Synthèse

Les régions ont leur rôle à jouer dans la mise en place d’économies productives et de sociétés inclusives. Cette troisième édition des Perspectives régionales de l’OCDE montre qu’une double évolution est intervenue au cours des deux dernières décennies au sein de la zone OCDE : alors que les écarts sur le plan du PIB par habitant se sont resserrés entre les pays, les écarts sur le plan du revenu se sont creusés entre régions, villes et habitants d’un même pays. Désormais, les régions et les villes en pointe sont davantage en concurrence avec leurs équivalents étrangers qu’avec les régions et les villes de leur propre pays. Certes, il existera toujours des écarts interrégionaux, mais les régions à la traîne ont des possibilités de « rattrapage » sur le plan du développement social et économique. Favoriser ce rattrapage peut permettre aux pays de gagner sur deux plans à la fois : celui de la productivité globale et celui de l’inclusion.

Si les habitants de la zone OCDE vivent en majorité en zone urbaine, les régions rurales proches d’une ville ainsi que les régions rurales éloignées ont de nombreuses contributions à apporter à la prospérité nationale. Ces Perspectives proposent un coup de projecteur sur ces régions à faible densité et montrent en quoi les pays doivent repenser leur développement rural afin de mieux exploiter le potentiel de l’ensemble des régions rurales, au service d’une plus grande productivité.

Les villes, les régions et des politiques nationales territorialisées ont aussi un rôle important à jouer lorsqu’il s’agit de répondre aux ambitions des Objectifs de développement durable (ODD), de l’Accord de Paris de la COP21 et d’Habitat III, entre autres. Une plus grande participation des régions et des villes permet à leurs habitants de mieux se faire entendre dans ce cadre, ainsi que dans le cadre d’autres grandes initiatives mondiales. Territorialiser les objectifs et leur évaluation permettra de sensibiliser la population, de trouver des solutions adaptées aux situations locales et de veiller à ce qu’aucune région ou ville ne soit négligée.

Principales conclusions

  • Au sein des frontières nationales, l’écart de productivité entre les régions s’est creusé au cours des deux dernières décennies, car les régions de tête ont distancé les autres. Sur le territoire national des pays membres de l’OCDE, l’écart entre les régions de la tranche supérieure des 10 % et les régions de la tranche inférieure des 75 % sur le plan du PIB moyen par employé s’est creusé de près de 60 %, passant de 15 200 USD à 24 000 USD. Par conséquent, un habitant de la zone OCDE sur quatre vit dans une région qui accumule du retard par rapport aux régions les plus productives de son pays.

  • Le rattrapage limité s’explique, pour partie, par la coexistence de schémas différents au sein des pays, dont il ressort que les régions très productives peuvent susciter un rattrapage dans le reste du pays, sans que cela ne soit toutefois systématique. Environ les trois quarts des régions très productives sont urbaines, mais les zones urbaines ne représentent que le quart des régions en phase de rattrapage. Si les taux de croissance actuels se maintiennent, les régions en phase de rattrapage et les régions très productives ne parviendront pas aux mêmes niveaux de productivité avant 2050. Quant aux régions divergentes, pour rattraper les régions de tête d’ici 2050, il faudrait que leur productivité progresse de 2.8 % par an, c’est-à-dire à un rythme quatre fois plus rapide qu’à l’heure actuelle.

  • Au lendemain de la récente crise, les régions rurales qui sont proches d’une ville se montrent plus dynamiques et résilientes que les régions rurales éloignées. Les régions rurales proches d’une ville abritent plus de 80 % de la population rurale, et l’évolution de leurs revenus et de leur productivité ressemble davantage à celle que connaissent les régions urbaines. Sur la période qui avait précédé la crise (2000-07), plus des deux tiers des régions rurales avaient vu progresser aussi bien leur productivité que leur niveau d’emploi. Sur ces deux fronts, les régions rurales éloignées n’ont pas été en mesure de se remettre de la crise de 2008-12.

  • Les secteurs exportateurs semblent constituer un facteur de rattrapage important pour la productivité des régions aussi bien urbaines que rurales, malgré leurs dynamiques de croissance différentes. Dans les régions en phase de rattrapage, on constate un poids économique plus important de ces secteurs (surtout les secteurs des services, de la production manufacturière, de l’extraction minière et des services aux collectivités) ; ce poids a augmenté au fil du temps et s’établit désormais à près de 50 % de leur production totale, contre le tiers seulement dans les régions divergentes.

  • Une bonne gouvernance joue également un rôle important dans la productivité. Une enquête menée à l’échelle européenne sur la qualité des institutions a permis de révéler que ce sont les régions les plus productives qui bénéficient d’une meilleure qualité des institutions, tandis que cette dernière s’est améliorée dans les régions en phase de rattrapage. De bons dispositifs de gouvernance pour la gestion des investissements publics peuvent réduire les pénalités sur le plan de la productivité et de l’inclusion associées au morcellement des administrations locales, surtout dans les zones métropolitaines.

  • Les écarts interrégionaux sont plus marqués quand on prend en compte les divers aspects du niveau de vie, plutôt que le seul revenu. Un indicateur combinant revenu, santé et emploi révèle que certaines régions peuvent souffrir d’un retard pour plusieurs aspects du bien-être, et ce, simultanément. Au sein des villes, qui abritent aussi bien des emplois très qualifiés que peu qualifiés (« du banquier au barman »), les inégalités de revenus sont généralement plus marquées qu’à l’échelle nationale. Des politiques complémentaires sont importantes pour veiller à ce que les gains de productivité profitent aux différents groupes sociaux et aux différents territoires, y compris dans l’enceinte des villes.

Principales recommandations

Il n’existe pas de solution simple pour relever ces défis régionaux sur les terrains de la productivité et de l’inclusion, mais une action publique peut être menée selon plusieurs axes pour favoriser la productivité, l’inclusion ou les deux à la fois :

  • Pour en tirer tous les bénéfices, il faudrait compléter les réformes structurelles menées, par exemple, sur le marché du travail et les marchés de produits par des politiques adaptées aux territoires. Les réformes structurelles peuvent produire des incidences différentes selon les régions. Une réglementation plus restrictive du marché du travail, mesurée à l’aune d’indicateurs de protection de l’emploi, tend à davantage pénaliser les régions rurales, dont les marchés de l’emploi sont limités, que les villes. De même, une amélioration de l’offre de transports permet d’accroître la taille effective d’un marché du travail, ce qui peut compléter une réforme du marché du travail afin d’en renforcer les incidences.

  • Il faudrait que les politiques de développement régional cherchent avant tout à favoriser la productivité et la croissance dans toutes les régions par des investissements stratégiques plutôt que par des subventions. Toutefois, la part de l’investissement public dans les dépenses publiques a décliné au cours des deux dernières décennies, passant de 9.5 % à 7.7 %. Il faudrait mettre davantage l’accent sur le renforcement des capacités des administrations infranationales, qui réalisent 59 % de l’investissement public. Les investissements qui favorisent la diffusion de l’innovation et des bonnes pratiques à l’ensemble des secteurs et des entreprises au sein du territoire d’une région et au-delà offrent la possibilité de faire progresser la productivité. Si, dans de nombreux pays, des politiques sont menées pour réduire les écarts entre les régions, il convient d’éviter d’entraver la croissance des régions les plus productives.

  • Il faudrait que les politiques de développement urbain tiennent compte du fait que les villes sont interconnectées au sein d’un « système urbain » dans chaque pays. Plusieurs pays font état de réformes récentes ou à venir de leur politique urbaine nationale. Si ces politiques visent généralement avant tout à réduire les coûts sociaux et environnementaux au sein des villes, elles peuvent également prendre en considération le rôle économique des villes, leurs articulations locales et interrégionales au sein d’un système national et leur aptitude à favoriser une innovation qui devrait bénéficier à l’économie dans son ensemble.

  • En matière de développement rural, il faudrait passer à la « politique rurale 3.0 ». Des progrès sont observables en ce qui concerne le dépassement d’une simple logique du soutien à l’agriculture afin de tenir compte de la diversité des régions rurales et de l’importance de la connexion avec les zones dynamiques. La politique rurale 3.0 met l’accent sur le renforcement des avantages concurrentiels des territoires, grâce à des investissements intégrés, à des services locaux adaptés, à la participation locale et à un développement ascendant.

  • Les dispositifs de gouvernance adoptés pour la mise en œuvre (le « comment ») des politiques territorialisées sont d’une importance cruciale. Dans de nombreux pays, des réformes des administrations infranationales ont été entreprises afin que les politiques soient menées au bon échelon, ou bien pour réaliser des économies d’échelle au niveau des investissements et de la prestation de services. Les pays continuent de tester de nouvelles façons de gérer leur politique de développement régional et leurs investissements publics à tous les échelons administratifs afin d’agir de façon coordonnée dans les différents domaines de l’action publique pour tirer parti des complémentarités et réaliser les arbitrages nécessaires.