Chapitre 4. L’ampleur des inégalités retarde l’émergence d’une société inclusive

Ce chapitre présente le cadre d’analyse de l’OCDE pour la croissance inclusive et examine les niveaux de vie multidimensionnels du Maroc à l’aune de ceux des pays de comparaison. Il analyse également l’évolution des inégalités économiques et des disparités spatiales. Enfin, il montre que les inégalités se retrouvent dans les domaines sociaux. Les défaillances dans les secteurs de l’éducation, de la santé et sur le marché de l’emploi créent d’importantes distorsions sociales, notamment entre milieux rural et urbain. Les dysfonctionnements dans le domaine de l’éducation entretiennent la faiblesse du stock de capital humain et retardent l’émergence d’une société inclusive.

  

La croissance économique ne s’accompagne pas systématiquement d’une amélioration du bien-être, même si elle a permis de faire reculer la pauvreté et d’élever le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant au cours de la dernière décennie. L’extrême pauvreté a été divisée par 2.5 depuis 2000 et les conditions de vie des populations se sont en moyenne améliorées. Néanmoins, la croissance n’est qu’une mesure imparfaite de la qualité de vie. Le PIB ne reflète pas la répartition des ressources entre les individus et les groupes sociaux, et ne prend pas non plus en compte les dimensions non monétaires du bien-être, comme l’état de santé et le niveau d’instruction.

Le bilan des performances du Maroc en termes de bien-être individuel, mitigé, varie selon les dimensions considérées : revenu et patrimoine, logement et infrastructures, emplois, éducation et compétences, environnement, santé, vulnérabilité, liens sociaux, autonomisation et participation, évaluation de la vie (chapitre 1). Le cadre de mesure du bien-être de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (OCDE, 2015a) fait état de bonnes performances en termes de consommation, de degré de vulnérabilité ou de satisfaction à l’égard de la vie. Inversement, les indicateurs en termes d’emploi, d’éducation ou de santé sont nettement moins bons.

L’application du cadre de l’OCDE sur la croissance inclusive permet de combiner plusieurs dimensions du bien-être et montre que le développement économique n’a pas été suffisamment inclusif au cours de la dernière décennie. Le « niveau de vie multidimensionnel » est calculé à partir du revenu moyen, de la longévité, de l’emploi et des inégalités de revenu. L’espérance de vie plus élevée a permis d’améliorer le niveau de vie multidimensionnel, dont les progrès reposent désormais sur la création d’emplois. Les niveaux de vie multidimensionnels ont par ailleurs progressé plus vite en milieu rural qu’en milieu urbain depuis 1990.

Au-delà du cadre d’analyse pour la croissance inclusive de l’OCDE, d’autres éléments montrent des inégalités économiques persistantes. La croissance a élevé le niveau de vie, mais de manière inégalitaire. Une frange non négligeable des Marocains, principalement en zones rurales, cumule encore pauvreté monétaire et privations sociales. Les inégalités dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi se conjuguent les unes aux autres et constituent des contraintes majeures pour le développement du pays. Le Maroc risque de glisser vers une société à deux vitesses, avec d’un côté ceux qui ont les moyens de se former, de se soigner et de trouver du travail, et de l’autre les exclus. Les autorités ont lancé ces dernières années des programmes sociaux ciblés sur les populations les plus vulnérables, mais leur impact reste relativement limité. Le poids des inégalités retarde, dans une certaine mesure, l’émergence d’une classe moyenne capable de soutenir la demande intérieure.

La dernière partie du chapitre examine les performances et les dysfonctionnements dans trois domaines clés pour l’émergence d’une société inclusive : l’éducation, la santé et l’emploi, particulièrement préoccupant puisque le taux d’emploi ne dépasse pas les 45 % de la population en âge de travailler. L’accès au marché du travail reste difficile pour les jeunes, les femmes et les plus diplômés. Le retard dans l’accumulation du capital humain avec de mauvaises performances dans l’accès à l’éducation et la qualité des connaissances acquises est très important. Le système éducatif ne permet pas de relever le niveau du capital humain, qui ressort comme l’une des principales faiblesses en termes de bien-être et de sources de croissance. Les dysfonctionnements du système éducatif se répercutent sur le marché de l’emploi et vice versa. Enfin, dans le domaine de la santé, les politiques volontaristes du gouvernement ont permis une nette amélioration des indicateurs objectifs de santé. Cependant, l’accès aux soins reste difficile et les niveaux de satisfaction sur leur état de santé et le système de soins restent faibles.

Croissance inclusive et niveaux de vie multidimensionnels

Cette section présente une nouvelle mesure du niveau de vie multidimensionnel au Maroc et dans d’autres pays à bas revenu et revenu intermédiaire. Cette mesure recouvre plusieurs dimensions importantes du bien-être : le niveau de revenu ou de consommation moyen, la longévité, le taux d’emploi et l’inégalité des revenus ou de la consommation. Cet indicateur repose sur le calcul de prix fictifs permettant aux décideurs d’évaluer les coûts et avantages des réformes des politiques qui ont une incidence sur ces dimensions du bien-être. Les résultats montrent que les possibilités d’amélioration du niveau de vie reposent principalement sur la création d’emplois. Si l’on analyse l’évolution du niveau de vie multidimensionnel durant la période 1991-2012, les gains de longévité ont été le principal moteur de sa progression. Au Maroc, la convergence à long terme des niveaux de vie multidimensionnels entre les régions rurales et urbaines semble s’être arrêtée depuis le milieu des années 2000, mais cela pourrait s’expliquer par l’utilisation de sources de données différentes.

Un cadre de mesure multidimensionnel de la croissance inclusive

La prise en compte du bien-être multidimensionnel dans la politique économique suppose des arbitrages qui dépassent les outils traditionnels. En effet, si le PIB par habitant est un indicateur économique majeur, il est une mesure imparfaite des conditions de vie, car il ne tient pas compte de la distribution ni des dimensions non-monétaires. En s’appuyant sur des travaux antérieurs (Boarini, Murtin et Schreyer, 2015 ; Boarini et al, 2016), l’OCDE a élaboré un cadre de mesure destiné à relever ce défi. Il se prête à une utilisation dans la prise de décisions concrètes de politiques publiques pour que les responsables publics puissent mieux comprendre les arbitrages auxquels ils sont confrontés, lorsqu’ils conçoivent des réformes économiques affectant différentes dimensions du bien-être.

Le cadre de l’OCDE pour une croissance inclusive s’appuie sur la mesure du niveau de vie multidimensionnel qui combine les variations du revenu moyen, l’inégalité des revenus, la santé et le chômage1. Ce cadre repose sur un certain nombre de postulats clés :

  1. Le bien-être est multidimensionnel. L’approche de croissance inclusive se concentre sur un sous-ensemble des dimensions du cadre de mesure du bien-être de l’OCDE (chapitre 1), à savoir le revenu, la santé et l’emploi. Les raisons du choix de ces variables ainsi que leur mesure sont expliquées dans les encadrés 4.1 et 4.2.

  2. L’inégalité importe car la répartition des résultats et la diversité des conditions de vie des ménages ne sont pas reflétées comme il convient par de simples moyennes (OCDE 2008 ; 2011).

  3. Les arbitrages et les complémentarités entre dimensions du bien-être peuvent être évalués si celles-ci sont exprimées dans la même unité monétaire. Cela permet d’aller au-delà de certaines analyses antérieures de l’OCDE sur les effets des différentes politiques sur la performance du PIB, comme l’étude intitulée Objectif croissance, pour évaluer les effets des réformes des politiques sur plusieurs dimensions du bien-être.

L’OCDE définit la croissance inclusive dans ce cadre comme l’augmentation du niveau de vie multidimensionnel d’une catégorie de revenu cible au sein de la société. Dans la pratique, il peut s’agir du ménage à revenu médian ou d’un ménage à plus faible revenu. Dans ce chapitre, sauf exception signalée, le niveau de vie multidimensionnel représente le niveau de vie (revenu équivalent) du ménage médian du pays. Il est défini en pratique comme le revenu moyen diminué d’une pénalité correspondant à l’écart monétisé des taux d’emploi et de longévité par rapport aux pays les plus performants, ainsi qu’au degré d’inégalité des revenus.

Encadré 4.1. Choix des dimensions du niveau de vie multidimensionnel

Le choix et la mesure des aspects à prendre en considération dans le niveau de vie multidimensionnel obéissent à un certain nombre de principes. Dans les principales études ciblées sur les pays de l’OCDE (OCDE, 2015b), la dimension monétaire est appréhendée par des mesures du revenu disponible réel brut des ménages ajusté en parité de pouvoir d’achat (PPA), extraites des comptes nationaux. Ces informations sont combinées avec des données sur la distribution du revenu disponible provenant d’enquêtes sur les ménages et d’autres données micro-économiques recueillies dans la base de données de l’OCDE sur la distribution du revenu.

S’agissant des pays non membres de l’OCDE qui constituent la cible principale de cette étude, les comptes nationaux ne contiennent généralement pas de données sur le revenu disponible des ménages. On utilise donc comme indicateur du revenu les dépenses de consommation finale des ménages extraites de la base de données des Indicateurs du développement dans le monde (Banque mondiale, 2016), aux prix constants de 2011 et ajustées en parité de pouvoir d’achat, car ce sont les seules données garantissant la comparabilité entre les pays et dans le temps. Les aspects relatifs à la distribution sont disponibles auprès de la même source ainsi que dans la base de données de Lakner et Milanovic (2015). La mesure du niveau de vie matériel utilisée dans ces bases de données varie selon les pays : il s’agit généralement du revenu pour les pays à haut revenu ou à revenu intermédiaire, et de la consommation pour les pays à faible revenu, dont fait partie le Maroc. Compte tenu de ces limites de données, les mesures de l’inégalité du bien-être économique peuvent être très sous-estimées dans les pays à faible revenu, car les inégalités de consommation sont généralement moins importantes que les inégalités de revenu.

En ce qui concerne les dimensions non monétaires, le cadre du bien-être de l’OCDE (OCDE, 2011) en a identifié huit, dont trois qui se démarquent comme étant les principaux déterminants du bien-être subjectif des populations au niveau individuel, avec le revenu (Boarini et al, 2012) : la santé, le chômage et les liens sociaux. Ce dernier aspect n’étant évidemment pas susceptible d’orienter l’action publique, les deux dimensions non monétaires retenues dans le cadre pour une croissance inclusive sont la santé et l’accès à l’emploi. Alors que Boarini et al. (2016) se réfèrent indifféremment au chômage et à l’emploi (en pourcentage de la population en âge de travailler), comme indicateurs de la dimension emploi, le taux d’emploi paraît plus approprié pour analyser le niveau de vie dans les pays à faible revenu, où la plupart des gens travaillent au moins quelques heures par jour quand ils n’ont pas d’emploi officiel. Enfin, l’espérance de vie à la naissance a été sélectionnée pour mesurer la santé car cette variable est largement disponible dans tous les pays et pour toutes les périodes.

Encadré 4.2. Calcul du niveau de vie multidimensionnel

Le niveau de vie multidimensionnel se calcule en agrégeant le revenu moyen, la longévité, l’emploi et les inégalités de revenus dans un indice monétaire unique. Pour exprimer l’espérance de vie et le taux d’emploi en valeurs monétaires, le cadre de l’OCDE utilise la méthode du « revenu équivalent » (Samuelson, 1974 ; Fleurbaey et Gaulier, 2009 ; Fleurbaey et Blanchet, 2013), c’est-à-dire le gain de revenu qui produirait la même augmentation de bien-être qu’une amélioration donnée d’une dimension non monétaire. À titre d’exemple, les Marocains ne verraient pas de différence avec leur situation actuelle s’ils avaient un revenu plus faible mais la même espérance de vie qu’au Japon. La baisse de revenu qui compense cette augmentation de la longévité constitue la valeur monétaire de l’écart de longévité entre le Maroc et le Japon (pays où l’espérance de vie est la plus élevée et qui constitue la « référence de longévité »). Le même raisonnement est valable pour le taux d’emploi. Étant donné que les références de longévité et d’emploi sont les meilleurs résultats observés dans l’échantillon, les valeurs monétaires de la longévité et de l’emploi prennent la forme d’une diminution du revenu par rapport à la situation actuelle, c’est-à-dire d’une pénalité appliquée au revenu moyen.

Dans une première étape, les prix fictifs des dimensions non monétaires sont calculés. Pour monétiser les dimensions non liées au revenu, on doit calculer des « prix fictifs » qui sont en quelque sorte les « valeurs d’échange » entre les dimensions monétaires et non monétaires. L’évaluation des prix fictifs est la principale difficulté empirique (encadré 4.A1).

  • Le prix fictif de la longévité est calculé en base à la Valeur d’une vie statistique (VSL), chiffrée à 6.3 millions dollars américains (USD) de 2005 par l’Agence américaine de protection de l’environnement. La VSL est ensuite convertie en prix fictif d’une année de longévité supplémentaire, au moyen du modèle de l’utilité sur la durée de la vie. Le prix fictif de la longévité prend en compte le revenu, l’emploi et la longévité.

  • Le prix fictif de l’emploi est calculé en base à des régressions macroéconomiques de la satisfaction à l’égard de la vie sur le revenu disponible des ménages, l’emploi et des variables indicatrices temporelles et par pays, pour tous les pays de l’OCDE.

Les prix fictifs de la longévité et de l’emploi sont propres à chaque pays puisqu’ils dépendent du niveau de revenu, de la longévité et de l’emploi. Dans le cas des pays de l’OCDE, Boarini et al. (2016) démontrent que le prix fictif de la longévité augmente au fur et à mesure que les gens s’enrichissent et diminue au fur et à mesure que la durée de vie s’allonge.

Dans une seconde étape, le « revenu équivalent » ou le niveau de vie multidimensionnel des différents déciles de revenu d se calculent selon la formule suivante

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y est la consommation moyenne, l’écart entre le taux d’emploi de chaque pays c et le taux d’emploi de référence, △LEc l’écart entre la longévité de chaque pays et la longévité de référence, et où picture sont respectivement les prix fictifs de l’emploi et de la longévité. Les contributions de l’emploi et de la longévité sont alors représentées comme des pénalités dues aux déficits respectifs d’emploi et de longévité par rapport aux pays avec les taux d’emploi et espérance de vie les plus élevées.

En outre dans le calcul du niveau de vie multidimensionnel, on applique au revenu moyen une pénalité correspondant au degré d’inégalité des revenus qui prévaut dans chaque pays (Kolm, 1969 ; Atkinson, 1970). Cette pénalité dépend d’un paramètre d’aversion à l’inégalité qui peut être calibré de façon à ce qu’elle corresponde à l’écart entre le revenu moyen et le revenu médian. Dans la plupart des résultats décrits dans ce chapitre, le niveau de vie multidimensionnel représente le niveau de vie (revenu équivalent) du ménage médian du pays. Toutefois le choix d’une valeur différente pour ce paramètre permet d’obtenir une approximation du niveau de vie des 10 % les plus démunis de la population1. Théoriquement, le cadre pour la croissance inclusive peut prendre en compte les inégalités au sein d’un pays en termes de santé et d’emploi (ou de chômage ; Diaz et Murtin, 2016a, 2016b), mais le manque de données disponibles au niveau international limite l’analyse des inégalités à la seule dimension du revenu. Dans cette approche, le niveau de vie multidimensionnel d’un pays est simplement défini comme étant la moyenne du niveau de vie multidimensionnel des différents déciles, diminuée d’une pénalité pour inégalité de niveau de vie découlant de l’inégalité des revenus (indice d’inégalité d’Atkinson-Kolm).

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1. La méthode de calcul de ce chiffre est expliquée à l’encadré 4.A1. Le prix fictif d’une année de longévité est égal à 7.1 % et 6.8 % respectivement pour les populations rurales et urbaines, alors que le prix fictif d’un point de pourcentage du taux d’emploi est égal respectivement à 1.5 % et 1.8 %. Le prix fictif de la longévité est plus élevé au Maroc que dans les pays de l’OCDE qui ont une espérance de vie plus longue.

Source : Boarini et al. (2016).

Les prix fictifs sont un instrument intéressant pour les responsables de l’action publique, car ils expriment d’une manière simple et facile à communiquer les progrès accomplis dans les domaines de la santé et sur le marché du travail. Par exemple, dans les estimations présentées au tableau 4.1, la valeur monétaire d’une année de longévité supplémentaire aux yeux des Marocains est fixée à 7 % de leurs revenus en 2012, soit 8.3 milliards USD pour l’ensemble de la population. L’espérance de vie à la naissance a augmenté de quatre mois par an (soit 0.35 année de longévité chaque année) sur la période 2000-12, soit un gain de revenu multidimensionnel de 2.8 % par an. Or ce gain passerait en grande partie inaperçu dans les débats publics, s’il n’était pas exprimé en termes monétaires. De la même manière, la diminution d’un point de pourcentage du taux d’emploi entre 2007 et 2012 a été équivalente à une perte de revenu de 1.6 %. Les prix fictifs peuvent aussi contribuer à l’analyse du coût et des bénéfices des réformes. Par exemple, une réforme dans la santé publique visant à réduire la mortalité infantile dans les zones rurales est censée produire un gain de 0.1 année d’espérance de vie à la naissance au niveau national. En termes de niveau de vie multidimensionnel, cette réforme produirait un gain de 830 millions USD, soit 0.36 % du PIB à comparer aux coûts éventuels, directs et indirects2. Globalement, les prix fictifs permettent d’analyser les coûts et bénéfices des réformes des politiques, à condition que leurs effets sur le revenu, la longévité, l’emploi et l’inégalité des revenus soient évalués comme il convient.

Tableau 4.1. Les prix fictifs de la longévité et de l’emploi au Maroc

Part de la consommation des ménages

En termes absolus Milliards USD

Prix fictif d’une année de longévité

National

7.0

8.3

Rural

7.1

3.6

Urbain

6.8

4.7

Moyenne OCDE

6.3

-

Prix fictif d’un point de pourcentage d’emploi

National

1.6

1.9

Rural

1.5

0.4

Urbain

1.8

1.5

Moyenne OCDE

2.0

-

Les différences des niveaux de vie soulignent la faiblesse de l’emploi

En termes de niveau de vie multidimensionnel, le Maroc est moins bien positionné qu’en termes de revenu. Par rapport au groupe de pays témoin, il occupait la 10ème position en 2013, au-dessus de l’Afrique du Sud – qui dispose d’un revenu plus élevé – et en dessous de la Tunisie (graphique 4.1)3. Alors que le revenu moyen du Maroc se situe à 42 % du niveau moyen dans le groupe témoin, son niveau de vie multidimensionnel est égal à 26 % de la moyenne correspondante, en raison de sa moindre performance sur le plan de l’emploi. Son taux d’emploi est inférieur d’environ 10 points à la moyenne, alors que l’espérance de vie est supérieure de 1.6 ans à la moyenne. Les possibilités d’amélioration du niveau de vie au Maroc reposent donc essentiellement sur le taux d’emploi, en particulier chez les femmes (chapitre 1).

Graphique 4.1. Niveaux de vie multidimensionnels dans le groupe témoin
2013 ou dernière année disponible
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Notes : Le revenu contribue positivement au niveau de vie multidimensionnel. L’emploi et la longévité correspondent à des pénalités dues aux déficits respectifs d’emploi et de longévité par rapport aux pays avec les taux d’emploi et espérance de vie les plus élevés. Le degré d’inégalité des revenus correspond également à une pénalité qui dépend d’un paramètre d’aversion à l’inégalité. Le niveau de vie multidimensionnel correspond en pratique au revenu moyen diminué des pénalités de taux d’emploi, de longévité et d’inégalités de revenus.

 https://doi.org/10.1787/888933476171

On observe aussi des disparités dans le bien-être économique. D’un point de vue empirique, le niveau de vie multidimensionnel des citadins est d’un tiers plus élevé que celui des ruraux, un écart imputable à un revenu (consommation) supérieur de deux tiers et à l’écart de longévité (cinq années d’espérance de vie à la naissance), mais compensé en partie par le taux d’emploi plus faible dans les zones urbaines (inférieur de 20 points de pourcentage à celui des zones rurales). Globalement, les inégalités en matière de bien-être économique et de santé entre les populations urbaines et rurales se cumulent, alors que l’inégalité de consommation est plus faible et le taux d’emploi est plus élevé chez les ruraux.

L’évolution du niveau de vie multidimensionnel au Maroc est tirée par l’accroissement de la longévité

Entre 1991 et 2013, la croissance annuelle du niveau de vie multidimensionnel de la personne médiane (4.7 %) a été légèrement supérieure à celle des pays du groupe témoin (4.4 % ; graphique 4.2) et supérieure aux pays de l’OCDE (3.7 %). En moyenne, dans les pays membres et non membres de l’OCDE, le taux de croissance du niveau de vie multidimensionnel est sensiblement plus élevé que celui du PIB par habitant. La faible corrélation entre les deux mesures dans les différents pays (0.49 seulement) laisse penser que les différences dans la croissance économique n’expliquent que 25 % des différences entre les pays dans la progression du niveau de vie multidimensionnel. Cette observation vaut aussi pour le Maroc, dont le taux de croissance du PIB par habitant au cours de cette période (2.8 %) a été très inférieur à celui du niveau de vie multidimensionnel (4.7 %).

Graphique 4.2. Décomposition de la croissance des niveaux de vie des ménages médians dans le groupe témoin
1990-2013 ou dernière année disponible
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 https://doi.org/10.1787/888933476185

Le moteur des améliorations du niveau de vie multidimensionnel a été l’allongement de l’espérance de vie à la naissance (+8.5 ans) entre 1991 et 2013 (graphique 4.2). L’augmentation de 0.39 année de longévité par an est la plus rapide observée dans les pays du groupe témoin. Sur la base d’un prix fictif de la longévité égal à 7 % du revenu par année de longévité gagnée, la contribution de la longévité aux améliorations du niveau de vie multidimensionnel est de 2.8 % par an. Le second moteur de la progression du niveau de vie multidimensionnel porte sur la croissance annuelle de la consommation des ménages (2.2 %), supérieure à celle des pays de l’OCDE (1.7 %), mais sensiblement inférieure à celle du groupe témoin (2.9 %) au cours de la même période.

La diminution des taux d’emploi et l’augmentation des inégalités de consommation ont limité la croissance du niveau de vie multidimensionnel entre 1991 et 2013. La baisse de l’emploi a contribué à réduire le niveau de vie multidimensionnel des ménages médians à hauteur de 0.3 point de pourcentage par an, alors que l’augmentation des inégalités l’a réduit de 0.2 point par an.

Ces conclusions générales sont également valables si l’on prend pour référence le premier décile de la distribution de la consommation. La croissance du niveau de vie multidimensionnel y est de 4.5 % par an, légèrement supérieure à celle du même groupe dans les pays témoins (4 %). La contribution négative de la variation des inégalités a en effet été plus importante que pour le ménage médian (-0.6 % par an contre -0.2 % par an), indiquant le creusement des inégalités de consommation entre les pauvres et la classe moyenne.

La lente convergence des niveaux de vie urbains et ruraux

Le graphique 4.3 montre qu’entre 1991 et 2013, le niveau de vie multidimensionnel de la personne médiane au Maroc a lentement convergé entre populations urbaines et rurales. En effet les importantes migrations internes des campagnes vers les villes ont eu impact positif, les travailleurs ruraux s’étant tournés vers des emplois urbains plus rémunérateurs. La croissance du niveau de vie multidimensionnel national est donc égale aux taux de croissance des niveaux de vie multidimensionnels en milieu urbain et rural, augmentée de l’effet positif de cette réaffectation des travailleurs.

Graphique 4.3. Niveaux de vie multidimensionnels
Pays et catégories de population sélectionnés Ménage médian, USD par habitant, aux prix de 2011 en PPA
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 https://doi.org/10.1787/888933476194

Un examen selon le lieu de résidence montre que le niveau de vie multidimensionnel a progressé plus rapidement en milieu rural qu’en milieu urbain entre 1991 et 2013 (4.8 % et 3.7 % respectivement). Cet écart est non seulement imputable à la croissance plus rapide des dimensions non monétaires du niveau de vie dans les zones rurales (2.8 % contre 2.0 % dans les zones urbaines), mais aussi à la croissance légèrement supérieure de la consommation moyenne dans les zones rurales (2.0 % contre 1.7 % dans les zones urbaines), alors que l’évolution des inégalités a été comparable dans les deux zones. Ces données indiquent une convergence des niveaux de vie des deux groupes de populations au cours de cette période, découlant à la fois de la progression plus rapide de la longévité en milieu rural (+8.9 années contre +6.6 années en milieu urbain) et de la convergence des taux d’emploi (-1.1 point pour la population rurale contre +1.2 point pour la population urbaine).

L’évolution des dimensions non monétaires du développement humain reflète la tendance de long terme à la convergence entre les territoires. Les écarts se sont réduits entre milieux de résidence depuis les années 80 mais le resserrement semble avoir atteint ses limites. En 1980, les habitants des zones rurales vivaient 7.5 années de moins que les citadins. En 2011, l’écart s’est resserré à 5.6 années (77.3 ans en milieu urbain contre 71.7 en milieu rural). De même, l’écart dans les taux d’alphabétisation était de 38 points de pourcentage entre les milieux de résidence en 1980 pour tomber à 27.2 en 2006. Sur cette période, la progression de l’alphabétisation a surtout profité aux Marocains vivant en zones rurales (+27 points de pourcentage). Cependant, depuis cette date, la progression stagne, un ralentissement qui pourrait s’expliquer par les difficultés d’alphabétisation pour les populations concernées.

Graphique 4.4. Taux de croissance annuel du niveau de vie multidimensionnel au Maroc
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 https://doi.org/10.1787/888933476203

La croissance a permis d’élever le niveau de vie mais les inégalités perdurent

Des niveaux de revenus en hausse et des ratios de pauvreté en baisse

Depuis le début des années 2000, le revenu national par habitant a régulièrement progressé, à un rythme moyen légèrement inférieur à 3 % par an, en ligne avec les pays de comparaison les plus proches, et à un niveau plus soutenu qu’en Tunisie (2.3 %). En revanche, le niveau de richesse reste faible, avec un PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) de 7 146 USD en 2014, en dessous des 10 000 USD déjà atteints en Jordanie et en Tunisie. Le Maroc se classe donc dans les pays de comparaison les plus pauvres (graphique 4.5).

Graphique 4.5. Le niveau de revenu a augmenté mais reste encore faible
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Source : Banque mondiale (2016).

 https://doi.org/10.1787/888933476216

Après l’Indépendance, les niveaux de pauvreté absolue (moins de 1.90 USD par personne et par jour) ont beaucoup baissé, passant de 56 % à l’échelle nationale en 1959 à 21 % en 1985, grâce à la croissance. À partir de 1985, cette baisse s’est poursuivie, à un rythme plus modéré (HCP, 1986). Depuis, le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté national a été divisé par cinq, pour s’établir à 4.8 % en 2014 (HCP, 2016a). Cette baisse s’est effectuée de manière assez irrégulière, avec des variations à la hausse, notamment dans le milieu rural (+7 points de pourcentage entre 1991 et 2001), en raison d’une succession de six années de fortes sécheresses entre 1992 et 2000, qui ont pesé sur le revenu et fragilisé la situation de nombreux ménages (HCP, 2010a).

La pauvreté reste avant tout un phénomène rural, frappant presque une personne sur dix en 2014 (9.5 %) alors que dans les zones urbaines, elle se limite à 1.6 % de la population (HCP, 2016a). Les travaux du Haut-commissariat au plan (HCP) ont montré que l’incidence de la pauvreté à l’échelle nationale provient surtout du monde rural, qui compte huit pauvres sur 10 en 2014. Ce ratio n’a guère évolué entre 1985 et 2014, malgré l’urbanisation, avec une part de ruraux dans la population totale passée de 57 % à 40 % sur la période. C’est également dans les zones rurales que la pauvreté s’avère la plus sévère.

Le Maroc a surpassé les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en termes de réduction de l’extrême pauvreté et de la faim. La part de la population vivant avec moins de 1.25 USD en PPA par jour est passée de 3.5 % en 1985 à une proportion quasiment nulle. Le Maroc fait légèrement mieux que certains pays de comparaison comme l’Afrique du Sud, le Pérou ou le Viet Nam, où l’extrême pauvreté reste importante (graphique 4.6, panel A). Cette proportion a été réduite de moitié entre 2000 et 2012, ce qui a permis au Maroc de surpasser la cible 1.A des OMD, visant un taux de 1.8 % à l’horizon 2015. À un seuil de 2 USD PPA par jour et par personne, la part de la population pauvre a été réduite à 1.3 % en 2014, soit 0.3 % de la population urbaine et 2.9 % de la population rurale (HCP, 2015a). De même, le Maroc a réduit de moitié la proportion de la population souffrant de faim entre 1990 et 2015 (cible 1.C des OMD). La part de la population ne disposant pas du niveau minimal d’apport calorifique, mesurée par le taux de pauvreté alimentaire, a été réduite de 4.6 % en 1985 à 0.1 % en 2014, surpassant la valeur cible de 2.3 % prévue pour 2015.

Graphique 4.6. Les niveaux de pauvreté ont globalement baissé mais restent élevés en milieu rural
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Notes : Note : Les données du panel A datent de 2014 pour le Maroc, 2012 pour le Pérou, 2011 pour l’Afrique du Sud, le Chili et la Turquie et 2010 pour la Jordanie, la Tunisie et le Viet Nam. Panel B : année 2000 sauf pour la Jordanie, la Turquie, le Maroc et le Viet Nam (2001). Les données ne sont pas disponibles pour la Corée, l’Espagne et la Malaisie.

Source : Panel A, base de données statistiques des Nations unies, http://unstats.un.org/unsd/mdg/Metadata.aspx?SeriesId=580; Panel B : HCP (1986, 2002 et 2016a).

 https://doi.org/10.1787/888933476229

Les inégalités économiques sont restées stables au cours des dernières années

Depuis le début des années 2000, les inégalités des dépenses de consommation restent stables. Les derniers résultats de l’Enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages (ENCDM) de 2014 montrent que le coefficient de Gini, généralement utilisé pour mesurer les inégalités, est estimé à 39.5, sans grande évolution depuis 1985. Les inégalités sont plus grandes en milieu urbain qu’en milieu rural, de l’ordre de 38.8 contre 31.7 (HCP, 2016a). Il s’agit d’un niveau d’inégalités dans la moyenne des pays de comparaison mais supérieurs à ceux de la Tunisie (0.36 en 2010) et de la Jordanie (0.33 en 2010, graphique 4.7). De plus, il faut tenir compte du fait que la mesure des inégalités dans les pays de l’OCDE ainsi que les pays d’Amérique latine se fait par rapport aux revenus. Or, les inégalités de revenu étant généralement plus élevées que celles des dépenses de consommation pour le même pays, on peut conclure que le Maroc fait partie du groupe des pays les plus inégalitaires, parmi les pays de comparaison.

Graphique 4.7. L’inégalité a peu évolué au Maroc depuis 15 ans
1998-2014 ou dernière année disponible
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Notes : Note : Données de 1998 sauf pour la Jordanie et la Malaisie (1997), l’Afrique du Sud et la Tunisie (2000) et la Turquie (2002). Les données datent de 2014 pour le Maroc, de 2013 pour le Chili et le Pérou, de 2012 pour le Maroc, la Pologne, la Turquie et le Viet Nam, de 2011 pour l’Afrique du Sud et de 2010 pour la Jordanie et la Tunisie. Les coefficients de Gini pour la Pologne sont disponibles sur les revenus et les dépenses de consommation. Les données proviennent de la Banque mondiale sauf pour le Maroc (HCP), la Corée, l’Espagne et la Pologne (base de données de l’OCDE sur la distribution des revenus, (revenus disponibles des ménages, après impôts et transferts – www.stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=IDD&Lang=fr.

Source : Banque mondiale (2016), HCP (2016a), OCDE (2016).

 https://doi.org/10.1787/888933476234

L’analyse des courbes d’incidence de la croissance (CIC) montre quatre périodes dans l’évolution des inégalités au Maroc : 1984-90 ; 1990-98 ; 1998-2006 et 2007-14 (graphiques 4.8 et 4.9) L’analyse de l’évolution des dépenses de consommation permet de mesurer la contribution de la croissance à l’évolution des inégalités. De 1984 à 1990, les courbes d’incidence ne montrent pas de schéma clair de l’incidence de la croissance, avec des écarts relativement faibles entre les différents déciles. Sur cette période, l’indice de Gini est resté presque inchangé, estimé à 0.40. De même, sur la période 1990-98, les écarts sont quasiment nuls entre les différents déciles avec un niveau d’inégalité qui est resté stable. Entre 1998 et 2006, la courbe est décroissante pour les neuf premiers déciles de la population, suggérant une répartition plus équitable des fruits de la croissance (HCP, 2010b) alors que la hausse des dépenses des 10 % les plus riches a été nettement supérieure à la moyenne. Le coefficient de Gini a légèrement augmenté, passant de 0.39 en 1998-99 à 0.41 en 2006-07.

Graphique 4.8. L’évolution des inégalités a été irrégulière
Courbe d’incidence de la croissance, taux de croissance nominaux annualisés (pourcentage)
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Notes : Note : Les taux de croissance annualisés des dépenses de consommation finales des ménages ont été ajustés pour s’aligner sur les taux de croissance annuels des dépenses de consommation finales des ménages, par habitant et en MAD courants, tels que calculés dans les comptes nationaux.

Source : Calculs des auteurs sur la base des résultats des enquêtes marocaines (ENNVM 1990/91,1998/99, ENCDM 2000/01, ENNVM 2006/07), HCP (1986, 2000, 2002, 2010b).

 https://doi.org/10.1787/888933476240

Depuis 2007, la croissance a permis de réduire légèrement les écarts de richesse avec les groupes les plus aisés. Entre 2007 et 2014, les dépenses de consommation finales des ménages ont progressé, en moyenne et en nominal, d’environ 4.47 % par an en dirhams marocains (MAD) courants (graphique 4.9). Les niveaux d’inégalités sont restés quasiment stables sur les neuf premiers déciles mais la pente légèrement négative de la courbe d’incidence en fin de distribution montre que les écarts de richesse se sont réduits entre les 10 % les plus riches et le reste de la population. La courbe d’incidence pour la période 2007-14 correspond à un schéma de croissance légèrement progressif.

Graphique 4.9. La croissance a permis de réduire légèrement les inégalités avec les populations les plus aisées
Courbe d’incidence de la croissance, taux de croissance annualisés (2007-14, pourcentage)
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Notes : Note : Les taux de croissance annualisés des dépenses de consommation finales des ménages ont été ajustés pour s’aligner sur les taux de croissance annuels des dépenses de consommation finales des ménages, par habitant et en MAD courants, tels que calculés dans les comptes nationaux.

Source : Calcul des auteurs sur la base de l’ENCDM 2013-14 (HCP, 2016a) et sur l’ENNVM 2006-07 (HCP, 2010b).

 https://doi.org/10.1787/888933476258

Une politique volontariste de lutte contre la pauvreté et les inégalités mais qui reste encore limitée

Jusqu’à récemment, les subventions représentaient les principaux efforts du gouvernement pour soutenir les populations les plus vulnérables. En effet, le paiement des charges de compensations, composées à 86 % de produits pétroliers et 14 % de produits alimentaires (sucre et farine), a représenté jusqu’à 6 % du PIB. Ces subventions facilitaient l’accès à ces produits de base mais l’accroissement des déficits publics a contraint le gouvernement à réformer la Caisse de compensation (chapitre 2).

Le lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) a marqué un tournant avec la mise en place d’une politique sociale plus ciblée. En 2005, le roi Mohammed VI a lancé l’INDH afin de lutter contre la pauvreté et les disparités sociales au travers de nombreux projets de développement. Lors de sa première phase (2005-10), ce programme a ciblé 403 communes en milieu rural pour lutter contre la pauvreté et a engagé des projets dans plus de 260 quartiers pour lutter contre l’exclusion sociale en milieu urbain. Il a été étendu à 702 communes rurales et 532 quartiers urbains pour sa deuxième phase (2011-15), et cible également les catégories d’individus les plus vulnérables ou en situation de précarité. Depuis 2005, plus de 10.3 millions de personnes, dont 4.2 millions de femmes, ont bénéficié de l’INDH, par le biais de 42 000 projets et 10 200 actions de développement pour un investissement global de plus de 37 milliards MAD. L’INDH représente donc un nouvel élan pour la dynamique du développement et de la lutte contre la pauvreté, avec une démarche volontariste et singulière capable de cibler les actions sociales sur ceux qui en ont le plus besoin.

En parallèle, le gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes sociaux pour des populations ciblées. Pour 2016, il a ainsi alloué un montant total de 4.2 milliards MAD dans le Fonds d’appui à la cohésion sociale pour ces programmes (MEF, 2016). Il s’agit du Régime d’assistance médicale (Ramed), de Tayssir, de l’Initiative royale « 1 million de cartables », du soutien aux veuves en situation vulnérable et des programmes d’appui aux personnes à besoins spécifiques.

À l’exception de l’INDH et du Ramed, les impacts de ces programmes sont encore limités, en particulier en raison de leur taille relativement modeste. L’INDH et le Ramed sont les deux programmes sociaux les plus importants en termes de ressources et de couverture. Le Ramed concerne plus de 8 millions de personnes et plus de 10.3 millions de personnes ont bénéficié de l’INDH. En revanche, les programmes plus spécifiques restent limités, tant dans le nombre de bénéficiaires que les sommes allouées (tableau 4.2). Par exemple, malgré une progression régulière, le programme Tayssir ne touche que 2.5 % de la population totale alors que le programme Bolsa Familia au Brésil représente 0.3 % du PIB et touche près du quart de la population (OCDE, 2012).

Tableau 4.2. Les principaux programmes sociaux

Caractéristiques

Budget

Nombre de bénéficiaires

INDH

Phase 1 de 2005 à 2010 ;

Phase 2 de 2011 à 2015.

10 milliards MAD (Phase 1) ; 17 milliards MAD (Phase 2), soit 0.4 % du PIB par an

9.75 millions de personnes dont 50 % en milieu rural.

Fonds solidarité Habitat et intégration urbaine

Lutte contre l’habitat insalubre, amélioration de la politique de la ville et contribution à l’urbanisation.

Sur la période 2012-14, 2.42 milliards MAD par an

290 000 ménages en 2014 (approx.)

Fonds d’entraide familiale

Aide pour les versements d’avances au titre de la pension alimentaire

18 milliards MAD (2013)

22 milliards MAD (2014)

4 901 femmes divorcées

Fonds d’appui à la cohésion sociale (FACS) :

Programme Tayssir

Aide aux enfants scolarisés issus de milieux défavorisés

500 milliards MAD (2015)

825 000 enfants / 475 000 familles (2013-14)

• I’Initiative Royale « 1 million de cartables »

Aide aux enfants scolarisés issus de milieux défavorisés

100 milliards MAD (2015)

3.9 millions d’enfants (2013-14)

Ramed

Couverture maladie pour les plus démunis

1 830 milliards MAD (2015)

8.5 millions (décembre 2015)

Assistance aux personnes à besoins spécifiques

Aide pour les personnes en situation de handicap

50 milliards MAD (2015)

Allocation aux veuves démunies

Lancée en 2016

200 à 320 000 veuves

Source : Source : MEF (2016) Projet de Loi de finances pour l’année 2016, http://www.finances.gov.ma/Docs/DB/2016/cst_fr.pdf.

Malgré la baisse des niveaux de pauvreté, la classe moyenne est encore faible

La classe moyenne ne représente qu’un quart de la population. Celle-ci revêt différentes formes en fonction de la méthodologie utilisée. Il est communément admis qu’un ménage appartient à la classe moyenne à partir d’un revenu par personne de 10 USD (PPA en 2011). En 2007, et en suivant cette méthodologie, les 20 % les plus riches appartiendraient à la classe moyenne (HCP, 2009). Une étude de 2015 publiée par Pew Research Center établit des comparaisons dans les pays en développement sur la base du niveau de revenu par personne supérieur à 10 USD (PPA 2011). Selon cette étude, et sur la base des données de consommation de 2007 actualisées, une personne sur quatre dispose d’un revenu supérieur ou égal à 10 USD au Maroc (PPA 2011 ; graphique 4.10). Il s’agit d’un niveau relativement modeste, compte tenu du niveau de développement du Maroc et des pays de comparaison. La classe moyenne représente 33 % de la population en Tunisie, 52 % en Turquie et plus de 60 % en Jordanie.

Graphique 4.10. Une classe moyenne encore embryonnaire
Proportion de la population ayant un revenu supérieur ou égal à 10 USD PPA 2011
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Source : Kochhar (2015) « A Global Middle Class Is More Promise than Reality », www.pewglobal.org/2015/07/08/a-global-middle-class-is-more-promise-than-reality/. Pour le Maroc, il s’agit des données de consommation de 2007 actualisées.

 https://doi.org/10.1787/888933476265

Cette classe moyenne, qui reste embryonnaire, ne joue pas encore le rôle de locomotive au développement. Les ménages qui en font partie possèdent en général les principaux biens durables, ont des emplois salariés et investissent massivement dans l’éducation et la santé. La seule étude réalisée sur le profil sociologique des classes moyennes la définit comme les ménages dont le revenu mensuel se situe entre 0.75 fois le revenu médian et 2.5 fois le revenu médian, ce qui représenterait 53 % de la population (HCP, 2009). Les bornes choisies par le HCP sont relativement larges et incluent ainsi les franges de la population dont les dépenses annuelles moyennes par personne sont comprises entre 5.7 et 10 USD PPA de 2011. Ce type de population présente des niveaux de dépenses de consommation trop faibles pour tirer la croissance économique. De plus, seulement la moitié d’entre elle occupe un emploi salarié (51 % en 2007) et tous ne possèdent pas les biens durables de base (trois ménages sur dix n’ont pas de réfrigérateur par exemple ; HCP, 2009).

Les défaillances actuelles des secteurs sociaux renforcent les inégalités

Le secteur de la santé doit relever un certain nombre de défis pour éviter d’accroître les inégalités

En inscrivant le droit à la santé dans la Constitution, le royaume s’est engagé à se lancer dans une modernisation du système de santé. Les réformes visent à le rendre plus juste, plus performant et plus efficace. Les progrès en matière d’indicateurs de santé ont été considérables ces dernières années mais il reste un certain nombre de défis à relever, notamment en matière de réduction des inégalités tant spatiales que socio-économiques, pour répondre aux attentes des populations. L’état de santé des individus affecte en effet directement la qualité de vie avec des répercussions importantes sur différents aspects du bien-être. Des citoyens en bonne santé auront tendance à avoir une vie sociale plus active et à mieux s’insérer dans le système éducatif et sur le marché de l’emploi.

Les dépenses publiques de santé ont progressé au cours des dernières années, mais peuvent s’avérer insuffisantes au regard des retards accumulés. Les dépenses publiques de santé ont considérablement augmenté ces dernières années (+44 % entre 2000 et 2013, l’une des plus fortes progressions au sein des pays de comparaison, après la Corée) pour se situer à un taux de 6.2 % du PIB en 2013 (CESE, 2013a). Cette proportion est relativement satisfaisante par rapport aux standards internationaux. Cependant, les dépenses du ministère de la Santé dans le budget général de l’État restent faibles, à hauteur de 4.8 % en 2013 contre 10.4 % en Tunisie, 10.6 % en Algérie et 16.3 % en Jordanie sur la même période. Le financement public du système de santé semble donc insuffisant. La transition démographique du pays pourrait aggraver ces problématiques de financement (allongement de la durée de vie avec prise en charge de maladies de longue durée). En 2030, plus de 15 % de la population devrait avoir plus de 60 ans.

Les indicateurs de santé sont en progression mais restent très inégalitaires

Au cours des dernières années, les indicateurs de santé se sont significativement améliorés : une espérance de vie allongée, une transition épidémiologique engagée et une fécondité maîtrisée. Les Marocains vivent en moyenne 75.5 ans aujourd’hui, selon les données du recensement général de 2014, une espérance de vie élevée (graphique 4.11). Les différences entre les genres sont faibles (74.5 ans pour les hommes contre 76.4 pour les femmes). De plus, les décès pour cause de maladies transmissibles (104 pour cent mille habitants en 2008; OMS, 2016) sont cinq fois plus faibles que les décès pour cause de maladies non transmissibles (597 pour cent mille habitants en 2008 ; OMS, 2016). Enfin, l’indice de fécondité est aujourd’hui stabilisé autour de 2.2 enfants par femme selon le recensement de 2014, alors qu’il s’élevait encore à 5.68 en 1980. Cette évolution s’explique entre autres par l’augmentation de l’âge du mariage et à la réussite d’un vaste programme de planification familiale.

Graphique 4.11. L’espérance de vie est en moyenne élevée mais néglige le nombre d’années « mal vécues »
Espérance de vie corrigée de l’incapacité, 2014
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Source : Banque mondiale (2016) et HCP (2015b).

 https://doi.org/10.1787/888933476277

Cependant, les inégalités spatiales et le nombre d’années « mal vécues » relativisent la performance du Maroc. En effet, les personnes habitant en milieu rural vivent en moyenne cinq années de moins que celles habitant en ville (72.6 contre 77.8 ans ; HCP, 2015b). De plus, l’espérance de vie peut être corrigée du nombre d’années « mal vécues » à cause de la maladie et du handicap ou d’années « perdues » en cas d’une mort précoce. On parle alors d’espérance de vie corrigée de l’incapacité (Disability Adjusted Life Years). Les Marocains vivent en moyenne 62.1 années en bonne santé, un chiffre inférieur à la plupart des pays de comparaison. Les Marocains peuvent ainsi espérer vivre plus longtemps que les Tunisiens ou les Jordaniens (74.8 contre 73.6 et 73.9 ans respectivement) mais en moins bonne santé (61.1 contre 66 et 64 ans respectivement en 2012 ; OMS, 2016). C’est surtout le nombre d’années vécues avec un handicap ou une maladie qui pénalise les Marocains dans ce mode de calcul. Le nombre d’années « mal vécues » avoisine ainsi 13.5, l’un des taux les plus élevés parmi les pays de comparaison.

Les indicateurs de santé relatifs à la mortalité maternelle et infantile se sont considérablement améliorés au cours des dernières années. Les indicateurs de mortalité infantile (décès avant l’âge d’un an) sont passés de 40 à 28.8 pour mille naissances vivantes entre 2003 et 20114 (ministère de la Santé, 2005, 2012a). La tendance est similaire pour les taux de mortalité infanto-juvénile, passés de 47 à 30.5 pour mille naissances vivantes entre 2003 et 2011. Les programmes de prévention et de lutte contre les maladies, notamment via le programme de vaccination obligatoire, ont été particulièrement efficaces dans l’amélioration de ces indicateurs. Les indicateurs de mortalité maternelle se sont également améliorés, passant de 359 à 112 pour cent mille naissances vivantes au cours des trente dernières années (HCP, 2011a).

En revanche, la progression de ces indicateurs n’a pas encore permis de rattraper le retard accumulé et enregistre d’importantes disparités. Malgré la tendance observée ces dernières années, les performances des indicateurs de mortalité juvénile et maternelle restent inférieures à celles des pays comparateurs (graphique 4.12). Les taux de mortalité infanto-juvénile affichent également d’importantes disparités entre milieux urbain et rural (25.4 pour mille naissances en milieu urbain contre 35 en milieu rural ; ministère de la Santé, 2012b). Ces disparités régionales sont encore plus marquées si l’on regarde les indicateurs de mortalité maternelle. Les décès en milieu rural sont deux fois plus importants qu’en zone urbaine (148 contre 73 décès pour cent mille naissances vivantes en milieu urbain en 2010). Les difficultés d’accès aux soins en milieu rural pourraient justifier de telles disparités.

Graphique 4.12. Les taux de mortalité juvénile et de mortalité maternelle restent élevés
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Source : Données Banque mondiale et ministère de la Santé 2005 et 2012a.

 https://doi.org/10.1787/888933476282

Les progrès des indicateurs de santé n’ont pas permis d’atteindre tous les OMD. En 2015, les experts internationaux estiment que l’objectif de réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans (OMD 4 avec un objectif cible de 25) serait atteint (HCP, 2015a). Dans son plan d’action 2012-16, le ministère de la Santé cible des objectifs plus ambitieux que les OMD dans ce domaine avec un taux de mortalité infantile fixée à 20 pour mille naissances. L’objectif 5 relatif à l’amélioration de la santé maternelle (réduction des deux tiers du taux de mortalité maternelle) n’a pas été atteint. Le HCP estime que l’accent devra être mis sur l’augmentation de la couverture maladie et la réduction des inégalités pour atteindre ces objectifs de santé.

Enfin, la population couverte par un système d’assurance maladie est en progression régulière. Depuis 2002, le pays s’est engagé dans une vaste réforme de son système de santé afin d’offrir à l’ensemble de la population une couverture maladie de base. Depuis cette date, les salariés et les retraités du secteur public et privé, ainsi que leurs ayants droit, sont couverts par l’ Assurance maladie obligatoire de base (AMO) qui couvre aujourd’hui 11 millions de personnes, soit 36 % de la population totale (ministère de la Santé, 2012b). Depuis 2012, les personnes qui n’étaient pas couvertes par le régime de l’AMO et qui sont économiquement démunies sont couvertes par le Ramed (encadré 4.3). Début 2016, environ 9 millions de personnes sont inscrites au Ramed, soit 28 % de la population totale. Ces réformes ont donc été salutaires car la part de la population bénéficiant d’une couverture maladie est passée de 15 % en 2005 à 64 % fin 2015 (population couverte par la Ramed et l’AMO). Cette progression de 49 points de pourcentage est remarquable. Le Mexique a réussi à enregistrer un taux de progression similaire lors de la mise en place du programme Seguro Popular qui a permis de faire passer la couverture médicale de 49 % en 2002 à 98 % fin 2011 (Knaul et al., 2012).

Encadré 4.3. Quel bilan pour le Ramed quatre ans après son adoption ?

Le Ramed a été adopté et généralisé en 2012 afin d’offrir une couverture aux plus démunis. Il est géré par l’Agence nationale de l’assurance maladie (Anam) et attribué sur la base de critères d’éligibilité. Les personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit 3 767 MAD par personne et par an, représentent 84 % des bénéficiaires. Les personnes vivant sous le seuil de vulnérabilité, soit 5 650 MAD par personne et par an, représentent 16 % des bénéficiaires. Début 2016, les objectifs du Ramed en termes de nombre de bénéficiaires ont été atteints. Cependant, la couverture de l’assistance médicale est relativement inégale selon les régions et les milieux de résidence.

Sur la base des critères de ressources déclaratifs, les Marocains peuvent obtenir une carte de Ramed et bénéficier de la gratuité des soins dans l’ensemble des établissements de santé publics. Il s’agit donc d’une avancée sociale considérable dans le domaine de la santé mais qui présente un certain nombre de défis :

  • La généralisation du Ramed ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de l’offre de soins. Ainsi, les centres de soins publics manquent de ressources financières et humaines pour faire face à la demande de soins additionnels.

  • Il persiste une série de dysfonctionnements qui risque de menacer la pérennité financière de ce système, notamment dans le cadre de l’élargissement du nombre d’affiliés et des demandes induites. L’État, les collectivités locales et les bénéficiaires assurent le financement du Ramed mais jusqu’à présent, la participation financière des collectivités locales et des bénéficiaires directs (uniquement pour ceux vivant sous le seuil de vulnérabilité) est restée inférieure aux prévisions (17 % contre 55 % attendus).

  • La gratuité totale des soins peut avoir un certain nombre d’effets pervers, comme la multiplication des soins.

  • Enfin, les méthodes de ciblage pour l’identification des assurés du Ramed pourraient être améliorées. Les données d’éligibilité utilisées sont parfois anciennes et ne reflètent plus nécessairement la réalité économique et sociale du ménage. De plus, le caractère déclaratif des revenus peut donner lieu à des sous-estimations de la part des demandeurs et des tentatives de fraudes de la part de personnes non éligibles qui se déclarent assurées du Ramed. Enfin, le système d’authentification de l’identité de l’assuré gagnerait à être mieux relié au système d’information associé à la carte nationale d’identité.

Début 2016, le ministère de la Santé s’est engagé sur un budget supplémentaire d’un milliard MAD pour améliorer la gestion du Ramed et permettre l’acquisition de nouveaux matériaux en milieu rural. À plus long terme, l’introduction du ticket modérateur, la hausse des contributions des collectivités locales ou la mise en place d’un système numérique de traçabilité des soins pourraient être envisagées.

Source : Propos recueillis en avril 2016 auprès de l’Anam et du ministère de la Santé.

Cependant, ce taux de couverture maladie reste faible en comparaison avec d’autres pays et néglige une frange importante de la population. Les indépendants, professions libérales incluses, ne sont pas encore couverts par un système d’assurance médical public, soit plus de 35 % de la population en 2016. Ce taux témoigne du retard à rattraper en termes de couverture maladie. À titre de comparaison, la Tunisie affichait des taux de couverture de 80 % en 2005 et la couverture était quasiment universelle en 2010. Le Maroc a réalisé d’importantes réformes à ce sujet : le projet de Loi 98-15 relatif à l’AMO, adopté en 2016, prévoit une extension de la couverture maladie pour les travailleurs indépendants et les non-salariés exerçant une profession libérale. Ce nouveau régime, qui sera géré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), n’était pas encore opérationnel fin 2016.

Les dysfonctionnements du système de santé accentuent les inégalités économiques et spatiales

L’organisation du système de santé est dominée par un secteur public très centralisé qui semble avoir atteint ses limites. Avec 80 % de la capacité litière et environ 60 % des médecins (CESE, 2014a), le secteur public concentre la plus grande offre de soins qui se répartit entre Centres hôpitaux universitaires, hôpitaux régionaux et établissements de soins de santé de base (ESSB). L’administration centrale du ministère de la Santé décide et gère les ressources pour l’ensemble des ESSB. Jusqu’à récemment, la répartition territoriale du réseau d’ESSB pouvait présenter certaines incohérences qui ont conduit à la fermeture de 143 centres de santé et à la faible fréquentation d’un certain nombre d’établissements (CESE, 2013b). De plus, le manque de compétences au niveau local rend parfois difficile la gestion opérationnelle de l’offre de soins. La régionalisation pourrait apporter une certaine souplesse dans l’administration des ESSB (CESE, 2014b).

Le Maroc souffre d’un manque de personnel médical. Le statut de médecin généraliste n’est plus particulièrement valorisé et la longueur de la formation, conjuguée aux capacités d’accueil restreintes des facultés de médecine, dissuade bon nombre d’étudiants. Seulement 3 % d’entre eux s’orientent vers des études de médecine, contre plus de 10 % en Amérique latine. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que le Maroc fait partie des 57 pays du monde qui présentent une pénurie aigüe en personnel soignant, avec un déficit estimé à 9 000 infirmiers et 7 000 médecins (ministère de la Santé, 2014).

Cette pénurie est particulièrement forte en zone rurale alors que l’offre de soins est très concentrée. La répartition des ESSB présente une grande disparité entre régions et au sein même d’une région (CESE, 2013b). La mise en place récente de la carte sanitaire devrait permettre de remédier à certains de ces déséquilibres. Cependant, au sein de chaque région, les zones rurales sont particulièrement délaissées par les professionnels soignants. Le gouvernement a mis en place différents systèmes pour repeupler les zones rurales en personnel médical (service médical obligatoire, système de scoring et incitations financières) qui s’additionnent aux structures de santé « mobile ». Néanmoins, ces efforts s’avèrent insuffisants pour obtenir une offre de soins équilibrée sur l’ensemble du territoire. À l’inverse, l’offre de soins publique est largement concentrée dans les zones urbaines de l’axe Casablanca-Rabat-Kenitra-Tanger, où le secteur médical privé s’est également le plus développé.

Graphique 4.14. Le Maroc manque de personnel médical
2014 ou dernière année disponible
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Source : BIT (2014), World Social Protection Report 2014/15, www.ilo.org/global/research/global-reports/world-social-security-report/2014/lang--en/index.htm.

 https://doi.org/10.1787/888933476308

De plus, l’accès aux soins reste difficile en milieu rural. Seulement 30 % de la population a accès à un ESSB dans un périmètre de moins de cinq kilomètres, contre 100 % de la population urbaine. Le Conseil économique social et environnemental (CESE) estime que l’accès aux ESSB demeure excessivement difficile pour près de 24 % de la population, du point de vue géographique. Cette faible accessibilité peut être aggravée par des problèmes d’offre de transport et de dysfonctionnements organisationnels propres au système de santé (CESE, 2013b).

Enfin, l’accès aux soins s’avère également coûteux. Les dépenses directes des ménages s’élevaient à 53.6 % en 2010, un des taux les plus élevés au sein de pays de comparaison. Ce taux a légèrement baissé par rapport à 2006 (57.4 % en 2006 ; ministère de la Santé, 2012a) mais reste loin de l’ambition du gouvernement de réduire la part des dépenses directes à 25 % d’ici 2025 et de prendre totalement en charge les affections de longue durée. La cherté des médicaments (faible pénétration des génériques et remboursements partiels) expliquent en partie la proportion élevée des dépenses directes et représentent près de la moitié des dépenses totales de santé (CESE, 2013b). Le panel B du graphique 4.13 montre bien que même si les Marocains bénéficient d’une couverture maladie, celle-ci reste très limitée car elle ne couvre que 18.8 % des dépenses de santé totales. La généralisation de la couverture maladie au reste de la population devrait permettre dans une certaine mesure d’accroître cette proportion. De plus, dans le cadre de sa politique pharmaceutique nationale, le ministre de la Santé a lancé un vaste programme de baisse du prix des médicaments (2 600 médicaments seraient concernés depuis la promulgation du décret 2.13.852 de 2013).

Graphique 4.13. Un taux de couverture maladie en progression mais qui reste encore faible
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Note : Les données datent de 2015 pour le Maroc ; de 2011 pour le Chili et la Turquie ; de 2010 pour l’Afrique du Sud, la Corée, l’Espagne, la Malaisie, la Pologne, la Tunisie, le Viet Nam ; de 2006 pour la Jordanie.

Source : Données fournies par le Maroc, BIT (2014), World Social Protection Report, 2014-15.

 https://doi.org/10.1787/888933476290

La cherté des soins expose les ménages pauvres à une plus grande vulnérabilité. D’après l’enquête de l’Observatoire national du développement humain (ONDH) de 2012, 60 % des Marocains invoquent le manque de moyens pour justifier du non recours à une consultation (ONDH, 2012). Cette proportion grimpe à 70 % pour les Marocains appartenant au premier quintile (ONDH, 2012). Une autre enquête de l’ONDH5 fait également un constat similaire : plus de 60 % des personnes interrogées rapportaient des difficultés financières dans le paiement des frais médicaux (ONDH, 2010). Cette barrière financière expose les ménages à un risque élevé de dépenses catastrophiques (en cas de maladies graves et/ou longues) et peut contribuer à creuser les inégalités.

Graphique 4.15. Les dépenses de santé directes sont élevées
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Source : OMS (2016), ministère de la Santé (2014), CESE (2013b).

 https://doi.org/10.1787/888933476312

La crise de confiance envers le système de santé public sous-tend l’apparition d’un système à deux vitesses avec un secteur privé en plein essor

Compte tenu des dysfonctionnements du système de santé public, les Marocains sont très critiques à l’égard du système de santé national. Les indicateurs relatifs à l’offre de soins et à l’utilisation des services de santé dans le secteur public laissent donc apparaître une insuffisance quantitative et une répartition déséquilibrée à travers le territoire, avec des écarts importants entre milieux de résidence et des prestations de soins inadaptées. L’ensemble de ces dysfonctionnements concourt à alimenter un certain discrédit dont souffre actuellement le système de santé. Les documents stratégiques du ministère de la Santé soulignent l’importance de restaurer un climat de confiance entre les différentes parties prenantes mais surtout entre les professionnels de santé et les patients (ministère de la Santé, 2012b). Le travail mené par l’ONDH en 2010 et les enquêtes internationales Gallup mettent également en avant l’insatisfaction de la population à l’égard du système de santé. En 2015, le pourcentage de personnes se déclarant satisfaites de l’offre de soins s’établissait à 26 %, un chiffre en baisse par rapport à 2011.

Les cas de corruption se sont banalisés dans le secteur de la santé. La gouvernance très centralisée et la pénurie aiguë en personnel qualifié ont conduit à une progression régulière de la corruption dans le secteur de la santé, généralement préservé des cas de corruption au niveau international. Selon le dernier baromètre de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Transparency International, 77 % des personnes interrogées considèrent que la corruption est élevée dans le secteur de la santé et plus d’une personne sur deux, en contact avec ce secteur, a payé un pot-de-vin pour bénéficier de prestations de soins (Transparency International, 2013). D’autres formes de corruption existent avec les cas de favoritisme ou les avantages en nature. La corruption est plus marquée dans les établissements de santé publics et dans les grandes villes. Elle concerne toutes les prestations de soin, notamment l’octroi de certificats médicaux, l’admission aux établissements de soins et la planification des interventions chirurgicales (INPPLC, 2011).

Dans un tel contexte, plus de la moitié des Marocains délaissent le secteur public pour se tourner vers le secteur privé, en plein essor avec près de la moitié des médecins et 90 % des pharmaciens et des chirurgiens-dentistes (CESE, 2013b). Ainsi, au niveau national, plus de la moitié des consultations se fait désormais dans le secteur privé (cabinet privé, clinique privée ou contacts directs avec un pharmacien ; ONDH, 2012). Cette tendance est légèrement plus prononcée dans le milieu urbain et concerne principalement les plus privilégiés : plus de 72 % des Marocains issus des classes les plus favorisées se font soigner dans le privé (ONDH, 2012). Cependant, près de 45 % des personnes les plus pauvres se font également soigner dans le secteur privé, soit une proportion importante de la population, considérant les coûts associés aux prestations de soins privées. Le recours aux prestations privées s’accroît également avec le niveau d’instruction du chef de famille (graphique 4.16, panel B). La progression du secteur médical privé, même au niveau des classes intermédiaires, conduit à une sous-utilisation des infrastructures de santé publiques (CESE, 2013b). À terme, on peut donc craindre l’apparition d’un système dual avec d’un côté ceux qui disposent des ressources financières pour se faire soigner et de l’autre, ceux qui en sont naturellement exclus.

Graphique 4.16. Le recours aux prestations de santé privées augmente avec le revenu et le niveau d’instruction
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Source : Calculs de l’OCDE sur la base des résultats de l’Enquête panel des ménages de l’ONDH, 2012.

 https://doi.org/10.1787/888933476325

La réforme du système éducatif public pourrait rendre la société plus inclusive

La réforme de l’éducation érigée comme nouvelle priorité nationale

Le gouvernement a largement investi dans l’éducation au cours de la dernière décennie afin de rattraper son retard et d’atteindre les objectifs énoncés dans la Charte nationale d’éducation et de formation (Cnef). Depuis 1963, l’école est obligatoire au Maroc de 6 à 15 ans (révolus), mais dans les faits, la scolarisation jusqu’à la fin du collège est loin d’être généralisée. La Cnef, adoptée en 2000, présente la réforme du système éducatif et définit les orientations stratégiques pour les sous-secteurs de l’enseignement durant « la décennie de la réforme de l’éducation ». L’adoption de cette Charte marque l’avènement de l’éducation comme nouvelle priorité nationale et levier du développement. À l’issue de la période 2000-08, le gouvernement a lancé le Programme d’urgence de réforme du système éducatif pour la période 2009-12, afin d’accélérer les réformes et de poursuivre les objectifs annoncés dans la Cnef qui n’avaient pas encore été atteints. L’année 2015 a été marquée par l’adoption par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) d’une nouvelle vision stratégique qui devrait guider la réforme à l’horizon 2030.

Cette volonté de réforme s’est traduite par une augmentation du budget de l’éducation nationale, multiplié par cinq entre 2000 et 2015 pour atteindre 46 milliards MAD en 2015, soit le quart du budget général (MEF, 2016). Ces dépenses représentent 6 % du PIB, un taux désormais supérieur à la moyenne mondiale et en ligne avec les pays de comparaison, en hausse de 1 point depuis les années 2000. L’augmentation des dépenses de fonctionnement s’est fortement accélérée en 2009, année de lancement du Programme d’urgence.

À l’exception du cycle primaire, l’accès à l’éducation peine à se généraliser et cache de profondes disparités

L’accès au préscolaire, loin d’avoir atteint l’objectif de généralisation, constitue un puissant facteur de renforcement des inégalités d’accès et de réussite. Il influence positivement le bien-être des enfants et la réussite scolaire, particulièrement au niveau du cycle secondaire. Le taux moyen national de préscolarisation est estimé à 62.8 % en 2012, mais affiche des disparités importantes, de l’ordre de 35 points de pourcentage, entre le milieu urbain et rural (44 % des enfants scolarisés en zone rurale contre près de 79 % dans les villes ; MEN, 2013). Le gouvernement s’est fixé un objectif de généralisation à l’horizon 2015, alors que la place que le ministère de l’Éducation accorde à ce cycle d’enseignement reste faible. Dans les milieux urbains, ce niveau d’enseignement est largement dominé par le secteur privé, ce qui accroît les inégalités des chances dès le plus jeune âge. Dans les faits, l’accès à l’enseignement préscolaire est quasiment généralisé pour les catégories socioprofessionnelles supérieures (90.4 % pour les enfants dont le père a bénéficié d’un enseignement supérieur) alors que ce taux ne dépasse pas 13 % pour les enfants des catégories inférieures, les exploitants agricoles notamment (HCP, 2011b). De plus, les deux tiers des effectifs, notamment en zones rurales, sont inscrits dans les établissements traditionnels (coraniques) qui reçoivent un enseignement différent de celui des structures gérées par le ministère (crèches et garderies) ou le secteur privé.

Encadré 4.4. La nouvelle vision stratégique de la réforme du système éducatif 2015-30

Cette vision a pour finalité de construire une école nouvelle sur trois grands fondements : l’équité et l’égalité des chances, la qualité pour tous et la promotion de l’individu et la société. Afin de renforcer les acquis et de proposer des solutions pour les questions transversales, elle comprend 23 leviers stratégiques développés à travers quatre axes :

  • Pour une école de l’équité et de l’égalité des chances qui vise à généraliser un enseignement préscolaire obligatoire, à développer l’accès à l’école en milieu rural et périurbain et à assurer le droit d’accès à l’éducation et à la formation pour tous.

  • Pour une école de qualité pour tous : cet axe exige de refondre les métiers de l’éducation et de la formation, la révision des curricula, des programmes et des méthodes pédagogiques, l’adoption d’un nouveau dispositif linguistique, la valorisation de la formation professionnelle, le respect des règles de bonne gouvernance et la promotion effective et continue de l’université, de la recherche scientifique et de l’innovation au service du développement et de l’arrimage à la société du savoir.

  • Pour une école de la promotion de l’individu et de la société : la nouvelle stratégie insiste sur l’attachement des citoyens à l’identité nationale, aux fondements et aux valeurs religieuses et nationales du Maroc. La nouvelle stratégie vise également à promouvoir l’adéquation des formations aux nouveaux métiers, et à ceux du futur, afin d’assurer aux lauréats les meilleures chances de réussite, d’intégration dans la société et de contribution au développement de leur pays.

  • Pour un leadership efficient et une nouvelle conduite du changement, la mise en œuvre des 23 leviers stratégiques est tributaire de deux conditions de succès. La première repose sur une mobilisation pérenne de l’ensemble de la société pour le renouveau de l’école. La deuxième implique une vision portée par des acteurs de haut niveau capables de conduire le changement sur toutes les composantes de l’école.

Source : CSEFRS, 2014a

La généralisation de l’enseignement primaire, un cycle de six niveaux accueillant officiellement les élèves âgés de 6 à 11 ans, est quasiment atteinte. L’accès y est presque universel avec un taux net moyen de scolarisation de 99.2 % en 2013, alors que dans les années 1990, ce taux évoluait entre 50 et 70 %. Cet accomplissement majeur place le Maroc au-dessus de la moyenne des pays de comparaison. Les efforts se sont avant tout centrés sur la réduction des disparités entre les sexes et les milieux de résidence. Depuis le début des années 2000, le taux net de scolarisation dans le primaire en milieu urbain a quasiment stagné, alors qu’il a progressé de 40 points de pourcentage en milieu rural entre 1997 et 2011. La scolarisation des filles en milieu rural a été particulièrement soutenue, passant de 62 % en 2000 à la quasi universalité en 2013.

Graphique 4.17. À l’exception du primaire, les taux net de scolarisation sont faibles
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Source : Unesco (2015), MEN (2013).

 https://doi.org/10.1787/888933476338

Les efforts du gouvernement pour soutenir l’accès à l’enseignement primaire en milieu rural se sont révélés efficaces. Lancé en 2008, le programme Tayssir de transferts monétaires conditionnels a bénéficié à plus de 828 000 élèves en 2015/16. De plus, les capacités d’accueil des internats, des cantines et transports scolaires ont été renforcés alors que l’Initiative royale « 1 million de cartables » a été étendue auprès de 4 millions d’enfants en 2012 afin de sensibiliser les parents à l’importance de l’enseignement (MEN, 2012). Le ministère a également mis en place des écoles communautaires publiques dans les zones rurales, avec internats et logements pour les enseignants, dont la gestion est généralement prise en charge par des acteurs de la société civile (MEN, 2012). Il est prévu d’accroître le nombre de ces établissements dans les prochaines années.

L’accès à l’enseignement secondaire accuse en revanche de profonds retards et d’importantes disparités, avec un taux net de scolarisation au collège passé de 26.6 % à 58.1 % entre 2000 et 2013 (CSEFRS, 2014b). Ce niveau reste très faible par rapport à celui des pays de comparaison, qui affichent une moyenne de 81 %. Ces chiffres présentent de fortes inégalités en termes de milieux de résidence. Moins d’une fille sur quatre (taux de scolarisation de 23.6 % en 2011/12) est inscrite au collège en milieu rural, contre les trois quarts des filles citadines. Au niveau du lycée, malgré une évolution positive, moins d’un enfant sur trois (29 %) y poursuit sa scolarité (MEN, 2012). Les disparités selon le milieu de résidence sont encore plus marquées à ce niveau d’enseignement. En effet, presqu’un adolescent sur deux vivant en milieu urbain est scolarisé au lycée avec des taux légèrement supérieurs pour les filles. En milieu rural, ces taux s’effondrent à 6 %.

Au-delà de l’accès à l’enseignement, les taux d’achèvement sont particulièrement faibles. Selon le CSEFRS, sur 100 élèves inscrits en première année dans le primaire public en 2002, seulement 34 % sont parvenus à la fin de ce cycle sans aucun redoublement, 19 % à la fin du secondaire collégial et seulement 4 % ont obtenu leur baccalauréat en 2013 sans aucun redoublement (graphique 4.18, panel B).

Graphique 4.18. L’accès à l’éducation masque de profondes disparités et les taux d’achèvement des cycles sont très faibles
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Source : CSEFRS (2014b).

 https://doi.org/10.1787/888933476345

La progression des taux d’achèvement et la généralisation de la scolarisation se heurtent à l’ampleur des déperditions scolaires. Les taux de redoublements sont très importants, notamment au niveau du collège où ils s’élèvent à plus de 16 %. La proportion de redoublements est la plus élevée au sein des pays de comparaison, à l’exception de la Tunisie qui affiche des taux similaires (16.3 % en 2013). Conjugués à l’abandon scolaire, ces taux s’élèvent aux alentours de 25 % au collège et au lycée (ONDH, 2012). Les taux de déscolarisation sont plus élevés en milieu rural et parmi les classes défavorisées. Le Maroc a développé des programmes spécifiques pour lutter contre les problématiques de déscolarisation (accompagnement scolaire, éducation non formelle, appui social). Ces derniers réussissent à absorber environ 30 % des élèves qui abandonnent l’école. En parallèle, le gouvernement a favorisé le développement de la formation professionnelle.

Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres (MESRSFC), dispose d’un budget qui représente 5.1 % du budget général de l’État en 2010. Avec 750 130 étudiants inscrits en 2015/16 (MESRSFC, 2016), l’accès aux études se développe rapidement, tout en ne concernant qu’une minorité de jeunes. Les taux bruts de scolarisation s’élèvent à 22 %, moins qu’en Tunisie (37 %) ou en Jordanie (38 %). Après le secondaire, 95 % des bacheliers s’orientent vers le cursus universitaire, les autres instituts ou écoles supérieures restant très marginaux. Le système compte 15 universités, concentrées dans les grands pôles urbains. La proportion d’étudiantes a beaucoup progressé ces dernières années, représentant près de la moitié des effectifs totaux (47.9 %) en 2015/16 (MESRSFC, 2016). En revanche, les formations universitaires restent généralement théoriques et ne sont pas toujours adaptées aux besoins du marché de l’emploi.

Au regard de l’atteinte des OMD dans le domaine de l’éducation, les performances du Maroc sont mitigées. Certes, la scolarisation universelle dans le primaire a permis de réaliser en partie la cible 2 des OMD (« Assurer l’éducation primaire pour tous ») mais les taux d’achèvement du cycle primaire ne sont pas encore de 100 %. De plus, l’élimination des disparités entre les sexes dans le primaire et le secondaire (cible 3) n’a pas été non plus atteinte, avec des indices de 91 dans l’enseignement primaire en 2014, 81 dans l’enseignement secondaire collégial et 91 dans l’enseignement secondaire qualifiant (HCP, 2015a).

La qualité de l’éducation est très faible et préoccupante pour l’acquisition des compétences de base

Outre les défis relatifs à l’accès à l’éducation, les performances du Maroc sur la qualité de l’enseignement sont médiocres. Des enquêtes internationales existent pour mesurer les performances des élèves des grades 4 (4ème année du primaire) et 8 (2ème année de collège) en sciences et en mathématiques (Trends in International Mathematics and Science Study -TIMSS) et celles des élèves de grade 4 en lecture (Progress in International Literacy Study - PIRLS). Une cinquantaine de pays participent à ces évaluations internationales. Sur la vague d’évaluations menée en 2011, les performances du Maroc sont loin derrière la moyenne internationale estimée à 500 et les résultats des principaux pays comparateurs. Les scores marocains de 2011 évoluent en effet entre 310 en lecture et 371 en mathématiques. Les performances de 2011 se sont globalement dégradées par rapport à 2007 et enregistrent une baisse continue depuis la première participation du Maroc à ces évaluations en 1999. L’adoption prochaine par le Maroc du Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) permettra une évaluation plus suivie des compétences des élèves de 15 ans dans les matières principales.

Graphique 4.19. Les élèves marocains enregistrent de faibles performances aux tests internationaux
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Source : TIMSS (2011) et PIRLS (2011).

 https://doi.org/10.1787/888933476353

Les faibles performances aux tests internationaux s’expliquent en partie par les inégalités socio-économiques. Le graphique 4.20 montre la dispersion des scores de mathématiques de TIMMS (grade 4) au sein d’un échantillon de pays. Les inégalités au Maroc sont les plus élevées parmi les 53 pays participants à TIMMS. Le soutien aux élèves du primaire issus des milieux défavorisés et présentant des difficultés scolaires apparaît comme une stratégie adéquate pour améliorer les résultats et réduire les inégalités scolaires.

Graphique 4.20. Les inégalités de réussite aux tests internationaux sont très élevées
Pays sélectionnés, Scores en mathématiques – Grade 4
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Source : Auteurs sur la base des données TIMMS (2011).

 https://doi.org/10.1787/888933476365

Les évaluations menées au niveau national confirment le retard du Maroc dans l’acquisition des compétences de base. Le CSEFRS a développé le Programme national d’évaluation des acquis (PNEA), qui a mené une première enquête en 2008/09 pour évaluer les acquis des élèves en arabe, en français, en mathématiques et en sciences au niveau de la quatrième et de la sixième année de l’enseignement primaire, ainsi qu’au niveau de la deuxième et de la troisième année de l’enseignement collégial. Dans l’ensemble des matières et à tous les niveaux, les acquis scolaires sont en dessous de la moyenne. Par exemple, les élèves n’ont acquis en moyenne que 23 % du programme de collège en sciences (PNEA, 2008). Le CSEFRS va prochainement adopter son propre système d’évaluation des acquis dès 2016 avec un suivi tous les quatre ans sur la dernière année de l’enseignement primaire et les premières années du collège et du lycée pour suivre l’évaluation des performances au niveau national.

De plus, l’analphabétisme reste un véritable fléau, qui touche en moyenne 32 % de la population, soit 10 millions de personnes (HCP, 2015b), une proportion largement plus importante que dans les pays de comparaison (graphique 4.21, panel A). Le stock actuel de la population non alphabétisée est principalement composé d’une population féminine, âgée et vivant en milieu rural (98 % des femmes rurales de plus de 60 ans et 92 % des femmes rurales de plus de 40 ans). L’analphabétisme touche en moyenne un jeune de 9 à 24 ans sur dix (ONDH, 2012). Dans les campagnes, plus d’une jeune fille sur cinq et plus d’un garçon sur 10 ne sait ni lire, ni écrire en 2012. Ce taux préoccupant risque de s’accroître si le problème de l’abandon scolaire persiste (MEN, 2012).

Graphique 4.21. L’analphabétisme est encore élevé et touche particulièrement les femmes vivant en milieu rural
En pourcentage, 2014 ou dernière année disponible
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Source : Panel A : Banque Mondiale (2016) et HCP (2015b) ; Panel B : ONDH (2012).

 https://doi.org/10.1787/888933476378

Quelques pistes pour comprendre les faibles performances quantitatives et qualitatives du système scolaire

Les défaillances du système éducatif se conjuguent entre elles. Les résultats sont alarmants : le niveau des acquis est faible, les taux de décrochage élevés, les taux de participation au niveau du secondaire très bas et l’articulation avec le monde professionnel non immédiate. Plusieurs éléments peuvent être évoqués pour justifier ces lacunes.

Le rattrapage des retards accumulés dans le système éducatif s’est principalement concentré sur l’enseignement primaire. Avant l’adoption du Programme d’urgence, le Maroc avait accumulé un certain retard dans son système éducatif. Dans les années 90, le budget de l’éducation nationale représentait en moyenne moins de 5 % du PIB par an (Banque mondiale, 2016). Le nombre moyen d’années de scolarisation plafonnait à 3.5 années, avec seulement une année de scolarisation en moyenne dans les zones rurales (Barro et Lee, 2013). Les moyennes étaient nettement supérieures en Tunisie ou en Jordanie, à 5 et 7.5 années respectivement en 1995. À partir des années 2000, les efforts se sont concentrés sur la généralisation de l’enseignement primaire. Le coût de fonctionnement par élève au primaire a augmenté de 60 % entre 2001 et 2011, passant de 2 986 à 4 823 MAD constants (CSEFRS, 2014b). Sur la même période, le coût de fonctionnement par élève au collège n’a progressé que de 20 % et celui afférant au cycle d’enseignement secondaire qualifiant a baissé. Cette évolution a permis d’atteindre la généralisation de l’enseignement primaire tout en « négligeant », dans une certaine mesure, les autres cycles d’enseignement qui peinent à rattraper le retard accumulé.

L’enseignement primaire souffre d’un problème de qualité qui se répercute sur les autres cycles d’enseignement. L’évaluation nationale des acquis de 2008 (PNEA) a montré les lacunes des élèves dans l’acquisition des connaissances base. Une grande partie des élèves ne les ayant pas acquises se retrouvent contraints d’abandonner leur scolarité avant ou en cours d’enseignement secondaire. De plus, compte tenu des forts taux de redoublement, les élèves atteignent l’âge de la fin de scolarité obligatoire sans avoir achevé le secondaire qualifiant.

Le système éducatif souffre d’un problème de gouvernance qui ne permet pas une mobilisation forte des différents acteurs. Avant l’adoption de la Cnef en 2000, il n’existait pas de véritable stratégie sur l’éducation, assortie d’un plan d’actions cohérent, capable d’accompagner la mise en œuvre de réformes de profondeur. De plus, la gestion du système éducatif est très centralisée, sans participation active des collectivités locales et des chefs d’établissements dans la gestion opérationnelle des établissements. Le CSEFRS souligne d’ailleurs le manque d’implication des différents acteurs concernés par l’enseignement. Par exemple, il déplore le fait que les enseignants, les représentants des conseils municipaux et des associations de parents d’élèves ne participent pas au conseil de gestion de l’école, censé épauler le directeur.

L’organisation et le climat de l’école ne permettent pas d’apprendre efficacement. En moyenne, le ratio élèves par enseignant s’élève à 27.5 en 2013, un taux souvent supérieur à celui des pays de comparaison (17 en Tunisie et 11 en Malaisie ; Banque mondiale, 2016). De plus, près de 25 % des classes sont à plusieurs niveaux, une proportion qui a augmenté au cours de la dernière décennie. Enfin, dans certaines écoles, le climat n’est pas propice à l’apprentissage. Plus de 60 % des élèves en quatrième année du primaire et près de 50 % des élèves en deuxième année de collège fréquentent des écoles où les problèmes de discipline et de sécurité sont fortement présents (absentéisme, retard, tricherie, vandalisme, menaces, etc. ; CSEFRS, 2014b sur la base des enquêtes TIMMS et PIRLS de 2011).

Les réformes sur la formation des enseignants et des programmes pédagogiques sont encore récentes et font état de dysfonctionnements dans leur mise en œuvre. Le dispositif de formation a été réformé en 2007 mais n’a pas encore donné de résultats probants (CSEFRS, 2014b). De plus, la mise en œuvre de la réforme pédagogique, préconisée par la Cnef, s’est concrétisée par la réorganisation des cycles d’éducation et de formation, par la refonte des programmes et des manuels scolaires, ainsi que par l’introduction des TIC dans les enseignements. Ces différentes réformes sont soutenues par les enseignants mais leur mise en œuvre a pu entraîner un certain nombre de dysfonctionnements pénalisant leur efficacité. Dans son rapport, le CSEFRS met en avant l’insatisfaction générale des enseignants quant à la mise en application de la Charte de l’éducation et du Programme d’urgence qui illustre le décalage entre les textes de référence et le quotidien de la vie scolaire (CSEFRS, 2014b).

La valorisation de l’enseignement peine à se généraliser. Au-delà des raisons immédiates, l’image de l’école n’est pas toujours valorisée, notamment au sein des familles les plus défavorisées. D’après les résultats de l’enquête panel de l’ONDH, plus de 25 % des ménages avec enfant en milieu rural ont au moins un enfant non scolarisé. Cette proportion est plus importante pour les ménages qui comprennent des filles. Certaines familles rurales préfèrent en effet que leurs filles restent à la maison plutôt qu’elles ne prennent le chemin de l’école pour éviter de les mettre en danger. L’éloignement de l’école est en effet la principale raison avancée pour justifier de l’arrêt des études pour les filles (22 %), contre 12 % pour les garçons vivant en zones rurales alors que certains membres de la famille expriment clairement leur refus quant à la poursuite de la scolarité des filles du ménage (18 % des raisons évoquées). Dans une moindre mesure, la faible attractivité de l’école concerne également les garçons. Ils sont plus de 40 % à arrêter leurs études sous prétexte qu’ils n’aiment pas l’école (ONDH, 2012). Il serait intéressant d’évaluer le rôle que les parents pourraient jouer pour valoriser davantage la scolarisation de leurs enfants. Dans son rapport, le CSEFRS déplore nettement la faible implication des parents dans l’accompagnement scolaire de leurs enfants.

L’école tend à reproduire les inégalités socio-économiques

Les indices de Gini dans le domaine de l’éducation témoignent d’un système éducatif très inégalitaire. Le CSEFRS évalue à 0.58 l’indice de Gini de l’éducation, calculé à partir de la moyenne des années de scolarisation de la population âgée de 20 ans et plus. Ce coefficient grimpe à 0.71 dans le milieu rural (contre 0.47 dans le milieu urbain) et à 0.66 pour les filles (contre 0.49 pour les garçons). Ces taux sont très élevés si on les compare aux Gini moyens enregistrés dans les pays voisins et placent le Maroc dans le même groupe de pays que le Yémen ou la Mauritanie, loin derrière la Turquie (0.30).

Les inégalités se creusent lorsque les inégalités spatiales, de genre et socio-économiques sont agrégées. À l’exception de l’enseignement primaire, l’accès à l’éducation est fortement corrélé aux caractéristiques socio-économiques des familles (graphique 4.22, panels A et B). Dans le préscolaire, les taux de scolarisation évoluent entre 19 % pour les ménages du premier quintile vivant en zones rurales et 85 % pour les ménages du dernier quintile vivant en zones urbaines. Au collège, les écarts s’élèvent à 50 points de pourcentage entre les deux groupes et grimpent jusqu’à 73 points entre les deux groupes au niveau du lycée. Même tendance lorsque l’on s’intéresse à la relation entre accès à l’éducation et niveau scolaire du chef de famille (graphique 4.22, panel B).

Graphique 4.22. Les inégalités d’accès à l’éducation se creusent avec les inégalités socio-économiques
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Source : ONDH (2012).

 https://doi.org/10.1787/888933476387

L’essor de l’enseignement privé renforce les inégalités socio-économiques. Depuis quelques années, le nombre d’écoles privées augmente significativement. La proportion d’élèves dans l’enseignement primaire privé est passée de 4 % en 1999 à 11% en 2015. L’accès à l’enseignement privé affiche de grandes disparités en fonction des milieux de résidence : 18 % pour les enfants vivant en milieu urbain contre 0.4 % pour les enfants vivant en zones rurales. La scolarisation des enfants dans le secteur privé est quasiment inexistante dans les campagnes et concerne avant tout le milieu urbain et les ménages les plus favorisés. Dans les milieux urbains, 70 % des enfants issus des ménages les plus favorisés sont inscrits à l’école privée pour l’enseignement primaire (ONDH, 2012). Les taux de scolarisation dans le privé pour le collège et le lycée sont moindres (respectivement 5.8 % et 5 % en moyenne à l’échelle nationale) et concernent principalement les citadins les plus favorisés : 38 % des collégiens et 34 % des lycéens issus des ménages les plus riches poursuivent leurs études dans le privé (ONDH, 2012). Dans un tel contexte, certaines classes dans les écoles publiques sont contraintes de fermer leurs portes faute d’élèves, alors que le secteur privé continue sa progression. D’ici 2030, les projections estiment que plus d’un Marocain sur deux sera scolarisé dans le primaire privé compte tenu des taux de croissance observés sur la période 2000-13. Comme dans le secteur de la santé, l’apparition d’un système éducatif à deux vitesses est déjà enclenchée, avec d’une part ceux qui ont les ressources financières pour scolariser leurs enfants dans le privé et de l’autre, ceux qui sont contraints de rester dans le public.

Les dysfonctionnements structurels du marché de l’emploi pénalisent l’émergence d’une société inclusive

Des faibles performances tant en termes de quantité que de qualité d’emploi

Au Maroc, les taux d’emploi sont extrêmement faibles alors que la réserve de main-d’œuvre, notamment féminine, est importante. Plus de la moitié de la population en âge de travailler n’est pas employée (47.4 % en 2015), soit le taux d’activité le plus faible au sein de l’échantillon de référence (graphique 4.23, panel A). Au cours des dix dernières années, ce taux d’activité est en baisse régulière alors que le vivier de main-d’œuvre disponible s’accroît un peu plus chaque année. La transition démographique a en effet induit une forte hausse de la population en âge de travailler. Cette faiblesse du taux d’activité s’explique, en partie, par le faible niveau de participation des femmes au marché du travail, notamment en milieu urbain : en 2015, seulement 17.4 % des citadines participaient à l’emploi contre 36 % des femmes en milieu rural (HCP, 2015c).

Graphique 4.23. Une offre de travail sous-exploitée
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Source : HCP (2015c) et OCDE (2016), taux d’activité (indicateur), doi: 10.1787/05025ae1-fr.

 https://doi.org/10.1787/888933476397

La question du chômage, et notamment celui des jeunes en milieu urbain, représente un véritable défi. Certes, le taux global du chômage s’est nettement amélioré depuis l’an 2000, passant de 13.4 % à 9.7 % en 2015 (HCP, 2015c). Cette baisse résulte notamment des effets de la transition démographique, d’une baisse du taux de participation, de la montée de l’informalité et d’un nombre élevé de créations d’emplois dans les services. Le chômage demeure néanmoins élevé, notamment pour les moins de 24 ans (20.8 %) vivant en milieu urbain (39 % en 2015). Le diplôme n’apparaît pas comme un rempart efficace contre le chômage puisqu’un diplômé sur cinq de l’enseignement supérieur et un sur quatre de l’enseignement universitaire est sans emploi (respectivement 21.1 % et 24.4 % en 2015).

Le taux de chômage à lui seul ne résume pas l’état du marché de l’emploi. En l’absence d’allocations de recherche d’emploi et face à la faiblesse relative des services publics de l’emploi en termes de placement, les entrées et sorties de l’activité sont fluides. La proportion de Marocains qui ne sont ni en emploi, ni en éducation, ni en formation permet d’avoir une vision plus précise de la situation : le HCP estime, en particulier que la part des jeunes qui se sont retirés du marché de l’emploi représente 28 % de cette classe d’âge en 2015, une proportion qui s’élève à 45 % pour les jeunes diplômés (HCP, 2015c).

Le développement économique d’un pays s’accompagne généralement d’une progression du salariat qui offre un emploi de meilleure qualité aux travailleurs en termes de revenus, de durée de travail et de protection. Le taux de salariat a progressé de 33.7 % à 46.3 % entre 2000 et 2015 (graphique 4.24) mais reste encore relativement faible, notamment dans les zones rurales où la majorité des actifs travaillent dans le secteur agricole. Le statut de salarié n’implique pas nécessairement la signature d’un contrat ou une couverture sociale : seulement un salarié sur trois travaille avec un contrat et deux sur cinq bénéficient d’une couverture sociale (HCP, 2015c). L’administration concentre le taux de contractualisation le plus élevé : plus de 80 % des employés de la fonction publique, ou assimilée, occupent un emploi à durée indéterminée avec un contrat de travail (services du chef du gouvernement, 2015).

Graphique 4.24. Moins de la moitié des Marocains occupent un emploi salarié
Répartition des actifs par type d’emploi, 2015
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Source : HCP (2015c).

 https://doi.org/10.1787/888933476401

Le secteur informel est largement répandu dans l’agriculture et le commerce de détail. En 2013, il contribuait à hauteur de 11.5 % au PIB, en hausse de 1.3 point de pourcentage par rapport à l’enquête de 2007 (HCP, 2016b). La contribution des unités informelles à la valeur ajoutée nationale de 2013 est estimée à 60.1 % dans le commerce, à 29.3 % dans la construction, à 13.3 % dans l’industrie et à 6.4 % dans les services (HCP, 2016b). Selon le HCP, 2.376 millions de personnes travailleraient dans le secteur informel, représentant 36.3 % de l’emploi non agricole à l’échelle nationale. Dans le secteur agricole, qui concerne encore près de 40 % des emplois en 2014, la quasi-totalité des emplois est encore informelle.

La montée de l’informalité peut s’accompagner d’une précarisation de l’emploi, qui ne permet pas d’offrir aux travailleurs des conditions décentes en termes de durée de travail, de revenu et de protection sociale. Le secteur informel se caractérise par un faible poids du salariat, 17.2 % de l’emploi (HCP, 2016b). Plus de 63 % des salariés ne bénéficient pas de contrat de travail (HCP, 2015c) et cette situation concerne plus de 97 % des employés du secteur informel (HCP, 2016b). De plus, près de 80 % des actifs occupés ne bénéficient pas de couverture médicale (HCP, 2015c). Dans le secteur informel, 98 % de la main-d’œuvre ne bénéficie d’aucune couverture médicale (HCP, 2016b). Cette précarisation de l’emploi se reflète également au niveau de la durée du travail. En 2015, 41 % des actifs travaillaient plus de 48 heures par semaine alors le taux de sous-emploi concernait plus de 10 % des actifs (HCP 2015c).

L’emploi informel joue un important rôle d’amortisseur social. Les travailleurs informels sont principalement des femmes, des jeunes et des non diplômés qui ne bénéficient que de faibles opportunités pour rejoindre le secteur formel du marché de l’emploi. Par exemple, les femmes en milieu rural sont nombreuses à passer de l’inactivité à l’informel lorsque les besoins dans le secteur agricole s’accroissent. Les frontières entre emploi formel et informel sont donc très poreuses. Les récentes réformes mise en place par le gouvernement pour favoriser l’entrepreneuriat et le passage de l’informel au formel par le biais d’incitations fiscales pour les très petites entreprises (TPE) pourraient contribuer à réduire le poids de l’informel dans l’économie.

Trois types de contraintes structurelles peuvent être appréhendées pour expliquer les dysfonctionnements du marché de l’emploi au Maroc : l’inadéquation quantitative entre l’offre et la demande (insuffisance des créations d’emplois par rapport au volume des effectifs à la recherche d’emplois) ; leur inadéquation qualitative (écarts entre les profils disponibles et les besoins en qualifications) ; et les rigidités du marché associées aux contraintes règlementaires et aux lacunes du système d’intermédiation.

Le dynamisme du marché de l’emploi est insuffisant

La création d’emplois ne permet pas de répondre à la demande d’emploi réelle et potentielle. En moyenne, depuis les années 2000, elle a été de 129 000 postes par an mais elle a diminué depuis 2007 en raison du ralentissement économique. Depuis, la variation de la population active a été supérieure à celle de la création nette d’emploi, ne permettant pas d’absorber le flux de nouveaux entrants sur le marché du travail. De plus, les mouvements migratoires accroissent la pression sur le marché du travail urbain. Ce sont les actifs de sexe masculin, vivant en milieu urbain qui profitent le plus des créations d’emploi, majoritaires dans le secteur des services (67 % du total des emplois créés, HCP, 2015c). La baisse des taux d’activité, notamment chez les femmes, et l’ampleur du chômage illustrent l’insuffisante création d’emplois.

Les évolutions démographiques pourraient accroître le déséquilibre entre offre et demande d’emploi. Dans un futur proche, la généralisation de l’enseignement primaire et l’amélioration de la scolarisation des filles pourraient stopper la baisse des taux d’activités des femmes (ministère de l’Emploi et des Affaires sociales, 2015), ce qui augmentera mécaniquement la population active. La transition démographique et l’urbanisation exerceront une pression supplémentaire sur la création d’emplois. La Stratégie nationale pour l’emploi 2015-2025 (SNE) du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales (MEAS) estime que la population active devrait atteindre 12.6 millions de personnes et que le taux d’emploi baisserait à 40 % en 2025.

Graphique 4.25. La création d’emplois est insuffisante
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Source : HCP (2015c).

 https://doi.org/10.1787/888933476412

La faible dynamique du marché du travail est entretenue par la lenteur de la transformation structurelle (chapitre 3). En 2014, le secteur agricole concentrait encore près de 40 % des emplois. Le poids de l’industrie a connu un recul sur la décennie qui peut s’expliquer entre autres, par le recul du poids des activités traditionnelles et l’émergence de nouvelles industries. La croissance de l’emploi dans les services résulte principalement de la hausse des emplois de commerce de détails et de services à la personne qui ne sont pas générateurs de valeur ajoutée. De même, les emplois dans le secteur de l’immobilier ont augmenté sur la décennie mais il s’agit principalement d’emplois à faible valeur ajoutée. En revanche, les secteurs modernes avec une forte productivité (activités financières et assurances, les transports ou les industries manufacturières) sont encore peu développés et peu intensifs en emploi (services du chef du gouvernement, 2015). Ce sont également dans ces secteurs que l’emploi est de meilleure qualité. L’accélération de la transformation structurelle et l’amélioration des niveaux de compétitivité pourraient permettre, dans une certaine mesure, de rééquilibrer cette inadéquation entre offre et demande d’emploi. Les politiques publiques pourraient également soutenir les créations d’emplois dans les secteurs modernes qui sont productifs et plus intégrés en amont et en aval (services du chef du gouvernement, 2015).

Le capital humain n’est pas assez valorisé et le nexus formation/emploi fonctionne mal

Plus des trois quarts de la population active n’ont aucun diplôme. La faiblesse du capital humain se retrouve sur le marché de l’emploi et explique, en partie, la faible productivité du travail. Plus de six actifs employés sur dix (62 %) sont sans diplôme (45.2 % en milieu urbain contre 81.7 % en milieu rural ; HCP, 2015c). Dans le secteur agricole, plus grand pourvoyeur d’emplois au Maroc, plus de 90 % des travailleurs sont sans formation ou avec un diplôme de l’enseignement primaire (graphique 4.26). Les diplômés de l’enseignement supérieur sont concentrés dans le secteur des services alors qu’ils devraient également rejoindre les secteurs de l’industrie et du Bâtiment et travaux publics (BTP) pour soutenir le tissu productif (graphique 4.26).

Graphique 4.26. La main-d’œuvre est faiblement qualifiée
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Source : HCP (2014a).

 https://doi.org/10.1787/888933476428

Cette inadéquation qualitative entre l’offre d’enseignement et les besoins du marché du travail est particulièrement palpable pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Ces derniers affichent les taux de chômage les plus élevés. L’université marocaine, notamment dans ses filières dites « générales », enregistre un taux d’insertion professionnelle de plus en plus faible. Près de 70 % des étudiants suivent leurs études en sciences juridiques, économiques et sociales (39 % en 2012), les lettres ou l’éducation (29 %) dans l’espoir de rejoindre les bancs de la fonction publique. En moyenne, l’administration n’absorbe environ que 30 % des jeunes nouvellement diplômés. En 2013, les diplômés du supérieur étaient ainsi plus de 20 % à être inscrits au chômage (contre 4.5 % pour les sans diplômes et 15.1 % pour les diplômés de niveau moyen ; HCP, 2014). Au contraire, moins d’un étudiant sur deux (18 %) s’oriente vers les filières d’ingénieries et techniques, contre 23 % en moyenne dans le reste des pays arabes et 30 % en Asie. Ainsi, les formations du supérieur mériteraient d’être revues pour assurer une meilleure adéquation avec les besoins de l’économie.

En 2013, près de 13 % des entreprises interrogées considèrent la faiblesse de main-d’œuvre qualifiée comme l’obstacle majeur au développement de leur activité. De plus, un tiers des entreprises interrogées estiment que cette inadéquation est une contrainte majeure au développement, un taux largement supérieur à celui enregistré dans le reste du monde et en Afrique du Nord et qui, contrairement à la tendance internationale, s’accroît inversement avec la taille de l’entreprise (Banque mondiale, 2013).

La formation technique et professionnelle publique n’est pas suffisamment développée. Elle est accessible à partir de quatre niveaux d’enseignement au Maroc : la spécialisation professionnelle (à partir de la dernière année du collège), la qualification professionnelle intégrée à l’enseignement secondaire, le diplôme de technicien accessible à la fin de l’enseignement secondaire et le diplôme de technicien spécialisé, accessible après le Baccalauréat. Les premiers niveaux d’accès à la formation professionnelle commencent donc tard (aux alentours de 16-17 ans) et ne permettent pas aux élèves en situation d’échec scolaire d’acquérir une formation professionnelle qualifiante. Depuis le début des années 2000, le nombre d’élèves en formation a augmenté (439 000 stagiaires en 2014/15) ce qui représente 6 % des élèves inscrits dans l’enseignement secondaire (graphique 4.27), contre 9 % en Espagne et plus de 20 % en Turquie. Il s’agit d’une proportion encore relativement faible.

Graphique 4.27. La formation professionnelle se développe lentement
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Source : Banque mondiale (2016).

 https://doi.org/10.1787/888933476436

Les passerelles entre la formation professionnelle et technique et le monde de l’entreprise ne sont pas systématiques. Les taux d’insertion des lauréats restent faibles (56 % pour les lauréats détenteurs d’une spécialisation, quatre années après leur sortie) et augmentent progressivement avec le niveau de diplôme (76 % pour les techniciens spécialisés ; CSEFRS, 2014b). Le dispositif de formation professionnelle, géré par le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, repose sur des centres publics placés sous la tutelle de l’Office de la formation professionnelle et la promotion du travail (OFPPT) qui propose trois modes de formation : résidentielle, apprentissage et formation alternée. La formation est principalement dispensée au sein de la formation résidentielle (68 % des stagiaires en 2014/15) qui n’offre qu’une interaction restreinte avec le monde de l’entreprise, et donc limite les opportunités d’insertion professionnelle. La formation alternée concerne seulement un élève stagiaire sur cinq. La stratégie nationale de la formation professionnelle prévoit d’accroître à 50 % la formation en milieu du travail pour accroître les taux d’insertion. Les centres publics sont également limités en termes de capacités d’accueil (311 établissements publics en 2012) et les formations proposées ne répondent pas toujours aux besoins du marché de l’emploi. Conscientes de l’importance de la formation professionnelle et des lacunes dans l’offre publique, les autorités ont initié une politique novatrice : associer davantage les entreprises d’un secteur à travers des nouveaux établissements de formation. Ces centres, qui sont principalement à l’œuvre dans les secteurs industriels porteurs, ont pour originalité d’être entièrement gérés par le secteur privé et représentent aujourd’hui les deux tiers de l’offre de formation professionnelle totale (encadré 4.5).

Encadré 4.5. Le développement des centres de formation en partenariat public-privé (PPP)

Dans le cadre de la Stratégie nationale de la formation professionnelle 2021, les autorités encouragent le renforcement des PPP. En effet, ce dispositif original permet d’assurer une meilleure insertion socioprofessionnelle des jeunes, de contribuer à la compétitivité de l’économie, de renforcer l’image de la formation professionnelle et de favoriser une plus grande cohésion sociale. Près de 1 500 centres privés, souvent soutenus par les fédérations professionnelles en vigueur, offrent des formations dans un grand nombre de secteurs (automobile, ferroviaire, aéronautique) qui rendent les stagiaires opérationnels pour rejoindre le marché de l’emploi.

Dans le secteur de l’automobile, Renault Maroc, en partenariat avec le MEN , a créé l’Institut de formation aux métiers de l’industrie automobile. Ce centre de formation, en PPP, a permis de former plus de 8 473 personnes depuis le début de son activité en 2012 et, depuis septembre 2014, le groupe a lancé une formation en maintenance industrielle au niveau du Baccalauréat professionnel dans les régions de Melloussa. Même tendance dans le secteur ferroviaire avec le lancement en mars 2016 de l’Institut de formation ferroviaire, cogéré par la Société nationale des chemins de fer française et l’Offiche national des chemins de fer (ONCF) marocain, qui dispensera environ 17 500 journées de formation pour 3 300 stagiaires formés par an. Ces stagiaires devraient permettre d’accompagner l’ONCF dans son projet de nouvelle ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca. Autre exemple, l’Institut aux métiers de l’aéronautique forme des étudiants d’un niveau bac à bac+2 issus des filières scientifiques ou technologiques pour lesquelles il n’existait pas de formation publique dans le domaine de l’aéronautique. Ce centre, géré par le Groupe des industries marocaines aéronautiques et spatiales connaît un fort engouement de la part des étudiants et des entreprises du secteur aéronautique, et forme environ 1 000 jeunes par an.

Source : Auteurs

L’action publique pour remédier aux dysfonctionnements du marché du travail pourrait être plus efficace

Le système d’intermédiation sur le marché de l’emploi a une portée limitée, vecteur d’inégalité. En 2000, l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences a été créée pour favoriser l’accès à l’emploi, notamment pour les jeunes. En parallèle, les agences privées se sont développées. Cependant, leur efficacité n’est pas complètement avérée. L’intermédiation sur le marché du travail se caractérise par une couverture incomplète de certaines catégories de la population active et de territoires (MEAS, 2015). Les réseaux personnels (famille, amis ou contacts personnels) s’avèrent être, de loin, le moyen le plus efficace et rapide pour trouver un emploi, avec un temps de recherche inférieur à six mois (services du chef du gouvernement, 2015).

Le gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes pour dynamiser le marché de l’emploi, qui restent cependant insuffisants. Le programme Idmaj cible les bacheliers et les diplômés de l’enseignement supérieur, Taehil les chercheurs universitaires et Moukawalti accompagne les porteurs de projets dans l’entreprenariat. Il ressort des différentes évaluations que ces dispositifs de programmes sont trop centrés sur les jeunes diplômés. La SNE prévoit de couvrir un éventail plus large de populations ayant des difficultés d’insertion, en particulier, les jeunes diplômés exposés au chômage de longue période, les jeunes précocement déscolarisés, les femmes confrontées à l’inactivité, à la discrimination directe et indirecte sur le marché du travail, ainsi que les travailleurs des TPE et du secteur informel (MEAS, 2015).

Même si le salaire minimum est relativement élevé, sa progression a été plus lente que celle du salaire moyen et de la productivité par travailleur. Jusque dans les années 2010, le taux de croissance du Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti, fixé sur une base horaire) était largement inférieur à celui de la productivité du travailleur et du salaire moyen. La valeur d’indice du Smig, en termes réels, est restée quasiment inchangé de 2000 à 2010 avant d’augmenter significativement entre 2010 et 2015 suite à des revalorisations successives. Sur la même période, les valeurs d’indice de la productivité par travailleur et du salaire moyen ont enregistré une hausse régulière (graphique 4.28, panel A). Le salaire minimum a été augmenté pour représenter, en 2014, 51 % du salaire moyen (graphique 4.28, panel B). En 2015, le salaire minimum s’élevait à 13.46 MAD par heure.

Graphique 4.28. La part du salaire minimum dans le salaire moyen pourrait être plus importante
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Note : Panel A – Données nationales issues des comptes nationaux, exprimées en termes réels sur une base 100 (année 2000) ; Panel B - Données de 2014 pour le Maroc, de 2011 pour la Corée et de 2010 pour la Jordanie, le Pérou, la Turquie et le Viet Nam. Les données des pays de l’OCDE proviennent de la base OCDE et les ratios sont exprimés par rapport aux salaires moyens des salariés à plein temps ; les données pour la Jordanie, le Pérou et le Viet Nam proviennent du Bureau international du travail (BIT) et les données du Maroc proviennent de sources nationales.

Source : Calculs des auteurs à partir des données des comptes nationaux, de la CNSS, de la base de données du BIT (www.ilo.org/ilostat/GWR) et de la base de données OCDE (https://stats.oecd.org).

 https://doi.org/10.1787/888933476442

Les rigidités du marché de l’emploi sont fortes

Traditionnellement, les législations sur la protection de l’emploi (LPE) ainsi que les règles qui régissent le recrutement et le licenciement sont conçues pour protéger les emplois et n’ont qu’un impact limité sur les taux d’emploi et de chômage. Cependant, elles peuvent dans certains cas pénaliser la création et la destruction d’emplois, ainsi que la mobilité des salariés. Il est donc important pour les pouvoirs publics de rechercher un juste équilibre entre la protection des salariés et l’allocation efficace des ressources humaines (OCDE, 2013). L’OCDE a développé une méthodologie permettant d’évaluer la rigueur de la LPE à partir de 21 sous-indicateurs qui quantifient, pour les employeurs et en fonction des règles en vigueur, les coûts et les procédures liés au licenciement – individuel ou collectif – et au recrutement de travailleurs dans le cadre de contrats à durée déterminée ou d’intérim (encadré 4.6).

Encadré 4.6. Méthodologie de l’OCDE relative aux indicateurs de la rigueur de la LPE

L’OCDE a établit un cadre pour évaluer la protection de l’emploi dans les pays OCDE et partenaires à partir de 21 sous-indicateurs répartis au sein de trois indicateurs synthétiques :

  • Réglementation relative au licenciement individuel de travailleurs titulaires de contrats réguliers. Cet indicateur tient compte de trois aspects de la protection contre le licenciement : i) les contraintes de procédure imposées aux employeurs qui souhaitent licencier, par exemple les obligations en matière de notification et de consultation ; ii) les délais de préavis et les indemnités de licenciement, qui varient en principe en fonction de l’ancienneté du salarié ; et iii) la difficulté à licencier, qui dépend des conditions qui doivent être réunies pour pouvoir licencier et des conséquences qu’un licenciement jugé abusif peut avoir pour un employeur (indemnisation et obligation de réintégration par exemple).

  • Contraintes supplémentaires imposées en cas de licenciement collectif. Cet indicateur reflète les surcoûts du licenciement collectif par rapport au licenciement individuel. Il ne rend pas compte de la rigueur globale de la réglementation relative aux licenciements collectifs, qui s’obtient en additionnant les coûts associés aux licenciements individuels et les surcoûts éventuels des licenciements collectifs.

  • Règles relatives aux contrats temporaires qui comprennent les règles relatives aux contrats à durée déterminée classiques et les règles qui régissent le recours au travail par intérim. Cet indicateur tient compte du type d’emploi pour lequel il est possible de recourir à ces contrats et des règles afférentes au renouvellement et à la durée cumulée de ces contrats. Concernant le recours au travail par intérim, il prend également en compte certaines dispositions relatives à la création et au fonctionnement des agences d’intérim ainsi que les règles imposant une égalité de rémunération et/ou de conditions de travail entre les salariés intérimaires et les salariés équivalents de l’entreprise utilisatrice, ces dispositions pouvant renchérir le coût du recours à des travailleurs intérimaires par rapport à l’utilisation d’autres types de contrat.

Pour chaque indicateur, le pays se voit attribuer un score de zéro à six (en allant du moins au plus strict) en fonction de la méthodologie proposée par l’OCDE et de la réglementation en vigueur.

Source : OCDE (2013).

Les procédures relatives aux recrutements et aux licenciements pour le secteur privé sont définies dans le Code du travail de 2004. Les emplois dans l’administration et les entreprises publiques sont régis par le Code de la fonction publique, qui garantit l’emploi à vie et donne droit à une protection sociale. Pour le secteur privé, les lois relatives au marché du travail dépendent du Code du travail de 2004 qui s’inspire des conventions internationales en vigueur. L’adoption de ce code a apporté des avancées sociales en termes de salaire minimum, de durée légale du travail, de droit de grève et de représentation syndicale. En revanche, les procédures relatives aux recrutements et aux licenciements, et les coûts associés, sont restées rigides comme l’ont souligné de nombreuses études (Banque mondiale, 2006 ; BAfD/GdM/MCC, 2015). Près de 15 % des entreprises interrogées par la Banque mondiale évaluent la réglementation du travail comme une contrainte majeure au développement (Banque mondiale, 2013). Ces procédures sont d’autant plus importantes que le dispositif d’indemnisation en cas de chômage n’est pas encore bien développé. Les dispositions relatives aux licenciements sont détaillées en encadré 4.A3.

En l’absence de surcoûts pour les licenciements collectifs, les procédures de licenciements individuels figurent parmi les plus rigides au monde. Au niveau individuel, les contraintes de procédure, le délai de préavis et les indemnités de licenciement ainsi que la difficulté à licencier sont agrégées de manière synthétique dans l’indicateur sur la rigueur de la protection contre les licenciements individuels des salariés titulaires de contrats réguliers (graphique 4.29, panel A). Parmi les pays de comparaison, le Maroc est le pays où la réglementation est la plus contraignante (score de 4 sur 6 alors que le score moyen des pays de l’OCDE est de 2.04 sur 6). Le Code du travail distingue les procédures de licenciement pour les TPE (moins de dix salariés) et les autres, la réglementation étant plus rigide à partir de dix salariés. Par exemple, le délai à respecter avant la prise d’effet du préavis de licenciement peut s’élever à 90 jours pour les entreprises de plus de dix salariés compte tenu des autorisations à obtenir des représentants des salariés mais également du gouverneur de la province ou de la préfecture (encadré 4.A3). Dans certains pays, y compris émergents, des dispositions supplémentaires sont à respecter en cas de licenciement collectif, par exemple en Afrique du Sud, en Corée et au Pérou. Même si ce n’est pas le cas du Maroc, la protection des travailleurs permanents contre les licenciements reste la plus élevée au sein des pays de comparaison (graphique 4.29, panel B).

Graphique 4.29. La réglementation relative aux licenciements individuels est contraignante
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Note : Panel A - Données de 2013 pour les pays de l’OCDE. Le graphique présente la contribution de différentes sous-composantes à l’indicateur relatif à la protection des travailleurs réguliers contre les licenciements individuels. La hauteur de la barre représente la valeur de cet indicateur. Panel B - Les données se rapportent à 2013 pour les pays de l’OCDE. Le graphique présente la contribution des indicateurs relatifs à la protection des travailleurs réguliers contre les licenciements individuels et aux dispositions supplémentaires applicables aux licenciements collectifs à l’indicateur qui mesure la protection des travailleurs réguliers contre les licenciements individuels et collectifs (EPRC).

Source : Pour le Maroc, auteurs à partir du Code du travail du Maroc et de la méthodologie développée par l’OCDE, http://www.oecd.org/employment/emp/oecdindicatorsofemploymentprotection-methodology.htm. Pour les autres pays, base de données de l’OCDE sur la protection de l’emploi, mise à jour 2013, https://doi.org/10.1787/lfs-epl-data-fr.

 https://doi.org/10.1787/888933476458

La réglementation relative aux contrats temporaires, restrictive, englobe les contrats à durée déterminée (CDD) et d’intérim. Avec un score de 4.75 sur 6, la réglementation marocaine sur les CDD est forte, contre un score moyen 1.65 sur 6 au sein des pays membres de l’OCDE (graphique 4.30, panel A). Ce type de contrat reste encore peu développé, avec seulement 4 % des contrats de travail salarié. En revanche, le Maroc concentre le plus grand nombre d’agence d’intérim en Afrique du Nord avec près de 1 200 structures référencées (BIT, 2011) mais, là aussi, les réglementations sont contraignantes. Ces agences doivent déposer une caution auprès de la Caisse de dépôt et de gestion d’un montant équivalent à 50 fois la valeur globale annuelle du salaire minimum légal (article 482 ; encadré 4.A3) et elles doivent disposer d’un capital social d’un montant au moins égal à 100 000 MAD (article 481 ; encadré 4.A3). Elles sont, enfin, soumises à de lourdes obligations de reporting auprès des services chargés de l’emploi (article 484 du Code du travail ; encadré 4.A3). Au final, pas moins de 98 % des agences ne remplissent pas ces obligations légales (BIT, 2011). Le Département de la Formation professionnelle travaille depuis plusieurs années sur deux projets d’amendements au Code du travail afin d’augmenter la durée des contrats d’intérim et de remplacer la procédure de dépôt de caution par un prêt bancaire garanti (BIT, 2011).

Graphique 4.30. La réglementation sur les contrats temporaires est restrictive
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Note : Panel A - Les données se rapportent à 2013 pour les pays de l’OCDE. Le graphique présente la contribution de différentes sous-composantes à l’indicateur relatif à la réglementation des contrats à durée déterminée classiques. Dans ce chapitre, un contrat à durée déterminée est défini comme un contrat de travail générique comportant une date de cessation précise (sous forme de la date – jour, mois et année – à laquelle il prendra fin en l’absence de renouvellement). Panel B - Les données se rapportent à 2013 pour les pays de l’OCDE. Le graphique présente la contribution de différentes sous-composantes à l’indicateur de la réglementation du travail par intérim. Dans ce chapitre, le travail par intérim est défini comme l’emploi de travailleurs titulaires d’un contrat dans le cadre duquel l’employeur (l’agence d’intérim) met, en sa qualité d’entreprise ou de professionnel libéral, le salarié à disposition d’un tiers (l’entreprise utilisatrice) pour qu’il accomplisse un travail (la mission) sous la supervision et l’autorité de l’entreprise utilisatrice en vertu d’un contrat de fourniture de services conclu entre elle et l’agence.

Source : Pour le Maroc, auteurs à partir du Code du Travail du Maroc et de la méthodologie développée par l’OCDE, http://www.oecd.org/employment/emp/oecdindicatorsofemploymentprotection-methodology.htm. Pour les autres pays, base de données de l’OCDE sur la protection de l’emploi, mise à jour 2013, https://doi.org/10.1787/lfs-epl-data-fr.

 https://doi.org/10.1787/888933476462

Les politiques sociales bénéficieraient d’une plus grande cohérence de l’action publique

Une plus grande cohérence des politiques sociales permettrait d’en augmenter la portée et efficacité

Outre la mise en œuvre de réformes structurelles dans les secteurs sociaux, une meilleure cohérence des politiques publiques entre les secteurs et au sein même de chacun de ces secteurs pourrait accroître l’efficacité de l’action publique. En effet, les politiques de lutte contre la pauvreté, de santé, d’éducation et d’emploi ont de nombreux points d’intersection. La lutte contre la pauvreté et les besoins en transferts dépendent des opportunités d’emploi et de génération de revenu et donc des résultats du marché du travail, qui à leur tour sont tributaires d’une formation en adéquation avec la demande de travail. Si certaines opportunités sont à saisir en augmentant la coordination et la cohérence des orientations stratégiques à l’intérieur des secteurs sociaux, d’autres situations apparaissent comme symptomatiques de la difficulté à aligner les différentes stratégies sectorielles.

Le manque de cohérence et de convergence entre les différents programmes sociaux mis en œuvre au Maroc en limite l’efficacité et la portée. Tous les programmes sociaux n’ont pas fait l’objet d’une stricte évaluation rigoureuse mais les évaluations sur la première phase de l’INDH ont mis en avant le manque de synergie et de collaboration entre les différents acteurs et les projets réalisés (CESE, 2013c). Par exemple, le manque d’information au niveau local sur les plans ministériels a conduit à des doublons dans les projets, notamment dans la construction d’infrastructures scolaires dans les zones rurales. De même, les actions ciblées de l’INDH fonctionnent en parallèle des autres programmes sociaux (notamment Tayssir, Ramed ou les Plans communaux de développement) sans réelle coordination (CESE, 2013c), pouvant entraîner un surcroît de couverture de certaines personnes au détriment d’autres ménages ne bénéficiant d’aucun programme social.

Le retard dans l’accumulation du capital humain et la prévalence du chômage des jeunes diplômés appellent à une orientation plus importante des étudiants vers les métiers de l’enseignement. De manière très immédiate, l’amélioration de l’accès à l’éducation, notamment au niveau du secondaire, et de la qualité de cette dernière passera par le renforcement du taux d’encadrement et par la revalorisation du métier d’enseignant. Pour l’année scolaire 2016/17, il manquerait 30 000 professeurs pour pallier aux départs en retraite anticipée. Le gouvernement a mis en place un programme visant à réorienter 10 000 chômeurs diplômés du supérieur vers les métiers de l’enseignement, avec l’attribution d’une bourse de 1 000 MAD pendant le temps de la formation. Si ce programme va dans le bon sens, il s’agit d’une mesure d’urgence, ponctuelle et coûteuse pour l’État. Il gagnerait à être repensé afin que les étudiants s’orientent plus spontanément vers les métiers de l’enseignement avant l’obtention de leur licence.

La définition des besoins sur le marché de l’emploi avec les offres de formation manque par ailleurs d’articulation. Dans le domaine de la formation professionnelle, l’OFPPT a développé un catalogue de cursus au sein d’instituts spécialisés. Même si le système présente un certain nombre de dysfonctionnements, il existe une certaine articulation entre besoins de compétences et offres de formation pour les secteurs porteurs. En revanche, la remontée d’information sur les besoins en capacités pour les secteurs les moins structurés est plus difficile. Les fédérations professionnelles ont créé des Groupements interprofessionnels d’aide au conseil (Giac) qui ne disposent pas toujours des capacités techniques et financières pour définir correctement les besoins en compétences tant au niveau sectoriel qu’au niveau territorial. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, les programmes pédagogiques des filières généralistes, qui accueillent environ 80 % des nouveaux bacheliers, sont souvent déconnectés des besoins du marché de l’emploi, alimentant les flux de chômeurs des jeunes diplômés. Sur le même modèle que le programme de réorientation vers l’enseignement, le gouvernement a lancé un programme de formation supplémentaire pour 25 000 licenciés chômeurs afin de répondre aux besoins en compétences des secteurs productifs. Une meilleure coordination entre les besoins de compétences exprimés par les secteurs productifs et le programme pédagogique des formations universitaires défini par le MESRSFC permettrait d’éviter les surcoûts liés au déploiement de ces formations supplémentaires et de réduire les temps de formation pour les étudiants concernés.

Certaines contraintes à la mise en cohérence des politiques sociales relèvent de problématiques plus générales

Le besoin d’une ample concertation ralentit l’adoption d’orientations stratégiques dans le domaine de l’éducation, rendant la mise en cohérence plus difficile. Il existe un certain décalage entre la vision portant les grandes réformes de l’éducation, leur mise en œuvre opérationnelle et leur évaluation. En 2000, l’adoption de la Cnef présente la réforme du système éducatif et définit les orientations stratégiques pour les sous-secteurs de l’enseignement à l’horizon 2000-10. En 2009, c’est le Plan d’urgence qui voit le jour. Plus récemment, le CSEFRS a adopté la Vision stratégique de la réforme de l’enseignement 2015-30. Ses orientations s’inscrivent dans le sillage des documents antérieurs, faisant état du même constat sur les déficits du système éducatif. En revanche, la mise en œuvre opérationnelle de la réforme de l’éducation au niveau de chaque ministère concerné et de ses services déconcentrés peut être plus difficile. Ainsi, si la Vision ne propose ni indicateurs chiffrés cibles assorti d’un objectif temporel défini, ni un séquençage des programmes d’actions prioritaires, elle se décline en projets d’actions stratégiques au niveau de chaque ministère. Par exemple, le MEN a proposé 16 projets d’actions stratégiques. Cependant, fin 2016, ces derniers n’avaient pas commencé à être mis en œuvre. De plus, les principaux éléments de la vision n’ont pas encore été traduits en loi-cadre comme prévu dans le document stratégique (chapitre 4 ; alinéa 129 ; CSEFRS, 2014a).

La fonction d’évaluation est clé pour l’amélioration des politiques publiques et l’identification de besoins d’alignement stratégique. L’évaluation des politiques publiques est un instrument essentiel pour comparer les résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre et informer les décideurs. Le domaine de l’éducation en est un exemple. L’Instance nationale de l’évaluation, créée en 2006 au sein du CSEFRS, a présidé la conduite du rapport d’évaluation de 2008, qui a posé les jalons du Programme d’urgence de 2009. Elle a également supervisé le PNEA de 2008. Ainsi, l’Instance nationale de l’évaluation, aujourd’hui hébergée au sein du CSEFRS, contribue à la diffusion d’une culture d’évaluation dans le secteur de l’éducation et propose des pistes de réflexions intéressantes sur les déficits dans la mise en œuvre de la Charte de l’éducation.

Le manque de décentralisation des capacités au niveau régional accentue le défaut de coordination des politiques publiques. Au niveau de l’école, les acteurs locaux sont faiblement impliqués dans la définition des besoins sur les nouvelles infrastructures éducatives, dans la vie des établissements scolaires et dans le suivi des élèves sur les différents cycles d’enseignements. Au niveau du marché de l’emploi, les acteurs locaux ne bénéficient pas non plus toujours de la connaissance des besoins en compétences dans leurs bassins d’emplois afin de faire remonter au niveau central l’inadéquation locale entre l’offre et le besoin de compétences, d’autant qu’il peut s’agir de niches d’emplois très spécifiques. L’absence, ou la défaillance, des capacités des relais régionaux ne permet pas toujours une mise en cohérence efficace des politiques publiques à l’échelle locale.

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ANNEXE 4.A1. Calcul du niveau de vie multidimensionnel

La première étape consiste à calculer les prix fictifs de la longévité et de l’emploi.

Le calcul du prix fictif de la longévité se fonde en premier lieu sur la Valeur d’une vie statistique (VSL), chiffrée à 6.3 millions USD de 2005 par l’Agence américaine de protection de l’environnement6. Cette valeur dérive d’une méta-analyse de 100 études empiriques, réalisée par Viscusi et Aldy (2003), qui ont estimé un intervalle de confiance de [5.5-7.6] millions pour la valeur d’une vie statistique aux États-Unis. La VSL est ensuite convertie en prix fictifs (variant en fonction des pays et des périodes) d’une année de longévité supplémentaire, au moyen du modèle de l’utilité de la durée de vie qui est utilisé par Becker et al. (2005), Jones et Klenow (2016) et bien d’autres, et qui prend en compte le revenu, l’emploi et la longévité. Dans Murtin et al. (2015), différents modèles de l’utilité de la durée de vie sont expérimentés pour évaluer la robustesse et la sensibilité de ces prix fictifs, et au final celui qui produit l’évaluation la plus prudente de la longévité est choisi.

En ce qui concerne la dimension de l’emploi, Boarini et al. (2016) calculent le prix fictif de l’emploi en appliquant des régressions macroéconomiques de la satisfaction à l’égard de la vie sur le revenu disponible des ménages (log), l’emploi et des variables indicatrices temporelles et par pays, pour tous les pays de l’OCDE :

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SWB désigne le niveau moyen de la satisfaction à l’égard de la vie dans le pays j à l’instant t, y est le revenu disponible réel des ménages, et E le taux d’emploi. À partir de la régression ci-dessus, le taux d’emploi d’un pays est évalué par rapport au pays de référence (E*) pour obtenir le revenu supplémentaire requis pour compenser un point de pourcentage d’emploi (c’est-à-dire un prix fictif de l’emploi) :

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Le calcul du prix fictif de l’emploi n’est pas affecté par les différences culturelles dans la satisfaction à l‘égard de la vie en général, car les régressions incluent des effets fixes par pays qui prennent en compte ces différences à condition qu’elles soient linéaires et persistantes dans le temps. L’estimation des prix fictifs n’est pas non plus très sensible à l’échantillon de pays utilisé dans l’analyse empirique. Une analyse économétrique portant sur des données différentes liées au revenu et sur un groupe de pays beaucoup plus grand et diversifié donne des estimations similaires à celles de Boarini et al. (2016). À cet égard, l’étude de Boarini et al. (2016) complète une méta-analyse basée sur toutes les données microéconomiques disponibles issues d’enquêtes sur le bien-être subjectif (Gallup World Poll 2004-13, European Social Survey 2002-13, European Values Survey 1981-2009, Enquête européenne sur la qualité de vie 2003-07, Eurobaromètre [1973-2012] et World Values Survey 1981-2008). Un grand nombre de régressions (156) de la satisfaction à l’égard de la vie sur le revenu et l’emploi ont été réalisées et le coefficient de la variable de l’emploi a été jugé significatif et justifié dans 80 % des cas. Si l’on utilise la meilleure source (Gallup World Poll), ce dernier pourcentage atteignait même 97 %. En conséquence, dans cette étude la valeur moyenne d’un point d’emploi a été fixée à 2 % du revenu dans un échantillon comprenant des pays de l’OCDE et quelques pays partenaires.

Dans une seconde étape, le « revenu équivalent » ou le niveau de vie multidimensionnel des différents déciles de revenu d se calculent selon la formule suivante

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y est la consommation moyenne, l’écart entre le taux d’emploi de chaque pays c et le taux d’emploi de référence, l’écart entre la longévité de chaque pays et la longévité de référence, et sont respectivement les prix fictifs de l’emploi et de la longévité. Enfin, le paramètre de l’aversion à l’inégalité est sélectionné de façon à correspondre au groupe cible de population (c’est-à-dire la personne médiane ou les 10 % inférieurs dans l’échelle de répartition des revenus). Théoriquement le cadre pour la croissance inclusive peut prendre en compte les inégalités au sein d’un pays en termes de santé et d’emploi ou de chômage (cf. Diaz and Murtin 2016a, 2016b), mais le manque de données disponibles au niveau international limite l’analyse des inégalités à la seule dimension du revenu.

Dans cette approche, le niveau de vie multidimensionnel d’un pays est simplement défini comme étant la moyenne du niveau de vie multidimensionnel des différents déciles, diminuée d’une pénalité pour inégalité de niveau de vie découlant de l’inégalité des revenus (dans cette formule, désigne l’indice d’inégalité d’Atkinson-Kolm).

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ANNEXE 4.A2. Construction des données sur les niveaux de vie multidimensionnels

La consommation moyenne comme indicateur du revenu

Pour tous les pays, dont le Maroc, les dépenses de consommation finale des ménages (DCFM) par habitant sont utilisées comme indicateur du bien-être économique moyen. Pour tous les pays, les données sont extraites des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale, et exprimées en PPA (structure des prix de 2011) et en USD constants de 2011.

Les données sur la consommation par habitant des ménages urbains et ruraux entre 1980 et 2014 se fondent sur la série de données DAMP sur les dépenses annuelles moyennes par ménage et par personne. Dans la pratique, on multiplie les DCFM par le ratio urbain/national d’une part et rural/national, ce qui donne des séries de consommation urbaine et rurale correspondant aux DCFM nationales et avec le même ratio venant des DAMP. Les différences entre les valeurs des DFCM et des DAMP au niveau national, exprimées en monnaie locale, sont négligeables : leur corrélation est de 0.994 sur la période 1991-2012, et l’écart entre ces deux mesures est inférieur à 2 % en 2012.

Longévité

Les données sur l’espérance de vie à la naissance sont extraites du rapport sur les Indicateurs de développement dans le monde (WDI) pour tous les pays. Il existe une différence significative entre la valeur WDI (72.6 ans en 2010) et celle communiquée par les autorités marocaines (74.8 ans). Entre 1980 et 2010, les ratios de longévité urbaine/rurale et nationale sont appliqués à la valeur WDI de la longévité nationale. Entre 2010 et 2013, le taux de croissance national de la longévité est appliqué à la longévité urbaine/rurale, en partant de l’hypothèse que les différences relatives de longévité sont restées constantes durant cette courte période.

Taux d’emploi

Le taux d’emploi dans la tranche d’âge des 15-64 ans est extrait du rapport WDI et basé sur la définition de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour tous les pays. Le taux d’emploi WDI/OIT est de 47.3 % en 2014, alors que celui signalé par les autorités marocaines est de 43.3 %. Les ratios du taux d’emploi urbain/rural et national sont appliqués aux valeurs WDI/OIT. Sur la période 1991-99, le taux de croissance des valeurs nationales WDI/OIT a été appliqué aux taux d’emplois urbains/ruraux pour extrapoler rétrospectivement les séries.

Répartition de la consommation

Les données sur la répartition de la consommation des ménages selon les déciles sont disponibles auprès de sources nationales aux niveaux urbain, rural et national, pour les années 1985, 1991, 1999, 2007 et 2014. Les pourcentages de la consommation dans la consommation totale sont interpolés entre ces dates. Pour d’autres pays émergents et en développement, on a utilisé la base de données WDI sur la distribution (WDIIDD). Ces données se réfèrent généralement à la distribution du revenu des ménages pour les pays à revenu plus élevé, et à la distribution de la consommation des ménages pour les pays à revenu plus faible ou intermédiaire. La base de données WDIIDD fournit des données concernant les deux déciles du haut et du bas de l’échelle de distribution, mais elle agrège d’autres données en quintiles. Pour obtenir des estimations concernant tous les déciles, on a combiné les données de la WDIIDD avec celles de la base de données Lakner-Milanovic qui se réfère aux 10 déciles.7 Pour les pays membres de l’OCDE, on a utilisé la base de données de l’OCDE sur la distribution du revenu, et interpolé les parts de revenu en cas de données incomplètes. Dans tous les pays, les distributions du revenu et de la consommation sont évaluées par rapport aux DCFM.

ANNEXE 4.A3. Informations détaillées sur la protection de l’emploi au Maroc

Élément de la méthodologie

Régulation en vigueur

1: Contraintes de procédures de notification dans le cas d’un licenciement individuel

Les contraintes de procédures dépendent des raisons invoquées pour le licenciement.

Licenciement pour faute ou inaptitude :

La décision de licenciement est remise au salarié intéressé en mains propres contre reçu ou par lettre recommandée avec accusé de réception (article 63). Une copie de la décision de licenciement ou de la lettre de démission est adressée à l’agent chargé de l’Inspection du travail (article 64).

Licenciement pour motifs économiques, motifs technologiques, structurels ou pour motifs similaires ou économiques

En cas de licenciement individuel pour des entreprises de moins de dix salariés, la décision de licenciement est remise au salarié intéressé en mains propres contre reçu ou par lettre recommandée avec accusé de réception (article 63). Une copie de la décision de licenciement ou de la lettre de démission est adressée à l’agent chargé de l’inspection du travail (article 64).

En cas de licenciement pour motifs technologiques, structurels ou pour motifs similaires ou économiques pour les entreprises de dix salariés ou plus, l’autorisation de licenciement est subordonnée à une autorisation délivrée par le gouverneur de la préfecture ou de la province (article 67).

Calcul: Score attribué sur la base de la moyenne entre les deux cas de figure

2: Délais avant la prise d’effet du préavis de licenciement

En cas de licenciement individuel pour des entreprises de moins de dix salariés, la décision de licenciement est remise au salarié intéressé, en mains propres contre reçu ou par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de 48 heures suivant la date à laquelle la décision de licenciement a été prise (article 63).

En cas de licenciement individuel pour des entreprises de moins de dix salariés, l’employeur, qui envisage le licenciement, doit porter sa décision à la connaissance des délégués des salariés, et le cas échéant, des représentants syndicaux, au moins un mois avant de procéder au licenciement (article 66). De plus, le gouverneur de la préfecture ou de la province peut délivrer son autorisation dans un délai maximal de deux mois à compter de la date de la présentation de la demande par l’employeur au délégué provincial chargé du travail (article 67).

Calcul: (2 + 90)/2 = 46 jours

3: Durée du préavis sur la base des différents niveaux d’ancienneté

Le Décret n° 2-04-469 du 29 décembre 2004 prévoit les délais de préavis en cas de rupture unilatérale du contrat de travail à durée indéterminé et prévoit une distinction entre cadres et assimilés, et employés et ouvriers:

Pour les cadres et assimilés : un mois de préavis si moins d’un d’ancienneté ; deux mois de préavis entre un an et cinq ans d’ancienneté ; trois mois de préavis si plus de cinq ans d’ancienneté.

Pour les employés et les ouvriers : 8 jours de préavis si moins d’un an d’ancienneté; un mois de préavis entre 1 à 5 ans d’ancienneté ; deux mois de préavis si plus de cinq ans d’ancienneté.

Calcul: score attribué sur la base des moyennes entre les deux catégories de salariés.

4: Indemnité de licenciement sur la base de différents niveaux d’ancienneté

Le salarié a droit à une indemnité de licenciement après six mois de travail dans la même entreprise (art. 52 du Code du travail).

Le montant de l’indemnité de licenciement pour chaque année ou fraction d’année de travail effectif est égal à :

- 96 heures de salaire pour les cinq premières années d’ancienneté ;

- 144 heures de salaire pour la période d’ancienneté allant de 6 à 10 ans ;

- 192 heures de salaire pour la période d’ancienneté allant de 11 à 15 ans ;

- 240 heures de salaire pour la période d’ancienneté dépassant 15 ans.

À noter que pour les activités non agricoles, la durée normale de travail des salariés est fixée à 2 288 heures par année ou 44 heures par semaine (article 184).

Calcul : Pour 9 mois d’ancienneté, indemnité équivalente à 0.33 mois de salaire. Pour 4 ans d’ancienneté, indemnité équivalente à 2 mois de salaire. Pour 20 ans d’ancienneté, indemnité équivalente à 17.5 mois de salaire.

5: Définition d’un licenciement abusif

« Justifié»: L’employeur n’a pas le droit de licencier un salarié sans motif avalable sauf si celui-ci est lié à son aptitude ou à sa conduite. Dans le cadre d’une faute grave (divulgation d’un secret professionnel, vol, ivresse publique, insulte grave, etc. – les cas de faute grave sont énumérés dans l’article 39) ou après épuisement des sanctions disciplinaires, le licenciement est considéré comme justifié (article 35).

Le licenciement peut également être justifié pour des motifs technologiques, structurels, ou économiques (article 66). Dans ce cas de figure, l’employeur doit engager des concertations et des négociations avec les délégués des salariés, ou le cas échéant, les représentants syndicaux de l’entreprise, en vue d’examiner les mesures susceptibles d’empêcher le licenciement ou d’en atténuer les effets, y compris la possibilité de réintégration dans d’autres postes (article 66, al. 2).

« Abusif»: Dans les autres cas de figure, ou lorsque l’employeur a commis une faute grave (article 40) ou lorsque les procédures de licenciements n’ont pas été respectées, le salarié peut saisir le tribunal compétent pour invoquer un licenciement abusif.

Calcul: Considérant le fait que la procédure de réintégration n’est pas systématique (score de 2) et que les éléments relatifs à l’inaptitude du salarié ne sont pas détaillés dans le Code du travail (score de 3), le score pour cet élément est de 1.

6: Durée de la période d’essai

La durée de la période d’essai pour les contrats à durée indéterminée est fixée à trois mois pour les cadres et assimilés, un mois et demi pour les employés et quinze jours pour les ouvriers. Elle peut être renouvelée une fois (article 14).

Calcul: (4.5 + 2.25 + 0.75)/3 = 2.5 (considérant une probabilité de renouvellement de la période d’essai dans 50 % des cas)

7: Indemnités additionnelles en cas de licenciement abusif (additionnelles à l’indemnité de licenciement)

Le montant des dommages et intérêts est fixé sur la base du salaire d’un mois et demi par année sans dépasser le plafond de 36 mois (article 41).

Ce montant des dommages-intérêts s’additionne aux indemnités de licenciement (article 82 – I/b).

8: Possibilités de réintégration du salarié en cas de licenciement abusif

La réintégration du salarié en cas de licenciement abusif est proposée quelle que soit la taille de l’entreprise. Pour les entreprises de moins de 10 salariés, l’article 41 prévoit qu’à défaut d’accord intervenu au moyen de la conciliation préliminaire, le salarié est en droit de saisir le tribunal compétent qui peut statuer, soit par la réintégration du salarié dans son poste ou par des dommages et intérêts.

Pour les entreprises de plus de dix salariés, l’employeur est tenu d’engager des concertations et des négociations avec les délégués des salariés en vue d’examiner les mesures susceptibles d’empêcher le licenciement ou d’en atténuer les effets négatifs, y compris la possibilité de réintégration dans d’autres postes (article 66).

L’article 70 al. 2, précise également qu’en cas de licenciement conformes aux articles 66, 67 et 58 mais sans l’obtention de l’autorisation de licenciement, les salariés licenciés ne bénéficient de dommages et intérêts que sur décision judiciaire s’ils ne sont pas réintégrés dans leur postes tout en conservant leurs droits.

9: Délai de prescription au-delà duquel il n’est pas possible de former un recours pour licenciement abusif

Selon l’article 65, l’action en justice concernant le licenciement doit être portée devant le tribunal compétent dans un délai de 90 jours à compter de la date de réception par le salarié de la décision de licenciement.

10: Cas valables de recours à un Contrat à durée déterminée (CDD)

Le CDD peut être conclu dans le cadre du remplacement du salarié par un autre, de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ou de la saisonnalité d’un travail (article 16).

Le CDD peut aussi être conclu dans certains secteurs et dans certains cas exceptionnels fixés par voie réglementaire, ou en vertu d’une convention collective (article 16).

11: Nombre maximum de renouvellement d’un CDD standard

Dans le secteur agricole, le CDD peut être renouvelé trois fois. Dans les autres cas énumérés dans l’article 17 (ouverture d’une entreprise pour la première fois, nouvel établissement au sein de l’entreprise ou lancement d’un nouveau produit), les CDD ne peuvent être renouvelés qu’une fois pour une période maximale d’un an (article 17).

Le Code du travail ne précise pas le nombre maximal de renouvellements pour les autres cas de CDD (énumérés dans l’article 16). Par extension, nous considérons que les limites décrites dans l’article 17 s’appliquent également aux CDD conclus selon les dispositions de l’article 16.

Calcul: Moyenne entre les cas de CDD dans le secteur agricole et non agricole : (3 + 1)/2.

12: Durée cumulée maximale en CDD en cas de renouvèlement successifs

Dans le secteur agricole, le CDD peut être conclu pour une durée de six mois renouvelable, à condition que la durée des contrats ne dépasse pas deux ans dans le cas d’un CDD pour une entreprise nouvellement créée.

Dans les autres cas, la durée maximale d’un CDD est d’une année renouvelable une fois. Passé cette période, le contrat devient à durée indéterminée (article 17)

Calcul: Moyenne entre les 3 cas de figure : (12m + 24 m + 18 m)/3 = 18 mois.

13: Types de travail pour lesquels le recours à l’intérim est légal

Le recours aux salariés de l’entreprise d’emploi temporaire est prévu pour effectuer des travaux non permanents, appelés « tâches », dans le cadre du remplacement du salarié par un autre, de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, de la saisonnalité d’un travail ou de l’exécution de travaux pour lesquels il n’est pas coutume de faire un CDI en raison de la nature du travail (article 496).

14: Existence de limitation au renouvellement et/ou à la prolongation des missions d’intérim

Oui : la mission d’intérim ne doit pas dépasser trois mois, renouvelables une fois, ou six mois non renouvelables (article 500).

15: Durée cumulée maximale de missions d’intérim successives

La mission d’intérim ne doit pas dépasser trois mois, renouvelables une fois, ou six mois non renouvelables (article 500).

16: Autorisation administrative et obligations de déclaration relative à l’activité des agences d’intérimaires

Les agences d’intérim sont soumises à des demandes d’autorisation administratives et à des obligations de déclaration.

Les agences de recrutement privées sont tenues de déposer une caution à la Caisse de dépôt et de gestion d’un montant équivalent à 50 fois la valeur globale annuelle du salaire minimum légal (article 482). Elles doivent également disposer d’un capital social d’un montant au moins égal à 100 000 MAD (article 481).

De plus, elles sont tenues de transmettre à la fin de chaque semestre aux services chargés de l’emploi du lieu où elles exercent leurs activités un état détaillé des prestations fournies, comportant notamment les noms et adresses des employeurs ayant sollicité leur intervention, ainsi que les noms et prénoms, adresses, diplômes et professions des demandeurs d’emploi inscrits et les noms et prénoms des demandeurs d’emploi placés par leurs soins (article 484).

L’article 486 prévoit qu’elles doivent tenir un registre pour permettre à l’autorité gouvernementale chargée du travail d’effectuer les contrôles nécessaires.

17: Obligations d’égalité de traitement (rémunération et conditions de travail) entre les salariés réguliers de l’entreprise utilisatrice et les travailleurs intérimaires

Pas de disposition spécifique.

18: Définition du licenciement collectif

Pas de disposition spécifique.

19: Obligations de notifications supplémentaires en cas de licenciement collectif

Pas applicable.

20: Délais supplémentaires en cas de licenciement collectif

Pas applicable.

21: Autres coûts spécifiques incombant aux employeurs en cas de licenciement collectif

Pas applicable.

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES

L’OCDE est un forum unique en son genre où les gouvernements œuvrent ensemble pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux que pose la mondialisation. L’OCDE est aussi à l’avant-garde des efforts entrepris pour comprendre les évolutions du monde actuel et les préoccupations qu’elles font naître. Elle aide les gouvernements à faire face à des situations nouvelles en examinant des thèmes tels que le gouvernement d’entreprise, l’économie de l’information et les défis posés par le vieillissement de la population. L’Organisation offre aux gouvernements un cadre leur permettant de comparer leurs expériences en matière de politiques, de chercher des réponses à des problèmes communs, d’identifier les bonnes pratiques et de travailler à la coordination des politiques nationales et internationales.

Les pays membres de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Chili, la Corée, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Lettonie, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la Turquie. L’Union européenne participe aux travaux de l’OCDE.

Les Éditions OCDE assurent une large diffusion aux travaux de l’Organisation. Ces derniers comprennent les résultats de l’activité de collecte de statistiques, les travaux de recherche menés sur des questions économiques, sociales et environnementales, ainsi que les conventions, les principes directeurs et les modèles développés par les pays membres.

CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L’OCDE

Le Centre de développement de l’OCDE, créé en 1962, est un forum indépendant consacré au partage des savoirs et au dialogue, sur un pied d’égalité, entre les pays membres de l’OCDE et les économies en développement. Aujourd’hui, il regroupe 27 pays de l’OCDE et 25 pays non membres de l’OCDE. Le Centre se concentre sur les problèmes structurels émergents susceptibles d’avoir un impact sur le développement mondial et sur des enjeux de développement plus spécifiques auxquels sont confrontées les économies émergentes et en développement. Au moyen d’analyses factuelles et de partenariats stratégiques, il aide les pays à formuler des politiques économiques innovantes pour répondre aux défis mondiaux du développement.

Pour plus d’informations sur les activités du Centre, consulter le site www.oecd.org/fr/dev.

Notes

← 1. L’élaboration de cet indicateur est documentée dans un certain nombre d’études techniques (Boarini, Murtin et Schreyer, 2015 ; Boarini et al., 2016) et de rapports orientés vers l’action publique (OCDE, 2015b).

← 2. Ce calcul se fonde sur un prix fictif de 7 % de la consommation par année de longévité, une consommation moyenne par habitant de 3 608 USD, une population de 33 millions d’habitants et un PIB de 230 milliards USD.

← 3. La dernière année pour laquelle des données sont disponibles se situe entre 2010 et 2014 et correspond à 2014 pour le Maroc. Dans le graphique 4.1, les données pour le Maroc correspondent à 2013, pour comparaison avec les autres pays. Ces résultats incorporent néanmoins l’évolution de la distribution de revenu entre 2007 et 2014. Dans le graphique 4.2, l’emploi et la longévité sont combinés dans le calcul des niveaux de vie, de sorte qu’il est difficile de discerner avec exactitude leur contribution respective à la croissance des niveaux de vie. La part de la population urbaine dans la population totale est passée de 49.3 % en 1991 à 58.6 % en 2012.

← 4. Les autorités marocaines ne disposent pas de données plus récentes à ce jour en matière d’indicateurs de santé.

← 5. En 2010, l’ONDH a mené une enquête dans trois provinces marocaines aux caractéristiques différentes afin d’évaluer les difficultés et les disparités dans l’accès des soins. Les Marocains étaient, en moyenne, plus de 80 % à se déclarer peu ou pas satisfaits de la qualité des soins.

← 6. Le ministère des Transports des États-Unis utilise une valeur très proche de 5.8 millions USD.

← 7. Pour plus de précision, les ratios entre les déciles 3 et 4, les déciles 5 et 6 et les déciles 7 et 8 ont d’abord été calculés d’après la base de données Lakner-Milanovic; ils ont ensuite été interpolés quand les données étaient incomplètes et pour finir, ces ratios ont été appliqués pour décomposer en déciles les valeurs WDIIDD des quintiles 2, 3 et 4.