Avant-propos

La Côte d’Ivoire est un pays d’immigration depuis son indépendance de la France en 1960, voire avant, et ce, grâce à une politique d’ouverture relative à la main-d’œuvre étrangère. Une rétractation de son économie, une pénurie de terres et la possibilité d’une guerre civile entre 2002 et 2011 ont cependant ralenti l’immigration et accéléré l’émigration. Les immigrés représentaient 23 % de la population totale du pays en 1970, environ 15 % en 1990 et seulement 10 % en 2015. Malgré la paix en 2011 et le retour des flux d’immigration, l’émigration a continué et, avec elle, les perspectives des transferts de fonds vers le pays, ainsi que l’engagement et le retour de sa diaspora.

La complexité croissante des flux migratoires et le rôle grandissant des transferts de fonds en Côte d’Ivoire ont conduit le gouvernement à initier des discussions sur une éventuelle stratégie nationale de migration en 2014, qui n’a pas encore été adoptée par le gouvernement. Il est à espérer que cette stratégie permettra au gouvernement de mieux tirer parti des migrations dans une perspective de développement du pays. De nombreuses institutions participent à la gestion des migrations dans le pays, mais rares sont les études apportant une base de connaissances suffisante pour garantir des réponses politiques éclairées et cohérentes dans le domaine des migrations et du développement.

Ce rapport entend combler cette lacune. En 2013, le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne ont lancé un projet visant à recueillir des données empiriques au sujet des interactions entre politiques publiques, migrations et développement (IPPMD) dans dix pays à travers le monde, dont la Côte d’Ivoire. Les conclusions présentées ici à propos de la Côte d’Ivoire sont le fruit de quatre années de travail de terrain, d’analyses empiriques et de dialogue politique, en collaboration avec le Centre de développement et le Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES), sans oublier le soutien actif de l’Office national de la population (ONP).

Le rapport examine dans quelle mesure les diverses dimensions de la migration affectent des secteurs politiques essentiels en Côte d’Ivoire : le marché de l’emploi, l’agriculture, l’éducation, l’investissement et les services financiers ainsi que la protection sociale et la santé. Il analyse par ailleurs l’influence des politiques adoptées dans ces secteurs sur tout un éventail de résultats migratoires, tels que la décision de migrer, l’utilisation des transferts de fonds, le succès de la migration de retour et l’intégration des immigrés. L’analyse empirique repose sur des travaux de terrain en Côte d’Ivoire, incluant la collecte de données quantitatives auprès de 2 345 ménages et 110 communautés à travers le pays, et la conduite de 44 entretiens qualitatifs auprès des parties prenantes.

Le rapport sur la Côte d’Ivoire est publié en parallèle avec neuf autres rapports nationaux et un rapport comparatif qui met en parallèle les résultats des différents pays et fournit un cadre d’action cohérent, s’appuyant sur les travaux de terrain et l’analyse conduits dans les dix pays partenaires. L’analyse sur la Côte d’Ivoire s’entend comme une boîte à outils permettant de mieux comprendre le rôle joué par les politiques publiques eu égard au lien entre migrations et développement. Elle vise à favoriser le dialogue politique et à proposer une orientation afin d’intégrer au mieux la question des migrations dans les stratégies nationales de développement. Forts des échanges menés avec les principaux intervenants et décideurs du pays, le Centre de développement de l’OCDE et le CIRES entendent poursuivre leur coopération en vue de renforcer la contribution positive des migrations en faveur du développement durable de la Côte d’Ivoire.

Mario Pezzini

Directeur du Centre de développement et Conseiller spécial du Secrétaire général de l’OCDE sur le développement

Ibrahim Diarra

Directeur du Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (CIRES)