Chapitre 2. Paysage de la migration au Burkina Faso

Les flux migratoires ont toujours occupé une place importante dans le tissu économique et social du Burkina Faso. Les importants flux d’émigration vers la Côte d’ivoire, des années 60 aux années 90, ont fait place de nos jours à de nouveaux flux d’immigration et de migration de retour. Dans le même temps, l’importante diaspora en place constitue une source non négligeable de transferts de fonds fournissant au pays des capitaux financiers indispensables. Ce chapitre présente un aperçu de la migration au Burkina Faso : ses moteurs et son incidence, qui sont les migrants et où ils sont allés, et ce que nous dit la documentation disponible à propos des répercussions de la migration pour ceux qui restent au pays. Il conclut par une présentation de la politique et du cadre institutionnel qui régissent les migrations au Burkina Faso.

  

Le Burkina Faso est depuis longtemps un pays d’émigration et d’immigration et, plus récemment, de migration de retour. Les politiques mises en œuvre au cours de l’époque coloniale avaient permis à de nombreux Burkinabè de partir travailler dans les pays voisins d’Afrique de l’Ouest et cette tendance se confirme à ce jour pour nombre d’entre eux. La pauvreté, la dégradation des terres agricoles et le manque de perspectives d’emploi ont convaincu les Burkinabè de continuer à chercher à l’extérieur du pays les moyens de gagner leur vie et de faire vivre leur famille restée au pays (Marchal, 1975). Dans le même temps, l’instabilité politique, les conflits dans les pays voisins et les étroits liens ethniques transfrontaliers ont souvent attiré les immigrés et poussé les migrants à rentrer au pays. Pendant de nombreuses années, ces flux se sont poursuivis librement, mais la dynamique a évolué alors que la question de la migration était au cœur du conflit ivoirien dans les années 2000. Pendant une partie de la décennie 2000-10, les flux se déplaçaient plus généralement de la Côte d’Ivoire vers le Burkina Faso. En raison notamment de la complexité croissante des flux migratoires à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, le Gouvernement burkinabè a récemment affiché sa volonté d’intégrer la migration dans ses plans stratégiques nationaux et régionaux.

Le présent chapitre décrit le paysage migratoire au Burkina Faso, plantant le décor pour les chapitres et l’analyse qui suivent. Il expose les tendances actuelles et examine ce que nous dit la recherche disponible sur les questions essentielles liées aux migrations dans le pays. Il étudie également le rôle de la migration dans les politiques nationales de développement, les politiques migratoires spécifiques et le cadre institutionnel mis en œuvre pour gérer la migration au niveau national.

Aperçu des tendances migratoires et des transferts de fonds au Burkina Faso

Cette section brosse un tableau des tendances migratoires actuelles au Burkina Faso. Bien que le pays ait toujours occupé une place importante en matière de dynamisme commercial et de mouvements de personnes en Afrique de l’Ouest, la domination coloniale est souvent perçue comme le principal facteur responsable de l’ampleur du phénomène d’émigration issu du Burkina Faso (Coulibaly et al., 1980 ; Cordell et al., 1989). Sa position géographique, les sécheresses récurrentes et le faible développement économique ont provoqué l’accélération du phénomène d’émigration, qui se poursuit au moyen des réseaux sociaux. La politique d’immigration ivoirienne relativement ouverte, la terre « appartenant à ceux qui la cultivaient », a encore renforcé la dynamique migratoire entre les deux pays (Schwartz, 2000). Les études plus récentes auprès des ménages montrent que le Burkina Faso est resté un pays d’émigration nette (De Vreyer et al., 2010), malgré d’importants flux d’immigrés et de migrants de retour entrant au Burkina Faso en raison des conflits touchant les pays voisins.

Le Burkina Faso a été et continue d’être un pays d’émigration nette

Il n’existe pas de recueil systématique de données sur l’émigration en provenance du Burkina Faso, les données sur le sujet sont donc relativement rares. En conséquence, la plupart des études doivent s’appuyer sur des estimations. Les estimations de la Banque mondiale, fondées sur les données du recensement décennal, suggèrent que l’émigration du Burkina Faso a culminé en 1970 avec une part de 14.1 % de la population et a diminué en intensité depuis (graphique 2.1). Dans ses publications de données les plus récentes, la Banque mondiale estimait qu’en 2013 1.6 million de personnes (soit quelque 9.6 % de la population) nées au Burkina Faso vivaient à l’étranger (Banque mondiale, 2017a). La part d’émigrés relative à la population du Burkina Faso a donc diminué de manière relative et presque continue depuis 1970.

Graphique 2.1. L’émigration en provenance du Burkina Faso en proportion de la population a culminé en 1970
Stock total d’émigrés et stock d’émigrés en pourcentage de la population, 1960-2010
picture

Source : Banque mondiale (2017b), à l’exception des chiffres de l’année 2010 tirés de Banque mondiale (2017c) http://www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data. Banque mondiale (2017d) pour les statistiques démographiques, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.

Bien que le gouvernement ne recueille pas d’informations spécifiques et systématiques sur l’émigration, plusieurs tentatives ont été menées afin de collecter ce type de données dans le pays, mais elles n’ont jamais été satisfaisantes. La question la plus problématique est celle de la non-prise en compte de ménages entiers ayant émigré. En effet, les statistiques sur l’émigration ne concernent généralement qu’un ou quelques membres de ménages du Burkina Faso vivant à l’étranger au moment du recensement. Un autre problème concerne la période passée prise en compte ; en effet, certaines statistiques ne fixent pas de limite à la durée écoulée entre le moment où l’émigré a quitté le pays et l’enquête, alors que d’autres fixent une limite (elles interrogent, par exemple, sur le nombre de membres ayant quitté le pays au cours des x années ou mois passés). Néanmoins, les données du recensement se sont avérées essentielles pour comprendre la dynamique des migrations au Burkina Faso. Depuis qu’il a obtenu son indépendance de la France en 1960, quatre recensements ont eu lieu au Burkina Faso : en 1975, 1985, 1996 et 20061.

À la différence des normes internationales, dans le recensement des Burkinabè l’émigration n’est pas définie par pays de naissance ni par nationalité, mais repose sur le fait qu’un membre d’un ménage interrogé dans le cadre du recensement a déclaré compter un membre qui a quitté le ménage pour vivre dans un autre pays au cours des 12 mois précédant le recensement, a vécu dans ce pays pendant au moins six mois ou à l’intention d’y vivre pendant au moins six mois. Comme les émigrés ne sont considérés que sous l’angle de leur pays de naissance et en s’appuyant sur les 12 mois précédant le recensement, les chiffres ne sont pas comparables avec les estimations de la Banque mondiale. Néanmoins, les tendances peuvent être comparées et les données du recensement semblent confirmer que le taux d’émigration est en recul au Burkina Faso. Les données montrent que l’émigration mesurée ainsi a diminué en intensité depuis 1985, le pourcentage de la population passant de 1.1 % à 0.4 % en 2006 (tableau 2.1).

Tableau 2.1. L’émigration a baissé en intensité depuis les années 80
Stock d’émigrés du Burkina Faso, par année de recensement

Année du recensement

Émigrés (total)

Part de la population totale (%)

1985

83 479

1.1

1996

121 931

1.2

2006

60 449

0.4

Source : INSD (1985, 1996 et 2006) ; statistiques de population extraites de Banque mondiale (2017d), http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.

Les données du recensement suggèrent également que l’émigration provenant du Burkina Faso concerne massivement les hommes, et que cette tendance est à la hausse. En 1975, 70 % des émigrés étaient des hommes, cette part a augmenté, passant à 80 % en 1985, 84 % en 1996 (84 %) et 83 % en 2006.

Le recensement de 2006 comprenait plusieurs questions supplémentaires sur l’émigration, permettant ainsi de remonter plus loin que les 12 mois précédents l’étude et de comparer les années de départ. L’exploration de ces données suggère que, malgré la crise en Côte d’Ivoire, le pays est resté la principale destination des migrants burkinabè. Plus de 80 % des émigrés qui ont quitté le Burkina Faso entre 2002 à 2006 vivaient en Côte d’Ivoire en 2006 (tableau 2.2). Les autres pays de destination sont principalement en Afrique : Ghana (6.1 %), Mali (5.4 %) et Gabon (1.5 %). Plus de 95 % des émigrés vivaient dans la zone de libre circulation de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) en 2006, alors que seulement 1.3 % vivaient en Europe. Selon la Banque mondiale, 89 % des émigrés burkinabè étaient toujours installés en Côte d’Ivoire en 2013 (2017a).

Tableau 2.2. Principaux pays de destination pour les migrants burkinabè (2002-06)

Pays de destination

Nombre total d’émigrés

Pourcentage du nombre total

Côte d’Ivoire

235 712

80.7

Ghana

17 837

6.1

Mali

15 739

5.4

Gabon

4 261

1.5

Divers Afrique

12 408

4.3

Europe

3 926

1.3

Autre

2 130

0.7

Total

289 883

100

Source : Dabiré et al. (2009), http://cns.bf/IMG/pdf/theme_8_migrations_fin_f.pdf.

Les données du dernier recensement de Côte d’Ivoire montrent également que la population burkinabè qui y vit a continué d’augmenter. Ainsi, le recensement de 1998 en Côte d’Ivoire révélait que 2.2 millions de Burkinabè vivaient en Côte d’Ivoire, soit 56 % des plus de 4 millions d’étrangers installés dans le pays (Merabet, 2006). Le recensement de 2014 indique que ce chiffre est passé à 3.5 millions, soit 64 % de l’ensemble des étrangers vivant dans le pays2 (Konan, 2015).

Les précédentes études ont souvent mis en évidence la nature à dominante rurale de l’émigration en provenance du Burkina Faso (Coulibaly, 1986 ; Cordell, Gregory et Piché, 1996). Le recensement de 1996 montrait que 94 % des émigrés étaient originaires de zones rurales. Il n’a pas été possible de faire suite à cette étude car le recensement de 2006 n’a pas recueilli les informations nécessaires, mais a collecté des renseignements sur les régions administratives d’origine des émigrés. S’intéresser aux régions d’origine est également révélateur. Les régions du Centre-Ouest (16 %), du Sud-Ouest (12 %), du Centre-Est (12 %) et la Boucle du Mouhoun (11 %) constituent les principales régions d’origine des personnes qui ont quitté le Burkina Faso au cours des 12 mois précédant l’enquête de recensement de 2006. Cette étude montre la diversité des régions d’origine des émigrés ; le Sud-Ouest et la Boucle du Mouhoun sont des régions plus rurales que la moyenne régionale au Burkina Faso, contrairement au Centre-Est à la population plus urbaine. Le manque de terres cultivables est un facteur majeur de l’émigration au Burkina Faso (Cordell, Gregory et Piché, 1996 ; Dabiré, 2007). Le Centre-Est, le Centre-Ouest et le Sud-Ouest sont tous situés dans le sud du pays, aux frontières avec la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Aucune région du pays n’est toutefois épargnée par l’émigration (tableau 2.3).

Tableau 2.3. Régions d’origine des émigrés qui ont quitté le Burkina Faso en 2006

Région

Nombre d’émigrés

Proportion du nombre total (%)

Centre-Ouest

9 507

15.7

Sud-Ouest

7 459

12.3

Centre-Est

7 420

12.3

Boucle du Mouhoun

6 779

11.2

Nord

5 906

9.8

Centre-Nord

4 570

7.6

Sahel

3 648

6.1

Hauts-Bassins

3 143

5.2

Est

2 659

4.4

Plateau Central

2 688

4.4

Centre

2 408

4.0

Centre-Sud

2 349

3.9

Cascades

1 912

3.1

Total

60 448

100

Note : Le recensement a dénombré 60 449 émigrés en 2006, mais une personne n’a pas fourni de données fiables sur la région d’origine, ce qui explique les divergences dans le total.

Source : Dabiré, Kone et Liougue (2009).

Les entrées au Burkina Faso sont à la hausse, mais il est difficile de distinguer l’immigration de la migration de retour

Le Burkina Faso est également un pays d’immigration. Alors que certains immigrés provenant des pays voisins tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Mali et le Sénégal n’y passent qu’en transit avant d’essayer de rejoindre l’Europe par le nord, ils sont également nombreux à y rester. Près de 700 000 personnes (4 % de la population en 2013) qui vivent au Burkina Faso n’y sont pas nées (Banque mondiale, 2017a). Il n’en reste pas moins difficile d’identifier la nature de ces flux, dans la mesure où les statistiques nationales officielles ne font pas la différence entre immigrés (personnes non nées au Burkina Faso) et migrants de retour (personnes nées au Burkina Faso). L’immigration et la migration de retour ne sont pas différenciées dans les statistiques du recensement, rendant difficile une analyse plus affinée ; au Burkina Faso, elles sont combinées afin de suivre les entrées et les sorties. Tout comme pour l’émigration, les autorités burkinabè calculent l’immigration et la migration de retour en s’appuyant sur les entrées dans le pays au cours des 12 mois précédents, indépendamment du pays de naissance ou de la nationalité. Seules les personnes ayant passé au moins six mois au Burkina Faso ou ayant l’intention de le faire (selon une question de l’enquête) sont comptabilisées.

Les données du recensement suggèrent que les entrées sont relativement moins élevées que les flux d’émigration et sont à la baisse. Dans les 12 mois précédant le recensement de 1985, les immigrés et les migrants de retour représentaient 0.9 % de la population, contre 0.4 % en 2006 (tableau 2.4). Dans le dernier recensement de 2006, les hommes étaient plus nombreux que les femmes dans ces arrivées (53 % contre 47 %).

Tableau 2.4. Immigrés et migrants de retour internationaux, par année de recensement

Année

Nombre d’immigrés et de migrants de retour

En pourcentage de la population (%)

1985

72 120

0.9

1996

41 688

0.4

2006

53 762

0.4

Sources : INSD (1985, 1996 et 2006) ; Banque mondiale (2017d) pour les statistiques démographiques, http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL.

Les données du recensement de 2006 comprennent des informations qui peuvent aider à différencier les flux d’immigration des flux de migration de retour, en s’appuyant sur la notion de nationalité. Une étude plus approfondie des résultats du recensement de 2006 montre que, des 53 762 personnes entrées au Burkina Faso au cours des 12 mois précédant l’enquête, seules 5 114 personnes (9.5 %) étaient des étrangers3, les 90.5 % restants étant des migrants de retour. En examinant de plus près les données de 2006 pour comparer les entrées annuelles, une tendance claire s’est fait jour après la crise en Côte d’Ivoire, commençant à la fin des années 90 et culminant en 2002 avant, en 2006, de revenir au même point qu’en 1996 (graphique 2.2).

Graphique 2.2. Les flux d’immigration et de migration de retour venant de la Côte d’Ivoire ont culminé en 2002
Flux d’immigration et de migration de retour vers le Burkina Faso, par année et par pays
picture

Source : Dabiré, Kone et Liougue (2009).

Alors que le Burkina Faso a effectivement été un pays d’émigration nette pendant la plus longue partie de son indépendance, la période 2002-05 représente une exception à la tendance car les flux d’immigration et de migration de retour étaient plus importants que les flux d’émigration. Tandis que la Côte d’Ivoire commençait à s’agiter dès 1999, 2002 a marqué le début de la rébellion armée dans le pays, qui s’est traduite par une situation d’insécurité pour les Burkinabè expatriés et a déclenché une vague de migration de retour. Certes, l’émigration pendant cette période n’avait pas cessé et avait même progressé entre 2002 et 2004, avant de stagner à nouveau. En 2006, les flux d’émigration étaient plus importants que les flux d’immigration et de migration de retour (tableau 2.5).

Tableau 2.5. Les flux d’immigration et de migration de retour étaient relativement plus importants que les flux d’émigration pendant la crise ivoirienne
Flux d’immigrés et de migrants de retour internationaux par rapport aux flux d’émigration, de 2002 à 2006

Année

Nombre d’immigrés et de migrants de retour

Nombre d’émigrés

2002

100 841

38 323

2003

95 474

49 209

2004

80 308

60 914

2005

68 324

62 222

2006

35 854

60 449

Source : Dabiré, Kone et Liougue (2009).

Pour compléter les données du recensement, des enquêtes nationales ont également été conduites, dont trois principales depuis les années 70 : l’Enquête nationale de 1974, l’Enquête démographique de 1991 et l’Enquête Dynamique migratoire, insertion urbaine et environnement (Emiub) de 2000. Selon ces enquêtes, les flux d’émigration sont nettement plus importants que le total des entrées (immigration et migration de retour ; tableau 2.6). Ces données s’appuient sur une question demandant aux répondants si un membre du ménage avait quitté le pays au cours des cinq dernières années plutôt qu’au cours des 12 derniers mois, comme dans le recensement. Les définitions de l’émigration, de l’immigration et de la migration de retour sont identiques à celles du recensement, à l’exception de l’enquête Emiub en 2000, où le seuil minimal est de trois mois plutôt que six mois4.

Tableau 2.6. Stocks d’émigrés, d’immigrés et de migrants de retour au Burkina Faso, selon les enquêtes nationales

Enquête

Nombre d’émigrés

Nombre d’immigrés et de migrants de retour

Proportion de l’émigration sur l’ensemble des flux

Enquête nationale de 1974

321 227

139 213

70 %

Enquête démographique de 1991

293 870

188 331

61 %

Enquête migration et insertion urbaine (Emiub) de 2000

833 767

555 880

60 %

Sources : Enquête de 1974 ; Enquête démographique de 1991 ; Enquête migration et insertion urbaine Emiub de 2000.

Dans la droite ligne des données du recensement, la part relativement plus importante des flux d’émigration comparés aux flux d’immigration et de migration de retour a diminué au fil des ans. L’émigration représentait 70 % de la migration totale dans l’Enquête nationale de 1974, 61 % dans l’Enquête démographique de 1991 et 60 % dans l’enquête Emiub de 2000.

L’importance et la part des transferts de fonds reçus par le Burkina Faso dans le produit intérieur brut (PIB) croissent rapidement

Bon nombre des émigrés du Burkina Faso effectuent des transferts d’argent au profit de leurs familles et amis qui vivent dans leur pays d’origine. Ceux-ci constituent une importante source de revenus pour les ménages et un apport financier non négligeable pour les comptes nationaux. Actuellement, même si ces transferts sont principalement effectués par le biais de canaux officiels (banques du secteur formel, sociétés de transfert de fonds, services postaux), de nombreux transferts sont toujours effectués au travers de voies informelles (via des transporteurs, par exemple) ce qui rend leur évaluation difficile.

En 2015, les transferts de fonds étaient estimés à 396 millions de dollars américains (USD), soit 3.6 % du PIB (Banque mondiale, 2017e), légèrement plus que le montant net de l’aide publique au développement (APD) perçu par le Burkina Faso des pays du Comité d’aide au développement (CAD) en 2015 (360 millions USD ; OCDE, 2017). Alors que les totaux sont relativement faibles comparativement à nombre d’autres pays en développement, la tendance générale est à la hausse, notamment au cours des toutes dernières années (graphique 2.3). Un déclin a été observé dans les statistiques officielles entre 2000 et 2004, durant la période du conflit en Côte d’Ivoire. Dans la mesure où les transferts étaient difficiles, ils ont été effectués de façons informelles (non enregistrés) et ont vraisemblablement augmenté.

Graphique 2.3. Les transferts de fonds augmentent, mais le montant total et leur part du PIB restent relativement faibles
Total des transferts (millions USD) et part des transferts de fonds en pourcentage du PIB
picture

Source : Banque mondiale (2017e), http://www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data.

La Côte d’Ivoire et les États-Unis sont les principaux pays d’où proviennent les transferts de fonds à destination du Burkina Faso, conformément aux statistiques officielles recueillies par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) (graphique 2.4). Toutefois, les chiffres ne correspondent pas à la part des stocks d’émigrés dans chaque pays. On note en effet un écart important entre la part relative des transferts de fonds, s’élevant à 31 %, et celle des individus expatriés, estimée à 81 %. En revanche, l’Europe et les États-Unis, où les stocks d’émigrés sont estimés à 1 % ou moins, sont surreprésentés en termes de transferts de fonds. Ce constat permet de mettre en évidence deux facteurs déterminants en matière de transferts de fonds. Le premier concerne la richesse relative et les salaires auxquels peuvent accéder les émigrés dans le pays de destination : des pays à revenus plus élevés généreront des flux de transferts de fonds supérieurs. Le deuxième facteur, le fait d’émigrer dans des pays frontaliers, notamment des pays où les services officiels de rapatriement de fonds sont limités, génère des flux supérieurs de transferts de fonds informels. C’est probablement ce qui se produit entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, où d’importants volumes de fonds sont rapatriés de manière informelle.

Graphique 2.4. Pays d’origine des transferts de fonds en 2013
picture

Source : BCEAO (2014).

Les estimations de la Banque mondiale (2016), qui évalue les transferts de fonds en incluant les transferts informels, concluent à une distribution relative plus conforme aux stocks d’émigrés. En effet, la Banque estime que les transferts de fonds à partir de la Côte d’Ivoire sont même plus élevés que le stock d’émigrés résidant dans le pays (87 %), suivis par le Ghana (6 %), d’autres pays d’Afrique (4 %) et des pays européens (3 %). La différence marquée entre les deux sources montre l’importance des flux de transferts de fonds informels envoyés au Burkina Faso, qui font partie des estimations proposées par la Banque mondiale ; les données de la BCEAO reposent quant à elles sur les reçus officiels.

Quels sont les principaux enjeux et les lacunes en matière de connaissances des migrations au Burkina Faso ?

Le phénomène de l’émigration en provenance du Burkina Faso est encore très peu étudié. Les études conduites jusqu’à présent fournissent des éléments de preuve fragmentaires quant au caractère de l’émigration issue du Burkina Faso et quant aux fonds rapatriés vers ce pays, tandis que bon nombre de nouvelles études portent sur le retour des migrants au terme d’une décennie de crise en Côte d’Ivoire. Cette section propose un aperçu des principales études empiriques récemment menées sur l’émigration en provenance du Burkina Faso.

L’incidence de l’émigration sur les régions d’origine au Burkina Faso et, par conséquent, sur l’ensemble du territoire, est un sujet qui prête à controverse dans le pays, essentiellement en raison de l’absence d’un corpus de recherche solide et étendu en la matière. Néanmoins, les rares travaux menés sur le sujet peuvent être regroupés autour de deux thématiques majeures, à savoir :

  1. l’incidence de l’émigration sur la structure démographique du pays et sur le secteur agricole ;

  2. les transferts de capital financier, social et humain découlant de la migration – comment sont-ils utilisés dans le pays et quel en l’est l’impact ?

Les premiers courants de recherche ont principalement mis en évidence le jeune âge de l’émigré type (20 à 35 ans) et la durée de son séjour à l’étranger. La plupart de ces études sont obsolètes puisqu’elles ont été menées avant l’établissement d’institutions importantes, telles que le Protocole de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la libre circulation des personnes et des biens, et avant que le phénomène migratoire ne s’oriente progressivement vers l’Europe. Une première étude a, par exemple, montré que les migrants séjournaient de plus en plus longtemps dans leur pays d’accueil, et que le retour était rare (Boutillier, Quesnel et Vaugelade, 1977). La même étude a montré que de nombreux hommes quittaient le pays accompagnés de leur famille, se déplaçant ainsi sous la forme d’une seule et même unité. Bon nombre d’études menées à la même période ont souligné les répercussions négatives sur les communautés agricoles, qui perdaient ainsi des hommes jeunes s’occupant des champs (Boutillier, Quesnel et Vaugelade, 1977 ; Sautter, 1980 ; Capron et Kohler, 1975).

Des études plus récentes ont mis l’accent sur les caractéristiques de l’émigration en provenance du Burkina Faso. Leurs résultats reflètent les données de type macro décrites dans la section précédente. Tout d’abord, le Burkina Faso est un pays d’émigration nette, en particulier en termes de migration de main-d’œuvre à destination de la Côte d’Ivoire (De Vreyer, Gubert et Roubaud., 2010). L’agriculture ayant un caractère largement saisonnier, avec une courte saison des pluies de mai à août, la main-d’œuvre travaille généralement de façon saisonnière dans les régions plus propices à l’agriculture en Côte d’Ivoire, en particulier dans les plantations de café et de cacao (Konseiga, 2007).

D’autres travaux récents se concentrent sur l’incidence des transferts de fonds. Sur la base d’un exercice de simulation, la migration vers des pays situés en dehors de l’Afrique génère sur le ménage un effet de bien-être plus positif que la migration au sein même du continent africain, ce qui s’explique probablement par le volume accru et plus fréquent des transferts de fonds quand les migrants vivent dans des pays plus riches. De même, des séjours plus longs à l’étranger se répercutent positivement sur le bien-être des ménages dans le pays d’origine (Wouterse, 2011). De nombreuses études s’attachent à démontrer l’incidence des transferts de fonds sur le bien-être des ménages. Ainsi, une étude constate par exemple que les ménages recevant des transferts de fonds, et en particulier ceux qui reçoivent des fonds en provenance de pays à revenu élevé, tendent à avoir des habitations construites à partir de béton plutôt que de terre crue et à accéder plus aisément à du matériel de communication (Mohapatra, Joseph et Ratha, 2012). Une autre étude souligne également le rôle joué par les transferts de fonds en provenance de pays situés en dehors de l’Afrique. Ils stimulent la production animale et sont associés de façon négative aux activités vivrières et non agricoles. Ceci n’a pas été constaté pour les fonds rapatriés à partir d’autres pays africains (Taylor et Wouterse, 2008). Par ailleurs, les transferts de fonds exercent une incidence sur le travail des enfants étant donné qu’ils entraînent un recul de cette forme de travail au sein des ménages où des migrants sont absents depuis de longues périodes, et qui ne ressentent plus l’effet perturbateur de la migration (Bargain et Boutin, 2015).

Les transferts de fonds constituent également un facteur déterminant en matière d’inégalité. L’émigration, qui implique des coûts et des risques élevés, semble être principalement accessible à des ménages déjà aisés. Les fonds rapatriés creusent les inégalités entre les ménages recevant des transferts de fonds et ceux qui n’en reçoivent pas (Wouterse, 2008).

La migration de retour est devenue bien plus courante dans le sillage de la crise en Côte d’Ivoire, à partir de 19995. Ce phénomène constitue une véritable aubaine pour le pays, ces migrants rapatriés procèdant souvent à des investissements dans tout un éventail de secteurs, le transport apparaissant comme le plus populaire (Kouraogo, 2005 et 2010 ; Bredeloup et Kouraogo, 2007 ; Ouédraogo et al., 2009). L’investissement dans ce secteur suite au retour d’expatriés burkinabè a largement contribué à la redynamisation de l’activité de transport de personnes au Burkina Faso à travers sa modernisation (renouvellement du parc automobile) et en proposant de nouveaux itinéraires, ce qui a du reste permis la création de nouveaux emplois (Bredeloup et Kouraogo, 2007).

Outre les transferts de fonds, la migration de retour exerce également un effet positif sur les communautés et les ménages. Les migrants de retour dans les régions administratives frontalières des Cascades et du Sud-Ouest investissent eux aussi et contribuent à la redynamisation du secteur agricole, en particulier dans les plantations (noix de cajou ou palmiers à huile, par exemple ; Ouédraogo et al., 2009 ; Zongo, 2009 ; Kouraogo, 2010). Ces investissements concernent souvent des régions limitrophes de la Côte d’Ivoire. Les migrants de retour sont plus susceptibles que les non-migrants d’exercer des activités dans l’arboriculture (15 % contre moins de 1 %), mais il s’agit pour la plupart de migrants revenus au Burkina Faso avant la crise ivoirienne (Ouédraogo et al., 2009), notamment en raison d’un accès à la terre devenu plus difficile. Les migrants de retour investissent souvent dans des activités agricoles, notamment les cultures commerciales, mais basculent vers des activités non agricoles plus rapidement que les non-migrants (Ouédraogo et al., 2009).

Les migrants de retour investissent dans d’autres secteurs, comme le commerce, l’importation et l’exportation par le biais de leurs réseaux, ou l’hôtellerie. Outre ces secteurs d’investissement traditionnels, ils ont tendance à investir dans les services, tels que le gardiennage, la restauration, la couture et la coiffure (Bredeloup, 2006). D’autres études confirment que les migrants rentrés au pays entre 1999 et 2007 étaient plus susceptibles que les non-migrants (77 % contre 23 %) d’avoir investi dans des infrastructures commerciales (bars, restaurants, boutiques, cabines téléphoniques, ateliers de couture et salons de coiffure).

Jusqu’à présent, l’État s’est peu investi dans la réinstallation des rapatriés. Des études montrent que les investissements des migrants de retour bénéficient fréquemment de l’aide, même réduite, du gouvernement, une démarche susceptible d’attirer davantage d’investissements. Les changements proposés concernent notamment des cadres institutionnels destinés à rendre l’investissement plus aisé et plus accessible, et à assurer une formation aux migrants de retour (Zongo, 2009, 2008 ; Bredeloup, 2006).

Quel rôle jouent les migrations dans les stratégies de développement national ?

La Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (Scadd), document exposant la stratégie de développement du pays, a défini pour le gouvernement une direction commune pour la période 2011-15 (MEF, 2011). Elle porte sur la gestion et l’intégration des migrations compte tenu des perturbations suscitées par les flux entrants de Côte d’Ivoire et s’est interrogée sur les éventuelles répercussions des conflits ivoiriens sur les transferts de fonds entrants. Bien que la migration ne soit que rarement mentionnée de façon explicite, la stratégie « a pris en compte des priorités transversales dans les politiques et programmes de développement », soulignant la nécessité d’intégrer les diverses questions dans les débats sur le développement, y compris les aspects liés à la population (migration, fécondité, mortalité). Le Document stratégique de la Scadd a depuis été remplacé par le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-20, qui ne reconnaît que rarement la migration comme une question d’ordre politique et ne mentionne pas explicitement la gestion des migrations en tant que priorité pour le pays (MEFD, 2016).

Jusqu’à récemment, aucun plan d’action national coordonné et structuré n’avait été formulé dans les domaines de la migration et du développement au Burkina Faso. Le gouvernement a remédié à cette situation en 2016. La Stratégie nationale en matière de migrations (SNMig), couvrant la période 2016-25, a été approuvée et adoptée en février 2017. Elle est la preuve que le gouvernement pourrait bien accorder une priorité accrue à la gestion des migrations. Cette stratégie se rapporte aux migrations internes et internationales. La vision proposée est la suivante : « À l’horizon 2025, le Burkina Faso assurera la protection et la garantie effectives des droits des migrants pour une contribution optimale au développement, à la consolidation de la paix et de la cohésion sociale, à la promotion de l’intégration régionale et sous-régionale et de la coopération internationale. »

Le thème de la migration revient également dans d’autres stratégies de développement plus spécifiques au Burkina Faso. Il est ainsi amplement discuté dans la Politique nationale de population (PNP ; MED, 2000). Ce document se concentre toutefois sur les migrations internes et leur incidence en matière de répartition géographique de la population, en fonction du potentiel économique des régions. En outre, le document stratégique « Étude nationale prospective Burkina 2025 » place lui aussi la gestion des migrations internes et internationales au rang de pierre angulaire de la gestion des questions économiques, sociales et territoriales (MED, 2005).

On espère que le discours évoluera avec l’adoption de la SNMig. L’accent est de plus en plus mis sur les avantages offerts par les migrations à l’économie burkinabè à travers les transferts de fonds et les compétences de la diaspora. Le flux des transferts est également facilité à mesure que les banques et les institutions financières mettent à disposition des établissements plus nombreux et mieux équipés. Les nouveaux projets de développement font généralement la part belle à la diaspora, qu’ils appellent à investir dans le pays. Ainsi les urbanistes ont-ils, par exemple, commencé à réserver des quotas au profit de l’investissement immobilier de la diaspora. Des missions gouvernementales sont menées dans des pays où une vaste diaspora est présente afin d’encourager la participation des membres à de grands projets publics. Le ministère des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur (MAECBE), en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a mis en place des programmes destinés à utiliser les compétences de la diaspora (projet MIDA).

Quel cadre institutionnel régit les migrations ?

Quelles structures et quels mécanismes ont été mis en place au Burkina Faso afin de gérer les migrations ? Un grand nombre d’acteurs, publics comme privés, sont directement impliqués dans la gestion des migrations au quotidien au Burkina Faso, mais chaque structure travaille seule, en l’absence de mécanisme de coordination, y compris en matière de partage de l’information.

Le principal organe chargé des questions migratoires dans le pays est le MAECBE, qui est responsable au premier chef de la gestion des Burkinabè expatriés. Il a établi des structures techniques et spécialisées destinées à l’assister dans son travail, les trois plus importantes étant :

  1. La Commission nationale pour l’intégration, qui collabore avec les diverses ambassades au Burkina Faso et les associations des différentes communautés étrangères afin d’assurer l’intégration des immigrés à l’échelon régional, entre autres sujets.

  2. La Commission nationale pour les réfugiés (Conaref), qui protège et aide les réfugiés et demandeurs d’asile dans le pays. Elle collabore étroitement avec la Direction générale de la Police nationale, les diverses ambassades et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

  3. Le Secrétariat permanent du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE), qui veille à la protection des Burkinabè et de leurs intérêts à l’étranger, en vue de faciliter leur réinsertion dans la vie nationale, assurer leur pleine participation au développement national, contribuer à la promotion du rayonnement du Burkina Faso dans le monde, et suivre et se faire le porte-parole des membres de la diaspora vivant dans d’autres pays. Le ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur consulte le CSBE sur les problèmes touchant des Burkinabè expatriés.

    Le Conseil a été créé en 1993, à une époque où se posait la question du rôle de la diaspora dans la vie politique, en particulier ses droits de vote. Compte tenu de sa taille, la diaspora constitue une importante masse électorale et certains ont pensé que la création du Conseil, sous la supervision du MAECBE avait pour but d’exploiter le pouvoir électoral de cette population.

D’autres institutions publiques s’intéressent également aux questions migratoires. Jusqu’en 2012, le Conseil national de la population (Conapo) était une institution interministérielle dont la mission consistait à élaborer la Politique nationale de population (PNP), la mettre à jour en fonction de la situation économique, démographique et socioculturelle du pays et veiller à sa mise en œuvre. Cette mission a été transférée à la Direction des politiques de population (DPP) au ministère de l’Économie et des Finances. Elle est responsable de la conception des politiques sur la population et la migration, et a géré l’élaboration de la stratégie nationale en matière de migrations au Burkina Faso.

Le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure est chargé des contrôles internes liés aux migrations. Il comprend trois organes spécifiques gérant les migrations :

  • la Division de la migration (DM), responsable de la délivrance des passeports et visas ;

  • la Direction de la police des frontières, chargée du contrôle de la circulation transfrontalière et de la sécurité des frontières terrestres, ferroviaires et aériennes ;

  • la Division de la surveillance du territoire (DST), qui assure la surveillance des étrangers au Burkina Faso.

Le ministère de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi a lui aussi endossé un rôle en matière de politiques migratoires à travers la signature d’accords bilatéraux de transfert de main-d’œuvre avec la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Mali. En outre, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale participe à l’action pour aider les rapatriés, les migrants et les migrants en transit, en particulier en matière de traite des enfants, et plus généralement d’aide aux personnes vulnérables, dont les migrants font partie.

Outre les structures de l’État mentionnées ci-dessus, certaines associations nationales sont particulièrement actives au Burkina Faso et concourent à la gestion des migrations au niveau national. Il convient de citer ici :

  • Le Tocsin, une association créée en 1997, qui soutient activement la communication avec la diaspora et joue notamment un rôle de plateforme entre la diaspora et les autorités publiques.

  • Le Centre d’études et de recherches sur les migrations internationales et le développement (Cermid), créé en 2007, qui contribue par l’information et la sensibilisation sur le phénomène de la migration sous toutes ses formes.

En plus de ces associations nationales, deux organisations internationales jouent également un rôle phare dans la définition des politiques migratoires. Le Bureau de pays de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Burkina Faso, qui a ouvert en 2003, dans le sillage de la crise ivoirienne, appuie l’action de l’État en matière de gestion des migrations. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) traite, quant à lui, des questions visant essentiellement à aider les réfugiés et demandeurs d’asile.

Cette diversité des structures de gestion des migrations reflète bien le caractère multisectoriel du phénomène migratoire au Burkina Faso, mais cette fragmentation s’accompagne de problèmes de coordination. La stratégie nationale élaborée en matière de migrations propose un organigramme pour la gestion des questions migratoires dans le pays. Selon le projet de stratégie proposé, les questions de politique migratoire relèvent de la responsabilité directe du Conseil des ministres, tandis que les responsabilités de mise en œuvre seraient réparties en fonction des échelons administratifs du gouvernement et des champs d’expertise. La création d’une commission générale sur les migrations a également été proposée. Son rôle serait de coordonner les activités dans ce domaine, à l’instar de la dispense de conseils en matière de migration, la mobilisation de ressources, ainsi que le suivi et l’évaluation des programmes mis en œuvre, et le suivi des migrations internationales.

Conclusion

Sur le plan historique, la migration a toujours occupé une place centrale au Burkina Faso, puisque le pays représentait une pierre angulaire des routes commerciales et des axes de migration de main-d’œuvre en Afrique de l’Ouest. Au terme de nombreuses années de colonialisme et d’émigration à destination de la Côte d’Ivoire (en vue d’y travailler principalement dans l’agriculture et le petit commerce), les flux migratoires de retour au Burkina Faso se sont intensifiés au cours de ces dernières années. Cependant, le pays accuse encore un retard pour plusieurs indicateurs de développement, et de plus amples efforts pourraient permettre d’assurer un rôle positif de la migration dans le développement national, notamment la collecte de données de meilleure qualité et une intensification de la recherche. Les études systématiques destinées à bien comprendre la relation entre la migration et les politiques publiques n’ont pas été nombreuses.

Les migrations et les flux de transferts de fonds sont de plus en plus complexes et le Gouvernement du Burkina Faso cherche toujours davantage à exploiter les flux migratoires à des fins de développement national. La création du CSBE en 1993 et la nouvelle stratégie nationale de migration sont des premiers pas importants dans cette direction, mais la coordination des migrations et du développement dans le pays reste vague et diffuse, et des éléments de preuves tangibles font défaut. Le présent rapport espère combler en partie le déficit de recherche en démontrant l’interdépendance entre les migrations, les politiques sectorielles et le développement, de façon à permettre une meilleure intégration de la migration dans les politiques générales.

Références

Banque mondiale (2017a), Bilateral Migration Matrix 2013 (base de données), Washington D.C., www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data (consulté le 1er février 2017).

Banque mondiale (2017b), Global Bilateral Migration Database : 1960-2000 (base de données), Banque mondiale, Washington, DC, www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data (consulté le 1er février 2017).

Banque mondiale (2017c), Bilateral Migration Matrix 2010 (base de données), Washington D.C., www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data (consulté le 1er février 2017).

Banque mondiale (2017d), « Population, total », Indicateurs du développement dans le monde (base de données), http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL, (consulté le 1er février 2017).

Banque mondiale (2017e), Annual Remittances Data (base de données, version mise à jour en octobre 2016) », Banque mondiale, Washington, DC, https://www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data (consulté le 1er février 2017).

Banque mondiale (2016), « Bilateral Remittance Matrix 2015 », Migration and Remittances Data (base de données), www.worldbank.org/en/topic/migrationremittancesdiasporaissues/brief/migration-remittances-data (consulté le 1er septembre 2016).

Bargain, O. et D. Boutin (2015), “Remittance Effects on Child Labour: Evidence from Burkina Faso », Journal of Development Studies”, The Journal of Development Studies, vol. 51, n°7, pp. 922-938, https://doi.org/10.1080/00220388.2015.1010154.

Boutillier, J.-L., A. Quesnel et J. Vaugelade (1977), « Système socio-économique Mossi et migrations », Cahier O.R.S.T.O.M., Sér. Sci. Hum., vol. XIV, n° 4, pp. 561-581.

Bredeloup, S. et O. Kouraogo (2007), « Quand la « crise » ivoirienne stimule les trajectoires professionnelles des transporteurs burkinabè émigrés », Revue Européenne des Migrations Internationales, (23), 3, pp. 133-149.

Bredeloup, S. (2006), « Réinstallation à Ouagadougou des «rapatriés» burkinabè de Côte d’Ivoire », dans : Afrique contemporaine, n° 217 –2006/1, pp. 185-201, https://doi.org/10.3917/afco.217.0185.

Capron, J. et M. J. Kohler (1975), « Économie, pouvoir et migration de travail chez les Mossi (Haute Volta) », FAO/ORSTOM, www.documentation.ird.fr/hor/fdi:010009497.

Cordell, D., D. Gregory et V. Piché (1996), Hoe and Wage : A Social History of a Circular Migration System in West Africa, Boulder, Westview Press, https://doi.org/10.1093/oxfordjournals.afraf.a008074.

Cordell, D., J. Gregory et V. Piché (1989), « La mobilisation de la main-d’œuvre burkinabè, 1900-1974 : une vision rétrospective », Revue Canadienne des Études Africaines, vol. 23, n°1, pp. 73-105.

Coulibaly, S. (1986), « Colonialisme et migration en Haute Volta (1896-1946) », dans Gauvreau D. et al. (éd.), Démographie et sous-développement dans le Tiers-Monde, McGILL University, pp. 73-110.

Coulibaly, S., J. Gregory et V. Piché (1980), « Les migrations voltaïques. Tome I : Importance et ambivalence de la migration voltaïque », Population, 37e année, n°4-5, 1982. pp. 963-964, www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1982_num_37_4_17408.

Dabiré B. (2007), « Les déterminants familiaux de l’émigration rurale au Burkina Faso », Étude de la population Africaine, vol 22 n°1 octobre 2007 p.117-143.

Dabiré, B., H. Kone et S. Liougue (2009), « Recensement général de la population et de l’habitation de 2006 : Analyse des résultats définitifs – Thème 8, migrations », ministère de l’Économie et des Finances, Ouagadougou, http://cns.bf/IMG/pdf/theme_8_migrations_fin_f.pdf.

De Vreyer, P., F. Gubert et F. Roubaud (2010), « Migration, Self-selection and Returns to Education in the WAEMU, » Journal of African Economies, Centre for the Study of African Economies (CSAE), vol. 19(1), pp. 52-87, janvier.

ED (1991) ; Enquête Démographique de 1991, Institut national de la Statistique et de la démographie (INSD), Ouagadougou.

EMIUB (2000), Enquête nationale sur la migratoire, l’insertion urbaine et environnement, Institut Supérieur des sciences de la Population (UERD/ISSP), Ouagadougou.

ENMHV (1975), Enquête nationale sur les mouvements migratoires en Haute-Volta 1974-75, Centre Voltaïque de la recherche scientifique (CVRS), Ouagadougou.

Konan, S. (2015) « La diaspora Burkinabè dans leur pays d’accueil : Cas de la Côte d’Ivoire », présentation au colloque international « Migration Burkinabè : permanence et changement », Ouagadougou 28-30 mai 2015.

Konseiga, A. (2007), « Household Migration Decisions as Survival Strategy : The Case of Burkina Faso », Journal of African Economies, Centre for the Study of African Economies (CSAE), vol. 16(2), pp. 198-233, mars.

Kouraogo, S.O. (2010), « Le réinvestissement des acquis de la migration au Burkina Faso », ZONGO Mahamadou (sous la dir.), in Les enjeux de la diaspora burkinabè : Burkinabè à l’étranger, étranger au Burkina Faso, L’Harmattan, pp. 77-112.

Kouraogo, S.O. (2005), « Crise Ivoirienne et Recomposition du secteur des transports routiers de voyageurs au Burkina Faso », mémoire de maîtrise, Département de Sociologie, Université de Ouagadougou.

INSD (2006), Recensement général de la population et l’habitation, Institut national de la statistique et de la démographie, Ouagadougou, Burkina Faso.

INSD (1996), Recensement général de la population et l’habitation, Institut national de la statistique et de la démographie, Ouagadougou, Burkina Faso.

INSD (1985), Recensement général de la population et l’habitation, Institut national de la statistique et de la démographie, Ouagadougou, Burkina Faso.

Marchal, J.Y. 1975 « Géographie des aires d’émigration en pays Mossi », Enquêtes sur les mouvements de population à partir du pays Mossi (Haute-Volta) : les migrations de travail mossi, tome II, fasc. 3, O.R.S.T.O.M., pp. 29-71.

MED (2005), « Étude nationale prospective Burkina 2025 », Rapport général du Conseil national de prospective et de planification stratégique, ministère de l’Économie et du Développement, 141pp.

MED (2000), « Politique nationale de population », ministère de l’Économie et des Finances, Révision n°1 Ouagadougou, 66p.

MEF (2011), « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable 2000-2010 (Scadd) », ministère de l’Économie et des Finances, Ouagadougou, http://scadd.bf.

MEFD (2016), « Plan national de développement économique et social 2016-2020 (PNDES) », ministère de l’Économie, des Finances et du Développement, Ouagadougou, www.pndes2020.com/pdf/pndes.pdf.

Merabet, O. (2006), Étude sur le profil migratoire de la Côte d’Ivoire, Civipol/Transtec, 96 pp.

Mohapatra, S., G. Joseph et D. Ratha (2012), “Remittances and natural disasters : ex-post response and contribution to ex-ante preparedness”, Environment, Development and Sustainability: A Multidisciplinary Approach to the Theory and Practice of Sustainable Development, vol. 14 (3), pp. 365-387.

OCDE (2017), Répartition géographique des ressources financières alloués aux pays en développement : Versements, engagements, indicateurs par pays, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fin_flows_dev-2017-en-fr.

Ouedraogo, D. et B. Dabiré B. ; Guengant J.P., Younoussi, Z. G. Compaoré, M. Zongo ; G. Sangli (2009), « L’impact des migrations internationales de retour de Côte d’Ivoire sur le développement des régions frontalières du Burkina Faso avec la Côte d’Ivoire, » rapport de recherche, 71 pages.

Sautter, G. (1980), « Migrations, société et développement en pays Mossi », Cahiers d’études africaines, vol. 20, n°79, pp. 215-253.

Schwartz A. 2000 « Le conflit foncier entre Krou et Burkinabè à la lumière de l’institution Krouman », Afrique contemporaine, n°193 pp. 56-66.

Wouterse, F. (2011), « Continental vs. Intercontinental Migration: An Empirical Analysis of the Impacts of Immigration Reforms on Burkina Faso », OECD Development Centre Working Papers, No. 299, Éditions OCDE, Paris. DOI: https://doi.org/10.1787/5kgc79p30hvb-en.

Wouterse, F. (2008), « Migration, poverty, and inequality: Evidence from Burkina Faso », IFPRI discussion papers 786, International Food Policy Research Institute (IFPRI).

Taylor, J. E. et F. Wouterse (2008), « Migration and Income Diversification : Evidence from Burkina Faso », World Development, vol. 36(4), pp. 625-640, avril.

Zongo, M. (2009), « Niangoloko, un carrefour migratoire au Nord de la Côte d’Ivoire », Hommes & Migrations, Dossier l’Afrique en mouvement, 1279, pp. 88-103.

Zongo, M. (2008), « Accueil et insertion des “rapatriés” en zone rurale au Burkina Faso, l’exemple de la région des Cascades », Cambrezy et al., Asile au Sud La Dispute, Paris, pp. 139-161.

Pour aller plus loin

Undesa (2013), International Migration Flows to and From Selected Countries : The 2013 Revision (base de données), Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, New York, www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/ (consulté le 1er septembre 2014).

Notes

← 1. Un nouveau recensement est prévu au Burkina Faso en 2017.

← 2. Le terme « étranger » n’est pas défini dans le cadre de la présente étude, mais on suppose qu’il est fondé sur la nationalité. Cela explique le nombre beaucoup plus élevé par rapport aux chiffres indiqués ci-dessus.

← 3. Ici, le terme « étranger » est supposé désigner les personnes n’ayant pas la nationalité burkinabè. Ce qui signifie que les Burkinabè nés en dehors du Burkina Faso, mais de nationalité burkinabè, ne sont pas considérés comme des étrangers.

← 4. La différence absolue en nombre dans l’ensemble des enquêtes est représentative de la taille de l’échantillon, et non de la taille réelle de la population migrante.

← 5. Le consensus qui se dégage est que le retour des Burkinabè de Côte d’Ivoire s’est initié en septembre 1999, à l’issue des émeutes à caractère ethnique dans la région ivoirienne de Tabou, dont l’ampleur s’est renforcée au cours d’un conflit armé qui a duré de 2002 à 2007, puis à nouveau au cours de la crise post-électorale de 2010-11.