hommes se sentiront moins tenus d’assumer seuls, ou en grande partie, le rôle de soutien de famille. Les gains de revenu qui découlent de l’activité des femmes apporteront une sécurité financière accrue à leur ménage et réduiront les inégalités globales de revenu. Les hommes comme les femmes bénéficieront dans la même mesure des vastes effets d’une plus grande parité, par exemple une croissance économique plus forte, une productivité accrue et une plus grande viabilité des systèmes de protectionsociale. En outre, les enfants seront non seulement heureux de passer davantage de temps avec leurs deux parents mais, en grandissant, ils estimeront aussi qu’il est normal pour les pères de passer plus de temps à la maison et pour les mères de passer plus de temps au travail. Renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes est donc une proposition qui ne présente que des avantages, étant donné qu’elle profite à tous.

Liens utiles

Article original sur le blog OECD Insights : http://wp.me/p2v6oD-2tf.

Travaux de l’OCDE sur l’égalité hommes-femmes : www.oecd.org/fr/parite/.