Résumé

Le Maroc est engagé depuis la fin des années 90 sur une trajectoire de développement stable, grâce à une croissance soutenue et des réformes progressives de son modèle de développement. La croissance soutenue et la stabilité macroéconomique et sociale ont permis d’enclencher une dynamique de développement marquée par la diversification de l’économie, une forte réduction de la pauvreté et des progrès dans des domaines clés du bien-être, tels que l’universalité de la scolarisation primaire. Ces bonnes performances reposent sur des choix stratégiques maintenus, comme celui d’un État fortement impliqué dans l’économie, ou encore celui de l’ouverture commerciale. Elles découlent aussi d’une série de réformes au niveau politique, ainsi que des politiques économiques et sociales qui ont transformé l’économie marocaine.

Le pays a aujourd’hui une opportunité pour accélérer son développement grâce à l’aubaine démographique, mais doit relever le défi de la création massive d’emplois de qualité. L’emploi de qualité est au cœur de l’interaction entre stabilité, croissance et équité. Or l’emploi est justement un des défis majeurs du Maroc. Pour tirer parti de l’opportunité que constitue la transition démographique, il sera nécessaire de réorienter le programme de réformes afin de doper la compétitivité du pays, relever le niveau de formation de la population, assurer une meilleure adéquation formation-emploi et renforcer la cohérence des politiques publiques.

Rendre l’offre industrielle plus compétitive

L’économie marocaine est dynamique et internationalisée, mais caractérisée par une stagnation de sa structure sur une longue période. Dans ce contexte, le Maroc repense son approche industrielle : des écosystèmes industriels sont mis en place et la politique de l’offre prend le pas sur la politique axée sur la demande mise en œuvre jusqu’alors. Des résultats sont attendus en matière de création d’emplois et d’augmentation du contenu en valeur ajoutée locale dans les exportations. Toutefois, malgré cette nouvelle approche, des contraintes à l’émergence de secteurs ayant un potentiel d’offre exportable et des effets d’entraînement sur l’offre nationale persistent, freinant le Maroc dans sa démarche de diversification et de montée en gamme.

Ainsi, pour renforcer sa compétitivité, le Maroc devrait soutenir l’innovation, renforcer la logistique et le transport intérieur et tirer davantage profit de la dynamique de normalisation. La mise en place d’un environnement plus propice au développement de l’innovation, l’augmentation de la contribution du secteur privé au financement de l’innovation et le développement de l’esprit d’innovation devraient permettre de soutenir l’innovation dans le pays. De plus, il sera utile pour le Maroc de favoriser l’émergence d’un secteur du transport intérieur structuré et de qualité pour accroître la qualité de la logistique, et ainsi la compétitivité du secteur industriel. Enfin, la dynamique d’adoption et de recours aux normes et au système d’accréditation peut permettre à l’offre marocaine de gagner en qualité et de s’exporter davantage sur les marchés internationaux.

Accroître le niveau de formation pour dynamiser la croissance

Le niveau de formation est faible au Maroc par rapport à des pays de niveau de développement similaire. À l’exception du cycle primaire, l’accès à l’éducation obligatoire peine à se généraliser : les taux de participation dans le secondaire restent bas et les taux de redoublement et de décrochage sont élevés. Les ressources financières investies dans le secteur de l’éducation ne sont soutenues que depuis le début de la décennie, et leur efficacité pour soutenir le niveau de formation s’avère limitée. La politique des ressources humaines présente des défaillances en termes de planification des besoins en enseignants et de leur bonne répartition sur le territoire national, ainsi qu’en termes de formation initiale et continue. De plus, l’évaluation des professionnels de l’enseignement n’est pas suffisamment basée sur les performances. Enfin, si les temps d’instruction obligatoires des élèves sont élevés, ils sont diminués par l’absentéisme des enseignants.

Agir sur les ressources financières et humaines, sur les intrants du système et sur le mode de gouvernance du système éducatif devrait permettre de relever le niveau de formation. Il serait utile pour le Maroc d’optimiser la gestion des ressources humaines du département de l’éducation nationale en améliorant sa planification pluriannuelle, en mettant en place un système d’information intégré et cohérent, en veillant au respect de la charge horaire réglementaire des enseignants, en réformant la politique d’affectation géographique et en développant des systèmes d’évaluation basés sur les compétences. Les efforts actuels en termes d’infrastructures et de programmes d’appui existants devraient être poursuivis. Le renforcement du système de formation initiale et continue des enseignants, l’adaptation des temps d’instruction aux besoins du marché du travail et le soutien à une gouvernance multi-niveaux dans la gestion du système éducatif sont également encouragés pour relever le niveau de formation dans le pays.

Résoudre l’inadéquation entre la formation et l’emploi

L’inadéquation entre le stock de compétences et la demande d’emploi est forte au Maroc. Le stock de capital humain disponible dans l’économie marocaine est faible et sous-utilisé, comme en témoignent les faibles taux d’activité, notamment pour les femmes, et les niveaux de chômage élevés. L’offre de formation universitaire, mais également technique et professionnelle, ne répond pas suffisamment aux besoins du marché du travail. De plus, le contenu des programmes pédagogiques révèle un décalage par rapport aux exigences du marché du travail, et l’apprentissage tout au long de la vie n’est pas suffisamment développé pour remédier aux dysfonctionnements de la formation initiale. Enfin, les besoins du marché du travail sont mal anticipés, ce qui accentue l’inadéquation formation-emploi et pénalise les mécanismes d’intermédiation.

Résoudre l’inadéquation entre l’offre de formation et la demande d’emploi permettra de dynamiser le marché de l’emploi au Maroc. Pour ce faire, l’offre de formation universitaire et technique devrait être plus proche des besoins du marché du travail. La création de licences professionnelles et de masters spécialisés à l’université, et le développement de la formation en milieu professionnel dans l’enseignement technique sont encouragés. De plus, l’adéquation qualitative des programmes pédagogiques avec les besoins en compétences doit être renforcée en mettant l’accent sur l’apprentissage des savoirs comportementaux et des langues étrangères, ainsi que sur l’expérience des formateurs. En parallèle, l’apprentissage tout au long de la vie, notamment pour les salariés, devrait se développer. La mise en place d’un système d’information global et le développement de mécanismes capables d’anticiper les besoins du marché du travail apparaissent nécessaires. Enfin, les réformes relatives aux politiques actives de l’emploi devraient être poursuivies et pourraient également soutenir la participation des femmes sur le marché du travail.

Renforcer le rôle des stratégies sectorielles dans la cohérence des politiques publiques

Les stratégies sectorielles jouent un rôle important mais insuffisant pour soutenir la cohérence des politiques publiques. À partir de deux études de cas, le développement d’une offre industrielle compétitive et l’adéquation des compétences aux besoins de l’économie, la cohérence des stratégies sectorielles apparaît insuffisante, et ce, à chaque étape de leur cycle de vie – élaboration, mise en œuvre et évaluation. Les grandes orientations stratégiques du Roi ne sont pas toujours suffisamment détaillées pour élaborer les stratégies sectorielles. Les mécanismes de mise en coordination pour la mise en œuvre des stratégies affichent des résultats variés, pour lesquels l’implication des parties prenantes n’est pas systématique. Enfin, le suivi et le système d’évaluation des stratégies sectorielles ne sont pas suffisamment développés.

La mise en cohérence des stratégies sectorielles devrait être renforcée à chaque étape de leur cycle de vie. Il s’agit d’assurer que la vision du développement du Maroc soit déclinée en objectifs prioritaires clairs et partagés, d’améliorer la planification et l’élaboration des stratégies sectorielles, de renforcer la coordination des politiques publiques, de soutenir la prise de décision par un système intégré de suivi de la réalisation des stratégies et de développer une culture de l’évaluation au sein de l’administration. L’amélioration de la gouvernance budgétaire, en adoptant une vision consolidée des comptes publics et en s’inscrivant dans une perspective budgétaire interministérielle et pluriannuelle, sera un instrument important pour assurer une meilleure coordination et une soutenabilité des politiques publiques sur le court et moyen terme.

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