Chapitre 5. Innovations, applications et transformations1

L’innovation par le numérique sous-tend le développement de la société et de l’économie numériques, permet le déploiement d’applications dans de nombreux domaines, et ouvre la voie à des transformations majeures. Ce chapitre examine en premier lieu les tendances et évolutions récentes sur le front de l’innovation par le numérique, des marchés et des modèles économiques, en se basant sur les investissements dans les technologies de l’information et des communications, le dynamisme des entreprises, l’innovation fondée sur les données et les marchés de plateformes en ligne. Il aborde ensuite le développement des services et applications numériques dans des domaines particuliers (sciences, soins de santé, agriculture, pouvoirs publics et gestion municipale), et analyse enfin les mutations générées par le numérique dans les secteurs de l’emploi et du commerce. Les problématiques d’action publique et de réglementation liées aux innovations par le numérique, aux applications et aux transformations qui en découlent sont traitées dans le Chapter 2.

  

Introduction

L’innovation par le numérique favorise l’émergence de nouveaux marchés et modèles économiques, fait naître de nouveaux services et applications dans de nombreux secteurs et domaines d’activité, et ouvre la voie à une transformation de l’économie et de la société, notamment en termes d’emploi et de commerce. Le présent chapitre dresse un état de lieux des évolutions récentes sur le front de l’innovation par le numérique, des applications et des transformations.

Soutenus par les investissements dans les technologies de l’information et des communications (TIC), par le dynamisme des entreprises, par l’entrepreneuriat, mais aussi par l’innovation fondée sur les données, les biens et services conventionnels bénéficient de plus en plus d’améliorations rendues possibles par les technologies numériques. De nouveaux produits et modèles économiques font leur apparition, et un nombre croissant de services sont vendus et acheminés par le biais de plateformes en ligne. Par exemple, ce qui était auparavant un tracteur tout à fait ordinaire est devenu un produit à forte intensité de données, capable de contrôler les conditions du sol, d’envoyer les données recueillies à son propriétaire, et d’effectuer des opérations de labourage et d’ensemencement avec une précision inégalée. Ce type de tracteur n’est plus vendu sous la forme d’un simple bien physique, mais en tant que partie intégrante d’un bouquet de services étendu dans le cadre duquel le propriétaire joue un rôle important après l’achat. Un autre exemple de ces tendances est l’essor des plateformes en ligne, lesquelles créent de nouveaux marchés ou remplacent partiellement, voire intégralement, les plateformes traditionnelles existantes. En simplifiant le commerce électronique de biens et en permettant l’intégration de fonctions de recherche en ligne, de réseaux sociaux et de médias numériques, ces plateformes révolutionnent le marché des services, comme dans le cas des transports ou de l’hébergement, ou de tout autre type de service pouvant être assuré via l’internet.

L’innovation par le numérique rend possible le déploiement d’applications et de services dans un grand nombre de secteurs, parmi lesquels les sciences, les soins de santé, l’agriculture, les pouvoirs publics et la gestion municipale. Le domaine de la recherche est par exemple influencé par le volume croissant de données collectées et analysées par les processus scientifiques mis en place, ainsi que par la diffusion des résultats obtenus par le biais de plateformes en ligne qui permettent une publication en libre accès des données et la mise en place de nouveaux modes d’examen par les pairs. Dans le secteur des soins de santé, l’utilisation d’applications mobiles et des dossiers médicaux électroniques favorise l’apparition de nouveaux modèles de prestation de soins et permet d’améliorer la coordination et la gestion clinique. Les pouvoirs publics mettent en avant leurs services d’administration électronique aussi bien auprès des particuliers que des entreprises, offrent un accès libre aux informations du secteur public (ISP) et s’adressent de plus en plus à leurs administrés par le biais des réseaux sociaux. Les villes cherchent elles aussi à tirer profit des avantages des applications numériques, par exemple pour le transport urbain ou encore la distribution d’eau et d’énergie, et le traitement des déchets. Elles visent à exploiter le potentiel de l’innovation fondée sur les données pour améliorer les activités urbaines et les processus décisionnels.

L’innovation par le numérique et les applications qui en découlent sont moteur de transformation non seulement pour les produits, les modèles économiques et les marchés, mais aussi pour l’emploi et le commerce. L’investissement dans les TIC a entraîné des pertes d’emploi dans certains secteurs, et la création d’emplois dans d’autres. À titre d’exemple, du fait de l’investissement dans les TIC, dans la plupart des pays, la demande de main-d’œuvre baisse dans la production manufacturière, le commerce, les services aux entreprises, les transports et l’hébergement, alors qu’elle augmente dans la culture, les loisirs et autres services, dans la construction et, dans une moindre mesure, dans l’administration, la santé, les soins à la personne, l’énergie et l’agriculture. L’utilisation des technologies numériques a également un impact sur la nature même du travail dans certains secteurs d’activité. Les services fournis par le biais de plateformes en ligne (y compris les transports et l’hébergement) sont ainsi de plus en plus souvent assurés par des personnes dont les postes sont caractérisés par leur flexibilité et leur statut temporaire ou partiel. La transformation numérique révolutionne également le commerce dans son ensemble, et notamment les échanges de services. Bien que les services TIC aient pour effet de stimuler la productivité, le commerce et la compétitivité dans tous les aspects de l’économie, les échanges souffrent dans certains pays de restrictions particulières touchant les services informatiques et de télécommunications.

Le présent chapitre met en évidence que les investissements dans les biens et services TIC et le dynamisme des entreprises ne se sont pas montrés à la hauteur des attentes au vu de leur potentiel au cours des dernières années, alors que les données sont quant à elles devenues l’un des moteurs essentiels de l’innovation par le numérique. L’innovation fondée sur les données, les nouveaux modèles économiques et les applications numériques modifient en profondeur le fonctionnement de la recherche, de l’État, des municipalités, et de nombreux secteurs comme la santé ou l’agriculture. La transformation numérique devrait notamment se traduire par des destructions d’emploi dans certains domaines d’activité, par la création de postes dans d’autres, par l’apparition de nouvelles formes de travail ou encore par la réorganisation des échanges dans leur ensemble, en particulier dans les services.

L’innovation par le numérique dans les modèles économiques et les marchés

Cette section aborde non seulement l’évolution des conditions qui sous-tendent l’innovation par le numérique (en particulier les facteurs qui affectent les modèles économiques de l’ère numérique), mais aussi les évolutions dans les nouveaux marchés nés de l’apparition des plateformes en ligne. L’entrepreneuriat et l’investissement dans les biens et services TIC sont des conditions essentielles de l’innovation par le numérique. Les données deviennent quant à elles à la fois l’un des moteurs de cette innovation et une ressource sur laquelle elle s’appuie. Les modèles économiques actuels bénéficient de nouvelles opportunités, notamment grâce à la numérisation, la mise en données, l’internet des objets (IdO), la codification, l’automatisation, l’échange de données, l’analytique des données ou encore l’intelligence artificielle. L’un des meilleurs exemples de réussite parmi les entreprises du numérique qui ont vu le jour au cours des 15 dernières années est celui des plateformes en ligne. Celles-ci ont en effet permis la création de marchés caractérisés par leur croissance exponentielle et par la grande diversité des produits proposés, allant des informations aux biens, en passant plus récemment par les services.

L’investissement dans les biens et services TIC soutient la croissance et stimule l’innovation par le numérique

L’investissement dans les biens et services TIC est un moteur de croissance important et une condition essentielle à l’innovation par le numérique (Spiezia, 2011). Les TIC sont de nature à favoriser l’innovation en accélérant la diffusion d’informations, en facilitant les relations entre les entreprises, en resserrant les liens entre fournisseurs et clients, en réduisant les restrictions géographiques et en augmentant l’efficacité des communications. Par ses répercussions (sous la forme des économies de réseau, notamment), l’exploitation des TIC peut par ailleurs être source de gains de productivité. Les TIC peuvent également stimuler l’innovation en permettant aux entreprises d’établir des liens plus étroits entre elles et avec leurs fournisseurs, clients, concurrents et partenaires. Elles les rendent ainsi plus aptes à répondre rapidement aux possibilités d’innovation et leur offrent d’importants gains d’efficacité.

En 2015, l’investissement dans les TIC représentait 11 % de la formation de capital fixe dans la zone OCDE, et 2.3 % du produit intérieur brut (PIB). Les logiciels et les bases de données absorbaient près de 60 % de cet investissement. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, il oscillait entre 3.8 % du PIB en République tchèque à moins de 1.5 % en Grèce, en Hongrie et au Luxembourg. Ces écarts reflètent généralement les différences de spécialisation des pays et leurs positions respectives dans le cycle économique (Figure 5.1).

Graphique 5.1. Investissements dans les TIC par type d’actifs, 2015
En pourcentage du PIB
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Note: Les données concernant l’Espagne, la Lettonie, la Norvège et le Portugal se rapportent à 2014 au lieu de 2015. Les données concernant la Corée sont des estimations de l’OCDE fondées sur les tableaux nationaux d’entrée-sortie et le système de comptabilité nationale 2008 de l’OCDE. Pour l’Islande et le Mexique, les données étaient incomplètes, disponibles uniquement pour le type d’actifs représenté. La série « Ventilation non disponible » représente l’ensemble des équipements informatiques et de télécommunications dans tous les cas. PIB = produit intérieur brut.

Sources: OCDE, Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données), www.oecd-ilibrary.org/economics/data/statistiques-de-l-ocde-sur-les-comptes-nationaux_na-data-fr ; OCDE, Statistiques de l’OCDE sur la productivité, www.oecd-ilibrary.org/employment/data/statistiques-de-l-ocde-sur-la-productivite_pdtvy-data-fr ; Eurostat, Comptes nationaux (PIB compris) (base de données), http://ec.europa.eu/eurostat/web/national-accounts/data/database ; sources nationales (sources consultées en juillet 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659519

Dans la plupart des pays de l’OCDE, les investissements dans les TIC au lendemain de la crise de 2007 ont mieux résisté que le total des investissements, de sorte que leur part dans le total des investissements était plus importante en 2015 qu’en 2007. Dans certains pays toutefois, la crise a entraîné un ralentissement plus marqué des investissements dans les TIC. Cela est notamment le cas de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, du Japon, du Luxembourg, de la Norvège et de la Suède, où la part de l’investissement dans les TIC en 2015 était inférieure à ce qu’elle était en 2007 et en 2000 (Figure 5.2). Il est possible que d’autres facteurs contribuent aux évolutions observées dans ces investissements, comme les dépenses croissantes pour les services infonuagiques, qui pour certaines entreprises remplacent l’investissement dans les TIC. La question de savoir si ces services sont correctement mesurés dans le cadre du système de comptabilité nationale (SCN) fait actuellement débat (Byrne et Corrado, 2016).

Graphique 5.2. Évolution des investissements dans les TIC
En pourcentage du total des investissements
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Note: Les données concernant l’Espagne, la Lettonie, la Norvège et le Portugal se rapportent à 2014 au lieu de 2015. Les données concernant la Corée sont des estimations de l’OCDE fondées sur les tableaux nationaux d’entrée-sortie et le système de comptabilité nationale 2008 de l’OCDE.

Source: OCDE, Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux (base de données), www.oecd-ilibrary.org/economics/data/statistiques-de-l-ocde-sur-les-comptes-nationaux_na-data-fr ; OCDE, Statistiques de l’OCDE sur la productivité, www.oecd-ilibrary.org/employment/data/statistiques-de-l-ocde-sur-la-productivite_pdtvy-data-fr ; Eurostat, Comptes nationaux (PIB compris) (base de données), http://ec.europa.eu/eurostat/web/national-accounts/data/database ; sources nationales (sources consultées en juillet 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659538

Les données disponibles semblent indiquer qu’à lui seul, l’investissement dans les TIC n’est pas suffisant, car c’est principalement une utilisation efficace des TIC qui aurait des effets positifs sur la productivité. Par ailleurs, le degré d’efficacité de l’utilisation des TIC dépend généralement d’investissements complémentaires dans le capital intellectuel, notamment en termes de savoir-faire et de compétences spécialisées, mais aussi dans les changements organisationnels, comme les nouveaux processus d’entreprise et modèles économiques (OCDE, 2016a).

L’investissement dans le capital intellectuel connaît en effet une croissance notable. Sa part dans le PIB est même dans certains pays plus importante que celle de l’investissement dans le capital physique. Contrairement au capital physique, les investissements réalisés dans de nombreuses formes de capital intellectuel (conception, recherche et développement, changement organisationnel, etc.) permettent l’acquisition de connaissances qui peuvent se répandre dans d’autres secteurs de l’économie. Autrement dit, il est impossible d’empêcher les entreprises ne réalisant aucun investissement en capital intellectuel de bénéficier, même partiellement, des répercussions positives des investissements d’autres entreprises. Le capital intellectuel peut également stimuler la croissance dans la mesure où le coût initial de développement de certains types de savoirs ne doit pas nécessairement être supporté à nouveau lors de l’application de ces savoirs en production. Une fois créées, diverses formes de capital intellectuel – comme les logiciels ou certains concepts – peuvent être reproduites quasiment sans aucun frais et utilisées de manière simultanée par de nombreux utilisateurs. Il est ainsi possible de bénéficier de rendements d’échelle accrus en production et d’externalités de réseau avantageuses (comme dans le cas où la valeur d’une plateforme serait indexée sur son nombre d’utilisateurs) (OCDE, 2013a).

Le dynamisme des entreprises et l’entrepreneuriat ne sont guère à la hauteur de leur potentiel

Malgré les possibilités qu’offrent les technologies numériques, certains signes témoignent d’un affaiblissement du dynamisme des entreprises

Les technologies numériques peuvent avoir un effet sur le dynamisme des entreprises, alors même qu’il s’agit d’un moteur essentiel de leur émergence et de leur croissance. L’internet supprime les freins à l’entrepreneuriat et simplifie la création, le développement et la gestion des entreprises. Il favorise également l’émergence de start-ups agiles qui mettent à profit ses capacités pour faire baisser leurs coûts fixes et externalisent de nombreux aspects de leur fonctionnement, de manière à rester agiles et réactives face au marché. L’internet a également un impact sur l’environnement général des entreprises en ce sens qu’il permet une baisse des coûts de transaction, une meilleure transparence des prix et un renforcement de la concurrence. Il est aujourd’hui plus facile pour les entreprises de communiquer avec leurs fournisseurs, clients et employés grâce aux outils basés sur le web. L’amélioration des communications ouvre également la voie à des modèles économiques à la fois inédits et transformés.

D’après les données disponibles, malgré les nouvelles possibilités offertes par la transformation numérique, le dynamisme des entreprises a connu un certain fléchissement dans l’ensemble des pays. Cet affaiblissement s’est considérablement accentué pendant la crise, et la reprise depuis n’a été que partielle, avec des tendances globalement identiques pour la production manufacturière et les services. Les taux d’entrée semblent ainsi avoir enregistré un recul régulier sur cette période, alors que les taux de déplacement de la main-d’œuvre et la dispersion des taux de croissance – plus stables avant la crise – ont baissé de manière significative depuis 2009, en particulier dans les services non financiers aux entreprises (Blanchenay et al., à paraître).

Ce repli du dynamisme des entreprises dans l’ensemble des pays est d’autant plus marqué dans les industries productrices des TIC et dans les industries utilisatrices des TIC. Le Figure 5.3 fait état de l’important repli des taux d’entrée (nombre d’unités entrantes par rapport au nombre d’unités entrantes et existantes) pour les services et la production manufacturière des TIC entre 2001 et 2015, avec une légère reprise juste avant la crise. Ce phénomène touche également les activités utilisatrices des TIC, puisqu’une importante baisse du dynamisme apparaît sur la même période, notamment dans la production manufacturière. Les autres secteurs de l’économie enregistrent toutefois une baisse des taux d’entrée plus mesurée, et principalement après la crise.

Graphique 5.3. Dynamisme des entreprises dans les industries productrices des TIC, utilisatrices des TIC et autres
Indice 2001 = 1
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Note: Les industries productrices des TIC correspondent à la fabrication d’« ordinateurs, articles électroniques et optiques » du secteur manufacturier ; et à l’« informatique et autres activités de services d’information » et aux « télécommunications » du secteur des services. Les industries utilisatrices des TIC correspondent à la fabrication de « matériels électriques », de « machines et matériel », et de « produits chimiques » du secteur manufacturier ; et aux activités d’« édition, audiovisuelles et de diffusion de programmes », « juridiques et comptables » et de « recherche scientifique et développement » du secteur des services. Les valeurs rendent compte de moyennes mobiles sur trois ans sur la base des données disponibles. En raison de différences méthodologiques, les valeurs peuvent ne pas être identiques aux statistiques nationales officielles. Les données de tous les pays concernés restent des données préliminaires. TIC = technologies de l’information et des communications.

Source: OCDE, Base de données DynEmp version 3, http://oe.cd/dynemp (consulté en juillet 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659557

Les technologies numériques influencent le dynamisme des entreprises selon différents mécanismes, dont la compréhension peut nous éclairer sur le recul de ce dynamisme selon les pays et sur la durée. Par essence, les nouvelles technologies numériques peuvent favoriser les grandes entreprises au détriment du dynamisme général – limitant l’entrée et la croissance potentielles de jeunes entreprises. Elles peuvent également créer une certaine dynamique profitant à une minorité dominante d’entreprises situées à la frontière (Brynjolfsson et al., 2008). À titre d’exemple, les progrès des technologies numériques ont permis à de grandes entreprises multinationales de coordonner et d’exploiter efficacement des réseaux de production complexes et fragmentés (OCDE et Banque mondiale, 2015). Dans certains secteurs, comme dans les services produisant ou exploitant les TIC, le coût marginal – lequel a connu une baisse significative – aussi bien de la production (fourniture) que de l’acheminement (communication) de biens numériques (services) a été corrélé avec une plus grande évolutivité (Brynjolfsson et McAfee, 2011).

Le potentiel des start-ups est freiné par un manque d’accès aux financements et par les charges administratives

Un nombre croissant d’exemples de réussite montrent que les petites start-ups sont mieux positionnées pour tirer parti des nouvelles possibilités induites par les technologies numériques (CB Insights, 2015 ; The Economist, 2014). La création d’entreprises est toutefois entravée par l’association de plusieurs facteurs réglementaires et de marché.

Le financement est le premier de ces obstacles. Le financement par la dette est mal adapté aux nouvelles petites entreprises innovantes, puisqu’elles présentent un profil risque-rendement plus hasardeux et s’appuient généralement sur des biens incorporels spécialisés qui ne peuvent pas toujours être portés en garantie.

Les financements par capitaux privés, et plus particulièrement en capital-risque ou par le biais d’investisseurs-tuteurs, constituent de nouveaux types d’apports possibles pour les start-ups, notamment dans le domaine des hautes technologies. En 2016, plus de 70 % du capital-risque investi aux États-Unis était concentré dans le secteur des TIC (voir Chapter 3). Dans la plupart des pays, le capital-risque ne représente cependant qu’une part infime du PIB, généralement inférieure à 0.05 %. Les deux principales exceptions sont Israël et les États-Unis, où le secteur du capital-risque est plus développé, représentant respectivement 0.38 % et 0.33 % du PIB en 2015.

Les investissements en capital-risque ont fortement chuté dans presque tous les pays au plus fort de la crise et affichent depuis des niveaux inférieurs à ceux d’avant la crise (Figure 5.4). C’est toutefois l’inverse en Afrique du Sud, aux États-Unis et en Hongrie, lesquels enregistrent une forte reprise avec des investissements en capital-risque qui ont presque doublé entre 2007 et 2015.

Graphique 5.4. Évolution des investissements en capital-risque
Indice 2007 = 100
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Note: Les données concernant l’Afrique du Sud et Israël se rapportent à 2014.

Source: OCDE (2016b), Panorama de l’entrepreneuriat 2016, https://doi.org/10.1787/9789264266346-fr .

 https://doi.org/10.1787/888933659576

Malgré leur potentiel, les marchés financiers n’assurent encore qu’une faible part du financement des petites entreprises. Les coûts de surveillance élevés, le manque de liquidités, les démarches administratives et les obligations de déclaration, ainsi que différents facteurs culturels et pratiques de gestion, constituent les principaux obstacles au développement de ce modèle de financement.

Grâce au secteur des TIC apparaissent de nouveaux outils destinés à contourner certains de ces obstacles. Les plateformes de financement participatif peuvent constituer de nouvelles sources d’apport pour les petites start-ups. Le prêt entre particuliers peut intéresser les petites entreprises ne disposant pas de garanties suffisantes ou ne présentant pas les antécédents de crédit nécessaires pour accéder aux prêts bancaires traditionnels. L’investissement participatif en capital peut quant à lui compléter ou remplacer le capital d’amorçage pour les nouvelles entreprises ou les start-ups rencontrant des difficultés à réunir des capitaux par des méthodes conventionnelles. Bien que le financement participatif ait connu un essor rapide depuis le milieu des années 2000, il ne représente encore qu’une faible part du financement des entreprises. Les dons (avec ou sans contrepartie) et les pré-ventes restent les formes principales de financement participatif, même si les réglementations ont restreint leur diffusion, notamment dans le cas du financement participatif par actions qui est illégal dans certains pays (OCDE, 2014a).

L’internet peut également mettre en contact de jeunes entreprises et des investisseurs potentiels en réduisant les asymétries d’information et en améliorant la transparence. À titre d’exemple, les entrepôts de données disposant d’informations relatives aux prêts peuvent aider les investisseurs à mieux évaluer les risques présentés par les petites entreprises et identifier les possibilités d’investissement. La disponibilité d’informations plus fiables sur les risques peut également contribuer à limiter les coûts de financement, qui sont généralement plus élevés dans le cas des petites entreprises. Les start-ups référencées sur des plateformes spécialisées peuvent améliorer leur visibilité et accélérer ainsi leur mise en relation avec des investisseurs. Les plateformes en ligne peuvent par ailleurs être source de formation, de mentorat et de tutorat pour les futurs entrepreneurs, et les aider à parfaire leurs plans de développement et projets d’investissement.

La réglementation semble constituer l’autre obstacle principal à la création de jeunes start-ups, du moins dans les pays où les charges administratives pesant sur les start-ups sont les plus importantes (Figure 5.5). Bien que le développement des TIC ait permis de réduire de manière significative le coût des expérimentations pour les entreprises situées à la frontière, la réglementation en vigueur dans de nombreux pays a tendance à favoriser les acteurs existants et ne permet pas toujours de tester de nouvelles idées ou technologies, ou des modèles économiques innovants qui sous-tendent pourtant la réussite des jeunes entreprises. Le Chapter 2 propose un examen plus approfondi des problématiques d’action publique et de réglementation relatives aux start-ups et à l’innovation par le numérique.

Graphique 5.5. Charges administratives pesant sur les start-ups, 2013
Échelle de 0 à 6 (des moins contraignantes aux plus contraignantes)
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Note: Les données concernant la République populaire de Chine (reprise sous l’appellation « Chine » dans le graphique) sont des estimations préliminaires. Pour l’Indonésie, les données se rapportent à 2009. Pour les États-Unis, elles se rapportent à 2007.

Source: OCDE, Base de données sur la réglementation des marchés de produits, www.oecd.org/economy/pmr (consulté en décembre 2016).

 https://doi.org/10.1787/888933659595

Les données deviennent un moteur essentiel de l’innovation par le numérique

Il se génère chaque semaine davantage de données qu’au cours des derniers millénaires. Avec l’accélération de la transformation numérique des activités économiques et sociales, les flux de données – qui équivalent quotidiennement à environ 50 000 années de vidéo en qualité DVD – produisent de formidables effets sur l’économie et la société (OCDE, 2015a). En raison de leur volume impressionnant, de la vitesse à laquelle elles sont générées, mises à disposition, traitées et analysées, et de leur variété (structurées et non structurées), ces données sont aujourd’hui caractérisées par l’expression « données massives »2 .

Les données massives ouvrent la voie à des améliorations majeures des produits, des procédés, des méthodes organisationnelles et des marchés, lesquelles constituent ce que l’on appelle « innovation fondée sur les données » (OCDE, 2015a). Dans la production manufacturière, les données collectées par le biais de capteurs sont utilisées pour contrôler et analyser l’efficacité des machines, dans l’optique d’optimiser leur fonctionnement et d’assurer certains services après-vente, dont les opérations d’entretien préventif. Les données sont également parfois exploitées dans le cadre d’une collaboration avec les fournisseurs, et il peut arriver qu’elles soient commercialisées sous la forme de nouveaux services (pour améliorer par exemple la gestion de la production). En agriculture, il est possible d’utiliser des cartes géocodées et des techniques de contrôle de l’activité en temps réel (de l’ensemencement à la récolte) pour améliorer la productivité (voir la section suivante). Ces mêmes données de capteurs peuvent ensuite être recyclées et mises en corrélation avec des données historiques ou en temps réel sur les conditions météorologiques, l’état des sols, la consommation d’engrais et les caractéristiques des cultures afin d’optimiser et d’anticiper la production agricole. Il est ainsi possible d’améliorer les méthodes traditionnelles de culture et de formaliser et diffuser plus largement le savoir-faire des agriculteurs spécialisés.

Il n’existe encore que peu de données macroéconomiques sur les effets de l’innovation fondée sur les données, mais certaines études microéconomiques déjà disponibles laissent à penser que ce type d’innovation favorise une augmentation plus rapide de la productivité de la main-d’œuvre (environ 5 % à 10 %) dans les entreprises qui adoptent ces technologies (OCDE, 2015a). Brynjolfsson, Hitt et Kim (2011) estiment qu’aux États-Unis, la production et la productivité dans les entreprises dont le processus décisionnel est étayé par des données sont 5 % à 6 % plus élevées qu’attendu, compte tenu des autres investissements dans les TIC réalisés par ces entreprises. Celles-ci affichent également de meilleures performances en termes d’exploitation des ressources, de rendement des capitaux propres et de valeur marchande. Une étude réalisée auprès de 500 entreprises au Royaume-Uni fait apparaître que les entreprises classées dans le quartile supérieur de l’utilisation de données en ligne sont 13 % plus productives que celles situées dans le quartile inférieur (Bakhshi, Bravo-Biosca et Mateos-Garcia, 2014). D’après Barua, Mani et Mukherjee (2013), une hausse de 10 % de la qualité des données et de l’accès à celles-ci – grâce à une présentation plus concise et cohérente des données sur les différentes plateformes, de sorte qu’elles soient plus faciles à traiter – permettrait une hausse de la productivité de la main-d’œuvre de 14 % en moyenne, sachant toutefois que ce chiffre pourrait varier fortement d’un secteur à l’autre3 . Les données massives restent néanmoins principalement utilisées dans le secteur des TIC, et particulièrement par les entreprises spécialisées dans les services internet. Tambe (2014) indique par exemple que seuls 30 % des investissements dont bénéficie Hadoop proviennent de secteurs hors TIC, parmi lesquels la finance, les transports, les services d’utilité publique, le commerce de détail, les soins de santé, les biotechnologies et l’industrie pharmaceutique. La production manufacturière devient de plus en plus un secteur à forte intensité de données (voir Manyika et al., 2011).

À mesure que les biens deviennent de simples produits à faible marge bénéficiaire, de nombreuses entreprises manufacturières choisissent de développer des services complémentaires qui viennent étoffer leur offre commerciale. À titre d’exemple, Rolls-Royce a changé son modèle économique, jusque-là basé sur un produit, une durée de contrat et une offre de services, pour passer à un modèle de services basé sur une utilisation horaire baptisé Power by the Hour (OCDE, 2017a). La transformation numérique a joué un rôle essentiel dans cette mutation vers la fourniture de services (complémentaires) à plus forte valeur ajoutée.

À l’origine, la transformation numérique des modèles économiques a été rendue possible par la régularisation et la codification des activités commerciales, qui ont entraîné une informatisation des processus d’entreprise par le biais de logiciels. Ces évolutions ont permis aux entreprises de reproduire plus rapidement les améliorations apportées aux processus d’entreprise sur l’ensemble d’une organisation, augmentant ainsi non seulement leur productivité, mais aussi leurs parts de marché et leur valeur marchande. Brynjolfsson et al. (2008) ont qualifié ce phénomène de « changement d’échelle sans masse critique ». Les entreprises de l’internet ont plus que toutes les autres su tirer profit de la transformation numérique, et sont ainsi parvenues à changer d’échelle, sans augmenter leur masse critique, mieux que le reste de l’économie4 .

Les modèles économiques des entreprises de l’internet les plus performantes actuellement ne s’appuient plus seulement sur la régularisation et la codification des processus par le biais de logiciels, mais intègrent désormais la collecte et l’analyse d’importants flux de données (OCDE, 2015a). En récupérant et en traitant ces données massives – qui sont en grande partie fournies directement par les utilisateurs (consommateurs) –, les sociétés de l’internet ont la possibilité d’automatiser leurs processus de travail, mais aussi de tester et développer de nouveaux produits et modèles économiques bien plus rapidement que les autres entreprises du secteur. Plutôt que de s’appuyer uniquement sur la régularisation et la codification (explicites) des processus, ces entreprises utilisent les données massives pour « éduquer » leurs algorithmes d’intelligence artificielle (IA) afin qu’ils soient en mesure d’exécuter des tâches plus complexes sans intervention humaine. L’innovation basée sur l’IA permet aujourd’hui une transformation des processus d’entreprise dans tous les aspects de l’économie. Grâce à la convergence des TIC avec d’autres technologies (notamment due aux logiciels embarqués et à l’IdO), la transformation numérique devrait avoir des répercussions jusque dans les secteurs les plus traditionnels, comme la production manufacturière et l’agriculture.

Deux tendances expliquent les bouleversements de la production induits par les technologies numériques : la chute des coûts, qui a favorisé une diffusion plus large de ces technologies, y compris aux petites et aux moyennes entreprises (PME) ; et surtout l’association de différentes technologies numériques, qui s’est révélée source de nouveaux types d’applications. Le Figure 5.6 illustre les principales TIC à l’œuvre dans la transformation numérique de la production industrielle. Les technologies de la partie inférieure du graphique sous-tendent celles de la partie supérieure, comme le montrent les flèches. Les technologies de la ligne supérieure (en blanc) – fabrication additive (impression 3D, par exemple), machines et systèmes autonomes, et intégration homme-machine – sont les applications qui devraient donner lieu aux principaux gains de productivité industrielle. Associées les unes aux autres, ces technologies pourraient un jour permettre une automatisation de l’ensemble des processus de production, de la conception à la livraison.

Graphique 5.6. Convergence des technologies clés qui sous-tendent la transformation numérique des procédés industriels
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Note: Ce graphique est une représentation schématisée qui ne rend pas compte de l’ensemble des liens et boucles de rétroaction complexes qui existent entre ces technologies.

Source: OCDE (2017a), La prochaine révolution de la production : conséquences pour les pouvoirs publics et les entreprises, https://doi.org/10.1787/9789264280793-fr .

 https://doi.org/10.1787/888933659614

L’analyse des modèles économiques les plus performants de l’ère numérique semble indiquer que les mesures tirant parti des applications mentionnées ci-dessus peuvent transformer radicalement les entreprises traditionnelles. Citons notamment les mesures suivantes :

  • La numérisation des actifs corporels, qui correspond au processus de codage des informations sous forme de séries de chiffres binaires (ou « bits ») afin qu’elles puissent être traitées par des ordinateurs (OCDE, 2015a). Il s’agit de l’une des étapes les plus simples et incontournables de la transformation numérique d’une entreprise. Le secteur du divertissement et des contenus a été l’un des premiers à connaître ce type d’évolution, puisque les livres, la musique et les vidéos ont été numérisés afin d’être proposés sous d’autres formats, comme le CD ou le DVD, et par la suite l’internet. Grâce au déploiement des scanners et imprimantes 3D, la numérisation n’est plus seulement limitée aux contenus, mais peut désormais s’appliquer aux objets physiques. L’impression 3D ouvre la voie, par exemple, à une réduction de la durée des processus de conception industrielle par une création accélérée de prototypes, et dans certains cas à une augmentation de la productivité par une réduction des déchets de matériaux. La société Boeing a ainsi déjà remplacé certaines opérations d’usinage par l’impression 3D et produit plus de 20 000 pièces de 300 références différentes (Davidson, 2012).

  • La « mise en données » de processus nécessaires aux entreprises, qui se rapporte à la génération de données, non seulement par la numérisation de contenus, mais aussi par la surveillance des activités, y compris d’événements et d’activités dans le monde réel (hors ligne) par le biais de capteurs. Il est important de ne pas confondre la mise en données avec la numérisation, laquelle correspond à la simple conversion d’un matériel source analogique en un format numérique (OCDE, 2015a)5 . De nombreuses plateformes contrôlant les activités de leurs utilisateurs ont recours à la mise en données. À l’instar de l’IdO, cette approche n’est désormais plus limitée aux entreprises de l’internet. Par exemple, les données collectées par les machines agricoles conçues notamment par Monsanto, John Deere et DuPont Pioneer représentent une importante source de données dans une optique d’optimisation de la distribution et de la modification génétique des cultures (voir la section suivante sur les effets de la transformation numérique sur les secteurs traditionnels, et plus particulièrement les Boxs 5.1 et 5.2).

  • L’interconnexion d’objets physiques grâce à l’IdO, qui permet une innovation au niveau des produits et des processus. Un sixième des recettes de Scania AB, l’un des principaux constructeurs suédois de véhicules commerciaux, sont aujourd’hui générées par de nouveaux services basés sur les technologies de communication sans fil intégrées à ses véhicules. Cette approche permet à Scania de devenir progressivement une entreprise spécialisée dans la logistique, la réparation et d’autres services. Ainsi, grâce à l’interconnexion de ses véhicules, Scania est en mesure de proposer des services de gestion du parc bien plus performants. Cette interconnexion des objets physiques contribue également à la production et à l’analyse de données massives, lesquelles peuvent ensuite être utilisées pour créer d’autres services. Scania propose par exemple différents services visant à améliorer l’efficience de la conduite (et donc de l’utilisation des ressources), comme les services d’accompagnement du conducteur fondés sur les données.

  • La codification et l’automatisation des processus nécessaires aux entreprises grâce aux logiciels et à l’IA. Les logiciels ont aidé et incité les entreprises à normaliser leurs processus et, dans le cas où les processus n’étaient pas au cœur de leur modèle économique, à revendre ces processus codifiés à d’autres entreprises par le biais de logiciels. Citons par exemple le système GERS (Global Expenses Reporting Solutions) d’IBM, développé à l’origine afin d’automatiser la création des rapports de déplacement au sein de la société, qu’IBM a ensuite transformé en service et vendu dans le monde entier (Parmar et al., 2014). Autre exemple, le service Gmail de Google, conçu d’abord comme un système de messagerie interne, dont Google a annoncé en avril 2004 qu’il le mettait à la disposition du public sous la forme d’une version bêta limitée (McCracken, 2014).

  • L’échange de données (sous forme de service), qui devient possible dès lors que les actifs corporels ont été numérisés ou que les processus ont été mis en données (voir le paragraphe précédent sur la mise en données). Les données dérivées des activités d’une entreprise peuvent s’avérer particulièrement précieuses pour d’autres entreprises (même dans d’autres secteurs). Orange, société française de services de télécommunications mobiles, utilise sa technologie de Floating Mobile Data (FMD) pour collecter les données du trafic mobile. Celles-ci sont ensuite anonymisées puis revendues à des tiers, parmi lesquels des organismes publics et des fournisseurs de services d’informations sur le trafic. Les entreprises peuvent par ailleurs tirer parti du caractère de bien non rival des données pour créer des marchés multifaces (au sein d’une même organisation), où les activités d’un côté du marché fonctionnent de pair avec la collecte de données, lesquelles sont ensuite exploitées et recyclées de l’autre côté du marché. Il s’avère toutefois souvent difficile d’évaluer en amont la valeur que représentent ces données pour des entreprises tierces. Face à cette problématique, certaines entreprises ont choisi d’ouvrir l’accès à leurs données sous certaines conditions (OCDE, 2015a)6 .

  • L’utilisation (ou la réutilisation) et le croisement des données dans les différents secteurs et d’un secteur à l’autre (soit le recours aux « données composites »), qui sont devenus un nouveau débouché commercial pour les entreprises jouant un rôle central dans leur chaîne de l’offre. Les sociétés Walmart et Dell ont ainsi réussi à intégrer les données dans leurs chaînes de l’offre. Or à mesure que le secteur manufacturier se dote de technologies intelligentes, comme l’IdO et l’analytique des données, cette approche suscite de plus en plus l’intérêt des entreprises manufacturières. À titre d’exemple, les données recueillies par des capteurs peuvent être utilisées pour contrôler et analyser l’efficacité des produits, optimiser leur fonctionnement au niveau systémique, et assurer le service après-vente, y compris les opérations de maintenance préventives.

Encadré 5.1. Agriculture de précision et données massives : le cas John Deere

L’agriculture de précision offre aux agriculteurs une analyse en temps quasi réel des données clés relatives à leurs champs. À l’origine, John Deere est entré sur ce marché en proposant une solution de cartographie de rendement et de simples contrôleurs d’application variable, puis en introduisant une technologie de guidage automatisé (AutoTrac1). Ces produits de base ont depuis été améliorés dans le cadre de la création de véhicules agricoles capables de communiquer entre eux. Depuis le départ, John Deere s’appuie sur les données de géolocalisation du système mondial de radiorepérage (Global Positioning System ou GPS) pour concevoir ses équipements. John Deere a ensuite développé des fonctionnalités « filaires » afin de connecter les machines agricoles entre elles, mais aussi au centre des opérations MyJohnDeere, présenté par la société comme un portail d’outils en ligne rassemblant les informations relatives à une exploitation, auquel les agriculteurs peuvent accéder où et quand ils en ont besoin (Arthur, 2016).

Pour la prise en charge des véhicules déployés sur le terrain, John Deere a développé une solution de télégestion sans fil pour ses équipements agricoles, s’appuyant à cette fin sur des réseaux interconnectés de communication par satellite et cellulaires, ainsi que des solutions radio et wi-fi propriétaires. Ces avancées technologiques ont permis de réduire le temps nécessaire aux récoltes ou à la réalisation de nombreuses autres tâches. Par exemple, les véhicules automoteurs programmables de John Deere ont la capacité d’ensemencer et de moissonner 200 à 240 hectares par jour (dans le cadre d’un déploiement d’au moins deux véhicules), bien loin des 40 à 60 hectares pouvant être traités par un seul exploitant. John Deere est par ailleurs à l’origine d’une innovation notable en matière d’ensemencement, par l’association de son semoir ExactEmerge et de la technologie AutoTrac, permettant d’augmenter la surface ensemencée dans des conditions optimales. Grâce à ce système de suivi amélioré et à son semoir innovant, il serait désormais possible d’augmenter la surface traitée par jour de 240 à plus de 320 hectares. Les opérations de moissonnage pourraient également s’avérer bien plus efficaces si les véhicules intégraient la technologie AutoTrac.

S’appuyant sur l’association d’un système GPS et de différents capteurs, les tracteurs John Deere sont non seulement capables de se déplacer de manière autonome, mais ils tirent également parti de systèmes d’analyse. Ces dispositifs permettent aux véhicules de planter, arroser et moissonner avec une précision de 2 centimètres, et sont capables de communiquer entre eux. John Deere estime à 100 000 le nombre de machines connectées qu’elle compte à travers le monde. Les cabines de tracteur disposent également d’une connectivité wi-fi permettant la communication avec les dispositifs mobiles et autres systèmes de capteurs embarqués, ainsi que d’autres réseaux radio pour les communications mobiles entre véhicules. Ces technologies permettent aux agriculteurs de synchroniser leurs activités et de partager des données avec leurs homologues.

Grâce aux appareils interconnectés et aux capteurs intelligents qui forment ce réseau de communication, John Deere a pu améliorer l’analytique des données en combinant les données de base et de performance générées par ses équipements avec des données de terrain géoréférencées. Après avoir été collectées et transmises au centre des opérations John Deere, ces données combinées sont intégrées à une base de données plus large comprenant également des informations environnementales. John Deere peut ensuite associer les informations envoyées par les agriculteurs aux données environnementales (climatiques, météorologiques et sur la qualité du sol), ainsi qu’aux données sur les rendements effectifs. Cela permet ainsi aux agriculteurs d’identifier les parcelles de terrain les plus productives. Grâce à l’analytique des données, John Deere aide les agriculteurs à optimiser le rendement de leurs exploitations, dans la mesure où ils peuvent utiliser les données disponibles pour déterminer les meilleurs lieu et moment où chaque véhicule devra effectuer des opérations d’ensemencement, de fertilisation, de pulvérisation et de moissonnage sur une surface à partir d’un mètre sur trois (Jahangir Mohammed, 2014).

En 2011, John Deere a renforcé sa stratégie à long terme de développement de produits intégrés s’appuyant sur les données. Cette décision s’est également traduite par une augmentation des investissements en recherche et développement (R-D) à hauteur de 5.5 % du chiffre d’affaires net, contre 4 % à 5 % pour ses concurrents. En misant ainsi sur l’innovation, John Deere a pu maintenir un taux de croissance annuel composé de 5 % en termes de productivité des salariés (taux mesuré en ventes par salarié) au cours des 30 dernières années (John Deere, 2016). Pour affermir ses positions dans ce domaine, John Deere a également fait l’acquisition de différentes sociétés considérées comme des pionnières de l’agriculture de précision, dont Precision Planting (Agweb, 2015), une entreprise leader sur le marché des technologies d’ensemencement proposant également des capteurs et du matériel spécialisé, et Monosem, un constructeur français d’équipements pour semoirs. John Deere recrute également des chercheurs en données afin d’améliorer ses capacités d’analyse des données massives. Ces experts se verront confier les tâches suivantes : 1) identifier les données, sources et applications pertinentes ; 2) utiliser les techniques d’exploration des données massives (détection des formes, analyse graphique ou statistique, etc.) visant à mettre au jour des enseignements cachés2 ; 3) déployer des processus de collecte de données, mais aussi développer l’infrastructure et les cadres suffisants pour prendre en charge les analyses ; et 4) utiliser des langages de parallélisme permettant la mise en œuvre des applications.

John Deere devrait profiter d’une expansion considérable du marché, tout comme les entreprises du même secteur proposant aux agriculteurs des véhicules automoteurs et des systèmes d’agriculture de précision. D’après certaines prévisions, le marché mondial de l’agriculture de précision devrait augmenter de 4.92 milliards USD d’ici à 2020, ce qui correspond à un taux de croissance annuel composé de presque 12 % sur la période 2015-20. L’agriculture de précision constitue aujourd’hui un marché mondial de 2.8 milliards USD (Mordor Intelligence, 2016). Sur ce volume annuel, la part du marché américain représente entre 1 et 1.2 milliard USD. Sur la base des estimations réalisées pour les cultures en rangs espacés et les exploitations de maïs et de soja (dont deux tiers des surfaces sont gérées en agriculture de précision), les ventes enregistrées par John Deere en matière d’agriculture de précision constitueraient selon les évaluations les plus prudentes environ un quart des ventes totales sur le marché américain, soit entre 250 et 350 millions USD3.

1. AutoTrac Vision tire parti d’une caméra montée sur le châssis pour détecter les plants précoces de maïs, de soja et de coton. Cette technologie permet aux agriculteurs d’éviter d’endommager les récoltes sous le passage des roues du pulvérisateur, même en cas de mauvais alignement du semoir (John Deere, 2017).

2. Cette description provient d’une offre d’emploi pour un poste de chercheur en données, publiée par John Deere sur le site web suivant : https://www.glassdoor.com/Job/jobs.htm?suggestCount=0&suggestChosen=false&clickSource=searchBtn&typed .

3. D’après une prévision de marché, l’agriculture de précision engloberait un certain nombre de technologies combinées – notamment des systèmes de guidage, de télédétection et d’application variable –, qui prendraient principalement la forme de systèmes de guidage par GPS, de systèmes d’information géographique (SIG) et de systèmes de positionnement par satellite (Global Navigation Satellite System ou GNSS). Cette prévision de marché estime que les systèmes de suivi et de cartographie gagneraient en importance, et que les applications informatiques (pour la gestion des cultures, des exploitations et des conditions météorologiques) connaîtraient un développement plus rapide pendant la période considérée (Mordor Intelligence, 2016).

Source: OCDE (2017a), La prochaine révolution de la production : conséquences pour les pouvoirs publics et les entreprises, https://doi.org/10.1787/9789264280793-fr .

Encadré 5.2. Des polémiques sur la propriété des données aux principes de gouvernance : le cas des données agricoles

L’agriculture s’appuie désormais à tel point sur les données que la capacité qu’ont les agriculteurs d’accéder aux données agricoles et de les utiliser est devenue un facteur déterminant dans la réussite de leurs exploitations. Les principaux fournisseurs de technologies spécialisées dans l’agriculture de précision (ou « fournisseurs de technologies agricoles »), comme John Deere, DuPont Pioneer ou Monsanto, ont marqué leur prise de conscience de cette tendance en cherchant à tirer parti de l’internet des objets par l’intégration de capteurs dans leurs derniers équipements. Cette stratégie leur a permis de générer d’importants volumes de données, représentant une source d’informations essentielle pour les entreprises du secteur des biotechnologies visant à optimiser les cultures transgéniques, mais aussi pour les sociétés d’assurance des récoltes et les négociants sur les marchés des produits agricoles.

Le contrôle de ces données par les principaux fournisseurs de technologies agricoles a soulevé un certain nombre de controverses quant aux préjudices potentiels dont seraient victimes les agriculteurs en termes de discrimination et d’exploitation financière. Pour les agriculteurs, les avantages des équipements à forte intensité de données sont également devenus moins évidents, et certains s’inquiétaient que les agriculteurs voient leur rôle se réduire au simple statut de gestionnaires d’exploitation, de cheptel et d’équipement, agissant en tant que prestataires de services veillant à ce que les interactions entre l’offre et la demande du système agricole soient gérées de manière équilibrée. Le rôle des agriculteurs est devenu encore plus incertain en raison des doutes entourant la question de la propriété des données (Banham, 2014).

En avril 2014, les principaux fournisseurs de technologies spécialisées dans l’agriculture de précision se sont entretenus avec l’American Farm Bureau Federation (Fédération agricole américaine) afin d’étudier l’avenir de la gouvernance des données agricoles. La question de la propriété des données était au centre des débats. Ces discussions ont donné lieu à l’établissement d’une charte définissant les principes de confidentialité et de sécurité des données agricoles (Privacy and Security Principles for Farm Data) signée par 37 organisations (en date du 3 mars 2016). Les principes suivants ont servi de base aux débats sur la gouvernance des données :

  • Propriété : « Nous estimons que les agriculteurs sont propriétaires des informations générées dans le cadre de leurs activités agricoles. Il est toutefois de la responsabilité des agriculteurs de s’accorder sur les modalités d’utilisation et de partage des données avec les autres parties prenantes ayant un intérêt économique dans leurs activités (locataires, bailleurs, coopératives, propriétaires de matériel d’agriculture de précision, fournisseurs de technologies agricoles, etc.). Les agriculteurs sous contrat avec un fournisseur de technologies agricoles doivent s’assurer que seules les données dont ils sont propriétaires ou qu’ils ont l’autorisation d’utiliser sont incluses dans le compte établi avec leur fournisseur de technologies agricoles. »

  • Collecte, accès et contrôle : « La collecte des données, l’accès aux données et leur utilisation par un fournisseur de technologies agricoles ne doivent être accordés qu’en cas de consentement explicite des agriculteurs. Ce consentement prendra la forme d’un accord contractuel, signé manuellement ou numériquement. »

  • Notification : « Les agriculteurs doivent être avisés en cas de collecte de leurs données et informés de la manière dont les données recueillies seront utilisées et diffusées. Cette notification doit pouvoir être facilement accessible et disponible dans un format communément utilisé. »

  • Transparence : « Les fournisseurs de technologies agricoles doivent porter à la connaissance des agriculteurs les fins auxquelles leurs données seront collectées et exploitées. Ils doivent par ailleurs informer les agriculteurs de la procédure mise en place pour les contacter en cas de question ou de réclamation, des types de tiers à qui ces données seront divulguées et des possibilités qu’ils proposent pour limiter l’utilisation et la diffusion de ces données. »

  • Portabilité : « Dans le cadre d’un accord et d’une politique de rétention, les agriculteurs doivent être en mesure de récupérer leurs données à des fins de conservation ou d’utilisation avec d’autres systèmes, à l’exception des données ayant été anonymisées ou agrégées de telle sorte qu’elles ne soient plus identifiables. Les agriculteurs doivent pouvoir récupérer facilement les données qui n’auraient été ni anonymisées ni agrégées, et ce, à leur entière discrétion. »

  • Limitations d’exploitation, de vente et de divulgation : « Un fournisseur de technologies agricoles ne devra ni vendre ni divulguer à un tiers des données non agrégées, sans avoir au préalable établi un engagement juridiquement contraignant reprenant les mêmes conditions que celles du contrat établi entre l’agriculteur et lui-même. Les agriculteurs doivent être avertis de tout projet de vente et avoir la possibilité d’exercer une option de retrait ou d’exiger la suppression de leurs données avant la finalisation de cette vente. […] Si l’accord établi entre le tiers et le fournisseur de technologies agricoles n’est pas le même que celui qui lie ce dernier à l’agriculteur, ces nouvelles conditions doivent être soumises à l’agriculteur pour approbation. »

  • Rétention et disponibilité des données : « Tout fournisseur de technologies agricoles devra procéder à la suppression, à la destruction sécurisée ou au renvoi des données agricoles d’origine sur le compte de l’agriculteur, à la demande de ce dernier ou après un délai préétabli. Le fournisseur doit prévoir une clause permettant aux agriculteurs d’accéder aux données qu’il conserve pendant la période de rétention des données. Les fournisseurs de technologies agricoles doivent proposer aux agriculteurs des informations sur les politiques de rétention et de mise à disposition des données personnelles, et sur les procédures d’élimination de ces dernières, mais aussi leur communiquer les exigences applicables aux données dans le cadre des politiques et procédures susmentionnées. »

  • Activités illégales ou anticoncurrentielles : « Les fournisseurs de technologies agricoles ne doivent en aucun cas utiliser les données collectées à des fins illégales ou anticoncurrentielles, telle l’exploitation de ces données à des fins de spéculation sur les marchés des produits agricoles. »

  • Mesures de sécurité et de responsabilité : « Le fournisseur de technologies agricoles doit définir clairement les conditions de responsabilité. Des dispositions de protection suffisantes doivent être mises en place afin de protéger les données agricoles contre des risques potentiels, comme la perte, l’accès non autorisé, la destruction, l’exploitation, la modification ou la divulgation. Des politiques de notification et d’intervention doivent être définies en cas d’atteinte à la sécurité des données. »

Sources: Banham, R. (2014), « Who owns farmers’ big data? », www.forbes.com/sites/emc/2014/07/08/who-owns-farmers-big-data (consulté le 4 mai 2017) ; American Farm Bureau Federation (s.d.), « Privacy and Security Principles for Farm Data », www.fb.org/issues/technology/data-privacy/privacy-and-security-principles-for-farm-data (consulté le 21 juin 2017).

Les plateformes en ligne ont connu un essor exponentiel sur les marchés de l’information, des biens et des services

L’internet a plus que jamais facilité la mise en adéquation de l’offre et de la demande en temps réel, aussi bien à l’échelle locale que mondiale. De nombreuses plateformes en ligne intègrent un marché de biens, de services et d’informations, fournis à la fois sous forme matérielle et numérique. Une grande part d’entre elles sont apparues au cours des 20 dernières années et sont gérées par des entreprises à forte croissance. En comparant les 15 premières entreprises de l’internet selon leur capitalisation boursière en 1995 et en 2017, il apparaît que les principaux acteurs étaient auparavant les fournisseurs d’accès à l’internet et les sociétés de logiciels, de matériel et de médias, mais qu’ils ont aujourd’hui été supplantés par les plateformes en ligne (Table 5.1). La majorité de ces plateformes mettent l’accent soit sur un rapprochement de l’offre et de la demande d’informations (par exemple, via des services de recherche ou les réseaux sociaux), soit sur la mise en place de marchés de commerce électronique (de biens et/ou de services) ou de solutions de paiement électronique. Apple et Salesforce font en quelque sorte figure d’exception dans ce classement 2017, dans la mesure où ces sociétés n’œuvrent pas exclusivement en tant que plateformes, même si Apple gère les services iTunes et App Store, deux plateformes très plébiscitées qui n’existaient pas en 1995.

Tableau 5.1. Quinze principaux acteurs de l’internet, classés selon leur capitalisation boursière, 1995 et 2017

1995 (décembre)

Activité ou produit principal

Pays d’origine

Milliards USD

2017 (mai)

Activité ou produit principal

Pays d’origine

Milliards USD

Netscape

Logiciels

USA

5.42

Apple

Matériels, logiciels et services

USA

801

Apple

Matériels

USA

3.92

Google/Alphabet

Informations, recherche et autres

USA

680

Axel Springer

Médias et édition

DEU

2.32

Amazon.com

Commerce électronique, services et médias

USA

476

RentPath

Médias et location

USA

1.56

Facebook

Informations et réseaux sociaux

USA

441

Web.com

Services web

USA

0,98

Tencent

Informations, réseaux sociaux et autres

CHN

335

PSINet

Fourniture d’accès à l’internet

USA

0.74

Alibaba

Commerce électronique, paiement électronique et autres

CHN

314

Netcom On-Line

Fourniture d’accès à l’internet

USA

0.40

Priceline Group

Services de réservation en ligne

USA

92

IAC/Interactive

Médias

USA

0.33

Uber

Services de mobilité

USA

70

Copart

Mise aux enchères de véhicules

USA

0.33

Netflix

Médias

USA

70

Wavo Corporation

Médias

USA

0.20

Baidu China

Informations, recherche et autres

CHN

66

iStar Internet

Fourniture d’accès à l’internet

CAN

0.17

Salesforce

Services

USA

65

Firefox Communications

Fourniture d’accès à l’internet et logiciels

USA

0.16

Paypal

Paiement électronique

USA

61

Storage Computer Corp.

Logiciels de stockage de données

USA

0.10

Ant Financial

Paiement électronique

CHN

60

Live Microsystems

Matériels et logiciels

USA

0.09

JD.com

Commerce électronique

CHN

58

iLive

Médias

USA

0.06

Didi Kuaidi

Services de mobilité

CHN

50

TOTAL

17

3 639

Sources: Calculs de l’auteur d’après KPCB (2015), « Internet trends 2015 », www.kpcb.com/blog/2015-internet-trends , et Kleiner Perkins (2017), « Internet trends 2017 », www.kpcb.com/internet-trends .

Le niveau élevé des cotations et l’augmentation spectaculaire de la valeur des sociétés répertoriées dans le Table 5.1 sont le fruit de plusieurs facteurs, dont certains s’avèrent spécifiques aux plateformes en ligne, notamment le fait qu’un nombre important de ces plateformes proposent principalement des produits numériques et peuvent donc changer d’échelle sans augmenter leur masse critique (Brynjolfsson et al., 2008). Contrairement aux entreprises fabriquant des produits matériels qui se caractérisent généralement par des coûts fixes élevés et des coûts marginaux qui diminuent à mesure que l’échelle augmente, les entreprises spécialisées dans les produits numériques disposent en général d’un nombre réduit d’actifs corporels (comme des bâtiments ou des salariés) et tendent à afficher des coûts marginaux relativement faibles. Par ailleurs, la valeur des plateformes ne dépend pas uniquement des marges bénéficiaires et des ventes, mais peut être affectée de manière importante par la valeur de leurs réseaux d’utilisateurs (particuliers ou entreprises) et des données générées par ces mêmes utilisateurs. Souvent, ces plateformes constituent des marchés multifaces s’appuyant régulièrement sur plus de deux réseaux. Lorsque l’une d’entre elles parvient à développer des réseaux d’une taille critique, elle peut tirer encore davantage parti des effets de réseau, en ce sens que ceux-ci peuvent mieux la protéger et augmenter sa valeur. Les clients seraient par exemple plus enclins à rester fidèles au réseau étendu d’une plateforme bien établie plutôt que de basculer vers une plateforme concurrente disposant de réseaux plus réduits, qui pourrait alors difficilement rivaliser avec la qualité de service, la variété des offres et les tarifs d’une plateforme plus importante.

Les plateformes en ligne peuvent avoir une influence sur des marchés entiers en réduisant les coûts de transaction et en proposant de nouvelles formes de transactions. Avec ses articles intitulés « The Nature of the Firm » (La nature de l’entreprise) (1937) et « The Problem of Social Cost » (Le problème du coût social) (1960), Ronald Coase fit partie des premiers économistes à aborder la question du coût des transactions de marché, qu’il considère comme l’une des principales raisons d’exister des entreprises. L’expression « coûts de transaction » se rapporte généralement aux différents types de coûts générés sur les marchés, en plus des coûts de production d’un bien ou d’un service. Ils incluent notamment : 1) la recherche d’informations sur le produit souhaité ; 2) la négociation du prix et du contrat ; et 3) le contrôle et l’exécution des transactions. En intégrant des actifs et activités complémentaires, les entreprises s’affranchissent du mécanisme de formation des prix traditionnel des marchés et créent de la valeur (Coase, 1937). Alors que les entreprises établissent de fait des frontières entre elles-mêmes et les marchés, les plateformes ont la capacité de réduire les coûts de transaction sur les marchés sans créer ou recréer ces frontières, et éventuellement de contribuer à leur suppression. Dans le cas des entreprises qui privilégient la production directe à l’achat externe lorsque les informations et les prix des facteurs sont marqués par leur incertitude, les plateformes facilitent l’achat au détriment de la production en fournissant davantage d’informations (par exemple sur les prix, les produits et les fournisseurs) que ce qui est réellement disponible sur les marchés traditionnels. Les plateformes permettent en outre une entrée plus facile des entreprises et autres acteurs sur leurs marchés du côté de l’offre, y compris des particuliers non professionnels ou des pairs (Figure 5.7).

Graphique 5.7. Marchés de plateformes en ligne
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Note: P2P = peer-to-peer (pair à pair) ; B2C = business-to-consumer (vente électronique aux consommateurs) ; B2B = business-to-business (commerce électronique interentreprises).

Source: OCDE (2016c), « New forms of work in the digital economy », https://doi.org/10.1787/5jlwnklt820x-en .

 https://doi.org/10.1787/888933659633

L’adoption des plateformes en ligne a été rapide mais reste dans de nombreux cas mal évaluée. Pour certaines d’entre elles, le nombre de visiteurs mensuels uniques est un bon indicateur de l’intérêt qu’elles suscitent. Début 2017, Google.com enregistrait par exemple 6 milliards de visiteurs uniques par mois, suivi de Facebook.com avec plus de 2 milliards. La popularité de plateformes dont le succès est plus récent, comme Uber et Airbnb, a été mesurée en 2016 dans le cadre d’une étude centrée sur les pays européens, laquelle mettait en évidence qu’en moyenne 15 % des particuliers avaient eu recours à une plateforme en ligne pour profiter de services dits d’« économie collaborative » (Figure 5.8). Les utilisateurs les plus jeunes et les plus éduqués, originaires de petites, moyennes ou grandes villes, étaient les plus enclins à recourir à ces plateformes (31 % contre 17 % dans l’ensemble des pays européens). Les deux avantages les plus souvent cités des services fournis par de telles plateformes, par comparaison au commerce traditionnel, sont la facilité d’accès et le prix réduit (voire la gratuité) de ces services. Les deux problèmes les plus souvent cités, toujours par comparaison au commerce traditionnel, sont que les utilisateurs ignorent généralement qui est responsable en cas de problème et qu’ils ont tendance à éprouver de la méfiance face aux transactions réalisées sur l’internet (Eurobaromètre, 2016).

Graphique 5.8. Utilisation de plateformes en ligne pour les services d’« économie collaborative », 2016
Proportion d’individus âgés d’au moins 15 ans
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Note: L’agrégat pour l’OCDE inclut uniquement les pays européens sélectionnés de la zone OCDE.

Source: Eurobaromètre (2016), « Flash Eurobarometer 438: The use of collaborative platforms », https://data.europa.eu/euodp/fr/data/dataset/S2112_438_ENG (consulté le 13 avril 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659652

Services et applications numériques en plein essor

L’innovation par le numérique ouvre la voie à un grand nombre d’applications dans des secteurs très variés. La présente section vise à examiner certaines de ces applications, et plus particulièrement dans les domaines des sciences, des soins de santé, de l’agriculture, des pouvoirs publics et de la gestion municipale. La recherche scientifique est par exemple affectée par les volumes croissants de données collectées et analysées, ainsi que par la diffusion des résultats obtenus par les outils numériques qui permettent une publication en libre accès des données ou la mise en place de nouveaux modes d’examen par les pairs. Dans le secteur des soins de santé, l’utilisation de plus en plus répandue d’applications mobiles et des dossiers médicaux électroniques favorise l’apparition de nouveaux modèles de prestation de soins et permet d’améliorer la coordination et la gestion clinique. Même dans le secteur agricole, les technologies numériques sont utilisées à des fins d’automatisation et pour la mise en œuvre de méthodes d’agriculture de précision. Ces nouvelles approches devraient modifier en profondeur les modèles traditionnels. De leur côté, les pouvoirs publics mettent en avant leurs services d’administration électronique aussi bien auprès des particuliers que des entreprises en offrant un accès libre aux ISP et en s’adressant de plus en plus à leurs administrés par le biais des réseaux sociaux (Twitter, notamment). Les villes cherchent elles aussi à tirer profit des avantages des applications numériques, par exemple pour le transport ou encore la distribution d’eau ou d’énergie, et le traitement des déchets. Elles visent ainsi à exploiter le potentiel de l’innovation fondée sur les données pour améliorer leurs propres activités et les processus décisionnels.

Les technologies numériques stimulent le développement de la science ouverte

L’activité scientifique financée sur fonds publics a posé les bases essentielles de la transformation numérique qui touche aujourd’hui tous les pans de la société et de l’économie. La recherche scientifique a par exemple joué un rôle majeur dans la création de l’internet et du World Wide Web. Les travaux menés actuellement dans les universités et les établissements publics de recherche du monde entier, dans des domaines comme l’informatique quantique, le stockage biologique de données numériques et les interactions entre l’homme et la machine, débouchent nécessairement sur de nouvelles innovations technologiques qui auront d’importantes répercussions socio-économiques. Paradoxalement, la pratique elle-même des sciences se voit modifiée en profondeur par le processus de transformation numérique dont elle est à l’origine. Cette situation donne lieu à l’apparition de nouveaux défis et possibilités tout aussi passionnants que complexes.

La transformation numérique influe de manière fondamentale sur l’activité scientifique même et sur les modalités de diffusion des résultats de la recherche

Les TIC (nouvelles infrastructures de stockage de données, internet haut débit, calcul à grande vitesse et logiciels analytiques) modifient radicalement l’activité scientifique et les modalités de diffusion des résultats de la recherche. Un nouveau modèle de « science ouverte » fait son apparition. Celui-ci peut sous-tendre un accès libre aux données scientifiques et aux revues spécialisées, ainsi qu’une mobilisation renforcée de la société civile et de l’industrie. Dans le même temps, la disponibilité et le volume des données générées par la recherche scientifique et qui lui sont accessibles ont augmenté de manière spectaculaire, tout comme notre capacité à consulter et analyser ces données. Les données massives et la recherche guidée par les données se sont aujourd’hui répandues à toutes les disciplines scientifiques et ouvrent la voie à un grand nombre de nouvelles possibilités. La capacité de combiner des données de sources ou filières différentes offre quant à elle de nouvelles perspectives sur des enjeux sociétaux complexes à l’échelle mondiale. Associées à l’IA, ces évolutions voient leur potentiel encore décuplé.

Outre les nouvelles découvertes scientifiques qu’elle permet, diverses raisons font que la « science ouverte » est aujourd’hui activement encouragée dans la plupart des pays de l’OCDE (OCDE, 2015b). Le modèle de publication spécialisée traditionnel et le coût croissant des abonnements peuvent limiter l’accès aux résultats de la recherche scientifique financée sur fonds publics. La publication en libre accès, qui tire parti des très faibles coûts de la diffusion d’informations en ligne, constitue une solution de substitution particulièrement intéressante. La rigueur et la reproductibilité des travaux publiés suscitent parfois des inquiétudes, mais celles-ci peuvent être au moins partiellement dissipées dès lors que les données sur lesquelles se basent ces travaux sont librement accessibles en ligne. En simplifiant l’accès aux informations et données scientifiques, il est possible d’améliorer l’efficacité de la recherche dans son ensemble en réduisant les doublons, en permettant une exploitation multiple des mêmes données et en augmentant les possibilités de participation nationale et internationale aux processus de recherche. Le libre accès aux données et travaux scientifiques devrait stimuler l’innovation et susciter un volume croissant d’externalités de connaissance venant de la recherche publique. Il peut aussi grandement encourager l’adhésion des citoyens à la science et contribuer à renforcer la confiance qu’ils lui portent en la rendant plus transparente et fiable, mais aussi participer à la promotion de la science citoyenne.

La science est à la fois un grand producteur et un grand utilisateur de données massives et ouvertes

À l’instar d’autres secteurs de la société et de l’économie, la science se voit profondément transformée par les nouvelles formes de données et les données massives aujourd’hui disponibles. On peut en effet considérer que les domaines comme la physique subatomique, l’astronomie, les sciences spatiales et la génomique ont rendu possible le développement de technologies et de logiciels permettant de partager et d’analyser ces importants volumes de données. Ces domaines scientifiques font aujourd’hui encore figure de pionniers en termes de génération et d’analyse des données massives. Une fois mis en service en 2024, le télescope Square Kilometre Array, actuellement en construction en Afrique du Sud et en Australie, devrait produire un volume de données égal au double du trafic internet quotidien mondial. Tous les domaines des sciences se voient affectés en profondeur par la transformation numérique et la disponibilité croissante de nouvelles formes de données et d’outils d’analyse innovants. Les données des transactions en ligne ont par exemple la capacité de moderniser les sciences sociales et de révolutionner notre compréhension des comportements humains. L’agrégation des données collectées par les satellites et des données issues de capteurs au sol, associées aux données économiques, environnementales et comportementales, offre de nouvelles perspectives sur les enjeux sociétaux complexes repris dans les Objectifs mondiaux de développement durable.

La disponibilité, l’accessibilité, l’interopérabilité et la reproductibilité des données s’imposent comme des conditions préalables incontournables à la pleine exploitation des possibilités offertes par la révolution que connaissent les sciences par le biais des données. Bien que le coût du stockage de données ait baissé de manière spectaculaire, la curation appropriée des données et le maintien de leur disponibilité et de leur utilisabilité sur le long terme sont des processus onéreux qui nécessitent un haut niveau d’expertise. Il convient ainsi de développer de nouveaux modèles économiques et partenariats entre acteurs privés et publics pour soutenir les répertoires de données et les services connexes. Une solide infrastructure de données destinée aux sciences doit être mise en œuvre à plusieurs échelles, aussi bien au niveau local que mondial.

C’est peut-être le rapprochement des données de domaines différents qui offrira les meilleures chances de faire progresser la recherche et la société. Assurer leur interopérabilité complète représente toutefois un défi de taille en raison des nombreux obstacles techniques, législatifs, éthiques et sociaux. Le partage et l’exploitation de données personnelles à des fins de recherche scientifique pose notamment un certain nombre de difficultés non négligeables en termes d’équilibre entre protection de la vie privée et bienfaits pour la société. Bien que des mesures de confidentialité et autres dispositifs puissent valablement empêcher le partage inconditionnel de données personnelles, il est parfois possible de recourir à certaines méthodes (comme l’anonymisation) pour rendre ces données personnelles compatibles avec une exploitation scientifique.

La transformation numérique de la science implique pour les chercheurs l’acquisition de nouvelles compétences

La rapidité des changements induits par la transformation numérique soulève d’importantes questions en termes de compétences scientifiques. Tous les chercheurs, quelle que soit leur discipline (sciences humaines et sociales incluses), doivent aujourd’hui être en mesure de travailler efficacement dans un monde imprégné de numérique. Même si les TIC ne remettront pas en question (au moins à moyen terme) la dépendance des sciences à l’inventivité et à la créativité individuelles, elles seront néanmoins d’une aide précieuse. L’avenir de la recherche est directement lié à une association réussie entre compétences humaines et capacités technologiques. De nouvelles formations et qualifications seront ainsi nécessaires, qu’il s’agisse de compétences TIC élémentaires ou spécialisées pour le développement de logiciels avancés et l’analytique des données. Les données massives entraîneront le développement et l’adoption généralisée de nouvelles modélisations mathématiques et approches statistiques. Les chercheurs indépendants, les équipes de recherche et les établissements scientifiques devront tous acquérir de nouvelles compétences s’ils souhaitent œuvrer efficacement dans le monde numérique. De profondes incertitudes demeurent toutefois quant à la proportion des besoins qui sont d’ores et déjà couverts grâce à l’intégration des compétences numériques dans le système éducatif général et par le développement de programmes spécialisés de science des données7 .

Il reste également difficile d’évaluer la proportion des besoins croissants de conservation et de gestion des données qui pourront être comblés dans le cadre des évolutions à venir dans les professions traditionnelles (comme les bibliothécaires d’enseignement supérieur et de recherche) ou s’il sera nécessaire d’attendre l’apparition d’une nouvelle génération de chercheurs en données, capables d’assurer l’interface entre les sciences et les données. Il apparaît néanmoins que les chercheurs universitaires œuvrant chacun dans leur discipline de spécialisation, suivant une carrière déterminée basée sur un système de récompense, vont bientôt connaître une phase de grands bouleversements. Cela inclut non seulement le besoin de nouvelles compétences techniques mais également, et peut-être plus important encore, le besoin de compétences de travail en équipe et de capacités de négociation « en douceur », lesquels s’avèrent particulièrement difficiles à combler dans de nombreux secteurs universitaires traditionnels (contrairement au secteur industriel).

Les outils numériques influent sur le développement de la publication en libre accès et permettent l’émergence de nouveaux modes d’examen par les pairs

Nombreux sont les pays de l’OCDE qui imposent désormais un accès libre aux publications scientifiques, lequel est considéré comme l’un des piliers essentiels de la science ouverte. Le libre accès aux publications scientifiques est un sujet qui a déjà été examiné en profondeur par l’OCDE (2015b). En résumé, il existe actuellement deux approches principales adoptées par les éditeurs pour offrir un accès aux publications scientifiques de manière libre et gratuite à un point de livraison défini en ligne : la « voie verte », qui consiste à différer le libre accès pendant une période initiale au cours de laquelle l’accès est uniquement possible dans le cadre d’un abonnement ; et la « voie d’or », permettant un libre accès direct – les coûts de publication étant couverts par d’autres méthodes que l’abonnement. Des modèles hybrides sont en outre actuellement en phase d’expérimentation. Ces différentes approches ont toutes leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que leurs partisans et leurs détracteurs. Dans certaines filières, le dépôt d’articles avant leur impression et l’archivage automatique d’articles déjà publiés par leurs auteurs sur des serveurs en libre accès permettent une meilleure diffusion des recherches scientifiques.

La publication d’un article dans une revue scientifique dépend généralement d’une approbation préalable par d’autres chercheurs. Cet examen réalisé par des pairs est souvent critiqué pour son manque d’impartialité, sa réserve excessive et son absence de responsabilisation. La publication d’un certain nombre d’articles frauduleux très médiatisés a remis en question l’efficacité des examens par les pairs en tant que mécanisme de filtrage permettant uniquement la diffusion de recherches scientifiques parfaitement fiables. Grâce aux nouvelles possibilités qu’offre la transformation numérique, il devrait être plus facile de pallier certaines des faiblesses que l’on peut reprocher au processus actuel d’examen par les pairs. Le recours à des serveurs de préimpression est aujourd’hui devenu la norme dans les domaines de la physique et des mathématiques, et devient de plus en plus courant dans d’autres secteurs des sciences, dans la mesure où ceux-ci permettent un examen ouvert et en ligne d’articles avant même qu’ils ne soient envoyés pour publication. D’autres méthodes ouvertes d’examen par les pairs – que cet examen ait lieu avant ou après la publication d’un article – sont également à l’essai. En parallèle aux articles de recherche, la publication numérique permet par ailleurs une mise à disposition directe des documents de référence associés (y compris des données expérimentales), ce qui peut améliorer la transparence et la reproductibilité des processus.

Malgré les bienfaits potentiels et les économies générales possibles par rapport aux méthodes de publication traditionnelles, le besoin de nouveaux modèles économiques pérennes et de mécanismes de diffusion des connaissances se fait de plus en plus pressant. Le secteur tout entier de la diffusion des données scientifiques évolue rapidement, et les publications formelles soumises à un examen par les pairs ne sont qu’une composante parmi d’autres de ce paysage dynamique intégrant de plus en plus l’utilisation des médias sociaux. En attendant que les nouveaux modèles et acteurs parviennent à s’imposer, il s’avère essentiel que la gestion à long terme des données scientifiques (existantes et futures) soit assurée.

Les plateformes en ligne jouent un rôle particulièrement important dans la recherche scientifique

Les outils numériques, qu’il s’agisse de dispositifs électroniques d’identification, de cahiers de manipulation ou encore d’outils de recherche en ligne, se sont rapidement répandus à toutes les étapes des processus scientifiques, de leur conception à leur diffusion. Grâce aux outils « clés en main », il devient de plus en plus facile d’établir des correspondances entre les entrées et sorties des recherches, et les individus et institutions. Les outils numériques modifient non seulement l’exercice même des recherches scientifiques, mais aussi la manière dont elles sont gérées et évaluées.

Une grande partie de ces outils en ligne sont peu à peu intégrés aux plateformes numériques offrant des services à valeur ajoutée, appuyés par un mélange de sources de données propriétaires (bibliométriques par exemple) et publiques (comme les informations sur le financement des projets). La recherche scientifique dépend de plus en plus de ces plateformes, qui sont gérées par un nombre restreint d’entreprises privées. Les mécanismes actuels semblent pour le moment fonctionner de manière efficace, mais d’aucuns s’inquiètent qu’à plus long terme ces entreprises développent des situations de monopole qui viendraient entraver le dynamisme de la science. Il convient ainsi de s’assurer que le partenariat entre acteurs publics et acteurs privés, visant à développer et à exploiter des outils et plateformes scientifiques, profite de manière égale à chaque partie et qu’il garantisse le caractère ouvert et l’accessibilité – deux propriétés d’intérêt public – des connaissances scientifiques.

De nouveaux développements dans la science ouverte et numérique ne seront possibles que si la confiance est au rendez-vous

Le troisième pilier de la science ouverte – après les données ouvertes et les publications en libre accès – est la participation ouverte des acteurs sociétaux (y compris de l’industrie) aux projets scientifiques. Cette fois encore, cela inclut toutes les étapes des processus scientifiques, du choix des priorités de recherche aux sciences citoyennes, en passant par le transfert de connaissances – les TIC ayant ouvert la voie à de nouvelles possibilités de coopération particulièrement intéressantes à chacune de ces étapes.

La confiance reste toutefois une condition préalable essentielle à l’établissement d’une relation prospère entre la science et d’autres secteurs de la société civile. La transformation numérique a aussi bien la capacité de renforcer que d’ébranler la confiance que chacun accorde à la science. L’exploitation de nouvelles sources de données et d’informations en ligne devrait permettre d’améliorer grandement le développement urbain, les systèmes de santé, les processus agricoles et alimentaires, l’utilisation des ressources, ainsi que de nombreux autres secteurs où les besoins de la société sont importants. Une grande partie de ces données restent néanmoins des informations personnelles de particuliers. De nouveaux cadres éthiques et régimes de gouvernance devront être élaborés pour garantir un équilibre adapté entre protection de la vie privée et bienfaits pour la société (OCDE, 2016d). Le niveau de confiance accordé à la science dépendra également de l’intégrité des projets scientifiques menés par les entreprises privées ou en collaboration avec elles. À mesure que la science devient plus ouverte et que sa diffusion se voit simplifiée par les médias sociaux, la frontière entre bonne et mauvaise science pourrait facilement se troubler. La rigueur des recherches scientifiques sera alors plus que jamais l’objet de toutes les attentions. L’assurance qualité et l’analyse (de plus en plus souvent automatisée) des données massives et complexes – y compris dans le développement et l’utilisation de nouveaux algorithmes et modèles mathématiques – devront être menées à bien avec autant de vigilance que de transparence.

Les soins de santé évoluent à mesure que se développent les dossiers médicaux électroniques et les applications mobiles

À mesure que sont mises à profit les possibilités offertes par les TIC, on assiste dans tous les pays à une profonde transformation du secteur de la santé. L’un des objectifs clés qui donnent forme à ce processus de transformation est d’améliorer l’efficacité, la productivité et la qualité des soins. De plus en plus d’éléments laissent à penser que les TIC sont essentielles pour améliorer l’accès aux services de santé, particulièrement dans les zones rurales et isolées où les ressources et les compétences en matière de soins de santé sont souvent rares voire inexistantes, et qu’elles favorisent le développement de nouveaux modèles de prestation des soins (OCDE et BID, 2016).

Les dossiers médicaux électroniques offrent les bases de fonctionnalités avancées permettant d’améliorer la coordination et la gestion clinique

Une étude menée en 2016 par l’OCDE auprès de 30 pays de la zone OCDE a montré que la plupart d’entre eux investissent aujourd’hui dans le développement des dossiers médicaux électroniques (DME) (OCDE, 2017b). Vingt-trois pays ont indiqué avoir engagé la mise en place d’un système DME à l’échelle nationale. Ils étaient par ailleurs dix-huit à revendiquer la mise en œuvre d’un mécanisme de partage avancé des dossiers médicaux avec un système d’envergure nationale conçu pour prendre en charge tous les patients ne disposant que d’un seul DME. Quelques pays seulement disposent réellement d’un système DME national, même si certains aspects essentiels du partage d’informations s’appliquent uniquement à une échelle infranationale – circonscrits au sein de régions, provinces, États ou encore réseaux d’organisations de santé (comme en Autriche, au Canada, en Espagne, en Suède et en Suisse). À l’exception du Canada, tous ont mis en place (ou commencé à mettre en place) un modèle d’échange national d’informations permettant le partage d’éléments clés sur l’ensemble du pays. Sept pays ont toutefois indiqué n’avoir pour le moment aucune intention de mettre en place un système DME national (le Chili, la Croatie, le Danemark, les États-Unis, le Japon, le Mexique et la République tchèque). En Croatie et au Danemark, on retrouve certains aspects d’un modèle de partage de dossiers relativement bien développé au niveau national. Dans les autres pays, les dispositions de partage varient grandement entre les régions et les organisations de santé.

Des données concrètes solides permettent aujourd’hui de montrer que l’introduction des DME peut notamment contribuer à la réduction des erreurs de prescription et à une meilleure coordination des soins. La mise en œuvre d’un tel système est toutefois connue pour sa grande complexité et son coût particulièrement élevé. Les pays qui investissent dans le développement d’un système d’informations de santé sont ainsi confrontés à un certain nombre de difficultés aussi bien techniques que financières. Seule une poignée de pays sont aujourd’hui parvenus à atteindre un haut niveau d’intégration et à tirer pleinement parti des possibilités offertes par l’extraction de données basée sur les DME à des fins de recherche, d’analyse statistique et autres utilisations secondaires. Les systèmes de soins de santé ont encore tendance à conserver les données dans des structures cloisonnées et à les analyser séparément. L’établissement de normes et l’interopérabilité sont des défis majeurs qu’il importe de relever pour tirer pleinement parti du potentiel des DME.

Avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs de smartphones et d’appareils portables, les applications mobiles de santé s’imposent de loin comme le segment des systèmes de soins basés sur les TIC connaissant la plus forte croissance

Les technologies mobiles sont à l’origine d’un grand nombre de modalités intelligentes permettant aux patients d’interagir directement avec les systèmes et les professionnels de santé. Ces technologies assurent un retour d’informations en temps réel particulièrement utile à toutes les étapes du parcours de soins (prévention, diagnostic, traitement et suivi). Dans la mesure où les services de santé sur mobile ont l’avantage de faibles coûts marginaux et d’une grande disponibilité, ils sont de nature à atteindre un nombre important de patients entre les rendez-vous cliniques sur site. C’est peut-être dans les pays à revenu faible et intermédiaire que le potentiel est le plus grand pour étendre l’accès aux soins de santé au moyen des technologies mobiles dans les zones rurales et isolées. Ainsi, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Kenya et la Tanzanie sont parvenus à intégrer l’utilisation des téléphones mobiles dans les systèmes de santé de proximité (Columbia University, 2011).

En 2015, l’Organisation mondiale de la santé a réalisé une étude sur les activités de santé en ligne et les applications mobiles de santé au niveau national auprès de 125 pays. Plus de 80 % d’entre eux avaient déjà mis en place des applications mobiles de santé parrainées par l’État. Les différents projets de ce type consistaient à l’origine à compléter les programmes et services existants à l’échelle locale ou nationale (Figure 5.9).

Graphique 5.9. Adoption des programmes d’applications mobiles de santé par type, 2015
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Note: Ces résultats intègrent les réponses de plus de 600 experts de la santé en ligne répartis dans 125 pays.

Source: OMS (2016), Atlas of eHealth Country Profiles: The Use of eHealth in Support of Universal Health Coverage: Based on the Findings of the Third Global Survey on eHealth 2015, http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/204523/1/9789241565219_eng.pdf?ua=1 (consulté le 12 avril 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659671

L’utilité des applications mobiles de santé est largement reconnue en ce qui concerne la gestion des maladies non transmissibles comme le diabète ou les maladies cardiaques, ainsi que des autres maladies nécessitant des interactions en continu. Les services de santé sur mobile peuvent également aider à compenser les déficiences physiques, sensorielles et cognitives des populations âgées, leur permettant de vivre plus longtemps en bonne santé et de réduire les taux d’hospitalisation.

La multiplication rapide des programmes pilotes de santé sur mobile et le développement d’applications de bien-être et de santé se sont imposés comme des défis de taille pour les décideurs

Les applications mobiles de santé se trouvent aujourd’hui à un point critique de leur évolution. D’abord, les projets et programmes pilotes n’étaient à l’origine pas conçus dans une optique de déploiement à grande échelle, mais plutôt afin de tester leur faisabilité. Cette situation a engendré des problèmes de morcellement des financements, de court-termisme des partenariats et d’absence d’intégration dans les systèmes de santé traditionnels. Nombreuses furent les premières expérimentations financées par les opérateurs, les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales et autres organismes intéressés.

Ensuite, les applications de santé et de bien-être (à l’exception de celles classées dans la catégorie des dispositifs médicaux) restent encore non réglementées dans leur majorité, ce qui soulève des inquiétudes quant à leur sécurité et leur efficacité. Par ailleurs, pour fonctionner normalement, ces applications peuvent parfois nécessiter un volume important de données personnelles, ce qui pose de fait un certain nombre de problèmes de confidentialité et de sécurité. Même si dans de nombreux pays, comme les États-Unis, les lois régissant la protection des consommateurs permettraient de lutter contre les pratiques trompeuses et déloyales s’appuyant sur les applications de santé, les stratégies de gouvernance des données et les politiques relatives aux applications mobiles de santé y afférentes font partie des priorités des pays cherchant à tirer le meilleur parti possible des technologies mobiles à des fins d’amélioration des résultats en matière de santé. Différentes initiatives visant à combler les manques dans les pratiques d’évaluation ont commencé à être mises en place. Les programmes d’homologation des applications médicales, consistant en une évaluation formelle ou un examen par les pairs, sont un exemple des évolutions récentes destinées à assurer une validation clinique en termes de sécurité et de qualité, à renforcer la confiance et à promouvoir l’adoption de ces applications par les patients et les professionnels. Des codes de conduite ou de pratiques non contraignants sont également développés pour encourager une meilleure prise de conscience et des comportements plus vertueux dans le secteur privé.

En 2013, le Boston Consulting Group recensait 500 projets d’applications mobiles de santé et, en 2015, on évaluait à environ 500 millions le nombre de patients dans le monde qui utilisaient ce type d’applications. D’après une estimation, plus de 165 000 applications mobiles de santé (Apple et Android) étaient disponibles en 2015 – ce nombre ayant doublé depuis 2013 (IMS Institute for Healthcare Informatics, 2015). Les recettes annuelles du marché de ces applications devraient atteindre plus de 26 milliards USD en 2017, contre 2.4 milliards USD en 2013 (research2guidance, 2014).

Aux États-Unis, un quart des adultes déclaraient en 2014 utiliser au moins une application de suivi médical, et en 2013 un tiers des médecins avaient conseillé l’utilisation d’une telle application à un patient (Comstock, 2014). L’évolution rapide des applications et des plateformes applicatives, associée à leur intégration avec d’autres produits, ouvre la voie à de nouvelles possibilités mais aussi à de nouveaux risques potentiels. Certaines questions subsistent toutefois concernant les points suivants :

  • la sûreté et l’efficacité cliniques

  • la confidentialité et la sécurité (de nombreuses applications de santé et d’exercice physique ont accès à des données physiologiques sensibles amassées par les capteurs des téléphones mobiles et autres dispositifs, notamment portables)

  • le fort taux de renouvellement des applications (près de 90 % d’entre elles ne sont plus utilisées au bout de six mois et 80 % ne génèrent pas assez de recettes pour être véritablement rentables).

Des travaux récents montrent également que malgré le large éventail d’applications couvrant un grand nombre de pathologies, seule une minorité semblent réellement répondre aux besoins des patients qui pourraient en tirer le plus grand bénéfice, et présenter une utilité clinique (Singh et al., 2016).

La transformation numérique touche même les secteurs traditionnels comme l’agriculture

La production industrielle connaît actuellement une phase de transformation, favorisée par l’association de l’interconnexion croissante des machines, des inventaires et des biens assurée par l’IdO ; des capacités des logiciels intégrés aux machines ; de l’analyse d’importants volumes de données numériques (« données massives ») générées par les capteurs ; et de la grande disponibilité des capacités de traitement rendues possibles par l’infonuagique. La transformation qui s’ensuit, décrite par certains comme l’« industrie 4.0 » (Jasperneite, 2012), ne touche pas uniquement le secteur manufacturier, mais a déjà profondément bouleversé des secteurs traditionnels comme l’agriculture. Les agriculteurs génèrent ainsi aujourd’hui d’importants volumes de données numériques que des sociétés comme John Deere et DuPont Pioneer peuvent exploiter par le biais de nouveaux services informatiques s’appuyant sur les données (Noyes, 2014). Les capteurs qui équipent les derniers équipements John Deere peuvent par exemple aider les agriculteurs à gérer leur parc de véhicules, réduire le temps d’immobilisation des tracteurs et faire des économies en termes de consommation de ressources (Big Data Startups, 2013). On estime ainsi que l’« industrie 4.0 » pourrait augmenter la valeur ajoutée de l’agriculture allemande de 3 milliards EUR supplémentaires (1.17 %) d’ici à 2025 (BITKOM et Fraunhofer, 2014)8 .

L’agriculture de précision a révolutionné le secteur agricole grâce à l’analytique des données massives

L’analytique des données massives a permis l’émergence de l’agriculture de précision, laquelle offre d’importants gains de productivité par une optimisation des ressources agricoles. Cela se traduit notamment par des économies en termes de semences, d’engrais et d’irrigation, ainsi que par des gains de temps pour les agriculteurs (Box 5.1). Les estimations des effets sur la productivité dépendent des types de gains pris en considération. Une étude indique par exemple que l’agriculture de précision pourrait augmenter le rendement des cultures de maïs aux États-Unis de 12.5 à 25 boisseaux par hectare, et ainsi améliorer les bénéfices d’environ 250 USD par hectare (dans une période où les recettes brutes moins les coûts non fonciers s’élevaient à 875 USD par hectare) (Noyes, 2014). On pourrait estimer par extrapolation que les bienfaits économiques de l’agriculture de précision représenteraient chaque année aux États-Unis environ 12 milliards USD, ce qui amène la part de l’agriculture dans le PIB américain à plus ou moins 7 % de la valeur ajoutée totale (soit 177 milliards USD)9 . Les études dans lesquelles sont exclus les gains de temps pour les agriculteurs prévoient une augmentation plus modeste des bienfaits par hectare offerts par l’agriculture de précision. À titre d’exemple, Schimmelpfennig et Ebel (2016) estimaient à 36.25 USD par hectare la hausse des bénéfices pour les agriculteurs. Une étude similaire se penchait sur les mêmes facteurs d’augmentation de l’efficacité offerts par l’agriculture de précision pour des exploitations agricoles de taille différente10 , et en particulier le contrôle automatique de section et de rang, s’appuyant sur la géolocalisation pour éviter une utilisation excessive d’intrants, comme les engrais et les produits phytosanitaires (John Deere, 2015). Les économies réalisées par les exploitants de cultures de maïs (semblables aux cultures en rangs espacés examinées plus tôt) étaient estimées à hauteur de 2.5 USD à 37.5 USD par hectare.

L’agriculture pourrait bientôt être en grande partie automatisée et ne nécessiter l’intervention que d’un nombre limité de travailleurs

Le recours aux machines autonomes pour les activités agricoles est déjà très répandu dans certains pays. Aux États-Unis, dans l’élevage bovin, on utilise ce type de machine pour traire les vaches, distribuer la nourriture et nettoyer les étables sans aucune intervention humaine. Le robot de traite de Lely, par exemple, ajuste automatiquement les processus de traite et d’alimentation afin d’optimiser la production de lait de chaque vache. Selon certaines études, les activités agricoles devraient à terme pouvoir se passer de toute intervention humaine.

Cela mènerait à une situation où les entreprises agricoles n’auraient alors plus qu’un rôle de gestionnaires locaux d’exploitation, de cheptel et de données. Elles pourraient ainsi uniquement contrôler les activités situées au bout de la chaîne de valeur, à l’instar de ce qui se fait actuellement dans le cadre de l’agriculture contractuelle11 . Les producteurs de denrées alimentaires, les détaillants et même les clients finaux pourraient interagir directement avec le réseau constitué autour d’un agriculteur, comme ses fournisseurs de semences, ses machines intelligentes (autonomes), ses vétérinaires, etc. Dans ce cas de figure, le travail de l’agriculteur serait assimilable à celui d’un prestataire chargé de s’assurer que les interactions entre l’offre et la demande du système agricole sont gérées de manière équilibrée. Un autre scénario est toutefois possible : les agriculteurs pourraient profiter des données et capacités offertes par les technologies analytiques, et adapter les processus à leur excellente connaissance des particularités de l’agriculture locale.

L’IdO permettant déjà l’intégration de systèmes physiques, il encouragera également l’intégration de systèmes vivants (végétaux, animaux et humains y compris) à ces systèmes physiques12 . Une telle intégration pourrait encore renforcer les capacités humaines. Les applications fondées sur la réalité augmentée, par exemple, ont la capacité de fournir aux agriculteurs des informations en temps réel et d’améliorer ainsi les processus décisionnels et les méthodes de travail. Des instructions pourraient ainsi être directement affichées dans le champ de vision des agriculteurs grâce à des lunettes de réalité augmentée. La disponibilité d’informations en temps réel pourrait quant à elle permettre aux agriculteurs d’améliorer la planification des quarts de travail. Comme le précise l’OCDE (2017a), il existe toutefois un risque que cette intégration conduise à une déshumanisation de la production, y compris dans le secteur agricole. Dans le cadre de processus de production hautement automatisés, l’intégration et l’interaction entre humains et systèmes autonomes sont déjà une réalité, notamment pour des tâches ne pouvant être accomplies sans l’intelligence humaine et pour lesquelles aucun algorithme abordable n’existe encore, reléguant plus les travailleurs à un rôle de ressource qu’à celui de réels utilisateurs de systèmes IdO.

Certains obstacles à la réutilisation, au partage et au couplage des données existent encore dans le secteur agricole

Les obstacles à la réutilisation, au partage et au couplage des données prennent des formes multiples. Il peut ainsi s’agir de barrières techniques, comme des problèmes de lisibilité des données par les machines d’une plateforme à l’autre. Des contraintes légales peuvent également empêcher la réutilisation, le partage et le couplage des données. Citons par exemple les « clauses de blocage de données » figurant dans de nombreux accords de service, notamment lorsque ces provisions peuvent être utilisées pour imposer au client des frais supplémentaires ou le rendre captif de son fournisseur actuel (Becker, 2012)13 . Ce problème est par ailleurs renforcé par les enjeux liés au concept de propriété des données. Par comparaison avec d’autres biens incorporels, différentes autorisations complexes sont généralement associées aux données en fonction des parties prenantes. Lorsque des données sont considérées comme revêtant un caractère personnel, la question de leur propriété pose des difficultés, dans la mesure où la plupart des dispositions de protection de la vie privée accordent un droit de contrôle explicite sur ces données à la personne concernée, empêchant la restriction de ces données par le maître du fichier (voir par exemple OCDE [2013b], paragraphe 13). Toutefois, même dans le cas où les données ne revêtent pas de caractère personnel, des polémiques sont apparues sur la question de la gouvernance des données, comme dans une récente affaire opposant les agriculteurs et certains des principaux fournisseurs de technologies d’agriculture de précision (dont John Deere, DuPont Pioneer et Monsanto) (Box 5.2).

Les pouvoirs publics reconnaissent les possibilités qu’offrent les technologies numériques, mais peuvent encore progresser dans leur exploitation

Les technologies numériques représentent un potentiel important pour le secteur public, notamment pour améliorer les prestations de services ou créer de la valeur pour les particuliers et les entreprises. En 2017, « Renforcer les services de l’administration électronique » se classait à la première place des 15 objectifs d’action en faveur du développement de l’économie et de la société numériques (voir Table 1.1, Chapter 1). Cette priorité fait écho au potentiel encore exploitable dans de nombreux pays pour une amélioration des prestations de services de l’administration électronique, comme illustré par le taux d’adoption de ces services par les particuliers (Figure 5.10) et par la mise à disposition des données publiques en accès libre (Figure 5.11). Bien que l’expression « administration électronique » reste employée dans de nombreux pays, ceux de l’OCDE se sont engagés en 2014 à délaisser la notion restrictive de « services de l’administration électronique » au profit du développement d’un plan plus large en faveur d’un « gouvernement numérique » (Box 5.3).

Graphique 5.10. Utilisation des services de l’administration électronique par les particuliers et les entreprises dans les pays de l’OCDE
En pourcentage des particuliers et des entreprises ayant utilisé l’internet pour leurs contacts avec les administrations publiques
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Note: Les dernières données disponibles pour les entreprises datent de 2013.

Sources: OCDE, Accès et utilisation des TIC par les entreprises (base de données), http://oe.cd/bus ; OCDE, Accès et utilisation des TIC par les ménages et les individus (base de données), http://oe.cd/hhind (sources consultées en juin 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659690

Graphique 5.11. Disponibilité et accessibilité des données publiques ouvertes, 2017
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Note: La « disponibilité des données » et l’ « accessibilité des données » sont deux des trois dimensions de l’indice composite OURdata de l’OCDE (1 = max.), lequel inclut également l’« appui des pouvoirs publics à la réutilisation » des données. La « disponibilité des données » englobe des informations sur le contenu de la politique d’ouverture par défaut, sur l’engagement des parties prenantes pour faire de la mise à disposition des données une priorité, et sur l’accès aux données publiques ouvertes stratégiques sur les portails nationaux (par exemple : résultats des élections nationales, dépenses publiques ou dernier recensement). L’« accessibilité des données » englobe des informations sur la disponibilité d’exigences formelles et sur leur mise en œuvre, notamment pour ce qui concerne la publication des données publiques ouvertes soumises à une licence automatique, dans des formats ouverts (c’est-à-dire non propriétaires) et accompagnées de métadonnées descriptives ; ainsi que sur l’engagement des parties prenantes quant à la qualité des données. Ces données proviennent de l’Enquête sur l’ouverture des données publiques réalisée en novembre et décembre 2016 par l’OCDE. Les participants à cette enquête étaient dans leur grande majorité des directeurs des systèmes d’information de pays de l’OCDE. Les réponses correspondent à une évaluation propre à chaque pays des pratiques et procédures mises en place en matière de données publiques ouvertes. Les données concernent uniquement les pouvoirs publics centraux ou fédéraux, et excluent les pratiques relatives aux données publiques ouvertes à l’échelon local ou d’un État.

Source: Calculs de l’auteur, d’après OCDE (2017c), Panorama des administrations publiques 2017, https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-fr .

 https://doi.org/10.1787/888933659709

Encadré 5.3. De l’administration électronique au gouvernement numérique

La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les stratégies numériques gouvernementales (2014) définit d’une part l’« administration électronique » comme l’utilisation par les pouvoirs publics des technologies de l’information et des communications (TIC) – et notamment de l’internet – afin d’améliorer les prestations des pouvoirs publics ; et d’autre part le « gouvernement numérique » comme l’exploitation des technologies numériques (en tant que partie intégrante des stratégies de modernisation des pouvoirs publics) afin de créer de la valeur publique. Les gouvernements numériques s’appuient sur un écosystème numérique gouvernemental constitué d’acteurs publics, d’organisations non gouvernementales, d’entreprises, d’associations citoyennes et de particuliers assurant la production de données, services et contenus, et le libre accès à ces derniers, par une interaction directe avec les pouvoirs publics.

Source: OCDE (2014b), Recommandation du Conseil sur les stratégies numériques gouvernementales, www.oecd.org/gov/digital-government/Recommendation-digital-government-strategies.pdf .

Malgré une légère augmentation de l’utilisation des services de l’administration électronique, il existe une marge d’amélioration, notamment chez les particuliers

Les particuliers et les entreprises sont les principaux utilisateurs des services de l’administration électronique. Or malgré une légère augmentation de l’utilisation de ces services, une marge d’amélioration reste possible, notamment pour les particuliers. Le Chapter 4 (voir Figure 4.15) montre que l’utilisation des services de l’administration électronique par les particuliers en 2016 s’est développée de façon relativement inégale dans les pays de l’OCDE, puisque moins de 25 % des particuliers ont recours aux sites web des pouvoirs publics au Chili, en Italie et au Mexique contre plus de 80 % au Danemark, en Islande et en Norvège. Bien que les interactions avec les administrations publiques par le biais de l’internet aient connu une hausse entre 2010 et 2016, la part des particuliers qui ne profitent pas de cette évolution reste importante (Figure 5.10). Même si les données disponibles sur les entreprises sont moins récentes, elles montrent toutefois une croissance des interactions avec les administrations publiques depuis 2010, puisque 95 % des grandes entreprises et 88 % des petites entreprises ont interagi avec ces administrations en 2013 (Figure 5.10).

L’utilisation des informations du secteur public peut aussi bien profiter aux particuliers et aux entreprises qu’aux pouvoirs publics

Le secteur public est l’un des principaux secteurs à forte intensité de données de l’économie. Son importance au sein de l’écosystème des données est double : premièrement en tant qu’utilisateur de données et de technologies analytiques, et deuxièmement en tant que producteur de données pouvant être recyclées pour des produits et processus innovants ou améliorés dans tous les aspects de l’économie. L’accès libre à la fois aux ISP et aux données publiques ouvertes – un sous-ensemble des ISP –, et leur réutilisation, aussi bien au sein qu’en dehors du secteur public, peuvent générer de la valeur pour les particuliers et stimuler l’innovation des entreprises et des pouvoirs publics (OCDE, 2015c) :

  • Pour les particuliers, les ISP et les données publiques ouvertes peuvent s’avérer précieuses, notamment lorsqu’elles sont utilisées pour améliorer la responsabilité à l’égard du public, en encourageant la transparence et en permettant une surveillance renforcée des procédures, ainsi que lorsqu’elles donnent aux particuliers la possibilité de prendre des décisions avisées. De manière plus générale, cette participation en ligne des particuliers peut renforcer la participation des citoyens à la vie publique et aux processus d’élaboration des politiques publiques, et ainsi augmenter les chances qu’ils y contribuent activement.

  • Pour les entreprises, un accès aux ISP et aux données publiques ouvertes peut stimuler le développement de nouveaux services, produits et marchés, qui parfois viennent compléter ou améliorer l’offre de services publics existante par le biais de solutions plus réactives et mieux adaptées aux besoins des citoyens.

  • Pour les pouvoirs publics, l’utilisation des ISP peut accroître l’efficacité du secteur dans son ensemble. Elle permet le décloisonnement et le développement de la collaboration des organismes et des agences (en interne ou d’une entité à l’autre). Si ces informations sont disponibles dans des formats permettant leur réutilisation et leur couplage, l’utilisation des ISP permet également une prise en charge de l’analytique des données dans le secteur public et une amélioration des processus décisionnels et de surveillance.

Rendre les données du secteur public à la fois disponibles et accessibles en ligne reste une condition essentielle à l’exploitation réussie du potentiel des ISP pour les particuliers, les entreprises et les pouvoirs publics. Les données collectées dans le cadre de l’Enquête sur l’ouverture des données publiques conduite par l’OCDE montrent que la disponibilité et l’accessibilité des données publiques ouvertes dans les pays de l’OCDE varient sensiblement entre les pays les plus avancés comme la Corée, la France et la Grande-Bretagne, et les pays où la marge de progression est importante, comme la Turquie, la Lettonie et la Suède (Figure 5.11).

Les pouvoirs publics utilisent de plus en plus les médias sociaux pour communiquer directement avec les citoyens

Twitter est devenu un outil très largement utilisé par les responsables publics souhaitant communiquer directement avec les citoyens. L’utilisation de Twitter par les pouvoirs publics et le recours à de tels outils de communication par les citoyens ont connu un essor spectaculaire au cours des dernières années. En 2014, les cabinets des plus hautes instances de l’exécutif (chef de l’État, chef du gouvernement, voire l’ensemble de l’appareil gouvernemental) de 28 pays de l’OCDE disposaient déjà d’un compte Twitter (OCDE, 2015c), et en 2016 tous les gouvernements – à l’exception de la Hongrie – disposaient d’au moins un compte actif. Sur cette période, le nombre d’abonnés en proportion de la population totale a augmenté de manière significative dans presque tous les pays (Figure 5.12). Lorsque ces mesures ont été réalisées mi-2016, le président des États-Unis enregistrait le plus grand nombre d’abonnés, à hauteur de 23 % de la population américaine, suivi du président turc et du Premier ministre israélien, respectivement en deuxième et troisième place. Tous les détenteurs de comptes ne sont pas nécessairement aussi actifs les uns que les autres : la fréquence moyenne de tweets par compte oscille entre plus de 12 par jour (Ilves Tomas, Estonie) à moins de 1 par semaine (Sauli Niinistö, Finlande). D’importants écarts apparaissent également dans le nombre moyen de retweets par tweet, allant de 1 572 aux États-Unis (Barack Obama) et 1 298 en Turquie (Recep Tayyip Erdog˘an) à 1.3 au Portugal (República Portuguesa) et en Slovénie (Vlada R. Slovenije).

Graphique 5.12. Responsables publics les plus suivis sur Twitter, 2017
Abonnés, en pourcentage de la population totale
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Note: Ce graphique prend en compte les abonnés du compte Twitter officiel de chaque pays à leur niveau le plus élevé en mai 2017. Aucun compte officiel vérifié n’était référencé pour la Hongrie à cette période.

Sources: Burson-Marsteller (2017), « Twiplomacy study 2017 », http://twiplomacy.com/blog/twiplomacy-study-2017/ (consulté le 22 juin 2017) ; Burson-Marsteller (2014), « Twiplomacy study 2014 », http://twiplomacy.com/blog/twiplomacy-study-2014 (consulté le 13 avril 2017) ; UNDESA (2017), « World Population Prospects 2017 », https://esa.un.org/unpd/wpp/Download/Standard/Population .

 https://doi.org/10.1787/888933659728

Les villes saisissent les opportunités offertes par les applications numériques et visent à exploiter le potentiel de l’innovation fondée sur les données

Les applications numériques améliorent l’efficacité des secteurs urbains

Les villes font de plus en plus appel aux applications numériques, par exemple dans le cadre de leurs réseaux électrique et de transport. L’utilisation de ces applications se traduit notamment par une exploitation plus efficace des systèmes mis en place grâce à une amélioration du rapprochement entre l’offre et la demande. Cela peut prendre la forme d’une application mobile déterminant le meilleur itinéraire d’un point A à un point B, tout en prenant en compte les différents modes de transport disponibles et les conditions de circulation, ou encore d’un compteur d’électricité intelligent informant en temps réel les ménages et les entreprises des tarifs en fonction de l’offre et de la demande sur le réseau électrique – le système d’offre et de demande devenant ainsi parfaitement transparent, ce qui permet de lisser les pointes de demande en la répartissant dans l’espace (dans les transports en particulier) et le temps (aussi bien dans les transports que pour l’électricité). Cela se traduit ainsi par une baisse de l’encombrement des routes et une réduction des exigences de charge de base dans l’approvisionnement d’électricité. De leur côté, les habitants gagnent du temps sur leurs trajets et font des économies (financières et en termes d’émissions) sur leur consommation d’électricité. Différents autres secteurs, comme celui de la gestion de l’eau ou des déchets, tirent également parti des bienfaits des applications numériques (Box 5.4). Par ailleurs, les données recueillies par les applications et capteurs intégrés aux infrastructures urbaines peuvent être utilisées pour améliorer encore davantage les fonctionnalités de ces dernières.

Encadré 5.4. Potentiel d’efficacité des applications numériques dans les secteurs urbains

On estime que les réseaux électriques intelligents devraient permettre des économies d’énergie pour les foyers et les entreprises, notamment s’ils sont associés à des systèmes de gestion de l’énergie pour particuliers et entreprises. Grâce aux compteurs intelligents, les ménages européens devraient économiser 10 % par an sur leur consommation d’énergie (e-control, 2011). Aux États-Unis, les économies générées par les réseaux intelligents sont évaluées à 4.5 fois le montant des investissements nécessaires à leur mise en œuvre (400 milliards USD) (EPRI, 2011).

L’innovation fondée sur les données dans les systèmes de transport peut permettre aux utilisateurs de réaliser des gains de temps et des économies, tout en réduisant la pollution et les émissions de carbone dans les villes. Le système de trafic intelligent (Intelligent Traffic System) de Londres devrait réduire la congestion au cœur de la ville d’environ 8 % par an entre 2014 et 2018 (TfL, 2011). L’utilisation des données ouvertes dans les transports (par exemple sous la forme d’applications fournissant des informations en temps réel sur les tarifs, les trajets multimodaux et les conditions de circulation) pourrait représenter chaque année l’équivalent de 720 milliards USD à 920 milliards USD (McKinsey Global Institute, 2013). Le système de péage de congestion instauré à Stockholm a réduit la circulation de 22 % (100 000 voyageurs par jour) et les émissions de CO2 de 14 % (25 000 tonnes par an) dans le centre-ville au terme des sept mois qu’a duré la période d’expérimentation de ce système (KTH, 2010).

Le covoiturage et l’autopartage peuvent également contribuer à réduire la consommation de ressources et modifier les schémas de mobilité au sein des villes. Le Forum international des transports a estimé que seulement 10 % des voitures seraient nécessaires si l’on mettait en place un scénario combinant des transports publics à haute capacité et des « TaxiBots » sans chauffeur (véhicules autonomes en utilisation partagée) (FIT, 2014). D’ici à 2020, les systèmes de partage de véhicules garés librement devraient générer des recettes annuelles estimées à 1.4 milliard EUR dans les villes de plus de 500 000 habitants de la zone OCDE (Civity, 2014).

Les améliorations basées sur le numérique dans les systèmes d’alimentation en eau peuvent limiter les pertes et réduire les coûts de fonctionnement et d’entretien. On estime que les réseaux d’eau intelligents devraient permettre aux compagnies des eaux d’économiser à l’échelle mondiale entre 7.1 milliards USD et 12.5 milliards USD chaque année, par la mise en place de techniques intelligentes de contrôle de la qualité de l’eau, de fonctionnement et de maintenance du réseau, d’analytique des données pour la gestion des dépenses en capital, mais aussi de gestion des fuites et de la pression dans les réseaux de distribution d’eau (Sensus, 2012 ; Ministère des Entreprises, de l’Innovation et des Compétences du Royaume-Uni, 2013).

Des stratégies globales et s’appuyant sur les données pour la réduction des déchets, le recyclage, la réutilisation des matériaux et la valorisation énergétique peuvent à la fois permettre des économies et réduire les émissions de carbone. La stratégie Beyond Waste (Au-delà des déchets) adoptée par l’État de New York devrait permettre une économie d’énergie représentant la consommation annuelle de 2.6 millions de foyers (plus de 295 millions de gigajoules) et une réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la ville de New York d’environ 20 millions de tonnes métriques par an (New York Department of Environmental Conservation, 2014).

Sources: e-control (2011), « Next steps for smart grids: Europe’s future electricity system will save money and energy », www.e-control.at/documents/20903/-/-/633895a3-d5d0-4866-865c-26b785bd1d0d ; EPRI (2011), « Estimating the costs and benefits of the smart grid », https://www.smartgrid.gov/files/Estimating_Costs_Benefits_Smart_Grid_Preliminary_Estimate_In_201103.pdf ; TfL (2011), « London’s intelligent traffic system », www.impacts.org/euroconference/barcelona2011/Presentations/11_Keith_Gardner_presentation_Barcelona_v2.pdf ; McKinsey Global Institute (2013), « Big data: The next frontier for innovation, competition and productivity », www.mckinsey.com/business-functions/digital-mckinsey/our-insights/big-data-the-next-frontier-for-innovation ; KTH (2010), « Congestion charges which save lives », www.kth.se/en/forskning/sarskilda-forskningssatsningar/sra/trenop/trangselskatten-som-raddar-liv-1.51816 (consulté le 4 novembre 2014) ; FIT (2014), « Urban mobility: System upgrade », www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/15cpb_self-drivingcars.pdf ; Civity (2014), « Urban mobility in transition? » ; UK Department for Business Innovation and Skills (2013), « The smart city market: Opportunities for the UK », https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/249423/bis-13-1217-smart-city-market-opportunties-uk.pdf » ; New York Department of Environmental Conservation (2014), « Climate smart waste management », www.dec.ny.gov/energy/57186.html (consulté le 4 novembre 2014).

Au-delà d’une simple amélioration des différents systèmes urbains, de nouvelles synergies peuvent apparaître grâce à une intégration plus étroite des systèmes sur l’ensemble des secteurs. Une ville est assimilable à un « système de systèmes », au sein duquel les TIC et les flux urbains numérisés peuvent créer le potentiel pour une intégration poussée des systèmes (CEPS, 2014). Le réseau électrique est un bon exemple de système connaissant une intégration progressive avec les systèmes urbains grâce aux TIC et aux échanges d’informations en temps réel. Ces « réseaux électriques intelligents » permettent non seulement une meilleure gestion de l’offre et de la demande par le biais de compteurs intelligents, mais disposent également d’un fort potentiel d’intégration avec d’autres systèmes urbains, comme celui des transports. Un réseau intelligent peut par exemple intégrer des véhicules électriques à des fins de génération et de stockage de l’énergie afin de lisser la demande de pointe et équilibrer les fluctuations en termes de fourniture d’énergie renouvelable, permettant ainsi d’atteindre des niveaux d’efficacité auparavant inimaginables avec ces systèmes pris séparément (OCDE, 2012a ; Heinen et al., 2011). De plus en plus répandues grâce à l’IdO, les communications de machine à machine permettent une intégration encore plus complète, en ce sens qu’elles peuvent aider à décloisonner de nombreux systèmes, flux et activités segmentés, au sein des villes et même au-delà.

Les villes se transforment en pôles d’innovation fondée sur les données

La production et la collecte croissantes de données peuvent transformer les villes en banc d’essai à grande échelle pour l’innovation fondée sur les données. Contrairement à de nombreuses autres innovations en matière de produits et processus, les innovations touchant les systèmes à grande échelle (comme dans les transports ou l’énergie) nécessitent la mise en place d’expérimentations et d’essais dans des dimensions proportionnelles, et si possible en conditions réelles. Conscientes qu’elles présentaient le cadre idéal pour ces expérimentations et souhaitant en tirer le meilleur parti, les villes ont commencé à se présenter comme des « laboratoires d’innovation ouverte », à l’instar des 340 villes européennes membres du European Network of Living Labs (réseau européen de laboratoires d’innovation ouverte). Cet organisme définit les laboratoires urbains d’innovation ouverte selon quatre axes : la co-création par les utilisateurs et les producteurs ; l’exploration des utilisations, des comportements et des possibilités de marché qui font leur apparition ; l’expérimentation par la mise en œuvre de scénarios en situation réelle par une communauté d’utilisateurs pilotes ; et l’évaluation de concepts, produits et services (Schaffers et al., 2011 ; ENoLL, 2014). De nombreux laboratoires urbains d’innovation ouverte concentrent leurs efforts sur la création d’un environnement favorable pour l’innovation fondée sur les données en mettant en place les infrastructures et cadres institutionnels nécessaires pour soutenir et attirer les créateurs et les investisseurs. Le secteur privé a également pris conscience que les villes constituaient des environnements idéaux pour l’innovation fondée sur les données. Les accélérateurs de start-ups Startupbootcamp installés dans différentes villes européennes se concentrent sur l’innovation fondée sur les données dans la téléphonie mobile, la communication en champ proche (CCP), la santé et le commerce électronique. Des entreprises du secteur de l’informatique, dont Microsoft, ont créé leurs propres incubateurs à Londres, New York et Tel Aviv, par exemple (Startupbootcamp, 2014 ; Microsoft Ventures, 2017). Outre les infrastructures techniques et institutionnelles, l’accès aux données est une condition essentielle au développement dans les villes de l’innovation fondée sur les données (Box 5.5).

Encadré 5.5. Portail de données ouvertes urbaines

Ces dernières années, de nombreuses villes de la zone OCDE ont lancé leur propre portail de données ouvertes, et plus particulièrement aux États-Unis et en Europe. Un inventaire des données ouvertes urbaines (City Open Data Census) a été mis en place pour fournir des métadonnées sur les villes américaines ouvrant l’accès à leurs différents ensembles de données, notamment sur la criminalité, le budget, les permis de démolition, le plan d’occupation des sols, les transports, etc. (Open Knowledge Foundation, 2017). Le Portail européen de données récolte les métadonnées des données publiques disponibles en Europe, dont environ 90 000 ensembles de données de régions et villes différentes (Portail européen de données, 2017).

Dans la plupart des cas, les villes publient des données structurées (croisées) dans des formats lisibles par machine afin de simplifier leur utilisation privée ou commerciale. Néanmoins, à l’heure actuelle, le nombre de villes proposant des interfaces de programmation reste limité. En l’absence de normes régissant les portails de données ouvertes, de nombreuses villes exploitent des plateformes ou logiciels libres, comme CKAN ou Socrata.

Sources: Open Knowledge Foundation (2017), « US City Open Data Census », http://us-city.census.okfn.org (consulté le 20 juin 2017) ; Portail européen de données (2017), « Jeux de données », www.europeandataportal.eu/data/fr/dataset?groups=regions-and-cities (consulté le 20 juin 2017) ; Open Cities (2013), « WP4 – Open data », http://opencities.net/node/68 (consulté le 19 septembre 2014).

Ouvrir l’accès aux données peut s’avérer particulièrement difficile, et ce, à plusieurs titres. Par exemple, il convient de s’interroger sur le type de données que les villes devraient pouvoir collecter, ainsi que sur les contenus qu’elles pourraient ensuite publier. Des questions d’intérêts, de valeur et de cadres réglementaires peuvent influencer le choix de recueillir ou non des données spécifiques, puis de les publier (Kitchin, 2014). Une restriction de certains modes d’utilisation peut par ailleurs s’appliquer en fonction des règles de protection des données ou des protocoles administratifs mis en place. La gestion des données constitue une autre de ces difficultés, en ce sens que pour être efficace, elle requiert non seulement les infrastructures techniques et les compétences humaines nécessaires, mais surtout un cadre organisationnel et juridique réellement adapté à la collecte, au stockage, au traitement et à la publication des données.

Les décisions prises au niveau municipal s’appuient de plus en plus sur les données massives et l’analytique des données

Pour améliorer leur efficacité, les administrations municipales exploitent de plus en plus des données en ligne et participatives relatives aux conditions et activités urbaines. Des applications mobiles comme SeeClickFix permettent aux administrés de signaler directement aux services municipaux tout dépôt d’ordures, nid de poule, lampadaire défectueux et autres problèmes urbains de ce type grâce à leur smartphone. D’autres applications, à l’instar de StreetBump à Boston, renvoient automatiquement les informations collectées par les smartphones des conducteurs sur les conditions des routes. Enfin, il existe également des applications comme Cycle Track qui informent les services de planification des transports sur les schémas de mobilité des cyclistes. Toutes ces données peuvent être utilisées par les municipalités pour mieux cibler les opérations de maintenance et les investissements, et par là même améliorer les services. Associées aux données en ligne, provenant notamment des médias sociaux, les informations participatives se voient de plus en plus utilisées par les services de police municipale à des fins d’analytique prédictive des données et de prise de décision préventive. Ainsi, les services de police de Los Angeles, Chicago, Memphis, Philadelphie et Rotterdam travaillent sur le développement de leur capacité analytique à partir d’importants ensembles de données, afin de renforcer l’efficacité des techniques de prévision policière. L’un des objectifs est d’identifier les potentielles zones à forte criminalité et de déployer les ressources nécessaires pour empêcher les crimes de se produire plutôt que d’intervenir a posteriori. Il convient de noter que ni l’efficacité ni les répercussions en termes de protection de la vie privée de telles pratiques n’ont encore été évaluées de manière approfondie.

Les administrations infranationales procèdent également à des expérimentations tirant parti des technologies numériques pour améliorer la conception et l’efficacité des politiques publiques. Par exemple, lorsque les informations disponibles sont suffisantes, une tarification volumétrique peut être mise en place pour la facturation d’eau et d’électricité. Cette approche s’est révélée particulièrement efficace puisqu’elle s’est traduite par une baisse de la consommation de ressources des ménages (OCDE, 2012b). Une expérimentation visant à réduire la consommation d’énergie dans les municipalités suisses a révélé que les incitations par réseaux sociaux étaient jusqu’à quatre fois plus efficaces que les modèles incitatifs traditionnels. Ainsi, plutôt que de récompenser ou de pénaliser financièrement les utilisateurs en fonction de leur propre comportement (incitation directe), les incitations par réseaux sociaux récompensaient les amis de ceux qui adoptaient des comportements vertueux (Pentland, 2014). Bien que cette approche d’encouragement indirect puisse avoir des effets positifs, d’aucuns s’interrogent sur le risque qu’elle porte atteinte aux valeurs de ceux qui en font l’objet (Frischmann, 2014).

L’augmentation des volumes de données et des capacités de traitement remettent également la modélisation urbaine au cœur des questions d’urbanisme, puisqu’elle est de nature à améliorer l’affectation des ressources dans les zones urbaines. La modélisation urbaine a fait son apparition il y a plus de 50 ans, mais son succès avait à l’époque été limité du fait de ses imperfections, notamment en raison du faible volume de données disponibles et d’une puissance de calcul insuffisante. Elle doit toutefois son retour à l’émergence des systèmes d’information géographique dans les années 90 et 2000, ainsi qu’à un basculement de la modélisation de systèmes d’équilibre agrégés vers des systèmes de systèmes évolutifs complexes soutenus par la dynamique urbaine (Eunoia, 2012 ; Jin et Wegener, 2013). La modélisation urbaine promet aujourd’hui de nouvelles possibilités par le biais de la grande variété des données qu’elle génère, de données géoréférencées et participatives ou recueillies par télédétection aux données issues des réseaux sociaux, de la délivrance intelligente de titres de transport et des transactions par téléphone mobile ou carte bancaire. Soutenues par une puissance de calcul toujours plus importante, notamment à travers l’infonuagique, les données massives peuvent être utilisées dans des opérations de modélisation complexes, par exemple dans la planification intégrée des transports et de l’occupation des sols (Serras et al., 2014). La modélisation et la simulation urbaines à forte intensité de données sont toutes deux exploitées pour mener à bien des études théoriques, dans le cadre du projet européen Eunoia par exemple, mais aussi pour appuyer des processus décisionnels concrets, comme l’illustre le projet LakeSim développé à Chicago, qui fait une place importante à la modélisation informatique pour mieux comprendre les répercussions de différentes solutions de conception, d’ingénierie et d’urbanisation (UCCD, 2012).

La transformation numérique de l’emploi et du commerce

Cette section aborde les effets de la transformation numérique sur l’emploi dans les différents secteurs d’activité, ainsi que sur l’organisation du travail dans plusieurs marchés de services. Elle démontre ainsi que l’investissement dans les TIC a entraîné des pertes d’emploi dans certains secteurs, mais aussi la création d’emplois dans d’autres. Dans la plupart des pays, la demande de main-d’œuvre a augmenté dans la culture, la construction, les loisirs et autres services, et dans une moindre mesure, dans l’administration, la santé, les soins à la personne, l’énergie et l’agriculture. Une baisse a toutefois été observée dans le secteur manufacturier, le commerce, les services aux entreprises, les transports et l’hébergement. Parallèlement à cela, un nombre croissant de personnes travaillent dans les secteurs de l’hébergement, des transports ou autres services par le biais de plateformes en ligne, à des postes caractérisés par leur flexibilité et leur statut temporaire ou partiel.

La seconde partie de cette section traite de la manière dont le numérique transforme le commerce dans son ensemble, et notamment les échanges de services. Elle démontre ainsi que les exportations de produits manufacturés dépendent à divers degrés des biens et services TIC, et que les pays dont la valeur ajoutée des produits TIC représente une part importante des exportations de produits manufacturés ne comptent pas nécessairement dans leurs exportations une part importante de valeur ajoutée pour les services TIC, et inversement. Cette partie met également en évidence que des services efficaces, et en particulier les services TIC, permettent de stimuler la productivité, les échanges et la compétitivité dans tous les aspects de l’économie, mais aussi que des restrictions touchant le commerce (notamment des services de télécommunications et informatiques) sont toujours en vigueur dans certains pays.

La transformation numérique bouleverse l’emploi dans tous les secteurs et marchés

L’investissement dans les TIC a entraîné des pertes d’emploi dans certains secteurs, mais aussi la création d’emplois dans d’autres

Il est largement admis que l’économie numérique a la capacité d’améliorer la productivité, les revenus et le bien-être social. D’aucuns s’interrogent toutefois de plus en plus sur l’influence que les vagues successives d’investissement dans les technologies numériques ont pu avoir sur les pertes d’emploi, la stagnation des salaires et les inégalités croissantes de rémunération.

Rétrospectivement, il convient de noter que les principales innovations technologiques ont toujours provoqué d’importants bouleversements sur le marché du travail. En augmentant la productivité de la main-d’œuvre, l’innovation permet de produire toujours plus de biens et services avec un nombre réduit de travailleurs, ouvrant ainsi la voie à un risque de chômage technologique dans certains secteurs ou professions. L’innovation permet toutefois de créer de nouvelles possibilités d’emplois dans différents secteurs et dans les marchés émergents qu’elle a fait naître.

Bien que les nouvelles technologies rendent certains emplois obsolètes, elles entraînent par ailleurs une demande plus forte pour d’autres types d’emplois (Autor, 2015). L’histoire économique est jalonnée de tels exemples. Dans les années 20, les voitures particulières ont signé la fin du transport à cheval et des professions associées. Dans le même temps, les secteurs de l’hébergement en bord de route et de la restauration rapide se sont immédiatement développés pour répondre aux besoins des automobilistes (Jackson, 1993). La multiplication des distributeurs automatiques de billets s’est traduite par une augmentation des embauches dans le secteur bancaire, et ce, en réduisant les dépenses opérationnelles dans les agences locales et en libérant du temps pour le personnel qui pouvait alors proposer aux clients des services plus variés et plus complexes (Bessen, 2015). Les revenus supérieurs proposés dans les secteurs des hautes technologies peuvent également entraîner une augmentation de la demande et de l’emploi dans les services de basse technologie, comme la restauration, le nettoyage et autres services à la personne (Mazzolari et Ragusa, 2013 ; Moretti, 2012).

Le Figure 5.13 présente les effets estimés de l’investissement dans les TIC sur la demande de main-d’œuvre entre 1995 et 2012. Les TIC ont entraîné une augmentation de la demande de main-d’œuvre dans la plupart des pays de l’OCDE à partir du milieu des années 90, et ce, jusqu’en 2007, mais ont globalement provoqué une baisse de la demande de main-d’œuvre par la suite. Dans la mesure où les investissements se sont ralentis à la suite de la crise de 2007, les effets de substitution de la main-d’œuvre dus aux investissements passés dans les TIC ont plus que contrebalancé l’augmentation de la demande de main-d’œuvre générée par les nouveaux investissements dans les TIC.

Graphique 5.13. Estimation des créations d’emploi imputables à l’augmentation du capital TIC
Taux moyens annuels
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Source: OCDE (2016e), « ICTs and jobs : Complements or substitutes? », https://doi.org/10.1787/5jlwnklzplhg-en .

 https://doi.org/10.1787/888933659747

Dans la plupart des pays, les secteurs où la demande de main-d’œuvre a le plus profité de la transformation numérique sont la culture, la construction, les loisirs et autres services, et dans une moindre mesure l’administration, la santé, les soins à la personne, l’énergie et l’agriculture. Dans tous les autres secteurs, la transformation numérique a entraîné une baisse de la demande de main-d’œuvre, notamment dans le secteur manufacturier, le commerce, les services aux entreprises, les transports et l’hébergement (OCDE, 2016e).

Par ailleurs, selon plusieurs études, sous l’effet des développements permanents de l’IA et des données massives, les tâches réalisées aujourd’hui par les humains pourraient être à brève échéance en grande partie exécutées par des machines (Frey et Osborne, 2013 ; Elliot, 2014). Certains scénarios (FIT, 2017) prévoient que d’ici à 2030 plus de 2 millions de chauffeurs routiers aux États-Unis et en Europe pourraient être remplacés par des véhicules autonomes. Selon des travaux récents réalisés par l’OCDE (Arntz, Gregory et Zierahn, 2016), les répercussions de l’automatisation sur l’emploi seraient plus limitées. Marcolin, Miroudot et Squicciarini (2016) considèrent par ailleurs que renforcer la présence des TIC dans les différents secteurs pourrait augmenter le nombre d’emplois dans la plupart des professions, mais malheureusement pas dans toutes : les activités répétitives (autrement dit les tâches successives simples à codifier) disparaissent généralement à mesure que l’intégration de TIC progresse. L’ampleur des suppressions d’emploi provoquées par ces évolutions technologiques dépendra non seulement des technologies elles-mêmes, mais aussi des préférences des consommateurs et d’autres facteurs propres à ce marché. À titre d’exemple, la plupart des opérations effectuées par le personnel bancaire peuvent déjà être réalisées automatiquement grâce aux TIC, mais de nombreux utilisateurs préfèrent encore négocier un prêt avec un interlocuteur humain plutôt que par le biais d’un algorithme. Une nouvelle vague d’innovations génératrices d’économies de main-d’œuvre devrait néanmoins se répandre dans les sociétés et économies de l’OCDE au cours des prochaines années (OCDE, 2017a).

L’influence qu’auront les avancées technologiques de rupture sur les marchés du travail est actuellement sujette à controverse. D’aucuns estiment que les technologies numériques sont plus enclines à générer des économies de main-d’œuvre que d’autres technologies majeures par le passé, de sorte que le numérique tendrait à remplacer la main-d’œuvre humaine à une échelle encore jamais vue (Brynjolfsson et McAfee, 2011). D’autres (Gordon, 2012 ; OCDE, 2015d) mettent en avant que la productivité a connu une croissance moins rapide ces 10 à 15 dernières années qu’au cours des années 60 – période de plein emploi –, et prévoient une croissance atone de la productivité dans les années à venir (Gordon, 2016).

Les technologies numériques ont également tendance à venir remplacer les travailleurs humains dans l’accomplissement d’opérations manuelles ou cognitives simples et suivant des règles explicites (autrement dit, des tâches « répétitives »). À l’inverse, les ordinateurs viennent uniquement en appui des travailleurs dans la réalisation d’activités de communication complexes ou basées sur la résolution de problèmes (tâches « non répétitives »). Les tâches non répétitives peuvent aussi bien être associées à des emplois intellectuels se situant à l’extrémité supérieure de l’échelle des salaires (par exemple à des postes hautement qualifiés ou de direction) ou à des emplois manuels à l’extrémité inférieure de l’échelle des salaires (personnel d’entretien ménager, par exemple). Les travailleurs accomplissant des tâches manuelles ou cognitives compatibles avec l’automatisation ou la codification (comptabilité, surveillance des processus, traitement de l’information, etc.) se concentrent quant à eux au milieu de cette échelle des salaires. Si l’on considère que les tâches répétitives et non répétitives constituent réellement des substituts imparfaits, la pénétration des technologies numériques augmente la demande d’emplois pour les tâches non répétitives au détriment des emplois consacrés à des tâches répétitives (Autor, 2013).

Selon différentes études, il apparaît que la polarisation de l’emploi aux États-Unis et en Europe s’explique par une baisse de la demande d’emplois répétitifs (Autor, Katz et Kearney, 2006 ; Autor, Katz et Kearney, 2008 ; Goos et al., 2011 ; Van Reenen, 2011 ; Autor et Dorn, 2013 ; Hynninen, Ojala et Pehkonen, 2013). Parmi ces études, une seule (Michaels, Natrajz et Van Reenen, 2014) établit néanmoins un lien direct entre l’utilisation des TIC et la demande de compétences.

Une analyse de l’OCDE fait apparaître que les TIC ont contribué à un creusement des inégalités, mais qu’elles n’ont – pour le moment – entraîné aucune augmentation tendancielle du chômage. D’après l’OCDE (2016e), dans les périodes où la demande de main-d’œuvre a baissé sous l’effet des TIC, cette baisse s’est révélée plus importante pour les travailleurs moyennement qualifiés que pour les travailleurs peu ou hautement qualifiés. Ce constat corrobore l’argument de la polarisation de l’emploi – selon lequel les TIC feraient augmenter la demande de profils peu ou hautement qualifiés et baisser la demande de profils moyennement qualifiés – mais cela signifierait alors que cette polarisation ne serait que temporaire.

Bien que l’on ignore encore ses effets réels sur la polarisation, il est largement admis que le basculement de tâches répétitives vers des tâches non répétitives devrait rester une caractéristique pérenne de la demande de main-d’œuvre dans l’économie numérique. Une autre analyse de l’OCDE montre également qu’à mesure que l’utilisation croissante des technologies numériques transforme les modèles économiques et l’organisation des entreprises, les compétences complémentaires (traitement de l’information, développement de l’autonomie, résolution de problèmes, communication, etc.) gagnent en importance (OCDE, 2016f).

De nouvelles formes de travail apparaissent dans les services fournis par le biais de plateformes en ligne

Au cours des dix dernières années, les plateformes en ligne ont connu une croissance exponentielle dans différents marchés de services, et notamment ceux proposant des services aux particuliers. Cela inclut les services fournis matériellement, et même souvent localement, comme l’hébergement, les transports, les services à la personne ou de proximité, ainsi que les services fournis sous forme numérique, principalement par l’internet, allant de la saisie des données et du soutien administratif à la conception graphique et au codage, en passant par le conseil juridique ou d’entreprise (OCDE, 2016c). La plupart de ces services peuvent être proposés de manière individuelle et créer ainsi des possibilités de travail et de revenus aussi bien pour les particuliers et que pour les professionnels.

Les plateformes en ligne connaissant les croissances les plus rapides au cours de ces dernières années appartiennent aux marchés de l’hébergement et des services de mobilité. Cet essor s’explique notamment par l’abondance d’actifs privés que les particuliers peuvent monnayer grâce aux technologies numériques. Citons par exemple l’espace qui peut être exploité en tant qu’offre d’hébergement. Dans la zone OCDE, un ménage de 4 personnes dispose de presque 7 pièces pour vivre, avec en tête une moyenne de 2.5 pièces par personne au Canada (OCDE, 2015e). Le nombre d’hôtes et de nuitées Airbnb a ainsi augmenté de manière spectaculaire au cours des dernières années (Figure 5.14). Le cas des automobiles constitue un autre exemple parlant. Le deuxième plus gros poste de dépenses des ménages allemands (après le couple alimentation et logement) est le transport, dont les voitures (13 %), alors que celles-ci restent généralement inutilisées pendant 23 heures par jour (DESTATIS, 2015 ; FIT, 2014). Le transport de point à point comme Uber et les plateformes de covoiturage comme BlaBlaCar ont élargi la taille de leurs marchés et connu une forte croissance au cours des dernières années. L’essor spectaculaire de la demande pour ce type de service s’explique également par les tarifs pratiqués. Les personnes proposant des services s’appuyant sur l’exploitation d’actifs privés, et la plupart du temps sans avoir à se soumettre à des réglementations trop contraignantes, sont plus enclines à pratiquer des tarifs inférieurs à ceux des fournisseurs de services traditionnels (hôtels ou taxis, par exemple) pour des prestations équivalentes.

Graphique 5.14. Hôtes et nuitées Airbnb aux États-Unis et sur les principaux marchés européens
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Note: Les principaux marchés européens incluent l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Le nombre d’hôtes repris dans ce graphique correspond aux hôtes ayant effectivement hébergé des clients.

Source: Airbnb (2017), « Airbnb data for OECD study ».

 https://doi.org/10.1787/888933659766

Les plateformes en ligne se sont également développées dans les marchés sur lesquels les services sont fournis sous forme numérique. Upwork et Freelancer font partie des plus importantes plateformes de ce type. Celles-ci assurent la mise en relation de l’offre et de la demande pour un grand nombre de services principalement à destination des professionnels, de la saisie de données et du soutien administratif à la conception et à la traduction, en passant par le codage ou encore le conseil juridique ou d’entreprise. À elles deux, ces plateformes affichaient en 2016 un nombre d’utilisateurs estimé à 49 millions (Figure 5.15). Fin 2016, Freelancer avait enregistré 10.2 millions d’offres d’emploi, pour une valeur de 3 milliards USD depuis sa création en 2000 (Freelancer, 2017).

Graphique 5.15. Utilisateurs inscrits sur les plateformes Upwork et Freelancer
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Note: Ce graphique inclut des valeurs extrapolées pour Upwork sur la base des taux de croissance annuels les plus récents. Le nombre d’utilisateurs inscrits correspond à la somme des utilisateurs enregistrés sur les deux plateformes.

Source: Estimations de l’OCDE fondées sur les données fournies par Upwork (2015), « Online work report 2014 », http://elance-odesk.com/online-work-report-global (consulté le 3 novembre 2015) et Freelancer (2016b), « Freelancer data for OECD study ».

 https://doi.org/10.1787/888933659785

Sur ces marchés de plateformes, les utilisateurs peuvent acheter et vendre des biens et services, en principe depuis n’importe où dans le monde, même si les différences de prix, de devise, de langue, de fuseau horaire et autres facteurs (comme la culture) peuvent également favoriser l’emploi de travailleurs locaux, quitte à passer par une plateforme. Les échanges internationaux montrent clairement un déséquilibre en faveur, d’une part, des acheteurs originaires de pays à revenu élevé et, d’autre part, des fournisseurs établis dans des pays à faible revenu. Sur la base des données fournies par Upwork, Agrawal et al. (2015) ont découvert que le nombre d’employeurs était 10 fois plus important dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu, et qu’à l’inverse le nombre de fournisseurs était 4.5 fois plus important dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu élevé. Sur la plateforme Freelancer, les pays affichant le plus grand nombre d’employeurs étaient également des pays à revenu élevé (selon un classement en part de projets achevés en 2015), soit les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Inde, le Canada et l’Allemagne (Freelancer, 2016a). Sur Upwork, les États-Unis – qui disposent d’un marché intérieur important et où la plateforme est bien développée – apparaissent en tête non seulement des dépenses par employeur, mais aussi des bénéfices par travailleur indépendant (Upwork, 2015).

Seuls quelques pays ont pour le moment saisi l’ampleur du succès des plateformes en ligne auprès des particuliers. Au Canada, entre novembre 2015 et octobre 2016, 7 % de la population des 18 ans et plus a fait appel à un service de transport avec chauffeur de pair à pair (peer-to-peer ou P2P) et 4.2 % a utilisé des services d’hébergement privé. Sur la même période, 0.3 % de cette population proposait des services de transport avec chauffeur de P2P et 0.2 % des services d’hébergement privé (Statistique Canada, 2017). Au Danemark, 3.3 % de la population des 16 ans et plus avait utilisé l’internet à titre privé pour proposer à la location une chambre, un appartement, une maison ou une villa par le biais d’une page web dédiée ou d’une plateforme en ligne (comme Airbnb) au cours de l’année précédente ; 10 % avait par ailleurs loué un tel hébergement au Danemark et 21 % un hébergement à l’étranger. Les services de covoiturage ou d’autopartage étaient utilisés par 6 % de la population à l’intérieur du Danemark et par 2 % à l’étranger (Statistics Denmark, 2015).

D’autres enseignements peuvent être tirés des études privées disponibles, même si les différences de méthodologie ne permettent pas de les comparer de manière optimale. Ainsi, 72 % des adultes aux États-Unis ont utilisé au moins un des 11 services partagés et à la demande sélectionnés, et les travailleurs proposant des services par le biais de plateformes en ligne (comme Uber ou Task Rabbit) représentaient 0.5 % de tous les travailleurs américains en 2015 (Smith, 2016 ; Katz et Krueger, 2016). En Europe, 17 % des particuliers ont eu au moins une fois recours à des services de plateformes collaboratives, et parmi ce groupe d’utilisateurs 32 % proposaient eux-mêmes des services (5 % au total) (Eurobaromètre, 2016). En Suède et au Royaume-Uni, respectivement 12 % et 11 % des adultes indiquent avoir travaillé via une plateforme de l’« économie du partage » (Eurobaromètre, 2016 ; Uni Europa, 2016 ; Huws et Joyce, 2016).

Le travail sur les marchés de plateformes tend à se caractériser par sa flexibilité et son statut temporaire ou partiel

Les conditions d’exercice (lieu, horaires et modalités) des personnes qui travaillent dans les marchés de plateformes de services sont généralement différentes de celles d’emplois à temps plein, et ressemblent plus souvent à des formes atypiques de travail, qu’il s’agisse de travail temporaire, irrégulier ou à temps partiel, et de situations d’emplois multiples. Pour certains travailleurs, cette évolution peut être synonyme de nouvelles possibilités, mais aussi représenter pour d’autres de réelles difficultés. Certaines personnes – comme les étudiants, les retraités, les femmes non autorisées à travailler dans leur pays ou les personnes souffrant d’un handicap physique en télétravail – tirent pleinement parti de cette grande flexibilité, que ce soit en termes d’horaires ou de lieu de travail. Pour d’autres, ce manque de stabilité dans leur emploi peut poser certains problèmes, notamment les travailleurs indépendants dont les revenus proviennent principalement de leur activité sur les plateformes, par exemple au niveau de leur protection sociale, de leur assurance maladie, de leur formation ou du développement de leur carrière (OCDE, 2016c).

La nature flexible et irrégulière du travail assuré via les plateformes ne fait aucun doute dans la plupart des marchés pour lesquels des données sont disponibles. Ainsi, dans les principaux marchés d’Airbnb, les hôtes assuraient en 2016 en moyenne 72 nuitées, et la durée moyenne des séjours était de 4 nuits, ce qui montre que cette forme d’hébergement aurait plus tendance à être proposée de manière intermittente. La même année, les gains annuels d’un hôte dans les principaux marchés d’Airbnb s’élevaient à 3 400 USD en moyenne – une somme faisant plus probablement office de complément de revenus (Airbnb, 2017). Dans le cas d’Uber, les chauffeurs américains et australiens travaillaient en moyenne respectivement 20 heures et 19 heures par semaine (Hall et Krueger, 2015 ; Deloitte, 2016). En France et au Royaume-Uni, les chauffeurs Uber affichent une moyenne hebdomadaire plus élevée, avec 27 heures de travail (Uber, 2016a, 2016b ; Landier, Szomoru et Thesmar, 2016 ; Ifop, 2016). La valeur moyenne des services fournis sur la plateforme Freelancer est de 156 USD, ce qui met en évidence une prestation de service principalement constituée de tâches de faible ampleur, correspondant ainsi plus généralement à du travail intermittent (Freelancer, 2016b).

Il n’est donc pas étonnant que la plupart des travailleurs exerçant sur les marchés de plateformes soient par conséquent des travailleurs à temps partiel ou des personnes cumulant plusieurs activités. Aux États-Unis par exemple, les entrepreneurs indépendants – statut de prédilection de la plupart des chauffeurs Uber professionnels – travaillent soit pour compléter les revenus de leur emploi à temps plein (25 %), pour exercer une activité parallèle (25 %), pour compléter une activité saisonnière (20 %) (par exemple dans le secteur du bâtiment) ou pour investir (8 %) (Bloomberg, 2015 ; 38 % des participants à cette étude étaient des étudiants). Par ailleurs, entre 79 % et 83 % du travail à la demande aux États-Unis est en réalité exercé sous la forme de travail à temps partiel (Intuit, 2015 ; MBO, 2015). Alors qu’en Australie et aux États-Unis les chauffeurs Uber ont tendance à travailler à temps partiel, ils sont en France seulement 11 % à exercer une autre activité en complément de leur emploi de chauffeur, et 8 % travaillent pour Uber en parallèle d’un emploi à temps plein (Ifop, 2016). Au Royaume-Uni, seuls 24 % des travailleurs passant par des plateformes participatives gagneraient la moitié de leurs revenus par le biais des plateformes en ligne, et 5 % des travailleurs la totalité de leurs revenus (RFS, 2015 ; Huws et Joyce, 2016).

Dans le cas des États-Unis, les profils de revenus peuvent être analysés de manière plus approfondie si l’on prend en compte une étude réalisée par une grande banque américaine sur la base des données d’environ 6 millions de clients (JPMorgan Chase & Co. Institute, 2016). En faisant la distinction entre les plateformes de main-d’œuvre (comme Uber) et les plateformes de capital (comme Airbnb), cette étude a démontré que les gains moyens des activités gérées par des plateformes pour un mois donné représentaient une part importante du revenu total d’un travailleur pour ce mois-là (Table 5.2), et que ces gains avaient tendance soit à compenser les baisses des revenus non issus des plateformes (phénomène particulièrement vrai pour les services à forte intensité de main-d’œuvre), soit à venir compléter les revenus non issus des plateformes (particulièrement vrai pour les services à forte intensité de capital). La probabilité que les gains issus des plateformes de main-d’œuvre remplacent les revenus non issus de ces plateformes est d’autant plus renforcée par le fait que ces revenus s’avèrent plus élevés lorsque les gains non issus des plateformes sont faibles.

Tableau 5.2. Marchés de plateformes aux États-Unis : collaboration et recettes

Plateformes de main-d’œuvre

Plateformes de capital

Part des mois affichant des gains issus de plateformes 1

56 %

32 %

Gains mensuels moyens issus de plateformes 2

533 USD

314 USD

Part des gains issus de plateformes dans le total des revenus 2

33 %

20 %

Personnes disposant d’un emploi traditionnel avant de s’orienter vers les plateformes

77 %

75 %

Personnes disposant d’un emploi traditionnel après avoir entamé une collaboration avec des plateformes

66 %

61 %

Travailleurs utilisant plusieurs plateformes 3

14 %

1 %

1. Faisant suite à un taux d’activité supérieur au cours des quatre premiers mois de collaboration avec une plateforme.

2. Au cours des mois où les individus collaboraient de manière active avec une plateforme.

3. Pour le mois de septembre 2015. Cette étude a été réalisée sur la base des données de 260 000 particuliers enregistrant des gains pour leurs activités sur au moins une des 30 plateformes sélectionnées, sur un échantillon de 6 millions de clients disposant d’un compte bancaire actif (affichant au moins 5 débits par mois) entre octobre 2012 et septembre 2015.

Source: JPMorgan Chase & Co. Institute (2016), « Paychecks, paydays, and the online platform economy », www.jpmorganchase.com/corporate/institute/document/jpmc-institute-volatility-2-report.pdf .

La même étude indique par ailleurs que les personnes ayant commencé à travailler dans des marchés de plateformes sont moins enclines à occuper des emplois traditionnels, mais qu’elles ne dépendent pas pour autant des plateformes sur la durée. Le Table 5.2 montre que le nombre d’individus continuant d’occuper des postes traditionnels après avoir commencé à travailler dans un marché de plateformes est moins élevé que le nombre de personnes occupant des postes traditionnels avant d’entrer sur ce type de marché. Néanmoins, une fois que ces individus travaillent activement sur une plateforme, leur dépendance aux recettes issues de celle-ci ne semble pas augmenter particulièrement. Il apparaît d’ailleurs que la fréquence de ces recettes et leur part dans le revenu total des individus restent stables sur la durée (soit 36 mois dans le cadre de cette étude).

La transformation numérique révolutionne le commerce dans son ensemble, et notamment les échanges de services

L’ouverture progressive des échanges multilatéraux et l’émergence qui s’ensuit des chaînes de valeur mondiales ont entraîné de profondes mutations structurelles dans l’économie. Ces chaînes de valeur mondiales, nées d’une plus grande ouverture des échanges et d’une baisse significative du coût des TIC, ont ouvert la voie à de nouvelles possibilités en matière de mise à niveau rapide des technologies, de partage des connaissances et de développement des compétences. Elles ont également favorisé la spécialisation, augmentant ainsi la disponibilité et la diversification des biens et services intermédiaires à des prix inférieurs. Les travaux de l’OCDE ont mis en évidence le rôle essentiel des importations dans l’accélération de la croissance de la productivité intérieure et dans l’amélioration de la compétitivité à l’export des entreprises. Certains obstacles aux importations peuvent empêcher les entreprises d’accéder aux biens et services dont elles ont besoin pour affronter la concurrence internationale (OCDE, 2016g).

Les technologies numériques et la libre circulation des données ont contribué à la croissance des échanges non seulement en réduisant les coûts commerciaux mais aussi en donnant aux entreprises la possibilité de fragmenter la production sur plusieurs pays par le biais de chaînes de valeur mondiales. Cela s’est traduit par une augmentation de la participation aux échanges internationaux, notamment des petites entreprises et dans les secteurs généralement considérés comme non exportateurs. Un accès renforcé aux technologies numériques (y compris à l’internet et aux télécommunications mobiles) peut participer au processus d’internationalisation et permettre à certaines entreprises d’acquérir une « vocation mondiale ». L’internet réduit de manière importante les coûts de prospection (aussi bien au niveau local que mondial), ainsi que le coût d’entrée sur les marchés internationaux. La transformation numérique peut permettre aux entreprises, et notamment aux PME, qui éprouvent généralement des difficultés à pénétrer les marchés internationaux, de sous-traiter les activités coûteuses auprès de partenaires étrangers plus efficaces. Les entreprises s’appuyant sur les nouvelles technologies (PME comprises) sont ainsi davantage susceptibles d’exporter, de commercer avec des destinations différentes et de prospérer sur les marchés.

Les technologies numériques et l’internet ont des répercussions incontestables sur les échanges de services. Ces derniers prennent de plus en plus la forme de données et d’informations transmises à travers les frontières, à l’instar des services infonuagiques proposés aux clients d’un autre pays. Ces services numériques peuvent ainsi être fournis presque gratuitement vers n’importe quelle destination disposant d’un accès à l’internet, ce qui obligera les décideurs à prendre conscience de l’impact des restrictions appliquées aux flux de données transfrontaliers.

Les technologies numériques ont par ailleurs rendu possible une montée en puissance des services, ce qui souligne à quel point l’économie devient dépendante des marchés de services. Cela est notamment visible dans les échanges de produits manufacturés, où les services gagnent en importance en tant qu’éléments d’appui, par exemple lorsque les entreprises ont recours à des services spécialisés de transport et de communication pour coordonner les chaînes de valeur mondiales, ou lorsqu’elles utilisent des services à forte intensité de connaissances pour améliorer les processus de production. En outre, les entreprises manufacturières intègrent de plus en plus à leurs offres de base des services représentant une certaine valeur ajoutée pour leurs clients (phénomène de « servicisation »). John Deere, par exemple, propose aux agriculteurs des fonctions d’analyse en temps quasi réel des données clés relatives à leur exploitation par le biais d’équipements agricoles intégrés (Box 5.1). Ces évolutions contribuent à l’intensification des échanges de biens et services, mais la servicisation soulève également des questions sur les engagements qui doivent s’appliquer dans le cadre des règles fixées par l’Organisation mondiale du commerce, laquelle distingue de fait les échanges de biens (couverts par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et les échanges de services (qui font l’objet de l’Accord général sur le commerce des services).

Dans cet environnement en constante évolution, les décideurs s’interrogent de plus en plus sur les moyens de concrétiser les possibilités offertes par la transformation numérique et de faire en sorte qu’elles soient partagées de manière inclusive. Le monde du commerce essaie ainsi de comprendre par quels biais le numérique transforme les échanges internationaux. Parallèlement à cela, et notamment en raison de la nature changeante de la transformation numérique, une définition commune des « échanges numériques » a été établie. L’OCDE travaille actuellement sur un cadre d’analyse spécifique aux « échanges numériques » afin d’aider la recherche, d’accompagner les efforts d’amélioration en matière de mesure des échanges dans un monde numérique, et de permettre une meilleure identification des conséquences pour l’action des pouvoirs publics (OCDE, à paraître). Même s’il faudra du temps pour mettre au point des mesures solides et concrètes, certaines statistiques existantes permettent déjà d’étudier différents aspects des échanges à l’ère du numérique.

Les exportations manufacturières dépendent à divers degrés des biens et services TIC

Les données disponibles sur le commerce des biens et services TIC montrent bien l’apport du secteur des TIC à la production de biens manufacturés. D’après la base de données de l’OCDE sur les échanges en valeur ajoutée (Trade in Value-Added [TiVA]), le secteur des TIC (biens et services) représentait 6.7 % de la valeur ajoutée totale intégrée dans les exportations manufacturières des pays de l’OCDE en 201114 . Cette part s’avère légèrement supérieure (6.9 %) si l’on inclut différentes économies partenaires de l’OCDE15 . Le contenu relevant des TIC dans les exportations présente d’importantes variations selon les économies, de 22.5 % au Costa Rica et plus de 12 % notamment à Singapour et au Japon, à moins de 3 % en Nouvelle-Zélande et au Chili. Sur la valeur ajoutée totale des TIC dans les exportations de produits manufacturés des pays de l’OCDE, environ deux tiers proviennent des biens TIC manufacturés, c’est-à-dire d’ordinateurs et d’articles électroniques et optiques (4.4 % de la valeur ajoutée totale). Quant aux services TIC (dont les services aux entreprises, informatiques, postaux ou de télécommunications), ils représentent globalement les 2.3 % restants. Si l’on se penche uniquement sur les économies partenaires de l’OCDE, l’importance relative des biens TIC reste plus élevée, à hauteur de 5.8 % sur les 7.5 % de la valeur ajoutée des TIC intégrée aux exportations.

Les pays dont la valeur ajoutée des produits TIC représente une part importante des exportations manufacturières ne comptent pas nécessairement dans leurs exportations une part importante de valeur ajoutée pour les services TIC, et inversement (Figure 5.16)16 . Parmi les pays considérés, ceux affichant le contenu manufacturier de TIC le plus important dans leurs exportations sont le Costa Rica (20.4 %), Singapour (12.7 %), la Corée et le Japon (tous deux à 11.2 %). De leur côté, la Nouvelle-Zélande et le Chili enregistrent les plus faibles taux de valeur ajoutée pour le contenu manufacturier de TIC dans leurs exportations, respectivement à hauteur de 0.3 % et 0.4 %. Le Danemark est le pays qui affiche le plus haut taux de contenu en services TIC dans ses exportations (3.9 %). Enfin, la Fédération de Russie et la Turquie (toutes deux à 1.1 %) enregistrent quant à elles la part la plus faible de valeur ajoutée des services TIC. Dans l’ensemble, les écarts entre ces différents pays s’avèrent moins marqués pour les services TIC intégrés que pour les biens TIC.

Graphique 5.16. Biens et services TIC dans les exportations manufacturières
Par pays ou région d’origine de la valeur ajoutée, 2011
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Note: Partie A : ALENA = Accord de libre-échange nord-américain. Les biens TIC sont estimés en prenant en compte les divisions 30, 32 et 33 de la CITI rév. 3. L’Asie de l’Est et l’Asie du Sud-Est regroupent les pays suivants : Brunéi Darussalam ; Cambodge ; Corée ; Hong Kong, Chine ; Indonésie ; Japon ; Malaisie ; Philippines ; République populaire de Chine (reprise sous l’appellation « Chine » dans le graphique) ; Singapour ; Taipei chinois ; Thaïlande et Viet Nam.

Partie B : ALENA = Accord de libre-échange nord-américain. Les services TIC sont estimés en prenant en compte les divisions 64 et 72 de la CITI rév. 3. L’Asie de l’Est et l’Asie du Sud-Est regroupent les pays suivants : Brunéi Darussalam ; Cambodge ; Corée ; Hong Kong, Chine ; Indonésie ; Japon ; Malaisie ; Philippines ; République populaire de Chine (reprise sous l’appellation « Chine » dans le graphique) ; Singapour ; Taipei chinois ; Thaïlande et Viet Nam.

Source: OCDE, « Origin of value added in gross exports (by source economy and industry) », Mesurer les échanges en valeur ajoutée (base de données), http://oe.cd/tiva (consulté en mars 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659804

Le Figure 5.16 propose une décomposition plus fine du contenu en valeur ajoutée des TIC par origine. Dans l’ensemble, les pays de l’OCDE et les économies partenaires prises en compte réalisent environ deux tiers du contenu en valeur ajoutée des TIC dans les exportations au niveau national et un tiers en provenance de l’étranger. Les pays dont la valeur ajoutée des TIC dans les exportations au niveau national est la plus élevée (souvent synonyme de marchés intérieurs de grande taille) sont le Japon (90 % de la valeur ajoutée totale des TIC intégrée aux exportations) et les États-Unis (88 %). Le Mexique (35 %) et la Hongrie (39 %) affichent une part de valeur ajoutée des TIC dans les exportations au niveau national relativement faible, faisant écho à une part de contenus relevant des TIC dans les exportations depuis l’étranger relativement importante17 .

Les services (TIC et autres) sont essentiels à l’économie, mais d’importantes restrictions sont toujours en vigueur dans certains pays

Les échanges de services ont fortement gagné en importance dans le débat mondial sur les politiques publiques. D’après la base de données TiVA de l’OCDE sur les échanges en valeur ajoutée, les services représentent quasiment la moitié des exportations mondiales en termes de valeur ajoutée. Les transports, la logistique, la finance, les communications et autres services professionnels et à l’intention des entreprises s’avèrent primordiaux pour les échanges de biens transnationaux et la bonne coordination des chaînes de valeur mondiales.

Des services efficaces, et en particulier les services TIC, permettent de stimuler la productivité, les échanges et la compétitivité dans l’ensemble de l’économie, qu’il s’agisse de la production manufacturière ou des services. Les études montrent que les restrictions qui touchent notamment au commerce de services informatiques et de télécommunications ont des effets négatifs sur les échanges de produits manufacturés (Nordås et Rouzet, 2015). L’augmentation du nombre de connexions à l’internet est corrélée avec l’augmentation des exportations de produits de marque à des prix supérieurs dans différents secteurs de la production manufacturière, et en particulier celui des appareils électroniques. D’après certaines estimations, une augmentation de 10 % de la densité des télécommunications entraînerait une hausse de 2 % à 4 % des prix à l’exportation dans le secteur de l’électronique, ainsi qu’une intensification des échanges intra-branche dans ce secteur de 7 % à 9 %, suivant la densité d’origine (OCDE, 2014c).

L’Indice de restrictivité des échanges de services (IRES) de l’OCDE se concentre sur différentes industries de services particulièrement importantes en termes d’échanges dans un monde de plus en plus imprégné par le numérique (comme les services informatiques et de télécommunications), ainsi que sur des secteurs faisant partie intégrante des chaînes de l’offre qui sous-tendent ces échanges (comme les services financiers, logistiques ou de distribution)18 . Pour les services de télécommunications (Figure 5.17, partie A), l’IRES montre que les restrictions à l’entrée d’acteurs étrangers et les obstacles à la concurrence restent très présents dans de nombreux pays. Certaines des restrictions les plus courantes sont les limitations à la participation étrangère au capital, la détention par l’État des principaux fournisseurs, les procédures d’examen des investissements étrangers, et les obligations de nationalité ou de résidence pour les administrateurs ou responsables.

Graphique 5.17. Indice de restrictivité des échanges de services de l’OCDE, 2016
1 = Restrictivité maximale
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Note: L’Indice de restrictivité des échanges de services (IRES) définit des valeurs entre 0 et 1, sachant que 1 correspond à une restrictivité maximale. Ces valeurs sont calculées à partir de la base de données sur les réglementations de l’IRES, laquelle enregistre des mesures fondées sur le principe de la nation la plus favorisée. Les accords commerciaux préférentiels sont ignorés. L’exactitude des données a été validée par les pays de l’OCDE et la Fédération de Russie. Chine = République populaire de Chine.

Source: OCDE, Indice de restrictivité des échanges de services (IRES) (base de données), www.oecd.org/tad/services-trade/services-trade-restrictiveness-index.htm (consulté en mars 2017).

 https://doi.org/10.1787/888933659823

Dans la mesure où les télécommunications sont une industrie de réseau à forte intensité de capital, l’accès à des installations essentielles et les frais de changement de prestataire pourraient jouer en faveur des entreprises déjà en place. Ces imperfections du marché peuvent représenter d’importants obstacles à l’entrée, même en l’absence de restrictions explicites en ce sens. L’instauration d’une réglementation favorable à la concurrence est par conséquent considérée comme un problème de politique commerciale dans les télécommunications, lequel est abordé dans le « Document de référence des services de télécommunication » de l’Organisation mondiale du commerce, ainsi que dans un certain nombre d’accords commerciaux régionaux. L’absence d’une réglementation favorable à la concurrence est considérée comme un obstacle supplémentaire dans les situations où un opérateur existant jouit d’une position dominante sur le marché.

L’IRES simplifie également le suivi de l’évolution des politiques publiques sur la durée. Si l’on compare la situation avec celle de 2014, il apparaît que différents pays ont engagé des réformes significatives en la matière. Le Mexique, par exemple, a supprimé les restrictions aux participations étrangères et mis en œuvre une réglementation ex ante favorable à la concurrence19 . Les analyses réalisées font apparaître un lien étroit entre les restrictions aux échanges de services dans le secteur des télécommunications et la densité des réseaux de télécommunications. Autrement dit, plus les marchés des télécommunications sont ouverts, plus le secteur manufacturier sera compétitif (Nordås et Rouzet, 2015 ; OCDE, 2014c).

Dans le cas des services informatiques (Figure 5.17, partie B), les restrictions commerciales les plus courantes sont celles qui s’appliquent à l’ensemble de l’économie et entravent la création d’entreprises de services informatiques dans l’économie d’accueil (restrictions sur les formes juridiques, obligations de résidence pour les administrateurs, procédures d’examen des investissements, etc.). Bien que les services informatiques puissent facilement être échangés à l’échelle mondiale, ces opérations sont généralement accompagnées de visites sur site dans les locaux des clients, que ce soit dans le cadre de déplacements professionnels à des fins de soutien technique, ou encore de missions plus longues destinées par exemple à adapter un logiciel aux besoins d’un client ou à dispenser des formations. Les limitations relatives à la circulation des personnes jouent un rôle important dans les notes de l’IRES, puisqu’elles comptent pour presque 35 % du score total pour ce secteur. D’après l’IRES, 8 pays ont mis en place des quotas pour au moins une des 3 catégories d’individus concernés (personnes transférées au sein d’une entreprise, prestataires de services contractuels et prestataires de services indépendants), alors que 37 pays procèdent à un examen des besoins économiques pour les séjours de 3 à 6 mois. La durée des séjours est fixée à 3 ans maximum dans 34 pays.

Sur la période 2014-16, 13 pays sont parvenus à réduire leur score (baisse de la restrictivité) et 9 se sont vu affecter un score plus élevé (augmentation de la restrictivité). Ces modifications s’expliquent en grande partie par la mise en œuvre de réformes touchant l’ensemble de l’économie. Dans la plupart des cas, la baisse des scores est la conséquence d’une amélioration des procédures administratives. Pour les scores ayant augmenté, cette évolution est principalement due à une limitation plus stricte de la circulation des personnes.

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Notes

← 1. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

← 2. Ces caractéristiques de volume, de vitesse et de variété sont regroupées sous l’appellation des « 3 V » des données massives. Cependant, cette définition repose sur des propriétés techniques liées à l’évolution des méthodes de stockage et de traitement des données les plus récentes et qui, par conséquent, sont en état de flux constant. D’aucuns revendiquent l’existence d’un quatrième « V » pour « valeur », laquelle correspondrait à la valeur économique et sociale croissante des données (OCDE, 2013a).

← 3. Ces estimations ne doivent toutefois pas être généralisées, et ce, pour différentes raisons. D’abord, les effets présumés de l’innovation fondée sur les données varient selon les secteurs et dépendent de facteurs complémentaires, comme la disponibilité des compétences et des savoir-faire, mais aussi la disponibilité et la qualité – soit la pertinence et le caractère opportun – des données utilisées. Par ailleurs, le principal défaut de ces études est qu’elles sont souvent marquées par un certain manque de rigueur. Il n’est par exemple pas précisé si les entreprises ayant recours à l’innovation fondée sur les données sont devenues plus productives de ce fait ou si elles étaient déjà plus productives que les autres. En outre, ces études envisagent rarement l’éventualité où certaines entreprises auraient observé une baisse de leur productivité due à l’innovation fondée sur les données, et ainsi choisi de suspendre leurs investissements dans ces technologies.

← 4. Alors que les entreprises de l’internet figurant parmi les 250 premières entreprises du secteur des TIC généraient en moyenne plus de 1 million USD de recettes annuelles par salarié en 2012 et plus de 800 000 USD en 2013, les autres entreprises de ce classement généraient quant à elles entre 200 000 USD (sociétés de services informatiques) et 500 000 USD (sociétés de logiciels) (OCDE, 2015a).

← 5. Comme l’expliquent Mayer-Schönberger et Cukier (2013), mettre un élément en données signifie le transposer sous forme de chiffres, de sorte à pouvoir le classifier et l’analyser.

← 6. Le cas de Thomson Reuters est un excellent exemple. Cette société est passée d’une solution de gestion interne des données à une plateforme d’information collaborative fondée sur les données ouvertes, dans le but de renforcer la relation avec les clients, améliorer la qualité des données et stimuler l’adoption des produits existants (Open Data Institute, 2016). Par cette approche, Thomson Reuters a également pu optimiser la valeur d’option de ses données et des produits connexes, malgré le haut niveau d’incertitude quant à l’éventuelle future valeur marchande de ces produits. Comme l’indique Dan Meisner, directeur des Services de données pour les entreprises (Enterprise Data Services), les clients attribuent à ces données une très forte valeur, mais d’un point de vue commercial, déterminer cette valeur est tout sauf évident (Open Data Institute, 2016).

← 7. Voir par exemple http://edison-project.eu .

← 8. Cela représente une croissance moyenne en glissement annuel de 1.7 %. Cette capacité de croissance découle de la somme de la valeur ajoutée supplémentaire estimée pour les secteurs du génie mécanique (23 milliards EUR à un taux de croissance en glissement annuel de 2.21 %), électrique (13 milliards EUR, + 2.21 %), automobile (15 milliards EUR, + 1.53 %), chimique (12 milliards EUR, + 2.21 %), agricole (3 milliards EUR, + 1.17 %) et des TIC (14 milliards EUR, + 1.17 %).

← 9. Cette estimation se base sur les données de valeur ajoutée par secteur fournies par le Bureau d’analyse économique américain, dans la base de données GDP by industry (PIB par secteur) : www.bea.gov/iTable/iTable.cfm?ReqID=51&step=1#reqid=51&step=51&isuri=1&5114=a&5102=1 .

← 10. Cette étude de l’université de Fort Hays State utilise un outil mathématique d’évaluation. Un total de 1 445 champs répartis dans trois États différents ont été examinés, représentant l’équivalent de 54 938 hectares.

← 11. L’agriculture contractuelle peut être définie comme une production agricole mise en œuvre sur la base d’un accord entre un acheteur et des agriculteurs, déterminant les conditions relatives à la production et à la vente de produits issus de l’agriculture. Généralement, un agriculteur s’engage à fournir une quantité définie d’un produit agricole spécifique (FAO, 2012).

← 12. On estime que d’ici à 2030, 8 milliards de personnes et jusqu’à 25 milliards d’appareils « intelligents » seront interconnectés au sein d’un immense réseau d’informations, ouvrant la voie à l’émergence d’un superorganisme intelligent exploitant l’internet comme un système nerveux numérique mondial (Radermacher et Beyers, 2007 ; O’Reilly, 2014).

← 13. D’après Becker (2012), les clauses de blocage sont utilisées lorsqu’un contrat unissant un prestataire de services infonuagiques et un client est résilié de façon irrégulière par ce client, afin de permettre au prestataire de conserver ces données jusqu’à ce que ledit client se soit acquitté des frais de résiliation applicables ou ait indemnisé le prestataire pour le manque à gagner occasionné par le paiement de dommages et intérêts. Néanmoins, dans certains cas, ces dispositions de blocage des données peuvent être exploitées pour imposer à un client des frais supplémentaires ou le dissuader de changer de prestataire.

← 14. En 2008, l’OCDE mettait à jour sa classification originale des biens et services TIC (datant de 2003), proposant que l’appellation « TIC » soit réservée aux biens et services lorsqu’ils sont essentiellement destinés à remplir des fonctions de traitement et de communication de l’information par des moyens électroniques, y compris la transmission et l’affichage. Cette classification s’appuie sur des définitions existantes du secteur des TIC et s’applique donc directement aux statistiques officielles. Les différences entre les classifications de 2008 et de 2003 résident principalement dans les modifications sous-jacentes de la classification par industrie détaillées par l’OCDE (2009). Dans la mesure où de nombreuses bases de données statistiques utilisent encore les anciennes classifications par industrie, la définition de 2003 reste parfois utilisée. Voir CNUCED (2009) pour un examen approfondi.

← 15. Les pays partenaires de l’OCDE inclus dans ce cas sont l’Afrique du Sud, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, la Fédération de Russie, l’Inde, l’Indonésie, la Lituanie, la République populaire de Chine et Singapour.

← 16. La part réelle de la valeur ajoutée des services TIC intégrée aux exportations peut être supérieure à celle indiquée dans le graphique. Cela s’explique par le fait que la totalité de la valeur ajoutée générée par les entreprises en interne est attribuée au principal secteur d’activité de chaque entreprise. Ainsi, bien que les services TIC externalisés soient pris en compte dans le graphique, les mêmes types de services produits en interne ne le sont pas. Les écarts entre les pays peuvent par conséquent refléter des différences de degrés d’externalisation et ne pas correspondre exactement à leurs niveaux réels d’utilisation de services TIC.

← 17. Les analyses montrent qu’une part de marché intérieur importante dans la valeur ajoutée reflète en partie la taille du marché national, l’existence de pratiques restrictives en matière d’échanges, un certain éloignement des pôles d’activité économique et une spécialisation sectorielle du pays. Cette caractéristique ne devrait pas nécessairement être réduite à une question de compétitivité.

← 18. Les restrictions applicables aux échanges de services dans des secteurs particuliers soutenant le commerce dans le monde numérique (comme les télécommunications et les services informatiques) affectent non seulement ces secteurs, mais également d’autres secteurs qui exploitent ces services. Par exemple, les restrictions aux transferts de données peuvent avoir des répercussions sur la fourniture des services financiers.

← 19. De plus amples détails sur les scores de l’IRES pour le secteur des télécommunications sont disponibles dans le document « STRI Sector Brief : Telecommunications », www.oecd.org/tad/services-trade/STRI_telecommunications.pdf .