Chapitre 6. Renforcer les liens entre les migrations, l’investissement, les services financiers et le développement

Les responsables des politiques sont depuis longtemps soucieux d’exploiter le potentiel de développement des migrations. Ce chapitre se demande si, grâce à l’essor de l’investissement et de l’entrepreneuriat, les migrations peuvent tout à la fois contribuer à améliorer le bien-être des ménages migrants et à renforcer le développement à long terme, et à quelles conditions. Il analyse dans un premier temps dans quelle mesure les migrations et les transferts de fonds peuvent stimuler l’investissement dans les entreprises et les biens immobiliers, sans négliger les différences qui peuvent exister entre zones rurales et zones urbaines s’agissant des investissements découlant des migrations. Il analyse ensuite le rôle des migrations de retour dans les investissements effectués dans le pays d’origine des migrants. Enfin, le chapitre analyse le rôle des politiques publiques dans les décisions d’investissement liées aux migrations de retour et aux transferts de fonds, en mettant l’accent sur les politiques sectorielles visant à améliorer dans son ensemble le secteur des services financiers et de l’investissement, telles que les programmes de formation financière ou l’offre accrue de services financiers inclusifs.

  

Les migrations et les transferts de fonds ont le potentiel de renforcer les processus de développement par le biais d’investissements à long terme qui profitent aux migrants, à leurs ménages et à leur pays d’origine. Les responsables des politiques s’accordent à reconnaître les impacts positifs des migrations et des transferts de fonds sur le développement à l’échelle mondiale, comme en attestait tout récemment le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (NU, 2015a). Selon les estimations, le montant total des transferts de fonds internationaux envoyés par les migrants dans les pays en développement atteignait 432 milliards USD en 2015 (Banque mondiale, 2016a), ce qui constitue une source de financement significative et importante pour le développement dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Les migrants peuvent accumuler de l’épargne à l’étranger et, à leur retour dans leur pays d’origine, rapporter avec eux leurs ressources financières. Les migrations et les transferts de fonds peuvent aider à surmonter les contraintes financières et stimuler l’investissement et l’entrepreneuriat, en particulier dans les pays où l’accès au crédit est limité et les marchés financiers formels sous-développés (voir, par exemple, Acosta, 2007 ; Woodruff et Zenteno, 2007 ; Yang, 2008). De plus, les transferts de fonds peuvent avoir un impact plus large en dynamisant la demande intérieure, en particulier s’ils sont orientés vers des investissements productifs (Durand et al., 1996).

Le potentiel de développement des flux croissants de transferts de fonds envoyés dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire a amené les responsables des politiques à s’intéresser aux mesures visant à stimuler le volume de ces fonds et à les orienter vers des investissements plus productifs. Les signataires du Programme d’action d’Addis-Abeba de 2015 se sont engagés à assurer l’accès des migrants et de leurs ménages à des services financiers abordables, ainsi qu’à réduire les coûts de transaction des transferts de fonds (NU, 2015b). D’autres initiatives visent à stimuler l’investissement des fonds envoyés, notamment les exonérations fiscales sur les capitaux importés par les migrants à des fins d’investissement, les subventions de contrepartie et le soutien aux « obligations des diasporas ». Exploiter le potentiel de développement des migrations à travers les migrations de retour suscite également un intérêt croissant.

Au-delà des politiques ciblant directement les migrations et les transferts de fonds, le transfert de fonds et leur utilisation ainsi que les décisions d’investissement des migrants de retour dépendent d’autres facteurs, tels qu’un environnement d’investissement favorable et des systèmes financiers inclusifs qui stimulent l’épargne et les investissements. Par conséquent, il est important de comprendre à quelles conditions les transferts de fonds et les migrations de retour peuvent favoriser le bien-être des ménages des migrants et le développement à long terme.

Ce chapitre analyse ces conditions en jetant un nouvel éclairage sur l’importance qu’ont les politiques publiques pour renforcer les effets des migrations et des transferts de fonds sur le développement. La première section donne un bref aperçu du secteur de l’investissement et des services financiers dans les pays partenaires. La deuxième analyse le lien entre les migrations, les transferts de fonds et l’investissement. Enfin, la troisième section examine le lien entre les politiques sur l’investissement et les services financiers et les migrations.

Tableau 6.1. Migrations, investissement et services financiers : principales conclusions

Comment les migrations influent sur l’investissement

Comment les politiques sur l’investissement et les services financiers influent sur les migrations

  • Les transferts de fonds favorisent la détention d’une entreprise dans les zones urbaines et stimulent les investissements dans l’immobilier.

  • Un environnement d’investissement défavorable affecte négativement la capacité des ménages à investir les transferts de fonds et à épargner.

  • Les ménages avec un migrant de retour sont plus susceptibles d’exploiter une entreprise que les ménages non migrants.

  • L’inclusion financière se traduit par davantage de fonds transférés de façon formelle.

  • L’insuffisance de formation financière nuit à l’orientation des transferts de fonds vers des investissements plus productifs.

Note : Ces conclusions ne valent pas pour tous les pays du projet IPPMD. Pour des conclusions ciblées par pays, voir les études de cas par pays.

Aperçu du secteur de l’investissement et des services financiers dans les dix pays partenaires

L’accès au financement et aux services financiers de base peut aider les individus à gérer leurs ressources et à les faire croître, ainsi qu’à prévoir des projets à long terme et à parer aux urgences à court terme. Or, environ 2 milliards de personnes dans le monde – soit 38 % de tous les adultes – n’auraient pas accès aux services financiers de base (Demirguc-Kunt et al., 2015). Et les pays en développement compteraient plus de 200 millions de micro-, petites et moyennes entreprises, formelles ou informelles, dont les besoins de financement sont non satisfaits ou sous-satisfaits (Stein et al., 2013).

L’accès aux services financiers varie selon les pays partenaires du projet IPPMD (graphique 6.1). L’accès à un compte bancaire et à l’épargne formelle est particulièrement faible en Arménie, au Burkina Faso, au Cambodge et en Haïti. La République dominicaine et le Costa Rica sont les pays de l’échantillon les plus avancés dans ce domaine : ce sont les deux seuls où plus de 50 % des adultes ont accès à un compte bancaire. L’Arménie et la Géorgie se distinguent par leur faible taux d’épargne formelle : seuls 1 % des adultes y recourent en Géorgie, et 2 % en Arménie1. En Arménie, cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’un faible pourcentage de la population a accès à un compte bancaire (moins de 20 %), mais l’explication ne tient pas pour la Géorgie, où la proportion avoisine 40 % de la population. Avoir un compte bancaire n’est pas automatiquement synonyme d’épargne formelle : à l’échelle mondiale, seuls 42 % environ des personnes qui ont un compte bancaire recourent à l’épargne (Demirguc-Kunt et al., 2015). Toutefois, l’échantillon IPPMD révèle une corrélation positive entre l’accès à un compte bancaire et l’épargne formelle.

Graphique 6.1. Les taux de possession d’un compte bancaire et d’épargne formelle sont positivement corrélés
Épargne formelle (%) et possession d’un compte bancaire (%)
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Note : L’épargne formelle est définie comme le fait d’avoir accumulé de l’épargne dans une institution bancaire ou une autre institution financière. Seuls les individus de 15 ans et plus sont pris en compte. Les données ne sont pas disponibles pour le Maroc.

Source : Banque de données Global Financial Inclusion de la Banque mondiale, http://databank.worldbank.org/data/reports.aspx?source=global-findex.

 https://doi.org/10.1787/888933478994

L’enquête IPPMD auprès des communautés a permis de recueillir des données sur la présence de prestataires de services financiers formels (banques, organismes de microfinancement et sociétés de transfert de fonds) dans les localités où ont été menées les enquêtes auprès des ménages et des communautés. Le graphique 6.2 montre dans quelle mesure les communautés urbaines et rurales ont accès à des institutions financières dans les pays partenaires. C’est en Arménie que l’écart entre les zones urbaines et rurales est le plus marqué, devant le Burkina Faso et le Cambodge. En Arménie, plus de 90 % des communautés des zones urbaines de l’échantillon ont accès à des succursales bancaires, contre moins de 10 % pour les communautés rurales. La faible proportion d’adultes ayant un compte bancaire et le faible taux d’épargne formelle illustrés dans le graphique 6.1 sont donc susceptibles d’être liés à la faiblesse de l’infrastructure de services financiers dans les régions rurales en Arménie, au Burkina Faso et au Cambodge. C’est en République dominicaine et aux Philippines que l’écart est le plus faible entre les zones rurales et urbaines en matière d’infrastructure financière : la part de communautés ayant accès à des agences bancaires y est presque aussi élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

Graphique 6.2. Les communautés urbaines ont un meilleur accès aux institutions financières
Part des communautés où sont présentes des institutions financières (%)
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Note : L’enquête auprès des communautés n’a pas été menée en Haïti en raison de contraintes financières et logistiques. Ces comparaisons touchant les institutions financières exigent une certaine prudence, car la taille des communautés diffère entre les pays (chapitre 2), tout comme la définition des zones urbaines/rurales. Les données ne sont pas disponibles pour le Costa Rica, Haïti et le Maroc.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479007

Dans la plupart des pays, les institutions bancaires constituent l’institution financière la plus courante dans les zones urbaines. Cependant, il y a plus d’organismes de microfinancement que de banques dans les zones urbaines au Cambodge et aux Philippines. Aux Philippines, il y a également plus d’organismes de microfinancement que de banques dans les zones rurales.

Le fait que l’environnement d’investissement soit défavorable peut également entraver les investissements productifs. L’indice de facilité de faire des affaires (Doing Business) de la Banque mondiale classe les pays en fonction de leur environnement réglementaire des affaires, du plus favorable au moins favorable à la création et à l’exploitation des entreprises locales. Mieux les pays sont classés, plus ils offrent un environnement favorable aux affaires (Banque mondiale, 2016b). Les pays partenaires diffèrent considérablement au regard de l’indice Doing Business 2017 (graphique 6.3). Alors que la Géorgie et l’Arménie se classent parmi les 40 premiers pays, sur 190, le Cambodge et Haïti se retrouvent en queue de peloton.

Graphique 6.3. Les pays partenaires diffèrent considérablement en termes de facilité de faire des affaires
Facilité de faire des affaires, classement par pays
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Note : Un rang élevé (correspondant à une valeur numérique faible) indique un environnement d’affaires relativement plus favorable. La « création d’entreprise » est une composante de l’indice global de facilité de faire des affaires. Les pays représentés sur le graphique sont classés selon leur rang au regard de cet indice global.

Source : Indice Doing Business de la Banque mondiale (classement 2017), www.doingbusiness.org/rankings.

 https://doi.org/10.1787/888933479019

La Géorgie et l’Arménie se classent parmi les dix premiers pays au plan mondial pour ce qui est de la facilité de créer une entreprise, respectivement au huitième et au neuvième rang. Les autres pays partenaires présentent des écarts significatifs lorsqu’on compare leur rang en termes de facilité de faire des affaires, d’une part, et de la facilité de créer une entreprise, d’autre part. Ainsi, le Costa Rica se classe globalement au 58e rang, mais au 121e rang pour la facilité de créer une entreprise. C’est le contraire pour la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso : s’il semble y avoir peu d’obstacles à la création d’une entreprise, l’exploiter dans la durée est plus difficile.

Il convient de noter que la facilité de faire des affaires semble corrélée avec le développement global du pays. Les quatre pays partenaires où il y a le plus d’obstacles dans ce domaine – Burkina Faso, Cambodge, Côte d’Ivoire et Haïti – sont les moins bien classés selon l’Indice de développement humain (IDH), alors que l’Arménie, la Géorgie et le Costa Rica sont les économies les plus avancées en termes de développement humain (PNUD, 2015). Il est également important de garder à l’esprit que l’environnement réglementaire mesuré par l’indice Doing Business s’applique principalement à des entreprises qui sont officiellement enregistrées, alors que les nombreuses petites entreprises informelles que comptent les pays en développement peuvent rencontrer d’autres types d’obstacles.

Comment les migrations influent sur les investissements

Les migrations peuvent influer sur les investissements de plusieurs façons :

  • les migrants peuvent accumuler de l’épargne et créer et exploiter une entreprise, à l’étranger ou à leur retour ;

  • les transferts de fonds peuvent servir à financer des investissements productifs, par exemple dans les entreprises et dans l’immobilier ;

  • les migrants de retour peuvent rentrer dans leur pays d’origine avec des fonds, des compétences entrepreneuriales et des réseaux précieux.

La littérature s’est beaucoup intéressée au lien existant entre les migrations et les investissements productifs. Cependant, l’effet global des migrations et des transferts de fonds sur les investissements n’est pas tranché. Les migrations et les transferts de fonds peuvent offrir un moyen de surmonter les imperfections du marché du crédit et permettre aux ménages d’investir dans des activités productives, par exemple les entreprises ou l’immobilier (c’est-à-dire les terres non-agricoles et les bâtiments) (Adams et Cuecuecha, 2010a ; Massey et Parrado, 1998 ; Woodruff et Zenteno, 2007 ; Yang, 2008). Plusieurs études ont montré que les migrants de retour sont plus susceptibles de créer une entreprise que les personnes n’ayant jamais émigré (McCormick et Wahba, 2001 ; Mesnard, 2004 ; Wahba et Zenou, 2012).

D’autres études ont montré que l’effet des transferts de fonds sur les investissements productifs est souvent limité. Ainsi, les ménages sont plus portés à consacrer les transferts de fonds qu’ils reçoivent à leurs besoins quotidiens et à l’achat de biens de consommation qu’à les investir pour l’avenir (Basok, 2000 ; Chami et al., 2003 ; Zarate-Hoyos, 2004), et le fait de recevoir des fonds est parfois associé à une probabilité moindre d’avoir une entreprise (Amuedo-Dorantes et Pozo, 2006). C’est particulièrement vrai dans les pays où les transferts de fonds bénéficient à certains des ménages les plus pauvres – ceux pour qui combler les besoins quotidiens liés à l’alimentation et l’habillement est le plus pressant (Adams et Cuecuecha, 2010b). En outre, si les émigrés et les migrants de retour sont souvent surreprésentés parmi les travailleurs indépendants, cela ne traduit pas nécessairement une décision d’investissement active, mais pourrait tenir à ce que les obstacles à l’emploi salarié formel les poussent à choisir le travail indépendant (Brixy et al., 2013). Les migrations pourraient également avoir des effets perturbateurs sur l’investissement si les ménages doivent vendre leur entreprise ou d’autres actifs de valeur pour financer les coûts de l’émigration.

Cependant, il est important de garder à l’esprit que les transferts de fonds peuvent avoir des effets multiplicateurs (Durand et al., 1996). Par exemple, lorsqu’ils sont consacrés à la consommation, outre le fait qu’ils constituent une source de revenu importante pour les ménages, les transferts de fonds contribuent également au développement et à la croissance en augmentant la demande de biens et de services et en stimulant la production et l’emploi. Il est démontré que les migrations réduisent la pauvreté même dans les ménages sans migrants, en raison à la fois de l’augmentation de l’activité économique induite par les flux de transferts de fonds et des transferts de fonds que reçoivent les ménages sans migrants (Martinez et Yang, 2007).

Le lien entre les migrations et l’investissement a été examiné de façon approfondie lors des entretiens avec les parties prenantes. Les investissements effectués grâce aux transferts de fonds et aux migrants de retour dans les entreprises, les terres et le bâtiment sont vus comme des résultats positifs des migrations, à la fois pour les ménages migrants et l’économie locale et nationale. Cependant, les parties prenantes ont également relevé certains obstacles aux investissements productifs, comme l’insuffisance des infrastructures et les problèmes de sécurité, en Haïti, et le manque de compétences entrepreneuriales des migrants (de retour), en Géorgie. Bien que la Géorgie et l’Arménie soient bien classées en termes d’environnement réglementaire (graphique 6.3), les parties prenantes de ces deux pays ont indiqué que l’environnement d’investissement devrait y être amélioré afin de maximiser les investissements découlant des transferts de fonds et des migrations de retour. En Arménie et au Cambodge, les parties prenantes ont également souligné qu’un environnement d’investissement plus favorable – c’est-à-dire facilitant les investissements dans les entreprises et la création d’emploi – pourrait dès le départ dissuader l’émigration.

Enfin, les parties prenantes ont fréquemment évoqué les investissements effectués par les diasporas. De façon générale, les gouvernements s’intéressent de plus en plus aux moyens d’impliquer leurs diasporas dans les processus de développement et d’orienter leurs investissements vers l’entrepreneuriat, l’innovation et les secteurs prioritaires de l’économie (Agunias et Newland, 2012). Cependant, de tels effets étant difficiles à cerner à travers des enquêtes menées dans les pays d’origine des migrants, ils ne sont pas analysés dans ce chapitre.

Les fonds reçus sont souvent utilisés pour rembourser des dettes, obtenir un prêt et financer des soins de santé

Il est important de comprendre quels motifs sous-tendent les transferts de fonds et leur utilisation, lorsqu’on analyse et conçoit des politiques qui touchent au lien migrations-investissements productifs. Le questionnaire IPPMD a permis d’examiner ces motifs en interrogeant les ménages recevant des transferts de fonds sur les activités à long et court terme qu’ils ont entreprises à la suite de l’émigration d’un de leurs membres2.

Trois activités étaient courantes dans la plupart des pays : contracter un prêt bancaire, payer le traitement médical d’un membre du ménage et rembourser un emprunt ou une dette (graphique 6.4). Financer les études d’un membre du ménage et épargner faisaient partie des autres activités courantes. S’ils avaient fait un emprunt pour financer son émigration, il n’est peut-être pas si surprenant que de nombreux ménages remboursent des dettes après qu’un de leurs membres a émigré. Lors des entretiens menés avec les experts au Cambodge, une des parties prenantes a cité l’accumulation d’emprunts à des taux d’intérêt très élevés comme un facteur incitant à émigrer.

Graphique 6.4. De nombreux ménages décident de rembourser des dettes après l’émigration d’un de leurs membres
Les trois activités principales entreprises par les ménages après l’émigration d’un de leurs membres
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Note :

* Construire/acheter une maison.

Le graphique représente les trois activités les plus courantes citées par les ménages dans chaque pays. L’échantillon comprend seulement les ménages qui ont reçu des transferts de fonds de la part d’un ex-membre. Les ménages pouvaient indiquer au plus trois activités entreprises après l’émigration d’un de leurs membres tirées de la liste suivante : contracter un emprunt auprès d’une banque, financer le traitement médical ou les études d’un membre, épargner, rembourser des dettes/un emprunt, construire/acheter une maison, investir dans des activités agricoles, contracter un emprunt auprès de sources informelles, s’endetter, créer une entreprise, construire un logement pour le vendre à autrui, acheter des terres, et restaurer ou améliorer son logement. Les ménages étaient libres d’indiquer toute autre activité ne figurant pas dans cette liste.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479021

De fait, lorsqu’on examine la façon dont les migrants de l’échantillon ont financé leur émigration, on constate que c’est dans les pays où la proportion de ménages utilisant les transferts de fonds pour rembourser des dettes est la plus élevée que le recours à l’emprunt est le plus courant (Cambodge, Géorgie et Philippines). Environ 55 % des émigrés cambodgiens, 23 % des émigrés géorgiens et 21 % des émigrés philippins ont déclaré que les emprunts étaient le principal moyen de financement de leur émigration. Au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en République dominicaine et en Haïti – où peu de ménages utilisaient les transferts de fonds pour rembourser un emprunt –, la proportion des ménages recourant à l’emprunt pour financer l’émigration était bien plus faible, respectivement 1 %, 0.3 %, 5 % et 2 % (graphique 6.5).

Graphique 6.5. Le recours aux transferts de fonds pour rembourser une dette est lié au financement de l’émigration par l’emprunt
Part des ménages utilisant les transferts de fonds pour rembourser un emprunt (%) et part des émigrés finançant l’émigration par des emprunts (%)
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Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479035

Utiliser les transferts de fonds à des fins d’épargne faisait partie des principales activités au Costa Rica et en République dominicaine – les deux pays où le taux d’accès à un compte bancaire est le plus élevé –, mais c’était également le cas au Cambodge et en Haïti, où la proportion d’individus qui ont un compte bancaire est nettement plus faible (graphique 6.1).

Les proportions dans lesquelles les ménages contractent un prêt bancaire après l’émigration d’un membre peuvent suggérer que les transferts de fonds qu’ils reçoivent augmentent la garantie des ménages. Les institutions financières et les prestataires de services financiers peuvent prendre en compte le revenu tiré des transferts de fonds lorsqu’ils évaluent la solvabilité des demandeurs de microprêts, de prêts à la consommation et de prêts aux petites entreprises. Les transferts de fonds internationaux constituent également une source extérieure de revenu qui peut contribuer à lisser les revenus des ménages pauvres face à la volatilité des revenus et aux chocs de revenu négatifs ; les ménages recevant des transferts de fonds en seraient plus attractifs pour les prêteurs (Ratha et al., 2011).

Peu de ménages de l’échantillon IPPMD ont déclaré avoir recouru aux transferts de fonds pour créer une entreprise (environ 6 % des ménages aux Philippines et 4 % ou moins dans les autres pays). Cependant, cela ne permet pas d’en conclure que les transferts de fonds ne sont pas utilisés pour investir dans la création d’entreprises ou dans des entreprises existantes. En effet, il arrive que les transferts de fonds affectés à la consommation quotidienne permettent de libérer dans le budget des ménages des ressources qui peuvent être investies pour créer une entreprise ou investir dans une entreprise existante, par exemple, ce qui contribue donc indirectement à accroître les investissements. La section qui suit examine le lien entre les migrations et l’entrepreneuriat.

Les transferts de fonds sont associés au fait d’avoir une entreprise, surtout dans les zones urbaines

Tel qu’indiqué ci-dessus, les preuves empiriques du lien entre les migrations et l’investissement dans l’entreprise sont contrastées. Les données IPPMD comportent des indications détaillées sur la détention par les ménages d’une entreprise dans le secteur non agricole. Globalement, dans les dix pays partenaires, le quart des ménages environ possède au moins une entreprise. Le graphique 6.6 compare les taux de détention d’une entreprise par les ménages selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds. Les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles d’avoir une entreprise que les ménages n’en recevant pas au Burkina Faso, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, en Géorgie, en Haïti et en République dominicaine, alors que c’est l’inverse en Arménie, au Cambodge, au Maroc et aux Philippines. La différence est statistiquement significative dans six pays (Arménie, Cambodge, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Maroc et République dominicaine).

Graphique 6.6. Les ménages recevant des transferts de fonds sont souvent plus susceptibles d’avoir une entreprise
Part des ménages possédant une entreprise (%), selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : La signification statistique, calculée au moyen du test du khi carré, est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479046

De façon générale, la proportion de ménages qui possèdent une entreprise est nettement plus faible en Arménie et en Géorgie que dans les autres pays, ce qui peut surprendre, car ce sont les deux pays de l’échantillon où l’environnement réglementaire est le plus favorable à l’entreprise, comme l’illustre le graphique 6.3. Une explication tient peut-être à ce que les ménages de ces pays étaient moins susceptibles d’inclure dans la définition de l’entreprise les petites entreprises informelles, même si le questionnaire était conçu pour englober les activités entrepreneuriales allant du travail indépendant informel jusqu’à des entreprises de plus grande taille.

Avoir une entreprise peut aussi générer des opportunités d’emploi, au sein des ménages recevant des transferts de fonds, mais également au-delà de ces ménages. Cependant, la majorité des entreprises exploitées par les ménages de l’échantillon sont de petite taille et n’ont aucun employé rémunéré. Dans tous les pays partenaires, moins d’un cinquième des ménages qui ont une entreprise ont un employé rémunéré, sauf en Géorgie où c’est le cas d’un tiers de ces ménages. Au Cambodge et en Haïti, très peu d’entreprises appartenant à des ménages emploient une personne extérieure au ménage, respectivement 6 % et 7 %.

Parmi les ménages qui ont des employés, ceux qui reçoivent des transferts de fonds ont en moyenne légèrement moins d’employés rémunérés que ceux qui n’en reçoivent pas. Le constat vaut également pour les employés non rémunérés, et dans tous les pays, hormis la Côte d’Ivoire. Cela indique que, au-delà des ménages qui en reçoivent, les transferts de fonds jouent un rôle limité dans la création d’emplois.

Le tableau 6.2 examine la relation entre les migrations, les transferts de fonds et la possession d’une entreprise à travers une analyse de régression prenant en compte les caractéristiques des individus et des ménages3. Les résultats révèlent une relation constatée entre les transferts de fonds et la possession d’une entreprise. Il y avait un lien positif entre la réception de transferts de fonds et le fait d’avoir une entreprise au Burkina Faso, au Costa Rica et en République dominicaine. Toutefois, le lien n’était significatif que dans les zones urbaines. De plus, ce qui correspond aux statistiques descriptives (graphique 6.6), le lien entre les transferts de fonds et la possession d’une entreprise est négatif au Cambodge (zones urbaines). L’analyse a également montré que le lien entre le montant des fonds reçus et le fait de posséder une entreprise est positif au Burkina Faso et en Haïti, mais négatif aux Philippines.

Graphique 6.7. Les ménages ne recevant pas de transferts de fonds ont des entreprises légèrement plus grandes
Nombre moyen d’employés rémunérés et non rémunérés des ménages possédant une entreprise, selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : Le graphique illustre le nombre moyen d’employés (rémunérés et non rémunérés) des ménages possédant une entreprise qui ont des employés. En Arménie, aucune des entreprises appartenant à des ménages recevant des transferts n’avait d’employés. Le Maroc n’est pas inclus en raison de la taille restreinte de l’échantillon.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479059

Tableau 6.2. Les liens entre les transferts de fonds et les investissements dans les entreprises

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Note : Les flèches indiquent une corrélation positive ou négative statistiquement significative entre la variable dépendante et la principale variable indépendante étudiée. Dans certains cas, la taille de l’échantillon est très restreinte en raison du faible échantillon de ménages possédant une entreprise (Arménie, Géorgie et Maroc) ou recevant des transferts de fonds (Costa Rica). Maroc, Arménie et Géorgie ne sont donc pas inclus dans l’analyse.

Globalement, dans la plupart des pays partenaires, et en particulier dans les zones rurales, les résultats indiquent un lien assez faible entre les migrations et la possession d’une entreprise. Cela suggère que les transferts de fonds reçus par les ménages peuvent être insuffisants pour financer des investissements dans les entreprises. Les investissements productifs exigent généralement des niveaux de transferts de fonds ou d’épargne plus élevés que l’achat de biens de consommation. Les statistiques descriptives concernant leur utilisation suggèrent également que les transferts de fonds servent à payer des soins de santé et à rembourser des dettes, plutôt qu’à financer des investissements productifs (graphique 6.4).

Les seuls liens positifs entre les transferts de fonds et la possession d’une entreprise concernent les zones urbaines, ce qui laisse penser qu’il peut y avoir des obstacles aux investissements plus importants dans les zones rurales. La relation entre transferts de fonds et possession d’une entreprise est négative au Cambodge, et dans une certaine mesure en Arménie ; cela s’explique probablement par le fait que la pauvreté et le manque d’emplois influent sur la décision d’émigrer, les migrants venant généralement des couches les plus pauvres de la population (chapitre 8). Dans ce cas, les transferts de fonds peuvent devenir pour les ménages une solution de dernier recours pour payer les dépenses à court terme, plutôt qu’un moyen de financer des investissements à long terme.

Les transferts de fonds semblent stimuler l’investissement dans l’immobilier, mais dans peu de pays seulement

Outre les activités entrepreneuriales, les ménages migrants et les ménages recevant des transferts de fonds peuvent décider de consacrer les transferts de fonds reçus à d’autres actifs productifs, tels que les investissements dans l’immobilier (terres et bâtiments, selon la définition retenue ici). L’immobilier est souvent considéré comme un investissement relativement sûr qui exige moins de capital financier, humain et social que l’investissement dans les activités entrepreneuriales. Investir dans les terrains et les bâtiments peut donc être une façon d’épargner pour les migrants et leurs ménages, et ces investissements peuvent aussi servir de garanties pour faire de nouveaux emprunts ou investissements, en particulier si les imperfections des marchés du crédit entravent l’accès au crédit. Les investissements dans l’immobilier peuvent procurer aux ménages de nouvelles sources de revenu, tels que les revenus locatifs, et éventuellement avoir des effets multiplicateurs sur l’économie locale en stimulant la demande dans le secteur du bâtiment (Chappell et al., 2010 ; Mezger et Beauchemin, 2010).

L’enquête IPPMD s’est intéressée aux terres et aux bâtiments que possèdent les ménages (c’est-à-dire les terres non agricoles et les actifs immobiliers tels que des maisons ou des appartements autres que le logement où vit le ménage)4. Le graphique 6.8 compare la propriété de terres non agricoles et/ou d’actifs immobiliers chez les ménages selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds5. Dans tous les pays, à l’exception du Cambodge, les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles de posséder des biens immobiliers que les ménages ne recevant pas de transferts de fonds. La différence est significative partout, sauf en Arménie et au Cambodge.

Le tableau 6.3 présente les résultats de l’analyse de régression sur le lien entre les transferts de fonds et la propriété de biens immobiliers6. Les résultats montrent une corrélation positive significative entre les transferts de fonds et l’immobilier en Arménie, en Côte d’Ivoire, en Géorgie, en Haïti, au Maroc et aux Philippines. Cependant, en Arménie et en Géorgie, l’effet n’est significatif que pour les niveaux de transferts de fonds les plus élevés, ce qui signifie que recevoir des transferts de fonds n’est pas suffisant en soi, et que le montant des transferts est important.

Tableau 6.3. Les liens entre les transferts de fonds et la propriété de biens immobiliers

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Note : Les flèches indiquent une corrélation positive ou négative statistiquement significative entre la variable dépendante et la principale variable étudiée. 1. Corrélation statistiquement significative uniquement pour l’émigration, et pas pour les transferts de fonds. 2. L’émigration est corrélée positivement avec la possession d’une entreprise, alors que les transferts de fonds le sont négativement. Des analyses distinctes n’ont été menées que pour la propriété de terres, mais les résultats ne différaient pas de la mesure globale pour les terres et les bâtiments.

L’un dans l’autre, les résultats révèlent des corrélations contrastées et relativement faibles entre la propriété de biens immobiliers et les transferts de fonds. Contrairement aux résultats sur la possession d’une entreprise, il n’y a pas de différences entre les zones rurales et urbaines. Le fait que les résultats soient significatifs uniquement dans les pays où le taux de propriété immobilière est plus élevé (graphique 6.8) indique que certains résultats peuvent découler en partie de la très petite taille de l’échantillon.

Graphique 6.8. Les ménages recevant des transferts de fonds sont généralement plus nombreux à avoir de l’immobilier
Part des ménages possédant des biens immobiliers (terres et bâtiments) (%), selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : L’immobilier comprend les terres non agricoles et les bâtiments (maisons et/ou appartements) autres que le logement où vit actuellement le ménage. La signification statistique, calculée au moyen du test du khi carré, est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479067

Les migrants de retour ont le potentiel d’investir dans leur pays d’origine

Tel qu’indiqué ci-dessus, les migrations de retour peuvent générer des investissements dans les activités entrepreneuriales et dans l’immobilier. Les migrants peuvent revenir avec de nouvelles connaissances et du capital qui peut être utilisé pour financer des activités entrepreneuriales et investir dans des actifs productifs. Cependant, s’ils ont dû occuper des emplois qui n’étaient pas à la hauteur de leurs compétences ou si elle a affaibli leurs liens sociaux dans leur pays d’origine, l’expérience migratoire peut aussi nuire à l’intégration des migrants de retour dans le marché de l’emploi. Pour ceux qui ne parviennent pas à trouver du travail, il arrive donc que la solution de « dernier recours » soit de créer une entreprise (Mezger et Flahaux, 2013).

Les données IPPMD comportent des informations sur les migrants de retour dans les ménages ainsi que sur les activités entrepreneuriales des ménages. Cependant, les données sur les activités entrepreneuriales étant au niveau des ménages, elles ne révèlent pas si ces activités sont le fait des migrants de retour eux-mêmes ou d’autres membres du ménage. Par conséquent, l’analyse permet seulement de comparer les actifs productifs et les activités entrepreneuriales au niveau des ménages. Le graphique 6.9 montre que les ménages avec un migrant de retour sont plus susceptibles d’exploiter une entreprise dans la majorité des pays, à l’exception du Cambodge, du Costa Rica, de la Côte d’Ivoire et du Maroc.

Graphique 6.9. Les ménages avec un migrant de retour sont généralement plus susceptibles d’exploiter une entreprise
Part des ménages exploitant une entreprise (%), selon qu’ils ont ou non un migrant de retour
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Note : La signification statistique, calculée au moyen du test du khi carré, est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479070

Dans la plupart des pays, les ménages avec un migrant de retour sont plus susceptibles de posséder des biens immobiliers que les ménages sans migrant de retour. Les ménages possèdent plus souvent des terres que des bâtiments dans la majorité des pays, en particulier au Burkina Faso, au Cambodge et aux Philippines. Il est plus courant que les ménages possèdent des bâtiments en Arménie et en République dominicaine (graphique 6.10).

Une analyse de régression probit a été menée pour examiner le lien entre les migrations de retour et les investissements productifs dans les entreprises et l’immobilier dans les zones urbaines et rurales, en prenant en compte des caractéristiques supplémentaires des individus et des ménages (tableau 6.4)7. Les résultats indiquent à la fois des liens positifs et des liens négatifs. Les migrations de retour sont associées à un taux de propriété d’actifs (entreprises comme immobilier) plus élevé dans les zones urbaines du Costa Rica ; aux Philippines, les ménages avec un migrant de retour avaient des taux de propriété d’entreprise plus élevés dans les zones rurales, mais ils étaient plus susceptibles de posséder des biens immobiliers dans les zones urbaines.

Graphique 6.10. Les ménages avec un migrant de retour sont légèrement plus susceptibles d’avoir de l’immobilier
Part des ménages qui possèdent des biens immobiliers (%), selon qu’ils ont ou non un migrant de retour
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Note : Les biens immobiliers comprennent les terres non agricoles et les bâtiments autres que le logement où vit actuellement le ménage.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479083

Tableau 6.4. Les liens entre les migrations de retour et les investissements productifs

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Note : Les flèches indiquent une corrélation positive ou négative statistiquement significative entre la variable dépendante et la principale variable étudiée. Les résultats ne différaient pas lorsque l’analyse portait seulement sur les terres.

1. L’analyse de l’ensemble de l’échantillon (zones rurales et urbaines) indique une corrélation statistiquement significative entre la possession d’une entreprise et les migrations de retour, mais, en raison de la petitesse de l’échantillon de ménages possédant une entreprise, il n’a pas été possible d’analyser séparément les zones rurales et urbaines.

Au Burkina Faso, la corrélation entre propriété immobilière et émigration est négative dans les zones rurales, mais pas dans les zones urbaines. Une explication possible est que les ménages utilisent les actifs immobiliers – en les liquidant – pour financer l’émigration d’un de leurs membres. Le profil des ménages avec un migrant de retour peut aussi être une explication. Les migrants issus des couches les plus pauvres de la population qui s’établissent dans un pays voisin pour y occuper un emploi non qualifié ne sont probablement pas en mesure d’accumuler assez d’épargne pour pouvoir investir dans une entreprise ou dans l’immobilier à leur retour.

Le lien entre les migrations de retour et les investissements est faible dans plusieurs pays partenaires. Cela peut traduire l’effet potentiellement perturbateur de l’émigration sur l’intégration dans le marché de l’emploi et l’accès aux services financiers. Par exemple, au Costa Rica, les parties prenantes ont souligné que les migrants de retour rencontraient des difficultés pour ouvrir un compte bancaire à leur retour.

Comment les politiques en matière d’investissement et de services financiers influent sur les migrations

Ces dernières décennies, les responsables des politiques ont accordé une grande attention à la relation entre les migrations et l’investissement. Des pays qui connaissent des flux migratoires et de transferts de fonds significatifs ont mis en œuvre des politiques visant à exploiter le potentiel des transferts de fonds en matière de financement du développement. Ces politiques consistent notamment à former les migrants à l’entrepreneuriat, à relier les migrants aux institutions financières pour leur donner accès à des prêts pour la création d’entreprises, à soutenir les groupes villageois d’épargne mettant l’accent sur les transferts de fonds, à développer de nouvelles technologies qui réduisent les coûts et facilitent les transferts de fonds, ainsi qu’à émettre des « obligations des diasporas » pour stimuler l’investissement dans les projets liés au développement (voir, par exemple Ratha, 2013 ; FIDA, 2015).

Cependant, l’attention a essentiellement porté sur des politiques ciblant expressément les migrants, leurs ménages et les communautés de la diaspora. Les politiques publiques visant à améliorer le secteur de l’investissement et des services financiers dans son ensemble ont moins retenu l’attention. Étant donné l’importance des transferts de fonds envoyés dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, et les effets multiplicateurs qu’ils peuvent avoir aux niveaux local, régional et national, des politiques qui ne ciblent pas directement les migrations peuvent également être un outil important pour renforcer les liens positifs entre les migrations et les investissements. La fin de ce chapitre est consacrée aux politiques d’inclusion financière et de formation financière, ainsi qu’à leur impact sur les tendances des transferts de fonds.

Les modules de l’enquête IPPMD auprès des ménages couvrent les entreprises du ménage, ainsi que les services financiers et l’investissement. Tous les ménages ont été interrogés au sujet des services financiers, et ceux qui ont au moins une entreprise l’ont également été à propos de l’exploitation de cette entreprise, des politiques d’investissement et des obstacles rencontrés dans l’exploitation d’une entreprise (Box 6.1)

Encadré 6.1. Les politiques en matière d’investissement et de services financiers couvertes dans l’enquête IPPMD

L’enquête IPPMD auprès des ménages comportait un certain nombre de questions sur les politiques liées à l’investissement dans l’entreprise, aux obstacles aux affaires et à l’accès au secteur financier formel (graphique 6.11). Les questions concernant les politiques liées à l’entreprise portaient notamment sur les subventions à caractère fiscal et les autres subventions dont l’entreprise du ménage a bénéficié. Toutefois, ces questions n’étaient posées aux ménages que si leur entreprise comptait au moins quatre employés, d’où la taille limitée de l’échantillon.

D’autres questions portaient sur l’accès à un compte bancaire et la participation à un programme de formation financière. Avoir un compte dans une institution bancaire donne accès au secteur financier formel, ce qui peut faciliter les transferts de fonds et les autres transferts de capital, accroître les transferts de fonds effectués via le système financier formel et faciliter l’accès au crédit et aux autres services financiers. Les ménages dépourvus de compte bancaire (« les ménages non bancarisés ») doivent souvent payer davantage pour avoir accès aux services financiers de base. Il était également demandé dans le questionnaire si un membre du ménage avait participé à un programme de formation financière au cours des cinq dernières années. Une formation financière peut aider les migrants, les migrants de retour et les ménages recevant des transferts de fonds à se faire une idée plus éclairée des produits et des occasions d’investissement grâce auxquels les ménages peuvent utiliser les transferts de fonds de façon plus productive.

L’enquête auprès des communautés comportait également un certain nombre de questions sur les politiques et les programmes liés à l’investissement et aux services financiers offerts dans les communautés étudiées. Elles portaient notamment sur les programmes de formation financière et entrepreneuriale, les prêts pour la création d’entreprises et d’autres types d’avantages économiques visant à stimuler les investissements, tels que les exonérations fiscales, les subventions aux entreprises et des régimes de droits à l’importation et à l’exportation favorables.

Graphique 6.11. Les politiques en matière d’investissement et de services financiers examinées dans les enquêtes IPPMD
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Les conditions imposées par les banques entravent l’accès aux comptes bancaires dans de nombreux pays

Pour que l’effet multiplicateur des transferts de fonds joue pleinement, il faut que les ménages – qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds – aient accès aux institutions financières formelles. Le graphique 6.1 a montré qu’il existe une corrélation positive entre l’accès à un compte bancaire et l’épargne formelle. L’accès au système financier formel incite les migrants à utiliser les canaux formels pour effectuer des transferts de fonds et peut renforcer l’impact des transferts de fonds sur le développement en encourageant à épargner davantage et à mieux adapter cette épargne aux occasions d’investissement (PNUD, 2011). Les transferts de fonds qui passent par les canaux formels sont non seulement plus sûrs pour ceux qui les effectuent et ceux qui les reçoivent, ils peuvent également contribuer au développement du secteur financier et s’accompagner d’effets multiplicateurs en procurant des ressources pour financer les activités économiques, ce qui, en retour, peut encourager les investissements productifs.

Le graphique 6.12 donne un aperçu de l’accès à un compte bancaire des ménages dans les pays partenaires, selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds. Dans la majorité des pays, les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles d’avoir accès à un compte bancaire que les ménages n’en recevant pas, avec une différence marquée (et statistiquement significative) au Cambodge, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, en République dominicaine, en Haïti, au Maroc et aux Philippines. Au Burkina Faso et en Géorgie, il n’y a pratiquement aucune différence, tandis que l’Arménie est le seul pays où les ménages recevant des transferts de fonds sont moins susceptibles d’avoir accès à un compte bancaire.

Graphique 6.12. Dans la majorité des pays partenaires, les ménages recevant des transferts de fonds sont nettement plus susceptibles d’avoir un compte bancaire
Part des ménages qui ont un compte bancaire (%), selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : La signification statistique, calculée au moyen du test du khi carré, est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Tous les transferts de fonds sont pris en compte, qu’ils soient le fait d’ex-membres du ménage ou de migrants qui n’en ont jamais fait partie.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479092

Le taux global de détention d’un compte bancaire parmi les ménages varie également beaucoup selon les pays. Moins de 10 % des ménages de l’échantillon cambodgien ont un compte bancaire, contre 80 % environ des ménages au Costa Rica et en Géorgie8.

Le lien entre l’accès à un compte bancaire et les transferts de fonds pourrait jouer dans les deux sens. Avoir un compte bancaire permet de recevoir plus facilement des transferts de fonds et peut donc augmenter les chances d’en recevoir. D’autre part, recevoir des transferts de fonds peut créer le besoin d’avoir un compte formel pour y déposer les sommes reçues. Dans ce dernier cas, ce sont les transferts de fonds qui conduisent à une amélioration de l’accès aux institutions financières, plutôt que l’inverse. Des études ont montré qu’un afflux de transferts de fonds peut stimuler le développement financier (Gupta et al., 2009). En comparant le moment où un de ses membres a émigré et celui où le ménage a ouvert son premier compte bancaire, on constate qu’en général, les ménages ont ouvert un compte bancaire avant que leur membre n’émigre.

L’exclusion financière peut provenir d’obstacles du côté de l’offre comme du côté de la demande. Côté offre, l’existence de coûts élevés et de conditions strictes peut empêcher l’accès des ménages les plus pauvres aux services financiers. Côté demande, les obstacles peuvent tenir à la langue, à la faiblesse des niveaux de littératie financière et à un manque de confiance dans les institutions financières (Atkinson et Messy, 2015). L’enquête menée auprès des ménages a permis de les interroger sur les raisons pour lesquelles ils n’avaient pas de compte bancaire. Le graphique 6.13 illustre les principales réponses données dans certains pays où l’accès à un compte bancaire est relativement faible. Ces réponses peuvent être regroupées en deux catégories principales : 1) le ménage n’a pas besoin d’un compte bancaire ; 2) le ménage ne peut pas avoir accès à un compte bancaire, soit parce que c’est trop cher, soit parce que la banque impose des conditions trop exigeantes. En République dominicaine et aux Philippines, environ 15 % des ménages qui n’ont pas de compte bancaire avancent la raison qu’en avoir un coûte trop cher. S’attaquer, côté offre, aux obstacles liés aux coûts élevés et aux conditions strictes pourrait donc améliorer l’accès au secteur financier des ménages non bancarisés. Concevoir des produits financiers qui répondent aux besoins des ménages et mieux les informer des produits et des services existants pourrait également contribuer à une plus grande inclusion financière. L’incapacité à avoir accès à un compte bancaire touche plus fréquemment les ménages ne recevant pas de transferts de fonds, ce qui pourrait suggérer que les transferts de fonds sont pour les ménages un moyen d’avoir accès au secteur financier.

Graphique 6.13. Les conditions imposées par les banques sont une barrière à l’accès à un compte bancaire dans de nombreux pays
Principales raisons avancées pour ne pas ouvrir de compte bancaire, selon que les ménages reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : Le graphique illustre les raisons les plus couramment avancées pour ne pas avoir de compte bancaire dans certains pays où l’accès aux comptes bancaires est relativement faible. Toutes les raisons citées par au moins 4 % de l’échantillon apparaissent ici.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479105

L’accès au secteur financier formel se traduit par plus de transferts de fonds formels

Tel qu’indiqué ci-dessus, l’accès au secteur financier formel peut faciliter le transfert et la réception de fonds, et stimuler l’augmentation de ces transferts en général, en particulier ceux qui empruntent les canaux formels. Il a également été montré que les transferts de fonds effectués par l’intermédiaire des banques ou d’autres intermédiaires financiers stimulent l’épargne (Aggarwal et al., 2006 ; Gupta et al., 2009).

Le graphique 6.14 compare le montant total des transferts de fonds que reçoivent les ménages selon qu’ils ont ou non un compte bancaire. Ceux qui ont un compte bancaire en reçoivent davantage en moyenne, sauf en Géorgie (il n’y a pratiquement aucune différence en République dominicaine). Au Cambodge et aux Philippines, la différence est frappante entre les montants moyens reçus par les ménages selon qu’ils sont ou non bancarisés. Au Cambodge, les ménages bancarisés reçoivent en moyenne des montants plus de deux fois plus élevés que les ménages non bancarisés (3 800 USD contre 1 800 USD). Aux Philippines, les ménages bancarisés reçoivent l’équivalent de 4 600 USD, contre 2 600 USD pour les ménages non bancarisés.

Graphique 6.14. Les ménages recevant des transferts de fonds qui ont un compte bancaire reçoivent en moyenne des montants plus élevés
Montant des transferts de fonds (en USD) reçus au cours des 12 derniers mois, selon que les ménages ont ou non un compte bancaire
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Note : Les transferts de fonds sont définis comme le montant d’argent moyen (en USD) reçu par les ménages dans les 12 mois précédant l’étude de la part de toute personne vivant à l’étranger. L’échantillon comprend seulement les ménages recevant des transferts de fonds.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479115

Le tableau 6.5 présente les résultats d’une analyse de régression sur le lien entre l’accès à un compte bancaire et le caractère formel des transferts de fonds9. Ces résultats suggèrent qu’il existe dans la plupart des pays de l’échantillon une corrélation positive et significative entre l’accès à un compte bancaire et le fait de recevoir des montants plus élevés de transferts de fonds, et que cet accès réduit la probabilité de recevoir des transferts de fonds par des canaux informels. L’accès à un compte bancaire est associé à des transferts de fonds plus élevés au Cambodge, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en Haïti, même si la différence n’est statistiquement significative que dans les zones rurales de la Côte d’Ivoire et d’Haïti. Dans tous les pays, sauf l’Arménie et la Géorgie, il est moins probable que les transferts de fonds empruntent des canaux informels lorsque les ménages qui les reçoivent ont un compte bancaire. En Géorgie, la plupart des ménages ont déjà accès à un compte bancaire, ce qui peut influer sur les résultats.

Tableau 6.5. Les liens entre l’accès à un compte bancaire et les caractéristiques des transferts de fonds

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Note : Les flèches indiquent une corrélation positive ou négative statistiquement significative entre la variable dépendante et la principale variable étudiée. En Côte d’Ivoire, au Costa Rica et en République dominicaine, très peu de ménages recevaient des transferts de fonds via des canaux informels (respectivement 12, 2 et 8 ménages).

1. Statistiquement significatif uniquement dans les zones urbaines. 2. Statistiquement significatif uniquement dans les zones rurales.

Peu de ménages bénéficient de programmes de formation financière

Pour que les transferts de fonds soient utilisés de façon productive, les ménages doivent être avertis des produits d’investissement disponibles et de toute opportunité d’épargne ou d’investissement. Cela vaut pour les ménages recevant des transferts de fonds comme pour les ménages vivant dans les communautés où les transferts de fonds sont importants et où il peut donc y avoir des effets multiplicateurs. Créer et exploiter une entreprise exige également des compétences en gestion des affaires. Les programmes de formation financière contribuent à accroître la littératie financière, ce qui peut favoriser l’investissement dans les actifs productifs. Jusqu’à présent, peu d’études empiriques ont évalué l’impact des programmes de formation financière sur les migrants et leurs ménages ; néanmoins, certaines données indiquent que la formation accroît les connaissances financières et, dans certains cas, encourage également les membres du ménage à affecter les transferts de fonds à l’épargne dans le pays d’origine (Doi et al., 2012 ; Atkinson et Messy, 2015).

Au vu du nombre de ménages de l’échantillon IPPMD qui ont bénéficié d’un programme de formation financière au cours des cinq dernières années, la couverture de tels programmes est relativement faible dans la plupart des pays partenaires (graphique 6.15). Le taux de participation global des ménages est de 5 % environ. C’est au Burkina Faso qu’il est le plus élevé, à 10 % environ, tandis qu’il est inférieur à 1 % en Géorgie et en Arménie. Dans la majorité des pays, les ménages recevant des transferts de fonds sont plus susceptibles que les ménages n’en recevant pas d’avoir participé à un programme de formation financière, mais la différence est souvent négligeable.

Graphique 6.15. Peu de ménages ont participé à des programmes de formation financière
Part des ménages ayant participé à un programme de formation financière au cours des cinq dernières années (%), selon qu’ils reçoivent ou non des transferts de fonds
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Note : La signification statistique, calculée au moyen du test du khi carré, est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479125

L’enquête auprès des communautés a également montré que la part des communautés de l’échantillon couvertes par les programmes publics de formation financière et entrepreneuriale diffère selon les pays (graphique 6.16). Peu de communautés ont accès à des formations sur les outils bancaires et financiers (c’est-à-dire l’épargne et les prêts) ou sur l’entrepreneuriat. Hormis la Géorgie, tous les pays pour lesquels on dispose de données offraient des cours liés aux services financiers, alors qu’au Burkina Faso et au Cambodge, aucune communauté ne bénéficiait de programmes de formation liés à l’entrepreneuriat.

Graphique 6.16. Les formations en entrepreneuriat et en gestion sont offertes dans moins de la moitié des communautés de l’échantillon
Part des communautés où sont offertes des formations liées aux outils bancaires et financiers et en entrepreneuriat/gestion (%)
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Note : La Géorgie n’est pas incluse, car aucune communauté de l’échantillon n’offrait de formation. Aucune communauté n’offrait de formation en entrepreneuriat/gestion d’entreprise au Burkina Faso et au Cambodge. Il n’y a pas de données disponibles pour Haïti et le Maroc.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479139

Recommandations de politiques

Les migrations et les transferts de fonds génèrent des revenus pour des millions de ménages dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, ce qui peut aider les ménages à surmonter les contraintes financières auxquels ils font face, mais aussi devenir une source de financement du développement. Les résultats des enquêtes menées dans les dix pays du projet IPPMD confirment les conclusions d’études antérieures selon lesquelles l’épargne accumulée par les migrants de retour et grâce aux transferts de fonds peut stimuler l’investissement et l’entrepreneuriat, sans que ce lien soit automatique. Les ménages recevant des transferts de fonds et les ménages avec un migrant de retour sont généralement plus susceptibles de posséder une entreprise ou des biens immobiliers, en particulier dans les zones urbaines. Toutefois, le lien entre migrations et investissement n’est pas tranché, et les résultats suggèrent que l’effet des migrations et des transferts de fonds sur les investissements ne s’est pas encore pleinement concrétisé. Un environnement d’investissement défavorable peut nuire à la capacité des ménages d’investir les transferts de fonds et d’épargner. Faciliter la création et l’exploitation des petites entreprises revêt une importance particulière, car les ménages recevant des transferts de fonds exploitent en général des entreprises comptant peu d’employés ou aucun employé. Offrir des prêts aux petites entreprises et des formations en gestion d’entreprise pourrait renforcer les investissements découlant des transferts de fonds dans les activités entrepreneuriales.

De plus, l’émigration est souvent financée par l’endettement, et les transferts de fonds sont plus susceptibles d’être utilisés pour rembourser une dette, servir de garantie pour un emprunt ou payer des soins de santé, que pour investir directement dans une entreprise. Les coûts de l’émigration pourraient aussi expliquer qu’il n’y ait pas d’investissements productifs ou que ces investissements soient repoussés. En l’absence de marchés du crédit fonctionnels, les ménages peuvent avoir à payer des taux d’intérêt élevés. Le temps et les ressources nécessaires pour rembourser leurs dettes peuvent alors compromettre la capacité des ménages à investir. Par conséquent, il est important de fournir des informations quant aux filières sûres de migration, afin de permettre aux émigrés de prendre des décisions éclairées.

Les transferts de fonds et leur utilisation ainsi que les décisions d’investissement des migrants de retour dépendent de facteurs contextuels tels qu’un environnement d’investissement favorable et des systèmes financiers inclusifs qui stimulent l’épargne et les investissements. Les pays diffèrent grandement en termes d’accès à un compte bancaire et de disponibilité de formations financières, mais aussi de facilité de créer une entreprise et de faire des affaires. La participation aux programmes de formation en littératie financière est très faible parmi les ménages – migrants et non migrants – de l’échantillon, faiblesse qui pourrait constituer une occasion manquée d’orienter les transferts de fonds vers des investissements plus productifs. La présence d’institutions offrant des services financiers et le degré d’inclusion financière, par exemple la part de la population qui a un compte bancaire, sont également relativement faibles dans plusieurs pays, en particulier dans les zones rurales. Or, il est prouvé que l’inclusion financière est positivement corrélée avec des montants de transferts de fonds plus élevés et un recours moindre aux canaux informels. En outre, une plus grande inclusion financière pourrait aussi accroître la concurrence entre les prestataires de services, ce qui pourrait en retour contribuer à réduire les coûts de transfert des fonds. Certaines politiques sectorielles pourraient donc aider à créer un environnement plus favorable, par exemple par l’adoption de mesures visant à accroître l’inclusion financière et à offrir des programmes de formation en littératie financière, afin que les fonds liés aux migrations et aux transferts soient utilisés plus efficacement.

Tableau 6.6. Renforcer les liens entre les migrations, l’investissement, les services financiers et le développement

Recommandations de politiques

Transferts de fonds

  • Soutenir la création et l’exploitation des petites entreprises à travers des prêts aux petites entreprises et des programmes de formation à la gestion des entreprises, afin d’encourager les investissements liés aux transferts de fonds.

  • Étendre l’offre de services financiers, en particulier dans les zones rurales, en intensifiant la concurrence entre les prestataires de services et en adaptant le cadre réglementaire.

  • Accroître la littératie financière parmi les ménages des communautés où les taux d’émigration sont élevés.

Migrations de retour

  • Fournir aux migrants de retour des informations sur les opportunités d’investissement par le biais de réseaux d’investissement et de sites web sur mesure.

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Notes

← 1. Il convient de souligner que les données de la Banque mondiale sur l’épargne formelle portent seulement sur l’épargne accumulée au cours des 12 mois précédant la date de l’enquête.

← 2. Le questionnaire proposait une liste comportant diverses activités, mais les ménages pouvaient également en indiquer d’autres qui n’y figuraient pas.

← 3. Les variables de contrôle utilisées dans cette régression étaient les suivantes : taille du ménage (et son carré), proportion de personnes à charge (rapport enfants et personnes âgées sur membres du ménage en âge de travailler), niveau moyen d’éducation des adultes du ménage, lieu de résidence (zone rurale/urbaine), ménage dirigé par un homme ou une femme, nombre d’enfants dans le ménage, ratio hommes-femmes, région de résidence et richesse du ménage (mesurée par un indice des actifs).

← 4. Une question portait sur le nombre de certains biens – terres et bâtiments, notamment – appartenant au ménage, mais sans demander de précision sur leur date d’acquisition. Il est donc impossible de distinguer les actifs selon qu’ils ont été acquis avant ou après qu’un migrant a quitté le ménage et/ou que le ménage a commencé à recevoir des transferts de fonds, ce qui limite l’analyse.

← 5. Les transferts de fonds sont envisagés ici indépendamment du fait que le ménage ait ou non un migrant. Tous les ménages recevant des transferts de fonds ne sont pas des ménages migrants, et tous les ménages migrants ne reçoivent pas de transferts de fonds. Le fait que le ménage soit un ménage migrant ou non migrant constitue cependant une variable de contrôle dans les modèles de régression.

← 6. Les variables de contrôle utilisées dans cette régression sont identiques à celles indiquées pour le tableau 6.2 ; voir note 3.

← 7. Les variables de contrôle utilisées dans cette régression sont identiques à celles indiquées pour le tableau 6.2 ; voir note 3.

← 8. Le taux d’accès aux comptes bancaires diffère légèrement des données présentées à la figure 6.1, probablement parce que la figure 6.1 illustre l’accès individuel et la figure 6.12, l’accès des ménages. L’échantillonnage peut également avoir affecté les taux représentés à la figure 6.12 : dans la plupart des pays, l’échantillon n’est pas représentatif au plan national, et les zones incluses peuvent être sous- représentées ou surreprésentées s’agissant de l’accès à un compte bancaire.

← 9. Voir la note 3.