Chapitre 3. Le tableau de bord des indicateurs de suivi des réformes pour le Sénégal
Ce chapitre propose une série d’indicateurs de suivi des réformes proposées dans les domaines de l’éducation, de la fiscalité et du fonctionnement de l’administration publique. Après avoir présenté la méthodologie et discuté des faiblesses du système statistique national, le chapitre avance les objectifs à atteindre pour 2023 et 2035 pour chacun des indicateurs.
Le suivi des politiques publiques au travers d’indicateurs est nécessaire pour un pilotage informé de la réforme. Une stratégie de développement bien conçue doit permettre de suivre et évaluer l’efficacité des politiques publiques en permettant aux décideurs politiques de réévaluer et réajuster régulièrement les réformes entreprises en vue de leur mise en œuvre optimale. Le Sénégal est bien outillé pour ce faire, avec un cadre harmonisé de suivi-évaluation du Plan Sénégal émergent (PSE) avec en son centre le Bureau opérationnel de suivi (BOS) du PSE qui produit des rapports de suivi annuels, et les 49 indicateurs de suivi-évaluation du volet 1 du PSE présentés (République du Sénégal, 2014). Ce chapitre vise à fournir aux commissions de préparation de la phase 2 du PSE des propositions d’indicateurs de suivi. Ces indicateurs sont en lien étroit avec les résultats attendus des réformes proposées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et validées par le gouvernement sénégalais. Ces indicateurs, présentés sous forme d’un tableau de bord, pourront être retenus par les commissions si ces dernières les jugent pertinents.
Le tableau de bord doit être interprété avec prudence. La lecture du tableau de bord ne doit pas se résumer à la performance chiffrée du Sénégal, mais aux évolutions des tendances observées sur une longue période et aux comparaisons internationales. En effet, il s’agit de tenir compte des erreurs possibles de mesure, et du temps nécessaire entre les actions entreprises et leurs effets sur la sphère socio-économique. Particulièrement, dans le domaine de l’éducation, la croissance démographique représente un défi majeur dans l’atteinte des objectifs présentés ici. Ainsi, la valeur ajoutée de ce tableau est la synthèse des progrès mesurés par les différents groupes d’indicateurs. La batterie d’indicateurs permet d’avoir une vue d’ensemble des progrès pour atteindre les objectifs d’amélioration des secteurs éducatif, fiscal et du fonctionnement de l’administration publique.
Enfin, il est à souligner l’importance de la transparence de l’action de l’État, indispensable pour un contrat social équilibré. Au-delà du besoin de suivi des politiques publiques nationales, l’action de l’État doit pouvoir être transparente pour assurer une bonne reddition de comptes auprès des citoyens. Ceci nécessite des données de qualité, fiables, disponibles en temps réel et suffisamment désagrégées. Le besoin de données s’inscrit véritablement dans une culture de prise de décisions fondées sur des réalités, qui permet de concevoir des actions publiques adaptées et d’évaluer leurs effets à long terme. Cela peut contribuer à renforcer la responsabilité du gouvernement envers les citoyens, améliorer les capacités de pilotage de l’administration publique et intensifier l’engagement citoyen. Dans ce contexte, les tableaux de bord ont une importance capitale.
Le tableau de bord propose des objectifs à atteindre pour l’émergence en 2035
Pour les trois plans d’action (éducation, fiscalité, administration publique), le tableau de bord présente un petit nombre d’indicateurs. Le tableau de bord contient d’une part des indicateurs principaux permettant de mesurer les progrès globaux vers l’émergence, fruits de l’ensemble des réformes à mener. Il contient d’autre part des indicateurs spécifiques qui servent quant à eux à faire un suivi plus précis des résultats attendus des séries de réformes proposées. Pour tous ces indicateurs, plusieurs valeurs sont présentées :
-
Le niveau atteint par le Sénégal au début de la mise en œuvre du PSE (2014, ou à défaut l’année la plus récente disponible).
-
Le niveau atteint par le Sénégal en 2015 et 2016 (sous réserve de la disponibilité des données).
-
Les objectifs à atteindre à l’émergence (soit en 2035), ainsi que les objectifs intermédiaires (en 2023). Pour le secteur de l’éducation, les objectifs pour 2030 sont aussi calculés afin d’être alignés avec les échéances du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence du secteur de l’éducation et de la formation (Paquet-EF) et des Objectifs de développement durable.
Pour éclairer la prise de décisions, le tableau de bord fournit une diversité d’indicateurs de suivi. Le tableau de bord comprend des mesures objectives ainsi que des données subjectives issues d’enquêtes. Cela vise à prendre en compte la perception et l’opinion des Sénégalais sur les réformes et politiques mises en œuvre. De plus, le tableau de bord essaie, dans la mesure du possible, d’allier des données de source internationale, dans un souci de comparaison entre pays, et de source nationale, pour un suivi précis de certains impacts de réformes. L’utilisation plus systématique de sources nationales dans le tableau de bord pourra permettre de compléter et comparer les données. À ce titre, la collaboration statistique entre les institutions sénégalaises (Agence nationale de statistique et de la démographie du Sénégal [ANSD] et ministères sectoriels notamment) est essentielle pour parvenir à un suivi efficace des réformes, et pour que cet outil puisse être pleinement approprié par le gouvernement et les institutions sénégalaises.
Les objectifs à atteindre en 2035 sont calculés pour les indicateurs de source internationale. Deux modes de calcul sont retenus comme expliqué ci-dessous. Pour les indicateurs de source nationale, les objectifs reflètent les documents de stratégies nationaux ou internationaux (les objectifs non spécifiés pourront être complétés par la partie sénégalaise).
-
En utilisant une méthodologie statistique qui reflète les niveaux obtenus par les économies à revenu intermédiaire (tranche inférieure et supérieure) dans le monde. Cette méthode est privilégiée dans la mesure du possible.
-
En calculant la performance des 10 % des pays à revenu intermédiaire les plus performants. En effet, pour ces indicateurs, la méthodologie statistique présentée dans le point 1 fournit des objectifs pour 2035 trop peu ambitieux compte tenu des niveaux déjà atteints par le Sénégal.
La méthodologie statistique privilégiée (point 1) se base sur un produit intérieur brut (PIB) par habitant au Sénégal égal à 5 456 USD (dollars des États-Unis) en 2035, après ajustement des différences de pouvoir d’achat entre les pays. Cette hypothèse de PIB par habitant calculé pour 2035 prend en compte l’objectif du PSE de multiplier le PIB par habitant par 1.5 en 10 ans (soit de 2014 à 2025). La même évolution est retenue sur la période 2025-35. Avec un PIB par habitant à 5 456 USD en 2035, le Sénégal rejoindrait le rang des pays à revenu intermédiaire. La méthodologie se base donc sur un échantillon composé de tous les pays à revenu intermédiaire. Bien que tous les pays de ce groupe ne soient pas nécessairement des modèles d’émergence à suivre en soi, le critère du revenu permet, dans la majorité des cas, de sélectionner des pays partageant de nombreuses caractéristiques avec les économies émergentes. Par ailleurs, les pays de l’échantillon permettent d’obtenir suffisamment de données pour que les estimations économétriques des valeurs cibles en 2035 soient valides.
En utilisant le groupe des pays à revenu intermédiaire, des régressions bi-variées sont calculées pour chaque indicateur. L’indicateur retenu est la variable dépendante, avec le PIB par habitant en variable indépendante. La première étape est la régression des indicateurs sur le PIB par habitant (équation 1). Dans un second temps, le coefficient d’interception associé au Sénégal est additionné au coefficient estimé du PIB par habitant multiplié par le PIB par habitant cible en 2035 (5 456 USD internationaux constants en parité de pouvoir d’achat) pour obtenir les valeurs objectifs (équation 2).
Indicateur = α + β ∗ PIB par habitant (équation 1)
Valeur objectif sen = αsen + β ∗ 5 456 (équation 2)
Afin de vérifier que les objectifs pour 2035 soient réalistes pour le Sénégal, les tendances de progression ont été calculées pour les indicateurs dont les séries chronologiques historiques les plus complètes sont disponibles. Ces tendances illustrent les niveaux des indicateurs en 2035 si le rythme de progression des indicateurs reste inchangé. Il apparaît que les valeurs obtenues ainsi sont très proches des valeurs calculées avec la méthodologie statistique décrite ci-dessus. Cet exercice a permis de valider les objectifs proposés pour l’émergence en 2035.
Les objectifs intermédiaires (2023) sont calculés en interpolant linéairement le chiffre de la dernière année disponible pour le Sénégal et l’objectif de 2035 (qu’il soit calculé selon la méthode 1 ou 2). L’interpolation linéaire est une méthode permettant d’estimer la valeur d’un indicateur entre deux points déterminés. Elle consiste à dériver pour cela la fonction linéaire passant par les deux points déterminés. Par exemple, en connaissant la valeur d’un certain indicateur y en 2015 et 2035, sa valeur en 2023 (y2023) est dérivée en utilisant l’équation suivante :
Lorsque, pour un indicateur spécifique, aucune donnée récente n’est disponible, la valeur pour 2023 ne peut être estimée.
Un suivi fiable, reflétant la réalité des réformes et actions entreprises, repose sur une collecte de données statistiques de qualité
Au Sénégal, la production de statistiques est relativement bonne, même si des améliorations peuvent être apportées. En matière de méthodologie et de standards, les classifications et systèmes de sectorisation adoptés par l’ANSD sont largement conformes aux meilleures pratiques et normes internationales. Toutefois, les capacités sont insuffisantes pour un suivi efficace en temps opportun et il est parfois difficile d’obtenir une image exhaustive de la réalité sur le terrain, comme par exemple, le nombre de structures et de bénéficiaires des programmes nationaux. Par ailleurs, des méthodologies différentes sont parfois utilisées dans la production et la collecte de données entre institutions – par exemple, entre le ministère de l’Éducation nationale (MEN) et l’ANSD – entraînant parfois des divergences dans les données et les analyses qui en découlent. Une meilleure coordination entre les différents producteurs de statistiques dans le pays est une priorité sous la houlette de l’ANSD, conformément à la Loi n° 2012-03 du 3 janvier 2012 modifiant et complétant la Loi n° 2004-21 du 21 juillet 2004 portant sur l’organisation des activités statistiques au Sénégal.
Des besoins apparaissent dans l’accès aux données et à l’information dématérialisée. En effet, la diffusion des statistiques et le temps de réaction à des demandes spécifiques restent parfois longs et les raisons du rejet de certaines demandes d’information peuvent être obscures. Une coopération intra gouvernementale accrue permettrait de s’assurer que les données produites soient disponibles en temps utile et ainsi mieux exploitées par l’administration sénégalaise. Par exemple, les activités de collecte de données sur la population (enquêtes de pauvreté, recensements agricoles, état civil) et les entreprises peuvent permettre, sous certaines conditions, une meilleure connaissance du secteur informel, et ainsi renforcer l’efficacité du régime fiscal.
Indicateurs du secteur éducatif
Indicateurs principaux
Indicateurs spécifiques aux réformes proposées dans le plan d’action
Indicateurs du système fiscal
Indicateur principal
Indicateurs spécifiques aux réformes proposées dans le plan d’action
Indicateur du fonctionnement de l’administration publique
Indicateur principal
Références
Banque mondiale (2017), Indicateurs du développement dans le monde (base de données), Washington, DC, http://data.worldbank.org/products/wdi.
Banque mondiale (2016), Enquête entreprise, 2016 (base de données), Washington, DC, www.enterprisesuveys.org/data/.
Bertelsmann Stiftung (2016), Indice de la Transformation Bertelsmann, http://www.bti-project.org/index/.
FMI (2017), Annuaire des statistiques des finances publiques, Fonds monétaire international, http://www.imf.org/external/french/.
IRD/UCAD/Unicef (2016), « Les enfants hors ou en marge du système scolaire classique au Sénégal », étude Orlecol, synthèse analytique, http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers17-03/010069024.pdf, 2016
MEFP (2016), « Situation économique et financière en 2016 et perspectives en 2017 », Direction générale de la planification et des politiques économiques, Direction de la prévision et des études économiques, ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, www.dpee.sn. Dakar, http://www.men.gouv.sn
MEN (2017), « Synthèse prospective de l’évaluation de la phase 1 du programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence de l’éducation et de la formation, (Re)contextualiser le PAQUET », ministère de l’Éducation nationale.
Pasec (2016), « Pasec 2014 – Performances du système éducatif sénégalais : Compétences et facteurs de réussite au primaire », Pasec, Confemen, Dakar, http://www.pasec.confemen.org/wp-content/uploads/2017/02/Pasec2014-Rapport-Sénégal.pdf
OCDE (2016), « Utiliser l’outil de politique fiscale pour le financement de biens et services publics de qualité », dans Examen multidimensionnel de la Côte d’Ivoire : Volume 2. Analyse approfondie et recommandations, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264251670-9-fr.
OCDE/ATAF/CUA (2016), Statistiques des recettes publiques en Afrique 1990-2014, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264253308-en-fr.
République du Sénégal (2014), « Plan Sénégal émergent », Dakar, http://www.gouv.sn/IMG/pdf/PSE.pdf.
Unesco (2017), UIS.Stat (base de données), Paris, http://data.uis.unesco.org/.