Chapitre 4. La politique rurale 3.01

Ce chapitre décrit la politique rurale 3.0. L’un des grands objectifs de la politique rurale doit être de renforcer la compétitivité et la productivité rurales afin d’améliorer le bien-être social, économique et environnemental au sein des zones rurales. Dans le cadre d’une telle approche, les mesures adoptées doivent se concentrer sur le renforcement des avantages concurrentiels des collectivités rurales, et s’appuyer sur des investissements intégrés et sur la prestation de services adaptés aux besoins des différents types de zones rurales. La Politique rurale 3.0 décrit une approche fondée sur les partenariats qui renforce les capacités au niveau local de façon à encourager la participation et un développement ascendant. Les pratiques en vigueur dans une sélection de pays de l’OCDE sont citées à titre d’illustration de cette approche.

  
Messages clés
  • L’un des grands objectifs de la politique rurale devrait être de renforcer la compétitivité et la productivité rurales afin d’améliorer le bien-être social, économique et environnemental au sein des zones rurales. Cela permettrait aux régions rurales de contribuer davantage aux performances nationales.

  • Les collectivités rurales ne peuvent pas exceller dans tous les domaines : elles doivent chercher avant tout à élargir le champ des possibilités ouvert par leurs avantages concurrentiels, compte tenu de leur situation géographique, de leur dotation en ressources, de leur capital humain et de leur connectivité avec d’autres territoires.

  • L’action publique doit être moins axée sur la fourniture de subventions, et davantage sur des investissements et services publics intégrés adaptés aux besoins locaux. De telles politiques – territoriales et sectorielles – sont d’une efficacité maximale quand elles sont coordonnées et qu’elles répondent à des objectifs similaires.

  • Les administrations rurales et les autres acteurs ont tout intérêt à coopérer les uns avec les autres. Qu’il s’agisse de marchés publics, de prestation de services publics ou de développement économique, l’impact est beaucoup plus fort quand les collectivités mettent en commun leurs ressources et leurs idées que quand elles font cavalier seul. Cette coopération peut revêtir les formes suivantes : i) des partenariats entre zones rurales ; ii) des partenariats entre zones rurales et zones urbaines ; ou encore iii) des partenariats entre des administrations et des associations ou des entreprises.

  • Il faut d’importantes capacités à l’échelle locale pour comprendre les dynamiques locales des zones rurales et agir en conséquence. Pour favoriser la réussite et la résilience des zones rurales, il est crucial de mettre en œuvre des politiques publiques qui renforcent les capacités des acteurs locaux.

  • Une politique rurale efficace tient compte du fait que les possibilités de développement et les contraintes des régions rurales diffèrent de celles des zones urbaines, et qu’elles peuvent varier selon les types de régions rurales. Les politiques rurales se distinguent donc des démarches de développement urbain, tout en leur étant complémentaires.

Introduction

Conscients que la politique rurale dépasse désormais les seules questions agricoles, la plupart des pays membres de l’OCDE placent aujourd’hui une palette plus large de thématiques et d’activités au centre du développement rural. La crise mondiale de 2007‐08 et les difficultés budgétaires qu’elle a déclenchées dans de nombreux pays pèsent sur les budgets nationaux. Les politiques publiques sont désormais axées sur la réduction des dépenses et la stimulation de la croissance économique (compétitivité), et la politique rurale ne fait pas exception à cette règle. En outre, plusieurs pays ont adopté une forme ou une autre de gouvernance multi-niveaux pour leur politique rurale. Tous les pays comprennent les avantages d’une meilleure coordination des activités par des émanations de l’administration nationale ou des ministères, mais peinent à trouver des moyens efficaces d’y arriver.

Les systèmes de gouvernance entravent souvent la mise en œuvre de politiques de développement rural efficaces, et limitent en outre les possibilités de tirer parti des complémentarités. Bien que, dans tous les pays membres de l’OCDE, de multiples niveaux d’administration participent à la politique rurale, il est clair que les administrations nationales peinent encore à adhérer à la notion de processus ascendant. Dans la plupart des pays membres de l’OCDE, l’administration nationale continue de jouer le rôle principal dans le développement rural, et c’est souvent elle qui définit la palette des options offertes aux niveaux d’administration intermédiaires et locaux. De plus, les financements nationaux attribués aux administrations locales sont généralement affectés à des fins spécifiques, et les administrations locales n’ont que peu de possibilités de lever des fonds supplémentaires, surtout depuis la crise financière. La politique de développement rural est encore relativement marginale au sein des cadres d’action nationaux, et il s’avère difficile de l’utiliser pour guider et organiser les complémentarités entre politiques publiques. Par exemple, il serait utile que le système national de santé bénéficie d’orientations issues de la politique de développement rural. Il en va de même pour d’autres grandes politiques nationales, qu’il s’agisse de l’éducation, de l’innovation, etc.

L’OCDE préconise depuis longtemps une approche territoriale du développement rural prenant en considération la compétitivité des zones rurales. Le présent chapitre est axé sur la mise en œuvre de cette approche au travers de la politique rurale 3.0. Il propose des exemples aux pays qui souhaiteraient adopter de nouvelles solutions en matière de développement rural ou renforcer leurs solutions existantes. Si cette démarche s’assortit de coûts de transaction plus élevés en raison du grand nombre de parties prenantes, elle nécessite aussi davantage d’informations sur les possibilités d’investissement qui existent au niveau infranational. Il a été démontré qu’une telle approche pouvait favoriser un développement rural plus résilient, étroitement lié aux atouts et aux aspirations des territoires concernés.

La politique rurale 3.0

Le nouveau paradigme rural, approuvé en 2006 par les pays membres de l’OCDE, proposait un nouveau cadre conceptuel qui faisait de la politique rurale une stratégie d’investissement visant à promouvoir la compétitivité des territoires ruraux. Il s’agissait là d’une rupture par rapport aux programmes classiques de subventions, qui ciblaient des secteurs spécifiques. À l’époque, les pays membres n’avaient pas pris la pleine mesure de cette nouvelle approche, qu’ils sont désormais en train de mettre en œuvre, de facto, sous l’effet du contexte actuel de croissance atone et de ressources limitées par la poursuite de l’assainissement des finances publiques.

La politique rurale 3.0 reprend et affine ce paradigme, qui a joué un rôle important en conduisant l’ensemble des pays membres de l’OCDE à entamer un processus de refonte de leurs pratiques de développement rural (encadré 4.1). Là où le nouveau paradigme rural proposait un cadre conceptuel, la politique rurale 3.0 vise avant tout à recenser des dispositifs précis permettant de mettre en œuvre des politiques et pratiques efficaces dans le monde rural.

Encadré 4.1. Genèse de la politique rurale 3.0

En 2015, la politique rurale 3.0 a été approuvée par les délégués présents à la dixième conférence de l’OCDE sur le développement rural, qui s’est tenue à Memphis (Tennessee) du 19 au 21 mai 2015 sur le thème « Une politique rurale moderne au service de la prospérité nationale »1. Près d’une dizaine d’années après l’adoption du nouveau paradigme rural, l’heure était venue de revisiter ce cadre.

L’élaboration de la politique rurale 3.0 s’est appuyée, entre autres, sur le programme de l’OCDE en matière de politique rurale ainsi que sur des examens des politiques rurales nationales (12 à ce jour) couvrant un large spectre de situations nationales et de régions rurales. Étant donné que chacune de ces politiques nationales a été évaluée à l’aune du nouveau paradigme rural, ces examens ont offert de précieuses indications sur le degré d’adoption du paradigme par les pays membres.

Par ailleurs, un certain nombre d’examens thématiques sur la ruralité ont fourni de nouveaux éclairages sur l’évolution de la nature des économies rurales, ainsi que sur les possibilités et les contraintes se présentant en matière de développement rural. Les examens thématiques constituent un outil qui peut faciliter le dialogue international et l’apprentissage mutuel. Les derniers examens thématiques sur le développement rural ont porté sur les thèmes suivants :

  • les interactions entre régions urbaines et rurales (Rural-Urban Partnerships: An Integrated Approach to Economic Development, OCDE, 2013a) ;

  • le recensement des principaux facteurs favorisant et entravant la croissance économique (How Regions Grow, OCDE, 2009 ; Promoting Growth in all Regions, OCDE, 2012a) ;

  • la prestation de services en milieu rural (Strategies to Improve Rural Service Delivery, OCDE, 2010) ;

  • les liens entre énergies renouvelables et développement rural (Linking Renewable Energy to Rural Development, OCDE, 2012b).

1. Pour en savoir plus, consulter : www.oecd.org/rural/rural-development-conference/.

La politique rurale 3.0 vise à aider les administrations nationales à favoriser le développement économique des zones rurales. Elle reflète plusieurs évolutions importantes intervenues dans le domaine du développement rural. Premièrement, et surtout, les régions rurales sont devenues des systèmes socioéconomiques beaucoup plus divers et complexes. Deuxièmement, de manière générale, les politiques officielles sont désormais moins isolées, et font l’objet d’exigences plus strictes en matière de responsabilité. Troisièmement, avec de meilleures données et de meilleures analyses, il est possible de mieux comprendre les régions rurales et de dépasser le postulat selon lequel tous les territoires ruraux se ressembleraient. Le tableau 4.1, ci-dessous, résume cette approche.

Tableau 4.1. La politique rurale 3.0

Ancien paradigme

Nouveau paradigme rural (2006)

Politique rurale 3.0 – Mise en œuvre du Nouveau paradigme rural

Objectifs

Égalisation

Compétitivité

Bien-être selon des dimensions multiples de : i) l’économie, ii) la société et iii) l’environnement

Orientation de l’action publique

Appui à un secteur dominant unique

Appui à des secteurs multiples en fonction de leur compétitivité

Économies à faible densité différenciées en fonction du type de zone rurale

Outils

Subventions aux entreprises

Investissements dans des entreprises et collectivités répondant à des critères

Démarche intégrée de développement rural – spectre de mesures d’appui au secteur public, aux entreprises et au tiers secteur

Principaux acteurs et parties prenantes

Syndicats agricoles et administrations nationales

Tous les niveaux d’administration et tous les ministères concernés, plus les acteurs locaux

Participation : i) du secteur public – gouvernance multi-niveaux ii) du secteur privé – entreprises à but lucratif et entreprises sociales et iii) du tiers secteur – organisations non gouvernementales et société civile

Démarche

Politique descendante uniformément appliquée

Politique ascendante, stratégies locales

Démarche coordonnée entre des domaines d’action multiples

Définition du monde rural

Pas urbain

Le monde rural recouvre toute une gamme de territoires différents

Trois types de zones rurales : i) au sein d’une zone urbaine fonctionnelle ; ii) proches d’une zone urbaine fonctionnelle ; et iii) éloignées d’une zone urbaine fonctionnelle

Les objectifs de la politique rurale sont devenus multidimensionnels et concernent le bien-être au sens large. La politique rurale avait initialement pour objectif de rapprocher les niveaux de revenu des populations rurales de ceux des populations urbaines. Aujourd’hui, elle vise à assurer aux habitants des zones rurales un bien-être comparable à celui qui peut être obtenu en milieu urbain, même si l’accent peut être mis sur des aspects différents. De manière générale, on considère que la qualité de vie repose sur : i) une dimension économique : le revenu des ménages provient d’un emploi dans une entreprise productive et compétitive ; ii) une dimension sociale : les ménages ont accès à une large gamme de services (qui peuvent être fournis d’une autre manière qu’en ville), et la cohésion et le soutien mutuel sont encouragés au sein de la société locale ; et iii) un environnement immédiat qui offre un cadre de vie agréable. L’équilibre entre ces divers éléments peut varier considérablement d’une région rurale à une autre.

L’orientation de l’action publique évolue : on est en train de passer d’un soutien sectoriel à la mise en place de conditions propices à la réussite d’une économie à faible densité. L’approche initiale de la politique rurale consistait à apporter une aide au revenu dans un seul secteur lié aux ressources naturelles – principalement l’agriculture ou, dans certaines régions, la pêche, la sylviculture ou l’extraction minière. Aujourd’hui, la politique rurale vise à favoriser le bon fonctionnement des économies à faible densité, dont la structure économique fondamentale et les possibilités de croissance suivent une logique profondément différente de celle qui a cours en milieu urbain. Reconnaître que l’économie rurale est fondamentalement différente conduit à admettre la nécessité d’un nouvel ensemble de solutions publiques reflétant les différences existant sur le plan des pistes de croissance et des entraves à la croissance.

Cette nouvelle façon d’appréhender la politique rurale implique une mise en œuvre à l’aide d’une nouvelle gamme d’outils. Par le passé, les subventions aux exploitations agricoles et autres types d’entreprises étaient l’essence même de la politique rurale. Aujourd’hui, une approche plus globale voit le jour. Les investissements qui offrent un rendement positif à la société devraient être le principal instrument du développement rural. Cependant, en cas de défaillance des marchés, due au manque d’information ou de concurrence, et en cas de fourniture insuffisante de biens publics, les pouvoirs publics doivent peut-être s’investir plus directement afin d’améliorer le bien-être en milieu rural. En particulier, le soutien à l’entrepreneuriat social et à d’autres pans du mouvement associatif est de plus en plus reconnu comme un outil utile au service des territoires ruraux.

Le nombre et le type de participants à la politique rurale ont augmenté au fil du temps. Par le passé, les principaux acteurs de la politique rurale étaient généralement le ministère de l’Agriculture, qui apportait un soutien aux agriculteurs, et les syndicats agricoles, qui défendaient les intérêts des agriculteurs auprès du gouvernement. Désormais, le nombre et la gamme des participants sont beaucoup plus grands. Les gouvernements restent partie prenante, mais de multiples échelons de l’administration jouent un rôle, de même qu’une série de ministères, au sein d’une structure de gouvernance multi-niveaux. Les particuliers et les entreprises, y compris les agriculteurs, sont toujours des interlocuteurs, mais c’est maintenant l’ensemble de la population et des entreprises d’une région qui prennent part au processus de développement. Enfin, le rôle important du secteur associatif est désormais reconnu, s’agissant notamment des grandes ONG spécialisées et des prestataires de services locaux qui assurent des services en milieu rural pour suppléer aux défaillances des entreprises et des administrations.

Les méthodes de l’action publique se sont transformées : on est passé de mesures descendantes appliquées uniformément à une approche intégrée du développement rural. À l’origine, la politique rurale était conçue et mise en œuvre par un ministère à l’échelle nationale, sans véritable participation de ses destinataires ruraux. Cette politique était en outre structurée de manière à fournir essentiellement le même niveau et le même type de soutien à tous les bénéficiaires. Au fil du temps, la politique rurale a évolué pour inclure de multiples domaines : soutien aux habitants des zones rurales grâce à de meilleurs services et au développement de leurs compétences ; appui aux administrations locales via un système de péréquation budgétaire et de dotations aux infrastructures ; et protection de l’environnement. L’intention est que ces différents axes d’action soient coordonnés et se renforcent mutuellement, et que leur combinaison soit rééquilibrée de façon à répondre à des besoins différents selon les contextes locaux, même si cela s’avère difficile à réaliser en pratique.

Pour définir ce qui constitue une région rurale, on tient désormais compte de l’effet de la proximité avec une zone urbaine. Alors que, dans de nombreux pays membres de l’OCDE, une région « rurale » était initialement définie comme étant « non urbaine », il est maintenant largement reconnu que la ruralité est un phénomène complexe. Un moyen utile pour répertorier les différents types de régions rurales consiste à prendre en compte la distance physique entre les zones rurales et urbaines ainsi que les articulations qui existent entre ces zones. En utilisant cette approche, l’OCDE a élaboré une typologie qui répartit les territoires ruraux entre ceux qui sont inclus dans une zone urbaine fonctionnelle, ceux qui se situent hors d’une zone urbaine fonctionnelle mais qui en sont proches, et ceux qui sont éloignés de toute zone urbaine fonctionnelle (voir chapitre 3). Cette dernière catégorie se subdivise entre des régions uniformément peuplées et des régions dont les populations sont éparses.

L’amélioration du bien-être en milieu rural comme objectif

L’emploi agricole continue de diminuer dans tous les pays membres de l’OCDE. L’agriculture n’est plus la principale source d’emplois et de revenus ruraux (OCDE, 2009a : 53). De plus, comme indiqué au chapitre 3, plusieurs régions rurales obtiennent des performances comparables à celles des régions urbaines en matière de croissance économique. Ces tendances ont conduit à des changements dans la manière dont les pouvoirs publics réfléchissent aux objectifs de la politique rurale. La réorientation vers la compétitivité reflète une volonté de valoriser les atouts qui existent en milieu rural, notamment grâce à un meilleur usage des actifs locaux dans les activités non agricoles (le tourisme, par exemple), à la valorisation des activités liées aux produits échangeables, à la promotion des entreprises rurales et à la mise en œuvre de stratégies globales autour d’activités liées aux ressources naturelles.

Ce programme plus global en faveur du bien-être ne signifie pas l’abandon de l’objectif de compétitivité, mais il reconnaît que la compétitivité est une condition nécessaire, mais non suffisante, du bien-être. Dans le contexte actuel de faible croissance économique et de perte d’emplois dans le sillage de la crise financière mondiale, l’amélioration de la compétitivité des entreprises rurales et la création d’emplois se sont hissées au premier rang des priorités de la politique rurale dans de nombreux pays. Néanmoins, les pouvoirs publics commencent à s’intéresser aux différentes dimensions du bien-être des populations rurales, et notamment aux aspects sociaux et environnementaux, en sus des aspects économiques. Les paramètres économiques d’une société sont importants à mesurer, mais ils ne rendent pas pleinement compte des conditions dans lesquelles la population vit effectivement. Ainsi, il se peut que, malgré une hausse globale de la richesse dans un pays, les inégalités ne disparaissent pas, induisant une persistance de la pauvreté et une dégradation de la situation sanitaire d’une partie importante de la population (Atkinson, 2000). De plus, un pays peut enregistrer une forte croissance économique, mais aussi une dégradation de la qualité de l’environnement qui exerce une influence négative sur la qualité de vie, et en particulier sur la santé.

On fait désormais appel au concept de bien-être pour rendre compte de cette dynamique. Ce concept relie la qualité de vie et les conditions matérielles à l’objectif d’un bien-être durable. Il s’agit d’un concept multidimensionnel qui repose sur l’idée que les conditions économiques doivent être considérées comme s’inscrivant dans des systèmes et des paramètres sociaux et environnementaux plus larges. Si la façon de mesurer le bien-être et sa traduction concrète suscitent de nombreux débats (Adler et Seligman, 2016), l’OCDE y a toutefois contribué en élaborant un cadre de mesure du bien-être et du progrès (graphique 4.1). Ce cadre encourage les pouvoirs publics à considérer le capital naturel, le capital économique, le capital humain et le capital social comme interconnectés et, à ce titre, prône la complémentarité des politiques publiques.

Graphique 4.1. Le bien-être selon l’OCDE
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OCDE (2016a), OECD Regions at a Glance 2016, https://doi.org/10.1787/reg_glance-2016-en.

Les régions rurales affichent de bonnes performances pour plusieurs dimensions du bien-être. Les indicateurs de l’OCDE relatifs au bien-être montrent que la dimension urbaine n’est pas nécessairement associée à un niveau de bien-être supérieur. En effet, les populations rurales bénéficient de meilleures conditions environnementales et de logements plus abordables, et des indicateurs de performance tels que l’accès au marché de l’emploi et le niveau de revenu sont comparables à ceux des villes (OCDE, 2016a). Deux composantes du bien-être, à savoir i) la compétitivité et la productivité, et ii) l’environnement, sont des domaines prioritaires clés pour les pays membres de l’OCDE, mais cela ne va pas sans contradictions.

Compétitivité et productivité

Pour que les habitants d’un territoire rural restent employés, les entreprises locales doivent être compétitives, soit sur le marché local, soit à l’exportation. En d’autres termes, elles doivent être en mesure de proposer les prix et la qualité qu’offrent leurs concurrents. Les compétences et la productivité constituent des sources majeures de croissance forte, inclusive et durable (OCDE, 2015a). Il s’avère que les travailleurs plus productifs ont tendance à gagner de meilleurs salaires que ceux dont la productivité est moindre, parce que les entreprises ont plus intérêt à les employer pour produire des biens plus nombreux ou de meilleure qualité. Or, les travailleurs qualifiés ont tendance à être plus productifs que les travailleurs qui le sont moins. Cela signifie qu’il existe une connexion forte entre la compétitivité des entreprises, la productivité des travailleurs, les incitations à investir dans le renforcement des compétences et le bien-être économique (c’est-à-dire les niveaux de revenu). Ce qui n’entre pas en jeu dans cette équation, ce sont les indicateurs plus larges de qualité de vie et leurs conséquences sur le plan des revendications salariales des travailleurs et de la compétitivité des entreprises.

Les gouvernements et les régions rurales devraient œuvrer ensemble à l’élaboration de stratégies globales visant à élever la productivité

La productivité est particulièrement cruciale pour les régions rurales, parce que leur marché local n’est généralement pas très étendu, et qu’elles ont par conséquent besoin d’exporter. Les régions qui ne sont pas extrêmement bien dotées en ressources doivent impérativement s’employer à améliorer leur productivité. Les activités liées aux produits exportables sont une composante essentielle de la croissance économique et de la productivité en milieu rural (voir chapitre 3). Bien souvent, les régions rurales occupent en outre d’autres marchés de niche que les régions urbaines ; or, compte tenu des liens étroits entre territoires ruraux et urbains, ces activités sont hautement complémentaires.

Les hausses de productivité sont souvent associées à une progression du bien-être matériel (voir chapitre 1). Par exemple, une récente étude sur panel portant sur le bien-être subjectif et objectif en Allemagne et au Royaume-Uni a montré que, dans ces deux pays, les personnes employées étaient les personnes jouissant des plus hauts niveaux de bien-être selon tous les critères (Muffels et Headey, 2013). Il est donc important de renforcer la productivité pour améliorer le bien-être au sein des territoires ruraux et leur résilience à long terme. Selon un exercice récent de prospective de The Economist Intelligence Unit, en encourageant le développement rural, les pouvoirs publics peuvent déclencher une croissance économique significative et modifier fondamentalement la structure de l’économie : si les bonnes conditions sont réunies, le développement rural pourrait libérer 2 000 milliards USD de production rurale par an sur l’ensemble de la planète (The Economist Intelligence Unit, 2015). Une telle croissance pourrait atténuer la pauvreté et éliminer la pauvreté extrême, accroître la sécurité alimentaire et engager les territoires sur la voie du développement durable.

Les administrations peuvent contribuer à accroître la compétitivité et la productivité rurales par des investissements matériels et immatériels, des politiques sectorielles bien ciblées et une réglementation efficace, entre autres mesures (chapitres 1 et 2). La stratégie du Royaume-Uni pour stimuler la productivité en milieu rural est l’illustration d’une telle approche multi-facettes (encadré 4.2). En outre, comprendre la dynamique de la productivité des entreprises rurales peut aider à structurer le soutien de manière plus efficace (l’encadré 4.3 présente un exemple issu des États-Unis).

Encadré 4.2. La stratégie du Royaume-Uni pour stimuler la productivité rurale

Ces dernières années, le gouvernement britannique a accordé un regain d’attention à la productivité des régions rurales, réagissant ainsi à plusieurs tendances qui semblent mettre en évidence un potentiel de solides gains de productivité en milieu rural. Par exemple, contrairement à de nombreux pays membres de l’OCDE, le Royaume-Uni connaît une migration nette des villes vers les campagnes1. Les activités à forte intensité de connaissances se sont multipliées, et la flexibilité des conditions de travail et les possibilités de travailler à domicile ont développé les possibilités d’emploi en milieu rural (Centre for Rural Economy, 2011 ; OCDE, 2011). Les zones rurales apportent une contribution substantielle à l’économie britannique ; elles représentent ainsi 16 % de la valeur ajoutée brute (VAB), 16 % de l’emploi et 26 % des entreprises en Angleterre (Gouvernement du Royaume-Uni, 2016). De plus, l’économie rurale au Royaume-Uni est de plus en plus diversifiée ; dans l’ensemble, sa structure ressemble beaucoup à celle de l’économie urbaine.

Malgré ces tendances positives, il reste des défis à relever sur le front de la productivité. Sur la base de la production par travailleur, la productivité britannique était inférieure de 20 points de pourcentage à la moyenne des autres pays du G7 en 2014 et, en moyenne, la productivité des régions rurales au Royaume-Uni est plus faible que celle des zones urbaines2. Le Trésor britannique a établi que la productivité était le principal moteur de la croissance économique aux niveaux national et local, et que les principaux facteurs d’accroissement de la productivité étaient les compétences, l’investissement, l’esprit d’entreprise et la concurrence (OCDE, 2010a : 79-80). Face à cette priorité, le gouvernement britannique a adopté de nouvelles mesures pour stimuler la productivité, qui visent les objectifs suivants :

  • Relier pleinement les régions rurales au reste de l’économie, à la fois en matière de TIC et de transports. Le gouvernement s’est engagé à ce que 95 % des ménages et entreprises britanniques aient accès, d’ici 2017, à une connexion internet à très haut débit (au moins 24 Mb/s). Il collabore en outre avec le secteur des télécommunications en vue d’élargir les droits d’installation de pylônes plus hauts pour la transmission des communications mobiles, afin d’améliorer la couverture du réseau mobile. Cette stratégie englobe aussi un grand programme d’investissement routier et ferroviaire ainsi qu’un appui aux petits aéroports régionaux, pour désenclaver les territoires ruraux.

  • Favoriser la présence d’une main-d’œuvre rurale très qualifiée. Il s’agit notamment d’accroître les financements accordés aux établissements d’enseignement, en particulier ceux dont les résultats sont reconnus comme insuffisants. Le gouvernement renforce aussi l’apprentissage en milieu rural, en mettant particulièrement l’accent sur des domaines tels que l’alimentation, l’agriculture et le tourisme.

  • Mettre en place des conditions favorisant le développement des entreprises rurales. Le gouvernement britannique a créé un certain nombre de zones d’activité économique qui offrent des dotations en capital et des taux avantageux pour les entreprises ; des politiques similaires ont d’ailleurs été adoptées par les administrations décentralisées d’Écosse et du Pays de Galles (Ward, 2016). L’un des buts déclarés de cette stratégie était la création de zones d’aménagement dans les petites villes, les districts et les régions rurales. Les autorités se penchent en outre sur la charge réglementaire qui pèse sur les entreprises rurales, et elles prévoient d’instaurer une procédure accélérée pour l’obtention des permis relatifs à ces zones d’aménagement.

  • Faciliter la vie et le travail en milieu rural. Un examen des politiques rurales de l’Angleterre réalisé en 2011 par l’OCDE a montré qu’il existait de longue date, dans les campagnes anglaises, une pénurie de logements qui était exacerbée par les politiques du logement et d’occupation des sols (OCDE, 2011 : 208). Afin d’encourager la construction de logements, le gouvernement va offrir aux villages davantage de latitude pour déterminer l’occupation des sols par quartier et attribuer des terrains à bâtir, et appuyer une expansion progressive. Pour aider les familles ayant de jeunes enfants, le gouvernement envisage d’offrir aux parents qui travaillent 30 heures gratuites de garde d’enfants et de défiscaliser les services de garde d’enfants.

  • Renforcer la maîtrise locale du développement économique. Le gouvernement est déterminé à donner aux responsables publics locaux davantage de pouvoirs pour stimuler la croissance à l’aide de politiques ancrées dans les besoins spécifiques des régions rurales, ce qui suppose l’adoption de nouveaux accords de transfert de compétences, dont le premier a été signé avec la Cornouailles.

Le plan du gouvernement britannique en matière de productivité repose sur une approche aux multiples facettes, qui s’appuie sur des investissements classiques tels que l’amélioration des liaisons de transport, tout en les rattachant à des stratégies beaucoup plus vastes portant sur les compétences, l’environnement réglementaire et, de façon décisive, le soutien aux travailleurs au travers de mesures telles que l’aide à la garde d’enfants. En outre, cette stratégie met particulièrement l’accent sur l’importance de la participation des populations concernées au développement économique, avec des transferts de compétences leur permettant de prendre activement part au processus.

Le gouvernement britannique estime que, si l’écart de productivité entre zones rurales et urbaines (hors Londres) était éliminé au cours des dix prochaines années, la croissance annuelle de la productivité des régions rurales s’établirait en moyenne autour de 2.5 %3. Sur la base de ces projections, la VAB par travailleur rural pourrait passer d’environ 40 234 GBP (en 2012) à 53 777 GBP en termes réels d’ici 2025, ce qui conduirait à un relèvement des revenus réels en milieu rural. Un tel développement des possibilités économiques pourrait aussi influer sur la démographie rurale ; à l’heure actuelle, les projections laissent penser que la population rurale pourrait augmenter de 6 % entre 2015 et 2025 (Gouvernement du Royaume-Uni, 2015 : 9). Par conséquent, de telles politiques sont importantes non seulement sur le plan économique, mais aussi pour la viabilité des territoires ruraux.

1. En 2011-12, la migration nette de population s’est chiffrée à environ 46 000 habitants vers les zones essentiellement rurales, et à 68 000 habitants vers les zones essentiellement urbaines ; au total, le solde migratoire net des régions essentiellement urbaines vers les régions essentiellement rurales se montait à 40 000 habitants (Statistical Digest of Rural England, 2014 ; d’après la classification ONS 2001 pour les zones rurales et urbaines).

2. La productivité des régions rurales s’élève actuellement à 83 % de celle des régions urbaines, si l’on inclue Londres, et à 94 %, si l’on exclue Londres (Gouvernement du Royaume-Uni, 2015 : 9).

3. Cela suppose une croissance annuelle moyenne de la productivité de 1.9 % pour les zones urbaines, conformément aux dernières projections de l’Office for Budget Responsibility pour ce qui concerne la croissance globale de la productivité au Royaume-Uni (Gouvernement du Royaume-Uni, 2015 : 9).

Centre for Rural Economy (2011), « Rural Economies: Incubators and Catalysts for Sustainable Growth » ; Gouvernement du Royaume-Uni (2015), « Towards a one nation economy: A 10-point plan for boosting productivity in rural areas », www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/454866/ 10-point-plan-rural-productivity-pb14335.pdf (consulté le 20 juin 2016) ; OCDE (2011), OECD Rural Policy Reviews: England, United Kingdom 2011, https://doi.org/10.1787/9789264094444-en ; Gouvernement du Royaume-Uni (2016), Statistical Digest of Rural England, www.gov.uk/government/collections/statistical-digest-of-rural-england (consulté le 20 juin 2016) ; OCDE (2010a), Strategies to Improve Rural Service Delivery, https://doi.org/10.1787/9789264083967-en  ; Ward, M. (2016), « Enterprise Zones. UK House of Commons Library », Briefing Paper, n° 5942, 12 janvier 2016, http://researchbriefings.parliament.uk/ResearchBriefing/Summary/SN05942 (consulté le 20 juin 2016). Pour de plus amples renseignements, consulter : Gouvernement du Royaume-Uni (2015), « Towards a one nation economy: A 10‐point plan for boosting productivity in rural areas », www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/454866/10-point-plan-rural-productivity-pb14335.pdf (consulté le 20 juin 2016).

Encadré 4.3. PME rurales et innovation aux États-Unis

Dans l’ensemble, l’économie rurale aux États-Unis dépend davantage des petites et moyennes entreprises (PME) que ce n’est le cas en milieu urbain, et c’est particulièrement vrai en ce qui concerne la création d’emplois. Il est inquiétant de constater qu’au sein de l’ensemble des entreprises, la proportion de PME existant depuis moins de cinq ans suit une tendance à la baisse.

Afin de surveiller cette dynamique et de mieux cibler son soutien aux PME, le ministère américain de l’Agriculture a mis sur pied une enquête sur l’innovation rurale (Rural Establishment Innovation Survey). C’est la première enquête par autodéclaration d’ampleur nationale qui se penche sur l’innovation en milieu rural. L’enquête porte sur 11 000 implantations employant au moins cinq personnes dans le secteur des produits échangeables ; les établissements ruraux y sont surreprésentés, mais un quart de l’échantillon est attribué à des établissements urbains, à des fins de comparaison.

L’enquête a permis de constater que la distribution par taille était très semblable au sein des secteurs, mais que les zones rurales étaient globalement plus dépendantes des PME. Il s’avère en outre, à long terme, que la création d’emplois est menacée par une moindre substitution aux grandes entreprises créatrices d’emplois. Enfin, l’avantage des zones urbaines en termes d’innovation semble se situer sur le plan de la composition – les taux d’innovation fondamentale des PME sont similaires au sein des secteurs à forte intensité d’innovation.

Wojan, T. (2015), « Rural SMEs and Innovation in the United States », ministère de l’Agriculture des États-Unis, Economic Research Service, document présenté à la dixième conférence de l’OCDE sur le développement rural.

En milieu rural, la croissance est souvent tirée par la demande urbaine de ressources et d’aménités, et a tendance à dépendre d’un flux de nouvelles technologies en provenance des zones urbaines. De son côté, l’économie urbaine bénéficie d’économies d’échelle, d’un marché local diversifié, de réseaux denses et d’effets concurrentiels puissants. Dans les entreprises rurales, il est plus probable que l’innovation à petite échelle soit suscitée par les besoins des entreprises et un pouvoir de monopole local – et non la diversité –, ce qui permet aux entreprises de démarrer et de survivre dans de tels environnements. Pour de nombreuses entreprises rurales, la croissance est liée à la capacité de trouver des marchés d’exportation. Compte tenu de ces conditions, une forte productivité est vitale pour la croissance, parce que les exportateurs ruraux doivent absorber des coûts de transport plus élevés. Pour ces entreprises, certains coûts sont plus faibles (par exemple, les terrains sont plus disponibles et moins onéreux) mais, à d’autres égards, elles sont pénalisées par la distance. Aussi peut-on dire que, de manière générale, ce sont les attributs de certaines entreprises (capacités de gestion, compétences de marketing) combinés aux caractéristiques de l’économie locale qui déterminent la croissance régionale (voir encadré 1.1, chapitres 1 et 3).

Dans ce contexte, les politiques publiques ont un rôle important à jouer pour favoriser la connectivité des entreprises rurales – liaisons de transport, circulation des idées, accès aux marchés d’exportation et accès aux capitaux. La politique rurale s’attache depuis longtemps à soutenir le développement rural par le biais de connexions sur le plan des infrastructures (transports et TIC, par exemple) ; bien que cette action demeure importante, d’autres aspects de la connectivité méritent aussi l’attention des pouvoirs publics, par exemple pour aider les entreprises à se connecter aux marchés d’exportation et aux sources de capitaux leur permettant de se développer. L’économie rurale moderne requiert un niveau élevé d’investissements, alors que les régions rurales souffrent souvent d’un manque d’investisseurs en fonds propres.

De plus, les entreprises rurales ont souvent du mal à trouver les compétences correspondant à leurs besoins ou des offres de formation leur permettant de faire évoluer leurs compétences internes de manière continue. De par leurs dimensions, les régions rurales ont un marché du travail plus étroit et une moindre diversité de qualifications disponibles. Bien souvent, l’offre éducative est elle aussi plus limitée, et les personnes très qualifiées ont tendance à recevoir leur formation dans une région urbaine, ou à y migrer pour bénéficier d’une gamme plus large de possibilités et d’un marché de l’emploi plus vaste. Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer pour favoriser la collaboration entre les employeurs, les employés, les demandeurs d’emploi et les établissements de formation en vue d’assurer l’accès à une formation initiale et continue de bonne qualité et réactive, au service d’un apprentissage tout au long de la vie. Il est essentiel que les employeurs prennent une part active au renforcement des compétences, au lieu d’attendre que des travailleurs présentent les compétences requises. En d’autres termes, la mobilisation des compétences nécessaires exige des efforts continus et volontaristes de la part de tous les partenaires, en vue de soutenir les entreprises et les salariés. Pour que l’économie rurale se modernise, le niveau moyen des qualifications doit augmenter fortement (graphique 3.8, chapitre 3).

La qualité de vie est également importante pour attirer et fidéliser les travailleurs qualifiés et améliorer la compétitivité

Lorsqu’ils prennent des décisions relatives à leur carrière, les travailleurs tiennent compte aussi bien du niveau de rémunération que du cadre de vie, entre autres facteurs. Lorsque certains lieux de travail sont moins désirables que d’autres, il est possible que les travailleurs exigent un supplément de salaire pour y accepter un emploi, comme ils pourraient demander une majoration de salaire pour un emploi dangereux. De toute évidence, s’il veut se faire embaucher, un travailleur ne peut pas exiger un salaire qui dépasse la valeur de son travail pour l’employeur. Mais, du point de vue du travailleur, il peut y avoir un arbitrage à effectuer entre le niveau de rémunération et la qualité de vie. De plus, les travailleurs très productifs ont plus de latitude pour exiger un salaire plus élevé en contrepartie d’un emploi dans un lieu peu désirable, parce qu’ils disposent d’une plus large gamme d’autres emplois possibles. Selon la même logique, les sociétés d’informatique de San Francisco, par exemple, ont plus de facilité à attirer des collaborateurs que leurs homologues du Minnesota, parce que la zone de San Francisco est considérée comme un site plus attrayant.

Les entreprises situées dans des zones relativement peu attrayantes doivent généralement verser des salaires élevés pour attirer les compétences qu’elles recherchent. On peut citer par exemple la grande mine de fer de Kiruna, la ville la plus septentrionale de Suède, qui produit la grande majorité du minerai de fer extrait en Europe. Sans la mine, la ville serait d’une viabilité incertaine, et sa taille serait certainement plus réduite. Kiruna compte moins de 20 000 habitants et se situe au-delà du cercle polaire, avec peu de connexions vers d’autres localités. En principe, ce site devrait avoir du mal à attirer des travailleurs mais, comme la mine est extrêmement efficiente, elle peut verser des salaires élevés ; de plus, les acteurs du territoire se sont activement employés à améliorer la qualité de vie, de sorte qu’il est moins difficile d’attirer des salariés.

C’est un niveau de productivité exceptionnellement élevé, associé à une ressource naturelle de haute qualité, qui permet aux entreprises d’offrir de bons salaires tout en restant compétitives. Tel est le cas de la mine de Kiruna. C’est ce qui explique une réalité a priori étonnante : il existe, dans certaines petites localités rurales très isolées, des entreprises présentant un niveau de productivité très élevé. Il s’agit souvent de compagnies spécialisées dans l’extraction de ressources naturelles hautement rentables qui ne peuvent être exploitées que sur des sites similaires dans d’autres pays.

À l’inverse, la bonne qualité de vie offerte par certaines zones rurales peut compenser la faiblesse relative des salaires et permettre d’attirer et de fidéliser des travailleurs et leur famille. On observe, dans nombre de zones rurales, que les salaires sont relativement modestes, mais que l’émigration est inférieure à ce qu’on pourrait attendre ; certains régions enregistrent même une immigration – c’est la « contre-urbanisation »2. L’un des facteurs expliquant ce phénomène pourrait être que, dans les régions rurales, le coût de la vie est moins élevé, et que les aménités naturelles et culturelles sont nombreuses, ce qui laisserait penser que les ménages décident d’accepter des salaires moins élevés en contrepartie de la bonne qualité de vie que leur offre cet environnement (Gosnell et Abrams, 2011 ; Ward et Brown, 2009). Citons l’exemple de Bend, petite ville du centre de l’Oregon, qui a vu sa population passer de 52 000 habitants en 2000 à plus de 83 000 en 2013, malgré le déclin de l’exploitation forestière, autrefois épine dorsale de l’économie locale. L’industrie du bois a en effet été remplacée par toute une série d’activités sportives de plein air : VTT, escalade, descente en eaux vives, camping et ski. Ces activités se traduisent par des emplois moins bien rémunérésque dans l’industrie forestière traditionnelle ; pourtant, la population s’est accrue.

Ces deux cas extrêmes laissent penser que, dans les zones rurales où l’environnement naturel est un facteur déterminant pour la qualité de vie, les décisions d’emploi peuvent refléter à la fois le niveau des salaires et les avantages procurés par les aménités locales. Pour les entreprises, le fait que les travailleurs mettent ainsi en balance les avantages et les inconvénients peut être bénéfique ou problématique. Les entreprises situées dans des zones richement dotées en aménités peuvent survivre même si elles sont relativement inefficientes, parce qu’elles peuvent verser des salaires moins élevés. À l’inverse, les entreprises situées dans des lieux peu attrayants doivent être très productives pour pouvoir attirer et fidéliser des travailleurs en leur versant des salaires élevés. Pour ces entreprises, un niveau élevé de productivité est important pour compenser à la fois l’éloignement par rapport au marché et le niveau élevé de la masse salariale.

Les territoires ruraux n’ont guère la possibilité de modifier leur dotation en ressources naturelles, mais ils peuvent s’efforcer d’en faire un meilleur usage. Cela suppose de repenser l’affectation des actifs naturels qui ont perdu leurs fonctions originelles, ce qui nécessite une vision stratégique, des investissements et un plan de marketing. Il existe de nombreux exemples de sites qui ont mis en œuvre avec succès une telle stratégie. Ainsi, une forêt qui n’est plus exploitée peut être transformée en réseau de pistes de VTT, comme à Bend et dans le centre de l’Écosse. Un ancien port de pêche commerciale peut être utilisé pour des loisirs nautiques et des croisières touristiques. Une petite ville proche d’un centre urbain ayant perdu ses activités manufacturières peut s’employer à attirer des retraités pour occuper son stock de logements relativement bon marché mais de bonne qualité. Dans de tels cas, le salaire moyen a peut-être diminué, mais l’amélioration du cadre de vie peut compenser la perte de revenus.

Les régions rurales doivent aussi réfléchir à la combinaison d’attributs environnementaux, sociaux, économiques et culturels qui peut assurer une bonne qualité de vie et une identité locale. C’est un facteur particulièrement important pour attirer et fidéliser des familles et des jeunes gens qui peuvent répondre aux besoins de main-d’œuvre. Cette stratégie comporte plusieurs dimensions différentes. La première est une amélioration continue de l’efficience et de la qualité des infrastructures sociales de base, comme les écoles, les services de santé, les routes et les transports publics. La deuxième est une réflexion sur la manière dont les stratégies locales de développement économique peuvent être adaptées de façon à améliorer aussi la qualité de vie (et vice versa). Le tourisme offre un bon exemple en la matière : les arts, la culture, les manifestations locales, les festivals et les infrastructures touristiques peuvent tout à la fois améliorer la qualité de vie et contribuer à attirer des visiteurs. La troisième consiste à associer les populations locales à la planification et à la détermination des priorités à l’échelle régionale, de façon à ce que les intérêts et les perspectives des jeunes, des femmes, des personnes âgées, des communautés autochtones et des autres groupes soient dûment pris en considération.

L’environnement

Les régions rurales sont au cœur de la transition vers une économie bas carbone

S’il est important de stimuler la productivité et la compétitivité pour la viabilité des régions rurales, il s’avère, lorsqu’on se place dans une optique de bien-être, que toutes les formes de croissance économique ne sont pas souhaitables. Les activités qui nuisent à la santé humaine et à l’environnement doivent être restreintes et, à terme, éliminées. Par conséquent, les acteurs publics devraient s’employer à réduire le soutien apporté aux activités non durables et polluantes, tout en encourageant le développement des activités respectueuses de l’environnement. Prenons l’exemple du secteur des combustibles fossiles. D’après les estimations, les pays membres de l’OCDE et les grandes économies de marché émergentes dépensent entre 160 et 200 milliards USD par an pour soutenir la consommation et la production de combustibles fossiles (OCDE, 2012b). Afin de mettre l’action publique au service d’une économie bas carbone, ce soutien doit être éliminé, et les investissements doivent être réorientés vers les énergies renouvelables. Comme le montre l’expérience des pays nordiques, la bioéconomie offre un potentiel considérable (encadré 4.4).

Encadré 4.4. La bioéconomie au service du développement rural : le cas des pays nordiques

La bioéconomie est une économie qui exploite des ressources naturelles renouvelables pour produire des denrées alimentaires, de l’énergie, des produits et des services. L’orientation vers une telle économie réduira notre dépendance vis-à-vis des ressources fossiles, freinera la perte de biodiversité et créera une croissance et des emplois conformes aux principes du développement durable.

Dans l’Union européenne, la bioéconomie représente environ 9 % des emplois. Dans les pays nordiques, cette part est plus élevée, s’établissant à environ 18 % pour l’Islande et 16 % pour la Finlande. La Norvège fait exception : la bioéconomie n’y représente que 6 % des emplois. Dans certaines régions rurales, la proportion est beaucoup plus élevée. Par exemple, dans la région de Örnsköldsvik, en Suède, la bioéconomie fournit, d’après les estimations, 25 % des emplois.

Les pays nordiques estiment que le développement de la bioéconomie peut atteindre une dimension considérable, mais sa mise en place doit surmonter certains obstacles. Par exemple, les bioressources peuvent faire l’objet de demandes concurrentes, et les coûts d’extraction des matières premières peuvent être trop élevés. En outre, la réglementation existante peut entraver certaines initiatives, ou des dispositions institutionnelles peuvent faire obstacle à l’utilisation de certaines matières premières (« déchets »). Les politiques publiques ont joué un rôle clé pour contribuer à surmonter certaines de ces difficultés et favoriser l’innovation dans le secteur.

Pays

Politiques ou stratégie

Exemple

Suède

  • Stratégie nationale pour la bioéconomie

  • VINNOVA (Agence publique des systèmes d’innovation) via le programme VINNVÄXT de spécialisation régionale

Plateforme régionale des biocombustibles réunissant quatre pays nordiques

  • Adoption par les municipalités de bus roulant à l’éthanol

  • Élaboration d’une vision localte et d’une « marque ». Soutien local et national au pôle « Bioraffinerie du futur », avec une quadruple hélice

  • Usines régionales pilotes à Umeo et Örnskoldsvik

Finlande

  • Stratégie nationale 2014 pour la bioéconomie

  • Organismes nationaux de financement, SITRA et Tekes

Début dans les années 90 avec la société LHJ (gestion des déchets municipaux)

Production de biogaz à partir de déchets et de sous-produits de l’industrie agroalimentaire

  • Parc éco-industriel ; club Forssa Envitech (2006)

  • Forssa Cluster Cooperation

  • Concept Brightgreen Forssa, en tant que marque

  • Bioéconomie et utilisation durable des ressources naturelles : l’un des 5 axes stratégiques de la région de Hame

Norvège

  • Taxe carbone

  • Objectifs nationaux pour la bioénergie

  • Soutien de Innovation Norway et ENOVA pour les petits et grands investissements

  • Instabilité des perspectives d'action des pouvoirs publics sur le plan des biocombustibles

Municipalités actives sur quatre plans : en tant que clientes, investisseuses, autorités locales de réglementation (règlements d'urbanisme, notamment) et, dans certains cas, fournisseuses d'infrastructures (réseau de chauffage urbain) ; membres de GRIP ; créatrices de marques ; sources de légitimité pour le secteur ; et coordinatrices assurant la liaison entre les autorités et les sources d’expertise

Danemark

  • Le développement vert et durable revêt une grande importance depuis les années 90

  • Vestas, leader mondial des éoliennes

  • Lolland Community Testing Facility (CTF), créée en 2007

  • Création de partenariats innovants et participatifs (quadruple hélice)

  • Co-création avec aménagement de pôles, synergies industrielles

  • Plateformes d'innovation, réunions et réseautage

  • Groupe consultatif régional : réflexions sur la bioéconomie

  • Membre du réseau national pour l’innovation

  • Le Green Centre de Lolland (créé en 1988) a lancé le Algae Innovation Centre avec les universités de Aalborg et Roskilde

Les pays nordiques estiment que la bioéconomie est porteuse d’un potentiel considérable, notamment dans les secteurs de la forêt, de la mer et des déchets. Les investissements dans ces domaines sont importants pour la transition vers une économie bas carbone ainsi que pour le développement rural et régional. Les synergies et les symbioses sont essentielles pour la réussite de tels projets, et les regroupements locaux présentent des avantages. Les politiques locales et la participation aux plateformes d’innovation locale et régionale concernant la bioéconomie sont cruciales pour la réussite de tels projets.

Bryden, J. (2015), « Making the Bioeconomy Work for Rural Development: Some Nordic Experience », conférence de l’OCDE sur le développement rural, Memphis, mai 2015.

L’étude de 2012 de l’OCDE intitulée Linking Renewable Energy to Rural Development portait sur les conséquences de la transition vers les énergies renouvelables pour l’économie rurale. Des études de cas relatives à différents sites d’Amérique du Nord et d’Europe ont montré les nombreux effets positifs du développement des énergies renouvelables. Celui-ci permet, en effet : d’accroître les recettes fiscales au niveau local ; de créer des emplois et des activités ; d’encourager l’innovation dans les produits, les procédés et les politiques publiques ; de favoriser, à l’échelon local, le renforcement des capacités et l’autonomisation ; et de produire une énergie abordable et fiable. Le tableau 4.2 décrit certaines des innovations observées dans ces études de cas. La présence d’un certain nombre d’acteurs dans un secteur lié aux énergies renouvelables a un effet boule de neige : l’apport de connaissances et de compétences favorise le développement plus poussé des activités liées aux énergies renouvelables et des secteurs d’appui connexes.

Tableau 4.2. Innovations dans les produits, les pratiques et les politiques d’énergies renouvelables dans les régions des études de cas

Région

Produits

Pratiques et politiques

Tennessee, États-Unis

Véhicules électriques, éthanol cellulosique

Collaboration entre universités et centre national de recherche sur l’énergie

Maine, États-Unis

Éoliennes flottantes de haute mer, énergie marémotrice

Évaluation ex ante de l’impact des éoliennes offshore sur les territoires maritimes

Vermont, États-Unis

Gestion du fumier dans les fermes d'élevage laitier, électricité verte

Production d'électricité décentralisée à partir de biogaz produit à la ferme

Iowa, États-Unis

Production d’éthanol à partir du maïs, éthanol cellulosique

Stratégie de recherche systémique ciblée

Oregon, États-Unis

Production locale d'énergie intégrée aux activités existantes

Approche communautaire de coordination – « l’énergie doit avoir un emploi »

Québec, Canada

Pales de turbines basse température pour des éoliennes

Le mandat du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) consiste, entre autres, à protéger les intérêts des territoires ruraux face au déploiement des énergies renouvelables

Île-du-Prince-Édouard, Canada

The Wind Energy Institute of Canada in North Cape – PEI

Le Wind Energy Institute of Canada in North Cape, PEI promeut le développement de l’énergie éolienne dans tout le Canada par la recherche, les essais, l’innovation et la collaboration. Sur le site se trouvent un parc de R-D éolienne de 10 MW, un banc d’essai de stockage de 2 MWh, des tours météorologiques et un petit banc d’essai éolien, ainsi que d'autres installations.

Tromsø, Norvège

Pales de turbines basse température, extraction par énergie marémotrice de la chaleur de l’eau et des eaux usées

Recherche collaborative entre l’Université de Tromsø et des entreprises d'énergie renouvelable

Carélie du Nord, Finlande

Biocombustibles à base de bois, poêles à bois efficients, outillage et matériel connexes, cogénération et chauffage urbain

Le North-Karelia Climate and Energy Program (créé en 2011) a fixé des objectifs ambitieux, comme un doublement de l’utilisation des copeaux de bois d'ici 2020.

Mellersta Norrland, Suède

Bioénergie tirée du bois, avec cogénération et chauffage urbain. « Autoroute verte » entre la Suède et la Norvège

Dotation de recherche-développement sur l’énergie éolienne

Sjælland, Danemark

Énergie éolienne, maintenance et installations d’essai des équipements éoliens ; production d'algues pour les biocombustibles ; bioénergie tirée de la paille

Des consortiums locaux organisent l’affectation des sols et relient les opérations de démonstration à l’économie régionale.

Frise, Pays-Bas

Bateaux solaires et systèmes solaires connexes pour batteries, etc. ; biogaz tiré en partie de fumier de vache

Développement des marchés de niche (filière bateaux solaires photovoltaïques)

Estrémadure, Espagne

Montage sur panneaux pour installations solaires

L’organisme sans but lucratif Agencia Extremeña de la Energía (AGENEX, créé en 2001) encourage les énergies renouvelables.

Pouilles, Italie

Petits générateurs éoliens ; émergence de politiques encourageant la production décentralisée d’énergies renouvelables à petite échelle

La politique en faveur des énergies renouvelables a été modifiée plusieurs fois pour réduire les distorsions et la recherche de rente.

Abruzzes, Italie

Production d'électricité à partir de biogaz.

Des principes esthétiques figurent explicitement dans les directives d'implantation d’installations d’énergies renouvelables dans des paysages ruraux ; remise en état des terres

Îles Shetland, Écosse

Production d'hydrogène à partir du vent ; systèmes de stockage d’énergie ; production d'électricité marémotrice

Le projet Promoting Unst Renewable Energy (PURE) est un partenariat d’origine locale visant à promouvoir les énergies renouvelables.

OCDE (2012b), Linking Renewable Energy to Rural Development, Études de l’OCDE sur la croissance verte, https://doi.org/10.1787/9789264180444-en.

Dans le soutien qu’ils apportent à ces efforts, les pouvoirs publics doivent tenir compte des intérêts et des problèmes locaux. Le dialogue avec les parties prenantes locales est particulièrement important dans les projets d’énergies renouvelables en milieu rural, car les aménagements nécessaires peuvent exiger beaucoup de terres ou modifier les paysages. Pour que ces projets soient couronnés de succès, il faut que la population locale puisse participer au processus de façon significative et dès les premières étapes.

La biomasse recèle un grand potentiel au service de la viabilité écologique et économique

Le secteur des énergies renouvelables est généralement plus intensif en capital qu’en main-d’œuvre, mais c’est moins vrai des projets d’exploitation de la biomasse (OCDE, 2012b). L’utilisation de la biomasse (résidus forestiers et agricoles, fumier animal, par exemple) pour alimenter de façon renouvelable les installations de production d’électricité, pour le chauffage ou en tant que biocombustible constitue une piste largement inexploitée de développement rural permettant de créer des emplois permanents. La chaleur renouvelable est systématiquement ignorée par la politique énergétique de la plupart des pays, bien qu’elle soit compétitive par rapport aux sources classiques. La conversion directe d’une source d’énergie renouvelable en chaleur repose sur une transformation relativement peu onéreuse ; de plus, ce secteur a généralement une plus grande incidence sur le marché local du travail que d’autres technologies utilisant des énergies renouvelables.

De manière générale, la biomasse requiert l’organisation d’un processus productif spécifique et fait appel à un grand nombre de participants. Dans de nombreuses régions des pays nordiques (Carélie du Nord, en Finlande, et Mellersta Norrland, en Suède, par exemple), la collecte de résidus forestiers a permis de créer des emplois durables tout en améliorant la gestion des forêts. Pourtant, c’est un potentiel rarement exploité par les responsables publics, en raison de coûts de transaction élevés et de la nécessité d’organiser une action collective. Il s’agit là d’une occasion manquée.

La grande majorité des investissements dans les énergies renouvelables se situant en milieu rural, la transition vers les énergies renouvelables est de fait une question rurale, en sus d’être un sujet d’intérêt mondial. La transition vers les énergies renouvelables requiert des politiques géographiquement ciblées et une concertation très étroite avec les populations locales. Les administrations peuvent encourager de tels efforts en modifiant leurs pratiques de passation des marchés, comme l’ont fait les États‐Unis avec le programme BioPreferred (loi de 2002 sur l’agriculture). Si les projets d’exploitation de la biomasse peuvent mettre un certain temps à démarrer, ils en valent néanmoins la peine, car ils peuvent lancer une région sur la voie de la viabilité écologique et économique.

Au-delà des énergies renouvelables, l’environnement rural offre de multiples avantages, tant pour ceux qui y vivent que pour l’ensemble de la société. Ces avantages incluent : des services écologiques tels que le captage du carbone et l’absorption de polluants présents dans l’air, l’eau et le sol ; des aménités pour le tourisme et les loisirs ; et les effets apaisants de la nature et d’une faune et d’une flore protégées. Nombre de ces avantages n’ont pas de prix de marché ; par le passé, ils ont été sous-évalués et sous-produits, mais on les considère aujourd’hui comme importants. En particulier, ce sont des composantes importantes d’une bonne qualité de vie et, en tant que telles, de nouveaux atouts majeurs pour les régions rurales. L’encadré 4.5 montre, à partir d’exemples, comment les pouvoirs publics peuvent intégrer des critères de bien-être à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques.

Encadré 4.5. Intégrer une optique de bien-être à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques

Les indicateurs régionaux du bien être mis au point par l’OCDE (« Comment va la vie dans votre région ? ») démontrent l’intérêt que présente l’analyse territoriale, et encouragent les responsables publics à dépasser les frontières de leur propre domaine d’action pour en anticiper les interactions potentielles avec d’autres politiques et, si possible, pour tirer parti de leurs complémentarités. Une meilleure compréhension du bien-être et de ses déterminants peut aider les décideurs à améliorer la conception des mesures adoptées et à mieux cibler les initiatives mises en place. De tels indicateurs peuvent aussi inciter les citoyens à réclamer des actions adaptées à leur environnement qui répondent à leurs attentes spécifiques, ce qui contribue à rétablir la confiance de la population à l’égard des pouvoirs publics.

Le suivi des performances locales et régionales en matière de bien être peut donner lieu à un important auto-diagnostic des principaux problèmes existant dans une région. Par exemple, on a utilisé des indicateurs de bien être en Sardaigne (Italie) pour mieux structurer la planification régionale de la politique de cohésion 2014-20. Les deux dimensions du bien-être – objective et subjective – sont importantes pour mesurer la qualité de vie, en sus d’autres aspects sociaux et économiques (OCDE, 2013b). Aux Pays-Bas, un indicateur d’« habitabilité » a été adopté au milieu des années 90 pour mieux comprendre et traiter les problèmes de sécurité au niveau local. Des indicateurs subjectifs ont été utilisés, reflétant le sentiment de sécurité des habitants sur leur lieu de vie, aux côtés des taux de délinquance effectifs.

Les indicateurs de bien-être peuvent aussi guider la hiérarchisation des actions à mener selon les différentes dimensions et les différents territoires. Aux États-Unis, le Partenariat pour des collectivités durables (Partnership for Sustainable Communities) s’est fondé sur une collaboration de trois organismes fédéraux avec l’Université de Pennsylvanie visant à mettre sur pied un ensemble d’indicateurs nationaux de viabilité qui ont été utilisés, entre autres, pour coordonner les politiques et les investissements au niveau fédéral et en démultiplier les effets.

Un objectif majeur des pouvoirs publics devrait être de traduire les objectifs de bien‐être en indicateurs pertinents pour l’action publique, et de les utiliser pour coordonner les politiques entre les différents niveaux d’administration et au sein de chacun d’eux. Au Pays de Galles, une loi adoptée le 17 mars 2015 en faveur du bien-être des générations futures illustre une telle approche. Elle fait du développement durable un principe organisateur central des services publics décentralisés au Pays de Galles ; à ce titre, elle impose à tous les organismes publics de poursuivre des buts et objectifs communs de bien-être, et mesure les résultats atteints au regard de ces objectifs (Krawchenko et Foster, 2016).

Les indicateurs OCDE du bien-être peuvent être consultés à l’adresse suivante : www.oecdregionalwellbeing.org.

OCDE (2013b), OECD Guidelines on Measuring Subjective Well-being, https://doi.org/10.1787/9789264191655-en.

Un nouveau ciblage pour l’action publique : Des avantages concurrentiels pour les économies à faible densité

Une stratégie clé pour les économies à faible densité consiste à se concentrer sur les avantages concurrentiels

En matière de politique rurale, on est en train de passer à une démarche globale tenant compte des interactions entre les différentes composantes de l’économie locale, y compris les activités non agricoles. Auparavant, la politique rurale des pays membres de l’OCDE se concentrait sur l’apport d’un soutien à des secteurs spécifiques, comme l’agriculture et la foresterie (et c’est encore le cas dans de nombreux pays). Toutefois, sous l’effet d’un processus continu de restructuration et de modernisation qui remplace la main-d’œuvre par du capital et améliore la connectivité (route, rail et haut débit), d’autres activités non agricoles, y compris dans le secteur des services, ont fait leur apparition en milieu rural.

Désormais, on cherche avant tout à repérer les sources d’avantage concurrentiel présentes dans toutes les régions rurales. L’objectif est de valoriser de nouvelles fonctions économiques dans les domaines correspondants, et de procéder à une diversification autour d’elles. Pour appuyer cette démarche, il importe de comprendre comment fonctionnent les économies à faible densité et où se situent les possibilités, en l’absence d’économies d’agglomération.

Les économies axées sur l’exportation mais éloignées des grands centres de demande font face à un défi de compétitivité exceptionnel, en particulier dans l’industrie. Un problème majeur est que les producteurs, dans les secteurs de produits échangeables, doivent faire preuve d’un degré d’efficience supplémentaire pour compenser le coût lié à la distance. Ils doivent se montrer plus performants que leurs concurrents urbains : être au même niveau ne suffit pas nécessairement. De plus, les possibilités limitées d’économies d’échelle dans de nombreux secteurs en milieu rural donnent à penser que les producteurs du secteur des biens échangeables hors ressources naturelles ont besoin de trouver d’autres sources d’avantage concurrentiel – par exemple, en se concentrant sur des qualités de produits sans équivalent, où la pénurie crée une valeur ajoutée.

La diversification économique consiste, par essence, à trouver une ou plusieurs niches nouvelles et rentables dans la division internationale du travail. Des produits à la pointe de l’innovation peuvent permettre de relever ce défi, mais, pour de nombreuses économies, il suffirait de découvrir de nouvelles pistes permettant de proposer de façon rentable des produits ayant déjà fait leurs preuves. Il est difficile de savoir à l’avance quelles activités nouvelles peuvent être compétitives, compte tenu de la structure des coûts de l’économie, ne serait-ce que parce que la gamme de prix de marché existant dans une économie ne renseigne nullement sur la rentabilité qu’offrirait une autre affectation des ressources (Rodrik, 2004). En outre, les créateurs d’entreprise qui s’implantent dans des secteurs nouveaux pour l’économie entrent souvent en concurrence directe avec des producteurs établis ailleurs, avant même d’avoir atteint la masse critique ou le niveau de productivité qu’ils seraient capables d’obtenir. Comme le présent rapport l’a déjà indiqué, ce défi est encore plus difficile à relever dans des régions peu denses et géographiquement isolées. Les producteurs implantés dans ces régions et orientés vers les marchés extérieurs doivent souvent supporter de lourds frais de transport et d’équipement, pour ensuite affronter, sur des marchés lointains, la concurrence d’entreprises rivales qui peuvent, elles, se procurer des ressources et desservices sur des marchés plus actifs et plus concurrentiels.

Dans le cadre d’efforts de diversification, on peut s’attendre à une part importante de tâtonnements : de manière générale, les résultats ne peuvent pas être déterminés et planifiés à l’avance. Cela implique que les conséquences des politiques de diversification couronnées de succès sont difficiles à prévoir, de sorte que les autorités doivent résister à la tentation de définir la structure de production vers laquelle elles estiment que l’économie devrait évoluer. Au lieu de mettre l’accent sur des « secteurs stratégiques » prédéterminés, il convient de favoriser l’émergence de nouvelles activités, dont certaines échoueront et dont d’autres prospèreront. Pour la plupart des régions qui vivaient jusque-là de l’exploitation minière et des hydrocarbures, cela impliquera probablement, dans une certaine mesure, d’aider les industriels à monter dans la chaîne de valeur, c’est-à-dire à se diversifier sur la base d’atouts existants. Il est toutefois impossible de prévoir la direction que prendra cette évolution, outre que d’autres activités nouvelles prendront probablement leur essor, si les conditions sont propices.

L’exemple de la Finlande est instructif, car son avantage comparatif dans la filière forestière est ancien et évident, mais la plupart de ses autres atouts concurrentiels ne le sont pas. De fait, l’économiste le mieux informé n’aurait pas pu prévoir que ce pays allait se ménager de solides avantages comparatifs dans des produits tels que les ascenseurs, les équipements de navigation par satellite, le matériel de forage offshore ou – pour citer le plus célèbre d’entre eux – le matériel de téléphonie portable. En 1990, ce dernier produit aurait à peine mérité d’être mentionné dans une stratégie industrielle pour la Finlande ; dix ans plus tard, la téléphonie portable était la pierre angulaire de la croissance finlandaise et, encore une décennie plus tard, l’ensemble du pays a souffert de l’ascension de l’iPhone, le déclin de Nokia étant aussi imprévu que son essor. Pourtant, de nouvelles sources de croissance ont rapidement commencé à se dessiner, prenant appui sur le capital humain et les infrastructures associés au secteur des télécommunications. C’est ainsi que la Finlande continue de s’adapter, sa réussite découlant non pas d’une aptitude à prévoir – et encore moins à dicter – la structure productive de l’économie, mais d’un ensemble de politiques transversales, sectorielles et régionales qui créent des conditions favorables à l’innovation et à l’entrepreneuriat.

Concrétiser l’avantage concurrentiel grâce à la « spécialisation intelligente »

La politique rurale 3.0 insiste sur la conception de politiques à destination des entreprises adaptées aux économies peu denses, au sein desquelles les distances jouent un rôle clé dans le mode de fonctionnement des entreprises. L’approche classique du soutien à la croissance des entreprises en milieu rural consistait en l’octroi de subventions publiques à de grandes entreprises. De nos jours, les pouvoirs publics jouent un rôle de facilitateurs qui, face à la complexité et à l’incertitude, rendent possible une coordination plus étroite entre les agents économiques ainsi qu’une plus grande expérimentation au sein de l’économie. Cette nouvelle approche du développement des entreprises et de l’innovation en milieu rural fait écho à une réorientation plus générale des politiques sectorielles en faveur de tout ou partie des caractéristiques suivantes (Warwick, 2013 ; Warwick et Nolan, 2014) :

  • une plus grande importance accordée à la création de réseaux, à une meilleure coordination et au renforcement de la sensibilisation ;

  • un moindre recours au soutien direct sous forme d’aides et de subventions publiques (corrigeant des défaillances du marché) ;

  • une politique sectorielle stratégique plutôt que défensive ;

  • un abandon des stratégies sectorielles au profit de certaines technologies et activités spécifiques.

La « spécialisation intelligente » est une expression actuellement employée pour décrire une démarche de plus en plus souvent adoptée par des administrations régionales (et nationales) pour encourager les investissements dans des domaines qui tirent parti des actifs locaux. L’idée est de constituer les capacités de demain et d’acquérir un avantage comparatif interrégional (Foray, David et Hall, 2009). La principale différence entre la spécialisation intelligente et les politiques sectorielles et d’innovation traditionnelles est ce que l’on appelle la « découverte entrepreneuriale » – un processus interactif dans lequel les forces du marché et le secteur privé découvrent et produisent des informations sur de nouvelles activités, tandis que les pouvoirs publics en évaluent les retombées et donnent les moyens d’agir aux acteurs les plus à même de faire s’exprimer ce potentiel (Hausmann et Rodrick, 2003). Les stratégies de spécialisation intelligente sont donc beaucoup plus « ascendantes » que les politiques sectorielles traditionnelles. Il existe un vaste corpus de documentation sur cette méthode, émanant en particulier de l’UE, car la spécialisation intelligente est l’une des conditions préalables à l’attribution de fonds structurels (McCann et Ortega-Argilés, 2014 ; Foray, 2014).

La conception de stratégies de spécialisation intelligente doit reposer sur un cadre adaptable au contexte et aux spécificités de chaque région rurale. Les politiques de l’innovation sont souvent conçues dans une perspective urbaine, pour des régions qui se caractérisent par une densité plus forte de l’activité économique, des retombées technologiques et des relations complexes entre les entreprises, le monde universitaire et d’autres acteurs. Un autre risque consiste à tenter de reproduire de grandes réussites dans d’autres régions. Les zones rurales ont souvent des structures sectorielles spécialisées, qui sont ancrées dans la région et en étroite relation avec leurs ressources naturelles. Les stratégies de spécialisation intelligente doivent s’appuyer sur ces avantages comparatifs et absolus, et viser à offrir aux entreprises locales la possibilité de participer aux chaînes de valeur mondiales (CVM). Les régions rurales présentent souvent un niveau plus faible de qualifications, un marché du travail morcelé et peu actif et un manque de ressources en rapport avec l’innovation. Les politiques nationales en matière de qualifications, d’emploi et d’innovation doivent être adaptables. Par exemple, un aspect important d’une stratégie de spécialisation intelligente consisterait à permettre aux organismes de formation locaux de proposer des programmes sur mesures, qui soient plus étroitement alignés sur les besoins sectoriels de la région.

À l’instar de la politique sectorielle traditionnelle, les stratégies de spécialisation intelligente visent à remédier aux défaillances du marché ou des systèmes et au manque de coordination. Dans le cas des politiques sectorielles traditionnelles, de grandes quantités d’informations étaient nécessaires pour justifier le versement de subventions, et ces politiques étaient souvent mises en œuvre dans des secteurs intégrés verticalement et dotés d’un modèle technologique stable. En revanche, la spécialisation intelligente – de même que les nouvelles politiques sectorielles – tient compte de l’absence d’information parfaite, du niveau d’avancement d’une activité donnée et des risques pour l’action publique. Elle s’attache à aider les chefs d’entreprise à recenser leurs atouts en matière de connaissances au niveau régional et à favoriser une approche plus exploratoire, dans laquelle les décideurs publics se mettent à l’écoute des signaux de marché à l’aide d’une série d’outils d’évaluation (analyse SWOT, enquêtes, etc.) et de mécanismes comme les partenariats public-privé, la prospective technologique et les feuilles de route. L’encadré 4.6 présente une vue d’ensemble des principales orientations stratégiques liés à la démarche de spécialisation intelligente.

Encadré 4.6. Les orientations stratégiques d’une spécialisation intelligente

Les grandes orientations stratégiques suivantes ressortent d’un rapport récent de l’OCDE sur la spécialisation intelligente (OCDE, 2015b) :

  • Des dispositifs de découverte entrepreneuriale. La politique de spécialisation intelligente nécessite une « sélection entrepreneuriale » des débouchés (par exemple pour limiter les échecs et éviter que les pouvoirs publics ne prennent des décisions peu avisées). Les entreprises performantes constitueront la nouvelle spécialisation du pays ou de la région (autodécouverte), et le rôle des acteurs publics consistera à mettre au point une stratégie adaptable privilégiant les objectifs intermédiaires mesurables, recensant les goulots d’étranglement et les dysfonctionnements du marché et garantissant la prise en compte des enseignements tirés de l’expérience. Cette approche s’accompagne d’incitations visant à stimuler l’entrepreneuriat et à encourager l’agglomération.

  • Une priorité aux plateformes et réseaux technologiques généralistes. Compte tenu du nombre d’applications différentes que peuvent avoir les technologies polyvalentes, la création de plateformes regroupant les acteurs publics et privés ainsi que les organismes de normalisation peut contribuer à accroître la productivité dans les secteurs existants et à repérer plus facilement les secteurs où concentrer les ressources.

  • Des outils et une infrastructure de diagnostic s’appuyant sur des indicateurs. La spécialisation intelligente requiert des régions et des pays qu’ils mettent en place une infrastructure et une série d’indicateurs permettant d’assurer le suivi et l’évaluation des résultats et des politiques publiques.

  • Une gouvernance stratégique. Une bonne gouvernance et le renforcement des capacités locales sont indispensables pour repérer les atouts au niveau local, harmoniser l’action publique, atteindre une masse critique, élaborer une vision stratégique et mettre en œuvre une stratégie bien conçue.

  • Une ouverture aux autres régions. La stratégie de spécialisation régionale doit tenir compte du fait que les autres régions mènent également des activités de création de connaissances, et que des doublons risquent d’entraîner une baisse d’efficacité et, à terme, l’échec. Par conséquent, il est important qu’une coopération s’instaure avec des régions possédant des capacités et des stratégies complémentaires.

OCDE (2015b), L’impératif d’innovation : Contribuer à la productivité, à la croissance et au bien-être , http:// dx.doi.org/10.1787/9789264251540-fr.

En définitive, les stratégies de spécialisation intelligente offrent aux régions l’occasion de définir le cœur de leur avantage concurrentiel et de se diversifier à partir de là. Il est particulièrement important que cette étape repose sur une collaboration entre les secteurs public et privé. Elle permet en effet de recenser des actifs et ressources souvent latents et de mettre en lumière le meilleur moyen de les associer pour engendrer de nouvelles possibilités d’activités. Il s’agit là d’un aspect important pour les régions rurales, parce qu’elles ne bénéficient pas des économies d’agglomération et n’ont, bien souvent, que quelques activités économiques compétitives sur les marchés internationaux.

Un certain nombre de régions rurales de la zone OCDE ont mis en pratique ces approches de spécialisation intelligente. De nombreuses régions rurales ont suivi des stratégies visant à optimiser les possibilités de développement économique liées à une meilleure coordination locale entre l’agriculture, la production agroalimentaire et le tourisme. Un autre exemple est la création de valeur à partir de déchets agricoles et industriels, aboutissant à de nouveaux produits et à la production d’énergie. En poursuivant ces stratégies collaboratives, certaines régions ont découvert des possibilités inattendues. Par exemple, la région de Norrbotten, dans le nord de la Suède, a attiré des investissements de TIC et des essais automobiles grâce à la rigueur de son climat. Ces activités économiques ont été intégrées aux universités locales, et cette région est désormais compétitive au plan international sur un segment qui n’est ni l’extraction minière ni l’exploitation forestière. Un autre exemple est celui du Nordland (encadré 4.7).

Encadré 4.7. Innovation rurale : Le cas du Nordland, en Norvège

Située dans le nord de la Norvège, la région du Nordland abrite 240 000 habitants, dont près de 50 000 dans la ville principale, Bodo. Les paysages et la topographie sont variés : fjords, hautes montagnes, péninsules et îles. Des sites naturels tels que les îles Lofoten constituent une attraction propice au tourisme dans la région. Des activités forestières et agricoles sont menées dans les vallées et sur le littoral. En raison de la topographie, la production est dispersée sur l’ensemble de la région, parfois dans des sites éloignés et difficiles d’accès.

Le Nordland est richement doté sur le plan des ressources en eau, des paysages, des terres productives et des ressources minérales. Ces ressources constituent les fondements de l’extraction minière, de l’agriculture, de la sylviculture, des pêcheries, de l’aquaculture et du tourisme.

Ces secteurs obtiennent de bonnes performances et sont bien intégrés dans les marchés mondiaux. Hautement productifs et exportateurs, ces secteurs contribuent fortement à la prospérité économique de la Norvège mais ne créent pas suffisamment d’emplois pour la région (à l’exception du tourisme). Une question critique pour l’avenir de la région sera de savoir comment surmonter ce « paradoxe de la croissance » pour créer davantage de valeur ajoutée et d’emplois.

En ce qui concerne les compétences et l’innovation, la région possède plusieurs atouts et doit affronter certaines difficultés. Le Nordland compte une université, deux instituts universitaires et trois établissements de recherche. Ces établissements collaborent de plus en plus avec les entreprises locales, et l’investissement dans la R-D augmente. La région, consciente de l’importance de l’innovation, a été la première de Norvège à élaborer sa propre stratégie de R-D, qui a servi de plateforme pour nouer des liens plus étroits avec les entreprises locales. Cependant, la population est vieillissante, et le niveau d’éducation est plus faible que dans le reste du pays. Bien que l’activité de R-D se développe, elle manque encore d’ampleur, et la culture de l’innovation n’est pas bien ancrée parmi les petites entreprises des secteurs traditionnels. Améliorer la compétitivité des secteurs de produits échangeables hors hydrocarbures relève du défi en Norvège, où les coûts sont élevés.

La région a choisi la spécialisation intelligente comme cadre pour favoriser l’innovation au sein de ses secteurs de produits échangeables. Selon la stratégie de spécialisation intelligente de la région – Innovative Nordland –, l’industrie de transformation, les fruits de mer et le tourisme sont les principales pistes de croissance. La région s’appuie sur trois stratégies clés pour susciter l’innovation :

  • soutenir des projets de coopération entre les entreprises et les institutions de R-D ;

  • favoriser des projets de formation au sein de pôles d’activité ;

  • encourager le renforcement des compétences dans les universités et les instituts de R-D, en phase avec le développement de pôles dans la région.

L’élaboration de cette stratégie a donné lieu à une étroite collaboration entre le secteur public, les entreprises, les instituts de recherche, le milieu éducatif et les établissements de formation de la région. Les priorités ont été définies à l’aide de techniques telles que l’analyse SWOT et la planification prospective, en vue de mettre en évidence les avantages comparatifs de la région. La conception et la mise en place de cette stratégie ont en outre fait appel à la coopération et à un examen par des pairs de la région de Österbotten, en Finlande. La collaboration, des méthodes homogènes et transparentes pour répertorier les atouts et l’examen par les pairs figurent parmi les facteurs de réussite recensés pour les stratégies de spécialisation intelligente dans un contexte européen (OCDE, 2013c).

OECD (2017), OECD Territorial Reviews: Northern Sparsely Populated Areas, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264268234-en; OCDE (2013c), Innovation-driven Growth in Regions: The Role of Smart Specialisation, www.oecd.org/sti/inno/smart-specialisation.pdf.

L’application de ces stratégies ne sera pas identique dans les zones rurales proches de grandes villes et dans des régions rurales plus éloignées. Les zones rurales proches de grandes villes ont pour avantage que les terrains, moins onéreux, peuvent être intéressants pour l’implantation d’entreprises manufacturières ou du secteur des transports et de la logistique. Ces régions devraient envisager d’exploiter ces avantages et de nouer des partenariats avec des entreprises et des instituts de recherche situés en ville. Pour les régions plus isolées, l’une des considérations clés est l’exploitation des réseaux et des chaînes de valeur locaux pour encourager l’innovation dans des domaines tels que les aménités environnementales, la production alimentaire et le tourisme. Dans ce contexte, l’occupation des sols est cruciale, qu’il s’agisse de maîtriser l’urbanisation, de combiner les activités agricoles et touristiques ou de résoudre les conflits autour de l’exploitation des terrains (entre industries extractives, production d’énergie et tourisme, par exemple). Dans les régions rurales éloignées, il est particulièrement important que les stratégies d’occupation des sols soient étroitement harmonisées et coordonnées avec le développement économique.

Les outils : Une complémentarité des politiques et des investissements intégrés

Les politiques publiques qui se renforcent mutuellement produisent de meilleurs résultats

Les approches de la politique rurale ont connu une transition notable dans tous les pays membres de l’OCDE pendant les années 80 et 90. Dans nombre d’entre eux, la politique rurale a longtemps consisté à verser des subventions qui visaient à élever les revenus d’un secteur jusqu’à la moyenne nationale, sans réellement chercher à savoir si ces subventions étaient efficaces ou si elles avaient des conséquences indésirables (Pezzini, 2001). Les entreprises, les territoires et les individus avaient droit à certaines subventions du simple fait de leur ruralité. Le nouveau paradigme rural a ensuite prôné une réorientation de la politique rurale : plutôt que des subventions sectorielles, il encourageait les investissements dans les régions rurales, en admettant que le développement était inévitablement inégal sur un plan territorial et qu’il fallait avant tout chercher à miser sur les atouts propres à chaque zone rurale.

La politique rurale 3.0 élargit ce cadre en mettant beaucoup plus l’accent sur les investissements intégrés et sur la prestation de services adaptés aux besoins des zones rurales. Une pression importante s’exerce en faveur d’investissements publics et privés mieux utilisés et d’une prestation de services plus efficiente dans les régions rurales, qui sont inévitablement exposées à des coûts unitaires supérieurs à ceux des zones urbaines, en raison d’économies d’échelle moindres et de frais de transport plus élevés. Des investissements intégrés peuvent permettre de tirer parti des avantages de la complémentarité, lorsqu’ils sont adaptés aux besoins des différents types de zones rurales.

La notion de complémentarité des politiques renvoie à des interventions dont les retombées s’amplifient mutuellement. La complémentarité des politiques peut provenir du fait qu’elles appuient la réalisation d’un objectif donné à partir de différents angles. Par exemple, le développement de la connexion internet à haut débit en milieu rural devrait aller de pair avec des politiques axées sur l’accessibilité et la diffusion de ces services parmi la population.

Les politiques, territoriales comme sectorielles, sont plus efficaces lorsqu’elles sont coordonnées et qu’elles répondent à des objectifs similaires. De fait, les administrations devraient inscrire leurs interventions en matière d’infrastructures, de capital humain et de capacités d’innovation dans le cadre de trains de mesures communs, qui soient en outre complémentaires des approches sectorielles. Cela nécessite une intégration horizontale des politiques, au travers d’accords de gestion et de plans de développement associant différents secteurs, services et organismes au sein d’un niveau donné d’administration. Il faut en outre que les politiques soient intégrées verticalement, de l’administration nationale jusqu’à l’échelon administratif local, et que les interventions soient territorialement intégrées et prennent en considération les relations et interdépendances entre différents territoires.

Les investissements intégrés et les complémentarités au niveau de l’action publique différeront selon les territoires

L’appréhension des spécificités des territoires est au cœur d’une approche intégrée de l’action publique. Pour une zone rurale proche d’une grande ville, un objectif critique est de limiter l’étalement urbain tout en renforçant la connectivité entre localités. L’équilibre est délicat à trouver. D’une part, il est bénéfique de renforcer les liaisons entre zones rurales et urbaines pour que les citadins puissent avoir accès aux aménités naturelles et culturelles des régions rurales, et pour que les populations rurales puissent accéder aux marchés du travail urbains. D’autre part, si la population rurale augmente, cela accroît les coûts liés aux encombrements et à l’urbanisation, ce qui complique la mise en place des services et des infrastructures ainsi que leur maintien/leur entretien. L’action des pouvoirs publics devrait viser à trouver un équilibre permettant de faciliter les liaisons entre ces territoires tout en préservant la spécificité des zones rurales et urbaines. À cet égard, les points clés sont les transports, l’occupation des sols et l’utilisation des ressources.

Les colonnes du tableau 4.3 répertorient cinq domaines de l’action publique qui sont pertinents dans les régions rurales et pour lesquels les complémentarités sont particulièrement importantes. Ils sont généralement pris en charge par des niveaux d’administration différents et, dans presque tous les cas, chacun relève de la responsabilité d’un organisme spécifique qui n’intervient guère dans les quatre autres domaines. En zone périurbaine (zone rurale proche d’une ville), une question centrale est la conversion des terres d’une affectation rurale à une affectation urbaine, question habituellement réglée par le truchement des plans officiels d’occupation des sols. Les pressions en faveur des changements d’affectation des sols sont toutefois influencées par les décisions d’amélioration des liaisons de transport ou d’extension des réseaux d’eau et d’assainissement, ou par l’encouragement au rapprochement des populations citadines et des rurales via l’intégration des marchés du travail ou la mise en place d’un accès aux services urbains pour tous. Par conséquent, la politique d’occupation des sols produit les meilleurs résultats lorsque les mesures prises dans ces autres domaines viennent renforcer ses actions.

Les considérations qui s’appliquent aux régions rurales éloignées ne sont pas tout à fait les mêmes que celles qui sont valables pour les régions rurales proches d’une grande ville. Les conditions locales déterminent beaucoup d’aspects. Par exemple, alors que l’éloignement peut poser problème pour de nombreux secteurs en zone rurale, il peut constituer un avantage concurrentiel pour le tourisme. Associé à des paysages admirables, comme c’est le cas dans les Highlands et les îles d’Écosse, l’éloignement peut devenir un réel attrait (Mahroum et al., 2007 : 30). La préservation de la qualité de l’environnement devient une dimension importante de la stratégie économique dans de telles régions.

Dans les régions rurales éloignées, la conversion des terres d’une affectation rurale à une affectation urbaine ne constitue pas un problème, mais la perte d’importantes capacités environnementales, naturelles et culturelles est une source de préoccupations (tableau 4.3). En l’occurrence, la réglementation directe de l’occupation des sols peut jouer un rôle moindre que les quatre autres domaines, qui peuvent conduire à un changement d’affectation des sols en modifiant les incitations des propriétaires fonciers.

Tableau 4.3. Complémentarités des mesures pour différents types de régions rurales

Type de région rurale

Occupation des sols

Infrastructures/accessibilité

Utilisation des ressources

Services publics

Emploi

Régions proches d’une ville

Maîtriser la conversion des terres pour limiter l’étalement urbain

Freiner l’expansion des réseaux d’eau et d'assainissement pour ralentir la conversion des terres

Planifier les transports routiers et collectifs pour accompagner le développement

Préserver la qualité de l’environnement et limiter les activités non durables

Valoriser les infrastructures rurales utilisées par les résidents urbains

Fournir des services locaux de haute qualité, intégrés aux capacités urbaines adjacentes

Intégrer les marchés du travail rural et urbain en soutenant les produits de niche et le renforcement des chaînes d’approvisionnement

Régions éloignées

Restreindre les pratiques d’occupation des sols qui nuisent à l’environnement (pollution, érosion des sols, etc.)

Préserver les terres de qualité qui présentent un intérêt naturel ou culturel

Améliorer la connectivité avec les régions urbaines (haut débit, routes, rail)

Préserver la qualité de l’environnement et limiter les activités non durables

Valoriser les infratructures rurales utilisées par les résidents urbains

Imaginer des moyens innovants de fournir des services publics de qualité (santé, éducation, soutien aux entreprises et formation de la main-d’œuvre)

Plan de stabilisation contracyclique des recettes locales

Développer l’emploi et les débouchés locaux grâce à l’entrepreneuriat, au soutien à l’expansion des entreprises et à l’entrée sur de nouveaux marchés

Là encore, il est essentiel que, dans ces cinq domaines de l’action publique, un ensemble de signaux cohérents soit envoyé aux propriétaires fonciers, afin que le développement économique se déroule d’une manière qui respecte les autres objectifs, dont la durabilité et la préservation.

La prestation de services est un domaine de complémentarité politique essentiel

Le secteur tertiaire représente désormais la majeure partie des revenus et des emplois dans les pays membres de l’OCDE. L’accès à un éventail adéquat de services publics et privés est décisif pour la qualité de la vie des citoyens et la compétitivité des entreprises. La disponibilité des services est donc un aspect central des politiques et stratégies de développement rural. Or, les régions rurales connaissent une difficulté particulière : le coût relativement élevé des services, sous l’effet de plusieurs facteurs (tableau 4.4). Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, les débats concernant les moyens de fournir des services de façon moins coûteuse en milieu rural sont au coeur des discussions dans de nombreux pays membres de l’OCDE.

Tableau 4.4. Les facteurs qui influent sur le coût des services en milieu rural

Facteur

Incidence sur le coût des services

Distance

La connectivité est moindre, sous toutes ses formes, et l’accessibilité aux régions rurales est plus onéreuse que pour les zones urbaines.

Par habitant, les frais de transport et le coût global de la fourniture des biens et services sont également plus élevés en milieu rural.

Population peu nombreuse

Il est difficile de réaliser des économies d'échelle pour la production de biens et services, y compris les services publics.

Faible densité

En milieu rural, la population est souvent dispersée, voire clairsemée, sur la majeure partie du territoire, rendant la connectivité plus difficile.

Population vieillissante

Avec le vieillissement démographique, les besoins de services évoluent, ce qui peut nécessiter de nouveaux investissements ou dépenses, surtout en matière de santé.

Baisse des subventions

Dans le sillage de la crise financière mondiale, les administrations réduisent les subventions. L’impact sur les coûts et les services publics est évident.

Diversité croissante

La population rurale se diversifie, associant des habitants historiquement ancrés dans la région, de nouveaux retraités, des propriétaires de résidences secondaires et de nouveaux résidents qui font la navette pour aller travailler en ville. Le résultat est une fragmentation de la demande et une population dont une grande partie se procure biens et services ailleurs.

Prestataires de services peu nombreux

Le choix est une dimension précieuse. Il arrive trop souvent que des prestataires de services ruraux se contentent d’exploiter leur rente de monopole, sans chercher à assurer activement la promotion de leur activité ou à améliorer la qualité des services qu'ils fournissent.

Pour que les territoires ruraux puissent jouer pleinement leur rôle dans le renforcement de l’économie nationale, ils doivent disposer d’un ensemble de services appropriés. Les difficultés que pose la prestation des services publics varient selon les régions et les pays. Les stratégies utilisées dans certains pays membres de l’OCDE pour surmonter les obstacles mentionnés ci-dessus peuvent cependant être considérées comme des pratiques « assez bonnes » (sans pouvoir toujours être considérées comme de « bonnes pratiques »), et pourraient donner des idées aux administrations connaissant les mêmes problèmes. Ces pratiques mettent souvent l’accent sur l’innovation (recours à d’autres moyens pour atteindre le résultat souhaité) et sur l’inclusivité (co-conception et co-prestation), deux aspects importants dans une approche globale. Par exemple, en associant les usagers finaux à la démarche, on accroît les chances de fournir des services réellement utiles à la collectivité, sans que le coût soit excessif. On peut notamment citer les pratiques suivantes :

  • Regroupement, colocalisation et fusion de services similaires. Le regroupement consiste à concentrer les clients sur un nombre plus restreint de sites de prestation. Cela accroît la demande effective en élargissant le territoire de desserte pour chaque site restant. Un exemple serait la fusion de plusieurs journaux locaux à faible tirage pour créer un seul organe de presse régional, plus viable. La colocalisation vise elle aussi à accroître la demande. Il s’agit de mettre en commun les frais généraux de base – énergie, sécurité et frais administratifs – pour générer des économies de gamme. Par exemple, si les services postaux sont intégrés à une épicerie, les habitants peuvent venir chercher leur courrier et faire leurs courses en un seul déplacement. Enfin, la fusion de services consiste à rassembler en une seule entité des services similaires ou substituables.

  • Nouveaux mécanismes de prestation. Lorsque la demande de services est très dispersée, il peut être plus efficient d’amener le service à l’usager. On peut citer en exemple les solutions de prestation mobile de services comme les bibliothèques ambulantes, qui passent dans les collectivités trop petites pour disposer d’une bibliothèque, ou les cabinets dentaires itinérants. Avec l’internet, les usagers ruraux ont accès à des services supplémentaires, et les prestataires ruraux peuvent proposer leurs services au-delà de leur voisinage immédiat. Grâce à la télémédecine, les radiographies et autres supports de diagnostic réalisés en milieu rural peuvent être traités et analysés ailleurs.

  • Des solutions locales pour différents types de prestataires. Certaines collectivités rurales ont un service d’incendie et de secours constitué de pompiers volontaires. Dans d’autres, ce service relève de l’exécutif local. Dans certaines collectivités, le magasin du village est une entreprise à but lucratif, tandis que dans d’autres, ce magasin appartient à la communauté, fournit un accès équivalent aux services, mais opère en tant qu’entreprise sociale.

  • Améliorer la qualité et la commercialisation. La technologie peut aider les résidents ruraux à fournir et à obtenir des informations sur la qualité des services et sur d’autres prestataires. Grâce à la géolocalisation, il est plus facile de faire coïncider l’offre et la demande de services.

  • D’autres sources d’énergie. Les énergies renouvelables peuvent contribuer à réduire la pénurie de combustibles qui caractérise souvent les régions éloignées, car elles permettent à des collectivités isolées de produire leur propre énergie au lieu d’importer des combustibles conventionnels onéreux. Si les collectivités rurales ont davantage recours à des sources d’énergie abordables et fiables, elles améliorent leur capacité à fournir des biens et services. Par exemple, la disponibilité d’une source fiable d’électricité est essentielle pour un restaurant local qui a besoin d’un réfrigérateur.

  • Innover : créer un nouveau service pour obtenir de meilleures retombées. En milieu rural, la clientèle est souvent trop peu nombreuse pour que des entreprises indépendantes puissent fournir une gamme complète de services. Par exemple, si une région n’a pas assez de clientèle pour faire vivre une entreprise traditionnelle de travaux de réparation, elle peut en revanche utiliser les services d’un réparateur itinérant, qui fait des travaux de bricolage à partir d’un véhicule transportant le matériel adéquat. Les artisans mobiles sont importants dans ce type de région (Bryden et Munro, 2000 ; Markeson et Deller, 2012).

Les pouvoirs publics jouent eux aussi la carte de la complémentarité en regroupant des prestataires de services relevant de différents domaines de l’action publique. Il s’agit souvent de concentrer des services administratifs, des prestataires de soins de santé, des commerces, etc. sur des sites spécifiques desservis par les réseaux de transport, afin qu’ils soient accessibles à la population rurale environnante. Ces concentrations sont souvent dénommées « guichet unique », comme l’illustre un programme français (encadré 4.8). Leurs dimensions peuvent varier : certaines sont très simples, réduites aux fonctions essentielles, tandis que d’autres, lorsque la population et les ressources le permettent, finissent par faire office de centre local d’innovation ; elles contribuent en effet à établir des passerelles entre activités primaires, secondaires et tertiaires en milieu rural, et à encourager la production d’énergies renouvelables. Dans certains territoires, la proximité de ces services peut aider les prestataires à se coordonner, car les praticiens ont plus d’occasions d’interagir et d’élargir leurs connaissances sur le travail des autres – y compris entre niveaux d’administration différents.

Encadré 4.8. En France, un « guichet unique » pour les citoyens

À l’issue d’une période d’expérimentation initiale, le gouvernement français a décidé, en juillet 2013, d’installer un réseau de guichets uniques appelés « Maisons de services au public » (MSAP) offrant l’accès à des services publics tels que les services postaux, la vente de titres de transport, les services collectifs d’énergie, l’assurance-chômage et les aides sociales (retraites, allocations familiales, assurance maladie, etc.). Cette initiative a pour objet de garantir l’accès aux services publics dans des territoires à faible densité ou isolés, en partageant, dans la mesure du possible, les coûts et le personnel. Pour des raisons techniques et statutaires, le partage du personnel s’est avéré plus complexe que le partage des coûts ou des locaux.

Les MSAP sont généralement financées par les collectivités territoriales (50 %), les opérateurs publics (25 %) et l’État (25 %). En plus de ses subventions, l’État français joue un rôle important pour promouvoir cette initiative, harmoniser les services fournis et les labelliser. Il a aussi noué un partenariat avec La Poste en vue de transformer certains bureaux de poste peu actifs (surtout en milieu rural ou en montagne) en MSAP, afin de les rentabiliser davantage et pour éviter de financer des bâtiments spécifiques.

En mars 2015, le Comité interministériel aux ruralités s’est fixé pour objectif de multiplier par trois le nombre de MSAP pour le porter à 1 000 fin 2016, dans le respect des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public évoqués dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République adoptée à l’été 2015.

Cette initiative est similaire à d’autres, lancées dans d’autres pays, par exemple en Finlande, avec les bureaux de service aux citoyens, pour n’en citer qu’une. Ces programmes et d’autres formes de guichet unique peuvent contribuer à réduire le coût des prestations et, partant, accroître l’accès des ruraux aux services indispensables. La gamme de services offerts par les guichets uniques dans les pays membres de l’OCDE est très large : éducation, garde d’enfants, renseignements administratifs, aiguillage et conseils, santé et soins aux personnes âgées, aide sociale (réhabilitation et logement), mais aussi activités culturelles et loisirs. Reposant avant tout sur les besoins et la participation des collectivités, ces centres de services polyvalents vont probablement continuer à essaimer en milieu rural, parce qu’ils permettent aux pouvoirs publics de fournir des services ruraux de façon économique (OCDE, 2010a).

OCDE (2010a), Strategies to Improve Rural Service Delivery, https://doi.org/10.1787/9789264083967-en. Pour en savoir plus, voir : CGET (2016), Maisons de services au public, www.cget.gouv.fr/thematiques/services-au-public/maisons-de-services-au-public (consulté le 1 juin 2016).

Le développement de la connectivité via les TIC en milieu rural permettrait de fournir une gamme plus large de services aux particuliers et aux entreprises. En matière de santé par exemple, le recours à la télémédecine s’est fortement développé. Il peut s’agir de visioconférences permettant d’améliorer l’accès aux services de santé pour les patients, les familles et les professionnels de santé. La réduction des besoins de déplacement abaisse les coûts et signifie que les professionnels de santé peuvent passer plus de temps à soigner les patients, et moins à se déplacer. Le Japon a fait de la connectivité un objectif majeur de l’action publique, aux côtés d’un aménagement du territoire plus compact (encadré 4.9).

Encadré 4.9. Au Japon, l’initiative des « petites stations »

Au Japon, c’est en grande partie la démographie qui impose une prestation de services innovante et économique, puisque la population est non seulement vieillissante, mais aussi en diminution globale. Selon les projections actuelles, les autorités prévoient que la population va diminuer de quelque 22 ou 23 % entre 2010 et 2050, et que le troisième âge (personnes âgées de 65 ans et plus) représentera environ 40 % de la population à la fin de la période. Pour relever ces défis, le Japon a adopté une Stratégie nationale d’aménagement du territoire (NSS) qui formule une vision fondée sur des villes et des villages « compacts » et « en réseau ».

Pour que la prestation des services puisse être efficace, l’aménagement du territoire japonais doit devenir plus compact. Au niveau national, la NSS reconnaît que certaines zones vont, de fait, se dépeupler, même si elle vise à maintenir une large occupation du territoire national. À une plus petite échelle, la Stratégie s’intéresse à la restructuration des territoires urbains et ruraux qui sera nécessaire pour maintenir leur cohésion et l’efficacité de la prestation des services.

Un Japon dans lequel les villes, grandes et petites, verront leur taille diminuer devra être mis en réseau : une meilleure connectivité sera décisive pour maximiser les avantages économiques potentiels de l’agglomération. Des villes et des bourgs mieux connectés, y compris en leur sein, permettront de compenser, dans une certaine mesure, la perte de potentiel d’agglomération qui se produira sous l’effet du recul démographique (et, encore plus, de la contraction de la main-d’œuvre). L’objectif de connectivité s’applique aussi bien aux transports qu’aux communications. Un renforcement de la mise en réseau des individus et des entreprises devrait contribuer à encourager l’innovation et les échanges d’idées, ainsi que de biens et de services.

Ces concepts de compacité et de mise en réseau doivent être appliqués différemment en fonction de l’échelle et des circonstances. Dans les petites villes et les zones rurales, il s’agit de créer des points de prestation de services qui aideront au maintien de collectivités rurales autour de petits centres multifonctionnels (les « petites stations »). Grâce à la mise en réseau, les connexions s’amélioreront entre les hameaux et les petites stations des environs. On y trouvera regroupés des services de base tels que services administratifs, soins de santé, commerces, etc., sur des sites spécifiques desservis par les réseaux de transport, afin qu’ils soient accessibles à la population rurale environnante. Ces petites stations pourront avoir différentes tailles : certaines seront très simples, réduites aux fonctions essentielles, tandis que d’autres, lorsque la population et les ressources le permettront, finiront par faire office de centre local d’innovation, contribuant à établir des passerelles entre activités primaires, secondaires et tertiaires en milieu rural et à encourager la production d’énergies renouvelables. Ces initiatives, et d’autres, visent à promouvoir un certain degré de désurbanisation, dans le cadre d’un effort de déconcentration de l’économie et de l’occupation des sols, en vue de revitaliser les régions rurales et non métropolitaines. De fait, encourager la migration vers la campagne est un but explicite de la NSS, ainsi qu’une priorité centrale pour le nouveau centre gouvernementalde lutte contre la diminution de la population et pour la revitalisation de l’économie locale.

La création et le maintien des petites stations seront en grande partie assurés par les préfectures et les collectivités locales, même si les ressources nécessaires viendront souvent de l’administration centrale. Il s’agit clairement d’un domaine dans lequel les préfectures peuvent jouer un rôle déterminant. En effet, les ministères, à Tokyo, ne possèdent pas les connaissances et informations locales qui sont nécessaires pour planifier l’emplacement des petites stations, mais si cette étape est laissée à l’initiative des seules municipalités, cela risque de déclencher une course aux financements publics, qui seraient alors dispersés sur un trop grand nombre de petites stations. Les préfectures elles-mêmes peuvent d’ailleurs être tentées d’en créer un trop grand nombre. La préfecture de Kochi, par exemple, sur la côte sud de l’île de Shikoku, prévoit de créer 130 petites stations au cours des dix prochaines années. Cela implique une zone de desserte d’environ 54 km2 pour chaque station, ce qui signifie qu’on ne pourra jamais se trouver à plus de 4 ou 5 km d’une petite station. À l’échelle nationale, cela supposerait de créer environ 7 000 petites stations.

Cette initiative est similaire à des approches de la fourniture de services adoptées dans certains autres pays membres de l’OCDE (encadré 4.8).

À certains égards, l’initiative japonaise paraît encore plus ambitieuse que les guichets uniques envisagés par la plupart des autres pays membres de l’OCDE, car les petites stations ont vocation à contribuer à la concentration de la prestation des services privés et publics ainsi qu’au remodelage des schémas d’occupation des sols au fil du temps et, dans certains cas, faire office de centres d’innovation.

OCDE (2016b), Territorial Review: Japan, https://doi.org/10.1787/9789264250543-en ; OCDE (2010a), Strategies to Improve Rural Service Delivery, https://doi.org/10.1787/9789264083967-en.

Le manque d’accès aux TIC peut faire obstacle à l’accessibilité de ces services. C’est la raison pour laquelle le Portugal a adopté une approche innovante : le projet d’internet « sur roues » fait appel à des camionnettes équipées d’ordinateurs portables, qui offrent l’accès à l’internet et une formation professionnelle à des groupes marginalisés. Depuis son lancement, le projet a desservi plus de 26 000 usagers et donné plus de 250 cours ayant conduit à 860 certificats d’aptitude informatique. La technologie peut aider les résidents ruraux à fournir et à obtenir des informations sur la qualité des services et sur d’autres prestataires. Grâce à la géolocalisation, il est plus facile de faire coïncider l’offre et la demande de services.

Les complémentarités sont favorisées par une gouvernance collaborative

On peut se réjouir que les trois quarts des pays membres de l’OCDE interrogés déclarent que la politique rurale procède d’une coordination entre les différents niveaux d’administration. En outre, la quasi-totalité de ces pays affirment associer les niveaux infranationaux, que ce soit par la coordination des actions ou au travers de la conception et de la prestation de programmes ruraux par les collectivités territoriales3. Des difficultés persistent toutefois en matière d’intégration verticale. Les pays membres de l’OCDE signalent, à cet égard, les principaux obstacles suivants : le manque de participation du secteur privé aux investissements du secteur public, des obstacles réglementaires et administratifs à l’intégration verticale, et une sensibilité insuffisante des administrations infranationales aux priorités de l’administration centrale, et vice versa (OCDE, 2012c).

Les pays membres de l’OCDE ont récemment reconnu l’importance des complémentarités au travers de la Recommandation du Conseil sur l’investissement public efficace entre niveaux de gouvernement (OCDE, 2014). Cette Recommandation souligne l’importance de la coordination des stratégies d’investissement public (qu’il s’agisse d’infrastructures matérielles, comme les routes, ou immatérielles, comme le capital humain) afin de tirer le meilleur parti des ressources. Il est en outre recommandé aux pouvoirs publics de rechercher des relations de complémentarité et de réduire les conflits entre stratégies sectorielles. Aux niveaux supérieurs de l’administration publique, ces complémentarités peuvent être favorisées par : i) le recours à des cadres stratégiques pour l’investissement public dans le but d’assurer la concordance des objectifs entre ministères et entre niveaux d’administration ; et ii) la réduction des obstacles administratifs grâce à des mécanismes de coordination tels que des comités et des programmes interministériels, entre autres, et à l’harmonisation des règles régissant les programmes. Les pouvoirs publics peuvent aussi créer des fonds d’investissement conjoints, qui mettent en commun des ressources provenant de plusieurs organismes publics ou ministères, de façon à encourager la prise en considération d’une gamme de priorités plus large.

Les intérêts institutionnels profondément ancrés peuvent constituer un obstacle à la création de complémentarités. On fait souvent remarquer que les institutions ont une grande force d’inertie, et il en va de même des politiques, puisque celles-ci sont portées par une certaine logique institutionnelle. Pour remédier à ce problème, le recours à de nouvelles mesures pour produire des réformes, établir de nouvelles relations institutionnelles et évaluer leurs retombées pourrait constituer une stratégie. Comme le montrent des données recueillies dans le Massachusetts, de nouveaux programmes peuvent offrir l’occasion d’instaurer des complémentarités, car les acteurs publics sont alors moins installés dans des rôles préexistants (encadré 4.10). Ces programmes peuvent en effet mettre en place de nouvelles méthodes de travail, couvrant différents secteurs ou organismes, et leur évaluation conjointe peut aider à comprendre ce qui fonctionne bien (ou mal) lorsqu’on associe différentes mesures. De façon intéressante, les trois quarts environ des pays de l’UE interrogés par l’OCDE utilisent des indicateurs et des évaluations de leur politique rurale, contre un peu plus de la moitié des pays hors UE (les membres de l’UE font appel à des indicateurs et des principes d’évaluation similaires en raison de leur cadre de partenariat)4. Un projet pilote peut être utile pourménager un espace de collaboration lorsque les acteurs ont tendance à se retrancher derrière leur rôle traditionnel. Si le projet est couronné de succès, cela peut contribuer à mobiliser un soutien en faveur d’une action institutionnelle plus large.

Encadré 4.10. La mutualisation des bonnes pratiques pour la prestation régionale de services : Le cas du Massachusetts (États-Unis)

Dans tous les pays membres de l’OCDE, les collectivités se tournent de plus en plus vers la collaboration et la prestation commune de services pour proposer des programmes de meilleure qualité et plus économiques que ceux qu’elles seraient en mesure de fournir séparément. Les types de services et de dispositions concernés varient en fonction du contexte politique et institutionnel.

Aux États-Unis, le Massachusetts a rédigé un guide pour la régionalisation des services qui est en grande partie destiné aux municipalités (Massachusetts Association of Regional Planning Agencies, 2012). Aux États-Unis, une longue tradition de « home rule » (délégation de pouvoirs) peut dissuader les exécutifs territoriaux face au partage des responsabilités et du contrôle qu’exigent de tels partenariats. À la suite de la mise en œuvre réussie de services régionalisés, la Massachusetts Association of Regional Planning Agencies a établi des lignes directrices formulant les bonnes pratiques en la matière. Dans l’ensemble, elles portent sur la marche à suivre pour surmonter des intérêts organisationnels bien ancrés. Par exemple, elles indiquent qu’il peut être plus facile de monter des projets collaboratifs sur la base de programmes régionaux existants, ou de commencer par de petits projets et de développer la collaboration à partir de là. En outre, de nouveaux programmes ayant vu le jour grâce à l’adoption de lois fédérales ou de l’État fédéré peuvent offrir l’occasion d’instaurer de nouveaux services régionaux et des structures organisationnelles entièrement nouvelles. L’expiration de contrats de prestation de services ou le départ d’agents peuvent aussi offrir l’occasion d’adopter de nouvelles actions conjointes. Les services régionalisés auMassachusetts portent par exemple sur l’inspection des bâtiments, les énergies propres, les services d’urgence, la santé publique et la gestion des déchets.

Massachusetts Association of Regional Planning Agencies (2012), Regionalisation Best Practices, www.regionalbestpractices.org (consulté le 1er juin 2016).

Les principaux acteurs et parties prenantes : Les partenariats entre zones rurales et zones urbaines et la gouvernance multi-niveaux

En milieu rural, la mise en commun des ressources et des capacités crée la possibilité d’accomplir collectivement ce qu’aucun acteur ne peut réussir seul. Que les entités concernées soient des administrations locales, des entreprises ou des associations, une caractéristique qui définit les zones rurales est que les unités prises individuellement n’ont que des ressources et des capacités d’action limitées. La collaboration devient, de ce fait, une stratégie nécessaire à un progrès économique et social qui bénéficie à toutes les parties prenantes concernées. Pourtant, de nombreuses zones rurales ont pour tradition de ne pas coopérer avec leurs voisines et, trop souvent, le niveau élevé d’exclusion sociale et économique limite la prise de décision à une élite restreinte.

La politique rurale 3.0 prône l’élargissement du cercle des acteurs associés au développement économique en milieu rural pour y inclure une gamme beaucoup plus large d’intervenants. Une telle collaboration soulève deux problématiques. La première est celle de la gouvernance multi-niveaux et de la marche à suivre pour améliorer les liaisons verticales entre niveaux d’administration afin de mieux coordonner les politiques et les programmes. La deuxième est celle de l’amélioration des liaisons horizontales entre administrations dans le cadre des articulations qui existent entre un centre urbain et sa périphérie rurale. Les résultats obtenus sur ces deux plans laissent penser que la collaboration produit un meilleur développement économique et social, au bénéfice de tous les participants.

Les administrations rurales pourraient travailler avec une palette de partenaires beaucoup plus large

De nouvelles formes de collaboration représenteraient des pistes intéressantes pour les administrations rurales. Il peut s’agir de partenariats entre zones rurales, au sein desquels des collectivités de régions rurales isolées coopèrent dans une démarche qui s’apparente aux partenariats entre zones rurales et zones urbaines, mais qui reflète les conditions spécifiques au milieu rural. Les partenariats entre administrations locales et tiers secteur peuvent aussi être un instrument efficace de progrès économique et social, en particulier lorsqu’ils intègrent le secteur associatif. Enfin, les collaborations entre administrations rurales et entreprises privées dans le cadre de partenariats public-privé (PPP) pourraient être utiles en milieu rural, même si les PPP sont généralement montés dans un contexte métropolitain. Le présent chapitre étant consacré à la politique rurale, et la politique relevant de la responsabilité des administrations, l’analyse qui suit se limite aux collaborations dans lesquelles au moins un des participants représente la puissance publique. Bien entendu, des collaborations peuvent s’établir entre entreprises, ou entre parties prenantes ayant des intérêts communs, et n’incluent pas nécessairement des pouvoirs publics.

Les partenariats entre zones rurales et zones urbaines renforcent les synergies entre régions rurales et urbaines

Les partenariats entre zones rurales et zones urbaines constituent un type de collaboration prometteur au service de meilleures retombées de l’action publique. Les régions rurales incluses dans une zone urbaine fonctionnelle ou très proches d’une telle zone représentent la grande majorité des collectivités de la zone OCDE. Les zones urbaines et rurales sont liées par un large éventail d’articulations : i) liens démographiques ; ii) transactions économiques et activité d’innovation ; iii) prestation de services publics ; iv) échanges d’aménités et de biens environnementaux ; et v) interactions de gouvernance multi-niveaux (OCDE, 2009a : 22). Ces articulations englobent les migrations et les déplacements domicile-travail, ces derniers étant particulièrement importants. Les navettes effectuées quotidiennement pour se rendre au travail constituent un facteur majeur d’intégration territoriale et peuvent dessiner les contours de zones économiques fonctionnelles. Les flux du marché du travail entre zones rurales et urbaines sont une caractéristique importante à analyser pour la structure des politiques publiques dans des domaines tels que le logement, la planification économique, l’aménagement du territoire, les transports et la formation professionnelle. La définition des zones urbaines fonctionnelles a d’importantes conséquences pour la politique rurale, car elle décrit un nouveau cadre dans lequel appréhender les interactions entre zones rurales et zones urbaines (chapitre3).

Comment les partenariats entre zones rurales et zones urbaines contribuent-ils à produire de meilleures conditions régionales ? Premièrement, de tels partenariats facilitent la production de biens publics qui sont utiles au développement économique. On citera par exemple la coopération visant à mieux connecter les entreprises à des marchés plus grands et plus intégrés (Forlì-Cesena, en Italie, ou Lexington, dans le Kentucky), ou à améliorer la visibilité ou l’image de marque du territoire, ce qui rehausse l’attrait d’une région pour l’investissement et le tourisme (Nuremberg, par exemple). Deuxièmement, un partenariat entre zones rurales et zones urbaines permet de réaliser de plus grandes économies d’échelle dans la fourniture de services publics. Il cumule en effet les ressources locales limitées des administrations rurales aux ressources plus abondantes de la ville pour fournir des services de façon plus efficiente à l’ensemble de la région. Par exemple, l’utilisation des TIC pour fournir des services publics aux régions les plus reculées permet d’éviter le dépeuplement et d’améliorer le bien-être (comme en Finlande). Troisièmement, le partenariat entre zones rurales et zones urbaines permet de prendre en considération les effets transfrontières de décisions prises isolément par les autorités locales, urbaines et rurales. Certains partenariats ont permis de mieux coordonner l’aménagement du territoire au sein d’une région fonctionnelle et, partant, de préserverles paysages.

Des travaux de l’OCDE ont mis en évidence cinq facteurs clés ayant un effet positif sur les partenariats entre zones rurales et zones urbaines. Il s’agit des facteurs suivants : i) compréhension de l’interdépendance entre zones rurales et urbaines ; ii) compréhension mutuelle de la nécessité d’agir de concert ; iii) objectifs clairement définis ; iv) représentativité des membres et participation démocratique ; et v) esprit d’initiative (OCDE, 2013a). Le tableau 4.5 présente une version résumée de ces facteurs pour onze régions, de différents pays, ayant fait l’objet d’une étude de cas. Parmi ces études de cas, les facteurs iii) et iv) (objectifs clairement définis, et représentativité des membres et participation démocratique) étaient importants pour presque tous les territoires étudiés (respectivement 10 sur 11 et 9 sur 11). À l’inverse, les obstacles les plus fréquemment cités étaient une faible implication du secteur privé (5 sur 11) et le manque d’incitations aux partenariats (4 sur 11).

Tableau 4.5. Les facteurs qui favorisent et qui entravent les partenariats entre zones rurales et zones urbaines

Rennes, FRA

Geelong, AUS

Nuremberg, DEU

Centre, POL

Brabant, NLD

Prague, CZE

Forlì-Cesana, ITA

Estrémadure, ESP

Castelo Branco, PRT

Finlande centrale, FIN

Lexington, Kentucky, USA

Facteurs qui favorisent les partenariats entre zones rurales et zones urbaines

Compréhension de l’interdépendance entre zones rurales et urbaines

X

X

X

X

X

X

Compréhension mutuelle de la nécessité d’agir de concert

X

X

X

X

X

X

Objectifs clairement définis

X

X

X

X

X

X

X

X

X

X

Représentativité des membres et participation démocratique

X

X

X

X

X

X

X

X

X

Esprit d’initiative

X

X

X

X

X

Facteurs qui entravent les partenariats entre zones rurales et zones urbaines

Obstacles réglementaires et politiques

X

X

Manque de confiance ou de capital social

X

X

X

Manque d'incitations à nouer un partenariat

X

X

X

X

Mesures qui creusent au lieu de réduire l’écart entre zones urbaines et rurales

X

X

X

Faible implication du secteur privé

X

X

X

X

X

OECD (2013a), Rural-Urban Partnerships: An Integrated Approach to Economic Development, https://doi.org/10.1787/9789264204812-en.

L’administration nationale a un rôle important à jouer dans le soutien aux partenariats entre zones rurales et zones urbaines. Elle peut fournir les données et outils nécessaires pour comprendre les interdépendances et pour créer les incitations ou éliminer les obstacles à ces partenariats. En effet, pour nouer des partenariats, les territoires ont besoin de comprendre leurs relations. Les pays membres de l’OCDE appliquent toute une gamme de méthodes pour ce faire, qu’il s’agisse de fournir des données et des analyses ou d’exiger des études et des plans communs pour les questions d’aménagement concernant l’ensemble d’un territoire fonctionnel. Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer pour favoriser des analyses couvrant dans leur intégralité les zones fonctionnelles mêlant composantes urbaines et rurales. Ce sont ces analyses qui créent les fondements d’une action conjointe.

Les partenariats entre zones rurales et zones urbaines requièrent souvent des incitations initiales pour amener les acteurs à la table des négociations, face à l’asymétrie inhérente aux relations de pouvoir entre petits et grands territoires. De nombreux pays membres de l’OCDE encouragent les partenariats entre zones rurales et zones urbaines en conditionnant l’accès aux financements proposés dans le cadre de certains programmes à la présentation de dossiers communs (pour des infrastructures de transport, par exemple). Dans le cadre des investissements territoriaux intégrés de l’Union européenne, tout financement doit se fonder sur un tel partenariat. C’est une première étape importante pour favoriser des partenariats durables qui s’étendront au-delà de la durée des financements prévus par le programme concerné (encadré 4.11). De façon similaire, les administrations doivent s’employer à réduire les freins à la coopération – et notamment les programmes qui mettent les territoires en concurrence et qui récompensent ou encouragent la compétition alors que la coordination constituerait une forme d’investissement public plus efficace.

Encadré 4.11. Les investissements territoriaux intégrés de l’Union européenne

L’Europe fait face à une multitude de défis économiques, environnementaux et sociaux qui appellent des réponses intégrées, pluridimensionnelles et territoriales. Reconnaissant la nécessité d’une telle approche, l’Union européenne a créé l’investissement territorial intégré (ITI), qui est taillé sur mesure en fonction des spécificités territoriales et des retombées escomptées ; dépassant les divisions administratives traditionnelles, il appelle les administrations à coopérer et à coordonner leur action pour accomplir des objectifs communs. Cette approche cadre bien avec le nouvel objectif de cohésion territoriale défini dans le Traité de Lisbonne, qui intègre le fait que la cohésion économique et sociale à l’échelle européenne passe nécessairement par une meilleure prise en compte de l’impact territorial des politiques communautaires.

L’ITI est un instrument visant à mettre en œuvre des stratégies territoriales intégrées. Il permet aux États membres de mettre leurs programmes opérationnels en œuvre de manière transversale et de coupler les budgets de plusieurs axes prioritaires pour appliquer une stratégie intégrée dans un territoire donné. S’il facilite le déploiement d’actions intégrées grâce à un financement simplifié, l’ITI est conditionné à l’existence d’une stratégie territoriale intégrée et trans-sectorielle dans la zone géographique concernée. Toute zone géographique possédant des caractéristiques territoriales spécifiques peut faire l’objet d’un ITI : les quartiers défavorisés, les périphéries, mais aussi les régions rurales, urbaines ou mixtes, en passant par de grandes agglomérations, voire des territoires infrarégionaux ou interrégionaux. L’ITI se prête aussi à des actions intégrées dans des zones géographiques d’une région qui sont isolées les unes des autres, mais qui partagent les mêmes spécificités (par exemple un réseau de villes de petite ou moyenne taille). Un ITI ne doit pas nécessairement couvrir l’ensemble du territoire d’une division administrative.

Un élément important de l’ITI est qu’il encourage l’utilisation de financements transversaux. Les investissements peuvent être octroyés au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER), du Fonds social européen (FSE) et du Fonds de cohésion. Ils peuvent être associés à une aide du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Associer les investissements du FEDER à ceux du FEADER est particulièrement pertinent pour les partenariats entre zones rurales et zones urbaines. Le développement local mené par les acteurs locaux (CLLD) est un autre outil qui peut servir de pierre angulaire dans la mise en œuvre d’un ITI (voir encadré 4.16). Toutefois, il existe des différences importantes entre un ITI et une opération de développement local. Cette dernière s’inscrit en effet dans une approche strictement ascendante, alors que pour un ITI l’approche peut être descendante, ascendante ou mixte.

Grâce à l’ITI, un outil qui promeut l’utilisation intégrée des Fonds, un même volume d’investissement public pourrait produire de meilleurs résultats agrégés. L’ITI confère davantage d’autonomie aux autorités infrarégionales (acteurs locaux ou urbains) en assurant leur implication et leur participation dans la préparation et le déroulement du programme. Comme l’ITI est fondé, dès sa conception, sur la contribution de plusieurs types de ressources, le financement d’opérations intégrées fait l’objet de moins d’incertitudes. L’ITI propose une approche territorialisée du développement qui peut contribuer à débloquer des potentiels sous-utilisés à l’échelle locale et régionale.

UE (2014), Investissement territorial intégré, Politique de cohésion 2014-2020, http://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/informat/2014/iti_fr.pdf.

Enfin, les responsables publics peuvent favoriser de tels partenariats en appuyant de nouveaux types de dispositifs institutionnels opérant au-delà des territoires fonctionnels. Les liens entre régions rurales et urbaines franchissent souvent les frontières administratives traditionnelles, remettant en question les cadres établis de l’action publique. Chaque type d’interaction s’inscrit dans sa propre géographie ou région fonctionnelle. La flexibilité au sein de cet espace est nécessaire pour piloter ces relations complexes. Pourtant, les structures d’intervention nationales et infranationales sont souvent mal équipées pour organiser et orienter les interactions entre territoires ruraux et urbains. Dans de nombreux cas, il est nécessaire de modifier la législation en place ; ainsi, la Pologne a adopté en 2015 une loi d’association métropolitaine qui a mis en place un cadre institutionnel pour des partenariats de ce type. En France, les contrats de réciprocité offrent un exemple d’approche encourageant la collaboration entre collectivités, qui vient d’être complétée par le nouveau pacte État-métropoles (encadré 4.12).

Encadré 4.12. En France, des contrats de réciprocité

Consciente du potentiel de complémentarité de ses différents territoires urbains et ruraux, la France expérimente un nouvel outil de promotion de la collaboration intercommunale : les contrats de réciprocité « ville-campagne ». Ces accords sont adaptables à différentes réalités territoriales ; le territoire concerné n’est pas prédéfini, ce qui permet de couvrir différents espaces en fonction de la question à traiter. Le processus se situe principalement au niveau intercommunal, l’État, les régions et les départements étant invités à soutenir les initiatives locales.

Les contrats de réciprocité tiennent compte de la diversité des zones rurales et visent à renforcer et à valoriser les liens entre villes et campagnes. Ils s’appuient sur la conviction que les interactions entre territoires ruraux et urbains ne devraient pas simplement concerner les questions de proximité (les trajets domicile-travail, par exemple), mais devraient inclure aussi des échanges réciproques visant à construire des partenariats fructueux. Les domaines de coopération potentiels sont notamment les suivants :

  • la transition environnementale et énergétique – gestion des déchets, sécurité alimentaire, préservation des surfaces agricoles et des milieux naturels, et développement de la bioénergie ;

  • le développement économique – promotion conjointe du territoire et développement de stratégies territoriales communes, politiques d’aménagement du territoire, soutien aux entreprises, et développement du télétravail pour contribuer au maintien de la vitalité des centres-bourgs éloignés ;

  • la qualité des services – promotion des sites touristiques, accès aux équipements sportifs, loisirs, patrimoine et accès aux services de santé ;

  • l’organisation administrative – mobilisation de personnel ayant des qualifications spécifiques pour appuyer des projets ou répondre à des besoins clés.

Quatre partenariats territoriaux ont été sélectionnés pour la première phase d’expérimentation des contrats de réciprocité, lancée en mars 2015 (voir ci-dessous). Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a notamment pour mission de soutenir les acteurs locaux dans la définition et la conception des contrats de réciprocité ville-campagne. Les territoires concernés sont les suivants : la métropole de Lyon et le Pays d’Aurillac ; la métropole de Brest et le Pays Centre Ouest Bretagne ; l’espace métropolitain toulousain et les territoires du massif pyrénéen ; la communauté urbaine Le Creusot – Montceau-les-Mines et le Parc naturel régional du Morvan.

Le pacte État-métropoles a été signé en juillet 2016. Ce pacte reconnaît l’excellence des 15 métropoles françaises ainsi que l’importance d’un réseau urbain polycentrique pour le développement des territoires reliés à ces métropoles. L’un des axes de ce pacte concerne les relations d’interdépendance avec les zones périurbaines et villes moyennes environnantes. Un autre invite les parties à répertorier les bonnes pratiques de la coopération territoriale.

CGET (2015), Note d’information sur les contrats de réciprocité ville-campagne ; CGET (2015), Point sur l’expérimentation de contrats de réciprocité, www.logement.gouv.fr/experimenter-les-premiers-contrats-de-reciprocite-ville-campagne-crvc (consulté le 22 juin 2016) ; www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2016-07-06/le-pacte-etat-metropole (consulté le 18 juillet 2016).

Les régions rurales éloignées peuvent tirer parti d’un partenariat rural-rural

Si la majorité des habitants des campagnes vivent à proximité d’une ville, la majeure partie du territoire rural est éloigné d’une zone urbaine. Les collectivités rurales des régions rurales isolées sont souvent encore plus petites que celles des régions rurales proches de zones métropolitaines. Contrairement aux partenariats entre zones rurales et zones urbaines, qui reposent sur des complémentarités claires, le contexte rural-rural associe des lieux qui ont plus de similitudes que de différences. Si de proches ressemblances peuvent donner lieu à une concurrence, la nécessité de mettre en commun des ressources limitées peut conduire à la collaboration. De plus en plus, les administrations locales des régions rurales isolées constatent qu’elles n’ont plus les moyens de financer seules des écoles, des services d’urgence, voire des installations d’élimination des déchets.

Pour qu’un niveau suffisant de services soit assuré pour un coût abordable, il est indispensable que les ressources soient mutualisées et que les responsabilités soient équitablement réparties entre toutes les administrations rurales. Dans de nombreux pays, les administrations nationales élèvent le niveau de qualité des services à fournir tout en réduisant les subventions destinées à financer leur prestation. Face à cette situation, les petites localités rurales, où le coût de la prestation des services est élevé, n’ont guère d’autre choix que de collaborer. Dans les régions rurales éloignées où les territoires sont proches les uns des autres, l’importance de la collaboration est renforcée par l’existence d’un seul marché du travail : si les possibilités d’emploi se développent dans l’un ou l’autre des territoires, chacun y trouve son compte.

Une collaboration plus étroite entre des collectivités locales voisines peut les aider à mener à bien leurs actions de développement et leur permettre d’assurer une meilleure qualité de vie et un meilleur environnement pour les entreprises. Les échelons supérieurs de l’administration doivent parfois agir pour que cela se produise. Par exemple, entre 1979 et 2002, la province du Québec, au Canada, a réorganisé les comtés ruraux en effaçant les frontières administratives traditionnelles. Les autorités de la province se sont ensuite aperçues que les communautés situées dans les nouvelles unités administratives n’avaient pas de tradition de collaboration. Elles ont alors mis en place le Pacte rural, en 2002, qui prévoyait plusieurs tranches de financements pluriannuels pour appuyer toute une série d’actions conjointes des exécutifs locaux ; l’objectif était essentiellement de favoriser une meilleure collaboration en vue de voir apparaître, à terme, une stratégie ascendante de développement régional. Ce Pacte rural avait une orientation régionale, suivait une approche plurisectorielle, créait un cadre de collaboration à long terme, donnait du pouvoir aux acteurs locaux et pouvait être adapté aux différents contextes locaux. Par la suite, une Politique nationale de la ruralité 2014-24 a été mise en place, et un nouveau Pacte rural a été signé au printemps 2014 (encadré 4.14).

Les administrations rurales peuvent collaborer avec les organisations du « tiers secteur » pour améliorer le bien-être de la population

Dans les petits territoires ruraux, ce sont souvent des volontaires qui assurent les services qui, en zone métropolitaine, seraient fournis directement par des agents des administrations locales ou par des entreprises privées. Par exemple, des volontaires peuvent assurer les services de lutte anti-incendie ou fournir des services de transport lorsqu’il n’existe ni car ni taxi. Dans les petites localités, il existe une demande de services, mais le volume insuffisant ou les coûts prohibitifs rendent leur prestation impossible par les pouvoirs publics ou des entreprises privées. Des bénévoles peuvent cependant être disposés à fournir ces services avec le soutien de l’administration locale, d’une part parce qu’ils en seront directement bénéficiaires et d’autre part parce qu’ils ont un profond désir d’améliorer la qualité de vie sur leur territoire.

Cependant, le recours au volontariat peut modifier le comportement des autorités. En particulier, l’administration peut se trouver dans l’obligation de céder le pouvoir à des associations dans des domaines sur lesquels elle exercerait normalement son autorité. Si elle s’y refuse, les bénévoles pourraient renoncer à fournir ces services, ce qui ne ferait qu’empirer la situation. En outre, il est important d’accorder de la considération aux volontaires, car la reconnaissance publique peut constituer une forme importante de rétribution, et une source de motivation pour de nouveaux bénévoles.

Les partenariats public-privé en milieu rural peuvent être aussi bénéfiques pour l’administration que pour les entreprises

Les partenariats public-privé (PPP) ont vocation à concilier la prestation de services due par les administrations et le profit, recherché par les entreprises. Si les exemples les plus connus sont ceux de grands projets d’infrastructure associant de grandes villes ou régions et de grandes entreprises, les PPP existent aussi dans les petites régions rurales. L’approche est similaire dans tous les cas. Une administration souhaite améliorer les conditions en vigueur dans un territoire relevant de son autorité et estime qu’une association avec une entreprise privée est un moyen rapide et économique d’atteindre cet objectif. L’entreprise privée, quant à elle, juge que son investissement dans le PPP lui procurera un rendement adéquat. Un tel accord doit prévoir une répartition équitable des risques entre les deux parties.

Ces conditions limitent les PPP aux domaines où un flux de recettes est clairement à attendre, soit des usagers, soit de l’administration. Des exemples fréquents sont le cas des collectivités locales en milieu rural qui sous-traitent auprès d’une entreprise privée des services tels que la collecte des ordures ménagères, le déneigement ou l’entretien des routes : le coût de ces services pour une petite collectivité serait beaucoup plus élevé que pour une entreprise privée qui peut desservir plusieurs collectivités et utiliser son matériel et son personnel pour de multiples tâches. D’autres exemples seraient l’installation de services publics et privés dans un même bâtiment de façon à partager une partie des coûts, pour les prestataires comme pour les usagers. Au Royaume-Uni, par exemple, l’opération nationale intitulée « The Pub is the Hub » rassemble, au café du village, les services postaux, les réunions des associations locales, des services aux personnes âgées et d’autres fonctions. Un cas singulier est celui du village de Trangsviken, en Suède, où un groupe local a utilisé les actifs physiques d’une communauté pastorale sur le déclin pour financer la construction d’un nouveau lieu de proximité abritant une bibliothèque, une chapelle, une pharmacie, un restaurant, des salles de réunion et une crèche.

Pour résoudre des problèmes locaux, il peut être nécessaire de faire appel à de nouveaux intervenants

Les problèmes auxquels sont confrontées les régions rurales sont très divers, et les ressources disponibles pour les résoudre émanent d’une large gamme d’acteurs. Il est donc important de trouver des moyens de réunir les parties prenantes potentielles. Si, en principe, les dimensions restreintes des localités rurales devraient rendre cette tâche relativement aisée, la réalité de la plupart des régions rurales est qu’il existe des factions bien ancrées, même dans de petits villages, qui ont pour tradition ancestrale de ne pas coopérer. Dans un environnement où les ressources locales sont peu abondantes, le manque de coopération peut être dévastateur. À l’inverse, si l’on peut trouver de nouveaux modes de construction d’initiatives collaboratives, les chances sont beaucoup plus grandes de voir émerger une stratégie de développement inclusive, ascendante et ne faisant pas uniquement appel à des ressources et des initiatives nationales. La petite municipalité insulaire d’Ama-cho, au Japon, offre un exemple d’initiative de collaboration innovante (encadré 4.13).

Encadré 4.13. Une revitalisation collaborative et d’initiative locale à Ama-cho, au Japon

La petite municipalité insulaire d’Ama-cho, dans la préfecture de Shimane, offre un excellent exemple de revitalisation locale à l’initiative des habitants. Ama-cho est un bourg situé sur l’île de Nakanoshima, l’une des quatre îles habitées de l’archipel des Oki, en mer du Japon. En 2013, elle abritait 2 343 habitants, pour une densité de population estimée à 69.6 personnes par km2. Ama, dont l’économie repose essentiellement sur l’agriculture et la pêche, a vu sa population diminuer de plus de 70 % entre 1950 (près de 7 000 habitants) et 2000 (moins de 2 000 habitants). Depuis, le bourg a commencé à se repeupler, attirant de nouveaux résidents, et l’économie locale s’est considérablement redressée. C’est une localité considérée comme un modèle de revitalisation régionale. Ce redressement est le fruit d’une démarche locale qui a associé de multiples parties prenantes.

Du fait de sa population décroissante, et des difficultés qui en ont résulté pour ses finances publiques, Ama s’est trouvée fortement poussée à fusionner avec la localité voisine, plus grande, durant la vague de fusion Heisei, au début des années 2000, mais les responsables municipaux redoutaient qu’il en résulte une perte d’identité et de maîtrise de leur propre destin. Ils craignaient d’être négligés et noyés dans une plus grande municipalité. La préservation de l’indépendance a de fait entraîné une réduction draconienne des dépenses : le maire et d’autres responsables municipaux ont accepté de fortes baisses de salaire, certains résidents ont renoncé à des prestations telles que les subventions aux transports pour les personnes âgées, et la communauté a fait preuve de cohésion pour fournir certains services de manière informelle.

Ama a failli perdre son école, qui, à un certain stade, n’avait plus que 89 élèves et ne pouvait plus employer suffisamment de personnel pour enseigner toutes les matières scolaires, sans même parler de la qualité des programmes. Face à cette situation, Ama s’est employée à attirer des élèves de villes japonaises – de jeunes urbains intéressés par un semestre ou une année en milieu rural – et à mettre en place de nouvelles disciplines, comme des études régionales et la planification de carrière. C’est ainsi que le nombre d’élèves a pratiquement doublé, ce qui a permis d’accroître le nombre – et la gamme des qualifications – des enseignants. La municipalité envisage actuellement d’attirer également des élèves étrangers. Un établissement d’apprentissage, le centre Oki Dozen, a été créé pour aider les élèves à préparer, dans un contexte extrascolaire, des examens nationaux et leur future carrière.

Ces dernières années, Ama a bénéficié d’importantes innovations en matière de produits. La plus connue d’entre elles est la technologie dite des « cellules vivantes » (cells alive system – CAS), une technique de congélation des fruits de mer qui conserve mieux la qualité des produits frais que d’autres méthodes. Ama peut ainsi commercialiser ses huîtres creuses (un autre produit nouveau) sur des distances beaucoup plus grandes et à un prix plus élevé. D’autres nouveautés sont notamment des élevages de bœuf Oki de première qualité (dont 50 % ont reçu le label de la meilleure qualité possible, A5) et la culture des algues. Nombre de ces changements sont le fruit de la collaboration entre des entreprises privées et la municipalité. Par exemple, un PPP a été créé pour mettre sur pied une usine de traitement du concombre de mer qui exporte désormais en République populaire de Chine. C’est dans les actions menées pour « vendre » Ama-cho au Japon et au reste du monde que cette coopération s’est manifestée le plus clairement.

L’histoire d’Ama-cho est instructive à plus d’un égard, et les enseignements à en tirer sont pertinents pour les collectivités rurales isolées qui peinent à survivre au Japon et, de fait, dans tous les pays membres de l’OCDE. Premièrement, il importe de noter que la renaissance d’Ama-cho a pris du temps, avec de nombreux faux départs et échecs. La ville luttait contre son déclin depuis des décennies lorsqu’elle a finalement découvert un éventail de stratégies qui lui ont permis de changer de trajectoire. Deuxièmement, il n’y a pas eu de solution miracle, d’intervention unique qui a remis la ville sur la voie du redressement. Au contraire, la chance d’Ama-cho a tourné grâce une stratégie aux multiples facettes : les finances publiques ont été remises en ordre ; des innovations ont été introduites dans la prestation des services publics (en particulier l’éducation) ; innovation et esprit d’entreprise ont permis d’associer des technologies importées avec des actifs locaux ; et des initiatives ont été menées par le secteur public comme le secteur privé, outre la collaboration public-privé. Troisièmement, la revitalisation d’Ama-cho a été une œuvre locale, et non le résultat d’une intervention de grande ampleur ou d’un financement extérieur. Enfin, Ama-cho ne s’est pas refermée sur elle-même, mais s’est ouverte sur le monde, exportant ses produits et attirant des touristes et de nouveaux habitants. L’une des caractéristiquesde nombreuses collectivités rurales isolées, en particulier des îles, est qu’elles estiment que les membres de leur population ne sont pas interchangeables : attirer de nouveaux habitants ne les intéresse guère, et il est mal vu de vendre sa maison à un étranger (Chavez, 2014).

Quarshie, J. (2014), « The Town That’s Battling the Demographic Tide », The Japan Times, 21 septembre ; Abe, H. (2014), « Pursuing local economy and well-being in Ama Town, Shimane Prefecture », JFS Newsletter, n° 140, avril ; Ama-Cho (2015), « A bold challenge from a tiny remote village », brochure, Oki, Ama-cho ; Chavez, A. (2014), « On this island, depopulation isn’t the problem – inertia is », The Japan Times, 27 août 2014, www.japantimes.co.jp/community/2014/08/27/our-lives/island-depopulation-isnt-problem- inertia/#.V07rZ_l95D8 (consulté le 1 juin 2016).

Une démarche stratégique : Le renforcement des capacités locales

Les capacités des communautés locales favorisent la résilience économique et sociale

Les capacités locales sous-tendent la mise en œuvre de la politique rurale. Il ne suffit pas de verser de l’argent aux régions rurales pour répondre à leurs besoins. À long terme, le renforcement des capacités permet aux territoires de s’engager davantage dans les processus de développement et de mieux résister aux chocs. Mais que sont les capacités locales ? Et d’où viennent-elles ?

Les capacités locales englobent des actifs tangibles et intangibles. Les actifs tangibles sont les services, les infrastructures, les ressources naturelles et les aménités culturelles. Les actifs intangibles peuvent être des compétences locales, la cohésion sociale, une capacité d’action, l’adaptabilité et l’ouverture aux autres. Le renforcement des capacités locales encourage les différents acteurs – habitants, entreprises, groupes religieux, associations, organisations professionnelles, etc. – à travailler ensemble, à prendre des décisions collaboratives et à concevoir une vision commune du développement futur du territoire.

Le renforcement des capacités locales exige de connaître les possibilités et les défis en présence pour le territoire. Surmonter les conflits et les divisions s’impose pour parvenir à un travail collaboratif, tant au sein des territoires qu’entre eux ainsi qu’avec d’autres niveaux d’administration. Certains territoires peuvent déjà disposer de bonnes capacités mais, pour d’autres, les capacités doivent être encouragées et développées. Pour ce faire, une concertation doit s’établir entre des acteurs locaux qui comprennent les enjeux du développement territorial et économique et qui sont capables, collectivement, de tirer parti des possibilités.

Depuis les années 80, les pays membres de l’OCDE restreignent les politiques redistributives et se concentrent davantage sur le recensement et le ciblage des atouts économiques locaux. Néanmoins, de nombreuses administrations nationales hésitent encore à déléguer effectivement des responsabilités et à renforcer les capacités locales. Or, si la prise de décision reste verrouillée à l’échelon national, les acteurs locaux ne seront guère incités à s’investir dans le développement territorial et économique. Le programme LEADER, dans l’Union européenne, la Politique nationale de la ruralité, au Québec (encadré 4.14), et le programme des microrégions, au Mexique, montrent bien que l’initiative locale peut être efficace, pour autant que l’administration nationale soit disposée à investir dans le développement de cette capacité.

Encadré 4.14. Québec (Canada) : Donner des moyens d’action aux administrations locales et à la société civile

Parmi toutes les régions de l’OCDE, le Québec applique l’une des approches les plus évoluées de la promotion du développement rural, qui est largement conforme au nouveau paradigme rural (OCDE, 2010b : 18). La Politique nationale de la ruralité (PNR) a été lancée en 2002. La dernière version couvre la période 2014-2024. C’est aux municipalités régionales de comté (MRC) que sont dévolues l’intervention, l’appropriation et la prise de décision au titre de la PNR, et cette politique, dirigée par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, s’attache beaucoup à donner des moyens d’action aux administrations locales et à la société civile (Solidarité rurale du Québec, 2013, 2016).

Dans le cadre d’un récent examen territorial des politiques rurales au Québec, l’OCDE a décrit cette approche comme étant fondée sur des réseaux de collectivités petites et moyennes qui intègrent la priorité sociale historique de l’occupation du territoire comme mode de protection du patrimoine culturel d’une façon qui stimule l’appropriation tant parmi les différents niveaux d’administration du Québec qu’au sein de la société (OCDE, 2010b : 17).

Le Québec rural est très différent des autres régions rurales du Canada. L’emploi ainsi que la population y ont, en moyenne, augmenté depuis les années 80, et l’économie s’est diversifiée, même si ces tendances ne sont pas uniformes sur l’ensemble du territoire (OCDE, 2010b). Cependant, à des fins de comparabilité, c’est au paysage institutionnel que nous nous intéressons ici avant tout. La PNR est structurée comme un partenariat officiel entre l’exécutif provincial et les institutions et les réseaux publics locaux, chacun ayant un rôle défini et des obligations formalisées. C’est là une véritable délégation de pouvoirs vers le niveau local, parce qu’elle s’accompagne aussi des ressources nécessaires. En outre, la PNR définit des engagements formels souscrits par d’autres ministères et organes publics en matière de développement rural, dans le cadre d’un effort coordonné. Enfin, elle accorde explicitement une valeur et une priorité aux résultats culturels et sociaux, en sus des avantages économiques. C’est ainsi que les indicateurs de réussite se composent d’éléments quantitatifs mais aussi qualitatifs (qualité de vie, sens de l’appartenance et engagement civique, par exemple) (ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, Québec, 2006 : 54). L’approche de la PNR a été décrite comme une politique publique innovante, offrant un véritable modèle dedéveloppement territorial durable qui inclut tout à la fois des éléments de développement régional et rural et une logique de subsidiarité (Jean, 2012).

Le Québec investit sensiblement plus que les autres provinces canadiennes dans le renforcement des capacités locales (OCDE, 2010b : 200). Certes, l’approche adoptée au Québec est ancrée dans l’économie historique et politique propre à la province. Néanmoins, ce processus institutionnalisé de partenariat avec les administrations locales constitue un modèle de bonne pratique pour d’autres territoires.

OCDE (2010b), Examens de l’OCDE des politiques rurales : Québec, Canada 2010, https://doi.org/10.1787/9789264082175-fr https://doi.org/10.1787/9789264082151-en ; ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, Québec (2006), « Politique nationale de la ruralité: Une force pour tout le Québec », Gouvernement du Québec ; Jean, B. (2012), « Les territoires ruraux au Québec : vers un modèle de développement territorial durable », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, vol. 4, pp. 649-671 ; Solidarité rurale du Québec (2013), « Politique nationale de la ruralité », www.ruralite.qc.ca/fr/Ruralite/Politique-nationale-dela- ruralite-PNR (consulté le 30 mars 2016) ; Solidarité rurale de Québec (2016), « Politique nationale de la ruralité (PNR) », www.ruralite.qc.ca/fr/Ruralite/Politique-nationale-de-la-ruralite-PNR (consulté le18 juillet 2016).

Le renforcement des capacités locales est favorisé par des cadres d’action territorialisés et ascendants

Les acteurs locaux sont un facteur critique de réussite et de résilience des zones rurales. Les administrations peuvent appuyer le renforcement des capacités locales en œuvrant avec les acteurs locaux à la réalisation d’objectifs communs. Les considérations relatives aux types d’investissement à réaliser dans les territoires ruraux devraient être formulées dans le même processus que les décisions relatives à la détermination des priorités et à l’identification des acteurs de la prise de décision.

Des politiques territorialisées peuvent contribuer au renforcement des capacités locales. On trouve, parmi les pays membres de l’OCDE, de nombreuses illustrations positives de la mise en œuvre de telles politiques. Pour n’en citer que deux, des programmes de ce type existent en Corée (Saemaul Undong Community Development Program) et en Allemagne (Regionen Aktiv). Une conception réussie de ces politiques et projets ou programmes nécessite une bonne connaissance des conditions et tendances locales sous-jacentes, ainsi que l’aptitude à y réagir sans délai. Le déploiement du réseau de fibre optique à l’aide d’approches collaboratives en Suède est un bon exemple de réussite résultant d’une coordination public-privé, de la résolution de problèmes juridiques et réglementaires, d’un respect des délais et d’une certaine flexibilité (encadré 4.15).

Encadré 4.15. Le déploiement du réseau de fibre optique à l’aide d’approches collaboratives

Un volume croissant d’activités économiques et sociales étant réalisé par le biais des réseaux de communication, le fait, pour les habitants de certaines zones rurales ou isolées, d’être limités à un faible débit internet constitue une gêne de plus en plus grande. Étant donné que, dans la plupart des pays, il existe des régions peu densément peuplées, la question se pose de savoir comment améliorer le débit de la connexion internet dans ces zones.

En Suède, un certain nombre d’initiatives « de terrain » se développent, visant à étendre la couverture du réseau de fibre optique aux localités rurales. Il y existe environ un millier de réseaux villageois connectés à la fibre, outre 190 réseaux municipaux, desservant chacun en moyenne 150 ménages. Ces réseaux sont principalement exploités sous forme de coopératives, et ils sont financés par des fonds publics et les frais de raccordement versés par les usagers finaux. Les habitants de ces territoires contribuent également en fournissant bénévolement du travail ou du matériel, ainsi que des droits de passage en ce qui concerne les propriétaires fonciers. L’opérateur de télécommunications historique et d’autres sociétés fournissent de l’outillage et des services pour le déploiement de la fibre dans les villages, afin que ces réseaux soient conformes aux normes du secteur. C’est parce que le coût unitaire de déploiement en milieu rural est élevé – jusqu’à quatre fois le coût en milieu urbain – et n’intéresse donc pas les acteurs commerciaux que le recours à l’approche collaborative est utile.

Indépendamment du financement public, l’expérience de la Suède montre que les réseaux villageois nécessitent, au niveau local, de l’initiative, de l’implication et des capacités d’organisation pour élaborer des plans et stratégies d’installation du haut débit. Ces projets imposent une coordination avec les autorités pour pouvoir régler une série de questions juridiques et réglementaires. Ils exigent en outre des compétences en matière de construction et d’entretien de réseaux internet à haut débit. Cependant, le facteur le plus décisif est que les habitants de ces régions aient été disposés à utiliser leurs propres ressources et à fournir plusieurs milliers d’heures de travail pour que le réseau devienne une réalité dans leur village.

Au Royaume-Uni, le programme Community Broadband Scotland mène une concertation auprès de territoires ruraux et isolés pour aider les habitants à imaginer leurs propres solutions en matière de haut débit. Des exemples de projets en cours se situent dans la zone de Ewes Valley (Dumfries-et-Galloway) ainsi qu’à Tomintoul et Glenlivet (Moray), zones montagneuses du parc national de Cairngorm. Un exemple de projet plus vaste est celui de la petite ville de Olds (8 500 habitants), dans la province d’Alberta, au Canada, qui a installé son propre réseau de fibre optique grâce à l’association municipale de développement économique, O-net. Le réseau est en train d’être mis à la disposition de l’ensemble des foyers de la ville, avec de nombreux effets positifs pour la collectivité.

Mölleryd, B. (2015), « Development of High-speed Networks and the Role of Municipal Networks », OECD Science, Technology and Industry Policy Papers, n° 26, https://doi.org/10.1787/5jrqdl7rvns3-en.

Une bonne information au niveau local peut permettre aux territoires de réagir au changement et de trouver de nouvelles opportunités

Pour être efficace, un développement économique et local partant de la base nécessite beaucoup d’informations et la participation d’entités infranationales. Ces informations devraient rassembler des savoirs relatifs aux ressources inexploitées, aux besoins émergents et aux évolutions à court et long terme des territoires ruraux. Les administrations peuvent soutenir les acteurs locaux en leur fournissant, dans des formats accessibles, des informations de qualité pour répondre à leurs besoins. Mais ce courant d’information est à double sens : les territoires sont aussi une source d’informations riche au sujet d’eux-mêmes, ce qui est précieux pour la structuration des politiques et des aides publiques. Une plus grande participation des habitants et une mutualisation des connaissances avec la population peuvent contribuer à structurer des réponses plus efficaces. Cela devrait impliquer que les acteurs locaux apprennent les uns des autres et que les différents échelons de l’administration partagent aussi connaissances et savoir-faire. Les pouvoirs publics jouent un rôle important de passeurs de savoirs en établissant des liaisons entre les individus et entre les groupes, et en créant des occasions d’apprendre ensemble. C’est un rôle particulièrement important dans le secteur associatif, où le manque de ressources signifie souvent que les différents groupes n’ont guère d’occasions de se rencontrer et d’échanger leurs savoirs. Cela peut nécessiter l’élaboration de nouvelles méthodes permettant de recueillir et de partagerles savoirs locaux.

Les politiques publiques peuvent donc aider les territoires à recenser leurs atouts et aménités pour en tirer le meilleur parti. Étant donné que les zones rurales représentent plus de 75 % de la superficie des pays membres de l’OCDE, les politiques rurales jouent un rôle important dans la gestion du territoire et doivent donc tenir compte de toute une série de questions liées à l’environnement et au développement économique. La bonne gestion rurale des ressources naturelles d’un pays concerne chaque citoyen, compte tenu du potentiel de destruction que recèle une mauvaise gestion des milieux naturels – terres, eau, air et autres ressources naturelles associées. Certains des monuments et des sites historiques les plus importants ainsi que d’autres espaces de loisirs qui peuvent être importants pour le développement économique rural, comme les stations balnéaires et de ski se trouvent en milieu rural. Les responsables publics devraient collaborer avec les territoires pour recenser et valoriser la large gamme de ressources disponibles en milieu rural ainsi que leur utilisation.

Pour les entreprises rurales, il est également important de fonctionner en lien avec les atouts et la dynamique du territoire. Les entreprises rurales produisent souvent des biens ou acquièrent des compétences qui reflètent des spécificités locales, comme l’accès à certains matériaux de base. Les recherches de l’OCDE ont mis en évidence de nombreux exemples de politiques réussies d’aide aux entreprises rurales s’appuyant sur des atouts locaux et sur la participation et l’autonomisation des acteurs locaux. Si de nombreuses entreprises rurales sont spécialisées dans des produits échangeables, et par conséquent tournées vers les marchés extérieurs, la dynamique locale demeure importante pour leur réussite. Les pouvoirs publics peuvent jouer là un rôle important, en contribuant au renforcement des capacités locales et en appuyant le développement et la valorisation des actifs locaux.

Le renforcement des capacités fournit une fonction d’analyse dans le développement économique des zones rurales. Il favorise et renforce en effet tous les autres éléments d’une stratégie de développement économique. Le renforcement des capacités locales enrichit le capital social, ce qui revient à améliorer la capacité des acteurs à travailler ensemble. Le programme LEADER de l’Union européenne s’appuie sur une telle approche (encadré 4.16).

Encadré 4.16. Le programme LEADER de l’Union européenne

Le programme LEADER (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale) est le mécanisme central de soutien au développement et à l’innovation en milieu rural dans l’Union européenne. Il est né du consensus qui s’est dégagé au cours des années 80, selon lequel les modèles endogènes constituent le meilleur outil de résolution des disparités régionales (Diaz-Puente, Yague et Afonso, 2008 : 480). Créé par la Commission européenne en 1991, le programme LEADER a été renouvelé plusieurs fois ; la version actuelle s’intitule LEADER+ (période de programmation 2007-2013). Bien qu’il s’agisse d’un programme européen, son échelle est locale et s’inscrit dans un cadre de gouvernance participative ascendante. Les Groupes d’action locale (GAL), qui recensent et mettent en œuvre des stratégies de développement local, sont supposés inclure un éventail de partenaires publics et privés, mais aussi divers groupes sociaux et professionnels. Ce processus vise à renforcer de manière significative et à long terme les capacités locales. Ce sont les autorités de gestion des États membres (autorités nationales, régionales ou locales, organismes publics ou privés) qui financent les GAL. À l’échelon paneuropéen, l’Association européenne Leader pour le développement rural (ELARD, fondée en 1999) met en réseau les quelque 800 GAL qui existent dans l’ensemble des Étatsmembres participants. Depuis la création du programme, certaines de ses caractéristiques ont été reprises dans la politique rurale de plusieurs États membres (Farrell et Thirion, 2005). Sa méthode est même devenue l’approche principale retenue dans d’autres initiatives de l’UE (OCDE, 2005 : 23).

Les récentes mises à jour du programme LEADER ont franchi une étape importante en autorisant les territoires à associer les ressources de différents fonds de l’UE de façon à mieux prendre en considération les besoins multisectoriels. Ce programme plurifonds, le « développement local mené par les acteurs locaux » (CLLD), aide les territoires à réaliser des projets plus transversaux et intégrés, qui relient davantage les zones rurales, urbaines et halieutiques. Les quatre fonds dont les ressources peuvent être associées dans le nouveau programme CLLD sont le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE), le Fonds agricole européen pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Le CLLD est un outil spécifique à vocation infrarégionale destiné à compléter d’autres formes de soutien au développement local. C’est un programme qui peut être utilisé pour mobiliser et associer les populations et les organisations locales, au service des objectifs de la stratégie Europe 2020 : une croissance intelligente, durable et inclusive, favorisant la cohésion territoriale et axée sur des objectifs spécifiques.

Le programme LEADER place le renforcement des capacités en tête des priorités par le biais de l’activation du capital social. En cela, il comporte des similitudes avec la PNR du Québec. La paternité du concept de capital social est généralement attribuée au sociologue français Pierre Bourdieu, qui le définit, en le distinguant du capital économique et du capital culturel, comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance » (Bourdieu, 1986 : 248 ; 1980, cité dans Portes, 1998). En d’autres termes, les relations aux autres sont traitées comme une ressource, c’est-à-dire une forme de capital, dotée d’une valeur d’échange. Dans un contexte opérationnel, c’est un concept qui peut être difficile à évaluer de façon empirique. C’est pourquoi de nombreuses études tentent de définir des critères d’évaluation du capital social – par exemple, les travaux de Nardone, Sisto et Lopolito (2010), qui établissent cinq critères permettant d’évaluer les conséquences du capital social au sein du programme LEADER, et ceux de Diaz-Puente, Yague et Afonso (2008), qui font référence à une « évaluation de la responsabilisation ». Cet intérêt pour le capital social s’accompagne d’une réorientation vers la production sociale, au détrimentdu contrôle social – le « pouvoir à » vient remplacer le « pouvoir sur » (Shucksmith, 2010). L’intention première du programme LEADER s’inscrit dans ce cadre conceptuel : mettre en place des processus de développement rural à long terme fondés sur le renforcement des capacités des acteurs locaux plutôt que sur un simple transfert de fonds (Nardone, Sisto et Lopolito, 2010 : 64). En tant que concept, le renforcement des capacités est intimement lié au renforcement du capital social – l’un découle de l’autre. C’est pourquoi le développement du capital social est considéré comme un instrument permettant de réaliser les objectifs du programme LEADER.

Le programme LEADER est considéré comme l’une des initiatives les plus fructueuses de mobilisation des territoires et des acteurs locaux à l’appui d’une approche collaborative et intégrée du développement rural. D’après un spécialiste, peu d’autres programmes de l’UE sont parvenus à créer autant de liens et, donc, à établir une telle légitimité populaire (Vidal, 2009 : 579). Le fait que ce programme existe depuis les années 90 et que ses principes aient été repris par des politiques nationales de développement rural est un bon indicateur du grand intérêt que présente cette approche. L’importance centrale de la formation de capital social pour les capacités locales et, plus largement, pour le développement rural est une source d’enseignements pour d’autres territoires.

Diaz-Puente, Yague et Afonso, 2008 ; Farrell et Thirion, 2005 ; OCDE, 2005 ; Bourdieu, 1986 ; Portes, 1998 ; Nardone, Sisto et Lopolito, 2010 ; Shucksmith, 2010 ; Vidal, 2009. Pour en savoir plus, voir la bibliographie.

En milieu rural, on s’attache trop rarement à améliorer, de manière systématique, l’aptitude des habitants à travailler ensemble, mais aussi avec les territoires voisins et les administrations nationales. Dans un monde où les processus décisionnels descendants sont décriés, il est devenu essentiel de mener une action de renforcement des capacités locales, et d’en faire la première étape de l’approche ascendante du développement rural préconisée hier par le nouveau paradigme rural, et aujourd’hui par la politique rurale 3.0.

Conclusion

Les dernières données probantes montrent que les politiques de développement rural doivent évoluer vers la politique rurale 3.0. De nombreux pays membres de l’OCDE modifient actuellement leur politique rurale pour adopter de telles pratiques, que l’on retrouve aussi bien dans le développement local mené par les acteurs locaux (CLLD) prôné par l’Union européenne que dans l’action de revitalisation rurale menée au Japon ou dans les contrats de réciprocité ville-campagne instaurés en France. Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux programmes et pratiques prometteurs dont le caractère transversal et global leur permet de se concentrer sur l’amélioration de la qualité de vie des habitants, le renforcement de la productivité des entreprises non agricoles et l’accroissement de l’efficience des services.

Il reste cependant beaucoup de réformes à mener. Le degré d’adoption des grands principes de la politique rurale 3.0 varie selon les pays membres de l’OCDE. Dans de nombreux pays, la politique rurale reste essentiellement centrée sur l’agriculture. Pour appliquer la politique rurale 3.0, les pays devront repenser certaines de leurs méthodes afin d’exploiter de nouvelles pistes de croissance, d’investir dans des facteurs favorisant la croissance de la productivité, de renforcer les capacités locales et d’établir des articulations entre zones rurales et zones urbaines.

Les zones rurales sont bel et bien des terres de promesses, et les responsables publics doivent mieux en prendre conscience. Ils peuvent travailler autrement avec les territoires pour améliorer le bien-être social, économique et environnemental de leurs habitants. La politique rurale 3.0 est fondamentalement ancrée dans une approche territorialisée qui, pour atteindre ses objectifs, nécessite une participation active des acteurs locaux. Dans certains endroits, les capacités locales sont très développées tandis que, dans d’autres, elles ont besoin d’être nourries et stimulées. Dans les deux cas, pour réussir, le développement rural nécessite de nouvelles méthodes de travail, tant entre les différents niveaux d’administration qu’entre l’ensemble des acteurs, des entreprises, des associations et des autres entités présentes à l’échelon local. Ce panorama est une précieuse source d’information sur les atouts et les points forts des territoires, et il offre aussi des possibilités de partenariat pour la mise en œuvre des projets et des programmes. Une approche ascendante est indispensable pour élaborer et mettre en œuvre de bonnes politiques rurales.

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Notes

← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

← 2. Pour une vue d’ensemble des travaux sur la « contre-urbanisation », voir Stockdale, A., A. Findlay et D. Short (2000), « The repopulation of rural Scotland: Opportunity and threat », Journal of Rural Studies, vol. 16, n° 2, pp. 243-257.

← 3. Enquête en vue des Perspectives régionales, 2015.

← 4. Enquête en vue des Perspectives régionales, 2015.