Chapitre 4. Quelle est l’incidence de la migration sur le développement au Burkina Faso ?

Le Burkina Faso est un pays pauvre et enclavé. En raison des niveaux élevés de pauvreté, des perspectives d’emploi limitées et de sa position géographique, il s’est imposé depuis longtemps comme le centre de flux migratoires. Depuis des décennies, il connaît de forts taux d’émigration, notamment vers la Côte d’Ivoire. En même temps, il est et reste un pays d’immigration. Les répercussions de cette migration sur les ménages et le développement national sont mal comprises. Les différentes dimensions de la migration – émigration, transferts de fonds, migration de retour et immigration – sont susceptibles d’avoir des incidences à la fois positives et négatives sur le bien-être des ménages et les secteurs essentiels de l’économie burkinabè. Le présent chapitre examine les conséquences de la migration en termes de développement dans quatre secteurs : le marché de l’emploi ; l’agriculture ; l’éducation ; et l’investissement et les services financiers.

  

Le Burkina Faso compte parmi les pays les plus pauvres du monde ; son produit intérieur brut (PIB) par habitant en 2015 s’élevait à 645 dollars américains (USD) constants de 2010, bien qu’ayant progressé constamment mais lentement depuis 1995 (il n’était alors que de 361 USD ; Banque mondiale, 2017a). Le pays est également enclavé, le rendant ainsi relativement dépendant de ses voisins d’Afrique de l’Ouest. La pauvreté et le nombre limité de possibilités ont, depuis des dizaines d’années, conduit les Burkinabè à émigrer, principalement vers la Côte d’Ivoire. L’émigration continue de croître aujourd’hui ; en 2013, le nombre de personnes nées au Burkina Faso et vivant à l’étranger s’élevait à 1 600 000, contre 1 100 000 personnes en 2005 (Banque mondiale, 2008 ; 2016). Parallèlement, le Burkina Faso est aussi un pays d’immigration, dans la mesure où de nombreuses personnes nées à l’étranger dont les parents sont nés au Burkina Faso sont retournées vers le pays de naissance de leurs parents, ce qui, en théorie, en fait des immigrés. Le Burkina Faso figurait au 6e rang en termes de stock d’immigrés en Afrique subsaharienne en 2013, avec 700 000 immigrés (Banque mondiale, 2016).

Le présent chapitre s’interroge sur la manière dont l’immigration influence le développement du Burkina Faso dans quatre secteurs : le marché de l’emploi ; l’agriculture ; l’éducation ; et l’investissement et les services financiers. Pour chaque secteur, le chapitre présente les conclusions des enquêtes et de l’analyse des données de l’enquête Interactions entre politiques publiques, migrations et développement (IPPMD) pour explorer l’incidence des quatre dimensions de la migration : l’émigration, les transferts de fonds, la migration de retour et l’immigration.

Migrations et marché de l’emploi

Le Burkina Faso est essentiellement un pays rural, dont près des trois quarts (73.9 %) de la population active vit en milieu rural. L’activité rurale, qui est principalement agricole et emploie plus de 95 % de la main-d’œuvre, est une activité de subsistance créant peu d’emplois rémunérés. La majorité des acteurs sont des indépendants ou des travailleurs familiaux. Le travail salarié (3.2 % de la population active) est principalement concentré dans les milieux urbains. Mais, ici également, la plupart des emplois se trouvent dans le secteur informel où les travailleurs sont essentiellement auto-déclarés.

Selon l’étude multisectorielle conduite par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) en 2014, le taux d’activité du Burkina Faso1 était de 68 % : 77 % pour les hommes et 60 % pour les femmes. Le taux d’activité dans les zones rurales est supérieur (69 %) à celui des zones urbaines (65 %). Le taux de chômage est faible, à un niveau de 6 %, mais le sous-emploi est courant. Le taux d’emploi des hommes est de 52 %, et de 49 % pour les femmes.

L’enquête IPPMD a collecté un échantillon total de 7 505 personnes âgées de 15 ans au moins. Dans le groupe de personnes en âge de travailler (15-64 ans), le taux d’activité était de 54 % (67 % pour les hommes et 42 % pour les femmes), soit nettement inférieur au taux national. Le taux est plus élevé dans les zones rurales (57 %) que dans les zones urbaines (52 %). Le taux d’emploi est de 52 % : 65 % pour les hommes et 40 % pour les femmes, et il est plus élevé dans les zones rurales (56 %) que dans les zones urbaines (49 %). Environ 46 % de la population en âge de travailler étudiée affirmait ne pas travailler ni chercher un emploi. Le travail indépendant reste la forme prédominante d’emploi. Près de 80 % de la main-d’œuvre active est indépendante.

L’émigration réduit l’apport de main-d’œuvre

L’émigration se traduit par une réduction de l’offre de main-d’œuvre lorsque les migrants participaient au marché de l’emploi. Presque tous les émigrés actuels dans l’étude IPPMD au Burkina Faso sont en âge de travailler (15-64 ans). Les personnes plus jeunes (de 15 à 44 ans) représentent 90 % des émigrés actuels, soit une proportion plus importante que celle des non-migrants (76 %) (graphique 4.1). Environ 60 % des émigrés étaient employés au Burkina Faso (dans des activités liées à l’agriculture et des métiers élémentaires) avant de quitter le pays. Plus de la moitié (56 %) étaient indépendants avant de partir ; le groupe suivant le plus important était celui des chômeurs (8 %). Environ 20 % des émigrés n’occupaient pas un emploi rémunéré et n’en cherchaient pas.

Graphique 4.1. La majorité des émigrés burkinabè sont âgés de 15 à 44 ans
Répartition par âge des émigrés et des non-migrants actuels (en %)
picture

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Que signifie, pour les ménages, perdre leur force productive au profit de l’émigration ? Les incidences sont complexes et variables selon que l’émigré a été employé avant de partir et selon qu’il ou elle a envoyé des fonds après avoir trouvé un emploi à l’étranger. Sans transfert de fonds, les autres membres du ménage peuvent être dans l’obligation de chercher un emploi ; d’un autre côté, recevoir des fonds peut contribuer à réduire le besoin de travailler des membres du ménage. Ces schémas sont bien identifiés dans différents contextes et régions du monde (Acosta, 2007 ; Amuedo-Dorantes et Pozo, 2006 ; Funkhouser, 2006 ; Kim, 2007 ; Osaki, 2003).

Bien que cette image complexe ne permette pas aisément d’isoler les effets individuels, les données IPPMD font la lumière sur la question. Le graphique 4.2 compare la proportion moyenne de membres actifs d’un ménage dans les ménages non-migrants, les ménages avec émigré ne recevant pas de transferts de fonds et les ménages qui en reçoivent. Le graphique montre que les ménages comptant des émigrés qui ne reçoivent pas de transferts fonds ont la plus faible proportion d’adultes actifs, alors que ceux qui reçoivent des transferts de fonds ont la proportion la plus élevée de membres employés. La répartition du total des ménages en groupes ruraux et urbains indique que le lieu peut jouer un rôle dans la décision des ménages de travailler. Dans les régions urbaines, les ménages comptant des émigrés représentent une part plus faible de membres actifs, indépendamment du fait de savoir s’ils reçoivent ou non des fonds. Néanmoins, dans les régions rurales, les ménages comptant des émigrés ne recevant pas de fonds ont la plus faible proportion d’adultes actifs alors que ceux qui reçoivent des fonds ont la proportion la plus élevée de membres employés. Près de 95 % des ménages ruraux exercent des activités agricoles, soit une proportion nettement plus élevée qu’en milieu urbain (64 %). Il se peut que les activités économiques déterminent la décision des ménages de travailler.

Graphique 4.2. Les ménages recevant des transferts de fonds en milieu rural comptent davantage de membres actifs
Part des membres des ménages âgés de 15 à 64 ans qui travaillent
picture

Note : L’échantillon exclut les ménages avec uniquement des migrants de retour et uniquement des immigrés.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Ce lien a été étudié de manière plus approfondie dans un cadre de régression en neutralisant les autres facteurs susceptibles d’influencer la décision de travailler du ménage2. L’analyse de l’encadré 4.1 semble confirmer que les membres du ménage réduisent leur offre de main-d’œuvre, notamment les hommes, quand ils comptent des membres émigrés (tableau 4.1). Le fait de recevoir des fonds ne semble pas être lié à la décision de travailler. Les activités économiques des ménages peuvent déterminer leur décision de travailler au regard des expériences migratoires. Les ménages agricoles réduisent leur offre de main-d’œuvre par le fait de compter un membre migrant absent, à la différence des ménages non agricoles. La réponse des ménages agricoles varie pour les hommes et pour les femmes : la part des hommes qui travaillent dans les ménages agricoles décroît, alors que celle des femmes augmente. Les hommes représentent 84 % des émigrés du Burkina Faso dans l’échantillon IPPMD. Il peut être difficile de trouver une main-d’œuvre masculine remplaçable dans le ménage (Wouterse, 2011). Cela signifie que les femmes restées au pays doivent compenser par leur travail.

Encadré 4.1. Liens entre migration et emploi

Pour étudier le lien entre la migration et la décision de travailler des ménages, les modèles de régression suivants ont été appliqués :

picture (1)

picture (2)

picture (3)

Dans ces modèles, picture représente l’offre de main-d’œuvre des ménages mesurée comme la part des membres des ménages âgés de 15 à 64 ans qui travaillent. picture est la part des hommes qui travaillent parmi les hommes du ménage et picture pour les membres féminins des ménages. picture représente une variable avec une valeur de 1 quand un ménage compte au moins un émigré et picture désigne un ménage qui reçoit des transferts de fonds. contrôlem représente une série de variables de contrôle au niveau du ménagea. picture correspond aux effets fixes régionaux et picture est le terme d’erreur réparti de manière aléatoire. Les modèles ont été appliqués à deux groupes de ménages différents selon leurs activités agricoles. Les coefficients des variables étudiées sont présentés au tableau 4.1.

Tableau 4.1. Transfert de fonds et migration semblent réduire la participation au marché de l’emploi

Variables d’intérêt

Part des membres du ménage occupant un emploi parmi :

Tous les ménages

Ménages agricoles

Ménages non-agricoles

total

hommes

femmes

hommes

femmes

hommes

femmes

Ménage comptant au moins un émigré

-0.012

(0.023)

-0.057**

(0.029)

0.039

(0.031)

-0.077**

(0.031)

0.053*

(0.032)

0.018

(0.090)

-0.061

(0.087)

Ménage recevant des transferts de fonds

-0.029

(0.028)

-0.040

(0.035)

0.023

(0.036)

-0.018

(0.039)

0.011

(0.039)

-0.059

(0.063)

0.102

(0.092)

Nombre d’observations

1 711

1 559

1 674

1 151

1 209

408

465

Note : Les résultats présentant une signification statistique (calculée à l’aide du test du khi carré) sont indiqués comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

a. Les variables de contrôle comprennent la taille du ménage et sa valeur au carré, le ratio de dépendance (nombre d’enfants âgés de 0 à 15 ans et personnes âgées de plus de 65 ans divisé par le nombre total des autres membres), le ratio hommes-femmes adultes, le niveau moyen d’éducation des membres de la famille, sa richesse estimée par un indicateur (chapitre 3) et sa valeur au carré.

Les immigrés contribuent aux compétences professionnelles du pays

Les compétences que les immigrés apportent au pays peuvent contribuer à certains secteurs et améliorer les compétences professionnelles au Burkina Faso. La recherche IPPMD a étudié cette question dans quatre secteurs – agriculture, construction, éducation et santé – en comparant la part relative des immigrés et le nombre total des travailleurs dans chaque secteur. Pour rappel, les immigrés constituent 4 % de la main-d’œuvre totale au Burkina Faso. Les secteurs de l’éducation (9 %) et de la santé (6 %) représentent une part plus importante de la main-d’œuvre immigrée que les secteurs de l’agriculture (2 %) et de la construction (3 %), principalement en raison des profils différents en matière d’éducation et de compétences des immigrés au Burkina Faso. Les travailleurs immigrés sont plus susceptibles que les populations natives d’exercer des professions qui nécessitent un ensemble de compétences plus complexe (graphique 4.3).

Graphique 4.3. Les travailleurs immigrés au Burkina Faso sont plus susceptibles d’occuper des professions hautement qualifiées
Part des personnes employées dans chaque groupe de compétences parmi les migrants de retour, les non-migrants et les immigrés
picture

Note : Le niveau de compétence des professions a été classé en s’appuyant sur la classification internationale type des professions (CITP) de l’Organisation internationale du travail (OIT, 2012). Niveau de compétences 1 : professions qui impliquent des tâches physiques ou manuelles simples et courantes (notamment les professions élémentaires et certaines professions relevant des forces armées). Niveau de compétences 2 : employés de soutien administratif ; travailleurs des services et de la vente ; agriculteurs et ouvriers qualifiés de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ; métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat ; conducteurs de machines et d’installations fixes et ouvriers de l’assemblage. Niveau de compétences 3 : techniciens et personnel des services aux particuliers, commerçants et vendeurs. Niveau de compétences 4 : Autres types de dirigeants et de gérants.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Les immigrés étudiés au Burkina Faso sont bien intégrés au marché de l’emploi burkinabè. La plupart sont des Burkinabè nés à l’étranger, c’est-à-dire en Côte d’Ivoire (84 %), au Ghana (5 %) et au Mali (5 %) de parents nés au Burkina Faso. On pourrait penser qu’ils partagent des caractéristiques avec les migrants de retour, mais ce n’est pas le cas. Comme le montre le graphique 4.3, les compétences professionnelles des immigrés sont très différentes de celles des migrants de retour, dont les compétences tendent à être moins élevées. Les types d’emploi diffèrent également (graphique 4.4). Alors que les migrants de retour sont principalement indépendants, les immigrés sont plus susceptibles d’occuper des emplois rémunérés dans le secteur public comme privé.

Graphique 4.4. Les travailleurs immigrés au Burkina Faso sont plus susceptibles d’occuper des emplois salariés que les non-migrants ou les migrants de retour
Types d’emploi chez les migrants de retour, les non-migrants et les immigrés
picture

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Migration et agriculture

Le Burkina Faso est principalement une économie agricole. Depuis 1990, la part de la valeur ajoutée de l’agriculture dans le PIB oscille entre 30 et 40 %, ne dégageant aucune tendance claire à la hausse ou à la baisse. En 2015, elle s’élevait à 34 %, soit la plus élevée des pays IPPMD (Banque mondiale, 2017b). L’importance de l’agriculture pour le pays et pour les stratégies de réduction de la pauvreté est particulièrement frappante en termes de main-d’œuvre. En 2006, l’année la plus récente pour laquelle on dispose de données fiables, 78 % de la population active travaillait dans le secteur agricole (FAO, 2016a), soit la proportion la plus élevée parmi les pays partenaires de l’IPPMD, en cohérence avec la part de la population qui vivait dans des zones rurales en 2005 (79 %). En comparaison, en 2014, 71 % de la population vivait en zone rurale (ONU, 2015).

Cependant, la productivité dans ce secteur est stagnante. L’indice de production agricole par habitant mesuré à 100 en 2004-06 est tombé à 98 en 2013, en faisant l’un des deux seuls pays partenaires de l’IPPMD à connaître une diminution sur cette période (FAO, 2016b). Le pays souffre également d’insécurité alimentaire, connaît des sécheresses récurrentes et des invasions de criquets se traduisant par un déficit de production céréalière (PAM, n.d). Environ 20 % de la population souffre d’insécurité alimentaire et la moitié des ménages vivant en zone rurale ne sont pas en mesure de produire des quantités suffisantes de nourriture pour répondre à leurs besoins caloriques (Usaid, 2015).

Les ménages agricoles comptant des émigrés s’appuient davantage sur la main-d’œuvre agricole

Comment la migration affecte-t-elle la main-d’œuvre dans le secteur agricole ? L’agriculture dépend fortement de la main-d’œuvre manuelle. Le départ des travailleurs peut donc modifier les activités des ménages, ainsi que le secteur dans son ensemble. Par exemple, les ménages dans le centre du Mali considèrent la perte de la contribution agricole d’un jeune homme plus importante que les avantages tirés des transferts de fonds (Mc Dowell et de Haan, 1997). Le départ des travailleurs les plus productifs peut même conduire à des pénuries de main-d’œuvre (Tacoli 2002) et à l’insécurité alimentaire dans certaines communautés (Skeldon, 2009 ; Cotula et Toulmin, 2004 ; Cissé et Daum, 2010 ; Tsiko, 2009).

En général (pas uniquement dans les ménages agricoles), l’émigration diminue la probabilité que les hommes qui restent au pays travaillent (voir la section précédente sur le marché de l’emploi). Les ménages agricoles peuvent combler le déficit de main-d’œuvre de deux manières : en faisant travailler davantage de membres du ménage dans les champs, ou en embauchant des travailleurs. En termes de main-d’œuvre agricole, les données IPPMD montrent que 1 344 des 1 379 (97 %) ménages cultivant la terre comptaient au moins un membre du ménage travaillant la terre lors de la dernière saison de récolte3, et 28 % en comptaient quatre ou plus. Environ un quart (27 %) des ménages embauchaient de la main-d’œuvre agricole extérieure – en moyenne 7.9 travailleurs par ménage.

Que nous disent les données IPPMD sur les conséquences de la migration sur la main-d’œuvre des ménages au Burkina Faso ? Les ménages avec émigré comptent plus de membres travaillant à la ferme que les ménages sans émigré (4.6 contre 3.5, graphique 4.5), suggérant que les émigrés, lorsqu’ils s’en vont, sont remplacés par d’autres membres du ménage. L’étude indique également que les ménages avec émigré n’ont pas plus tendance à recruter de la main-d’œuvre extérieure (27 % contre 26 %, graphique 4.5) bien qu’ils recrutent en plus grand nombre (8.5 contre 7.8 par ménage) que les ménages ne comptant pas d’émigré (graphique 4.5).

Graphique 4.5. Les ménages comptant des émigrés s’appuient davantage sur la main-d’œuvre agricole
Dépenses des ménages et propriété d’entreprise, selon que les ménages reçoivent ou non des fonds
picture

Note : La signification statistique calculée à l’aide d’un test t (1er et 3e graphiques) et du test du khi carré (2e graphique) est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

L’analyse de régression a étudié ces liens de manière plus approfondie (encadré 4.2). Pour contribuer à isoler les effets de l’émigration et des transferts de fonds (qui peuvent également influencer le comportement de la main-d’œuvre au sein du ménage), le modèle initial excluait les ménages recevant des transferts de fonds. Les résultats (lignes du haut du tableau 4.2) suggèrent qu’il existe un lien statistiquement important entre l’émigration et le nombre de travailleurs du ménage. Il ne semble pas y avoir de lien entre l’émigration et la probabilité d’embaucher des travailleurs extérieurs, non plus qu’avec le nombre de personnes embauchées.

Encadré 4.2. Liens entre l’émigration et la main d’oeuvre dans les ménages agricoles

Pour évaluer la probabilité qu’un ménage agricole avec émigré s’appuie davantage sur la main-d’œuvre du ménage ou extérieure, le modèle de régression par la méthode des moindres carrés ordinaire (MCO) a été élaboré.

nombre_travailleursm picture (4)

où l’unité d’observation est le ménage m et la variable dépendante continue nombre_travailleurs en équation (4) représente le nombre de personnes travaillant dans les champsa. picture indique si le ménage compte un ancien membre qui a émigré ou non. contrôlem représente l’ensemble des régresseurs (variables explicatives) au niveau du ménageb alors que picture correspond aux effets fixes régionaux. Les erreurs-types, picture, sont robustes en présence d’hétéroscédasticité.

En outre, le modèle Probit suivant a été évalué :

Prob(recrut_extérieur)m picture (5)

Prob(recrut_extérieur) prend une valeur de 1 si le ménage a embauché au moins un travailleur extérieur et 0 dans le cas contraire. Les autres variables sont définies comme dans l’équation (4).

Les résultats sont présentés dans le tableau 4.2. La colonne (1) présente les résultats du nombre de membres du ménage travaillant dans des activités agricoles pour le ménage ; la colonne (2) présente les résultats indiquant si le ménage a embauché de la main-d’œuvre extérieure pour travailler dans ses activités agricoles ; et la colonne (3) présente le nombre de travailleurs extérieurs recrutés par le ménagec.

Les résultats sont répartis en deux sections. Les lignes du haut présentent les résultats basés sur un échantillon excluant les ménages non-migrants recevant des transferts de fonds, alors que les lignes du bas présentent les résultats basés sur un échantillon comprenant les ménages migrants recevant des transferts de fonds et montrent les coefficients associés à la fois à l’émigration et aux transferts de fonds.

Tableau 4.2. Les ménages avec émigré s’appuient davantage sur la main-d’œuvre agricole

Variable dépendante : main-d’œuvre agricole travaillant pour le ménage

Principales variables d’intérêt : ménage comptant un émigré

Type de modèle : MCO/Probit

Échantillon : ménages agricoles

Variables d’intérêt

Variables dépendantes

(1)

Nombre de membres du ménage travaillant pour le ménage (équation 4)

(2)

Le ménage a recruté une main-d’œuvre extérieure (équation 5)

(3)

Nombre de travailleurs extérieurs recrutés par le ménage (équation 4)

Échantillon : ménages agricoles excluant les ménages recevant des transferts de fonds

Ménage comptant un émigré

0.413*

(0.213)

-0.034

(0.039)

-0.310

(3.090)

Nombre d’observations

1 200

1 192

296

Échantillon : ménages agricoles comprenant les ménages recevant des transferts de fonds

Ménage comptant un émigré

0.353*

(0.183)

-0.026

(0.035)

-0.135

(2.300)

Ménage recevant des transferts de fonds

0.331

(0.207)

0.063

(0.044)

-0.185

(1.937)

Nombre d’observations

1 379

1 373

347

Note : La signification statistique est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les coefficients résultant des estimations du modèle Probit reflètent des effets marginaux. Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses et sont robustes en présence d’hétéroscédasicité.

a. Ce modèle de régression n’est estimé que pour les ménages qui ont eu au moins un membre du ménage qui a travaillé dans les champs.

b. Les variables de contrôle pour toutes les estimations du modèle de régression liées à l’agriculture comprennent la taille du ménage, son ratio de dépendance (nombre d’enfants âgés de 0 à 15 ans et personnes âgées de plus de 65 ans divisé par le nombre total des autres membres), le ratio hommes-femmes adultes, sa richesse estimée par un indicateur (chapitre 3), dans des régions rurales ou urbaines et un effet fixe pour sa région géographique.

c. Ce modèle de régression n’est estimé que pour les ménages qui ont embauché au moins un travailleur extérieur.

Cependant, alors que les transferts de fonds peuvent contribuer à diminuer le besoin d’embaucher davantage de main-d’œuvre (peut-être parce qu’ils permettent au ménage de vivre avec une production agricole faible, ou parce que les fonds sont utilisés d’autres manières productives), un deuxième modèle comprend les ménages recevant des transferts de fonds et tient compte du fait qu’un ménage puisse recevoir des fonds (lignes du bas du tableau 4.2) Les résultats confirment à nouveau que les ménages avec émigré ont davantage tendance à s’appuyer sur la main-d’œuvre du ménage pour travailler dans des activités agricoles, mais démontrent également que les transferts de fonds semblent avoir peu d’effet sur l’utilisation de la main-d’œuvre par le ménage.

Les ménages agricoles comptant des migrants de retour investissent plus dans les actifs agricoles et sont plus diversifiés

Les émigrés peuvent également envoyer de l’argent à leurs amis et à leur famille restés au pays, et ceci peut avoir une incidence sur le secteur agricole. Les transferts de fonds peuvent être investis dans des actifs productifs, tels que les machines agricoles, les granges, les clôtures, les mécanismes d’alimentation, les systèmes d’irrigation et les tracteurs (Mendola, 2008 ; Tsegai, 2004). L’investissement productif des fonds peut également aider les ménages à passer d’activités à forte intensité de main-d’œuvre à des activités à forte intensité de capital (Lucas, 1987 ; Taylor et Wouterse, 2008 ; Gonzalez-Velosa, 2011), ou à la spécialisation (Böhme, 2015 ; Gonzalez-Velosa, 2011). Ils peuvent également être utilisés pour financer les activités entrepreneuriales non agricoles qui nécessitent des capitaux, à l’instar du commerce de détail et des services de transport (FAO et FIDA, 2008). Ce qui serait cohérent avec l’abandon progressif de la dépendance agricole constaté dans de nombreux pays et, peut-être, au Burkina Faso. Ce fut le cas en Albanie, par exemple, où les fonds transférés ont été associés de manière négative avec les intrants liés ou non à la main-d’œuvre dans l’agriculture (Carletto et al., 2010).

Le taux des transferts de fonds vers le Burkina Faso reste, malgré tout, faible; selon le chapitre 2, les montants représentaient environ 3 % du PIB en 2014, soit bien moins que la moyenne des pays partenaires IPPMD. La comparaison entre les différents pays IPPMD montre que les fonds ne sont pas couramment utilisés par les ménages agricoles pour investir dans ou en dehors de l’agriculture (OCDE, 2017).

Cependant, la migration de retour montre un visage différent. La migration de retour peut en effet influer sur le secteur agricole dans la même mesure que les transferts de fonds car les migrants peuvent retourner dans leur pays avec des économies, mais aussi avec leur propre travail, de nouvelles compétences et de nouveaux contacts (capital financier, humain et social ; Wahba, 2015). Les ménages avec migrant de retour sont plus nombreux dans les ménages d’agriculteurs que dans les ménages non-agricoles, selon les données recueillies. Sur les 415 ménages comptant des migrants de retour, 387 ménages (24 %) étaient des ménages d’agriculteurs, et 28 (5 %) des ménages non-agricoles, soit une différence statistique notable. Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux ménages avec migrant (ceux qui comptent des émigrés ou des migrants de retour), les ménages agricoles gardent une longueur d’avance en termes de migration de retour (66 % contre 48 %).

Les données descriptives suggèrent que les ménages comptant des migrants de retour ont davantage tendance à investir dans les actifs agricoles que les ménages ne comptant pas de migrants de retour, bien qu’ils investissent moins (graphique 4.6)4. En outre, les ménages avec migrant de retour ont davantage tendance à travailler dans la culture et l’élevage que les ménages sans migrant de retour (88 % contre 73 %), et sont également plus susceptibles de gérer une entreprise non agricole que ceux qui ne comptent pas de migrant de retour (26 % contre 22 %), bien que la différence soit statistiquement peu marquée.

Graphique 4.6. Les ménages agricoles comptant des migrants de retour ont davantage tendance à investir dans les actifs agricoles et gèrent une diversité d’activités
Dépenses des ménages en biens et propriété d’entreprise, selon que les ménages comptent ou non un migrant de retour
picture

Note : La signification statistique calculée à l’aide du test du khi carré est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. La signification statistique calculée dans le premier graphique concerne la part des ménages (et non les montants dépensés).

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

L’analyse de régression a été utilisée pour examiner si les ménages comptant un migrant de retour investissent dans ou hors de l’agriculture (encadré 4.3). Les résultats confirment les conclusions descriptives ci-dessus : compter un migrant de retour dans un ménage est associé de manière positive à des dépenses en actifs agricoles au cours des 12 derniers mois et à des activités de culture et d’élevage, en tenant compte des caractéristiques du niveau du ménage (tableau 4.3). Les entreprises non-agricoles ne sont pas liées à la migration de retour mais plutôt au fait de vivre en milieu urbain et à des ratios de dépendance plus faibles : les ménages agricoles dans les zones urbaines ayant relativement moins d’enfants et de personnes âgées ont davantage tendance à s’occuper d’entreprises non-agricoles, consolidant ainsi le résultat selon lequel les zones rurales sont principalement agricoles au Burkina Faso.

Encadré 4.3. Liens entre migration de retour, immigration et investissement chez les ménages agricoles

Pour estimer la probabilité qu’un ménage agricole a investi dans des actifs ou dans une activité, le modèle de régression suivant est évalué :

Prob(résultat_agricm) picture (6)

où l’unité d’observation est le ménage m et la variable dépendante binaire dépenses_agric en équation (6) représente la probabilité que le ménage soit engagé dans un résultat agricole particulier (par exemple, faire des dépenses ou se livrer à une activité spécifique) et prend la valeur de 1 si c’était le cas, et 0 dans le cas contraire ; picture représente le fait que le ménage compte au moins un migrant de retour ; contrôlem correspond à des régresseurs (variables explicatives) au niveau du ménage ; alors que picture correspond aux effets fixes régionaux. Les erreurs-types, picture, sont robustes en présence d’hétéroscédasticité.

Un deuxième modèle MCO est également évalué :

Ln(dépenses_agricm picture (7)

dépenses_agric représente le montant total des dépenses agricoles engagées. Toutes les autres variables sont définies comme dans l’équation (6).

Le tableau 4.3 présente les résultats de la régression. La colonne (1) présente les résultats indiquant si le ménage a engagé des dépenses dans des actifs agricoles, la colonne (2) sur les montants dépensés dans des actifs agricoles au cours des 12 derniers mois, la colonne (3) indique si le ménage est engagé dans des activités de culture et d’élevage et la colonne (4) si le ménage est engagé dans une activité non-agricole. Le tableau présente également les résultats pour trois variables étudiées, évaluées selon des modèles distincts. Les lignes du haut présentent les résultats liés au fait que le ménage compte un migrant de retour alors que la deuxième ligne présente les résultats liés au fait que le ménage compte un immigré.

Tableau 4.3. La migration de retour exerce un effet positif sur l’agriculture

Variable dépendante : résultats d’investissement

Principales variables d’intérêt : ménage comptant un migrant de retour/ménage comptant un immigré

Type de modèle : Probit/MCO

Échantillon : ménages agricoles

Variables d’intérêt

Variables dépendantes

(1)

Le ménage a engagé des dépenses dans des actifs agricoles (équation 6)

(2)

Montant total des dépenses dans des actifs agricoles (équation 7)

(3)

Le ménage a des activités à la fois dans la culture et l’élevage (équation 6)

(4)

Le ménage gère une activité non-agricole (équation 7)

Ménage comptant un migrant de retour

0.055*

(0.033)

-0.079

(0.125)

0.079***

(0.023)

0.003

(0.023)

Ménage comptant un immigré

-0.132***

(0.038)

0.313*

(0.183)

-0.098***

(0.037)

0.009

(0.029)

Nombre d’observations

1 621

744

1 621

1 517

Note : La signification statistique est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les coefficients résultant des estimations des modèles Probit reflètent des effets marginaux. Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses et sont robustes en présence d’hétéroscédasicité.

De plus, le modèle a été adapté pour vérifier si l’immigration affecte les résultats en termes d’investissement des ménages agricoles ; la variable picture a été remplacée par picture en équations (6) et (7), indiquant si le ménage comptait au moins un immigré. L’immigration au Burkina Faso a une nature particulière, dans la mesure où 90 % des immigrés dans l’échantillon IPPMD au Burkina Faso comptent au moins un parent né au Burkina Faso. La raison principale en est que de nombreuses familles burkinabè ont fui la Côte d’Ivoire pendant le conflit armé qui s’y déroulait entre 2002 et 2011, y compris des membres du ménage qui y étaient nés. En tant que tels, bien qu’ils soient considérés comme des immigrés selon les définitions du projet IPPMD, ils partagent avec les migrants de retour la connaissance des traditions et des langues locales, ainsi que les contacts sociaux au Burkina Faso.

Les résultats suggèrent que l’immigration n’est pas associée à l’investissement dans les actifs agricoles, bien que les ménages avec immigré qui investissent dans des actifs agricoles dépensent davantage que ceux qui ne comptent pas d’immigrés. Ils étaient également moins enclins à mener des activités agricoles diversifiées. Néanmoins, de nombreux ménages d’immigrés ont laissé derrière eux des activités lucratives en Côte d’Ivoire, mais sont arrivés au Burkina Faso munis de capitaux financiers et d’idées. Le modèle de régression appliqué pour évaluer le genre d’activités auxquelles se livrent les ménages avec immigré révèle qu’ils sont davantage enclins à pratiquer l’élevage - activité qui nécessite généralement beaucoup de capitaux - que les ménages ne comptant pas d’immigré (résultat non présenté).

Les données IPPMD montrent que les ménages comptant des émigrés tendent à s’appuyer davantage sur le ménage pour fournir la main-d’œuvre agricole au lieu de se tourner vers le marché de l’emploi, suggérant que l’émigration peut solliciter considérablement les ménages agricoles. En termes de rendement des investissements de la migration, les transferts de fonds ne semblent pas être orientés de manière productive dans le secteur agricole comme à l’extérieur mais, d’un autre côté, les ménages comptant des migrants de retour sont plus enclins à investir dans des actifs agricoles et conduisent à la fois des activités de culture agraire et d’élevage. Les immigrés, dont bon nombre sont des enfants de parents burkinabè, mais nés dans un autre pays, ont tendance à ne pas investir dans des actifs agricoles ou dans des activités non-agricoles. Ils sont plus impliqués dans l’élevage, une activité généralement lucrative, qui semble complémentaire aux investissements réalisés par les migrants de retour.

Migrations et éducation

Le système d’éducation formelle au Burkina Faso comprend six années de scolarité primaire et quatre années de scolarité secondaire. Une loi sur l’éducation adoptée en 20075 rend la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans. L’enseignement secondaire est divisé en deux cycles, le premier cycle comprend les classes de la 7e à la 10e, et le second cycle comprend les classes de la 11e à la 13e.

Depuis l’indépendance, en 1960, le Burkina Faso a réalisé de grands progrès en matière de scolarisation, et a obtenu d’autres résultats dans le domaine éducatif. Le plan d’éducation actuel, le Programme de développement stratégique de l’éducation de base (PDSEB), a pour objectif de parvenir à l’éducation pour tous d’ici 2020 (voir chapitre 5). Toutefois, les taux d’alphabétisation et de scolarisation comptent toujours parmi les plus faibles du monde. En 2014, le taux net de scolarisation en primaire était de 67 % et le nombre moyen d’années de scolarité dans la population adulte était de 1.4 année (Institut de statistique de l’Unesco, 2016).

Les données IPPMD montrent que les taux de scolarisation sont de 70 % pour les enfants âgés de 7 à 14 ans6. Les données montrent également de grandes disparités géographiques dans les taux de scolarisation. Dans les zones urbaines, 83 % des enfants sont scolarisés, contre 58 % en milieu rural. Cependant, il n’y a pas de disparité entre les sexes, les garçons et les filles sont également susceptibles de fréquenter l’école dans l’échantillon IPPMD. Chez les 15-17 ans, environ 53 % sont scolarisés, contre 37 % pour les 18-22 ans.

Les enfants des ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de fréquenter l’école

Les transferts de fonds peuvent apporter aux ménages les moyens financiers leur permettant d’investir dans l’éducation de leurs enfants. Des travaux de recherche antérieurs ont montré que les transferts de fonds peuvent contribuer à diminuer le taux de décrochage scolaire et la prépondérance du travail des enfants, et à augmenter le nombre d’années de scolarisation (Cox-Edwards et Ureta, 2003 ; Hanson et Woodruff, 2003 ; Yang, 2008). Les ménages recevant des transferts de fonds tendent également à dépenser davantage pour l’éducation (Adams, 2005 ; Murata, 2011). En même temps, l’émigration des membres du ménage peut augmenter le taux de décrochage scolaire si les enfants et les jeunes doivent participer davantage aux tâches domestiques, aux travaux agricoles ou à des travaux à l’extérieur du ménage, en l’absence d’un membre du ménage (Amuedo-Dorantes et Pozo, 2010). La migration peut également avoir une incidence négative sur les résultats en matière d’éducation quand les rendements de l’éducation sont faibles pour les migrants dans le pays de destination. Ainsi a-t-il été démontré que les enfants qui vivent dans des ménages migrants au Mexique avaient moins de chances de terminer leurs études secondaires (McKenzie et Rapoport, 2006).

Les données IPPMD montrent que les enfants du groupe d’âge le plus jeune (7-14 ans) dans les ménages recevant des transferts de fonds sont légèrement plus enclins (73 %) à fréquenter l’école, que les enfants des ménages qui n’en reçoivent pas (70 %). La tendance s’inverse pour les 15-17 ans : 45 % des jeunes appartenant à des ménages recevant des transferts de fonds fréquentent l’école, contre que 54 % des enfants dans les ménages qui n’en reçoivent pas. Dans le groupe d’âge des 18-22 ans, 46 % des jeunes appartenant à des ménages recevant des transferts de fonds fréquentent l’école, alors que le chiffre n’est que de 36 % chez les jeunes des ménages qui n’en reçoivent pas.

On relève également d’autres raisons de ne pas fréquenter l’école, selon que les enfants vivent dans des ménages recevant des transferts de fonds ou pas. Les enfants des ménages recevant des transferts de fonds sont moins enclins à abandonner leur scolarité en raison de l’incapacité du ménage à acquitter les frais de scolarité (13%) que les ménages qui ne reçoivent pas de fonds (21 %), ou parce qu’ils doivent effectuer des travaux domestiques (25 % contre 30 %), ce qui indique que les transferts de fonds donnent les moyens de continuer à assurer la scolarisation des enfants. Les statistiques descriptives montrent aussi que les enfants et les jeunes des ménages avec immigré sont plus susceptibles de fréquenter l’école que les enfants et les jeunes des ménages sans immigré : 79 % des enfants (âgés de 7 à 14 ans) des ménages avec immigré fréquentent l’école, contre 69 % des enfants des ménages sans immigré. Pour les jeunes âgés de 15 à 17 ans, les chiffres correspondants sont de 59 % contre 51% (non présentés par manque de place).

Une analyse de régression plus approfondie, tenant compte des caractéristiques individuelles et au niveau des ménages, montre que l’effet de l’émigration sur la scolarisation est négatif pour les groupes d’âge plus jeunes (7-14 ans ; voir encadré 4.4). L’une des explications possibles est que l’émigration nécessite que les enfants assument plus de responsabilités dans les travaux domestiques ou dans des activités rémunératrices à l’extérieur du ménage pour remplacer le membre émigré. Le travail des enfants est une caractéristique relativement courante au Burkina Faso : on estime qu’environ 39 % des enfants participent à une activité économique (Unicef, 2016).

Encadré 4.4. Liens entre la migration, les transferts de fonds et la scolarisation

Un cadre de régression a été élaboré afin d’évaluer l’effet de la migration et des transferts de fonds sur les dépenses d’éducation, en utilisant l’équation suivante :

picture (8)

Où la variable dépendante picture) est une variable binaire prenant la valeur 1 si l’enfant/le jeune est scolarisé et 0 dans le cas contraire. picture représente une variable binaire pour les ménages recevant des transferts de fonds, où 1 indique un ménage recevant des transferts de fonds et 0 le cas contraire. picture prend la valeur 1 si le ménage compte au moins un émigré et 0 dans le cas contraire. contrôlem et contrôlei sont deux séries de caractéristiques individuelles et relatives aux ménages observées qui influencent le résultata. picture correspond aux effets fixes régionaux et picture est le terme d’erreur.

Tableau 4.4. Les transferts de fonds sont positivement liés et la migration est négativement liée à la scolarisation

Variable dépendante : scolarisation et dépenses éducatives

Principales variables d’intérêt : avoir un émigré/recevoir des transferts de fonds

Type de modèle : Probit/MCO

Échantillon : enfants et jeunes (7-22 ans)

Variables d’intérêt

Variable dépendante

(1)

Assiduité scolaire7-14 ans

(2)

Assiduité scolaire 15-17 ans

(3)

Assiduité scolaire 18-22 ans

(4)

Assiduité scolaire 6-14 ans (uniquement les filles)

Ménage recevant des transferts de fonds

0.052**

(0.026)

-0.062

(0.049)

0.081*

(0.042)

0.046

(0.036)

Ménage comptant au moins un émigré

-0.043*

(0.022)

-0.024

(0.044)

0.006

(0.037)

-0.083***

(0.031)

Nombre d’observations

2 940

959

1 295

1 649

Note : Les résultats présentant une signification statistique sont indiqués comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses et sont robustes en présence d’hétéroscédasticité.

a. Les variables explicatives individuelles et relatives aux ménages comprises dans les spécifications sont les suivantes : âge et genre, taille du ménage et taille du ménage au carré ; ratio de dépendance du ménage (défini comme le nombre d’enfants et de personnes âgées dans le ménage comme part du nombre total de membres en âge de travailler) ; nombre d’enfants du ménage ; une variable binaire pour les ménages vivant dans une zone urbaine ; et enfin un indice de biens (fondé sur l’analyse en composantes principales) qui a pour objectif de rendre compte de la richesse du ménage.

Graphique 4.7. Les enfants et les jeunes des ménages recevant des transferts de fonds au Burkina Faso sont plus enclins à suivre des études primaires et supérieures
Taux de scolarisation des enfants et des jeunes (en %) selon que le ménage reçoit ou non des fonds
picture

Note : Les résultats présentant une signification statistique (calculée à l’aide du test du khi carré) sont indiqués comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Ce lien négatif entre l’émigration et la scolarisation semble s’expliquer par le décrochage scolaire des filles (colonne 4, tableau 4.4). L’une des explications possibles est que les filles assument de plus grandes responsabilités dans les tâches domestiques lorsqu’un membre quitte le ménage. Bien que le Burkina Faso ait réalisé de grands progrès dans le traitement des disparités entre les sexes dans l’éducation, ces écarts persistent (Unesco, 2015) et peuvent signifier que les transferts de fonds ont une influence plus grande sur le temps disponible des filles par rapport aux garçons.

Le lien négatif entre l’émigration et la scolarisation est cependant compensé par une relation positive entre les transferts de fonds et la scolarisation. Les statistiques descriptives au chapitre 3 ont montré que les ménages utilisaient souvent les fonds pour investir dans l’éducation, notamment dans les zones urbaines (graphique 3.7, chapitre 3). L’analyse de régression montre que les transferts de fonds sont liés à une assiduité scolaire plus élevée chez les enfants jeunes (7-14 ans) et les jeunes plus âgés (18-22 ans), mais pas chez les 15-17 ans (encadré 4.4). Ces résultats peuvent être liés aux conclusions précédentes concernant le Burkina Faso, montrant que l’émigration et les transferts de fonds peuvent avoir des effets opposés sur le travail des enfants. Les transferts de fonds des émigrés de longue durée réduisent le travail des enfants au Burkina Faso, notamment chez les 5-10 ans. Cependant, les transferts de fonds d’émigrés plus récents, qui sont susceptibles d’avoir un effet plus perturbateur pour les ménages, n’influencent pas le travail des enfants (Bargain et Boutin, 2015).

L’analyse de régression, qui évalue le lien entre les dépenses en matière d’éducation et les transferts de fonds, a également été effectuée, mais aucun résultat significatif n’a pu être établi (OCDE, 2017).

La perspective d’une émigration future peut également influencer le taux de scolarisation. Les données IPPMD montrent que les garçons âgés de 15 à 22 ans qui prévoient d’émigrer sont moins enclins à fréquenter l’école que ceux qui ne prévoient pas d’émigrer. C’est le contraire pour les filles. Si les rendements de l’éducation sont plus faibles dans le pays de destination, la perspective d’une émigration future peut diminuer la motivation à investir dans l’éducation. Comme évoqué ci-dessus, des résultats similaires ont été observés dans les zones rurales du Mexique (McKenzie et Rapoport, 2006).

Graphique 4.8. Les garçons qui prévoient d’émigrer sont moins susceptibles de fréquenter l’école
Part des jeunes (15-22 ans) scolarisés selon les projets d’émigration (%)
picture

Note : Les résultats présentant une signification statistique (calculée à l’aide du test du khi carré) sont indiqués comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Considérés dans leur globalité, les résultats montrent que la migration a des incidences à la fois positives et négatives sur l’éducation au Burkina Faso. Le lien positif entre les transferts de fonds et la scolarisation implique que la migration peut se traduire par des effets très importants en termes de développement pour un pays comme le Burkina Faso, où de nombreux enfants et jeunes sont déscolarisés. Cependant, le départ d’un membre du ménage, ou la perspective d’émigration, peut en même temps influencer négativement les taux de scolarisation. Les conclusions mettent en lumière l’importance qu’il y a à rendre compte des possibles conséquences négatives de la migration sur les résultats en matière d’éducation, notamment dans un contexte comme celui du Burkina Faso, où les ménages avec émigré qui reçoivent des fonds sont loin d’être majoritaires (chapitre 3).

Migrations, investissements et services financiers

L’idée que la migration et les transferts de fonds peuvent encourager les investissements des ménages dans l’entreprise et dans d’autres activités productives a été largement discutée dans la littérature. La migration et les transferts de fonds peuvent aider les ménages à surmonter les imperfections sur le marché du crédit et leur permettent d’investir dans les entreprises naissantes, dans les terres et dans le logement, par exemple. Les preuves de ce lien sont peu claires, malgré tout, d’où la difficulté à tirer des conclusions définitives. Les recherches menées au Mexique, par exemple, ont constaté à la fois des effets positifs notables des transferts de fonds sur les investissements dans l’entreprise (Massey et Parrado, 1998 ; Woodruff et Zenteno, 2007) et des liens limités entre la migration et l’investissement productif (Basok, 2000 ; Zarate-Hoyos, 2004).

Le transfert croissant de fonds vers le Burkina Faso ces dernières années – il s’élevait à 396 millions USD en 2015 (voir chapitre 2) - peut potentiellement soutenir les investissements dans le secteur productif. Néanmoins, les preuves de l’incidence de la migration et des transferts de fonds sur les investissements au Burkina Faso sont rares. Une étude précédente portant sur l’utilisation des transferts de fonds au Burkina Faso montre qu’environ un tiers des ménages de l’échantillon utilisaient les fonds pour investir dans des activités productives, telles que les entreprises et l’acquisition de terres et de logements (Ratha et al., 2011). Les données IPPMD montrent que, parmi les ménages recevant des transferts de fonds, les trois principales domaines d’utilisation des fonds par les ménages urbains sont les dépenses liées à l’éducation et à la santé, et l’épargne, alors que les ménages ruraux utilisent les fonds principalement pour investir dans les activités agricoles, acheter des biens immobiliers et payer les dépenses de santé (graphique 3.7, chapitre 3).

La migration et les transferts de fonds ont des effets limités sur les investissements productifs

Les données IPPMD contiennent des informations détaillées sur la propriété d’entreprise par les ménages dans le secteur non-agricole. Environ 22 % des ménages de l’échantillon possèdent au moins une entreprise. S’agissant de propriété d’entreprise, il n’existe pas de différence visible entre les ménages recevant des transferts de fonds et ceux n’en recevant pas. Parmi les ménages recevant des transferts de fonds, 23 % possèdent une entreprise, alors que la part correspondante est de 22 % pour les ménages qui n’en reçoivent pas. Si l’on considère séparément les zones urbaines et rurales, on constate deux modèles différents : dans les zones urbaines, les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de posséder une entreprise que les ménages qui n’en reçoivent pas, alors que l’inverse se produit en milieu rural (graphique 4.9).

Graphique 4.9. Les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de posséder des entreprises et des biens immobiliers
Part de propriété d’entreprise et de biens immobiliers (en %), selon que les ménages reçoivent des fonds ou non
picture

Note : Les biens immobiliers comprennent les terrains non agricoles et les logements autres que la maison ou l’appartement dans lequel le ménage vit actuellement. Les résultats présentant une signification statistique (calculés à l’aide du test du khi carré) sont indiqués comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

La part des ménages qui possèdent des biens immobiliers, y compris des terres non cultivables et des logements autres que la maison dans laquelle habite le ménage, est d’environ 22 % dans l’ensemble de l’échantillon. La propriété foncière est la propriété immobilière la plus importante : 19 % des ménages de l’échantillon possèdent des terres non cultivables, alors que 4 % des ménages possèdent une résidence secondaire, maison ou appartement. En raison de cette faible part de propriété foncière, les deux types de biens immobiliers (terre et logement) sont analysés conjointement. Les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de posséder des biens immobiliers (26 %) que les ménages qui n’en reçoivent pas (23 %). C’est particulièrement vrai dans les zones urbaines, où 28 % des ménages recevant des transferts de fonds possèdent des biens immobiliers, contre 20 % pour les ménages n’en recevant pas. Cette différence est également importante statistiquement (graphique 4.9).

La relation entre la migration, les transferts de fonds et les actifs productifs a été étudiée de manière plus approfondie en s’appuyant sur les analyses de régression (encadré 4.5), en tenant compte des caractéristiques des ménages7. Les résultats montrent que les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de posséder une entreprise, mais le lien n’est statistiquement significatif que dans les zones urbaines. Dans le même temps, le fait d’avoir un émigré est associé négativement avec la propriété d’entreprise en milieu urbain. Dans les zones rurales, aucun lien entre migration et propriété d’entreprise n’a été établi. Ni les transferts de fonds ni le fait d’avoir un émigré ne semblent influencer la propriété de biens immobiliers par les ménages.

Encadré 4.5. Liens entre la propriété d’entreprise et les différentes dimensions de la migration

Pour analyser le lien entre la migration et la propriété d’entreprise et de biens immobiliers, deux modèles Probit de régression ont été appliqués sous les formes suivantes :

picture (9)

picture (10)

picture est la propriété d’entreprise ou la propriété de biens immobiliers (selon la spécification) par le ménage, prenant la valeur 1 si un ménage possède au moins un/e entreprise/bien immobilier et 0 dans le cas contraire. picture représente une variable de transfert de fonds binaire affectée de la valeur 1 pour les ménages recevant des transferts de fonds et 0 dans le cas contraire. picture représente une variable binaire pour juger si le ménage compte un migrant ou non et contrôlem est une série de caractéristiques individuelles et relatives aux ménages observées dont on pense qu’elles influencent le résultat. picture est un terme d’erreur réparti de manière aléatoire indiquant, en partie, les facteurs non observables qui influencent la variable du résultata.

picture (modèle 10) est une variable binaire prenant la valeur 1 si le ménage compte au moins un migrant de retour et 0 dans le cas de ménages sans migrant de retour.

Quatre spécifications différentes ont été appliquées. Les spécifications (1) et (2) explorent le lien migration/ménages recevant des transferts de fonds et entreprise possédée par un ménage, en tenant compte des caractéristiques du ménage, respectivement dans les zones urbaines et rurales. Les colonnes (3) et (4) analysent le lien entre migration/ménages recevant des transferts de fonds et propriété de biens immobiliers (terres et logement) dans les zones urbaines et rurales. Le bas du tableau explore le lien entre migration de retour et propriété d’entreprise et de biens immobiliers dans les zones urbaines et rurales.

Tableau 4.5. La migration a des effets contrastés sur les investissements productifs

Variable dépendante : le ménage exploite une entreprise/ est propriétaire immobilier

Principales variables d’intérêt : montant des transferts de fonds, avoir un émigré/migrant de retour

Type de modèle : Probit

Échantillon : tous les ménages

Variables d’intérêt

Variable dépendante

Propriété d’entreprise

Propriété de biens immobiliers

(1)

urbain

(2)

rural

(3)

urbain

(4)

rural

Ménage recevant des transferts de fonds

0.065*

(0.038)

-0.011

(0.048)

0.055

(0.039)

0.014

(0.036)

Ménage avec un émigré

-0.085**

(0.042)

0.015

(0.044)

-0.051

(0.043)

-0.021

(0.041)

Nombre d’observations

1 242

668

1 291

808

Variables d’intérêt

Migration de retour

Ménage avec un migrant de retour

-0.0054

(0.035)

0.013

(0.031)

-0.024

(0.036)

-0.066**

(0.030)

Nombre d’observations

1 242

668

1 291

808

Note : La signification statistique est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses et sont robustes en présence d’hétéroscédasticité.

a. Les variables explicatives individuelles et relatives aux ménages comprises dans le modèle sont les suivantes : taille du ménage et taille du ménage au carré ; ratio de dépendance du ménage (défini comme le nombre d’enfants et de personnes âgées dans le ménage comme part de la population totale adulte) ; niveau moyen d’éducation des membres dans le ménage ; nombre d’enfants dans le ménage, variables binaires pour les localisations urbaines et pour le sexe du chef de famille ; et enfin un indice de biens (fondé sur l’analyse en composantes principales) qui a pour objectif de rendre compte de la richesse du ménage.

La migration de retour peut potentiellement influencer les investissements des ménages. Les migrants peuvent rentrer avec de nouvelles connaissances et des capitaux qui serviront utilement à financer des activités commerciales et seront investis dans des actifs productifs (Labrianidis et al., 2006 ; Mesnard, 2004 ; McCormick et Wahba, 2001). D’autre part, la migration peut également avoir un effet perturbateur pour l’intégration sur le marché de l’emploi, si l’expérience de migration se traduit par un emploi qui n’est pas à la hauteur des qualifications du migrant et si les liens sociaux dans le pays d’origine sont affaiblis. Créer une entreprise peut parfois constituer le « dernier recours » pour les migrants de retour qui ne trouvent pas un emploi localement en rentrant au pays (Mezger Kveder et Flahaux, 2013).

Cependant, les résultats de l’analyse IPPMD n’identifient aucun indice confirmant une incidence de la migration de retour sur la propriété d’entreprise par les ménages. En revanche, la migration de retour est associée négativement avec la propriété de biens immobiliers dans les zones rurales. Ceci indique que la migration a un effet perturbateur pour les investissements en immobilisations corporelles, notamment dans le logement et les biens fonciers, et qu’il existe des obstacles aux investissements dans les biens immobiliers une fois que les migrants sont rentrés au Burkina Faso, notamment dans les zones rurales.

Conclusions

Le présent chapitre a examiné les conséquences de la migration dans quatre secteurs au Burkina Faso : le marché de l’emploi ; l’agriculture ; l’éducation ; et l’investissement et les services financiers. Les résultats indiquent que la migration peut avoir à la fois des effets économiques et sociaux positifs et négatifs sur les ménages et, plus généralement, sur tout le pays.

Sous l’effet de l’émigration, les membres du ménage qui restent au pays sont généralement moins incités à chercher du travail. Peut-être parce que le travail effectué par ces membres émigrés est difficile à remplacer. Cependant, dans les ménages agricoles, les ménages avec émigré s’appuient davantage sur la main-d’œuvre du ménage pour travailler dans les activités agricoles, principalement parce que ces ménages vivent à des niveaux de subsistance et doivent produire pour survivre. Le marché de l’emploi peu développé en milieu rural leur impose de s’appuyer sur la main-d’œuvre issue du ménage.

Les immigrés contribuent à compenser la perte de capital humain due à l’émigration. Ils apportent en effet des compétences très demandées et sont plus susceptibles que d’autres personnes de travailler dans des professions hautement qualifiées. En outre, bien que n’investissant que rarement dans l’agriculture, les quelques immigrés qui le font investissent davantage que d’autres individus.

Les transferts de fonds contribuent à modifier les résultats sociaux au Burkina Faso en aidant les ménages à envoyer leurs enfants à l’école et à prolonger leur scolarisation. C’est un point important concernant les liens avec l’émigration, dès lors que les garçons qui prévoient d’émigrer sont moins enclins à fréquenter l’école. Cependant, les transferts de fonds ne semblent pas être investis dans des usages productifs, bien qu’ils aident les ménages à surmonter des difficultés financières. Cette étude suggère que les liens entre les transferts de fonds et l’investissement sont limités au Burkina Faso et que le pays devrait davantage exploiter cette opportunité en vue de construire une assise capitalistique plus solide. Sur une note plus réjouissante, la migration de retour semble être une aubaine pour le pays et, en particulier, le secteur agricole, qui a absolument besoin d’être stimulé. Les ménages agricoles comptant des migrants de retour investissent plus dans les actifs agricoles et sont plus diversifiés.

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Notes

← 1. Défini comme le ratio population active/population en âge de travailler (15-64).

← 2. Voir le chapitre 3 pour le cadre méthodologique sur les analyses de régression appliquées dans ce projet.

← 3. Les questions portant sur la main-d’œuvre agricole n’ont été posées qu’aux ménages cultivant la terre.

← 4. En prenant pour référence le taux de change à la date du 1er juillet 2014, les totaux équivalents s’élèvent à 119 USD contre 71 USD.

← 5. Loi n°013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation.

← 6. L’échantillon exclut les enfants de six ans, car les données ont été recueillies au printemps, avant le début de la nouvelle année scolaire et bon nombre des enfants âgés de six ans n’avaient pas encore commencé l’école.

← 7. Le questionnaire comprenait une question sur le nombre de certains biens fonciers et immobiliers que possède le ménage, mais aucun détail sur la date d’acquisition de ces biens. Il n’est, par conséquent, pas possible de distinguer les biens qui ont été acquis avant ou après qu’un migrant avait quitté le ménage et/ou a commencé à recevoir des fonds, ce qui limite la portée des analyses.