Chapitre 11. Stimuler la contribution des immigrés au développement et promouvoir leur intégration
Les immigrés contribuent à bien des égards au développement économique et social des pays d’accueil. Offrant des perspectives plus favorables que d’autres pays de la même région en termes de croissance et d’emploi, plusieurs pays partenaires du projet IPPMD – Burkina Faso, Costa Rica, Côte d’Ivoire et République Dominicaine – sont aujourd’hui des destinations de plus en plus prisées en matière d’immigration. Le présent chapitre s’intéresse aux tendances de l’immigration dans ces pays, en s’appuyant sur les données IPPMD. Il présente les données factuelles tirées de l’enquête sur la contribution potentielle des immigrés dans les pays qui les accueillent, ainsi que divers obstacles les empêchant de réaliser pleinement leur potentiel en matière de développement. Les politiques publiques peuvent contribuer à une meilleure intégration des immigrés dans les pays d’accueil.
L’immigration connaît une tendance à la hausse depuis 50 ans, en particulier dans les pays membres de l’OCDE (OCDE, 2014a). La stabilité sociale et économique ainsi que les taux de croissance élevés ont attiré des millions de travailleurs en provenance d’autres pays, et bien souvent de pays en développement. Il n’en demeure pas moins que les pays de l’OCDE ne sont pas les seuls à accueillir des immigrés. Certains pays en développement offrant de meilleures perspectives de croissance et d’emploi que d’autres dans leur région sont devenus des plaques tournantes de l’immigration à l’échelon régional, accueillant des migrants qui n’ont probablement pas les moyens, le désir ou la possibilité de gagner des pays plus riches de l’OCDE.
Bien que les immigrés contribuent à l’économie de plusieurs façons (OCDE, 2014b), les décideurs ne veillent que rarement à soutenir leur intégration économique et sociale. Cela vaut notamment pour un certain nombre de pays en développement (OCDE, 2011). Toutefois, les droits des migrants et la question de leur intégration ont leur importance – le fait que les immigrés se sentent intégrés dans le tissu social du pays permet de renforcer la cohésion sociale et de promouvoir une productivité accrue. C’est la raison pour laquelle le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les Objectifs de développement durable (ODD) font la part belle à l’immigration et à l’intégration en tant que composantes essentielles du développement. L’ODD n° 8.8, en particulier, souligne l’importance de la protection des droits des travailleurs migrants (ONU, 2015).
Plusieurs des pays étudiés dans le contexte du projet IPPMD, notamment le Burkina Faso, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire et la République Dominicaine, sont aujourd’hui des destinations prisées en matière d’immigration. Le présent chapitre s’intéresse aux tendances de l’immigration dans ces pays, en s’appuyant sur les données IPPMD. Il présente les données factuelles tirées de l’enquête sur la contribution potentielle des immigrés dans les économies qui les accueillent, ainsi que les obstacles les empêchant de réaliser pleinement ce potentiel. Il conclut sur des recommandations de politiques destinées à maximiser l’intégration des immigrés dans leur propre intérêt et, plus largement, dans l’intérêt du développement.
L’importance quantitative de l’immigration dans six des pays du projet IPPMD
Les pays partenaires du projet IPPMD reflètent un éventail varié d’expériences migratoires – ils ne sont pas tous des pays quantitativement importants sur le plan de l’immigration (graphique 11.1). Avec 2.2 millions d’immigrés, la Côte d’Ivoire possède de loin le plus grand stock d’immigrés des dix pays partenaires et la plus grande part d’immigrés dans sa population (9,6 %). Cette importance quantitative, exprimée en proportion de la population, concerne également l’Arménie, le Burkina Faso, le Costa Rica, la République dominicaine et la Géorgie.
Une représentation instantanée du stock d’immigrés dans un pays est peu révélatrice de l’évolution des flux migratoires. En prenant pour base un niveau d’immigration de 100 en l’an 2000 et en suivant son évolution jusqu’en 2015, on constate qu’en dépit d’un nombre peu élevé d’immigrés dans le pays, le Maroc a connu la croissance relative la plus forte (67 %) des 10 pays étudiés (graphique 11.2). En outre, les pays qui disposaient déjà de stocks d’immigrés importants en 2000 ont également connu une progression au cours de la période 2000-15, y compris le Costa Rica (36 %), la République dominicaine (17 %) et la Côte d’Ivoire (9 %). En revanche, l’Arménie a accusé une évolution négative de son stock d’immigrés sur cette même période (-71 %), de même que le Cambodge (-49 %), les Philippines (-33 %) et la Géorgie (-23 %) – révélant ainsi que nombre d’immigrés ont quitté le pays. Les stocks d’immigrés dans les pays partenaires ont augmenté d’environ 4 % en moyenne.
Le projet IPPMD a recueilli des données sur les immigrés dans six pays : l’Arménie, le Burkina Faso, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire, la République dominicaine et le Maroc. Comme expliqué au chapitre 2, l’objectif du cadre méthodologique était d’échantillonner les ménages migrants et non-migrants à parts égales (50/50)1. L’échantillon de migrants n’était aucunement limité pour le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, par conséquent, la proportion d’immigrés dans cet échantillon reflète leur importance relative par rapport à d’autres dimensions du phénomène migratoire, telles que l’émigration et la migration de retour. Il était difficile de retrouver les ménages d’immigrés au Costa Rica et beaucoup ont refusé de se soumettre aux entrevues ; il est probable, dès lors, que cet échantillon soit surévalué. En outre, en République dominicaine, le cadre d’échantillonnage était limité à une quantité égale de ménages d’immigrés et d’émigrés/migrants de retour, bien que le nombre de ménages d’immigrés interrogés était au final légèrement supérieur. En raison du nombre total peu élevé de ménages immigrés échantillonnés en Arménie et au Maroc, il n’a pas été possible de mener une analyse complète dans ces pays2. Le présent chapitre portera donc uniquement sur les données recueillies au Burkina Faso, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en République dominicaine.
Le tableau 11.2 synthétise les données recueillies aux fins du projet IPPMD. Comme l’on pouvait s’y attendre, la proportion d’immigrés est relativement élevée au Costa Rica (81 % de l’échantillon de migrants) et en Côte d’Ivoire (61 %), en accord avec les données officielles, et les taux inférieurs au Burkina Faso (32 %) concordent eux aussi avec les données officielles. En chiffres absolus, le nombre d’immigrés échantillonnés est élevé au Costa Rica (1 578), en Côte d’Ivoire (1 347) et en République dominicaine (1 016)3.
Le lieu d’origine des immigrés joue un rôle important dans la façon dont ils immigrent et pour le succès de leur intégration dans le pays d’accueil. Pour tous les pays, plus de 97 % des immigrés sont issus de pays à revenu faible et intermédiaire, ce qui influe sur les types d’immigrés qui arrivent ainsi que sur leur propension à regagner leur pays d’origine. Les immigrés qui quittent un pays à revenu faible pour aller s’établir dans un autre pays à revenu faible ont généralement atteint un niveau d’instruction moins élevé que ceux qui rejoignent des pays à revenu élevé (Campillo-Carrete, 2013 ; Dumont et al., 2010) où les critères d’admission sont plus stricts (Long et al., 2006). En d’autres termes, l’auto-sélection positive des migrants fondée sur le capital humain est moins évidente dans les corridors migratoires entre pays en développement. En outre, de nombreuses approches en matière d’intégration reposent sur des pays tendant à être relativement homogènes en termes de langue, de culture et d’appartenance ethnique, ce qui n’est généralement pas le cas des pays découpés et pluriethniques où les frontières sont poreuses et les contrôles d’immigration laxistes (OCDE, 2011).
Le Burkina Faso, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire et la République dominicaine diffèrent également de par la diversité des pays d’où proviennent leurs immigrés. Au Burkina Faso, au Costa Rica et en République dominicaine, plus de 80 % des immigrés recensés dans les données IPPMD sont issus d’un unique pays voisin (Côte d’Ivoire, Nicaragua et Haïti, respectivement) (graphique 11.3). Les pays d’origine des immigrés en Côte d’Ivoire sont plus variés, bien que les deux tiers d’entre eux proviennent de deux pays seulement : le Burkina Faso et le Mali. Ainsi, les immigrés dans les pays partenaires du projet IPPMD sont majoritairement issus de pays à revenu faible et intermédiaire, principalement en raison du manque de compétences et de moyens leur permettant de trouver un emploi dans des pays plus riches. Selon les données recueillies par Gallup, les Burkinabés, les Haïtiens et les Nicaraguayens préfèrent émigrer en France, en Espagne ou aux États-Unis, mais seules les personnes relativement plus instruites réussissent (Gallup, 2016). Cette situation pourrait profiter au Costa Rica, à la Côte d’Ivoire et à la République dominicaine, où de nombreux emplois restent vacants car les travailleurs autochtones n’en veulent pas. Au Costa Rica par exemple, des emplois sont disponibles dans l’agriculture, le travail domestique et les transports (Sojo-Lara, 2015). Grâce aux nombreux immigrés peu instruits et motivés à trouver du travail, ces secteurs pourraient connaître un réel essor.
Selon les données IPPMD, les conditions économiques plus favorables telles que les salaires et les perspectives d’emploi ont été les principales raisons d’immigration au Costa Rica et en République dominicaine, tandis que le choix du Burkina Faso répondait à des motifs liés à la fois à la famille et aux études. En Côte d’Ivoire, où les Burkinabés et les Maliens travaillent de longue date dans la culture du cacao et dans le secteur du commerce, la plupart des immigrés ont déclaré avoir choisi de s’y rendre parce qu’une de leurs connaissances vivait dans le pays (non illustré ici). Ceux qui immigrent pour des raisons économiques sont généralement motivés à travailler et combler les lacunes du marché de l’emploi (OCDE, 2014b). De surcroît, ils choisissent parfois leur pays de destination en fonction de leurs compétences. Ceux qui immigrent par l’intermédiaire de réseaux sociaux trouvent généralement un emploi grâce aux mêmes réseaux, dont les caractéristiques peuvent déterminer en grande partie les secteurs et les métiers auxquels accèdent les immigrés.
En général, l’expérience varie fortement d’un pays à l’autre. En fonction du poids de l’immigration, du type et de la diversité des corridors migratoires ainsi que des caractéristiques des migrants, l’immigration exerce une influence distincte sur le pays. La section suivante aborde ces impacts.
En dépit de leur contribution positive, le potentiel économique des immigrés reste en partie inexploité
Les chapitres 3 à chapitre 7 se sont intéressés à l’incidence de l’immigration dans le contexte du marché de l’emploi, de l’agriculture, de l’éducation, ainsi que de la protection sociale et de la santé. Il en a été conclu que, bien que contribuant positivement à l’économie, le potentiel des immigrés demeure en partie inexploité et ce pour diverses raisons. La présente section revient sur les contributions positives des immigrés, avant d’exposer les domaines dans lesquels leur contribution pourrait se voir améliorée. Les contributions peuvent être résumées comme suit :
-
Les immigrés contribuent à leur pays d’accueil par leur travail.
-
Les immigrés investissent dans le pays d’accueil.
-
Les immigrés affichent des niveaux d’instruction peu élevés, et parfois insuffisamment exploités.
Les immigrés contribuent à leur pays d’accueil par leur travail
Comme en attestent amplement la littérature ainsi que les recherches menées dans le cadre du projet IPPMD, les immigrés contribuent de nombreuses façons à l’économie du pays d’accueil. Ils comblent les pénuries de main-d’œuvre, paient des impôts et permettent la croissance de la population en âge de travailler et du progrès technologique (OCDE, 2014b). En outre, contrairement aux idées reçues, leur impact sur le niveau des salaires et l’emploi des travailleurs autochtones est souvent nul ou négligeable (Friedberg et Hunt, 1995 ; OCDE, 2007), y compris dans les pays en développement (Gindling, 2009, sur le Costa Rica).
Le chapitre 3 a clairement démontré que les immigrés apportent un capital humain précieux à leur pays d’accueil et qu’ils sont plus susceptibles que les personnes nées dans le pays d’être dans leurs années les plus productives et d’être actifs. Plus précisément, il montre que les immigrés ont un taux d’emploi plus élevé que les travailleurs autochtones, en particulier au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en République dominicaine. Ils sont en particulier présents dans trois secteurs : agriculture, construction et activités liées aux véhicules automobiles.
Les caractéristiques des migrants diffèrent selon les pays. En République dominicaine, plus de 60 % des immigrés sont des hommes, soit le taux le plus élevé parmi les quatre pays étudiés (tableau 11.3). Cette tendance s’explique en grande partie par le fait que de nombreux immigrés installés en République dominicaine évoluent dans des métiers agricoles (34 % de tous les immigrés), à prédominance masculine (41 % de tous les hommes immigrés travaillent dans le secteur agricole). En Côte d’Ivoire (45 % contre 40 %), au Costa Rica (24 % contre 15 %) et en République dominicaine (34 % contre 13 %), le secteur agricole recense un plus grand nombre d’immigrés que de personnes nées dans le pays. Au Burkina Faso en revanche, la tendance s’inverse et les immigrés sont moins enclins à travailler dans l’agriculture que les autochtones (60 % contre 37 %), mais ils immigrent pour des raisons différentes et présentent des caractéristiques distinctes de celles des immigrés installés dans les pays ci-dessus (Box 11.2)4.
Des études sur l’intégration des immigrés dans les pays d’accueil suggèrent que la migration à un plus jeune âge et le fait de passer davantage de temps dans le pays d’accueil sont des facteurs déterminants importants pour de meilleurs résultats (voir Huber, 2015 pour une revue). Les immigrés dans les pays de l’enquête IPPMD tendent à être jeunes (tableau 11.3) et à rester de longues années durant dans le pays. Les immigrés passent plus de dix ans en moyenne dans leur pays d’accueil (graphique 11.4) soit, selon l’UE et l’OCDE (2015), le seuil à partir duquel un immigré est considéré comme « installé » (immigré de longue date). En retranchant de l’âge moyen des immigrés le nombre moyen d’années passées dans le pays, on constate que ceux-ci n’arrivent que rarement à l’étranger après avoir dépassé la vingtaine – c’est-à-dire au début de leurs années les plus productives. Et s’ils sont actifs depuis lors dans le pays d’accueil, leur contribution couvre donc de nombreuses années.
Les immigrés contribuent à travers leur contribution financière et leurs investissements dans le pays d’accueil
La contribution des immigrés ne se limite pas à leur travail ; il se peut aussi qu’ils paient des impôts dans le pays d’accueil. Les données du projet IPPMD montrent que les immigrés sont moins concernés par l’impôt que les autochtones, mais lorsqu’ils paient des impôts, ils contribuent autant que leurs homologues nés dans le pays (chapitre 7). Dès lors, et dans la mesure où ils reçoivent moins de prestations sociales que la population née dans le pays, les immigrés pourraient avoir un effet positif net sur le solde budgétaire du pays d’accueil, en particulier s’ils ont accès à des contrats de travail formels. Ce qui coïnciderait avec des recherches menées dans les pays de l’OCDE, suggérant que la contribution globale nette des immigrés au solde budgétaire tend à se rapprocher de zéro. Cependant, la position fiscale nette des ménages immigrés est généralement moins favorable que celle des personnes nées dans le pays. Cette situation tient essentiellement au fait qu’ils cotisent plus faiblement, et non à une plus forte dépendance aux prestations sociales (OCDE, 2013).
En moyenne, 20 % des immigrés dans tous les pays partenaires du projet IPPMD ont déclaré avoir investi directement dans leur pays d’accueil, mais la Côte d’Ivoire se détache avec le taux le plus élevé (graphique 11.5). Près de la moitié des immigrés de ce pays ont déclaré avoir investi dans le secteur agricole (cultures et élevage), alors que dans les autres pays les immigrés ont surtout investi dans l’immobilier.
Les investissements peuvent également prendre la forme d’entreprises constituées par le ménage. Par rapport aux ménages sans immigré, les ménages avec un immigré sont en effet plus susceptibles de posséder une entreprise non agricole. La tendance est particulièrement marquée au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, et dans une moindre mesure au Costa Rica (graphique 11.6). Ceux qui possèdent une entreprise non agricole sont mêmes plus enclins à embaucher au moins un employé en dehors du ménage, dans chacun de ces pays.
Les investissements peuvent également générer des retombées positives. Les ménages avec un immigré sont moins susceptibles de gérer leurs propres activités agricoles, telles que les cultures et l’élevage, mais ceux qui le font sont plus susceptibles que les ménages sans immigré d’embaucher des travailleurs extérieurs au foyer au Burkina Faso et de vendre leurs produits sur le marché en République dominicaine, ce dont bénéfice l’ensemble de l’économie (chapitre 4).
Le moindre niveau d’instruction des immigrés et les taux de surqualification sont une occasion manquée pour les pays d’accueil
En plus de l’âge au moment de la migration et des années de résidence dans le pays d’accueil, le niveau d’instruction est également un facteur déterminant en vue d’une bonne intégration (Huber, 2015). Les immigrés sont en moyenne moins instruits que la population autochtone. Les personnes nées dans le pays sont beaucoup plus nombreuses à avoir suivi des études supérieures que les immigrés (graphique 11.7). Cela reflète en partie le fait que les immigrés plus instruits tendent à rejoindre des pays plus riches, principalement dans l’OCDE. Les immigrés n’ont pas tous la possibilité de pouvoir choisir où ils veulent vivre et travailler ; ces choix sont en grande partie fonction de leurs compétences. Les pays à revenu faible et intermédiaire constituent généralement un deuxième choix pour les immigrés, qui ne peuvent pas se permettre ou se voient barrer l’entrée dans le pays choisi en premier lieu.
En termes d’adéquation entre l’offre et la demande d’emplois, les immigrés au Costa Rica et en République dominicaine sont moins susceptibles d’être surqualifiés que les personnes nées dans le pays, ce qui signifie que l’utilisation du capital humain offert par les immigrés est davantage en adéquation avec le type d’activité exercée (graphique 11.8). Cependant, les deux pays affichent des taux globalement élevés de surqualification pour les immigrés et les personnes nées dans le pays. La différence entre les autochtones et les immigrés au Costa Rica est de 15 % contre 11 %, tandis qu’elle est de 35 % contre 20 % en République dominicaine. Bien que les immigrés soient moins surqualifiés que leurs homologues autochtones, leurs taux de surqualification demeurent toutefois élevés et restent une occasion manquée d’utiliser les compétences offertes.
En revanche, au Burkina Faso, les immigrés sont plus souvent surqualifiés que la population autochtone, en dépit de taux moyens relativement plus faibles (7 % contre 3 %). En conséquence, le Burkina Faso manque ici une occasion de mieux exploiter les compétences offertes par les immigrés dans le pays. Ce n’est peut-être pas si surprenant, étant donné que l’économie du Burkina Faso est très informelle et repose principalement sur l’agriculture ; de plus, les niveaux de scolarité sont plus faibles qu’en Côte d’Ivoire, d’où nombre d’immigrés sont originaires. Réduire la surqualification permettrait une meilleure allocation de compétences, tout en envoyant un signe favorable aux futures vagues d’immigrés potentiels.
Les politiques publiques peuvent contribuer à exploiter le potentiel offert par les immigrés
Malgré leurs contributions positives à l’économie, on relève un certain nombre de domaines clés dans lesquels la contribution des immigrés ne répond pas aux attentes dans le pays d’accueil ; c’est une occasion manquée non seulement pour eux, mais pour le pays d’accueil. Les politiques publiques sont en grande partie responsables de ces défaillances et peuvent entraver la pleine contribution des immigrés. L’intégration des immigrés est cruciale pour le maintien de la cohésion sociale et pour parvenir à de meilleurs résultats au profit des immigrés, des autochtones et des pays d’accueil en général.
Bien que l’intégration des immigrés soit une question prioritaire pour bon nombre de pays de l’Union européenne et de l’OCDE (UE et OCDE, 2015), elle est souvent négligée dans les pays en développement (OCDE, 2011). Les Indicateurs de l’intégration des immigrés 2015 (UE et OCDE, 2015) fournissent un cadre permettant de mesurer les résultats de base en matière d’intégration des immigrés. Sont inclus les résultats sur le marché de l’emploi (la situation d’emploi, le travail indépendant, la surqualification) et la réussite scolaire ainsi que la pauvreté et l’état de santé. Les indicateurs peuvent aussi se rapporter à la discrimination perçue ou au taux d’accession à la propriété.
Les politiques publiques peuvent favoriser l’intégration des immigrés dans leur pays d’accueil. Ainsi, une récente étude portant sur 14 pays de l’Union européenne a révélé de meilleurs résultats en matière d’intégration des immigrés en présence d’une réglementation plus libérale des marchés de produits, de négociations salariales moins centralisées et de syndicats plus inclusifs (Huber, 2015). Outre les politiques publiques, certaines politiques migratoires explicites peuvent également refléter le niveau d’intégration, à l’image de l’acquisition de la nationalité.
Les politiques publiques qui ont été évoquées jusqu’à présent peuvent être classées en deux catégories :
-
Des politiques qui favorisent l’intégration économique dans le pays d’accueil
-
Des politiques qui sont propices à la bonne intégration sociale dans le pays d’accueil.
La présente section décrit les principaux obstacles à la pleine réalisation du potentiel des immigrés dans le pays d’accueil et la manière dont les politiques publiques peuvent contribuer à exploiter ce potentiel.
L’absence d’un contrat de travail formel ou d’accès aux dispositifs d’aide à l’agriculture réduit l’intégration économique des immigrés
La majorité des personnes immigrent pour des raisons professionnelles ou financières ; dès lors, l’intégration économique figure au cœur même du processus d’intégration de l’immigré. Les indicateurs de l’intégration des immigrés (UE et OCDE, 2015) disposent de quatre indicateurs sur les résultats en matière de travail, y compris l’emploi, le chômage, le travail indépendant et la surqualification. Le fait d’avoir un emploi constitue donc un élément fondamental du processus d’intégration. La section précédente a conclu que les immigrés sont plus souvent actifs que les personnes nées dans le pays, ce qui est de bon augure pour leur intégration économique. En outre, des études ont montré que la contribution financière nette positive des immigrés à l’égard de leur pays d’accueil, mentionnée plus haut, est fonction de leur niveau d’intégration sur le marché de l’emploi (Huber, 2015).
Mais cela est peu révélateur de la qualité de cet emploi, un domaine où les politiques peuvent jouer un rôle. Au Burkina Faso, les immigrés sont plus souvent surqualifiés que les individus nés dans le pays, ce qui peut se traduire par un manque à gagner pour le pays d’accueil et constituer une source de frustration ainsi qu’une perte économique pour l’immigré. De surcroît, les immigrés actifs qui n’évoluent pas dans le secteur agricole sont moins susceptibles de travailler sur la base d’un contrat de travail formel que les travailleurs autochtones, ce qui est non seulement préjudiciable à leur intégration et à la protection de leurs droits humains fondamentaux, mais risque également de nuire à leur productivité et implique une moindre contribution à travers les charges sociales.
L’investissement peut être le vecteur clé d’une intégration réussie. La mise en place d’un environnement permettant aux immigrés d’investir dans le pays peut être bénéfique pour un secteur ayant besoin d’être stimulé. Même si beaucoup d’immigrés travaillent dans le secteur agricole, les ménages avec un immigré sont moins susceptibles de gérer leur propre exploitation agricole que les ménages sans immigré ; cela explique probablement aussi pourquoi ils tendent moins à investir ou à détenir des actifs productifs dans ce secteur (chapitre 4). Si on leur donnait les moyens d’exploiter leurs propres activités, les immigrés pourraient investir, générer du capital et contribuer à l’expansion du secteur. En outre, comme ils sont plus susceptibles d’être actifs dans ce secteur, les immigrés en comprennent mieux le fonctionnement, ce qui leur confère une position avantageuse. L’accès aux politiques publiques pourrait améliorer la situation, étant donné que les ménages avec un immigré au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire sont moins susceptibles de bénéficier de subventions à l’agriculture, tandis que ceux au Costa Rica sont moins enclins à bénéficier d’un mécanisme d’assurance agricole. En outre, la formulation de lignes directrices claires sur les questions relatives aux terres (en ce qui concerne l’accès, l’acquisition et l’exploitation) pourrait permettre de stimuler les investissements tout en limitant les conflits (Box 11.1).
Les parties prenantes ont souligné le fait que de nombreux immigrés se rendent en Côte d’Ivoire en pensant que le secteur agricole n’est pas réglementé. Cette opinion n’est pas totalement infondée, étant donné que la gestion des terres agricoles ivoiriennes repose sur une règle non écrite pratiquée de longue date, à savoir que « la terre appartient à celui qui la met en valeur ». Bien que l’afflux de travailleurs soit bénéfique pour le pays, nombre de parties prenantes soutiennent que les immigrés ont suscité une expansion des cultures sur des terres protégées, au détriment de l’environnement – et au grand désarroi des Ivoiriens de naissance. En outre, les droits fonciers ne sont pas convenablement enregistrés, ajoutant au problème de contrôle des terres agricoles. Si la règle non écrite avait vocation à stimuler le secteur agricole ivoirien, sa signification au regard des droits fonciers était et reste néanmoins peu claire. Le gouvernement a reconnu le problème dans le passé, mais la plupart des gens, y compris les immigrés, comprennent mal la loi de 1998 sur le domaine foncier rural. Par exemple, l’approche de fait consiste à travailler la terre qui est disponible, mais les immigrés ne peuvent pas en devenir propriétaires. Selon la loi actuelle, un terrain détenu en vertu du droit coutumier peut être vendu, mais un immigré (non ressortissant) ne peut détenir de droits fonciers. Une réforme mineure adoptée en 2013 impose l’immatriculation des terres agricoles avant 2019, mais le processus d’immatriculation est coûteux en Côte d’Ivoire et peu de propriétaires fonciers s’en sont acquittés jusqu’à présent. Un meilleur contrôle des droits fonciers et des délimitations des terres agricoles pourrait avoir un effet sur le type de travailleurs immigrant en Côte d’Ivoire, et peut-être même encourager les immigrés à investir dans les terres prévues pour l’agriculture ou à chercher un emploi dans d’autres secteurs. De telles mesures doivent être accompagnées de politiques complémentaires, telles que la remise en état des forêts nationales.
L’achat d’actifs immobilisés dans le pays d’accueil, comme une maison ou un terrain (UE et OCDE, 2015), constitue une autre retombée positive de l’intégration. Ce type d’achat peut représenter un précieux investissement pour le pays d’accueil s’il est utilisé à des fins productives. Il implique que les immigrés considèrent leur contribution économique et sociale à l’égard du pays comme potentiellement permanente et sûre5. La décision d’acquérir un actif immobilisé dans le pays d’accueil peut être liée au niveau d’intégration ou de sécurité financière. La politique peut jouer un rôle ici en augmentant les mesures incitatives ou en facilitant la relation entre employeurs et employés sur la base des contrats de travail formels. Ainsi, les ménages avec un immigré qui comptent au moins un membre disposant d’un contrat de travail formel sont plus susceptibles d’avoir acheté une maison dans leur pays d’accueil en Côte d’Ivoire et en République dominicaine, par rapport aux ménages avec un immigré dont aucun membre ne dispose d’un tel contrat de travail (graphique 11.9)6. En République dominicaine, les ménages avec un immigré qui comptent des membres disposant d’un contrat de travail formel sont plus susceptibles d’avoir acheté des terres dans le pays (56 % contre 23 %).
Les investissements peuvent se matérialiser sous d’autres formes encore. Les ménages avec un immigré qui comptent au moins un membre disposant d’un contrat de travail formel étaient plus susceptibles de posséder une entreprise en Côte d’Ivoire, et il était plus probable également qu’ils aient embauché au moins un employé (55 % contre 30 %). Cette dynamique s’applique à d’autres types de politiques publiques. Au Burkina Faso, les ménages agricoles ayant bénéficié de subventions à l’agriculture étaient aussi plus susceptibles de posséder une entreprise non agricole (28 % contre 23 %), de même que ceux qui sont propriétaires de leur principale parcelle agricole sous l’effet de la réforme foncière (28 % contre 20 %). Bien que l’échantillon d’immigrés soit réduit, les résultats suggèrent que les subventions agricoles peuvent accroître la propriété d’entreprise en général, y compris pour les ménages avec un immigré.
Le manque d’accès à des programmes d’appui au secteur de l’éducation, à des établissements de santé et à la protection sociale nuit à l’intégration sociale
Outre l’intégration économique, l’intégration est également fonction de résultats sociaux, par exemple dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la protection sociale. La section précédente a déjà souligné les piètres résultats des immigrés en matière d’éducation. Par rapport aux personnes nées dans le pays, ils affichent de faibles niveaux d’instruction et le niveau de fréquentation scolaire de leurs enfants est inférieur à celui des autochtones. L’éducation est un outil fondamental pour l’intégration sociale des immigrés et de leurs ménages : elle les aide à apprendre la langue locale, à comprendre les particularités et l’histoire du pays et à se constituer des réseaux sociaux. En effet, selon les conclusions du chapitre 5, les immigrés instruits au Costa Rica sont également plus susceptibles d’y rester que ceux qui ne sont pas instruits.
La bonne intégration sociale et économique requiert de veiller à l’accès des immigrés à des programmes d’appui à l’éducation. En plus d’accroître la productivité, l’éducation a le potentiel d’accélérer le processus d’intégration à travers un transfert de compétences linguistiques et un métissage entre immigrés et autochtones, consolidant les réseaux sociaux au sein du pays. Il est donc dans l’intérêt du pays d’accueil de veiller à ce que les immigrés et leurs enfants accèdent à l’éducation, car leur productivité et leur capacité de gains à venir en seront accrues. Les données IPPMD relatives au Costa Rica, à la Côte d’Ivoire et à la République dominicaine montrent que les ménages avec un immigré ont bien accès aux programmes d’appui au secteur de l’éducation, mais rarement dans la même mesure que les ménages sans immigré. Cela vaut pour les programmes de transferts monétaires conditionnels (TMC) et pour les bourses d’études (Costa Rica et République dominicaine), de même que pour les programmes de redistribution (Côte d’Ivoire et République dominicaine). Un accès aussi limité n’est pas propice à l’intégration sociale dans le pays.
L’accès aux services de santé constitue un autre élément important de l’intégration sociale. Le fait d’exclure les groupes vulnérables de l’accès à ces services les rend non seulement moins productifs mais peut aussi favoriser la maladie, en particulier dans les quartiers pauvres et marginalisés des villes (ONU-Habitat et OMS, 2016). Ici aussi, les résultats sont médiocres pour les immigrés. Ces derniers vivent généralement dans des lieux plus éloignés d’un établissement médical que les autochtones au Costa Rica et en Côte d’Ivoire, et les immigrés actifs sont moins susceptibles de bénéficier de prestations médicales dans le cadre de leur emploi. L’absence de couverture médicale n’impacte pas uniquement le travailleur, étant donné que celui-ci peut avoir de la famille, y compris des enfants, qui ne sont pas couverts par ces prestations.
Outre ces prestations liées à l’emploi, d’autres mécanismes susceptibles d’accroître la protection sociale des travailleurs existent, mais les immigrés n’y ont pas accès. Au Costa Rica et en Côte d’Ivoire par exemple, les immigrés sont moins susceptibles de travailler dans un milieu où un syndicat représente les travailleurs – limitant la possibilité de négocier des avantages, des normes de sécurité et, généralement, de meilleures conditions de travail. Au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en République dominicaine, les immigrés sont également moins susceptibles de bénéficier d’un régime de retraite, ce qui signifie que leurs employeurs ne contribuent guère à assurer leur bien-être économique lorsqu’ils prendront leur retraite, ou suite à leur départ.
Les immigrés qui ne sont pas bien intégrés socialement peuvent décider de retourner dans leur pays d’origine. La protection sociale, par exemple, influe sur la probabilité de retour. Bien qu’aucune tendance universelle ne se dessine dans les pays, le chapitre 7 a démontré que tel était le cas pour des programmes et des pays en particulier. Le retour concernait davantage les immigrés qui vivaient à distance des établissements de santé au Costa Rica, et ceux qui ne bénéficiaient d’aucune prestation liée à leur emploi ou n’avaient pas adhéré à un syndicat en République dominicaine.
La politique migratoire joue un rôle majeur dans l’intégration des immigrés
Les politiques publiques jouent un rôle important dans l’intégration des immigrés. Néanmoins, les politiques migratoires, peut-être plus que pour tout autre résultat lié aux migrations, ont un rôle fondamental, voire déterminant, en vue de libérer le potentiel des immigrés. Les immigrés sont souvent en situation irrégulière. Dans le contexte du projet IPPMD, l’immigré en situation régulière est celui qui réside dans le pays ou détient un permis de travail, ou encore qui a acquis la citoyenneté du pays d’accueil. L’irrégularité de la situation résulte du fait qu’il ait emprunté des filières d’immigration clandestine ou qu’il soit resté dans le pays après l’expiration de son visa. C’est le cas en République dominicaine, où près de 90 % des immigrés étudiés n’ont pas les documents exigés pour vivre et travailler dans le pays (graphique 11.10). En dépit du programme de régularisation d’envergure qui a été déployé pendant de longues années au Costa Rica (Sojo-Lara, 2015), les parties prenantes mentionnent que le coût de la régularisation peut être élevé pour nombre d’immigrés qui, de ce fait, ne sont pas en mesure de participer.
Les immigrés au Burkina Faso, par exemple, dont beaucoup ont acquis la citoyenneté du pays d’accueil, affichent des résultats plus favorables et un meilleur accès aux programmes publics que les immigrés au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en République dominicaine (voir Box 11.2). Les immigrés qui jouissent d’un statut de migrant régulier, par exemple, peuvent aisément accéder aux programmes publics. Au Costa Rica (47 % contre 21 %) et en République dominicaine (73 % contre 33 %), les immigrés jouissant d’un statut régulier dans le pays étaient plus susceptibles d’avoir un contrat de travail formel.
De manière générale, les immigrés au Burkina Faso accèdent plus aisément aux programmes publics et ont de meilleurs résultats que ceux des autres pays partenaires du projet IPPMD. Ainsi, les ménages avec un immigré y sont généralement plus riches et plus enclins à investir dans leurs propres activités agricoles que les ménages avec un immigré dans les autres pays de l’enquête. Ils sont également plus nombreux à jouir du statut de migrants réguliers que les immigrés des autres pays partenaires et sont en général plus susceptibles que les autochtones d’avoir atteint un certain niveau d’études (graphiques 11.7 et graphique 11.10). Ceci est dû au fait qu’ils sont les enfants de parents nés au Burkina Faso (graphique 11.11), bien qu’ils soient en fait des immigrés puisque n’étant pas eux-mêmes nés dans ce pays. En effet, cette caractéristique concerne 90 % des immigrés au Burkina Faso ; suite aux conflits amorcés en 2002 en Côte d’Ivoire, leurs parents ont regagné leur pays d’origine. À bien des égards, ils sont plus semblables à des migrants de retour que les autres immigrés dans le pays. Le fait d’avoir un parent né dans le pays d’accueil signifie généralement que l’on peut s’adresser à un réseau social pour solliciter une assistance. Ces liens contribuent à une installation plus rapide des immigrés, y compris l’obtention d’un emploi et d’un logement, la gestion des questions administratives et la scolarisation des enfants. De même, l’intégration s’opère dans de meilleures conditions.
Les parties prenantes du projet, notamment en Côte d’Ivoire et au Costa Rica, ont expliqué que les sentiments à l’égard des immigrés sont souvent négatifs dans leur pays, voire proches de la discrimination. La régularisation des immigrés présente des avantages économiques, mais celle-ci n’est fructueuse que lorsque le niveau de discrimination à l’égard du groupe concerné est faible (Machado, 2012)7. Au Burkina Faso, les immigrés parlent les langues locales et ont de la famille dans le pays. Il est donc tout à fait possible qu’ils soient traités de la même façon que les migrants de retour, étant donné les caractéristiques communes avec ce groupe. Ces disparités se reflètent dans la proportion d’immigrés ayant l’intention de regagner leur pays. En République dominicaine, près de 20 % des immigrés ont l’intention de revenir, suivie par le Costa Rica (13 %), la Côte d’Ivoire (11 %) et le Burkina Faso – où le taux est le plus faible (4 %).
Les retombées d’une meilleure intégration découlant du statut de migrant régulier peuvent être très bénéfiques pour le pays d’accueil, dès lors qu’elles peuvent donner aux immigrés un sentiment de plus grande sécurité en vue d’investir tant économiquement que socialement dans le pays. Ainsi au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en République dominicaine, les chefs de ménages avec des immigrés en situation régulière sont plus susceptibles de posséder une maison, un terrain et une entreprise non agricole (graphique 11.12).
Recommandations de politiques
Contrairement aux nombreuses perceptions négatives à l’égard des immigrés, cette étude confirme qu’ils peuvent jouer un rôle important dans le développement. Ce chapitre a montré que les immigrés sont jeunes, motivés à travailler et souvent actifs dans des secteurs demandés, et non un fardeau pesant sur les finances du pays d’accueil. Cependant, ils sont généralement peu instruits et leurs enfants sont plus souvent déscolarisés que ceux des personnes nées dans le pays, ce qui constitue un manque à gagner pour les pays d’accueil. Dans le cas du Burkina Faso, le sous-emploi des immigrés est une occasion manquée pour le pays.
Si on leur en donne les moyens, les immigrés ont bien plus à offrir à leur pays d’accueil. En dépit de leur contribution, leur intégration économique et sociale demeure insuffisante. Bien que les immigrés soient actifs, vecteur essentiel de l’intégration économique, les emplois occupés ne sont que rarement assortis d’un contrat de travail formel. De surcroît, la plupart des ménages avec un immigré ne bénéficient pas de l’aide à l’agriculture. La protection sociale peut contribuer à de meilleurs résultats en matière d’intégration, y compris l’investissement dans le pays d’accueil. Ainsi, il existe une corrélation entre le fait qu’un membre du ménage dispose d’un contrat de travail formel et l’accession à la propriété dans le pays d’accueil.
En outre, l’intégration sociale des immigrés est encore insuffisante. Non seulement leurs enfants sont-ils moins enclins à fréquenter l’école, mais les ménages avec un immigré sont aussi moins susceptibles de bénéficier des programmes d’appui au secteur de l’éducation tels que les transferts monétaires conditionnels, les bourses d’études et les programmes de redistribution. En outre, les emplois qu’ils occupent ne sont pas assortis d’un contrat de travail formel ni d’avantages sociaux tels que les prestations de santé, les prestations de vieillesse et la syndicalisation. Les ménages avec un immigré tendent également à vivre plus à distance des établissements de santé que les ménages sans immigré.
La politique migratoire joue un rôle important. En effet, le statut de migrant régulier dans le pays d’accueil est associé à des taux plus élevés d’investissement par les ménages avec un immigré, ce qui peut constituer un facteur déterminant important afin que les immigrés se sentent intégrés dans le tissu social du pays. Le coût n’est pas le seul obstacle à la régularisation ; la bonne compréhension des procédures en question, y compris des compétences de base en écriture et en lecture, a également son importance.
Pour maximiser les chances de succès des immigrés en matière d’intégration, les politiques publiques doivent mettre l’accent sur les recommandations suivantes :
Références
Bauböck, R., I. Honohan, T. Huddleston, D. Hutcheson, J. Shaw et M. P. Vink (2013), Access to Citizenship and its Impact on Immigrant Integration: European Summary and Standards, European University Institute, Robert Schuman Centre for Advanced Studies, Florence, http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/29828/AccesstoCitizenshipanditsImpactonImmigrantIntegration.pdf?sequence=1.
Campillo-Carrete, B. (2013), South-South Migration: A Review of the Literature, International Institute of Social Studies, La Haye, https://www.iss.nl/fileadmin/ASSETS/iss/Documents/Research_and_projects/IDRC-MGSJ/Campillo_WP_South-South_migration_Lit-reviewannotated-bibly_22July_2013.pdf.
Dumont, J. C., G. Spielvogel et S. Widmaier (2010), « International migrants in developed, emerging and developing countries : An extended profile », Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, n° 114, OCDE, Paris, www.oecd.org/els/workingpapers.
Friedberg, R. M. et J. Hunt (1995) « The impact of immigration on host country wages, employment and growth », Journal of Economic Perspectives, vol. 9, no. 2, American Economic Association, Nashville, TN, pp. 23-44, https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.9.2.23.
Gallup (2016), Gallup (base de données), www.gallup.com.
Gindling, T.H. (2009), « South-south migration : The impact of Nicaraguan immigrants on earnings, inequality and poverty in Costa Rica », World Development, Elsevier, Amsterdam, vol. 37/1, pp. 116-126.
Huber, Peter (2015), « What Institutions Help Immigrants Integrate ? », www for Europe, document de travail n° 77, http://www.foreurope.eu/fileadmin/documents/pdf/Workingpapers/WWWforEurope_WPS_no077_MS18.pdf.
Long, L., S. Le Roux et R. Wecker (2006), « Development-Friendly’ Migration Policies : A Survey of Innovative Practices in Countries of Origin and Destination – the Netherlands and South Africa », Organisation internationale pour les migrations, Genève.
Machado, J. (2012), « On the welfare impacts of an immigration amnesty », IRES Discussion Paper, n° 2012010, Institut de recherches économiques et sociales, université Catholique de Louvain, Belgique, http://sites.uclouvain.be/econ/DP/IRES/2012010.pdf.
OCDE (2014a), « Is migration really increasing ? », Débats sur les politiques migratoires, n° 1, mai 2014, OCDE, Paris, www.oecd.org/berlin/Is-migration-really-increasing.pdf.
OCDE (2014b), « Is migration good for the economy ? », Débats sur les politiques migratoires, n 2, mai 2014, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/els/mig/OECD%20Migration%20Policy%20Debates%20Numero%202.pdf.
OCDE (2013), « L’impact fiscal de l’immigration dans les pays de l’OCDE », Perspectives des migrations internationales 2013, Éditions OCDE, Paris, pp. 133-202, https://doi.org/10.1787/migr_outlook-2013-fr.
OCDE (2011), Tackling the Policy Challenges of Migration : Regulation, Integration, Development, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264126398-en.
OCDE (2007), La cohérence des politiques au service du développement : Migrations et pays en développement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264027039-fr.
ONU (2015), Sustainable Development Knowledge Platform, Nations Unies, https://sustainabledevelopment.un.org/sdg8.
ONU-Habitat et OMS (2016), Global Report on Urban Health; Equitable, Healthier Cities for Sustainable Development, Organisation mondiale de la Santé et ONU-Habitat, Genève, www.who.int/kobe_centre/measuring/urban-global-report/en.
Sojo-Lara, G. (2015), « Business as usual ? Regularizing foreign labor in Costa Rica », Migration Information Source, 26 août 2015, Migration Policy Institute, Washington DC, www.migrationpolicy.org/article/business-usual-regularizing-foreign-labor-Costa-Rica.
UE et OCDE (2015), Les indicateurs de l’intégration des immigrés 2015 : Trouver ses marques, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264233799-fr.
Notes
← 1. On relève ici trois exceptions notables : le Burkina Faso, le Costa Rica et Haïti.
← 2. Cela tient probablement à la baisse du taux d’immigration opérée depuis 2000 en Arménie, ainsi qu’à la proportion, encore faible, d’immigrés au Maroc, qui affiche pourtant un taux de croissance rapide. Et ce en dépit d’un effort de suréchantillonnage des ménages avec un immigré au Maroc.
← 3. En plus des données aux niveaux individuel et des ménages, l’équipe IPPMD a recueilli les données sur l’immigration à un niveau communautaire. Dans chaque communauté, un représentant officiel a été interrogé au sujet de la part estimée de ménages comptant au moins un membre né dans un autre pays. La moyenne des résultats au niveau des communautés des cinq pays où les données sont disponibles est plus élevée que les taux officiels de l’immigration individuelle, puisqu’il s’agit de valeurs concernant des ménages, mais elle reflète l’importance accrue de l’immigration en Côte d’Ivoire (28 %) et au Costa Rica (27 %) par rapport à l’Arménie (10 %). Il est à noter que le taux moyen dans l’ensemble des communautés dominicaines est nettement inférieur au taux escompté (9 %), ce qui signifie que les communautés auprès desquelles les données ont été recueillies ne sont pas nécessairement les plus représentatives de la population immigrée dans le pays. En outre, le taux au Burkina Faso est également plus élevé que prévu (27 %), et peut être dû à des écarts dans la définition de l’immigré (pays de naissance contre nationalité) ou à des inexactitudes en raison de l’évolution démographique récente, dans le sillage des conflits en Côte d’Ivoire.
← 4. Ces chiffres incluent les professions élémentaires de l’agriculture répertoriées au titre de la classification internationale type des professions (CITP).
← 5. En termes d’acquisition de biens immobiliers, le Costa Rica (64 %) se distingue par un taux particulièrement élevé par rapport aux autres pays, alors que les taux sont plus bas au Burkina Faso (30 %), en Côte d’Ivoire (31 %) et en République dominicaine (41 %). Dans le domaine du foncier, la variation entre les différents pays est moindre ; le taux le plus élevé concerne la Côte d’Ivoire (45 %) et les taux les plus faibles se retrouvent au Burkina Faso (29 %), au Costa Rica (31 %) et en République dominicaine (29 %).
← 6. En raison de l’absence de certaines données, le nombre d’individus ayant précisé le type de contrat passé et si une maison avait été achetée dans le pays d’accueil n’est pas le même au Costa Rica, ce qui explique pourquoi la part moyenne des ménages faisant l’acquisition d’une maison n’est pas la même dans le texte et dans le graphique 11.9.
← 7. Des éléments factuels démontrent également que l’acquisition de la citoyenneté peut permettre une meilleure intégration des immigrés (Bauböck, 2013).