Avant-propos

Le nombre de migrants internationaux a doublé ces 25 dernières années, atteignant plus de 240 millions de personnes. Cette mobilité croissante signifie qu’à l’avenir, la circulation des personnes à travers le monde deviendra plus complexe encore et posera de nouveaux défis aux responsables des politiques. L’inclusion des migrations dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 confirme et renforce l’importance de la relation entre les migrations et le développement. En intégrant les migrations, y compris les déplacements forcés de populations, dans les Objectifs de développement durable (ODD), les chefs d’État et de gouvernement ont pris acte que les migrations doivent œuvrer au développement et que le développement doit œuvrer aux migrations, sans négliger qu’il puisse y avoir des impacts négatifs.

D’où la nécessité de disposer de données plus systématiques et comparables pour se doter d’une base de connaissance suffisante afin d’adopter des politiques éclairées et s’attaquer aux besoins et défis réels sur le terrain. Depuis plusieurs années, la Commission européenne et le Centre de développement de l’OCDE examinent les façons dont les décideurs publics peuvent mieux concevoir des politiques à long terme efficaces qui sont essentielles pour tirer des migrations des résultats positifs pour le développement. Ils plaident pour un système global de gouvernance des migrations, dans le cadre duquel la cohérence des objectifs migratoires est atteinte aux niveaux multilatéral, régional, bilatéral, national et local.

Le rapport Interactions entre politiques publiques, migrations et développement (IPPMD) est un pas en avant pour mieux comprendre comment atteindre la cohérence des politiques pour le développement durable. Ce rapport est le fruit du travail de terrain mené dans dix pays – Arménie, Burkina Faso, Cambodge, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Géorgie, Haïti, Maroc, Philippines et République dominicaine – et de quatre années d’étroite collaboration avec les correspondants gouvernementaux et les partenaires de recherche locaux dans chaque pays.

Ce rapport analyse empiriquement la façon dont les différentes dimensions migratoires influent sur les secteurs clés des politiques que sont le marché de l’emploi, l’agriculture, l’éducation, l’investissement et les services financiers, et la protection sociale et la santé. Symétriquement, il analyse la façon dont les politiques sectorielles influent sur les migrations, notamment la décision d’émigrer ou de rentrer dans son pays, l’utilisation des transferts de fonds et l’intégration des immigrés. Comme le souligne ce rapport, les politiques sectorielles n’influent pas toujours sur les migrations de façon tranchée. Les interactions entre politiques publiques, migrations et développement dépendent beaucoup du contexte national et des conditions dans lesquelles sont mis en œuvre les différents programmes. Partant, il n’existe pas de solution universelle pour freiner (ou encourager) les flux migratoires, transformer les transferts de fonds en investissements productifs ou mieux intégrer les immigrés dans la société du pays d’accueil. En réalité, c’est une combinaison de politiques – migratoires et non migratoires – qui est plus susceptible d’avoir un impact non seulement sur la décision d’émigrer, de transférer des fonds ou de rentrer dans son pays d’origine, mais aussi sur la façon dont les migrations, dans leurs différentes dimensions, contribuent au développement.

Cela traduit le fait que les politiques publiques sont souvent menées de façon cloisonnée, sans tenir compte de leurs implications potentielles dans d’autres domaines de l’action publique, tels que les migrations. Par exemple, les données du projet IPPMD montrent qu’à eux seuls, les programmes de formation professionnelle ne suffisent pas nécessairement à réduire les flux d’émigration, en particulier dans les pays où la demande de main-d’œuvre est limitée et peu exigeante, et où les compétences sont en inadéquation avec les besoins du marché de l’emploi. De même, les programmes de transferts monétaires semblent contribuer plus efficacement à décourager l’émigration lorsqu’ils sont assortis de conditions (par exemple, des objectifs en termes d’éducation ou de travail agricole).

Le but de ce rapport est de constituer une « boîte à outils » qui alimente le dialogue et oriente les politiques publiques, non seulement pour les pays partenaires du projet IPPMD, mais aussi pour les acteurs et les partenaires du développement, afin d’intégrer au mieux les migrations dans les stratégies nationales de développement. À l’issue des discussions sur les lignes directrices pour l’action qui doivent se tenir avec les parties prenantes clés et les responsables des politiques dans chaque pays, la Commission européenne et le Centre de développement de l’OCDE aspirent à poursuivre leur coopération avec les pays partenaires qui souhaitent mettre davantage à profit les migrations afin d’améliorer leurs résultats de développement.

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Mario Pezzini

Directeur du Centre de développement et Conseiller spécial du Secrétaire général de l’OCDE sur le développement, OCDE

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Stefano Manservisi

Directeur de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, Commission européenne