Chapitre 8. Aider les pays d’origine à mieux tirer parti de l’émigration

En dépit des coûts induits pour les ménages et le pays d’origine en termes de capital financier, humain et social, l’émigration peut être bénéfique à plusieurs égards : pour les marchés de l’emploi en proie au sous-emploi ; pour les niveaux de compétences dans le pays d’origine ; et pour les femmes qui restent dans le pays et assument ainsi de plus grandes responsabilités. Le présent chapitre propose un aperçu de l’émigration dans les pays du projet IPPMD, en examinant son incidence sur le développement économique et social du pays d’origine. Il montre également dans quelle mesure les politiques publiques et l’absence ou l’insuffisance de certaines politiques peuvent jouer un rôle dans la décision d’émigrer. Plutôt que de se cantonner à une vision fragmentaire de la question, qui risquerait de produire des résultats inattendus, le rapport adopte une approche globale des migrations dans le cadre des politiques de développement ; il propose en outre différentes pistes en vue de concevoir des politiques aptes à tirer le meilleur parti de l’émigration.

  

L’émigration de personnes à l’étranger n’est pas sans incidence pour le pays qu’elles quittent. Si la démarche peut entraîner des coûts pour les ménages et les collectivités qui perdent des membres productifs, elle peut toutefois aussi générer des opportunités et soulager des marchés de l’emploi saturés. Les politiques peuvent contribuer à réduire ou augmenter le taux d’émigration. Tout autant que les critères d’admission et les contrôles aux frontières, les politiques sectorielles jouent elles aussi un rôle important.

Le présent chapitre se propose de revenir sur les résultats des chapitres précédents, mais en les considérant conjointement afin de proposer une approche plus globale des stratégies en matière de développement. Il s’ouvre sur un aperçu des nombreux visages de l’émigration à travers les pays partenaires du projet IPPMD, à la lumière de données concernant les émigrés et leurs ménages. Il explore ensuite l’incidence générale de l’émigration sur la société, soulignant en quoi celle-ci peut être bénéfique et ce malgré les coûts à court terme et le risque de coûts suscités à plus long terme. La troisième section s’attarde sur le rôle des politiques publiques afin de minimiser les coûts et maximiser les bénéfices de l’émigration. Le chapitre conclut sur des recommandations de politiques.

Tableau 8.1. Émigration, politiques sectorielles et développement : principales conclusions

Quels sont les effets de l’émigration sur les pays d’origine ?

Quels sont les effets des politiques sectorielles sur l’émigration ?

  • Certains secteurs sont plus concernés que d’autres par la perte de main-d’œuvre liée à l’émigration, ce qui peut entraîner des pénuries en la matière mais aussi atténuer la pression et redynamiser les secteurs en proie au sous-emploi.

  • Les politiques qui prévoient des transferts monétaires au profit des ménages ont tendance à augmenter l’émigration dans les ménages et les pays les plus pauvres, notamment lorsque lesdits transferts ne sont pas conditionnels.

  • L’émigration de personnes hautement qualifiées peut être partiellement compensée par l’incitation accrue de celles qui restent à améliorer leurs compétences.

  • Les programmes de formation semblent accroître l’émigration, probablement parce qu’ils ne répondent pas aux besoins du marché domestique.

  • Pour les femmes qui restent, l’émigration des hommes est l’occasion d’assumer davantage de responsabilités et de gagner en autonomie.

  • Les mécanismes qui assurent une meilleure information au sujet des besoins du marché de l’emploi, à l’image des agences gouvernementales pour l’emploi contribuent à la réduction de l’émigration.

  • L’intention d’émigrer est plus faible dans les pays qui investissent dans des mécanismes de protection sociale.

Note : ces conclusions ne concernent pas tous les pays. Des conclusions plus spécifiques aux différents pays figurent dans les rapports nationaux du projet IPPMD.

Les pays visés par le projet IPPMD affichent des expériences distinctes en matière d’émigration

Les taux d’émigration et les moteurs de ce phénomène varient considérablement selon les pays. Dans le cadre du projet IPPMD, les pays partenaires ont été sélectionnés afin de représenter cette diversité de l’expérience migratoire (graphique 8.1 ; et chapitre 2 pour la méthodologie). La présente section décrit les caractéristiques de l’émigration dans dix pays et explique pourquoi les taux diffèrent de l’un à l’autre de ces pays. Comme le montre le graphique 8.1, les Philippines enregistrent le plus grand nombre d’émigrés (5.3 millions) mais le taux d’émigration figure pourtant parmi les plus faibles – moins de 10 % de la population. Arménie et Géorgie, quant à elles, ont relativement peu de migrants, mais ceux-ci représentent une part importante de leur population (31 % et 21 % respectivement). Dans ces pays, l’émigration est surtout le fait de l’instabilité qui marque les premières années de la transition. Le Costa Rica (3 %) et la Côte d’Ivoire (4 %) affichent les taux les plus faibles, en partie en raison du nombre accru d’immigrés par rapport au nombre d’émigrés dans ces deux pays.

Graphique 8.1. L’expérience migratoire varie entre les pays du projet IPPMD
Nombre d’émigrés et pourcentage de la population, 2015
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Source : DAES, « Trends in International Migrant Stock : The 2015 revision », www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/estimates2/estimates15.shtml.

 https://doi.org/10.1787/888933479289

Les taux d’émigration tendent à refléter le niveau de développement d’un pays. En théorie, les taux d’émigration dans les pays en développement devraient d’abord augmenter avant de diminuer progressivement à mesure que le pays se développe ; les écarts en matière de bien-être économique et social se resserrent et des possibilités d’emploi émergent dans le pays d’origine (Martin et Taylor, 1996). Cependant, la plupart des pays du projet n’ont pas encore atteint un tel point d’inflexion, à l’exception du Costa Rica qui n’a jamais connu un taux élevé d’émigration (BID et al., 2012).

Un simple aperçu du stock d’émigrés d’un pays est peu révélateur des tendances au fil du temps. En effet, tous les pays en dehors de la Géorgie ont vu croître le nombre d’émigrés entre 2000 et 2015 – de 48 % en moyenne (graphique 8.2). C’est au Cambodge que la plus forte croissance a été enregistrée (161 %), où la population jeune et croissante découvre les avantages d’une mobilité accrue et les difficultés économiques de la transition marquant l’abandon du régime communiste. Les Philippines, où l’émigration est facilitée et, dans une certaine mesure, encouragée, arrivent en seconde position (74 %). La Géorgie a vu son nombre d’émigrés diminuer de 13 %, en partie en raison des migrations de retour, tandis que l’Arménie n’a connu qu’une croissance modeste (8 %) (graphique 8.2). Bien que ces deux pays affichent les taux d’émigration les plus élevés de tous les pays partenaires du projet IPPMD, ces données révèlent un recul de l’émigration à mesure que la situation des pays se stabilise.

Graphique 8.2. Le Cambodge a connu la croissance la plus rapide en matière d’émigration
Taux de croissance en nombre d’émigrés 2000-15 (%)
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Note : Un émigré international est une personne qui quitte le pays où elle réside habituellement et qui a vécu à l’extérieur de ce pays pendant au moins trois mois. La moyenne indiquée correspond à la moyenne des pays IPPMD.

Source : DAES, www.un.org/en/development/desa/population/migration/data/estimates2/estimates15.shtml.

 https://doi.org/10.1787/888933479298

Comme expliqué au chapitre 2, le cadre méthodologique visait à échantillonner un même nombre de ménages avec migrants (ménages avec émigré, migrant de retour et, dans certains cas, avec immigré) et ménages sans migrants1. La moitié « migrante » de l’échantillon reflète l’importance relative de l’émigration et des migrations de retour pour chaque pays, à l’exception du Costa Rica (tableau 8.2)2, 3. Cinq pays (République dominicaine,4 Cambodge, Géorgie, Haïti et Philippines) comptaient au moins trois ménages avec un immigré pour quatre ménages avec migrant échantillonnés, ce qui témoigne du faible taux de migration de retour dans les régions où les données ont été recueillies5 >. En revanche, la part d’émigrés était bien plus faible en Arménie (où les politiques encouragent expressément les migrations de retour – chapitre 10) et au Burkina Faso (en raison du retour des émigrés burkinabés suite aux récents conflits en Côte d’Ivoire).

Tableau 8.2. La part des ménages avec émigrés échantillonnés était variable selon le pays

Pays

Nombre d’individus émigrés

Ménages avec émigré

Ménages sans migrant

Proportion de personnes ayant l’intention d’émigrer (%)

Total

Part de l’échantillon total (%)

Part de l’échantillon migrant (%)

Total

Part de l’échantillon total (%)

Arménie

819

550

27.5

57.7

996

49.8

6.9

Burkina Faso

566

320

14.6

49.8

1 375

62.5

4.1

Cambodge

1 483

816

40.8

81.7

1 001

50.1

8.5

Costa Rica

113

95

4.3

44.6

1 299

58.1

1.3

Côte d’Ivoire

630

450

19.2

74.4

1 180

50.3

17.1

Géorgie

980

804

35.6

82.7

1 288

57

2.6

Haïti

342

272

21.9

82.4

911

73.4

8.6

Maroc

1 128

808

36.1

74.3

1 126

50.4

4.4

Philippines

1 037

788

39.4

78.6

996

49.8

18.4

République dominicaine

622

417

20.5

92.1

1 073

52.7

12.5

Note : Dans la plupart des cas, les réponses des émigrés interrogés ont été recueillies auprès d’un représentant de la personne, étant donné qu’ils n’étaient que rarement présents dans le pays d’origine pour répondre aux entretiens. Ainsi, les questions ont été posées au membre de la famille qui les connait le mieux (habituellement le chef de ménage). Dans quelques rares cas, les émigrés ont pu être interrogés en personne parce qu’ils se trouvaient dans le pays d’origine au moment de l’entrevue. Les ménages d’émigrés sont ceux dont au moins un membre a émigré, et les ménages sans migrant sont ceux qui ne comptent ni émigrés, ni migrants de retour, ni immigrés. L’échantillon migrant n’inclut pas les immigrés. La part des individus qui envisagent d’émigrer n’inclut pas les migrants de retour, ni les immigrés.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

Outre les informations portant sur les émigrés, l’équipe du projet IPPMD a également cherché à savoir si des individus non-migrants vivant dans le pays d’origine prévoyaient ou non d’émigrer (tableau 8.2). On observe une forte variation des taux entre les pays, avec en tête les Philippines (18.4%) et en dernière position le Costa Rica (1.3 %). Dans la plupart des cas, ces valeurs reflètent l’ordre de grandeur relatif des flux actuels d’un pays à l’autre (graphiques 8.1 et graphique 8.2).

Le projet IPPMD a révélé un large éventail de pays de destination. Les émigrés en provenance de l’Arménie, de la République dominicaine, du Maroc et des Philippines se sont davantage établis dans des pays à revenu élevé (graphique 8.3). Cela peut signifier que l’accès aux filières disponibles en vue de rejoindre le pays d’accueil n’est pas toujours aussi aisé que pour les pays plus pauvres et proches ; et peut-être aussi expliquer pourquoi, selon les parties prenantes, nombre d’Arméniens émigrent par l’intermédiaire de programmes officiels de migration saisonnière. Par ailleurs, le niveau de développement et le niveau moyen d’instruction dans le pays, en général, jouent eux aussi un rôle partiel. La République dominicaine et le Maroc comptent au nombre des pays les plus riches visés par le projet et les niveaux d’instruction sont relativement élevés, ce qui peut expliquer en partie pourquoi de nombreux émigrés rejoignent des pays à revenu élevé. À l’autre extrémité de l’échelle des revenus, la plupart des émigrés en provenance du Burkina Faso et du Cambodge rejoignent des pays à revenu faible ou intermédiaire, qui sont généralement voisins et donc plus accessibles, assurant ainsi une circulation plus fluide entre ces pays.

Graphique 8.3. La plupart des émigrés rejoignent des pays à haut revenu
Part des émigrés (%), selon le niveau de revenu des pays de destination
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Note : Les valeurs indiquées correspondent à l’actuel pays de résidence des émigrés dont les ménages ont été interrogés aux fins du projet IPPMD. Les niveaux de revenu reposent sur la classification à cinq niveaux de la Banque mondiale, répartie en deux groupes : (1) revenu faible et intermédiaire (catégories à revenu faible et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure de la Banque mondiale) ; et (2) haut revenu (catégories de pays non-membres de l’OCDE et de pays à haut revenu membres de l’OCDE selon la Banque mondiale). Les pays sont classés en fonction de la proportion d’émigrés dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479303

Pour certains pays, l’émigration se limite à un cercle restreint de pays voisins tandis que pour d’autres, les émigrés se dispersent davantage et voyagent plus loin (graphique 8.4). Selon les données du projet IPPMD, plus des trois quarts des émigrés arméniens se rendent en Russie, 76 % des émigrés burkinabés en Côte d’Ivoire (où la culture du cacao est une tradition séculaire) et 87 % des Cambodgiens rejoignent la Thaïlande voisine. Lorsque, au départ d’un pays donné, la plupart des émigrés privilégient un même pays de destination, il est plus aisé de négocier des accords bilatéraux sur les migrations et le flux de connaissances générales sur le pays est plus fluide, en r aison des divers liens sociaux, politiques et économiques. Cependant, cela peut impliquer que le pays est particulièrement vulnérable aux chocs naturels, économiques ou politiques dans les pays de destination (tels que séismes, troubles civils ou récessions) qui pourraient forcer les migrants à revenir ou avoir une incidence sur les flux de transferts de fonds. Les émigrés issus de Côte d’Ivoire, de Géorgie, du Maroc et des Philippines sont nettement plus dispersés. Et le fait de s’établir ainsi dans des régions éparses du globe procure une certaine protection face à ces chocs.

Graphique 8.4. La concentration d’émigrés dans les pays de destination varie largement d’un pays à l’autre
Pays de destination des émigrés (%), par pays d’origine
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Note : Les pays sont classés en fonction de la proportion d’émigrés dans le principal pays de destination. L’acronyme EAU désigne les Émirats arabes unis. Rép. dom. désigne la République dominicaine. Seuls sont cités ici les pays vers lesquels s’orientent au moins 10 % de l’ensemble des émigrés.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479318

L’émigration peut profiter aux pays et communautés d’origine, ainsi qu’aux personnes restées dans ces pays

Les caractéristiques décrites ci-dessus influencent l’incidence de l’émigration sur le pays source. Les précédents chapitres se sont intéressés à l’incidence de l’émigration dans le contexte du marché de l’emploi, de l’agriculture, de l’éducation, de l’investissement et des services financiers, ainsi que de la protection sociale et de la santé. Cependant, il ne suffit pas d’examiner les différents secteurs de manière isolée étant donné les possibilités d’interaction et de renforcement mutuel entre les diverses incidences. Il convient ici de brosser un tableau d’ensemble de l’économie, qui examine comment l’émigration affecte un pays et comment les politiques peuvent influer sur le choix d’émigrer.

L’émigration peut impliquer des coûts qui nécessitent de contracter des dettes et de se séparer des membres de sa famille, mais aussi de remplacer la main-d’œuvre perdue au sein du ménage. Elle s’accompagne toutefois également de bénéfices à long terme pour les pays, y compris à travers les transferts de fonds et les migrations de retour. Au-delà de ces dimensions, qui seront examinées plus loin, l’émigration elle-même peut être bénéfique pour le pays.

Malgré les coûts à court terme, l’émigration peut profiter aux ménages et au pays tout entier :

  • en réduisant la pression sur le marché de l’emploi

  • en encourageant les individus à développer leurs compétences

  • en permettant aux femmes qui restent d’assumer davantage de responsabilités économiques et de gagner en indépendance.

Si la perte de main-d’œuvre peut s’avérer préjudiciable à court terme, elle peut avoir une incidence positive à plus long terme

Pour certaines économies, la perte de main-d’œuvre peut s’avérer préjudiciable mais elle peut aussi atténuer la pression sur un marché saturé. En réduisant le réservoir de main-d’œuvre dans le pays d’origine, l’émigration peut contribuer à réduire le chômage (et surtout le sous-emploi) et à accroître les revenus des travailleurs restés dans le pays (Asch, 1994). Dans le cas où les émigrés étaient sans emploi avant de quitter le pays ou lorsque leur départ permet à d’autres de prendre leur emploi, l’émigration peut soulager efficacement les pays d’origine face à un excédent de main-d’œuvre, tout en contribuant au recul du chômage et à la croissance des salaires6.

Si la perte de main-d’œuvre liée à l’émigration peut avoir une incidence négative sur les ménages, il est probable que les conséquences économiques ne soient que de courte durée pour ces derniers, et peut-être même minimes. Comme démontré dans le présent chapitre et dans les deux suivants, les avantages à plus long terme l’emportent de loin sur les coûts. Le chapitre 3 montre que, dans les pays du projet IPPMD, le taux d’emploi des émigrés avant de quitter le pays est en moyenne plus élevé que celui des non-migrants7. La perte de main-d’œuvre liée à l’émigration peut avoir une profonde incidence sur les membres du ménage, d’autant que les migrants sont souvent dans les années les plus productives de leur vie. Dans l’échantillon IPPMD, les émigrés quittent le pays entre 25 et 36 ans en moyenne (non représenté), et sont généralement plus jeunes que la moyenne d’âge de tous les adultes de leur ménage (graphique 8.5).

Graphique 8.5. Les émigrés sont généralement plus jeunes que les autres membres de leur ménage
Âge moyen, membres du ménage (15 ans et +) par rapport aux membres émigrés
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Note : La signification statistique calculée à l’aide du test T est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479322

Cependant, comme la plupart des individus émigrent pour chercher un meilleur travail à l’étranger, le ménage bénéficie à moyen terme d’une nouvelle source de revenus sous forme de transferts de fonds, et toute dette contractée afin de financer l’émigration peut ainsi être réglée – en supposant que l’émigré parvienne à trouver du travail. Le questionnaire IPPMD interrogeait les émigrés sur les raisons de leur départ, et une écrasante majorité a évoqué des motifs professionnels (graphique 8.6). Cette part était au moins de 50 %, y compris dans les pays où le taux d’émigration pour motifs professionnels était le plus faible (Côte d’Ivoire). Pour tous les autres pays, le taux d’émigration pour motifs professionnels était au moins de 65 %.

Graphique 8.6. En règle générale, l’émigration répond à des motifs professionnels
Part relative des motifs d’émigration (%)
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Note : Les pays sont classés par ordre décroissant en fonction de la part relative d’émigrés partis pour raisons professionnelles ou financières. Les répondants ont pu mentionner des raisons multiples, mais seule la première raison a été prise en compte.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479335

Toutefois, certaines politiques permettent de minimiser l’effet de la perte de main-d’œuvre. Par exemple, si les émigrés sont des migrants saisonniers, ils ne sont pas absents trop longtemps de leur foyer et le départ peut intervenir à un moment où le ménage ne souffrira pas de la main-d’œuvre perdue. Plusieurs parties prenantes ont indiqué que les migrations saisonnières étaient un phénomène important dans leur pays. Le pays qui se démarque le plus est l’Arménie, où 40 % des émigrés sont des saisonniers, rejoignant essentiellement la proche Russie, suivie par le Burkina Faso (21 %), le Maroc (21 %), Haïti (20 %) et les Philippines (11 %). Par ailleurs, la proximité du pays de destination peut permettre de minimiser la perte de main-d’œuvre, notamment à travers la facilité de circulation à la frontière, ce qui explique peut-être pourquoi les ménages agricoles cambodgiens avec un émigré ne s’appuient pas sur davantage de main-d’œuvre, étant donné que la plupart des émigrés de ce pays gagnent la Thaïlande voisine (chapitre 4).

Au niveau sectoriel, certains secteurs peuvent davantage accuser le coup. Le chapitre 3 montre que le secteur agricole essuie une plus forte perte en capital humain que les secteurs de la construction et de l’éducation. Il tend toutefois à être surchargé, par une main-d’œuvre en sous-emploi. L’émigration pourrait permettre d’alléger la pression dans le secteur, voire d’aider le pays à opérer une transition vers une économie plus industrielle ou axée sur les services. En effet, le chapitre 4 a montré que les ménages avec émigré sont plus susceptibles d’embaucher des travailleurs extérieurs au foyer – dont beaucoup pourraient avoir connu une situation de sous-emploi. Cela prouve dans une certaine mesure que l’émigration atténue la pression exercée sur les quelques emplois moins productifs dans le secteur.

L’émigration peut inciter à l’amélioration des compétences

L’émigration peut entraîner une pénurie de compétences dans certains secteurs et certaines professions plus que dans d’autres. Le coût est particulièrement élevé lorsque les émigrés sont diplômés de l’enseignement supérieur. Il peut en résulter de lourdes conséquences pour le secteur de l’éducation d’un pays, qui investit dans l’amélioration des compétences de la population sans pouvoir en tirer les bénéfices. Les données du projet IPPMD suggèrent que les personnes plus instruites sont plus enclines à envisager l’émigration. La perte de capital humain dans le secteur de la santé est particulièrement préoccupante. À travers le monde, la pénurie en professionnels de la santé s’élevait à environ 7.2 millions en 2013 et devrait atteindre les 12.9 millions d’ici 2035 (Alliance mondiale pour les personnels de santé et OMS, 2013). Les pays les plus pauvres sont les plus touchés.

Malgré tout, l’émigration peut aussi agir comme vecteur d’amélioration, car elle peut pousser les individus à développer leurs compétences dans le but d’optimiser leurs chances d’émigrer. Mais compte tenu du caractère incertain du projet migratoire, beaucoup de ces personnes resteront finalement dans le pays et contribueront ainsi à accroître le niveau des compétences. Cette dynamique appelée « gain de cerveaux » (« brain gain » en anglais) peut accroître le capital humain du pays d’origine lorsqu’elle implique un nombre important d’individus (Mountford, 1997 ; Stark et al., 1997). Le succès de l’émigration des professionnels de la santé, par exemple, peut inspirer de futures cohortes à devenir médecins et infirmières8. Aux Philippines, l’émigration a donné naissance à un marché répondant à la demande de mise à niveau des compétences professionnelles, en particulier dans le domaine des soins infirmiers. On recensait en 2006 près de 460 instituts de formation en soins infirmiers aux Philippines – contre 170 en 1990 – pour un total de 20 000 infirmières diplômées chaque année (Esposo-Ramirez, 2001 ; Lorenzo et al., 2007). Étant donné le nombre d’émigrés qui quittent les Philippines chaque année, il est probable que la perspective d’émigrer ait augmenté le nombre d’infirmières aux Philippines, bien qu’aucune étude n’ait cherché à le vérifier. Cependant, malgré les perspectives d’une progression des inscriptions à des programmes de formation en soins infirmiers aux Philippines, le pays souffre d’une pénurie dans le secteur de la santé en zone rurale – abordée au chapitre 3. Pour ces raisons, l’Organisation mondiale de la Santé a adopté le Code de pratique mondial pour le recrutement international des personnels de santé (OMS, 2010), à l’occasion de la 63e Assemblée mondiale de la Santé en 2010, qui encourage des principes et des pratiques éthiques en matière de recrutement international des personnels de santé.

Les compétences linguistiques optimisent véritablement les chances d’émigrer, sans pour autant constituer une garantie en la matière pour les individus qui apprennent une langue étrangère – de fait, les compétences ainsi acquises pourront être mises à profit dans le pays d’origine. Les données du projet IPPMD concernant les compétences linguistiques confirment que les personnes qui envisagent d’émigrer sont plus susceptibles de parler une langue étrangère (graphique 8.7). Les écarts en matière de compétences linguistiques entre les personnes qui envisagent d’émigrer et les autres étaient particulièrement marqués en Arménie (pour l’anglais), au Costa Rica (anglais), en Haïti (anglais et espagnol) et en Géorgie (en anglais). L’écart est même plus important encore entre les non-migrants et les émigrés (non illustré ici), bien qu’il soit possible que les personnes actuellement émigrées aient appris une langue étrangère dans leur pays d’accueil, c’est-à-dire après avoir quitté le pays d’origine. Quand les individus émigrent après avoir bénéficié d’une mise à niveau de leurs compétences, il reste néanmoins possible qu’ils reviennent dans leur pays d’origine ou qu’ils s’engagent pleinement en tant que membres de la diaspora. Ainsi, les émigrés qui apprennent une langue étrangère peuvent devenir des intermédiaires en vue de renforcer les liens entre les pays, y compris dans le domaine du commerce (Genç, 2014).

Graphique 8.7. Les personnes qui prévoient d’émigrer sont plus susceptibles d’avoir appris une langue étrangère
Proportion d’individus parlant une langue autre que les langues parlées dans le pays (%)
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Note : La signification statistique calculée à l’aide du test du khi carré est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les pays sont classés en fonction du rapport entre la proportion d’individus qui n’ont pas l’intention d’émigrer et la proportion d’individus qui projettent de le faire. Les langues couramment parlées dans le pays ont été définies comme suit : Arménie (arménien, kurde, russe), Burkina Faso (langues d’Afrique de l’Ouest, français), Cambodge (khmer, cham), Costa Rica (espagnol, langues autochtones), Côte d’Ivoire (langues d’Afrique de l’Ouest, français), République dominicaine (créole, français, espagnol), Haïti (créole, français), Géorgie (géorgien, megrelian, russe, svan), Maroc (arabe, français, langues berbères), Philippines (tagalog, langues régionales). Ce chiffre ne comprend pas les migrants de retour et les immigrés.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479345

L’émigration peut accroître l’indépendance économique des femmes

En règle générale, l’émigration concerne davantage les hommes que les femmes. Au sein des pays partenaires du projet IPPMD, seuls la République dominicaine, Géorgie et les Philippines enregistraient un plus grand nombre de femmes émigrées. En outre, le taux de femmes émigrées issues de ménages agricoles est encore plus faible dans les pays où le taux d’émigration féminine est globalement faible : Arménie, Burkina Faso, Costa Rica et Maroc. Ce constat met en évidence les conséquences potentielles pour l’agriculture dans ces pays, ainsi que le fardeau pesant sur les femmes. En zone rurale, le fait que l’émigré soit un homme ou une femme peut avoir une incidence sur l’organisation du ménage dès lors que les tâches attribuées au sein des ménages agricoles sont généralement fonction du sexe (Wouterse, 2010). Les conséquences peuvent être lourdes puisque les femmes sont exposées à des contraintes plus fortes que les hommes sur les marchés ruraux, et en particulier sur les marchés agricoles (FAO, 2011). Elles se heurtent par exemple à des difficultés pour accéder aux services financiers en milieu rural (Fletschner et Kenney, 2011), qui sont pourtant essentiels dans toute stratégie de développement rural.

Dans certains pays partenaires du projet IPPMD, le ratio hommes-femmes adultes au sein des ménages traduit également la plus forte propension des hommes à émigrer. Dans quatre des pays étudiés par le projet (Arménie, Cambodge, Maroc et Philippines), le ratio est statistiquement et significativement plus faible dans les ménages d’émigrés, ce qui prouve également que les hommes sont plus nombreux que les femmes à quitter leur pays d’origine (graphique 8). Bien que cette tendance puisse également s’accompagner de conséquences sociales, en particulier pour les enfants qui sont séparés de leur père ou qui ne sont pas suffisamment entourés d’adultes au sein du foyer, les données IPPMD suggèrent dans la plupart des cas un ratio adulte-enfants plus élevé dans les ménages d’émigrés, et non l’inverse (non illustré ici). Il en ressort une plus forte probabilité d’émigrer pour les individus vivant au sein de ménages où le ratio adulte-enfants est plus élevé ; le fait de compter plus d’adultes au sein du foyer est donc un facteur déterminant de l’émigration.

Graphique 8.8. Les ménages avec émigrés comptent moins d’hommes adultes que de femmes adultes
Ratio moyen hommes-femmes adultes au sein du ménage (15 ans et +)
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Note : Le ratio hommes-femmes adultes est calculé sur la base du nombre total d’hommes adultes d’un ménage, divisé par le nombre total de femmes adultes dans ce même ménage. Un ratio de 1 indique qu’il y a autant d’hommes que de femmes ; un ratio supérieur à 1 indique qu’il y a plus d’hommes adultes que de femmes adultes, tandis qu’un ratio inférieur à 1 indique le contraire. La signification statistique calculée à l’aide du test T est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Les pays sont classés en fonction du ratio de ménages non migrants (barres bleues) par rapport aux ménages avec émigrés (diamants blancs).

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479354

L’émigration peut également ouvrir des perspectives pour les femmes quand c’est l’homme qui part et qu’elles assument alors des responsabilités accrues en matière de gestion du ménage et des finances (Bauer et al., 2012 ; DFID, 2007 ; Hughes, 2011 ; Desai et Banerji, 2008). En outre, le changement ainsi opéré en termes de responsabilité, d’indépendance et de respect à l’égard des femmes peut même perdurer lorsque l’homme regagne son foyer (Yakibu et al., 2010). Les données IPPMD montrent que les ménages d’émigrés ont davantage tendance à compter une femme à leur tête, ce qui ressort de manière particulièrement frappante pour l’Arménie, le Cambodge, le Maroc et les Philippines (graphique 8.9). Les parties prenantes interrogées dans ces pays ont confirmé la redistribution des rôles entre hommes et femmes dans les ménages avec migrants.

Graphique 8.9. Les ménages d’émigrés sont plus susceptibles d’être dirigés par des femmes
Proportion de ménages dirigés par une femme (%)
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Note : La signification statistique calculée à l’aide du test du khi carré est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Le groupe de comparaison des ménages sans émigré n’inclut pas les ménages avec seulement un migrant de retour ou un immigré.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479366

La décision d’émigrer résulte d’une combinaison de politiques sectorielles

Les politiques ne se répercutent pas toujours de manière tranchée sur l’émigration. Ainsi que cela a été souligné dans les précédents chapitres, des programmes similaires peuvent produire des effets différents selon les pays où ils sont mis en œuvre. Bien que les politiques ou programmes sectoriels spécifiques n’influent pas de la même façon sur les migrations, c’est la combinaison des politiques qui est le plus susceptible d’influer sur la décision d’émigrer, en fonction de l’objectif de chacune de ces politiques. Le processus d’élaboration des stratégies de développement nationales doit tenir compte des interactions entre les politiques publiques en question. La présente section s’intéresse à l’incidence possible des politiques publiques adoptées dans les secteurs analysés aux chapitres 3 à chapitre 7 sur la décision d’émigrer. Les politiques publiques qui ont été évoquées jusqu’à présent peuvent être classées en quatre catégories :

  1. Les politiques renforçant les mécanismes de marché

  2. Les politiques atténuant les contraintes financières

  3. Les politiques en faveur du développement de compétences

  4. Les politiques réduisant le risque.

Les politiques renforçant les mécanismes de marché tendent à réduire l’émigration

Les déficiences qui existent sur les marchés de nombreux pays en développement peuvent entraîner une hausse de l’émigration. L’une de ces déficiences majeures se rapporte au fonctionnement des marchés de l’emploi. Quand des emplois sont à pourvoir, les chemins des employeurs et des employés potentiels ne se croisent pas toujours. Ceci est particulièrement frappant dans les régions les plus pauvres et les plus reculées, que délaissent les individus qui ne parviennent pas à trouver un (bon) emploi, qui leur procure une sécurité aux plans matériel, social et financier (Mansoor et Quilling, 2007). En donnant accès aux informations sur les besoins du marché de l’emploi, les agences gouvernementales pour l’emploi peuvent contribuer à un recul de l’émigration. Les données IPPMD, par exemple, suggèrent que les individus ayant trouvé un travail par le biais d’une agence gouvernementale pour l’emploi, dont le but est de mettre en relation les employeurs et les demandeurs d’emploi, sont plus souvent issus d’un ménage sans migrant.

Il convient de traiter le problème à la racine, et de manière cohérente. Bien que l’émigration puisse aggraver la pénurie de personnel qualifié dans certains secteurs, elle n’est pas nécessairement la principale raison à l’origine de ces pénuries. Des problèmes structurels affectant les salaires et les conditions de travail dans le secteur peuvent le rendre peu attrayant aux yeux des travailleurs potentiels (Sriskandarajah, 2005). Au Burkina Faso, par exemple, plusieurs parties prenantes ont souligné que les politiques agricoles sont trop axées vers les grandes entreprises agricoles et minières alors que la majorité de la population pratique une agriculture de subsistance et familiale. Le gouvernement mise sur les retombées économiques des opérations des grandes entreprises, qui peuvent tarder à se réaliser et, dans l’intervalle, le niveau de pauvreté et la frustration des petits exploitants sont tels qu’ils poussent bon nombre à partir. Les jeunes sont les principaux concernés, et leur départ peut avoir des conséquences dévastatrices sur l’avenir du pays.

Les politiques atténuant les contraintes financières font reculer l’émigration dans le cas de transferts de fonds conditionnels

Une autre déficience du marché est liée au fonctionnement du système financier, et plus particulièrement l’accès au crédit, dans de nombreux pays en développement. Les institutions financières officielles prennent rarement le risque de prêter de l’argent à des ménages aux ressources modestes. Cependant, en Arménie et au Cambodge, les parties prenantes ont souligné qu’un climat national plus favorable aux investissements faciliterait l’investissement et la création d’emplois, et ne pousserait donc pas les individus à émigrer en premier lieu9. Un tel dysfonctionnement du marché explique le succès de la microfinance, alors même que celle-ci est par nature très limitée et que les taux d’intérêt qu’elle propose sont généralement plus élevés que les taux du marché. Les difficultés à obtenir un crédit et les coûts élevés qui s’y rattachent barrent la route à de nombreux ménages pourtant désireux d’investir dans le développement de nouvelles activités. Dès lors, ces ménages peuvent décider d’envoyer un ou plusieurs membres de la famille à l’étranger afin de travailler et de constituer le capital nécessaire à l’investissement envisagé. Le fait d’encourager la concurrence entre les différents acteurs financiers dans le but de réduire les coûts et de favoriser un accès plus large au système bancaire classique peut influencer indirectement la décision de migrer.

Cependant, les ménages avec un émigré ne sont généralement pas les plus pauvres d’un pays. Ils sont même plus riches en moyenne que les ménages sans migrant (graphique 8.10). Il est difficile de déterminer si ce sont des ménages plus riches qui émigrent ou bien s’ils sont plus riches parce qu’ils bénéficient des transferts de fonds. Toutefois, les ménages dont un membre prévoit d’émigrer sont aussi plus riches en moyenne que les ménages sans émigré, ce qui confirme le fait que les ménages avec un émigré sont plus riches. Ceci illustre le fait que l’émigration a un coût et qu’elle est accessible uniquement aux ménages qui en ont les moyens. Si l’accès au crédit est facilité ou si le niveau général des revenus augmente dans le pays, le taux d’émigration pourrait être plus important dans les ménages qui n’en avaient pas les moyens auparavant. C’est ce qu’a confirmé une étude sur le Mexique, où l’attribution aux ménages pauvres d’un revenu temporaire mais garanti intensifie l’émigration vers les États-Unis (Angelucci, 2015).

Graphique 8.10. Les ménages avec émigrés sont plus riches que les ménages sans migrants, en moyenne
Niveau moyen de richesse des ménages, selon l’origine de l’émigré
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Note : La richesse des ménages est calculée à l’aide de l’Analyse en composantes principales (ACP) sur la base des actifs du ménage. L’indicateur a été calculé de façon à le rendre comparable entre les groupes d’un même pays mais pas entre les différents pays. Les pays sont classés selon le ratio de ménages non migrants sans membres ayant l’intention d’émigrer (barres bleues) par rapport aux ménages comptant des membres qui envisagent d’émigrer (barres grises). La signification statistique calculée à l’aide du test du khi carré est indiquée comme suit : *** : 99 %, ** : 95 %, * : 90 %. Il s’agit de l’écart (en %) entre les ménages non migrants et les ménages comptant des membres qui envisagent d’émigrer.

Source : Élaboré à partir des données IPPMD.

 https://doi.org/10.1787/888933479374

Les données empiriques du projet ne confirment pas nécessairement une progression de l’émigration sous l’effet des transferts de fonds, lorsque ceux-ci sont conditionnels. Il semble en effet que ces transferts fassent reculer l’émigration. La raison en est que ces aides sont généralement conditionnées par la scolarisation d’un enfant, ce qui nécessite que les parents restent. D’autre part, quand les transferts sont inconditionnels, leur principal effet est d’alléger les contraintes financières, menant ainsi à une augmentation de l’émigration. À cet égard, les subventions agricoles ont souvent la forme de transferts forfaitaires ou d’intrants moins coûteux, ce qui réduit les contraintes financières mais n’oblige pas les exploitants, ou les membres de leur ménage, à rester dans le pays. La preuve en est qu’elles augmentent effectivement l’émigration des membres des ménages bénéficiaires dans des pays pauvres principalement centrés sur l’agriculture. En outre, les ménages peuvent même renoncer à investir les transferts monétaires publics à des fins productives au simple motif que le climat d’investissement n’est pas assez intéressant et que les investissements ne rapportent rien. En conséquence, l’aisance et le dynamisme financiers sont des facteurs déterminants pour rester dans le pays.

Les politiques contribuant au développement des compétences accentuent l’émigration

L’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences constitue une autre raison susceptible de pousser les gens à partir. Cela peut s’expliquer par le fait que le système éducatif ne développe pas les compétences requises par le marché de l’emploi, et cela, non seulement parce que les pays pauvres ne disposent pas des ressources suffisantes pour investir dans le capital humain, mais aussi en raison du manque de coordination entre les établissements éducatifs et les employeurs, en particulier dans le secteur privé.

Le fait d’investir dans les compétences, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, et de promouvoir des mécanismes de coordination entre les différents acteurs de la communauté éducative devrait donc permettre de réduire les inadéquations en matière de compétences ainsi que les pressions migratoires. Cependant, sur un plan individuel, l’amélioration du niveau de compétence et d’éducation d’un individu tend à accroître la probabilité qu’il quitte le pays, probablement parce qu’être qualifié augmente les chances de trouver un emploi. Comme il a été démontré au chapitre 5, il existe une corrélation entre l’émigration et des niveaux d’instruction plus élevés. En effet, les chapitres précédents ont démontré que, dans certains pays, les personnes bénéficiant des programmes de formation agricole ainsi que des programmes d’enseignement et formation techniques et professionnels étaient plus susceptibles d’envisager l’émigration. Ainsi, les programmes publics pour l’emploi générant un effet positif de transfert de compétences peuvent par exemple accentuer l’émigration. C’est en particulier le cas si les perspectives d’emploi sont faibles à l’issue du programme (voir plus haut la section sur les déficiences du marché de l’emploi) et si le contrat n’est assorti d’aucune protection sociale, accroissant le risque.

Les politiques réduisant le risque ne font pas nécessairement reculer l’émigration

Outre le marché de l’emploi et les contraintes financières, l’exposition au risque peut également pousser les individus à émigrer, même s’ils ont un travail et de l’argent. En effet, les individus se projettent au-delà du court terme et ils anticipent la fin des transferts monétaires et un retour à une situation sans issue, sans aucune perspective d’amélioration. En proposant des contrats de courte durée, les programmes publics d’aide à l’emploi peuvent réduire le risque qu’un individu reste au chômage trop longtemps, une situation susceptible de le faire sombrer dans la pauvreté ou de le pousser à émigrer. Ces programmes publics devraient toutefois être associés à d’autres politiques puisqu’il ne s’agit que de solutions à court terme en réponse à la pénurie d’emplois de qualité, qui permettent d’atteindre une sécurité physique et financière. En effet, le fait d’avoir un contrat de travail formel ou à durée indéterminée réduit le besoin d’émigrer, parce qu’il réduit le risque de tomber dans la trappe de la pauvreté suite à un problème de santé ou au chômage. Les individus n’ont donc plus besoin de chercher un emploi ailleurs, éventuellement en émigrant, dans la perspective de réduire ce risque.

À l’échelle mondiale, l’intention d’émigrer est proportionnellement plus faible dans les pays qui investissent davantage dans la protection sociale. Cependant, les données suggèrent également que la couverture sociale n’est pas forcément liée à des taux d’émigration plus faibles. Les chapitres précédents ont montré que dans de nombreux cas, l’assurance semble être corrélée positivement avec les flux d’émigration, y compris les programmes d’assurance agricole et l’accès à l’assurance maladie et aux syndicats. Dès lors, la réduction du risque ne se traduit pas nécessairement par une moindre propension à émigrer. Premièrement, l’affiliation à un régime d’assurance est souvent accordée à des individus plus qualifiés et plus mobiles, qui peuvent exploiter des opportunités professionnelles dans d’autres pays. Deuxièmement, les populations qui n’ont pas accès aux établissements de santé vivent souvent dans des régions marginalisées, d’où il est déjà difficile d’émigrer. Enfin, l’assurance agricole peut simplement soutenir la transition vers une économie plus diversifiée, ce qui peut expliquer la corrélation entre les régimes d’assurance agricole et l’émigration en Géorgie.

Recommandations de politiques

L’émigration n’est pas une condition nécessaire pour le développement. Le développement économique au Costa Rica n’a pas été marqué par une période de forte émigration, ce qui suggère que les migrations ne constituent pas toujours un facteur du processus de développement. Cependant, elle peut faire partie de la solution. L’émigration est une réalité dans bien des pays, elle devrait donc être mise à profit en faveur du développement. Bien qu’elle puisse induire certains coûts, l’émigration peut indirectement donner de meilleurs résultats dans le pays d’origine : pour les travailleurs, en allégeant la pression sur un marché de l’emploi saturé ; pour les femmes, en accroissant leur indépendance sociale et économique ; et pour le niveau d’éducation, en procurant motivation et inspiration à d’autres qui pourraient souhaiter émigrer.

Les politiques publiques exercent une influence sur la décision d’émigrer. L’intention d’émigrer, par exemple, est proportionnellement plus faible dans les pays qui consacrent davantage de ressources à la protection sociale. Les subventions agricoles peuvent faire baisser l’émigration, mais uniquement dans les pays diversifiés qui ne s’appuient pas en trop grande partie sur l’agriculture, et ce probablement parce que ces aides ne sont pas conditionnées par un quelconque résultat tangible dans le pays d’origine. En revanche, dans les pays où l’agriculture joue un rôle significatif, les subventions agricoles peuvent accentuer l’émigration. Cependant, les transferts monétaires conditionnels peuvent faire reculer l’émigration, en particulier lorsque les conditions posées se rapportent aux résultats scolaires et à la présence parentale. Les programmes de formation semblent eux aussi accentuer l’émigration, probablement parce qu’ils ne répondent pas aux besoins du marché de l’emploi, mais les politiques favorisant l’adéquation entre les besoins et l’offre, comme le font les agences gouvernementales pour l’emploi, permettent de réduire l’émigration étant donné que la pénurie d’emplois est un facteur déterminant dans ce phénomène.

La mise à profit des migrations au service du développement nécessite une combinaison de politiques. Ainsi, les agences gouvernementales pour l’emploi ne pourront pas résoudre tous les problèmes qui poussent à l’émigration ; il est important également de fournir des compétences en adéquation avec ce qui est demandé sur le marché de l’emploi. En outre, l’émigration peut permettre de soulager le marché de l’emploi, mais elle ne doit pas devenir une stratégie destinée à résoudre les problèmes de chômage ou de sous-emploi. L’objectif ne devrait pas être de réduire l’émigration en elle-même, mais plutôt de sortir d’une dynamique migratoire où les individus partent en raison de problèmes qui, dans leurs pays d’origine, les privent d’opportunités qu’ils pourraient trouver ailleurs.

L’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la prise de conscience croissante quant à l’importance des politiques visant à réduire la pauvreté et améliorer les conditions sociales (OCDE, 2011) pourraient déclencher un changement d’orientation des politiques publiques qui seraient davantage tournées vers des objectifs sociaux et contribueraient à réduire les flux d’émigration forcée. Ce changement de cap politique, s’il intervient, devra se voir complété par les politiques suivantes afin de garantir un processus aussi bénéfique que possible pour les personnes qui choisissent effectivement d’émigrer (tableau 8.3).

Tableau 8.3. Les politiques pour tirer le meilleur parti de l’émigration

RECOMMANDATIONS TRANSVERSALES

Marché de l’emploi

  • Ajuster les programmes de formation professionnelle en fonction de la demande sur le marché de l’emploi domestique et mieux adapter l’offre à la demande.

  • Accroître la couverture territoriale des agences gouvernementales pour l’emploi, en particulier dans les zones rurales, tout en travaillant plus étroitement avec le secteur privé, pour que l’offre de travail réponde aux besoins, et s’assurer que les ménages qui subissent une perte de main-d’œuvre en raison de l’émigration puissent facilement la remplacer, en cas de besoin.

Agriculture

  • Inclure, appliquer et accroître la conditionnalité dans les programmes d’aide à l’agriculture, tels que les subventions et les programmes de formation agricole, pour qu’ils favorisent des pratiques plus durables et commerciales, afin qu’ils servent moins à faciliter l’émigration.

  • Lier les mécanismes d’assurance à des prestations en nature pour la prochaine saison de récolte, plutôt qu’à un soutien monétaire ou à des contingents de production agricole (qualité et quantité), afin de s’assurer qu’ils ne servent pas à financer l’émigration d’un membre du ménage.

Éducation

  • Identifier les niveaux d’éducation et de formation des émigrés, afin de mieux prévoir l’offre future de capital humain et les pénuries potentielles de compétences.

  • Appliquer des clauses de conditionnalité aux programmes de transferts monétaires, afin de réduire leur utilisation pour financer l’émigration et s’assurer que les objectifs de ces programmes sont atteints.

Investissement et services financiers

  • Améliorer l’environnement d’investissement, afin de faciliter la création d’entreprises, de créer des emplois et de réduire les pressions à l’émigration.

  • Soutenir l’accès des femmes aux marchés financiers et au marché des terres agricoles, en particulier dans les zones rurales, afin de leur permettre de devenir plus indépendantes économiquement.

Protection sociale et santé

  • Renforcer le respect de la réglementation du travail, telle que les prestations de protection sociale dues aux employés ou la liberté d’association, et faciliter pour les employeurs et les employés les procédures d’enregistrement des contrats de travail formels, afin d’assurer des conditions de travail décentes et de réduire ainsi le besoin de chercher du travail ailleurs (par l’émigration).

  • S’assurer que les nouvelles prestations en matière d’établissements de santé et de protection sociale dans les régions marginalisées ou isolées s’accompagnent d’infrastructures et de mécanismes du marché de l’emploi adéquats, afin de capitaliser sur les améliorations en termes de développement humain et d’atténuer les pressions à l’émigration.

RECOMMANDATIONS CIBLÉES

Migrations et développement

  • Organiser des campagnes sur les risques des migrations irrégulières, du trafic de migrants et de la traite des êtres humains, afin que les migrants puissent prendre des décisions éclairées.

  • Avant leur départ, donner aux migrants des cours sur les voies légales d’immigration qui s’offrent à eux et sur leurs droits, et les informer des conditions de travail et de vie dans les pays de destination.

  • Réglementer le secteur des agences internationales de placement et le rendre formel, afin de s’assurer que l’émigration emprunte des canaux sûrs et formels.

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Notes

← 1. On relève ici trois exceptions notables : le Burkina Faso, le Costa Rica et Haïti. Pour diverses raisons liées à des facteurs logistiques et imprévus, il n’a pas été possible de maintenir le partage à 50/50 pour le Burkina Faso et Haïti (voir le chapitre 2 pour plus de détails).

← 2. Notez que l’échantillon d’immigrés n’est pas inclus ici.

← 3. Il était difficile de retrouver les immigrés au Costa Rica et beaucoup ont refusé de se soumettre aux entrevues ; il est probable, dès lors, que ce groupe soit sous-représenté.

← 4. En République dominicaine, le cadre d’échantillonnage s’est vu limité de sorte qu’il a fallu prévoir un nombre égal de ménages avec immigré d’une part et de ménages avec émigré ou migrant de retour d’autre part en vue de l’échantillonnage, bien que les ménages avec immigré interrogés étaient finalement légèrement plus nombreux. Cependant, aucune contrainte n’a été définie entre les ménages avec émigré et migrant de retour.

← 5. Concernant le Cambodge et la Géorgie, il convient de noter que la couverture de la population échantillonnée était quasiment nationale et, par conséquent, les données témoignent assez fidèlement du taux de retour effectif par rapport au taux d’émigration.

← 6. De nombreuses études empiriques confirment ce mécanisme : Aydemir et Borjas, 2007 ; Borjas, 2008 ; Gagnon, 2011 ; Hanson, 2007 ; Mishra, 2005 ; Zaiceva, 2014.

← 7. La Géorgie est le seul pays partenaire où les émigrés étaient souvent au chômage avant de s’expatrier. Dans ce cas, l’émigration contribue à soulager un marché de l’emploi saturé.

← 8. Les données d’un échantillon diversifié de pays démontrent que la théorie du gain de cerveaux se tient pour les pays caractérisés par de faibles niveaux d’émigration et d’instruction (Beine et al., 2008). Elle peut dès lors s’appliquer au Burkina Faso, au Cambodge et en Côte d’Ivoire – où les niveaux d’émigration et d’instruction sont relativement bas.

← 9. À noter que le chapitre 6 souligne les bons résultats de ces deux pays d’après les indicateurs Doing business de la Banque mondiale.