Chapitre 5. Incitations financières pour l’eco-conception dans la responsabilité élargie des producteurs

Un des objectifs principaux de la responsabilité élargie des producteurs c’est de transférer la responsabilité dans la gestion de fin-de-vie vers les producteurs et par ce biais les encourager à investir dans l’éco-conception, afin de réduire les coûts dans la gestion des déchets. Pourtant, étant donné que la plupart des systèmes de REP ont été mis en place de manière collective, les incitations à l’éco-conception sont plutôt faibles. Ce chapitre examine les différentes mesures envisageables pour renforcer ces incitations, notamment la mise en place d’un recouvrement des coûts via les redevances acquittées par les producteurs, l’utilisation de redevances variables plutôt que fixes, ainsi que des tarifications modulées qui prennent en compte les caractéristiques de la conception du produit.

  

5.1. Introduction

La REP contribue à une gestion durable des matières en favorisant la réutilisation, le recyclage et la valorisation énergétique des déchets (PRO 2010, Rotter 2011, Bio IS 2012). Ainsi, les programmes de REP coréens ont fait passer le taux de recyclage des emballages et des pneus à respectivement 74 % et 62 % (voir l’annexe J). De même, ce sont les directives européennes sur les emballages (2004/12/CE) et les véhicules hors d’usage (2000/53/CE) qui expliquent en premier lieu la progression du recyclage de ces produits, dont les taux s’élèvent respectivement à 64 % et 84 % (UE27 – 2011, Eurostat).

Selon le manuel de l’OCDE (2001), la REP répond à deux objectifs bien définis. En premier lieu, elle vise à transférer la responsabilité de la gestion des déchets des municipalités aux producteurs. Dans la mesure où les producteurs intégreront les coûts de la REP dans le prix de leurs produits, les frais de gestion des déchets seront (partiellement) internalisés par les consommateurs qui achètent des biens générateurs de déchets. Par conséquent, la REP applique de manière indirecte le principe pollueur-payeur. Son second objectif est d’inciter implicitement les producteurs à investir dans la conception pour l’environnement, plus communément appelée « écoconception".

L’écoconception désigne une approche globale de la conception qui vise à réduire l’incidence que les produits ont sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie, c’est-à-dire de la phase de fabrication à la fin de vie. Il est d’usage de se fonder sur la roue des stratégies de conception sur le cycle de vie (LiDS), telle que représentée sur le graphique 5.1 (Brezet et Van Hemel 1997). Dans le contexte de la REP, les quatre principaux aspects à prendre en compte sont la sélection de matériaux à faible impact environnemental (par exemple, non-utilisation de substances dangereuses ou recours aux ressources recyclées), la réduction des matériaux (création de produits légers ou diminution des emballages), l’optimisation de la durée de vie initiale du produit (augmentation de sa durabilité ou réutilisation de certains de ses composants) et l’optimisation de la fin de vie du produit (prise en compte du démontage ou fabrication de produits mono-matériau).

Graphique 5.1. La roue des stratégies de conception sur le cycle de vie (LiDS) illustre les différents aspects de l’écoconception
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Bien souvent, les mesures liées à la REP mettent l’accent sur la nécessité d’encourager l’écoconception. Ainsi, aux termes de l’article 8 de la directive-cadre européenne 2008/98/CE, la REP devrait « encourager la conception de produits aux fins d’en réduire les incidences sur l’environnement et la production de déchets au cours de la production et de l’utilisation ultérieure des produits ». De même, la loi de l’État de Washington sur le recyclage des produits électroniques (RCW 70.95N) dispose que « le système doit encourager la conception de produits électroniques moins toxiques et plus recyclables ».

L’efficacité de la REP eu égard à l’écoconception est néanmoins controversée. Nombre de contributions universitaires et d’études des mesures prises par les pouvoirs publics critiquent la structure des programmes de REP et jugent encore (trop) faibles les incitations à l’écoconception de la REP (Lindhqvist et Lifset 2003, Sachs 2006, Gottberg et al., 2006, Roine et Lee 2006, Walls 2006, Rotter 2011, Gui et al. 2013, Tong et Yan 2013). Le contraste semble donc très marqué entre les attentes et les résultats.

Compte tenu de la disparité des politiques des déchets menées dans le monde et de l’étendue de la gamme des produits concernés, la diversité des programmes de REP existants est particulièrement grande. Se posent dès lors les questions suivantes : quel type de REP encourage le plus l’écoconception ? Les incitations à l’écoconception fournies par la REP sont-elles les mêmes pour tous les produits ? Comment améliorer les incitations à l’écoconception apportées par la REP ? Pour y répondre, on analysera dans le présent chapitre les travaux publiés sur les incitations à l’écoconception procurées par la REP en s’appuyant sur des études de cas à titre d’illustration. On s’appuiera en particulier sur les enseignements tirés du forum de l’OCDE Promoting sustainable materials management through Extended Producer Responsibility, qui s’est déroulé à Tokyo du 17 au 19 juin 2014. Étant donné que les produits sont généralement conçus au niveau des entreprises, on s’intéressera essentiellement aux incitations financières destinées aux producteurs.

Le chapitre est composé de quatre sections. La section 5.2 porte sur les difficultés rencontrées pour déterminer dans quelle mesure la REP favorise l’écoconception. Dans la section 5.3, les programmes de REP sont divisés en trois groupes en fonction des incitations financières offertes aux producteurs, tandis que dans la section 5.4, l’incidence des six grandes caractéristiques des programmes de REP collective est étudiée plus en détail. La section 5.5 présente les conclusions.

5.2. Évaluer l’incidence de la REP sur l’écoconception

Il est particulièrement difficile d’évaluer l’incidence de la REP sur l’écoconception pour trois raisons. Premièrement, bien que la roue LiDS permette dans une certaine mesure de comparer les produits eu égard aux différents aspects de l’écoconception, il n’est pas facile d’associer une évaluation environnementale à une comparaison pluridimensionnelle. En outre, il n’est pas rare que les modifications apportées à la conception d’un produit influent simultanément sur plusieurs phases du cycle de vie. D’un côté, il peut se produire des effets concomitants, de nature favorable. Par exemple, en limitant l’utilisation des matériaux et en facilitant leur valorisation, l’écoconception réduit les impacts environnementaux du traitement des déchets en aval tout en prévenant ceux qu’auraient entraînés, en amont, l’extraction et le raffinage des ressources (Damgaard et al., 2009, Dubois 2013, Acuff et Kaffine 2013). D’un autre côté, ces effets peuvent aussi être négatifs. Ainsi, une voiture tout en acier sera facile à recycler en fin de vie, mais elle aura consommé une quantité d’énergie beaucoup plus importante qu’une voiture en fibres de carbone (Duflou et al., 2009). L’application de l’écoconception exige donc d’opérer des arbitrages entre les différents impacts environnementaux pendant toute la durée de vie du produit, alors que plusieurs parties prenantes auront probablement des priorités différentes en matière de conception.

Deuxièmement, divers facteurs incitent les fabricants à recourir à l’écoconception : demande des consommateurs pour des produits verts, pression exercée par les parties prenantes, responsabilité sociale de l’entreprise, valeurs personnelles des dirigeants et des concepteurs, augmentation du prix des ressources, obligations légales, découlant par exemple de la directive RoHS1 (limitation de l’utilisation des substances dangereuses – 2002/95/CE) et incitations financières des programmes de REP ou d’autres instruments de politique économique (van Hemel et Cramer 2002). Ces facteurs sont interdépendants et peuvent se renforcer mutuellement. Certaines tendances de conception, comme la miniaturisation, répondent par exemple aux demandes des consommateurs, mais permettent également de réduire l’utilisation de matériaux et les coûts de gestion des déchets. Une diminution du poids des emballages réduit aussi le coût de la REP tout en optimisant le transport. L’utilisation de ressources recyclées pour fabriquer de nouveaux produits peut répondre à une hausse des prix provoquée par une pénurie de ces ressources, mais aussi aux objectifs de l’entreprise en matière de responsabilité sociale. Il est donc difficile de déterminer la contribution d’un facteur donné, comme la REP, à la réussite de l’écoconception.

Troisièmement, une partie des retombées de la REP sont difficiles à mesurer. Des observations ponctuelles montrent qu’elle favorise la communication entre producteurs et recycleurs (Van Rossem et al., 2006, Dempsey et al., 2010). Au Japon, les entreprises qui exploitent à la fois des usines de production et de recyclage d’appareils électroniques, comme Sharp, Sony et Mitsubishi Electric, proposent des formations, des visites d’usines et des conseils sur les pratiques de recyclage à l’intention des concepteurs. La REP est également à l’origine d’une communication active entre constructeurs automobiles et entreprises chargées du recyclage en Suède (OCDE, 2004). Les lignes directrices relatives à la conception des bouteilles en PET et les procédures d’essai, que les fabricants d’emballages pour boissons ont proposées en vue de perfectionner le recyclage du PET, sont un autre exemple de l’amélioration de la communication entre acteurs à l’intérieur d’une chaîne logistique. La communication entre les producteurs peut également faciliter la normalisation et l’harmonisation de l’étiquetage de façon à simplifier les recommandations destinées aux consommateurs. Ainsi, au Japon, la normalisation de l’étiquetage des piles rechargeables permet d’en trier quatre types : plomb-acide, nickel-cadmium, hybride nickel-métal ou lithium-ion (voir l’annexe G). En outre, l’information sur les substances ou éléments « dommageables pour l’environnement » ou « perturbateursdu recyclage » – comme en France, les bouchons en céramique des bouteilles en verre – pousse les producteurs à se tourner vers d’autres matériaux afin de protéger leur réputation. Bien que ces exemples mettent en relief l’importance d’aspects intangibles, comme la communication ou l’image de marque, il est difficile d’en chiffrer l’incidence.

Compte tenu de ces obstacles à l’évaluation quantitative, l’incidence de la REP sur l’écoconception a été étudiée sous l’angle qualitatif. D’après Tojo (2004) et Van Rossem et al. (2006), les fabricants d’électronique grand public insistent sur l’importance de la REP dans la mise en œuvre de l’écoconception. Yeo (2005) pointe également les améliorations apportées à la conception des appareils depuis le début du programme de REP coréen. Cependant, ainsi que l’indique Walls (2006), la plupart des modifications de conception citées ont été réalisées bien avant l’application de la REP aux déchets électroniques. Sur la base de plusieurs études de cas, Gottberg et al. (2006) et Roine et Lee (2006) concluent que la REP participe à l’écoconception, mais en est rarement le facteur déclenchant.

Contrairement aux répercussions intangibles, comme la sensibilisation accrue des concepteurs et des responsables sectoriels aux problèmes de gestion des déchets, les incitations financières sont facilement observables. Vu que celles fournies par les programmes de REP dépendent fortement des caractéristiques des produits et de la gestion opérationnelle, la section qui suit portera sur les différents types de REP.

5.3. Types de REP

Du point de vue de l’écoconception, les incitations financières fournies aux producteurs par les programmes de REP peuvent être divisées en trois catégories (OCDE, 2005) : la responsabilité individuelle des producteurs (RIP), la responsabilité collective des producteurs (RCP) à redevance variable et la RCP à redevance fixe. On les examinera plus en détail dans les sous-sections qui suivent.

5.3.1. Responsabilité individuelle des producteurs (RIP)

Dans le cadre de la RIP, chaque producteur est tenu de collecter et de recycler les déchets issus des produits qu’il fabrique. Ainsi que l’illustre le graphique 5.2, le producteur peut reprendre les produits ou payer un opérateur tiers qui les recueillera et les recyclera. Ce qui fait la particularité de la RIP, c’est que les coûts de gestion des déchets supportés par le producteur ne dépendent pas du comportement de ses concurrents. Les avantages économiques de l’écoconception sont donc totalement internalisés. En d’autres termes, l’entreprise verra ses coûts de gestion des déchets diminuer en parvenant à fabriquer des produits plus légers, plus durables ou plus faciles à recycler.

Graphique 5.2. Flux physiques et financiers dans le cadre de la responsabilité individuelle des producteurs (RIP)
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Correspondant à la « responsabilité des producteurs » dans sa plus pure expression, la RIP est préconisée par un grand nombre de chercheurs et de parties prenantes en raison de ses effets favorables sur l’écoconception (OCDE 2004, Dempsey et al. 2010). Elle encourage en particulier le reconditionnement et le démontage des produits aux fins de la réutilisation de leurs composants, dans la mesure où les produits en fin de vie peuvent être repris par le producteur d’origine (Atasu et Subramanian 2012). Des entreprises comme Electrolux, Fujitsu, HP, Sony ou Samsung développent la RIP car il est rentable d’investir dans l’écoconception (McKerlie et al., 2006). D’autres parties prenantes favorables à la RIP sont les ONG environnementales (Van Rossem et al., 2006).

Parallèlement à ses bienfaits pour l’environnement, l’application de la RIP peut en revanche exacerber les distorsions de marché sous l’effet d’un pouvoir de monopole : les programmes de RIP peuvent réduire la concurrence sur les marchés concernés en faisant obstacle à l’entrée de nouveaux intervenants et en mettant en difficulté les petites entreprises (Short 2004, Didier et Sittler 2014). De fait, les économies d’échelle associées à la gestion des déchets permettent aux entreprises déjà très présentes sur un marché de consolider davantage encore leur position concurrentielle.

Malgré leurs avantages du point de vue de l’environnement et le soutien des parties prenantes, les programmes de RIP sont peu nombreux (Lindhqvist et Lifset 2003, Sachs 2006, Mayers et Butler 2013). Dans la plupart des pays, les producteurs mettent en place des programmes collectifs par secteur, qui sont examinés ci-après.

5.3.2. Responsabilité collective des producteurs (RCP)

Mettre en place des programmes de RCP à l’échelle d’un secteur pour collecter et recycler conjointement les déchets présente plusieurs avantages :

  • La gestion des déchets étant généralement porteuse d’économies d’échelle (densité), les programmes collectifs offrent le meilleur rapport coût-efficacité. Sur la base d’une étude de la gestion des déchets électroniques en Suisse, Khetriwal et al. (2009) montrent que les coûts de transport sont nettement plus faibles lorsque la collecte concerne l’ensemble des marques que lorsqu’elle est organisée pour chacune marque prise individuellement.

  • Un dispositif de collecte commun facilite la gestion administrative pour plusieurs acteurs. D’une manière générale, les consommateurs ne sont guère disposés à apporter les produits en fin de vie sur les différents sites prévus à cet effet (voir l’annexe G et Hickle 2013). Par ailleurs, les centres de collecte municipaux et les distributeurs multimarques qui reprennent les produits en fin de vie dénoncent le temps passé à trier les déchets par marque (voir l’annexe G et Hotta et al., 2014). Les programmes de RCP simplifient les procédures administratives des producteurs, notamment des entreprises implantées dans plusieurs pays. Sur la base d’une étude de cas, Mayers (2007) souligne la difficulté de composer avec une mosaïque de programmes nationaux de REP. C’est pourquoi les producteurs préfèrent habituellement la RCP, pour sa commodité, à la mise en place d’un programme de collecte dans chaque pays.

  • Au démarrage d’un programme de REP, son coût global est difficile à évaluer en raison de l’incertitude qui entoure le volume de déchets à collecter, les procédés de recyclage et le prix des ressources secondaires (Mayers et Butler 2013, OCDE 2014). Les producteurs optent donc généralement pour une solution collective qui permet au moins de partager les risques avec la concurrence.

  • Quatrièmement, la RCP présente également des avantages pour les pouvoirs publics, par exemple, au moment du démarrage d’un programme de REP concernant les biens durables, puisque le traitement des produits orphelins, mis sur le marché par des entreprises qui n’existent plus, est normalement financé par l’État. Les autorités confrontées à des restrictions budgétaires opteront certainement pour un programme de RCP visant tous les produits, indépendamment de leur marque, d’autant que les fabricants peuvent se retirer du marché local ou faire faillite. Comme il est peu probable que l’ensemble des producteurs se retirent en même temps du marché, les pouvoirs publics considèrent généralement que la RCP garantit la prise en charge future des coûts de gestion des déchets (OCDE 2004, Van den Abeele 2006, Séguin 2014, Grgulovà 2014).

Graphique 5.3. Flux physiques et financiers dans le cadre de la responsabilité collective des producteurs (RCP)
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La plupart des programmes de RCP reposent sur une organisation de producteurs responsables (OPR), ainsi qu’on le voit sur le graphique 5.3 (OCDE, 2013). Lorsque les pouvoirs publics fixent des objectifs chiffrés de reprise (pour la collecte ou le recyclage), les producteurs créent et financent en commun une OPR collective afin de répondre à leurs obligations de REP. Il appartient ensuite à l’OPR de négocier les contrats avec les entreprises indépendantes de ramassage et de recyclage des déchets. L’OPR fonctionnant généralement avec un budget équilibré, tous les coûts sont imputés aux producteurs. L’OPR intervient donc comme prestataire de services collectifs, pour optimiser et faciliter la mise en œuvre de la REP. Du fait de la disparité des produits, des marchés et des politiques, différents types de programmes de RCP ont vu le jour :

Selon les cas, un flux de produit donné sera géré par une seule ORP – comme en Belgique dans le cas des piles et batteries – ou par plusieurs, mises en place par des entreprises concurrentes – comme au Japon, dans le secteur de l’électronique grand public (Bouteligier et al., 2014, Hotta et al., 2014).

Des dispositifs de RCP, comme les certificats de conformité appelés Packaging Recovery Notes (PRN) au Royaume-Uni, reposent sur les certificats de recyclage négociables. D’un côté, les distributeurs et les producteurs sont tenus d’acquérir des crédits auprès d’une plateforme d’échanges, en proportion avec le volume d’emballages mis sur le marché. De l’autre, les recycleurs d’emballages peuvent vendre les crédits générés en proportion de la quantité de déchets recyclés (Matsueda et Nagase 2012). Cette plateforme d’échange des certificats remplace ainsi l’OPR du point de vue financier.

Certains États limitent la participation du producteur au paiement d’une redevance d’élimination préalable, taxe versée lors de l’achat d’un bien générant des déchets. Ce dispositif ne nécessite pas de recourir à une OPR ou à des certificats de recyclage négociables. Toutefois, la redevance d’élimination préalable est généralement assimilée à un programme de REP car les incitations financières qu’elle procure sont équivalentes à celles fournies par la redevance versée à une OPR (OCDE, 2013). Associé à des subventions de recyclage, comme dans le cas du fonds chinois pour les déchets électroniques (voir l’annexe D), ce dispositif ressemble au système de consigne habituellement présenté dans la littérature économique (Fullerton et Wu 1998, Calcott et Walls 2000).

Les programmes de RCP peuvent comprendre des redevances visibles, c’est-à-dire facturées de façon explicite. Partant du principe que consommateurs et producteurs font preuve d’une rationalité limitée, on considère parfois que la visibilité et le traitement de la redevance peuvent influer sur les incitations à l’écoconception. Ainsi, le Québec a interdit les redevances visibles afin d’encourager l’écoconception. Étant donné que les producteurs reçoivent l’argent mais doivent le transférer aux OPR, ils peuvent se montrer plus sensibles aux avantages financiers procurés par l’écoconception (Bury 2013). Il n’existe toutefois pour l’instant aucun consensus sur les effets des redevances visibles.

Bien que très disparates, tous les programmes de RCP mis en place ont un coût pour les producteurs. La répartition des coûts entre producteurs est un élément essentiel à prendre en considération lorsque l’on étudie les incitations financières à l’écoconception. Les deux sections suivantes portent sur les implications d’une répartition des coûts via la RCP à redevance variable ou à redevance fixe. Compte tenu de sa popularité, l’accent est mis sur la RCP gérée par une ou plusieurs OPR chargées d’atteindre les objectifs de reprise imposés par les décideurs.

Responsabilité collective des producteurs (RCP) à redevance variable

Les programmes de RCP à redevance variable sont principalement utilisés pour les produits mono-matériau à durabilité limitée, comme les emballages ou le papier graphique. Les importateurs, les producteurs ou les distributeurs paient une redevance proportionnelle au poids du produit, comme illustré dans le tableau 5.1, qui indique les redevances demandées par Fost Plus, l’OPR belge responsable des emballages.

Tableau 5.1. Fost Plus, l’OPR belge pour les emballages, impose des redevances au poids par matériau

Matériau d’emballage

Redevance au poids (EUR/kg)

Verre

0.0227

Papier – carton

0.0167

Aluminium

0.0371

PET

0.1064

Mixe – à valoriser

0.2593

Mixe – à éliminer

0.4084

Source : Fost Plus (2014), redevances, www.fostplus.be/fr/entreprises/votre-declaration/tarifs.

Afin d’optimiser la gestion des déchets, Fost Plus applique un taux de redevance nettement plus important pour les emballages pluri-matériaux que pour les emballages mono-matériau. La redevance applicable aux pluri-matériaux éliminés après utilisation est par ailleurs plus élevée que celle demandée pour les pluri-matériaux valorisables. Pareillement, l’OPR chargée de la collecte et du recyclage des emballages en France, Eco-Emballages, majore de 50 % la redevance appliquée dès lors que les emballages comportent des éléments qui compliquent le recyclage. Par exemple, elle est plus chère pour les bouteilles en verre pourvues d’un bouchon en céramique, car ce matériau perturbe le recyclage du verre (Didier et Sittler 2014, FME 2014).

La redevance au poids incite, pour des raisons financières, à fabriquer des produits plus légers. D’où la multiplicité des cas d’« allégements » réussis dans le domaine des emballages. L’organisation belge Preventpack tient à jour une base de données publique répertoriant plus d’une centaine d’exemples d’écoconception des emballages. Comme indiqué dans le tableau 5.2, PRO Europe, la fédération des OPR européennes pour les emballages, constate qu’en Europe le poids des bouteilles en PET, des canettes en aluminium, des bouteilles en verre, des boîtes de conserve, des sacs en plastique et des boîtes en carton a fortement diminué au cours des dix dernières années. De même, au Japon, entre 2004 et 2010, le poids des bouteilles en PET (corrigé en fonction de la taille) a diminué dans une proportion comprise entre 0 % et 19 % selon le type (taille et nature du contenu) (voir l’annexe K). En France, l’OPR qui s’occupe du recyclage du papier, Ecofolio, fait état d’une baisse de 15 % du poids moyen des prospectus commerciaux depuis que le programme de REP a démarré, en 2007 (Didier et Sittler). Comme exposé dans la section 5.2, ces résultats étant le fruit d’une combinaison de plusieurs facteurs, il est impossible de quantifier le rôle des incitations financières provenant de la REP.

Tableau 5.2. Les tendances observées en Europe dans le domaine des emballages alimentaires, 2006-10

Emballages et produits

Poids 2000 (kg)

Poids 2010 (kg)

Variation en %

Bouteille d’eau plate de 1.5 l en PET

0.0318

0.0280

-12

Canette en aluminium de boissons non alcoolisées de 330 ml

0.0158

0.0131

-17

Bouteille d’huile d’olive en verre de 250 ml

0.2236

0.2002

-10

Boîte de conserve de poisson de 125 g

0.0343

0.0319

 -7

Sachet en plastique pour 1 kg de pâtes

0.00903

0.00785

-13

Boîte en carton de 500 g d’aliments secs

0.01388

0.01132

-18

Source : www.proeurope4prevention.org/packagings-trends.

Comme les programmes de RCP à redevance variable portent généralement sur le poids ou le type de matériau, les incitations liées aux autres aspects de l’écoconception sont faibles. Ainsi, alors que l’enlèvement des déchets volumineux revient plus cher, le barème des OPR est rarement fondé sur le volume ou sur la teneur des produits en matières recyclées. En revanche, le cas des bouteilles de thé vert en PET fabriquées au Japon montre que la REP peut favoriser l’écoconception concernant d’autres aspects que la taille ou le type de matériau. Auparavant, ces bouteilles de couleur verte devaient être collectées séparément pour éviter la dégradation du PET transparent classique. Après consultation des fabricants, elles ont été remplacées par des bouteilles en PET transparent porteuses d’une étiquette verte (Hosoda 2004). Ce changement a fait baisser les coûts de collecte et réduit les impuretés dans les ressources secondaires. Autre exemple, en France, pour encourager l’écoconception concernant d’autres aspects que le poids, Eco-Emballages applique une ristourne de 10 % aux emballages papier et carton qui contiennent plus de 50 % de fibres recyclées (Didier et Sittler 2014).

Responsabilité collective des producteurs à redevance fixe

La RCP à redevance fixe s’applique généralement aux biens pluri-matériaux ou durables, comme les appareils électroniques, les voitures et les meubles. Son montant est le même pour tous les produits concurrents présents sur le marché. Aux Pays-Bas par exemple, la redevance de recyclage appliquée aux véhicules hors d’usage s’élève à 45 EUR, toutes marques et tous types de véhicule confondus (ARN 2012). De même, Le fonds chinois pour l’élimination des déchets électroniques impose aux fabricants une redevance fixe de 13 CNY pour les téléviseurs et de 7 CNY pour les lave-linge (voir l’annexe D). Il convient néanmoins de signaler que dans certains programmes de REP, le montant de la redevance imposée par l’OPR pour le recyclage des appareils électriques grand public comme les ordinateurs et les imprimantes, est calculé en fonction du poids (Séguin 2014).

La RCP à redevance fixe est souvent appliquée aux biens pluri-matériaux en raison de la difficulté des arbitrages qu’il convient d’effectuer entre différents critères lors de l’écoconception. Par exemple, dans un lave-linge, le stabilisateur peut être en métal ou en béton. Quoique les modèles dotés de pièces métalliques soient généralement plus lourds et donc potentiellement plus nuisibles à l’environnement du fait du transport, leur recyclage présente un plus grand intérêt compte tenu de la valeur de ces pièces. Par ailleurs, de par la multitude des métaux employés et la diversité des modèles il est difficile de comparer l’incidence sur l’environnement des différents types d’appareils électroniques grand public, comme les téléphones portables.

En général, c’est également la RCP à redevance fixe qui est appliquée dans le cas des biens durables, du fait de l’incertitude qui entoure les coûts de collecte des déchets, l’évolution des procédés de recyclage et la valeur des ressources secondaires. C’est pourquoi nombre d’OPR pratiquent une tarification fixe, sans distinction de marque, et appliquent le principe de la répartition (pay-as-you-go) : les sommes dont les fabricants s’acquittent lors de la mise sur le marché de leurs produits servent à financer non pas la prise en charge des déchets qui seront issus de ces produits, mais celle des déchets déjà générés (OCDE 2004, Van Den Abeele 2006). La plupart des OPR utilisent les revenus perçus au cours d’une période pour couvrir les dépenses engagées durant la même période. Par exemple, la redevance versée par un fabricant lorsqu’il vend un réfrigérateur est affectée à la gestion des déchets déjà produits et non à celle des déchets qui seront produits dans dix ans, lorsque le réfrigérateur en question sera devenu obsolète. À l’évidence, si le montant de la redevance est le même pour tous les produits et ne dépend pas du coût des déchets de demain, l’incitation à l’écoconception sera faible (Van Rossem et al., 2006, Atasu et Subramanian 2012).

5.3.3. RIP ou RCP ?

Certains programmes de REP concernant les biens durables différencient les marques pour répartir les coûts de la REP entre les producteurs. Au Japon, par exemple, les déchets électroniques sont triés par marque après avoir été collectés et envoyés à l’une des deux OPR du programme (Dempsey et al., 2010, Hotta et al., 2014). Aux États-Unis, dans l’État de Washington, il est régulièrement procédé à des prélèvements d’échantillons de déchets électroniques afin de répartir les coûts de traitement entre les marques (Hickle 2013, Gui et al., 2013). Dans le Maine, les déchets électroniques sont répertoriés par marque après la collecte et les fabricants peuvent choisir de récupérer leurs produits ou d’en confier le traitement au programme collectif (voir l’annexe K et Dempsey et al., 2010, Gui et al., 2013). Il importe de ne pas confondre différenciation des marques et RIP : dans le cas du Japon, il s’agit davantage d’une RCP à redevance fixe appliquée par deux OPR concurrentes (Atasu et Subramanian 2012). L’échantillonnage périodique et la consignation par marque, comme pratiqués dans les États de Washington et du Maine, peuvent améliorer la répartition des coûts, mais dès lors que le coût unitaire de traitement est identique pour toutes les marques, on a affaire à un programme collectif.

En l’absence de législation sur la REP, des fabricants ont commencé à reprendre leurs produits parvenus en fin de vie, au titre de la responsabilité sociale de l’entreprise. Ainsi, Best Buy et Dell reprennent gratuitement les ordinateurs en fin de vie sur tout le territoire des États-Unis et quelles que soient les obligations légales. Hyundai a offert son concours à la mise en place d’un programme de recyclage pour les véhicules hors d’usage en Mongolie. Enfin, les producteurs d’électronique grand public ont mis au point des programmes de reprise au Brésil (Neto et Van Wassenhove 2013). Comme ces mesures volontaires favorisent le recyclage et déchargent les municipalités des frais de traitement, il conviendrait de les encourager. En revanche, elles ne favorisent guère l’écoconception car la plupart des programmes acceptent les produits en fin de vie de toutes les marques et ne collectent généralement qu’une petite fraction des modèles de leur propre marque. C’est pourquoi, du point de vue l’écoconception, ces programmes relèvent de la RCP et non de la RIP.

La location et les systèmes produits-services applicables aux biens durables suscitent un intérêt croissant (Isaksson et al., 2009 ; Subramanian et al., 2014). Dans le cadre de ces nouveaux contrats, les consommateurs paient le service tandis que le producteur (ou la société de location) reste propriétaire du bien utilisé. Par exemple, Rolls Royce propose aux opérateurs aériens de payer pour des heures de vol et non pour un moteur d’avion ou la maintenance , Philips offre aux entreprises des « heures de lumière », en remplacement des lampes, de l’électricité et de la maintenance ; enfin, les systèmes d’autopartage permettent, surtout en zone urbaine, de louer une voiture à l’heure et de payer au kilomètre. Si le producteur reste propriétaire du produit pendant toute sa durée de vie, les incitations à l’écoconception procurées par ces systèmes sont les mêmes que celles apportées par un programme de RIP. Cela dit, les systèmes de location et les systèmes produits-services répondent généralement à des considérations de nature non pas environnementale, mais financière (Lifset et Lindhqvist 2000, Plambeck et Wang 2009, Agrawal et al., 2012). Ils peuvent encourager l’écoconception, mais les incitations qu’ils fourniront réellement dépendront des conditions des différents contrats (Subramanian et al., 2009, Pangburn et Stavrulaki 2014).

5.4. Caractéristiques des programmes de RCP

Dans la mesure où la plupart des programmes de RCP sont organisés par secteur, on examinera en détail dans la section ci-après les six principales caractéristiques dont dépend l’attrait financier de l’écoconception : uniformité des redevances, niveau des incitations financières, controverse liée à l’internalisation totale des coûts, portée des programmes de RCP, disparité internationale des programmes de REP et rôle de l’innovation technologique.

5.4.1. Redevances modulées

Lorsque l’ORP applique une tarification uniforme à l’ensemble des marques et des modèles d’une catégorie de produit donné, les entreprises ne sont guère incitées à recourir à l’écoconception. Il serait possible d’y remédier en instaurant une tarification modulée, c’est-à-dire en fondant sur une caractéristique donnée la redevance applicable à chaque type de produit (Gui et al., 2013). D’autres critères que le poids seront abordés dans le présent chapitre. Par exemple, l’OPR belge fait payer 2.7 EUR pour des détecteurs optiques de fumée et 30 EUR pour les détecteurs ioniques (tarifs 2013). Cet écart de prix vise à décourager l’utilisation des détecteurs ioniques, en raison de leur radioactivité potentielle en fin de vie. Comme précédemment indiqué, la plupart des programmes de REP reposent sur une tarification unique. Cependant, il ressort du tableau 5.3 que la France applique avec succès une tarification modulée dans le cas des emballages, des appareils électroniques et du papier graphique.

La mise en œuvre et le suivi des redevances modulées occasionnent des frais administratifs supplémentaires. Elles ne devraient donc être appliquées que si elles procurent d’importants avantages environnementaux ou financiers. D’après Peeters et al. (2014), le temps de démontage des téléviseurs LCD peut être réduit de 70 % lorsqu’ils sont munis d’attaches en élastomère, ce qui, selon le coût de la main-d’œuvre, représente une baisse du coût de démontage comprise entre 0.07 EUR et 0.91 EUR par téléviseur. Ils montrent également qu’une modulation de la redevance inférieure à 0.1 EUR par téléviseur LCD peut déjà suffire à renforcer les incitations à l’écoconception dans les pays où le coût horaire du travail est supérieur à 7 EUR. Mayers et al. (2013) ont conçu un dispositif à tarification modulée pour les réfrigérateurs, selon qu’ils contiennent des CFC ou du pentane, et pour les écrans LCD selon qu’ils renferment ou non du mercure. Ces propositions montrent qu’une tarification modulée peut améliorer les incitations à l’écoconception procurées par la RCP à redevance fixe.

Tableau 5.3. Tarification modulée appliquée en France, 2015, dans le cas des emballages, des appareils électroniques et électriques et du papier graphique

Emballages : Barème 2015 d’Eco-Emballages

Réduction de 10 %

Emballages en papier-carton dont plus de 50 % du poids est en matière recyclée

Majoration de 10 %

Emballages en verre pourvus d’un bouchon en porcelaine ou céramique

Emballages pour liquides constitués de moins de 50 % de fibre

Emballages en papier-carton « armé »

Bouteilles en PET contenant du PVC ou du silicone de densité supérieure à 1

Majoration de 100 %

Emballages non valorisables (par exemple, grès, porcelaine, céramique)

Réduction de 8 %

Emballages porteurs d’un message de sensibilisation au geste de tri à l’intention des consommateurs

Applicable si le producteur organise des campagnes de sensibilisation supplémentaires

Réduction de 8 %

Réduction du poids supérieure à 2 % sans changement de matériau ou de fonctionnalité.

Réduction du volume supérieure de 2 % sans changement de matériau ou de fonctionnalité

Applicable aux entreprises qui mettent au point des systèmes de recharge

Appareils électroniques et électriques : Barème 2015 d’Eco-Systèmes

Majoration de 20 %

Aspirateurs contenant des retardateurs de flamme bromés (0.50 EUR au lieu de 0.42 EUR par unité)

Ordinateurs portables contenant des retardateurs de flamme bromés (0.30 EUR au lieu de 0.25 EUR par unité)

TV contenant des retardateurs de flamme bromés (en fonction du poids de l’unité : > 25 kg : 8 EUR au lieu de 6.67 EUR, > 13 kg : 4 EUR au lieu de 3.33 EUR, > 7 kg : 2 EUR au lieu de 1.67 EUR, < 7 kg : 1 EUR au lieu de 0.83 EUR)

Majoration de 100 %

Téléphones mobiles équipés d’un chargeur standardisé (0.02 EUR au lieu de 0.01 EUR par unité)

Appareils électroniques et électriques : Barème 2015 de Récylum

Réduction de 20 %

Lampes à LED (0.12 EUR au lieu de 0.15 EUR pour les lampes standards) compte tenu de l’absence de mercure et de leur longévité

Papier graphique : Barème 2015 d’Ecofolio

Réduction de 10 %

Papiers contenant majoritairement des fibres recyclées (47 EUR au lieu de 52 EUR par tonne)

Majoration de 5 %

Papiers contenant majoritairement des fibres provenant de forêts non certifiées

Présence d’éléments perturbateurs du recyclage : la teinte de la fibre, les encres, les colles et les éléments non fibreux comme les vernis ou les plastiques (la présence cumulée d’inhibiteurs peut entraîner une majoration de 15 %, ce qui représente 60 EUR au lieu de 52 EUR par tonne).

Étant donné que les produits polluants seront pénalisés, les redevances modulées influeront sur la concurrence. Selon toute vraisemblance, les fabricants de produits polluants accuseront une baisse de leurs ventes, tandis que ceux de produits plus écologiques bénéficieront d’un avantage concurrentiel. Sachant que les producteurs sont les membres fondateurs des OPR, il pourrait être difficile de parvenir au consensus nécessaire à l’introduction d’une modulation des redevances (Didier et Sittler 2014). À l’inverse, autoriser les producteurs à moduler eux-mêmes les redevances pourrait donner lieu à des collusions ou à des abus de position dominante (Fleckinger et Glachant 2010). Par conséquent, ce sont les responsables publics qui devraient promouvoir et suivre la modulation des redevances.

5.4.2. Ampleur des incitations financières

Le niveau de la redevance demandée par l’OPR (ou le montant des certificats de recyclage négociables ou de la redevance d’élimination préalable) s’avère aussi important que sa répartition. Des redevances élevées inciteront bien évidemment à investir davantage dans l’écoconception que des redevances faibles. Didier et Sittler (2014) indiquent par exemple que les redevances payées en France pour les emballages peuvent correspondre à 4 % du chiffre d’affaires des fabricants d’emballages. Mayers (2007) cite l’exemple de la redevance demandée en Allemagne pour les emballages-coque en plastique des jouets électroniques, qui représente 8 % du prix de l’emballage. Il apparaît dans le tableau 5.4 que l’OPR belge responsable des appareils électroniques grand public, Recupel, applique une redevance de 10 EUR aux réfrigérateurs. Ces cas montrent que les incitations découlant de la RCP peuvent suffire pour faire changer la conception. Il ressort aussi du tableau 5.4que le montant de la redevance appliquée par l’OPR est souvent négligeable par rapport au prix du produit. Par exemple, une redevance de seulement 0.05 EUR n’incitera que peu de fabricants d’ordinateurs à investir dans l’écoconception.

Tableau 5.4. Barème de l’OPR belge chargée de l’électronique grand public, Recupel

Cotisation Recupel (Belgique, TVA incluse)

2002

2013

Réfrigérateur

20 EUR

10 EUR

Lave-linge

10

1

Fer à repasser

1

0.05

Ordinateur portable

2

0.05

Téléviseur

11

1

Perceuse

2

0.35

Source : Recupel (2013), liste des appareils, Bruxelles.

Plusieurs choses expliquent que les redevances de Recupel ont reculé entre 2002 et 2013, comme le montre le tableau 5.4. Premièrement, l’OPR a revu sa stratégie financière. Alors qu’auparavant, elle constituait des provisions pour financer la prise en charge future des biens durables mis sur le marché, depuis une dizaine d’années, c’est le principe de la répartition qui est appliqué (pay-as-you-go) : les cotisations perçues servent à couvrir les dépenses de gestion des déchets engagées au cours de la même période. L’utilisation des provisions initiales a bien évidemment fait reculer le niveau des cotisations. Deuxièmement, les matières secondaires ont gagné en valeur, ce qui abaisse naturellement le coût global de la gestion des déchets. Un troisième élément important concerne les effets d’apprentissage souvent entraînés par la mise en œuvre d’un programme de REP. Depuis sa création en 2001, Recupel a pu réduire le montant de ses cotisations grâce aux gains d’efficience dégagés et aux nouvelles techniques de recyclage. De nombreux autres programmes de REP enregistrent des diminutions de coût similaires. Ces gains d’efficience, qui devraient être encouragés, montrent qu’en général, les coûts à long terme sont initialement surestimés. Malheureusement, cette baisse des coûts affaiblit aussi les incitations à l’écoconception.

5.4.3. Internalisation totale des coûts

L’internalisation totale des coûts est matière à controverse. Il s’agit d’intégrer la totalité des coûts liés à la gestion des déchets dans le cadre de programmes de REP (Mc Kerlie et al., 2006, OCDE 2014). Comme le soulignent Monier et al. (2014), il est généralement admis que les programmes de REP (et les redevances appliquées par les OPR) devraient couvrir les coûts de collecte et de traitement des déchets préalablement triés par les ménages, déduction faite des revenus tirés de la valorisation des matériaux. Cependant, la répartition des autres coûts fait débat : coûts de collecte et de traitement des déchets non préalablement triés par les ménages (par exemple, déchets mixtes résiduels collectés par les municipalités dans des sacs réservés à cet effet) ; coûts des campagnes de sensibilisation ; coûts de ramassage des ordures ; coûts d’exécution et de suivi du programme REP (audit et mesures « anti-profiteurs » inclus) ; et coûts de R-D dans l’écoconception.

L’éparpillement du contrôle dans la chaîne de gestion des déchets plaide en faveur d’une limitation des coûts imputés aux producteurs. Les producteurs hésitent à compenser la totalité des dépenses engagées par les municipalités car cela ferait disparaître les incitations en faveur de l’efficience économique. De plus, considérant que le contrôle relève d’une autorité publique, ils s’estiment inaptes à s’acquitter de cette tâche. À l’inverse, une raison pour laquelle il serait justifié de faire supporter la totalité des frais de gestion des déchets aux producteurs est que la REP a pour but de libérer les municipalités des frais de gestion des déchets. En outre, vu que les incitations à l’écoconception dépendent du montant de la redevance imposée par les OPR, l’internalisation totale des coûts joue un rôle central. Du point de vue de l’écoconception, le partage des coûts entre les municipalités et d’autres échelons administratifs est à éviter. En France par exemple, les fabricants de matériaux d’emballage assument seulement 80 % des coûts de gestion des déchets, le reste étant pris en charge par les municipalités (OCDE 2014). Au Japon, l’État finance des campagnes d’information et de sensibilisation en vue d’encourager la collecte des batteries rechargeables compactes (voir l’annexe G). Bien que ces dispositifs de partage des coûts puissent favoriser lacollaboration entre les parties prenantes et éviter tout engagement financier échappant au contrôle des producteurs, une internalisation incomplète atténue les incitations à l’écoconception. Si les producteurs, et non les pouvoirs publics, étaient chargés de mener à bien ou de financer les campagnes de sensibilisation, les activités d’élimination des déchets et le suivi administratif, les coûts supplémentaires seraient internalisés et les incitations à l’écoconception renforcées.

Les OPR sont de plus en plus présentes dans les consortiums de R-D. Par exemple, l’association européenne des OPR pour les appareils électroniques, WEEE Forum, participe activement aux projets de recherche européens. Alors que, pour l’instant, leur mission consiste surtout à prodiguer des conseils, Didier et Sittler (2014) proposent de l’élargir au financement de la recherche. Comme le montre le modèle numérique de Brouillat et Oltra (2012), un financement accru de la recherche de la part des OPR doperait l’écoconception en favorisant les innovations technologiques. La participation des OPR stimulerait aussi la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de valeur, ce qui renforcerait la mise en adéquation des processus tout au long du cycle de vie du produit. Une hausse des coûts des OPR ferait par ailleurs grimper les redevances demandées et renforcerait ainsi l’efficacité des incitations à l’écoconception procurées par la RCP, comme précédemment exposé. Une partie des dépenses engagées par les OPR dans la R-D peut donc rendre la REP plus efficace dès lors que tous les coûts externes des produits ne sont pas encore internalisés.

La question de l’internalisation des coûts touche aussi les objectifs de reprise, présents dans la plupart des programmes de REP (Acuff et O’Reilly 2013). Ainsi que le montrent Palmer et Walls (1997) et Dubois (2012), ces objectifs de collecte et de recyclage n’aboutissent qu’à une internalisation partielle. Par exemple, si l’objectif est de recycler 35 % des emballages plastiques mis sur le marché, cela signifie que 65 % de ces déchets seront soit collectés par les municipalités avec les déchets mixtes, soit abandonnés. Or, il serait probablement inefficace de revoir à la hausse cet objectif de reprise dans la mesure où les frais supplémentaires occasionnés ne seraient pas nécessairement compensés par les avantages obtenus du point de vue de l’environnement. Plus précisément, un objectif de 100 % serait non seulement de l’ordre de l’impossible, mais de surcroît excessivement onéreux à obtenir. En revanche, à 35 %, l’objectif de reprise ne permet pas d’internaliser la totalité des coûts ni d’encourager l’innovation en matière de recyclage. Une solution consiste à taxer les producteurs (ou les OPR) pour les déchets non collectés. En conjuguant objectifs de reprise et taxes sur les déchets non collectés, on bénéficierait à la fois des avantages de la REP et de l’internalisation totale des coûts. C’est ce que faisait la Slovaquie jusqu’à une date récente en combinant des objectifs de reprise etune taxe (ou redevance d’élimination préalable) pour plusieurs produits (Grgulovà 2014), avant de finalement supprimer cette taxe, jugée superflue bien qu’elle permette de remédier au problème de l’internalisation incomplète des coûts due aux objectifs de reprise (Dubois et Eyckmans 2014).

5.4.4. Champ d’application

Pour que les producteurs internalisent davantage les coûts, il faudrait qu’un plus grand nombre de produits entrent dans le champ d’application de la REP (Van Rossem et al., 2006, Mayers et Butler 2013). Par exemple, dans la mesure où la presse imprimée représente près de 34 % du papier graphique mis sur le marché en France, la dispense des obligations de REP pour ce secteur limite considérablement l’efficacité de la REP (Didier et Sittler 2014). Les mesures d’incitation peuvent aussi avoir un effet pernicieux dans le cas des produits difficiles à recycler. Comme la plupart des États imposent des objectifs de reprise, les biens non recyclables sont rarement ciblés par la réglementation de la REP. Cependant, dès que l’apparition de nouveaux modèles ou l’écoconception facilite le recyclage, les producteurs encourent le risque d’être subitement soumis à la REP. Dans ces conditions, la logique voudrait qu’ils évitent d’investir dans l’écoconception. La Corée est l’un des rares pays à appliquer des redevances d’élimination préalable pour internaliser les coûts de gestion des déchets liés aux produits difficiles à recycler, comme le chewing-gum, les couches jetables, les cigarettes, les plastiques hors emballages ou les ustensiles de cuisine (voir l’annexe J). L’application d’une redevance d’élimination préalable aux produits non recyclables peut inciter à revoir leur concevoir pour en permettre la valorisationfuture. La redevance d’élimination préalable peut également aider à internaliser les coûts afférents aux petits volumes de déchets, pour lesquels la mise en place d’un système de reprise entraînerait des frais administratifs trop élevés.

Les programmes de REP applicables aux biens durables affichent généralement de faibles taux de collecte (Nash et Bosso 2013). En dehors des pays scandinaves, les volumes de déchets électroniques collectés en Europe occidentale sont inférieurs à 10 kg par habitant et par an (Eurostat 2013 – données 2010). En Australie, pour les téléviseurs et les ordinateurs, ce chiffre avoisine 2 kg depuis la récente mise en place d’un programme de recyclage, tandis qu’aux États-Unis, le volume de déchets électroniques collecté par habitant et par an se situe entre 0.3 kg et 4 kg selon les États (voir l’annexe K et Department of the Environment 2014). Étant donné qu’il se vend environ 25 kg d’appareils électroniques par habitant et par an en Europe occidentale, 30 kg en Australie et plus de 30 kg aux États-Unis, il est indispensable d’intensifier les activités de collecte et d’enregistrement (Eurostat 2014, données 2010, http://step-initiative.org/). De même, le taux de collecte des batteries compactes est inférieur à 30 % au Japon (voir l’annexe G). L’écart observé entre le volume des déchets collectés et celui des produits mis sur le marché trouve plusieurs raisons : sur un marché en expansion, le volume des ventes de biens durables dépasse celui des déchets générés ;les petits appareils électroniques et les piles s’entassent dans les foyers au lieu d’être éliminés par les voies prévues à cet effet ; les exportations de véhicules et d’appareils électroniques d’occasion ne sont pas déclarées ; de petites entreprises de recyclage collectent des déchets contenant du métal sans autorisation. Ces tendances concernent essentiellement les flux de déchets qui affichent une valeur de marché positive, comme les batteries automobiles ou certains appareils électroniques ménagers. Les petits déchets électroniques et les piles sont éliminés avec les ordures ménagères, voire de façon illégale (Hotta et al., 2014). Comme précédemment souligné, il convient d’internaliser tous les coûts pour renforcer l’écoconception. D’où la nécessité d’améliorer l’enregistrement des déchets électroniques et de définir des objectifs de REP plus ambitieux. Il était donc grand temps de modifier l’objectif dérisoire de 4 kg par habitant dans la directive européenne sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (2012/19/EU). Ainsi, les nouveaux objectifs de collecte fixés pour 2019 sont 65 % des produits électroniques grand public mis sur le marché ou 85 % les déchets électroniques disponibles.

En principe, les incitations sont les mêmes selon que le programme de REP est volontaire ou imposé par la loi, puisque, dans les deux cas, les coûts seront internalisés. Néanmoins, ainsi qu’il ressort d’un examen des programmes de REP volontaires instaurés aux États-Unis à l’égard de l’électronique grand public, des piles rechargeables, des thermostats au mercure et des commutateurs automatiques, leur envergure reste généralement limitée (Nash et Bosso 2013). Par exemple, alors que les types d’appareils électroniques se comptent par centaines, nombre de programmes volontaires portent uniquement sur des produits à forte visibilité, comme les téléviseurs ou les ordinateurs. De surcroît, ils affichent souvent de faibles taux de collecte (Hickle 2013). Bien évidemment, même si les volumes de collecte sont faibles, cette solution est toujours préférable à une absence totale de programme. Vu la portée généralement limitée des programmes, il semble toutefois, au moins dans certains cas, qu’ils constituent une manœuvre stratégique destinée à éviter une intervention plus contraignante du législateur (Maxwell et al., 2000).

5.4.5. Marché mondial et programmes locaux de REP

Certains produits, comme les téléphones portables, sont conçus pour le marché mondial. En revanche, les programmes de REP sont déployés au niveau national, régional ou local. Étant donné que les mesures d’incitation adoptées sur les marchés locaux de petite envergure ne sont pas prises en compte dans la conception des produits destinés au marché mondial, les programmes de REP, pris individuellement, n’auront qu’une incidence limitée (Didier et Sittler 2014, Vanderstricht 2014, Séguin 2014). Par ailleurs, comme les fabricants mondiaux passent généralement par des distributeurs nationaux pour la mise en vente, ils ne sont qu’indirectement concernés par les incitations à l’écoconception.

De par la diversité des modes de consommation existants dans le monde, de nombreux produits sont déjà adaptés aux préférences locales. Par exemple, l’emballage alimentaire d’un produit varie d’un pays à l’autre en fonction des habitudes alimentaires. De même, l’assemblage automobile requiert une grande flexibilité pour pouvoir répondre aux exigences du marché national (par exemple, conduite à droite à gauche, optimisation fiscale de la taille du moteur). De toute évidence, les programmes de REP locaux pèseront davantage sur la conception de produits adaptés aux habitudes nationales de consommation. Les retombées des programmes de REP peuvent donc être considérables. Les enseignements tirés de la commercialisation, sur un marché donné, d’un produit conçu dans le souci de l’environnement peuvent facilement se traduire par des innovations sur d’autres marchés.

Une harmonisation internationale renforcerait l’incidence des redevances modulées visant les produits destinés à la consommation mondiale. L’établissement d’un classement international des produits en fonction de leur impact environnemental, comme leur facilité de démontage, pourrait y contribuer. La directive RoHS a ainsi conduit à des changements de conception en mettant clairement l’accent sur six substances dangereuses. La définition des priorités de l’écoconception faciliterait ce classement et aiderait les autorités et les OPR à moduler les redevances en fonction de ces catégories et des spécificités locales, comme le coût du travail. Les incitations à l’écoconception seraient ainsi plus homogènes et efficaces.

5.4.6. Innovation technologique

La mise au point des technologies de reconnaissance des marques ou des modèles, comme la radio-identification (RFID), ouvre la voie à une amélioration de l’internalisation des coûts. La RFID utilise les ondes radio pour lire à distance des marqueurs apposés sur les produits. D’un bon rapport coût-efficacité, cette technique de reconnaissance permet aux opérateurs chargés du recyclage de détecter les produits faciles à démonter ou à recycler. Par ailleurs, les informations sur le produit (composition ou instructions de démontage) sont faciles à consulter, soit directement à l’aide du lecteur RFID soit dans une base de données. Surtout, la reconnaissance permet de répartir les coûts de gestion des déchets entre les producteurs (O’Connel et al., 2013). Malgré l’existence d’un marché pour ces technologies, leur déploiement dans le secteur de la gestion des déchets n’en est encore malheureusement qu’à ses débuts (Dempsey et al., 2010).

5.5. Conclusions

Trois raisons font qu’il est difficile d’évaluer dans quelle mesure la RPE favorise l’écoconception. Premièrement, la diversité et l’interdépendance des questions environnementales empêchent de comparer directement le degré d’écoconception de deux produits. Par exemple, comparer les véhicules facilement recyclables avec ceux moins gourmands en énergie suppose d’analyser en détail les différentes incidences environnementales et d’attribuer à chacune un poids subjectif. Deuxièmement, l’écoconception peut être motivée par bien d’autres éléments que la REP, comme les coûts de matériaux ou de transport, et il s’avère difficile de distinguer le rôle de chacun d’eux. Troisièmement, la REP peut contribuer à l’écoconception moyennant des incitations financières, mais aussi de façon moins tangible, par exemple en améliorant la communication entre producteurs et opérateurs chargés du recyclage. Bien que des observations ponctuelles montrent l’importance d’améliorer l’échange d’information, l’incidence de ce facteur est difficile à mesurer. Afin de surmonter les obstacles à l’évaluation quantitative, il est recouru à des méthodes de recherche qualitative pour étudier l’impact de la REP sur l’écoconception. Les résultats montrent que la REP contribue à l’écoconception, mais qu’elle en constitue rarement le déclencheur.

Pour ce qui est des incitations financières à l’écoconception, les programmes de REP se divisent en trois groupes : responsabilité individuelle des producteurs (RIP), responsabilité collective des producteurs (RCP) à redevance variable et RCP à redevance fixe. Dans le cadre de la RIP, chaque producteur est responsable des déchets provenant de ses produits. S’il ressort des travaux publiés sur la question que la RIP encourage efficacement l’écoconception, les programmes de ce type sont rares, en raison des économies d’échelle et de la facilité offerte par les programmes sectoriels de RCP. La répartition des coûts en fonction du poids, qui caractérise la RCP à redevance variable, est généralement appliquée aux biens mono-matériau à rotation rapide, comme les emballages ou le papier graphique. Si ces programmes peuvent effectivement encourager la fabrication de produits plus légers ou l’utilisation d’autres matériaux, ils contribuent rarement à développer d’autres aspects de l’écoconception, comme le recours à des ressources secondaires. Les programmes de RCP à redevance fixe concernent généralement des biens durables ou pluri-matériaux, comme les voitures ou l’électronique grand public. Comme le coût unitaire est identique pour tous les modèles d’une même catégorie de produits, les incitations à l’écoconception procurées par ces programmes sont faibles.

Outre la nature du programme RPE, six autres éléments influent fortement sur les incitations financières à l’écoconception fournies par les programmes de RCP. Premièrement, les redevances fixes fréquemment prévues dans les programmes de RCP pour matériaux multiples ou biens durables affaiblissent les incitations à l’écoconception. Pour y remédier, il conviendrait de moduler les redevances en fonction de l’impact environnemental du produit. Par exemple, les produits à moindre teneur en matériaux toxiques pourraient faire l’objet de redevances fixes plus faibles. Or, pour que les frais administratifs ne s’en trouvent pas trop alourdis, cette modulation devrait uniquement concerner les aspects de la conception porteurs d’importants gains financiers ou environnementaux. Deuxièmement, l’ampleur de l’incitation financière est décisive. La faiblesse des redevances, comme celles applicables à un grand nombre de petits appareils électroniques grand public, n’incitera guère à revoir la conception des produits. Troisièmement, l’importance de ce facteur met en exergue l’intérêt du débat en cours sur l’internalisation totale des coûts, c’est-à-dire le principe selon lequel tous les coûts liés à la gestion des déchets sont internalisés dans le cadre de la REP. Il est généralement admis que les programmes de REP devraient couvrir les coûts de collecte et de traitement des déchets préalablement triés par les ménages, déduction faite des revenus tirés de la valorisation des matériaux.Cependant, la répartition des autres coûts fait débat. Il s’agit des coûts de collecte et de traitement des déchets non préalablement triés par les ménages (par exemple, déchets mixtes résiduels collectés par les municipalités dans des sacs réservés à cet effet) ; des coûts des campagnes de sensibilisation ; des coûts de ramassage des ordures ; des coûts d’exécution et de suivi du programme REP (audit et mesures « anti-profiteurs » inclus) ; et des coûts de R-D dans l’écoconception. Plus il y a de coûts imputés aux producteurs, plus les incitations financières à l’écoconception sont fortes. Quatrièmement, l’écoconception gagnerait en attrait si nombre de programmes REP étaient plus ambitieux en termes de gamme et de volume des produits repris. Par exemple, le taux de collecte des appareils électroniques grand public via la RPE est faible à l’échelle mondiale. Cinquièmement, la RPE est appliquée à l’échelle de pays, de régions ou de provinces. Dans le cas de certains produits, comme les produits alimentaires, la conception et le conditionnement sont déjà adaptés aux préférences locales. Lorsque tel est le cas, les producteurs prendront donc en considération les éléments du programme local de REP qui encouragent l’écoconception. Par ailleurs, les applications obtenues dans un pays pourront facilement être étendues à d’autres marchés. À l’inverse, l’hétérogénéité des politiquesnationales font que les programmes de REP locaux auront une faible incidence sur les produits de consommation conçus pour le marché mondial. Par exemple, il ne sera pas tenu compte des incitations financières fournies par un programme de REP local lors de la conception de téléphones portables. Pour accroître les incitations à l’écoconception de ces produits, il convient d’harmoniser davantage les programmes de REP à l’échelle internationale. Enfin, la répartition des coûts entre producteurs rivaux étant déterminante pour l’efficacité des incitations à l’écoconception, l’apparition de nouvelles technologies, comme la radio-identification (RFID), pourrait à terme faire évoluer la conception des produits, voire rendre rentable l’application de la RIP.

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Note

← 1. La directive RoHS vise à supprimer progressivement six substances dangereuses des appareils électroniques.