Chapitre 3. Comprendre les économies rurales1
Le présent chapitre s’intéresse d’abord à la définition de la « ruralité » en caractérisant les économies à faible densité, puis en définissant les méthodes d’application de certaines de ces caractéristiques à la définition des régions rurales. La seconde partie analyse les grandes tendances observées dans les régions rurales, notamment en termes de productivité, de produit intérieur brut, d’emploi et d’évolution démographique, en utilisant la typologie étendue de l’OCDE qui classe les régions rurales en fonction de leur distance aux villes. Une importance particulière est accordée à l’influence du secteur des exportations sur la productivité et à la résilience des régions rurales face aux effets de la crise récente.
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Les zones rurales sont diverses, et fortement influencées par les spécificités de leur environnement naturel. Leur schéma de développement se distingue nettement du modèle urbain classique. Certaines zones rurales des pays de l’OCDE connaissent une grande réussite, tant sur le plan de l’économie que sur celui de la qualité de vie. D’autres régions rurales ne connaissent pas le même succès. Les performances des régions rurales sont beaucoup plus dépendantes des facteurs économiques externes que celles des zones urbaines.
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Les régions rurales suivent différents modèles de développement adaptés à leur double spécificité : faible densité de population et faible activité économique. Cette diversité impose de distinguer plusieurs catégories de zones rurales au sein d’une typologie : i) zones rurales situées dans des zones urbaines fonctionnelles ; ii) zones rurales jouxtant des zones urbaines fonctionnelles ; et iii) zones rurales situées à distance de zones urbaines fonctionnelles, dites « éloignées ».
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On observe différents schémas de développement en fonction du type de région rurale. Les régions rurales proches d’une ville sont plus dynamiques que les régions rurales éloignées, mais aussi plus résilientes, et elles affichent des résultats économiques similaires à ceux des régions urbaines. Sur la période 2000-07, les régions rurales proches d’une ville ont enregistré, en moyenne, une progression annuelle de 2.15 % de leur productivité, ce qui représente le meilleur score tous types de régions confondus.
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Avant la crise, la croissance de la productivité s’est généralement doublée d’une augmentation de l’emploi dans les zones rurales. Parmi les régions rurales qui ont vu leur productivité augmenter entre 2000 et 2007, les deux tiers ont également enregistré une augmentation de l’emploi. Depuis la crise, ce schéma peine à se maintenir.
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Les régions rurales éloignées sont particulièrement vulnérables aux chocs mondiaux. À l’issue de la crise financière, leur productivité moyenne a baissé de 0.61 % par an sur la période 2008-12. Cette moyenne ne doit néanmoins pas occulter le fait que certaines régions rurales éloignées ont continué d’enregistrer de bons résultats pendant et après la crise financière.
Introduction
Les régions rurales accueillent plus du quart de la population de l’OCDE et renferment la grande majorité des ressources foncières et hydriques, ainsi que des autres ressources naturelles des pays membres de l’OCDE. Dans un contexte de croissance verte, elles joueront un rôle essentiel dans le développement d’un nouveau type d’économie. Comme le montre le chapitre 1, la réputation des régions rurales est celle de régions à la traîne dans le processus de croissance, même si cela est injustifié. En fait, le graphique 1.8 montre qu’une part très importante des 50 régions qui affichent la croissance de la productivité la plus forte au sein de l’OCDE sont essentiellement rurales, ce qui signifie que cette croissance élevée s’est manifestée en l’absence de grand centre métropolitain. Par ailleurs, si les régions rurales prises individuellement sont de taille modeste du point de vue du produit intérieur brut (PIB) régional, elles apportent collectivement une contribution significative au PIB national.
Le présent chapitre vise principalement à mieux identifier la contribution des régions rurales aux économies nationales. Les deux questions principales soulevées au chapitre 1 au sujet de la chute des taux de productivité et des inégalités de croissance entre régions ont clairement une dimension rurale. Si les liens entre régions rurales et régions urbaines sont de plus en plus étroits, et plus globaux à travers notamment les marchés, les mouvements de personnes, la gouvernance à niveaux multiples ou les flux de services environnementaux, les régions rurales ont une dynamique de croissance distincte qui est différente du modèle de croissance urbain. Les régions rurales ont besoin des régions urbaines, à la fois sources de nombre des biens et services qu’elles consomment et débouchés d’une grande partie de leur production ; mais leurs économies présentent les caractéristiques particulières de ce que l’on peut appeler une « économie à faible densité ».
Le plus souvent, les économies à faible densité présentent les caractéristiques suivantes: une population active locale réduite, ce qui bride à la fois le nombre et la taille des entreprises susceptibles de fonctionner de manière efficace ; une dépendance élevée vis-à-vis de l’extraction et de la première transformation des ressources naturelles locales qui sont ensuite exportées loin de la région ; une sensibilité aux coûts de transport ; la possibilité d’une concurrence élevée avec des régions présentant des structures économiques similaires ; une dépendance vis-à-vis des innovations développées ailleurs, ainsi que vis-à-vis des innovateurs/entrepreneurs locaux ; et une économie locale très sensible à la conjoncture régionale, nationale et mondiale (voir également chapitre 1). Si les circonstances sont favorables, ces économies peuvent : afficher des niveaux élevés de productivité de la main-d’œuvre ; bénéficier d’entrées de capitaux élevées, propices à l’emploi et à la productivité ; et offrir des salaires élevés et des possibilités d’emploi importantes qui augmentent la qualité de vie des ménages locaux. Si au contraire les conditions sont défavorables (faiblesse des prix des matières premières, apparition de concurrents puissants, épuisement des ressources), lesrégions rurales peuvent afficher des taux de chômage élevés, une émigration et une détérioration de la qualité de vie en matière de revenus comme d’accès aux services.
La diversité des situations des régions rurales de la zone OCDE est examinée sur la base d’un niveau d’agrégation des données inférieur à celui généralement utilisé dans les deux premiers chapitres. Les grandes régions (TL2) correspondent à l’unité de gouvernance infranationale la plus élevée – l’État aux États-Unis ou le Land en Allemagne. Ces unités contiennent ordinairement plusieurs villes de tailles diverses et un large spectre taxinomique de zones rurales. À l’inverse, les petites régions (TL3) constituent un niveau d’agrégation plus petit : provinces en Belgique, agrégation de comtés en zones économiques aux États-Unis, ou régions en Finlande (voir le Guide de lecture). Bien qu’elles contiennent également des territoires urbains et ruraux, les régions TL3 sont souvent plus homogènes que les régions TL2, ce qui permet de visualiser la typologie des régions rurales dans le pays de manière plus précise, et aide à mieux comprendre les écarts de développement récemment constatés entre les économies rurales au sein des pays membres de l’OCDE et entre eux.
Les zones rurales, terres d’opportunités
Les zones rurales fournissent des ressources traditionnelles tout en assurant de plus en plus de nouvelles fonctions vitales qui emploient leurs ressources de manière novatrice. Le fait que les régions rurales jouent un rôle de productrices ne fait pas de doute. La sylviculture, les industries minière, pétrolière et gazière, la production d’électricité, ainsi que la pêche et l’agriculture, sont presque exclusivement des activités rurales. Les industries manufacturières, en particulier la première transformation des ressources naturelles sont, elles aussi, fréquemment localisées dans des zones rurales. Toutefois, ces dernières ne sont pas simplement des zones de production, des terres de « bûcherons et de porteurs d’eau ». Ces dernières décennies, elles ont connu une transformation fondamentale : lieux qui jadis assuraient uniquement l’extraction des ressources destinées à l’exportation, elles sont aujourd’hui également concernées par l’utilisation locale ou directe de ces ressources, sans toutefois qu’il y ait consommation directe. Ce développement des activités rurales revêt plusieurs aspects : le tourisme rural sous toutes ses formes, la préservation de la faune et de la flore sauvages et des sites du patrimoine culturel, la production d’énergies renouvelables, et la reconnaissance du rôle essentiel que joue l’environnement rural dans les services écosystémiques tels que le captage du carbone ou la filtration des contaminants contenus dans l’air et l’eau.
Ces fonctions offrent aux régions rurales une nouvelle utilité économique qui peut être source de revenu et d’emploi au-delà des activités traditionnelles. Souvent, ces fonctions apparaissent dans les régions rurales situées à proximité immédiate d’un grand centre métropolitain. Cette proximité facilite l’accès des habitants des villes à la région rurale et leur permet de s’y rendre fréquemment au cours de l’année. Dans d’autres cas, une ressource précieuse unique peut se trouver dans une région rurale éloignée qui n’est accessible qu’au prix d’un voyage onéreux : ski en Patagonie (Chili) ; plongée libre dans la Grande Barrière de corail en Australie ; observation du peuple Sami et des rennes de Laponie en Finlande ; ou production d’énergie solaire dans le désert de l’Arizona (États‐Unis).
La proximité d’une région urbaine permet de prédire de manière assez fiable la croissance d’une zone rurale. La croissance des régions rurales ne concerne pas uniquement celles qui sont proches des villes, mais cette proximité favorise l’établissement entre zones urbaines et rurales de liens plus forts qui constituent de plus en plus des facteurs importants à prendre en compte pour comprendre les disparités de croissance rurale. Les flux bidirectionnels de toutes sortes sont plus faciles lorsque la zone urbaine et la zone rurale sont adjacentes (OCDE, 2013). L’accès des citadins aux espaces verts de la campagne s’en trouve facilité, tandis que les habitants des zones rurales ont plus facilement accès aux services publics et privés évolués qu’on ne trouve qu’en ville. De fait, les habitants des zones rurales et l’activité économique rurale se trouvent en grande majorité à proximité immédiate des zones urbaines (fonctionnelles). Aussi liées et interdépendantes qu’elles soient, ces zones urbaines et rurales conservent des fonctions économiques, des habitats et des styles de vie distincts. Les liens directs avec les villes sont moins nombreux dans les zones éloignées en revanche, dont les habitants et les entreprises doivent recourir presque exclusivement aux fournisseurs locaux de biens et de services.
La croissance de la productivité doit être restaurée dans toutes les régions, mais surtout dans les régions rurales. Le ralentissement de la croissance de la productivité et la concentration de la croissance dans certaines régions constituent un problème central des pays membres de l’OCDE en général, mais souvent crucial pour leurs régions rurales. On assiste à un vieillissement et une contraction de la population active dans la quasi-totalité des régions rurales de la zone OCDE. L’exode des jeunes atteint fréquemment un niveau élevé, et le niveau moyen d’éducation structurée et de qualification des travailleurs est plus faible que dans les zones urbaines. Ces problèmes ont d’importantes répercussions sur le développement économique rural. Lorsque la population active diminue, la croissance économique doit s’appuyer sur une hausse de la productivité. Faute d’une population active abondante, la richesse en ressources naturelles ne suffit pas à assurer la prospérité économique. Par ailleurs, il est généralement admis que les investissements infrastructurels sont nécessaires dans les régions rurales pour améliorer les connexions aux marchés urbains. Toutefois, les investissements qui permettent d’améliorer le capital humain importent peut-être davantage, car faute d’une main-d’œuvre dotée des compétences adéquates, les entreprises des régions rurales risquent de ne pas pouvoir maintenir la production à mesure que les travailleurs locaux vieillissentet prennent leur retraite.
La crise de 2007-08 illustre l’effet des chocs externes sur les régions rurales. Cette crise a détérioré gravement la situation économique des pays membres de l’OCDE, y compris dans les zones rurales. Bien que beaucoup de zones rurales, en raison de la nature de leur économie, aient été moins durement touchées que les régions urbaines en matière de pertes d’emplois directes, la crise a entraîné une réduction significative des dépenses publiques presque partout. Les contraintes budgétaires des exécutifs nationaux et régionaux ont réduit les subventions pour les régions rurales, sans compensation par des recettes locales. Les pouvoirs publics ont alors été contraints de trouver de nouveaux moyens de dispenser dans les zones rurales les services publics dont l’accès s’était ainsi trouvé restreint. La reprise hésitante qui s’est amorcée par la suite n’a pas suffi à faire disparaître ces pressions budgétaires, qui sont exacerbées par les besoins accrus de régions rurales confrontées au vieillissement de la population locale, et dont les économies jadis vigoureuses sont pénalisées par la chute récente des prix mondiaux des matières premières.
Le soutien des gouvernements nationaux est important pour les petites économies spécialisées des régions rurales. Les gouvernements des États membres de l’OCDE sont engagés de longue date dans le soutien des habitants des zones rurales. Ce soutien se concentre habituellement sur l’agriculture et quelques autres ressources, lesquelles fournissaient la majeure partie des revenus et des emplois dans les zones rurales. À présent que les économies rurales se diversifient et que le développement économique de ces régions suit des voies multiples, il est nécessaire d’adapter ce soutien. Le Nouveau paradigme rural de l’OCDE (OCDE, 2006) a constitué un premier pas vers un cadre élargissant et améliorant l’horizon et les modalités du soutien que les pays peuvent apporter aux habitants des zones rurales dans leurs efforts de développement. Depuis la publication de ces travaux, les conditions ont évolué dans ces zones en raison du vieillissement des populations, de l’évolution de la demande de ressources naturelles, de la prise de conscience du changement climatique et des contraintes grandissantes qui s’exercent sur le budget de l’État.
Un nouveau cadre pour la politique rurale devrait intégrer à la fois le nouveau contexte qui prévaut dans ces régions et une meilleure compréhension des économies rurales. Le chapitre 4 expose la façon dont les pays membres de l’OCDE ont conçu et mis en œuvre des politiques rurales utiles, et défini un nouveau cadre d’intégration de ces politiques à un mécanisme de mise en œuvre général. Ce nouveau cadre – la Politique rurale 3.0 – reflète l’évolution des économies rurales depuis 2006 et les efforts continus qui ont été déployés pour mieux comprendre la manière dont les pouvoirs publics nationaux peuvent les accompagner dans leurs efforts de développement.
Pour une définition des régions rurales
Les définitions récentes des régions rurales reconnaissent l’existence de nombreux types de zones rurales. Alors que l’OCDE a élaboré une définition spécifique pour ses besoins comparatifs internationaux, des pays continuent à étudier d’autres définitions permettant de mieux répondre à leurs besoins particuliers. C’est la définition de l’OCDE qui a été retenue pour la base de données régionale de l’OCDE (OCDE, 2015a) qui a été utilisée pour analyser la performance des différents types de régions rurales présentés ci-après.
Comprendre en quoi les dynamiques spatiales des zones rurales étayent les définitions de la ruralité de l’OCDE : de nouvelles approches
Il n’existe pas de définition reconnue internationalement de ce qu’est une « zone rurale », et la meilleure manière de définir ce concept est toujours sujette à débat. Si la faible densité de population constitue un point de départ commun, il est généralement admis que la « ruralité » est un concept multidimensionnel qui peut revêtir différentes significations répondant à différents objets. Par exemple, il peut s’agir d’un concept géographique ou spatial, d’un descripteur socio-économique ou socio-culturel, d’un concept fonctionnel lié par exemple aux flux sur le marché du travail, ou simplement d’une zone « non urbaine ». Une manière de comprendre la ruralité consiste à identifier les différences de liens entre milieu rural et milieu urbain en fonction de la distance qui sépare une zone rurale d’une agglomération urbaine.
Les milieux urbains et ruraux sont interconnectés par différents types de liens qui font souvent fi des frontières administratives traditionnelles. Ces interactions relèvent de considérations liées à l’évolution démographique, au marché du travail, aux services publics et à l’environnement. Elles ne se limitent pas aux flux du marché du travail local centrés sur la ville, et englobent les relations bidirectionnelles établissant des liens fonctionnels entre milieu rural et milieu urbain (graphique 3.1). Chaque type d’interaction concerne une zone géographique différente qui constitue une « région fonctionnelle ».
La complexité des relations peut être représentée suivant un continuum rural-urbain depuis les zones les plus peuplées vers les secteurs les moins peuplés en passant par tous les degrés intermédiaires. Aucune rupture soudaine n’apparaît dans ces relations spatiales, mais on observe une grande diversité de tailles et de types d’interconnexions. Le graphique 3.2 illustre plus avant ce concept. La dispersion spatiale des zones urbaines (gros points) et rurales (petits points) qu’elle représente met en évidence un continuum des habitats en fonction de caractéristiques de localisation, de proximité et de densité. Ces distinctions spatiales peuvent fournir des indications utiles pour l’action publique, dans la mesure où les différentes opportunités et contraintes de chaque zone varient selon sa situation géographique, ce qui a des implications en matière d’emploi, de services et de développement des infrastructures, entre autres considérations.
Dans les tentatives de définition de la « ruralité », l’unité d’analyse joue un rôle important. On peut opérer un choix entre l’unité fonctionnelle, qui se fonde sur le comportement observé, et l’unité administrative, qui se fonde sur des frontières politiques. Les définitions fonctionnelles restituent mieux la complexité des flux économiques et les interactions entre des zones urbaines et rurales liées par des rapports étroits. À l’inverse, les unités administratives sont mieux adaptées à la conception et à la mise en place des services publics et à la gestion des administrations publiques.
L’approche de l’OCDE distingue trois types de régions rurales selon l’intensité des liens qui les unissent aux zones métropolitaines
Partant d’une classification des régions rurales fondée sur le degré d’interaction potentiel entre zones rurales et zones urbaines, une typologie fondée sur trois catégories a été créée. On distingue : i) les zones rurales au sein d’une zone urbaine fonctionnelle (ZUF) ; ii) les régions rurales proches d’une ZUF ; et, iii) les régions rurales éloignées (graphique 3.3). Chacun de ces types présente des caractéristiques et des défis distincts et affiche des besoins particuliers du point de vue des politiques publiques :
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Zones rurales au sein d’une ZUF – Ce type fait partie intégrante de la zone de migration pendulaire du centre urbain et son développement s’intègre pleinement dans la ZUF.
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Régions rurales proches d’une ZUF – Ces régions ont des liens étroits avec une ZUF proche, mais ne s’inscrivent pas dans son marché du travail. Il y a des flux de marchandises, de services environnementaux et d’autres transactions économiques entre elles. Si les économies urbaine et régionale ne sont pas intégrées, la croissance de la région rurale dépend en grande partie de celle de la ZUF. Dans les pays membres de l’OCDE, la majorité de la population rurale vit dans ce type de région rurale.
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Régions rurales éloignées – Ces régions sont éloignées d’une ZUF. Les connexions avec les ZUF proviennent en grande partie des échanges commerciaux de biens et de services, et les interactions personnelles sont limitées et rares en dehors de la région rurale, mais de bonnes connexions existent à l’intérieur de la région. L’économie locale dépend en grande partie de l’exportation de la production des activités primaires de la région (voir plus loin la discussion sur les « économies à faible densité »). La croissance découle de l’exploitation des avantages absolus et comparatifs, de l’amélioration des connexions aux marchés d’exportation, de la mise en adéquation des compétences avec les avantages comparatifs et de la mise en valeur de l’offre de services essentiels (comme le tourisme).
Du fait de leurs différences structurelles, ces trois types de régions rurales doivent relever des défis de développement différents
La compréhension des défis et des opportunités propre à chacune des trois catégories permet d’envisager une action partagée et des réponses publiques plus ciblées et plus efficaces. Le tableau 3.1 présente ces défis et ces opportunités.
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Pour les zones rurales situées dans le périmètre pendulaire d’une ZUF, le développement est intimement lié à celui du noyau urbain. Les principaux défis de ce type de région rurale sont la fourniture des services, car ceux-ci se concentrent dans le centre urbain de la zone ; la mise en adéquation des compétences avec les besoins du marché du travail ; et la gestion de la politique d’aménagement du territoire induite par l’augmentation des pressions sur le noyau urbain.
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Les zones rurales situées à proximité des ZUF bénéficient souvent d’une complémentarité des activités industrielles qui atténue la sensibilité conjoncturelle des économies locales. Par ailleurs, elles parviennent souvent à attirer de nouveaux résidents. La diversité économique et sociale des zones rurales proches d’une ZUF peut également être source de difficultés telles que la compétition foncière que se livrent les acteurs économiques, et les différences de besoins et d’objectifs que peuvent avoir les résidents de longue date et leurs nouveaux voisins. Certains conflits de schémas de développement peuvent survenir entre ces régions et les ZUF voisines.
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En ce qui concerne les régions rurales éloignées caractérisées par une densité de population relativement élevée, les activités primaires jouent un rôle important dans l’économie régionale. La croissance résulte de l’exploitation des avantages absolus et comparatifs, de l’amélioration de la connexion aux marchés d’exportation, de la mise en adéquation des compétences avec les activités pour lesquelles la région possède des avantages comparatifs et de l’amélioration des prestations de services essentiels. La possession de solides ressources peut se traduire par des niveaux élevés de revenus et de productivité, mais cela peut également donner un caractère cyclique à l’économie (essor-récession). Ces régions peuvent éprouver des difficultés à retenir et attirer la main-d’œuvre, et se caractérisent souvent par la faiblesse des mécanismes de fourniture de services.
Les définitions de la ruralité adoptées par les pays membres de l’OCDE reflètent leurs besoins spécifiques et ont évolué au fil du temps
Étant donné l’importance du contexte et de la situation géographique, les pays membres de l’OCDE ont naturellement adopté une gamme diversifiée de définitions pour tracer la frontière urbain/rural. De fait, il n’existe pas de définition optimale ou universelle de la ruralité aux fins de l’action publique. La grande diversité des définitions de la ruralité (tableau 3.A3.1 en annexe) reflète également les différents critères utilisés pour l’élaboration des définitions, à savoir notamment la densité, l’activité économique, la taille ou l’éloignement des services.
Les pays s’efforcent d’abandonner progressivement les définitions traditionnelles des zones rurales comme étant simplement les espaces « résiduels » non urbains. Les définitions traditionnelles n’opèrent pas de distinction entre les différents types de zones rurales, ou ne reconnaissent pas les zones de fortes interactions entre milieu urbain et milieu rural. Les progrès des outils d’information géographique (SIG) et la disponibilité accrue des données ont conduit de nombreux pays membres de l’OCDE à revoir et à améliorer leurs définitions afin d’y incorporer de nouveaux critères tels que la distance et l’accessibilité des services, et reconnaissent désormais les zones de fortes interactions urbain/rural. L’objectif partagé de ces efforts est de disposer d’un outil qui permet de délimiter plus précisément les zones rurales et d’identifier les défis et débouchés communs pour permettre aux pouvoirs publics de mieux y répondre.
Certains pays adoptent de nouvelles définitions fondées sur des sources plus diversifiées, avec notamment des données sur les migrations pendulaires, le marché du travail ou les réseaux de transports. Par exemple, l’Autriche et l’Espagne utilisent principalement la typologie urbaine-rurale de l’Union européenne (UE)2. La Nouvelle-Zélande a adopté une définition qui opère une distinction entre les zones rurales soumises à une influence urbaine élevée, modérée ou faible et les zones rurales réputées éloignées en se fondant à la fois sur la densité de population, le lieu de travail et les données pendulaires (Statistics New Zealand, 2016).
L’Italie a élaboré une définition fondée sur l’accessibilité des services et les objectifs des politiques. L’Italie distingue les zones rurales des pôles urbains et les répartit dans trois catégories : zones d’agriculture intensive et de plaine, zones rurales intermédiaires et zones ayant un retard de développement. Cette classification se fonde sur des indicateurs de densité de population et sur la proportion de terres agricoles3. Le pays a également adopté une classification des zones rurales fondée sur les objectifs des politiques. En Italie, les « zones intérieures » sont des regroupements de communes caractérisés par un « accès inadéquat aux services essentiels ». Cette classification a des visées politiques : en mesurant l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux transports, il est possible de concevoir des politiques pour répondre spécifiquement aux besoins locaux. Les « zones intérieures » sont situées à plus de 75 minutes en voiture de « Centres de service », qui sont des communes disposant d’une palette complète d’établissements d’enseignement secondaire, d’au moins un hôpital hautement spécialisé et d’une gare ferroviaire. L’ensemble des communes d’Italie ont été classées en fonction de la distance (temps de parcours) à cesCentres de service.
La France a également entrepris d’élaborer une définition prenant en compte l’accessibilité, mais en appliquant une méthodologie différente. En France, l’Institut national de la statistique et des études économiques a mis au point un indicateur qui étudie l’accessibilité des services et des équipements importants pour la vie courante des collectivités en fonction de la densité de leur population (INSEE, 2016). Cet indicateur opère la distinction entre les communes à forte densité de population, à densité de population intermédiaire et peu/très peu densément peuplées. Il prend également en compte l’accès aux services suivants : santé, enseignement et action sociale ; sport-loisir, tourisme et culture ; et commerces alimentaires, biens et services. Cet ensemble d’indicateurs aide les responsables publics à mieux comprendre les écarts entre les régions en matière d’accès aux services et à prendre les mesures qui s’imposent pour les corriger.
Dans certains pays, la réforme des collectivités locales a conduit à revoir la définition de la ruralité. La Finlande en est un bon exemple. Ce pays a élaboré sa première typologie rurale en 1993 sur la base des frontières communales. Cette typologie définissait trois types de zones rurales : i) les zones rurales proches des zones urbaines ; ii) les zones rurales centrales ; et iii) les zones rurales peu peuplées. À partir de 2005, la Finlande a entrepris une restructuration des communes qui en a réduit le nombre et augmenté la taille, et accru la part de ruralité au sein de chaque commune. Une nouvelle typologie rurale s’imposait donc pour mieux prendre en compte ces dynamiques. Les statistiques fondées sur les frontières administratives s’avéraient inadaptées pour l’analyse spatiale parce qu’elles ne prenaient pas bien en compte les différences régionales. La Finlande a donc adopté une classification fondée sur les données spatiales et sur sept types de régions : zone urbaine intérieure, zone urbaine extérieure, zone périurbaine, centre local en zone rurale, zone rurale proche de zones urbaines, zones rurales centrales et zones rurales peu peuplées. Pour rendre compte de la diversité des zones rurales, ce cadre s’appuie sur toute une série de variables : population, emploi, migrations pendulaires, rythme des constructions, accès aux transports et utilisation des sols. Collectivement, ces variables permettent d’élaborer des indicateurs de l’activité économique,des variations démographiques, de l’accessibilité, de l’intensité de l’utilisation des sols et d’autres attributs pour chaque région.
Les définitions de la ruralité sont importantes et peuvent avoir des conséquences politiques, économiques et sociales
En somme, les pays membres de l’OCDE ne disposent d’une définition universelle optimale des régions rurales. Toutefois, certaines bonnes pratiques sont apparues qui doivent être prises en compte :
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Une catégorie unique de la « ruralité » ne restitue pas la diversité des réalités rurales. Les définitions qui tiennent compte uniquement des caractéristiques des zones urbaines et, par défaut, définissent les territoires restants comme des zones rurales ne permettent pas de prendre en compte les réalités des économies rurales modernes qui sont souvent fondées sur des relations d’interdépendance fortes avec les zones urbaines, sur les mutations des migrations pendulaires et sur l’accès aux marchés externes.
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Les définitions devraient prendre en compte les liens entre milieu rural et milieu urbain. Les espaces mixtes doivent être identifiés. Les définitions distinguant les zones qui présentent des interactions fortes entre milieu urbain et milieu rural permettent de mieux tirer parti des synergies et des complémentarités entre zones urbaines et zones rurales.
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Les définitions administratives imposant une population minimale importante peuvent avoir des effets indésirables. Les efforts visant à délimiter les régions rurales à partir de certains niveaux de population afin de répondre aux exigences minimales d’échelle pour les services publics peuvent s’avérer contre-productifs. Dans les zones rurales faiblement peuplées, les grands établissements scolaires peuvent certes offrir davantage d’options de scolarisation, mais ils imposent également des coûts de transport élevés. De même, la consolidation des collectivités locales rurales visant à réduire les coûts administratifs peut conduire les résidents à perdre tout lien avec leurs représentants et rendre très coûteux pour eux l’accès aux services publics. Les considérations de distance et d’accessibilité sont très importantes pour les zones à faible densité de population. Dans le choix des définitions de la ruralité, les pouvoirs publics doivent prendre en compte non seulement les services publics, mais aussi les implications pour ce qui concerne la cohésion sociale au sein d’un espace géographique (comme par exemple le désir d’interconnexion et de partage d’une vision collective des populations). Or ces deux objectifs peuvent s’avérer contradictoires : il peut être souhaitable de créer des régions plus grandes pour des raisons d’efficacité des coûts du service public, mais cela peut avoir une incidence négative sur la cohésionsociale en imposant un regroupement à des collectivités qui ont peu en commun.
Les définitions des zones rurales ont des répercussions importantes sur les services publics et l’affectation des ressources publiques. Le Chili en donne une bonne illustration. Comme le montre l’Examen des politiques rurales du Chili (OCDE, 2014a), la définition de la ruralité de ce pays classait les localités même les plus modestes dans la catégorie « urbaine ». De ce fait, 12 % seulement du territoire chilien était identifié comme rural, les 88 % restants étant classés comme urbains. Cette situation ne correspondait pas à la répartition observée de la population et à la contribution élevée au PIB et aux exportations d’industries rurales telles que l’industrie minière, l’agriculture et la sylviculture (OCDE, 2014a). Cette définition donnait également l’impression que le développement rural était seulement un enjeu mineur et que ses seules implications concernaient la fourniture de services et le soutien aux zones rurales. Partant de cette analyse, le Chili procède actuellement à une révision de sa définition de la ruralité pour mieux prendre en compte ces dynamiques.
Il convient de repenser la définition de la ruralité pour mieux montrer la contribution importante des régions rurales à la réalisation des objectifs nationaux, notamment en matière de développement économique et de prospérité. Comme le montre l’exemple du Chili, le choix des bonnes définitions est essentiel à un nouveau discours sur la ruralité. En utilisant des définitions obsolètes, les régions rurales du Chili sont décrites comme à la traîne, pauvres et isolées. Avec une nouvelle définition, l’image est très différente : les zones rurales sont dynamiques et la pauvreté sévit principalement dans les zones périurbaines mixtes.
La typologie régionale de l’OCDE
Les définitions des pays sont adaptées à leurs besoins spécifiques et servent principalement à mettre en œuvre les politiques, tandis que celle de l’OCDE permet les comparaisons internationales. L’OCDE a élaboré sa première typologie régionale en 1991 en utilisant des critères simples et couramment acceptés pour définir les régions rurales. Cette définition a été largement utilisée pour comparer les tendances et les évolutions entre les pays membres de l’OCDE, et elle sera utilisée pour l’analyse du présent chapitre. La typologie régionale de l’OCDE incorpore certains des critères utilisés par tel ou tel pays membres de l’OCDE pour définir les régions (régions mixtes, différents types de régions rurales, cohésion, etc.), mais elle vise à élaborer une définition comparable pour les besoins de l’analyse et applique donc les mêmes critères à tous les pays membres de l’OCDE. La comparabilité internationale impose certaines concessions par rapport à la typologie décrite plus haut. Cette typologie est utilisée pour la classification des régions du niveau territorial3 (régions TL3) de l’OCDE, opérant la distinction entre les régions essentiellement urbaines (EU) et les régions intermédiaires (IN) et essentiellement rurales (ER) (encadré 3.1). Une typologie élargie distingue encore les régions rurales selon qu’elles sont « essentiellementrurales proches d’une ville » ou « essentiellement rurales éloignées ». Cette typologie prend en compte deux des types de zones rurales décrits plus haut (tableau 3.1). Idéalement, la typologie devrait également permettre d’identifier les zones rurales au sein des zones urbaines fonctionnelles, mais cela n’est pas possible au niveau TL3 et cela nécessiterait que des données soient disponibles à ce niveau régional.
La typologie régionale de l’OCDE s’intègre dans un dispositif territorial de collecte de données « rurales » permettant les comparaisons internationales. D’après la typologie de l’OCDE, les régions TL3 sont classées comme essentiellement urbaines, essentiellement rurales ou intermédiaires. Cette typologie, fondée sur la part de la population régionale vivant en milieu rural ou urbain, permet de réaliser des comparaisons pertinentes entre régions de même type et de même niveau. Elle comporte toutefois un inconvénient : s’il permet d’effectuer des comparaisons internationales, ce cadre n’est pas aussi précis que les définitions plus détaillées qui servent de base aux politiques menées dans certains pays.
La typologie régionale de l’OCDE
Le processus de taxinomie régionale de l’OCDE compte trois étapes. La première identifie les milieux ruraux en fonction de la densité de population. Un milieu est dit rural s’il a une densité de population inférieure à 150 habitants par km2 (500 habitants pour le Japon pour prendre en compte le fait que la densité de sa population nationale est supérieure à 300 habitants par km2). La deuxième étape classifie les régions en fonction du pourcentage de la population vivant en milieu rural. Ainsi, une région TL3 est classée comme essentiellement rurale si plus de 50 % de sa population vit en milieu rural, essentiellement urbaine si moins de 15 % de sa population vit en milieu rural, et intermédiaire dans les autres cas de figure.
La troisième étape se base sur la taille des centres urbains. De fait, une région qui serait classée comme « essentiellement rurale » dans la deuxième étape est classée comme « intermédiaire » si elle comporte un centre urbain de plus de 200 000 habitants (500 000 pour le Japon) représentant 25 % au moins de la population régionale. De même, une région classée comme « intermédiaire » à la deuxième étape est classée comme « essentiellement urbaine » si elle comporte un centre urbain de plus de 500 000 habitants (1 million pour le Japon) représentant 25 % au moins de la population régionale.
Cette typologie s’est avérée utile pour expliquer les disparités régionales de croissance économique et de performances du marché du travail. Toutefois, un des inconvénients de cette approche pour les comparaisons internationales est qu’elle se fonde sur la densité de population dans des zones qui ont des frontières administratives, lesquelles peuvent varier fortement d’un pays à l’autre (et parfois même au sein d’un même pays). Pour renforcer la comparabilité, cette typologie a été revue à partir d’un carroyage de la population sur une surface d’1 km2. En 2014, l’Union européenne a mis en œuvre cette typologie pour la nomenclature de 2010 des régions européennes de niveau NUTS 3 (voir détails dans Eurostat, n.d.). Pour ces pays, la population urbaine désigne l’ensemble des habitants vivant dans des carreaux d’1 km2 d’au moins 300 habitants et formant des concentrations contiguës d’au moins 5 000 habitants. D’après ce classement, une région essentiellement urbaine comporte au maximum 20 % d’habitants des zones rurales, une région intermédiaire 20-50 % d’habitants des zones rurales, et une région essentiellement rurale au moins 50 % d’habitants vivant en dehors des regroupements urbains. Pour les pays européens de l’OCDE, cette nouvelle typologie est celle utilisée dans la présente publication. Aucune de ces typologiesne restitue pleinement la présence de « forces d’agglomération », ni les effets supplémentaires que peuvent avoir les régions voisines. Par ailleurs, les régions rurales éloignées ne connaissent généralement pas les mêmes défis et opportunités que les régions rurales proches d’une ville, où un éventail plus large de services et de débouchés est, le plus souvent, disponible.
La typologie régionale étendue de l’OCDE
La typologie régionale étendue s’efforce d’opérer la distinction entre ces forces. Elle se fonde sur la méthodologie proposée par la Direction générale de la politique régionale et urbaine de la Commission européenne, qui détaille encore la typologie actuelle en incluant un critère d’accessibilité des centres urbains afin de pouvoir opérer la distinction entre régions rurales éloignées et proches d’une ville. Une telle approche facilite l’analyse de leurs différentes caractéristiques, telles que la diminution et le vieillissement des populations, les niveaux de productivité et les taux de chômage ; elle permet elle aussi de distinguer les régions intermédiaires proches des villes des régions intermédiaires éloignées.
Cette extension de la typologie régionale s’inspire du concept des économies à faible densité pour prendre en compte de manière plus nuancée la situation géographique, la proximité et la densité tout en conservant la comparabilité qui est importante pour les travaux de l’OCDE. Dans la pratique, cette typologie ajoute une quatrième étape à la typologie régionale de l’OCDE décrite ci-dessus. Cette étape prend en compte la durée du trajet automobile d’au moins 50 % de la population régionale par rapport à la localité de plus de 50 000 habitants la plus proche. Cette typologie s’applique uniquement aux régions intermédiaires et essentiellement rurales éloignées, dans la mesure où les régions essentiellement urbaines comprennent par définition des centres urbains. Il en résulte une typologie composée de cinq catégories : les régions essentiellement urbaines (EU), intermédiaires proches d’une ville (INP), intermédiaires éloignées (INE), essentiellement rurales proches d’une ville (ERP) et essentiellement rurales éloignées (ERE).
Brezzi, M., L. Dijkstra et V. Ruiz (2011), « OECD Extended Regional Typology: The Economic Performance of Remote Rural Regions », OECD Regional Development Working Papers, n° 06/2011, Éditions OCDE., https://doi.org/10.1787/5kg6z83tw7f4-en; OECD (2011a), OECD Regional typology, www.oecd.org/gov/regional-policy/OECD_regional_typology_Nov2012.pdf. Eurostat (n.d.), Urban Rural Typology, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Urban-rural_typology (consulté le 20 juin 2016).
Les régions essentiellement rurales représentent un quart de la population (26.2 %) et plus de 80 % de la superficie des pays membres de l’OCDE (graphique 3.4). En Autriche, en Estonie, en Grèce, en Hongrie, en Irlande, en République slovaque et en Slovénie, la part de la population nationale habitant les régions rurales est plus de deux fois supérieure à la part moyenne de l’OCDE. À titre de comparaison, en 2007, presque 74 % de la population de l’OCDE vivait dans des régions essentiellement urbaines ou intermédiaires, tandis que la population rurale représentait 26.3 % du total. Il semble donc que la répartition soit restée relativement stable au fil du temps.
Au sein de l’OCDE, plus de 80 % des habitants des régions essentiellement rurales vivent dans une région rurale proche d’une ville, représentant plus d’un cinquième de la population de l’OCDE (21.4 %). Le reste de la population rurale, soit 4.8 % de la population de l’OCDE, vit dans des régions rurales éloignées. Toutefois, cette moyenne masque des écarts importants d’un pays à l’autre. Dans trois pays (République slovaque, Irlande et Lituanie), la part de la population vivant dans des régions rurales proches d’une ville est d’au moins 40 % (graphique 3.4). Cependant, les régions rurales éloignées, même si elles représentent une faible part de la population globale, accueillent plus du quart de la population totale dans trois pays (Norvège 32 %, Grèce 30 % et Irlande 28 %).
En quoi consistent les économies à faible densité ?
Il est capital de mieux catégoriser les régions rurales pour mieux comprendre la performance des économies rurales et trouver ainsi les moyens de rehausser leur productivité. La croissance de la productivité des régions rurales des pays membres de l’OCDE est très variable. Comme le montre le chapitre 1, certaines régions ont enregistré une performance extraordinaire et se classent à ce titre parmi les 50 premières régions de l’OCDE. Toutefois, la majorité des régions rurales ne figurent pas parmi les régions qui ont affiché la meilleure performance dans leur pays, ce qui pointe la nécessité d’une analyse plus approfondie pour identifier les facteurs d’amélioration de la productivité dans les économies rurales. Avant de passer à cette étape, les différences entre économie rurale et économie urbaine doivent être précisées. À cet égard, il est utile d’analyser le concept d’« économie à faible densité » pour mieux identifier les facteurs importants pour la croissance économique. L’économie à faible densité sous-tend un modèle différent de croissance économique qui peut aider à comprendre les performances élevées de régions rurales.
Les économies à faible densité présentent des spécificités liées à la proximité, la densité et à la situation géographique
Les régions rurales sont fondamentalement différentes des régions urbaines. Il s’agit bien entendu de zones plus petites, moins peuplées, caractérisées par la distance considérable entre leurs zones de peuplement. Elles connaissent par conséquent des dynamiques différentes des zones urbaines. Contrairement aux villes où l’« environnement bâti » façonne la majeure partie des comportements humains, les activités humaines sont principalement déterminées, dans les zones rurales, par l’environnement naturel. Chaque zone rurale est certes unique, mais il est utile de décrire quelques traits communs. Par exemple, les zones rurales proches d’une ville, majoritaires dans les pays membres de l’OCDE, présentent des caractéristiques différentes des zones rurales éloignées.
Les régions rurales bien connectées aux villes sont reliées aux marchés urbains, mais la réussite économique des zones rurales isolées dépend davantage encore du secteur des exportations. Le secteur des exportations est le secteur de l’économie concernant les biens et services non restreints aux marchés locaux. Il existe de nombreux types, très différents, d’économies à faible densité, selon leur proximité relative par rapport aux marchés, leur dynamique socioéconomique ou leur composition sectorielle ; chacune a donc besoin de mesures de soutien spécifiques pour tirer le meilleur parti de ses atouts et de ses possibilités. Ces différences deviennent plus visibles à un niveau d’analyse affiné (régions TL 3 contre régions TL 2).
De ce fait, les considérations de géographie économique occupent une place importante dans l’analyse du développement économique des régions rurales. La géographie d’un lieu est effectivement définie par des caractéristiques à la fois physiques (géographie de « première nature ») et humaines (géographie de « seconde nature ») (Ottaviano et Thisse, 2004). Plus une région est peuplée, plus son caractère sera défini par sa géographie de « seconde nature » – par des êtres humains et leurs activités. Lorsque la densité d’habitation est faible, la géographie de « première nature » est invariablement dominante – à l’évidence, plus l’activité et les peuplements humains sont faibles, plus les facteurs naturels tels que le climat ou le relief influent sur les débouchés économiques.
La périphéricité, dans toutes ses acceptions, peut nous aider à comprendre les économies rurales
L’éloignement économique – ou périphéricité, terme relatif par excellence – désigne le fait d’être connecté d’un lieu donné, ou déconnecté de celui-ci. La périphéricité comporte trois dimensions distinctes. La première est simplement la distance physique aux principaux marchés. Cette distance accroît les délais et les coûts d’acheminement, qui sont supportés par l’acheteur (sous la forme de prix plus élevés) ou par le vendeur (sous la forme de marges plus faibles). Pourtant, l’important n’est pas seulement la distance à vol d’oiseau : le transport maritime est beaucoup moins coûteux et plus flexible que le transport terrestre, et nécessite moins d’infrastructures dédiées. Par conséquent, l’accès à la mer est une variable essentielle – le sud du Chili et la région côtière de la République populaire de Chine sont beaucoup moins éloignés de l’Amérique du Nord et des marchés européens que, par exemple, les régions amazoniennes du Brésil ou l’intérieur de la Chine, respectivement, alors même qu’elles sont physiquement plus proches des principaux marchés. En ce qui concerne les distances terrestres, il ne fait pas de doute la qualité et le tracé des infrastructures sont essentiels.
La deuxième dimension de la périphéricité est le degré d’interdépendance économique. L’absence d’intégration économique réduit non seulement les débouchés commerciaux du moment, mais également la capacité des agents à identifier de futurs débouchés. Les coûts supportés sont ainsi de nature à la fois statique et dynamique. Par exemple, les producteurs de blé australiens, bien qu’ils soient très éloignés, sont extrêmement bien connectés parce qu’ils sont très bien intégrés aux marchés céréaliers internationaux et très bien informés sur l’évolution des conditions de marché. En revanche, les résidents de maintes petites villes de la chaîne des Appalaches, une des régions les plus pauvres des États-Unis, sont physiquement très proches de certains sites de production et marchés de consommation qui comptent parmi les plus grands de la planète, mais ils sont mal reliés à ces marchés et sont donc très largement déconnectés d’activités qui se déroulent dans leur voisinage immédiat.
Les économies à faible densité peuvent être résumées selon trois dimensions (graphique 3.5). La première englobe l’éloignement physique et les coûts de transport, et plus généralement les coûts des connexions entre individus. La deuxième est l’importance de la compétitivité dans les régions lorsque le marché national est de taille modeste, l’économie très spécialisée dans la production de matières premières, et l’ensemble des coûts de transport absorbé par les entreprises locales. La troisième dimension concerne l’importance de la géographie de « première nature », c’est-à-dire le poids du capital naturel spécifique de la région vis-à-vis des débouchés économiques locaux.
Les économies à faible densité éloignées des grands marchés ont plusieurs problèmes en commun
En l’absence de marché intérieur, la demande extérieure apporte l’essentiel de la croissance. Puisqu’elles ne peuvent produire qu’une faible partie des biens et services dont elles ont besoin, ces régions sont, par nécessité, tournées d’une manière ou une autre vers l’exportation. De fait, à moins de bénéficier de transferts réguliers de recettes, elles n’ont pas les moyens de financer leurs importations.
Les marchés locaux sont généralement étroits et peu concurrentiels. Cette caractéristique leur apporte à la fois une forme de protection contre la concurrence externe et une moindre croissance des entreprises. Si les prix des terrains sont souvent plus faibles dans les régions à faible densité, le prix des autres biens et services peut y être plus élevé qu’ailleurs, du fait du manque de concurrence. Cette situation se vérifie tout particulièrement dans les régions éloignées, où le coût élevé des transports et la capacité des fournisseurs à tirer parti de leur pouvoir de marché peuvent plus que compenser l’avantage du faible coût des terrains et l’impossibilité de négocier les prix (la faible densité conjuguée à un éloignement certain peut fortement augmenter les coûts). C’est pourquoi les entreprises des régions à faible densité sont en général des PME aux performances souvent fragiles.
La structure économique de ces régions présente souvent des spécificités. La production se concentre dans un nombre relativement limité de secteurs qui sont les seuls à avoir pu atteindre la « taille critique ». Quels que soient les rôles respectifs des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, l’étroitesse relative de la base économique augmente la vulnérabilité aux chocs sectoriels, qu’ils soient positifs ou négatifs. Dans une économie très vaste et très dense, la diversité des activités offre ordinairement une plus grande résilience face à ces chocs.
Dans les économies à faible densité, la majeure partie du secteur manufacturier se concentre en règle générale sur les secteurs parvenus à maturité en matière de cycle produit. Bien que les industries d’avant-garde naissent généralement dans les grandes villes, on trouve beaucoup d’exemples montrant qu’elles peuvent également éclore dans les régions rurales (OCDE, 2014b). Lorsqu’elles naissent dans les grandes villes, elles peuvent ensuite se relocaliser dans les régions rurales à un stade ultérieur du cycle produit si au moins l’une des deux conditions suivantes est vérifiée : 1) il est utile que la région se situe à proximité de quelque ressource primaire (la structure des coûts de transport est telle qu’il vaut mieux produire à proximité de cette ressource plutôt que du marché consommateur) ; 2) la technologie est suffisamment mûre pour que la principale préoccupation des producteurs soit de réduire les coûts de production. En somme, la production se relocalise souvent vers des régions plus éloignées lorsque cette activité a cessé de connaître des taux de croissance soutenus. Dans ce cas, les entreprises tendent à favoriser les zones rurales ayant de bonnes connexions avec les principaux marchés mais où les coûts de la main-d’œuvre et de l’immobilier sont faibles.
Dans les zones rurales, des bénévoles fournissent souvent les services qui, dans les villes, sont assurés par les pouvoirs publics ou des entreprises. Souvent, les populations des zones rurales sont de taille trop modeste pour que les entreprises privées puissent proposer leurs prestations de manière rentable sur le marché local. Souvent, les résidents se regroupent pour créer une entreprise sociale assurant ces prestations. En Angleterre, par exemple, des bénévoles ont maintenu en activité la boutique ou le pub local que son ancien propriétaire avait décidé de fermer parce qu’il réalisait des profits trop faibles. En Amérique du Nord, de même, les petites collectivités font ordinairement appel à un service de pompiers bénévoles lorsque les exécutifs locaux n’ont pas les moyens d’entretenir une équipe de pompiers professionnels. Faute d’un groupe de bénévoles consistant, les zones rurales disposeraient de services locaux beaucoup moins nombreux et auraient un accès plus restreint aux biens, ce qui réduirait grandement leur attrait (Osbourne, 2013). Par ailleurs, les organisations bénévoles sont des éléments fondamentaux du capital social et peuvent catalyser la mise en place d’initiatives économiques et sociales (Schulz et Baumgartner, 2013).
L’évolution démographique et la faiblesse des niveaux de formation exercent une pression particulière sur de nombreuses économies à faible densité
Les pays membres de l’OCDE connaissent un phénomène de vieillissement. Or, si cette pression démographique affecte l’ensemble des régions, elle touche davantage les régions rurales et leurs économies à faible densité. Ce défi est particulièrement pressant dans les régions « périphériques », c’est-à-dire éloignées des villes. La part de personnes dépendantes dans la population, c’est-à-dire le rapport entre la population âgée et la population active, a augmenté dans tous les types de régions au cours de la dernière décennie (graphique 3.6). Si, dans la plupart des pays membres de l’OCDE, les régions essentiellement rurales affichent un taux de dépendance des personnes âgées plus élevé que les régions essentiellement urbaines, celles qui sont moins périphériques, c’est-à-dire qui sont proches d’une ville, affichent un taux de dépendance des personnes âgées similaire à celui des régions urbaines et intermédiaires prises ensemble.
La population des régions rurales est plus âgée que celle des régions urbaines dans tous les pays membres de l’OCDE sauf sept (graphique 3.7). En France et au Portugal, l’écart d’âge moyen entre les deux types de régions est d’environ cinq ans. En Pologne, en Estonie et en Belgique, la moyenne d’âge des régions urbaines dépasse d’environ deux ans celle des régions rurales. Dans quelques pays tels que l’Irlande, la République slovaque et la Suisse, l’écart d’âge moyen entre les régions rurales et les régions urbaines est assez faible.
Les économies à faible densité des régions rurales éloignées sont confrontées à une double pression démographique. Non seulement le taux de dépendance des personnes âgées y est supérieur à celui des autres régions, et l’écart s’est creusé au fil du temps, mais de plus la proportion de jeunes dépendants dans la population – population âgée de moins 15 ans rapportée à la population en âge de travailler – est plus élevée dans les régions rurales que dans les régions urbaines et intermédiaires. Par conséquent, les régions rurales souffrent souvent d’une part plus élevée d’inactifs, c’est-à-dire de personnes, trop jeunes ou trop âgées, qui ont besoin d’un accès à l’éducation, aux services de santé et à d’autres services publics4. Cette dynamique démographique peut aboutir à un rétrécissement du marché du travail local et poser des problèmes budgétaires aux pouvoirs publics régionaux dont le financement dépend davantage des transferts que de l’imposition locale. Par ailleurs, la taille restreinte de la population active peut peser sur la fourniture de services aux personnes âgées et aux jeunes, entraînant une diminution de la productivité moyenne dans la mesure où il s’agit souvent de services pour lesquels la productivité des travailleurs est faible,notamment lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des économies d’échelle. Dans les zones rurales proches d’une ville, les politiques peuvent répondre à cette dynamique démographique en renforçant les liens entre milieu rural et milieu urbain, facilitant ainsi l’accès aux services situés principalement en zone urbaine (tels que les soins spécialisés pour les personnes âgées et les offres de formation pour les jeunes).
Les faibles niveaux de formation dans les zones rurales limitent les possibilités d’amélioration de la productivité dans les économies à faible densité
Le capital humain et les compétences sont des moteurs essentiels de la croissance, et le déficit dont souffrent les régions rurales peut leur être particulièrement dommageable en cas de « fuite des cerveaux » (OCDE, 2012). Pour les travailleurs très qualifiés, le marché du travail a souvent une dimension mondiale et dominé par les villes et les zones urbaines importantes, compte tenu des débouchés et des infrastructures qu’elles offrent à travers la présence d’économies d’agglomération. En revanche, pour les travailleurs peu qualifiés et les techniciens, le marché a une dimension beaucoup plus locale, ce qui indique que la productivité des zones rurales dépend de la montée en compétences des travailleurs peu qualifiés et de l’augmentation du nombre de travailleurs ayant des compétences techniques. Les recherches démontrent qu’une réduction de la part de travailleurs peu qualifiés dans la population active régionale permet de stimuler la croissance économique (OCDE, 2013). Ces résultats sont particulièrement pertinents pour les régions rurales, qui doivent mener des politiques visant à retenir les jeunes à l’école, à faire correspondre l’offre de compétences avec les emplois à pourvoir sur le marché du travail et à donner la priorité aux compétences techniques plutôt qu’aux compétences scientifiques5.
Un déficit de travailleurs très qualifiés peut étrangler la croissance des économies à faible densité. Le niveau de formation constitue un indicateur du niveau moyen de compétences de la population active. La part des travailleurs issus de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire ayant un diplôme universitaire, est plus faible dans les régions caractérisées par une économie à faible densité, tandis que la part de travailleurs ayant un niveau d’éducation ne dépassant pas l’enseignement primaire (indicateur d’une faible qualification de la main-d’œuvre) y est souvent élevée. En d’autres termes, les régions rurales ont souvent une part plus importante de travailleurs peu qualifiés.
Les écarts de compétences entre régions urbaines et régions rurales peuvent être importants. Dans tous les pays membres de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, le pourcentage de travailleurs ayant une formation universitaire dans les régions les plus rurales (TL2) est plus faible que dans les régions les plus urbaines. Au Danemark et en Suède, par exemple, le nombre de travailleurs issus de l’enseignement supérieur est 50 % plus élevée dans les régions les plus urbanisées que dans les régions rurales (graphique 3.8). S’agissant des travailleurs ayant seulement suivi un enseignement primaire, l’écart est beaucoup plus faible en Suède (15 % plus nombreux dans les régions rurales que dans les zones urbaines) qu’au Danemark (36 %). Cette situation contraste avec celle de la Hongrie et de la Grèce, où les économies rurales comptent beaucoup moins de travailleurs issus de l’enseignement supérieur et beaucoup plus de travailleurs ayant seulement suivi un enseignement primaire. Dans deux pays, l’Allemagne et les États-Unis, la part des travailleurs n’ayant pas dépassé le niveau de l’enseignement primaire est plus élevée dans les régions urbaines. En Allemagne, cette situation est liée en partie au clivage historique Est/Ouest et à la part sensiblement moins élevée de travailleurs ayant seulement suivi un enseignement primaire dans les régions (moins peuplées) de l’ancienneAllemagne de l’Est. Elle traduit également le fait que parmi les Länder, trois sont des villes (au sens administratif), et qu’en zone urbaine, beaucoup d’employés se placent soit en bas soit en haut de l’échelle des qualifications. Pour les États-Unis, cette différence est due à quelques États essentiellement urbanisés dont une part importante de la population est d’origine étrangère (voir au chapitre 1 l’examen de l’inclusion et de la migration dans les villes).
La productivité et l’innovation sont directement liées aux caractéristiques des économies à faible densité
Les économies à faible densité sont, presque par nature, caractérisées par une diversification limitée de l’activité économique. Les petites localités et leur modeste population active ne peuvent atteindre la taille critique ni dégager des économies d’échelle dans un grand nombre d’activités. Cela signifie également que les producteurs locaux sont souvent confrontés à l’étroitesse du marché pour leurs intrants : du fait de l’absence de surcapacités sur les marchés, un maillon faible de la chaîne d’approvisionnement peut pénaliser d’autres entreprises de la chaîne. Les fournisseurs défaillants ou sous-performants en matière de qualité ou de prix ne sont pas facilement remplaçables. Le manque de diversification implique donc une vulnérabilité accrue aux chocs externes, notamment ceux qui touchent les secteurs tournés vers l’exportation.
Ces régions affichent donc une faible productivité, sauf dans le secteur primaire, et une activité entrepreneuriale limitée. Les taux de création de nouvelles entreprises sont généralement plus faibles que dans les régions plus denses. Toutes choses égales par ailleurs, les villes offrent aux nouvelles entreprises un « écosystème » plus riche pour leur développement. Par ailleurs, les coûts d’opportunité en cas de défaillance dans les économies denses de grande taille sont souvent moindres (les ressources libérées en cas de défaillance sont plus faciles à affecter à d’autres usages) et, notamment pour cette raison, le coût du capital tend également à être plus faible6. Les taux de survie des nouvelles entreprises, cependant, sont souvent plus élevés dans les économies moins denses car les entrants doivent afficher un niveau de productivité assez élevé pour surmonter les barrières à l’entrée (OCDE, 2011b).
En général, l’activité de brevetage et de recherche-développement formelle est également faible, même si les économies à faible densité peuvent s’avérer étonnamment innovantes, mais d’une manière qui n’est pas prise en compte par les indicateurs traditionnels de l’innovation. Dans les régions rurales plus éloignées, les incitations à l’innovation peuvent être élevées. Les particuliers ou les entreprises peuvent en effet rencontrer des difficultés pour acheter une solution existante à un problème à cause du faible nombre de fournisseurs locaux ou de la difficulté à identifier des fournisseurs potentiels éloignés. Par ailleurs, la distance constitue une barrière à la concurrence qui peut permettre aux entrepreneurs de « capter » ou monopoliser les marchés locaux. Toutefois, à moins que ces entrepreneurs ne soient des producteurs à bas coût ou proposent des produits uniques en leur genre, il leur sera difficile de se développer au-delà de leur marché local.
Le lieu importe car chaque lieu est différent. Cette observation apparemment simple sert de point de départ aux politiques territoriales, qui l’utilisent pour élaborer des initiatives et des interventions en faveur du développement inclusif, robuste et durable des villes, régions et collectivités. Chaque lieu dispose d’actifs et d’attributs uniques, et il importe donc de bien comprendre les caractéristiques géographiques, les contextes et les institutions spécifiques à chaque lieu pour adopter les politiques les plus efficaces et soutenir les acteurs locaux. Cet aspect revêt une importance particulière pour les zones rurales compte tenu de leurs caractéristiques extrêmement diverses et de la structure des économies à faible densité. La section ci-après analyse plus en détail les évolutions variables observées dans les différents types de zones rurales.
Tendances, opportunités et défis pour les zones rurales
Les zones rurales ont souvent un potentiel de croissance élevé, comme le démontrent des travaux empiriques passés sur les déterminants de la croissance régionale, et les résultats détaillés dans la présente section. Il importe de souligner que la performance des régions rurales en matière de productivité a des répercussions sur la performance nationale. De fait, le niveau national de la productivité est la résultante des niveaux régionaux, qui dépendent eux-mêmes de la productivité de chaque entreprise. Le niveau d’activité économique de chaque région rurale est limité, mais leur contribution globale à la croissance nationale est élevée en raison de leur nombre. Par ailleurs, la viabilité des entreprises des régions rurales pourrait être conditionnée à une productivité relativement élevée, dans la mesure où elles doivent compenser des coûts de transport plus importants que leurs concurrentes des régions urbaines. Il se peut donc qu’au-delà de cet effet de nombre, les entreprises des régions rurales contribuent de manière proportionnellement plus élevée à la productivité nationale.
En moyenne, les régions rurales ont enregistré une croissance de la productivité relativement forte, mais elles ont été durement touchées par la récession. Le chapitre 1 montre que l’écart de croissance de la productivité a augmenté dans l’ensemble des régions de l’OCDE, mais ce clivage ne sépare pas les régions urbaines des régions rurales, mais plutôt un petit nombre de régions urbaines et de régions rurales et l’ensemble des autres régions (rurales aussi bien qu’urbaines). Toutefois, en moyenne, les régions rurales affichent un PIB par habitant plus faible et des niveaux de productivité plus faibles que les régions urbaines, et que la moyenne nationale dans leurs pays respectifs. Toutefois, les régions qui ont affiché la meilleure performance en matière de croissance regroupent à la fois des régions essentiellement urbaines et des régions essentiellement rurales. Il semble donc que les mécanismes qui régissent la croissance de la productivité soient accessibles aux régions rurales, et non pas seulement aux régions urbaines.
Sur la période 2000-07, les régions rurales ont affiché une croissance très vigoureuse, avec un taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant d’environ 2.3 %, proche de la moyenne des régions urbaines (2.4 %) et supérieur à celle des régions intermédiaires (2.2 %). Pourtant, si les régions rurales ont enregistré une bonne performance avant la crise financière mondiale, elles ont été les régions les plus vulnérables depuis, avec une baisse annuelle moyenne du PIB par habitant de -1.11 % sur la période 2008-12. Cette volatilité de la performance semble indiquer que les économies rurales sont confrontées à des défis particuliers inhérents aux économies à faible densité (comme nous l’avions vu plus haut). En particulier, le manque de diversification de l’activité économique, les problèmes d’accessibilité, l’absence de taille critique et le vieillissement de la population, lui-même accentué par l’émigration des jeunes, limitent leur résilience.
Évolutions de la productivité régionale
La ruralité n’est pas synonyme de déclin
L’idée très répandue dans les pays membres de l’OCDE selon laquelle « ruralité » rimerait avec « déclin » est totalement fausse. Dans la période qui a précédé la crise financière et économique (2000-07), les régions rurales prises ensemble ont enregistré un taux de progression annuelle moyenne de la productivité de la main-d’œuvre (PIB réel par travailleur) d’un peu moins de 2 %, niveau qui est ensuite retombé à 0.12 % depuis la crise (2008-12) (tableau 3.2). Ce résultat est supérieur aux taux de croissance moyens des régions urbaines et intermédiaires, qui s’élevaient respectivement à 1.7 % et 1.6 % avant la crise. La contraction de la croissance de la productivité depuis la crise a toutefois été plus importante dans les régions rurales que dans les deux autres types de régions, comme le montre également la position relative des régions dans les pays membres de l’OCDE. Les régions urbaines et intermédiaires ont amélioré leur PIB par habitant par rapport à la moyenne de l’OCDE entre 2000 et 2012, tandis que l’écart se creusait avec les régions rurales (tableau 3.2, partie supérieure). Toutefois, cette tendance n’est pas conforme à la réalité de la majorité de la population rurale. Les régionsrurales proches d’une ville ont en effet davantage resserré l’écart en matière de PIB par habitant par rapport à la moyenne de l’OCDE que les régions urbaines et intermédiaires n’ont amélioré leur productivité par rapport à cette même moyenne. De fait, ce sont les régions rurales éloignées qui sont majoritairement responsables de la détérioration de la situation des régions rurales dans leur ensemble.
Les régions rurales proches d’une ville affichent une performance particulièrement élevée
La récession qui a suivi la crise financière a touché les régions rurales éloignées beaucoup plus que les régions rurales proches d’une ville. On peut distinguer deux types de régions rurales selon leur performance. Les régions « essentiellement rurales proches d’une ville » affichaient une croissance de la productivité plus élevée avant la crise et témoignent d’une plus grande résilience depuis lors. En revanche, les économies des régions essentiellement rurales éloignées ont été les plus durement touchées par la crise, avec une chute annuelle du PIB par habitant de -2.5 % en moyenne, soit plus de 2 % de plus que les régions rurales proches d’une ville. Leur productivité a également diminué sur la période 2008-12, quoique moins vite, avec un rythme annuel de déclin de -0.6 % en moyenne. Bien que plus modeste, ce déclin est cependant supérieur d’un bon point de pourcentage à celui des régions rurales proches d’une ville. Cette situation montre que la performance plus faible des régions rurales prises dans leur ensemble est principalement attribuable aux régions rurales éloignées, où l’on a assisté à une contraction de la productivité.
L’attrait des zones rurales proches d’une ville transparaît également dans la croissance démographique. Les régions essentiellement urbaines et les régions intermédiaires ont connu une croissance de leur population plus importante que l’ensemble des régions rurales prises collectivement. Toutefois, ce phénomène est attribuable aux régions rurales éloignées, dont la population a reculé, en moyenne, entre 2000 et 2007, puis a connu une augmentation annuelle de moins de 0.2 % entre 2008 et 2012. La population des régions rurales proches d’une ville a augmenté d’environ 0.6 % pendant ces deux périodes. Ce taux de croissance est modeste, mais il est seulement légèrement plus faible que celui des régions urbaines, et dépasse celui des régions intermédiaires.
La performance varie davantage d’une région rurale à l’autre que dans les régions intermédiaires et urbaines
La performance moyenne des régions masque une grande variabilité. L’évolution dans le temps de l’écart-type de la productivité de la main-d’œuvre indique les différents taux de croissance des régions TL3. Il est plus élevé pour les régions rurales que pour les régions urbaines ou intermédiaires (tableau 3.3). En particulier, les régions rurales éloignées montrent une très grande variabilité, comme en atteste leur coefficient de variation très élevé (rapport entre l’écart type et le taux de croissance moyen). Cette variabilité indique que les régions rurales ont tendance à afficher une performance soit très bonne soit très mauvaise, ce qui est symptomatique des économies très cycliques.
Cette variation est plus marquée encore si l’on s’intéresse à la croissance de la distribution toute entière des régions urbaines et rurales (graphique 3.9). Une densité estimée plus élevée indique qu’une proportion plus importante des régions affiche le taux de croissance spécifié. Dans l’ensemble des types de régions, les taux de croissance annuels moyens sont moins largement répartis sur l’ensemble de la période analysée (2000-12) qu’avant ou que depuis la crise. Sur les trois périodes, les régions rurales proches d’une ville affichent systématiquement une performance supérieure aux régions rurales éloignées, ce qui se traduit par une distribution plus nettement décalée vers la droite (partie supérieure du graphique 3.9). Cela signifie par exemple que parmi les régions rurales proches d’une ville, les 20 % moins performantes ont enregistré une croissance de la productivité plus forte que les 20 % des régions rurales éloignées les moins performantes. Cet écart est plus prononcé encore par rapport aux régions essentiellement urbaines. Pour celles-ci, le pic est plus élevé, signe d’une plus forte concentration autour des taux de croissance moyens que pour les régions rurales éloignées. Ce phénomène s’associe à une distributionplus étroite pour les régions urbaines, qui sont donc moins nombreuses à afficher des épisodes de croissance extrême. La partie gauche des graphiques, qui indique une croissance faible ou un déclin, est en particulier beaucoup moins prononcée dans les régions urbaines que dans les régions rurales éloignées. Cette observation confirme le manque de diversification des économies rurales éloignées.
Les liens entre régions rurales et régions urbaines sont au cœur de la diffusion de la productivité
Les régions urbaines tendent à afficher des niveaux de productivité plus élevés. Le tableau 3.2 montre qu’en 2012, la productivité moyenne des régions urbaines, mesurée par le PIB par habitant, était supérieure de 21 % à la moyenne de l’OCDE pour les régions TL3. Certains des facteurs qui favorisent la productivité urbaine peuvent également profiter aux régions rurales adjacentes. Par exemple, les effets d’agglomération peuvent se diffuser à un espace géographique plus large et atteindre les régions rurales, même lorsque les liens entre régions rurales et régions urbaines ne sont pas particulièrement forts. C’est peut-être l’un des facteurs qui expliquent la performance relativement soutenue des régions rurales proches d’une ville. L’une des principales préoccupations politiques des responsables publics nationaux est de trouver les moyens de stimuler la productivité en favorisant la diffusion des technologies à partir de la frontière. La proximité, renforcée par des liens plus étroits entre milieu rural et milieu urbain, pourrait bien être l’un de ces mécanismes de diffusion.
La forte performance des régions rurales proches d’une ville n’est pas liée uniquement à leur proximité d’une zone urbaine importante. De fait, l’expression « rurales proches d’une ville » fait référence à n’importe quelle ville de plus de 50 000 habitants, ce qui montre le rôle des petites et moyennes villes dans le développement économique des régions rurales. Toutefois, l’accès à cette ville est une condition nécessaire, d’où l’importance des liaisons de transport pour les zones rurales, compte tenu notamment de leur faible densité de population. La moitié au moins de la population d’une région « proche d’une ville » peut avoir accès aux services offerts dans la ville en moins de 60 minutes en voiture, tandis que pour la population des zones rurales « éloignées », la distance est beaucoup plus grande. Toutefois, dans l’un et l’autre cas, « l’emprunt » des avantages d’agglomération des zones urbaines, c’est-à-dire des plus grandes villes de l’OCDE, peut nécessiter de couvrir des distances plus longues. L’accessibilité constitue donc un défi pour toutes les zones rurales, mais semble également jouer un rôle essentiel dans la bonne performance économique des régions rurales proches d’une ville.
Évolution de la productivité parmi les petites régions de l’OCDE (TL3)
Les régions rurales sont bien représentées parmi les régions qui affichent la croissance de la productivité la plus forte, notamment les régions rurales proches d’une ville
Avant la crise, les régions rurales représentaient la moitié des 10 % des régions de l’OCDE affichant la croissance de la productivité de la main-d’œuvre la plus forte. Même après le début de la crise, 40 % des régions en plus forte croissance étaient rurales. Avant la crise, les régions rurales éloignées et les régions rurales proches d’une ville bénéficiaient d’un « potentiel de rattrapage ». Malgré une productivité de la main-d’œuvre relativement faible au départ, elles ont affiché une croissance annuelle de la productivité supérieure à 4 % avant la crise (graphique 3.10). Depuis la crise, une part importante des régions rurales se rattache au groupe des régions affichant la plus forte croissance de la productivité, mais avec une représentation accrue des régions rurales proches d’une ville. Parmi les 10 % des régions TL3 qui enregistraient la croissance la plus forte sur la période avant la crise, la moitié étaient des régions rurales, et les régions rurales proches d’une ville étaient surreprésentées (36 %). Depuis la crise, les régions rurales tombent à 41 % du groupe le plus performant, la baisse la plus marquée touchant les régions rurales éloignées, qui représentent seulement 9 % dece groupe.
La résilience des régions rurales proches d’une ville résulte peut-être des économies de « proximité ». Ainsi que cela a été indiqué plus haut, un lien fort entre régions urbaines et régions rurales adjacentes a peut-être été profitable en période d’expansion économique, mais également en période de déclin, compte tenu de la meilleure capacité des régions urbaines à résister aux crises grâce à deux atouts : des marchés plus profonds et un socle économique plus diversifié. La forte croissance de la productivité observée dans les régions rurales proches d’une ville démontre l’importance des liens entre milieu rural et milieu urbain dans ces régions, dans la mesure notamment où les zones urbaines tendent à afficher les niveaux de productivité de la main-d’œuvre les plus élevés. Les régions rurales éloignées étaient présentes à raison de moins d’une région sur dix parmi les 10 % des régions TL3 de l’OCDE affichant les niveaux les plus élevés de productivité de la main-d’œuvre. Depuis la crise, aucune région rurale éloignée n’appartient à ce groupe de régions très productives, contre 68 % pour les régions urbaines, ce qui démontre l’importance des avantages d’agglomération.
Les régions rurales doivent impérativement mener des stratégies d’amélioration de la productivité, mais la nature de cette amélioration est importante
L’amélioration de la productivité, c’est-à-dire de la production par travailleur, est peut-être la manière la plus efficace d’améliorer la compétitivité des entreprises et des régions pour augmenter les salaires des travailleurs, les débouchés et le bien-être. Toutefois, un mécanisme commun pour améliorer la productivité consiste à substituer le capital au travail dans le processus de production. Dans ce cas, à production constante, il est bien sûr nécessaire de réduire le nombre de travailleurs ou le nombre d’heures travaillées par travailleur. En revanche, une entreprise confrontée à une baisse de son chiffre d’affaires peut licencier des travailleurs, mais cela peut se traduire par une augmentation de la production par travailleur pour ceux qui restent, soit parce que les employeurs éliminent sélectivement les travailleurs les moins productifs, soit parce que le capital de l’entreprise est réparti sur un plus petit nombre de salariés, ce qui peut entraîner une augmentation de la production par travailleur. Ces deux stratégies présentent l’avantage évident de maintenir l’entreprise à flot, mais elles ont des effets négatifs sur la main-d’œuvre locale.
Le processus de modernisation en cours consistant à substituer le capital au travail pourrait aboutir au « paradoxe rural » entraînant pertes d’emplois et déclin régional. Les régions rurales peuvent en effet stimuler la productivité au moyen de suppressions d’emplois. Le « paradoxe », lorsque la croissance de la productivité découle d’une réduction de l’emploi, est que la croissance de la productivité fait obstacle à une voie de développement inclusive et durable au lieu de la favoriser. Cette situation peut entraver assez fortement la résilience de milieux ruraux à moyen et à long terme. Si les travailleurs licenciés quittent la région, le marché du travail déjà modeste se rétrécit davantage, ce qui a de graves conséquences pour les perspectives de développement de la région. À cet égard, le « paradoxe rural » peut rendre les régions rurales victimes de leur propre succès.
Dans la plupart des cas, la hausse de la productivité est associée à une hausse de l’emploi
Le « paradoxe rural » n’est toutefois pas la règle. Une amélioration de la productivité peut aboutir à une hausse des volumes de production pour les entreprises et la région concernées, soit à travers des gains de parts de marché, c’est-à-dire par l’élimination des entreprises peu productives aux coûts élevés, soit par une augmentation générale de la demande sectorielle due à une baisse des prix ou à une amélioration de la qualité des produits. Une amélioration de la productivité est alors associée à une hausse de l’emploi.
L’analyse sur la période 2000-12 ne révèle aucun signe de « paradoxe rural » généralisé, mais depuis la crise de 2007-08, les régions rurales ont du mal à bénéficier à la fois d’une amélioration de la productivité et d’une hausse de l’emploi. La majorité des régions TL3, tant rurales qu’urbaines, qui ont enregistré une croissance de leur productivité avant la crise, ont également connu une croissance du PIB par habitant et de l’emploi. En particulier, 69 % des régions rurales proches d’une ville et 64 % des régions rurales éloignées ont bénéficié d’une amélioration de la productivité et de l’emploi (graphique 3.11). Une corrélation positive entre croissance du PIB par habitant et croissance de l’emploi est observable à la fois avant et depuis la crise. La différence principale entre les deux périodes est un déplacement de la distribution toute entière d’une évolution principalement positive du PIB par habitant et de l’emploi vers une situation de croissance pratiquement nulle, ce qui se traduit par une concentration des régions autour de l’origine du graphique 3.11 (partie inférieure). Depuis la crise, le nombre de régions rurales affichant une évolution positive à la fois de la productivité etde l’emploi est tombé à 36, c’est-à-dire à seulement 13 % des régions rurales, contre 192 (67 %) avant la crise.
Parmi les régions rurales, ce sont celles qui sont proches des villes qui bénéficient généralement d’une augmentation simultanée de la productivité et de l’emploi
La plupart des régions rurales dynamiques proches d’une ville obtiennent simultanément une amélioration de la productivité et de l’emploi. Toutefois, la crise économique et financière de 2007-08 a conduit à une baisse du PIB et de l’emploi. Les régions ayant connu une augmentation de leur PIB par habitant en même temps qu’un recul de l’emploi sont plus nombreuses sur la période précédant la crise (graphique 3.12). En particulier, beaucoup de régions rurales éloignées ont subi un double déclin, de leur PIB par habitant et de l’emploi, dans la foulée du choc mondial intervenu en 2007-08. Depuis la crise, seules 6 % des régions rurales éloignées ont enregistré simultanément une amélioration de la productivité et de l’emploi, contre 16 % pour les régions rurales proches d’une ville. Cette évolution pourrait être la confirmation de l’importance du secteur des exportations pour les régions rurales, qui était à l’origine du cycle vertueux de hausse du PIB et de l’emploi avant la crise, mais qui a été sévèrement touché par l’effondrement du commerce mondial dans les années qui ont suivi le choc de 2007-08.
Les facteurs clés à l’origine de ces évolutions sont l’accumulation de capital (physique et humain) et le rythme d’innovation
Dans une économie mondialisée, les entreprises et les régions sont confrontées à la concurrence internationale, et leur compétitivité dépend fortement de leur productivité. La performance régionale dépend d’une série de facteurs interdépendants, notamment la géographie, la démographie, la spécialisation, les institutions, le capital physique et humain, et la capacité d’innovation (OCDE, 2009 ; voir également chapitre 1). Certains facteurs sont liés à l’articulation réglementaire et macroéconomique nationale qui peut favoriser la compétitivité de certaines régions au sein d’un pays. D’autres facteurs, cependant, dépendent de spécificités régionales, notamment l’accumulation de capital physique et humain, et le rythme d’innovation.
L’analyse ci-après s’intéresse aux facteurs de réussite des régions rurales. Les données disponibles permettent d’identifier plusieurs caractéristiques régionales relatives à l’économie, au marché du travail (taux d’emploi, taux de chômage et taux d’activité), à la démographie (densité de population et taux de dépendance des personnes âgées) et à la spécialisation sectorielle (secteur manufacturier et secteur des exportations). Pour inclure le plus grand nombre possible de régions dans l’analyse, la période précédant la crise est limitée à 2004-07. Avant et depuis la crise, les régions qui réussissent sont définies ci-après en fonction du taux de croissance de la productivité de leur main-d’œuvre. Le groupe des régions qui réussissent correspond aux 40 % des régions qui affichent la croissance de la productivité de la main-d’œuvre la plus forte, et le groupe de régions en échec désigne les 40 % du bas de la distribution.
Les activités favorisant la production de biens et services échangeables stimulent de manière essentielle la productivité des régions rurales
En tête des caractéristiques qui départagent les régions rurales qui réussissent et celles qui ne réussissent pas figure l’importance du secteur des biens échangeables (tableau 3.4 et graphique 3.13). Avant la crise, parmi les régions qui réussissent, la contribution du secteur industriel à la production totale était de 24 % dans les régions rurales proches d’une ville, et de 20 % dans les régions rurales éloignées. Ces chiffres sont sensiblement plus élevés que la contribution des activités manufacturières, de 16 % et 11 % respectivement, dans les régions rurales en échec. Cet écart conforte les résultats du chapitre 1 qui met en évidence le rôle du secteur des biens échangeables dans la croissance de la productivité. Pour les régions rurales, le secteur manufacturier a une influence très marquée sur la productivité. Toutefois, d’autres secteurs exportateurs apportent également une contribution, comme on l’observe dans les régions rurales proches d’une ville, où le secteur des exportations est responsable de 40 % de la production dans les régions qui réussissent, contre 29 % dans les autres. Cette différence confirme l’importance des activités d’exportation par la performance globale des régions rurales, qui sont dépourvues d’un marché interne de grandetaille et dont le secteur des services affiche une productivité plus faible en l’absence d’économies d’agglomération. Les politiques rurales qui ont en commun de stimuler les activités manufacturières et les autres secteurs exportateurs sont donc très pertinentes.
L’importance des écarts en matière de contribution des secteurs des produits échangeables contraste avec le faible écart quant aux caractéristiques du marché du travail, signe que certaines difficultés démographiques brident la croissance. L’écart est faible en matière d’emploi, de chômage et de taux d’activité entre les 40 % des régions du haut de la distribution et les 40 % du bas de la distribution, à la fois pour les régions rurales proches d’une ville et pour les régions rurales éloignées, et aucune tendance nette ne se dessine (tableau 3.4 et graphique 3.13)7. Le taux de dépendance des personnes âgées (population totale des personnes âgées de plus de 65 ans par rapport à la population active) est plus élevé dans les régions en échec, témoignant d’un potentiel goulet d’étranglement de la croissance rurale. La densité de population (notamment dans les régions rurales éloignées) est également un trait distinctif des régions qui réussissent. L’importance de la densité de population pour la performance économique des régions rurales semble indiquer qu’un niveau « minimal » de densité est indispensable pour pouvoir profiter d’économies d’échelleet atteindre la taille critique pour la fourniture des biens et services. Ce facteur aide également à comprendre pourquoi les régions rurales proches d’une ville affichent généralement une performance supérieure aux régions rurales éloignées. Les politiques publiques pour les régions rurales éloignées, parallèlement à la promotion des secteurs exportateurs, doivent aussi favoriser les connexions entre milieux isolés.
Les régions rurales éloignées ont davantage souffert de la crise financière que les régions rurales proches d’une ville
L’analyse de la période 2008-12 donne une indication de la résilience des économies rurales face à la crise mondiale. La spécialisation sectorielle ne semble pas avoir d’incidence pour les régions rurales proches d’une ville. Dans les groupes des régions les plus performantes et les moins performantes, les secteurs exportateurs et les activités manufacturières semblent apporter des contributions équivalentes à la valeur ajoutée brute (VAB), à 36 % et 22 % respectivement (tableau 3.5 et graphique 3.14). Cette absence de différence est peut-être liée à la chute des échanges internationaux et de la demande mondiale, qui a réduit l’importance des secteurs exportateurs pour la croissance. Cela semble indiquer que la spécialisation des secteurs exportateurs peut stimuler la productivité, mais que les régions rurales restent vulnérables aux crises mondiales affectant les flux commerciaux internationaux, telles que le choc mondial de 2007-08 et la période de récession qui l’a suivi.
Les régions rurales éloignées présentent un tableau différent, les régions ayant le mieux résisté étant celles pour lesquelles la part de la VAB du secteur des biens échangeables a été la plus faible. Les résultats en matière de densité de population semblent signaler une évolution de la performance régionale, les régions qui étaient les plus dynamiques avant la crise étant lourdement pénalisées depuis le choc mondial de 2007-08, tandis que les régions qui affichaient une performance médiocre avant la crise semblent avoir mieux résisté depuis la crise. Cependant, on est en droit de douter que les régions les plus éloignées parviennent à maintenir durablement cette bonne performance. En effet, ces régions se caractérisent par une densité de population plus modeste et par une contribution plus faible des secteurs exportateurs à l’économie régionale, de sorte que cette bonne performance reflète sans doute l’importance du secteur public dans l’économie régionale et le financement de cette dernière par des transferts de l’échelon central, lesquels sont (par nature) moins dépendants du cycle d’activité et moins sensibles aux chocs macroéconomiques – au moins à court terme.
Conclusion
Le présent chapitre développe l’idée, avancée au chapitre 1, que la productivité peut s’améliorer dans tous les types de régions, et s’intéresse plus particulièrement aux régions rurales de l’OCDE. Pour comprendre la dynamique de croissance des régions rurales, il importe en premier lieu d’identifier les différents types de régions rurales, car les différentes conditions qui prévalent dans ces régions ont une incidence sur leur potentiel de croissance. À cette fin, le présent chapitre introduit l’idée d’une « économie à faible densité » mettant en évidence l’importance des petits marchés régionaux, de l’éloignement physique et du rôle du contexte local pour les zones rurales. L’OCDE emploie désormais une typologie des régions fondée sur la distance physique par rapport à un centre urbain et sur la connexion à ce centre pour classer les zones rurales en trois catégories. Les possibilités et les contraintes en matière de développement varient considérablement entre ces trois catégories, et peuvent conduire à des écarts de performance relative.
Des éléments empiriques mettent en évidence le fort potentiel de croissance des régions rurales, mais montrent également que d’importants écarts de performance existent entre les différents types de régions rurales. Les régions rurales proches d’une ville ont eu de meilleures performances de croissance de la productivité que les régions urbaines, tant avant que depuis la crise financière. En revanche, les régions rurales éloignées ont enregistré une performance beaucoup plus faible, ce qui démontre le poids des effets d’entraînement entre régions urbaines et régions rurales adjacentes, et la nécessité de mieux identifier les liens entre milieu rural et milieu urbain. Cet élément est particulièrement important du point de vue de la résilience des économies rurales, dans la mesure où depuis la crise de 2007-08 le principal élément qui distingue les régions rurales qui réussissent des autres semble être la proximité d’un centre urbain.
Les activités d’exportation semblent jouer un rôle clé dans la performance des régions rurales, comme on l’a vu pour tous les types de régions au chapitre 1. Avant la crise, l’élément principal différenciant les régions qui réussissaient des autres régions était la présence d’activités d’exportation (agriculture, activités manufacturières, énergie, industrie minière, services financiers et services aux entreprises). Dans les régions rurales, qu’elles soient proches ou éloignées d’une ville, les activités d’exportation apportent systématiquement une part plus importante de la VAB pour les régions qui réussissent. Par ailleurs, parmi les régions rurales éloignées, celles qui réussissent affichent une densité de population plus élevée, ce qui semble indiquer que pour réussir, les économies à faible densité doivent atteindre un certain niveau de densité. L’amélioration de la productivité dans les régions rurales peut également revêtir un caractère inclusif et durable, puisque la majorité des régions rurales dynamiques enregistrent à la fois une amélioration de la productivité et des créations d’emplois.
La croissance est possible dans les régions rurales et certaines affichent même des taux de croissance de la productivité très élevés, néanmoins leur performance est le plus souvent médiocre. Les conditions de la croissance décrites plus haut sont rarement toutes réunies, et les politiques publiques visant les régions rurales doivent veiller à ce qu’elles le soient. Le chapitre 4 tente d’identifier un cadre pour la politique rurale – une politique rurale 3.0 – inspiré des idées du Nouveau paradigme rural (OCDE, 2006) pour améliorer la performance économique des régions rurales, afin qu’elles puissent pleinement contribuer à la croissance nationale, et pour réduire les niveaux actuels d’inégalité d’aménagement du territoire.
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Le test de la différence des moyennes permet de déterminer la fiabilité statistique des différences observées dans les valeurs moyennes de différents types de régions.
En 2015, la base de données régionale de l’OCDE a été mise à jour d’après la révision de 2008 du Système de comptabilité nationale (SCN 2008), et une nouvelle année de base (2010) a été prise en compte afin d’intégrer les indicateurs de valeur réels. Une mise à jour des indicateurs régionaux est en cours si bien que la nouvelle série couvre moins de pays membres de l’OCDE que l’ancienne. Le texte utilise le nouveau système de comptes (SCN 2008) qui, même s’il couvre un nombre plus limité de régions, permet de meilleures comparaisons internationales. De plus, il est plus aisément vérifiable dans la mesure où les données utilisées pour la révision antérieure (SCN 1993) ne sont plus librement accessibles.
Néanmoins, en vue de confirmer et de vérifier la fiabilité des résultats qui s’appuient sur le SCN 2008, les mêmes statistiques sont calculées à partir de la définition SCN de 1993, en utilisant le plus grand nombre de régions disponibles dans la révision précédente. La principale différence entre les deux séries est l’absence des régions de la Corée, de l’Italie, du Japon et de la Norvège dans la nouvelle version. Cette absence est due au décalage temporel dans le processus de mise à jour, et ces statistiques seront disponibles prochainement. Le tableau 3.A2.1 montre que même si le nombre total de régions est différent (788 au lieu de 868), la distribution des régions selon les typologies régionales est assez similaire. La comparaison montre par ailleurs que les principaux résultats discutés dans ce chapitre sont également présents dans les données SCN 1993 (tableau 3.A2.2).
Notes
← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
← 2. Pour classer les régions de niveau NUTS 3, la typologie urbaine-rurale de l’Union européenne (UE) se fonde sur une approche comportant trois étapes. La définition des zones rurales s’appuie sur : l’identification des populations dans toutes les zones situées hors des regroupements urbains ; la classification des régions de niveau NUTS 3 sur la base de la part de leur population résidant en zone rurale ; et la distinction entre régions essentiellement rurales et régions intermédiaires. Voir : Eurostat (n.d.), Urban Rural Typology, (consulté le 20 juin 2016).
← 3. Cette approche diffère de celle de l’OCDE à trois égards : i) elle prend en compte non seulement la densité de population mais aussi la part de la surface agricole en tant que variable discriminante ; ii) la classification s’opère au niveau de l’unité administrative (niveau communal), tandis que la méthode de l’OCDE se fonde sur la région de niveau TL3 (provinces dans le cas présent) ce qui pose plusieurs problèmes intrinsèques d’hétérogénéité ; et iii) la classification est effectuée selon des critères géographiques (montagnes, collines et plaines), afin de prendre en compte les différents atouts naturels et les ressources offertes par le sous-sol.
← 4. Une des conséquences de cette situation est que les estimations de productivité parhabitant ont tendance à présenter les régions rurales sous un jour moins favorable que les estimations par travailleur.
← 5. Les effets du capital humain sur la productivité peuvent seulement être évalués pour les régions de niveau TL2, à cause du manque de données – inexistence des indicateurs de capital humain au niveau régional inférieur (notamment au niveau TL3 utilisé tout au long du présent chapitre). La typologie de l’OCDE, qui identifie principalement les régions essentiellement urbaines, intermédiaires et essentiellement rurales, n’est pas disponible au niveau TL2. Pour pallier cette carence et établir le lien entre résultats scolaires et caractéristiques rurales, la présente analyse utilise un indice de ruralité qui prend en compte la part de la population régionale vivant dans les zones rurales. Elle définit quatre catégories de régions de niveau TL2, depuis celles dont la plus grande part de la population vit dans des communautés rurales jusqu’aux régions où cette part est la plus faible.
← 6. Les prêteurs doivent toujours considérer la valeur potentielle des sûretés : dans une économie plus dense, elle doit être plus élevée parce que les possibilités de réallocation des actifs sont d’autant plus grandes que les marchés sont profonds. Pour prendre un exemple simple, si un emprunteur construit une usine dans une grande ville puis dépose le bilan, il sera plus facile de revendre les bâtiments et le terrain dans des conditionsavantageuses que s’il construit la même usine dans une petite ville, où elle pourrait être laissée vide et à l’abandon pendant une période prolongée.
← 7. L’analyse descriptive illustre les différents aspects qui, en moyenne, caractérisent les régions rurales en croissance forte ou faible, et qui peuvent donner une indication des facteurs stimulant la croissance de la productivité de la main-d’œuvre. Une analyse plus approfondie est nécessaire pour établir un véritable lien de cause à effet entre les caractéristiques et la croissance effective.