Chapitre 11. L’accord de Paris sur le climat et ses suites : Transposer les projets écologiques locaux à une plus grande échelle1
L’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030 appellent à multiplier les projets d’infrastructures vertes. Cependant de tels investissements ne sont pas réalisables sans la participation financière du secteur privé. Depuis quelques années, R20 Regions of Climate Action s’emploie à trouver des solutions en coopérant avec les décideurs au niveau local et régional, les entreprises technologiques et les investisseurs à l’élaboration de projets susceptibles d’attirer des concours financiers dans différents domaines de l’économie verte, de la production d’énergie à la gestion des déchets. Ce chapitre présente plusieurs programmes et instruments financiers, dont les nouveaux fonds de pré-investissement qui sont utilisés pour la mise en œuvre, à l’international, des projets à l’appui de ces nouveaux objectifs mondiaux.
L’Accord de Paris et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 : Les changements attendus
L’engagement politique international souscrit dans le cadre de la COP21 constitue le premier plan d’action complet et mondial face à la menace que représente le changement climatique. Dans son sillage, les décideurs à l’échelon national et local seront poussés à mettre en place des politiques à visée écologique, favorisant les technologies propres, une plus grande sécurité énergétique, la création d’emplois verts, et l’amélioration de la santé publique et de la salubrité de l’environnement. La mise en œuvre de l’Accord de Paris et la concrétisation des Objectifs de développement durable définis dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 supposeront une transformation générale des infrastructures partout dans le monde. La transition vers une énergie propre nécessitera d’accélérer l’adoption de solutions sobres en carbone : au cours des prochaines décennies, ce processus pourrait bouleverser le paysage économique local et mondial.
Les défis et les opportunités de l’économie verte
Paradoxalement, dans bien des cas, alors même que la transition énergétique figure au nombre des priorités politiques, les pouvoirs publics ne disposent pas des informations pertinentes qui leur permettraient de prendre les meilleures décisions. De même, les administrations, faute de connaissances techniques et financières suffisantes, peinent à mener à bien la mise en œuvre et les processus internes.
Parallèlement, les acteurs économiques se disputent les marchés, ne cessant d’innover et de concevoir de nouveaux produits et services verts. Les décideurs ont donc le choix entre un vaste éventail de technologies, mais pour pouvoir prendre des décisions éclairées, il leur faut bien comprendre les solutions disponibles. Il est donc nécessaire de disposer d’études de faisabilité de pointe, de nature à apporter aux décideurs des outils d’aide à la décision indispensables et à décrire les perspectives financières d’un projet en vue d’attirer les investisseurs.
Le monde de la finance s’intéresse de plus en plus à l’idée d’une réorientation des capitaux de l’économie carbonée vers l’économie verte. Cependant, en l’absence de facteurs d’atténuation des risques, sous forme de soutien politique, de solutions techniques fiables et de montages financiers performants (études de faisabilité), les investisseurs arguent que les projets verts financièrement viables sont rares, si ce n’est inexistants.
Il existe pourtant de réelles possibilités de mettre au point des projets susceptibles d’attirer des concours financiers, conçus en partenariat avec des entreprises technologiques et soutenus par des responsables de l’action publique de manière à réduire les risques et à ouvrir la voie à des investissements massifs dans l’économie verte.
Les réalisations et la vision du R20
Au cours de sa première phase d’action, celle de la mise en œuvre (2011-15), le R20 a démontré qu’en collaborant avec des décideurs, des entreprises technologiques et des investisseurs, il était possible de recenser, de concevoir, de financer et de mettre en œuvre des projets viables sur le plan financier. Parmi les exemples figurent des projets de gestion des déchets en Algérie, de production d’électricité solaire photovoltaïque au Mali (50 mégawatts) et d’éclairage public à base de LED au Brésil, pour des dépenses d’investissement cumulées d’un montant total de 1 milliard USD (graphique 11.1).
Transposer l’action climatique locale à l’échelle mondiale
Parallèlement, tout au long de l’année 2015, le R20 a collaboré avec l’Université de Yale, la Stanley Foundation et l’USC Schwarzenegger Institute dans le cadre de la rédaction d’un rapport intitulé « Scaling Up – Local to Global Climate Action » qui recense des exemples d’États fédérés, de régions et de villes ayant pris des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et montre que lorsque ces actions sont transposées à l’échelle du pays, elles permettent d’atteindre d’ambitieux objectifs de réduction des émissions au niveau national. Le rapport démontre que les actions menées à l’échelon infranational ont le potentiel de contribuer aux efforts nationaux et d’en relever le niveau d’ambition.
Afin d’illustrer l’importance de l’action climatique au niveau infranational, l’équipe de recherche de l’Université de Yale a sélectionné cinq à dix études de cas relevés dans des pays prioritaires, dont les grandes économies émergentes comme la République populaire de Chine et l’Inde, mais aussi des pays développés comme les États-Unis et des pays de l’Union européenne, afin de démontrer clairement que si un pays mettait en œuvre une politique infranationale donnée à l’échelle de l’ensemble de son territoire, il obtiendrait des réductions d’émissions plus importantes et pourrait atteindre les objectifs fixés. Ce rapport2 a été présenté à l’occasion de la COP21, à Paris, lors de la « Journée des villes et des gouvernements locaux ». Il est accessible en ligne afin d’être diffusé et d’aider à mettre en lumière l’impact de l’action climatique infranationale et de montrer la voie à suivre.
Financement climatique : Rapport d’étape et plan d’action
À la demande du Président français M. François Hollande et du ministre français des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, Président de la COP21, un rapport intitulé « Climate Finance: A Status Report and Action Plan » a été présenté par Arnold Schwarzenegger, le R20 et l’USC Schwarzenegger Institute à l’occasion de la COP21 à Paris. Ce rapport propose une feuille de route complète pour relever efficacement le défi du financement climatique. Il fournit des exemples d’administrations (infranationales et nationales) favorables à l’action climatique dans diverses régions du monde, ayant à disposition des technologies sobres en carbone matures et des capitaux importants, qui démontrent aussi la nécessité de faire intervenir des intermédiaires pour assurer la convergence des intérêts et concevoir les projets. Le rapport conclut en proposant des solutions concrètes pour l’avenir, qui pourront aussi servir de tremplin à la mise en œuvre de solutions de financement climatique « post COP21 »3. Ce rapport a été salué par Big Path Capital comme l’une des dix études les plus pertinentes au carrefour du changement climatique et de la finance. Il a fait l’objet d’un article dans la publication « The Smarter Money Review: Winter issue », à l’occasion d’une éditionspéciale rassemblant des contributions signées de professionnels réputés de l’investissement à impact positif.
Le Plan d’action du R20 pour 2016-20
Tirant profit des réalisations accomplies au cours de cette première phase, et dans l’optique de contribuer à remplir les engagements internationaux souscrits dans le cadre de l’Accord de Paris, le R20 a lancé une stratégie pour la deuxième phase, couvrant la période 2016-20, qui vise à accélérer la transition vers l’économie verte à l’échelle mondiale. Sur le plan méthodologique, le R20 s’en remet à son modèle d’élaboration de projets, qui a fait ses preuves au cours de la première phase (graphique 11.2).
Phase I (2011-15) : Projets expérimentaux et modèle d’élaboration des projets
Phase II (2016-2020) : Phase de montée en puissance – formation et accélération du financement
Fort du succès de ses projets expérimentaux, le R20 s’emploie à contribuer à libérer le potentiel des projets d’infrastructures vertes dans le monde. Pour ce faire, deux éléments catalyseurs doivent être réunis : i) un écosystème de financements mixtes composé d’organisations philanthropiques, de fonds bilatéraux et multilatéraux, de fonds de capital-investissement, de fonds de pension et de fonds souverains, de capitaux empruntés ; et ii) un programme de formation et de renforcement des capacités à l’intention des responsables nationaux et infranationaux, destinés à leur apporter les connaissances, les outils et les compétences nécessaires pour stimuler la transition vers l’économie verte.
Les instruments financiers du R20
Dans une première étape, le R20 a donné corps au concept de fonds de pré-investissement (FPI) afin de fournir aux investisseurs un portefeuille de projets financièrement viables dans différentes régions et différents secteurs (actuellement les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la gestion des déchets). Ces fonds sont structurés comme des fonds de crédits renouvelables, le capital initial servant à financer les études de faisabilité. Le R20 met actuellement en place des fonds de pré-investissement spécifiquement dédiés à des projets à grande échelle : solaire PV en Afrique subsaharienne, gestion des déchets, initiative « Faithful cities », etc. Le capital de ces fonds de pré-investissement varie entre 3 et 10 millions USD.
Afin de procurer aux projets élaborés dans le cadre d’un fonds de pré-investissement une source de capitaux qui leur soit propre, le R20 propose parallèlement un dispositif d’accélérateur de l’investissement vert (Green Investment Accelerator Fund, GIAF). Le GIAF fournit un capital initial qui permet de mettre en relation des promoteurs de projets et des intermédiaires capables d’atténuer le risque des transactions et d’assurer la viabilité financière des projets. Le GIAF agit comme un accélérateur, et contribue à donner un coup de pouce aux transactions et à déverrouiller l’accès à d’importantes sources de capitaux. Le GIAF envisage de lever 1 milliard USD.
Le programme de formation et de renforcement des capacités du R20
S’inspirant de son modèle d’élaboration de projets, le R20 met aussi au point un programme de formation à l’intention des décideurs nationaux et locaux, destiné à renforcer leurs compétences en gestion de projets. L’objectif est de les aider à devenir des « facilitateurs/coordinateurs » de la transition vers l’économie verte, et de constituer une vaste plateforme de projets financièrement viables.
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Il est impératif de travailler dans le cadre de partenariats et de réseaux, plutôt qu’en silos. Il faut pour cela que des facilitateurs rassemblent des parties prenantes de différents horizons, qui puissent dispenser des conseils sur les mesures à prendre et lever les points de blocage rencontrés lors de l’élaboration des projets.
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Des facilitateurs formés doivent pouvoir apporter un soutien au cours des processus d’élaboration des projets, notamment en identifiant les possibilités existantes, en sélectionnant les technologies adaptées et en utilisant les mécanismes financiers (FPI) pour réaliser les études de préfaisabilité.
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Ils doivent comprendre le monde de la finance et porter les projets jusqu’à la phase de l’investissement : toute la difficulté est de faire en sorte que les projets financièrement viables proposés aux investisseurs obtiennent bel et bien le financement prévu et soient mis en œuvre à l’échelle mondiale.
Synthèse du Plan d’action du R20 pour 2016-20
Afin de contribuer à la concrétisation des engagements souscrits dans le cadre de l’Accord de Paris, le R20 a établi un Plan d’action pour 2016-20 qui vise à accélérer la transition vers l’économie verte en utilisant les instruments financiers qu’il a conçus pour faciliter la conception de projets et leur mise en œuvre à grande échelle (graphique 11.3). En amont, le R20 s’appuie sur son modèle d’élaboration de projets (établi au cours de la Phase I, en 2011-15) pour dispenser des formations théoriques et pratiques et apporter de nouvelles compétences aux gestionnaires de l’économie verte.
Alliance des villes pour le leadership de la finance climatique
Pour combler le déficit de financement climatique, il faudra une action coordonnée de multiples parties, qui agissent de façon complémentaire et comprennent dans quelle mesure les fruits de leurs efforts respectifs peuvent accélérer l’apport de financement climatique à l’échelle mondiale.
Fin 2014, le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki Moon, a créé l’Alliance des villes pour le leadership de la finance climatique, dans l’objectif de promouvoir une action coordonnée entre les différents secteurs et de mettre l’accent sur le rôle des investisseurs dans l’accélération des apports de financement permettant d’obtenir des résultats concrets en matière de lutte contre le changement climatique. À ce jour, l’Alliance rassemble 46 organisations représentant le milieu de la finance et des affaires, des ONG et des réseaux d’administrations infranationales.
En 2016, R20 Regions of Climate Action a été choisi pour coordonner le secrétariat de l’Alliance des villes pour le leadership de la finance climatique, aux côtés de trois organisations partenaires : le Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV) ; le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ; et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Parmi les membres de l’Alliance figurent des villes et des régions, des ONG, des institutions financières, des banques de développement, etc.
L’accélération en pratique : Le Planet Pledge Fund
Pour la première étape du plan d’action défini dans le cadre de sa phase II (2016-2020), le R20 s’est associé à la Fondation Leonardo DiCaprio4 pour créer le Planet Pledge Fund (PPF), un dispositif financier pratique et durable, favorisant le déploiement de projets d’infrastructures vertes et d’initiatives de conservation de la nature. Conçu par la Fondation Leonardo DiCaprio, le PPF réunit des organismes philanthropiques désireux de mettre en commun leurs ressources dans un fonds mondial qui devrait lever jusqu’à 1 milliard USD au cours des dix prochaines années.
Ce fonds investira 10 milliards USD dans des projets économiques non polluants dans le monde entier et présentant un fort potentiel en matière d’atténuation du changement climatique. Particulièrement rentables, ces projets devraient générer des bénéfices de l’ordre de 1 milliard USD, qui seront mis au service de la conservation des habitats et des espèces menacés. Le Fonds sera administré par les organismes philanthropiques contributeurs et géré par des spécialistes de premier plan dans les domaines de la science, de l’action publique, de la finance et du développement local issus d’agences des Nations unies, d’ONG, et de fondations, l’objectif étant d’identifier et de mettre en œuvre, partout dans le monde, les projets les plus viables et dont les effets bénéfiques se feront rapidement sentir.
En mai 2016, le R20 et la Fondation Leonardo DiCaprio ont signé un accord de partenariat prévoyant la constitution d’un ambitieux portefeuille de projets d’infrastructures vertes. Le R20 a immédiatement lancé une campagne mondiale afin de mobiliser ses propres réseaux, d’autres réseaux de collectivités urbaines et régionales, mais aussi l’Alliance des villes pour le leadership de la finance climatique, invitant les autorités locales et régionales à proposer des projets environnementaux liés aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, et à la gestion des déchets.
À l’issue d’une procédure de vérification et de présélection, les projets retenus seront présentés au PPF pour financement. Le R20 et ses réseaux de collectivités urbaines et régionales se sont fixé pour objectif de sélectionner 100 projets5 pour le mois de septembre 2016, représentant au total 4 milliards USD de dépenses d’investissement, avec un retour sur investissement attendu de 10 % minimum.
Notes
← 1. Ce chapitre ne doit pas être présenté comme exprimant les vues officielles de l’OCDE ou de ses pays membres. Les opinions exprimées et les arguments employés sont ceux des auteurs.
← 2. Voir http://regions20.org/images/ScalingUp.pdf.
← 3. Voir http://regions20.org/images/ClimateFinance.pdf.
← 4. Voir http://leonardodicaprio.org/.
← 5. Voir http://100projectssite.wordpress.com (code à saisir pour télécharger des documents : 100projects).