Avant-propos

La migration est un phénomène profondément enraciné au Burkina Faso. Le pays a toujours été un carrefour de populations et de marchandises circulant entre le golfe de Guinée, au Sud, et le désert du Sahara et la mer Méditerranée, au Nord. Si les flux se sont intensifiés au cours de la période de colonisation du pays par la France, ils ont atteint des niveaux sans précédent lorsque la Côte d’Ivoire a adopté une politique migratoire relativement ouverte dans le but de stimuler ses exportations agricoles. Depuis 1970, le nombre d’émigrés burkinabè s’est maintenu à au moins 9 % de la population du pays. Le conflit survenu en Côte d’Ivoire au début des années 2000, qui a sévi pendant près de dix ans, a contribué à modifier les flux migratoires entre les deux pays, et bon nombre de Burkinabè, dont certains étaient nés en Côte d’Ivoire, ont commencé à émigrer, ou à revenir, au Burkina Faso.

Une fois la paix rétablie en Côte d’Ivoire, la complexité croissante des flux migratoires et le rôle grandissant des transferts de fonds au Burkina Faso ont conduit le gouvernement à adopter une Stratégie nationale en matière de migrations (SNMig) en 2017. Il est à espérer que cette stratégie permettra au gouvernement de mieux tirer parti de la migration dans une perspective de développement du pays. Avec le soutien d’institutions publiques telles que le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE), le gouvernent se doit de prendre des décisions fondées sur des connaissances empiriques. Mais rares sont les études apportant une base de connaissances suffisante pour garantir des réponses politiques éclairées et cohérentes dans le domaine des migrations et du développement.

Le présent rapport entend combler cette lacune. En 2013, le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne ont lancé un projet visant à recueillir des données empiriques au sujet des interactions entre politiques publiques, migrations et développement (IPPMD) dans dix pays à travers le monde, dont le Burkina Faso. Les conclusions présentées ici à propos du Burkina Faso sont le fruit de quatre années de travail de terrain, d’analyse empirique et de dialogue politique, en collaboration avec le Centre de développement et l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP), sans oublier le soutien actif du CSBE et plus généralement du ministère des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur (MAECBE).

Le rapport examine dans quelle mesure les diverses dimensions de la migration affectent des secteurs politiques essentiels au Burkina Faso : le marché de l’emploi, l’agriculture, l’éducation, ainsi que l’investissement et les services financiers. Il analyse par ailleurs l’influence des politiques adoptées dans ces secteurs sur tout un éventail de résultats migratoires, tels que la décision de migrer, l’utilisation des transferts de fonds, le succès de la migration de retour et l’intégration des immigrés. L’analyse empirique repose sur des travaux de terrain au Burkina Faso, incluant la collecte de données quantitatives auprès de 2 200 ménages et 100 communautés à travers le pays, et la conduite de 48 entretiens qualitatifs auprès des parties prenantes.

Le rapport sur le Burkina Faso est publié en parallèle avec neuf autres rapports nationaux et un rapport comparatif qui analyse les résultats entre les différents pays et fournit un cadre politique cohérent, s’appuyant sur les travaux de terrain et l’analyse conduits dans les dix pays partenaires. L’analyse sur le Burkina Faso s’entend comme une boîte à outils permettant de mieux comprendre le rôle joué par les politiques publiques eu égard au lien entre migrations et développement. Elle vise à favoriser le dialogue politique et à proposer une orientation afin d’intégrer au mieux la question des migrations dans les stratégies nationales de développement. Forts des échanges menés avec les principaux intervenants et décideurs du pays, le Centre de développement de l’OCDE et l’ISSP entendent poursuivre leur coopération en vue de renforcer la contribution positive des migrations en faveur du développement durable du Burkina Faso.

Mario Pezzini

Directeur du Centre de développement et Conseiller spécial du Secrétaire général de l’OCDE sur le développement

 

Jean-François Kobiané

Directeur de l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP)