Chapitre 4. Concurrence et responsabilité élargie des producteurs

Ce chapitre examine les effets des systèmes de REP sur la concurrence dans les marchés. Alors qu’il y a consensus entre les différentes juridictions sur la manière d’évaluer ces effets, il y a aussi des différends. Entre autres choses, ce chapitre montre les idées largement répandues que : i) les mesures en matière de REP devraient favoriser la concurrence dans la mesure du possible ; ii) le monopole ne devrait pas être la structure par défaut pour les éco-organismes ; iii) les accords entre concurrents pour établir des éco-organismes devraient être évalués en externe ; iv) les autorités de la concurrence ne devraient pas opérer une distinction entre accords volontaires et accords parrainés par les pouvoirs publics ; v) les services tels que la collecte, le tri et le traitement des déchets devraient faire l’objet d’appels d’offre transparents et ouverts à la concurrence.

  

4.1. Introduction

La « responsabilité élargie des producteurs » (REP) est désormais un principe de politique environnementale largement reconnu à l’égard de certains produits. Nombreux sont les instruments qui peuvent encourager la mise en place de la REP, mais certains peuvent avoir un effet sur la concurrence sur les marchés de produits eux-mêmes et sur les marchés de gestion des déchets. Comment concevoir des dispositifs de REP à même d’atteindre les objectifs environnementaux et de protéger la concurrence sur les marchés ?

La REP implique que les producteurs s’acquittent des coûts de gestion de leurs produits lorsque ceux-ci deviennent des déchets. Des mesures de REP ont été mises en place dans de nombreux pays de l’OCDE pour les déchets d’emballage, les déchets d’équipements électriques et électroniques, les piles et accumulateurs, les pneus et les véhicules en fin de vie. Les produits pharmaceutiques, les meubles et les récipients de produits chimiques à usage agricole et vétérinaire en sont d’autres exemples. L’obligation de reprise imposée aux producteurs semble être l’instrument le plus utilisé, les redevances d’élimination préalables et le système de consigne étant les moins fréquents (OCDE, 2013).

La législation sur la concurrence des pays de l’OCDE et de beaucoup d’autres pays vise généralement à promouvoir l’efficience économique, très souvent en plus d’autres objectifs. Les lois définissent et interdisent les comportements anticoncurrentiels. Certaines interdisent en outre toute distorsion de la concurrence par les aides d’État ou par l’octroi de droits exclusifs par l’État. Les mesures de REP ont donné l’occasion aux autorités de la concurrence de rappeler l’importance d’une réglementation plus propice à la concurrence. Les entreprises et groupements d’entreprises engagés à assumer des obligations au titre de la REP ont parfois enfreint le droit de la concurrence :

« Elles s’intéressent le plus souvent aux clauses limitant les services de collecte et de recyclage indépendants, aux clauses attribuant des quotas de produits recyclés aux producteurs en fonction de leurs parts de marché passées et aux clauses d’exclusivité ou assimilées empêchant les participants de traiter avec des tiers et contrecarrant ainsi la mise en place de systèmes concurrents de gestion et de recyclage des déchets » (OCDE, 2010, p. 13).

Ce chapitre se propose d’examiner les conséquences des dispositifs de REP pour la concurrence sur les marchés. Il s’inspire du chapitre sur la concurrence de l’ouvrage de l’OCDE intitulé Responsabilité élargie des producteurs : Manuel à l’intention des pouvoirs publics (2001).

La suite du chapitre se compose comme suit. L’introduction décrit les mesures de REP en mettant l’accent sur les systèmes collectifs de reprise. La deuxième section présente brièvement les principes de concurrence appliqués aux dispositifs de REP. La troisième section examine les problèmes de concurrence que les dispositifs de REP ont posé ou sont susceptibles de poser sur quatre marchés, à savoir les marchés des systèmes collectifs, de collecte des déchets, de valorisation et d’élimination des déchets et de produits. La dernière partie identifie les domaines dans lesquels un certain consensus semble se dessiner sur la manière de traiter les problèmes de concurrence, de même que les domaines dans lesquels des divergences d’opinions semblent subsister. Ces divergences peuvent être liées aux différences entre les législations sur la concurrence et entre les produits eux-mêmes.

4.1.1. Les instruments de REP

Le présent document s’intéresse particulièrement aux préoccupations concurrentielles liées aux systèmes collectifs de reprise. Deux autres mesures de REP – les redevances d’élimination préalables et les systèmes de consigne – sont également prises en compte dans certains cas. D’après une récente enquête, les exigences de reprise sont les mesures les plus courantes (72 % des dispositifs de REP couverts par l’enquête) et s’appliquent à une grande variété de produits. Les deux autres instruments sont utilisés moins fréquemment, et représentent respectivement 16 % et 11 % des dispositifs couverts par l’enquête (OCDE, 2013). Un concept connexe, celui de « bonne gestion des produits », couvre non seulement les systèmes dans lesquels les producteurs sont responsables, mais aussi les systèmes dans lesquels les municipalités conservent leurs responsabilités de gestion des déchets et les étendent au recyclage et à la réutilisation. Dans le présent document, le terme « systèmes collectifs de reprise » désigne des systèmes dans lesquels les communes mènent des activités de gestion des déchets en échange d’un paiement versé par un groupe de producteurs assujettis à la REP. D’une façon générale, la collecte, le commerce, la valorisation et l’élimination illicites des déchets ne seront pas abordés dans ce document ; la gestion illicitepeut, si elle revient moins cher que les pratiques légales, nuire aux marchés officiels et aux entreprises qui se conforment à la loi.

Une mesure de reprise des produits exige des « producteurs » d’un territoire (le terme incluant toute personne qui met un produit sur le marché dans ce pays) qu’ils récupèrent le produit en fin de vie. La reprise du produit s’accompagne généralement de réglementations qui imposent des objectifs de réutilisation, de collecte ou de recyclage. La reprise peut s’organiser de différentes façons : les producteurs peuvent récupérer les produits eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’un système coopératif, ou acheter le service. Une redevance d’élimination anticipée est une redevance supplémentaire prélevée à la vente, dont les fonds servent à assumer les coûts d’élimination. Une mesure de consigne implique le paiement par l’acheteur d’une redevance au moment de la vente, qui lui sera ensuite remboursée si le produit est rapporté dans un point de collecte.

Les mesures de REP ne s’excluent pas mutuellement, par exemple, les producteurs peuvent prélever une redevance d’élimination pour couvrir le coût d’une obligation de reprise. De même, en ce qui concerne les déchets ménagers, il n’est pas rare que leurs différentes fractions soient soumises à des redevances, des quotas de recyclage, ou des interdictions de mise en décharge. En effet, il est reconnu en économie les instruments d’action (redevances, quotas et interdictions) doivent être au moins aussi nombreux que les objectifs visés (part des différents déchets à recycler ou réutiliser) (Tinbergen, 1967). En conséquence, il n’est ni surprenant, ni foncièrement inefficient, d’appliquer plusieurs instruments aux flux de déchets.

4.1.2. Les marchés et leurs acteurs

Les dispositifs de REP peuvent porter atteinte à la concurrence sur plusieurs marchés. Le premier d’entre eux est le marché de l’organisation des systèmes ou des solutions visant à répondre aux obligations de la REP, en d’autres termes, le marché des éco-organismes. Des organisations de producteurs responsables (OPR), ou éco-organismes, sont souvent mises en place pour remplir les obligations de reprise imposées aux producteurs. L’éco‐organisme peut parfois être créé par un groupe de producteurs ou par des entreprises de gestion des déchets, ou il peut être une entreprise indépendante et non liée. Un éco-organisme achète fréquemment les services d’entreprises de ramassage, de tri et de traitement des déchets, et veille également à l’exécution des contrats de manière à attester du bon accomplissement de la REP. Un éco-organisme compte ainsi plusieurs groupes d’utilisateurs : des producteurs et des prestataires de services de ramassage, de tri et de traitement des déchets. Un éco-organisme peut aussi acheter certains services, de ramassage des déchets notamment, aux communes. La structure des marchés des éco-organismes est variable : beaucoup sont des monopoles mais certains sont des oligopoles ou des marchés concurrentiels. Selon que l’éco-organisme est ou non propriétaire des déchets, il dispose ou non de leur valeur résiduelle. Dans certains cas, les éco-organismes peuvent eux-mêmes exécuter quelques services de gestion des déchets, et les sous-traitent dans d’autres.Compte tenu des différences dans les législations nationales, les marchés des éco-organismes ne dépassent généralement pas la dimension nationale.

La deuxième série de marchés concerne la collecte et le tri des déchets. Ces marchés sont en général de dimension locale à nationale, selon la nature des déchets et la source auprès de laquelle ils sont collectés. La collecte des déchets d’emballage assujettis à la REP produits par les ménages peut s’opérer de diverses manières : ramassage sur le trottoir, obligation pour les ménages de les déposer à des points de collecte ou encore collecte des déchets recyclables par des opérateurs informels, mais non illicites. Dans les pays de l’OCDE, le ramassage des déchets ménagers collectés en bordure de trottoir est la plupart du temps un monopole naturel local. Un monopole naturel est un marché où les conditions de coûts et de demande sont telles qu’il est moins onéreux pour une seule entité plutôt que deux ou plus d’approvisionner le marché. Pour cette raison, ce service de ramassage des ordures ménagères est généralement assuré par un monopole privé réglementé ou par un monopole municipal. La collecte à des points de regroupement peut permettre des économies d’échelle et de densité variables.

À l’inverse, le marché du ramassage des déchets recyclables des entreprises est souvent oligopolistique, c’est-à-dire exposé à la concurrence d’une poignée d’entreprises rivales. Ces marchés peuvent avoir une dimension locale ou nationale. Par exemple, le marché de collecte des piles et accumulateurs usagés contenant du plomb est national en Italie et en Pologne, et aux Pays-Bas, le marché des épaves est local tandis que le marché des matières recyclables provenant des épaves est provincial. La dimension géographique des marchés de collecte des déchets des entreprises dépend de différents facteurs, en particulier des restrictions juridiques et des coûts de transport.

Les déchets sont triés après avoir été collectés auprès des ménages. Le tri est réalisé dans des installations à intensité capitalistique relativement forte, qui bénéficient de ce fait d’économies d’échelle. L’expérience tend à montrer que l’échelle minimale efficace pour le tri est plus grande que pour la collecte. En d’autres termes, le niveau auquel le coût associé au tri est réduit au minimum est plus élevé que le niveau auquel le coût associé à la collecte ne l’est. En général, la collecte des déchets d’emballages commerciaux est suffisamment sélective à la source pour ne pas nécessiter un tri supplémentaire. Les déchets triés sont généralement transportés jusqu’à un point de groupage, où les charges hétérogènes livrées sont réorganisées en charges homogènes avant d’être expédiées vers des installations de traitement spécialisées. Un point de groupage permet des économies d’échelle. Cela signifie qu’un éco-organisme établi dans une filière de déchets pourra plus facilement intervenir dans une nouvelle filière dans la même zone géographique que ne le pourrait un éco-organisme dépourvu de point de groupage situé dans un lieu approprié.

La troisième série de marchés concerne les services de valorisation et d’élimination des déchets. Ces marchés peuvent avoir une dimension nationale, voire internationale, qui peut être affectée notamment par des restrictions juridiques, des coûts de transport, et des économies d’échelle. Les données d’une affaire ont ainsi fait apparaître que même si le commerce international d’épaves est limité par des obstacles juridiques, les pièces de rechange font de plus en plus l’objet d’un commerce international (décision de la Commission européenne 2002/204/CE (ARN), JO L 68/18, points 17, 18 et 72). Les déchets dangereux sont soumis à des conditions commerciales internationales plus strictes que les déchets non dangereux. Le marché sur lequel les matières secondaires sont vendues peut aussi inclure des matières premières primaires, comme cela semble être le cas des récipients en verre et du plomb.

Ces trois marchés ne pèsent pas du tout le même poids dans les coûts de gestion des déchets en vue de leur recyclage ou leur réutilisation dans les systèmes de REP. Selon une estimation, les services des éco-organismes représentent entre 5 et 10 % du coût total de la REP et la collecte et le tri, entre 60 et 80 %, le restant correspondant à la valorisation et l’élimination1.

La quatrième série de marchés concerne les marchés de produits, c’est-à-dire, les marchés des pneus, des véhicules ou des biens de consommation sous emballage. Les marchés de produits tels que les pneus, les véhicules et les produits électroniques sont généralement de dimension nationale sinon mondiale. Les fournisseurs d’un marché de produits peuvent être de tailles très différentes. Selon la filière de déchets, un éco-organisme donné peut servir des fournisseurs de nombreux marchés de produits.

La relation entre ces différents marchés est au centre du présent chapitre. Le graphique 4.1 illustre les relations entre ces marchés et les types d’entreprises ou d’entités qui y opèrent. Si le monopole est le moyen le plus efficace d’organiser la collecte, alors à quel moment la concurrence entre les éco-organismes est-elle efficace ? Les éco-organismes en situation de monopole sont-ils incités à préserver la concurrence sur les marchés où ils fournissent les services ? Quand est-il utile pour les entreprises qui exercent ces différentes activités de conclure un contrat exclusif avec un seul partenaire commercial ? Le comportement des éco-organismes peut-il affecter la concurrence sur les marchés de produits ?

Graphique 4.1. Les relations entre les marchés et leurs acteurs
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Note : Dans certains pays, la collecte, le tri, et parfois le recyclage, relèvent des compétences des communes. En conséquence c’est elles qui décident, et non les OPR, à qui confier ces services.

4.1.3. Le manuel de l’OCDE de 2001

L’ouvrage de l’OCDE intitulé Responsabilité élargie des producteurs : Manuel à l’intention des pouvoirs publics (OCDE, 2001) relève un certain nombre d’effets potentiels sur la concurrence. Plusieurs d’entre eux concernent la concurrence sur les marchés de produits. En premier lieu, pour empêcher qu’une obligation de reprise ne constitue un obstacle à l’entrée sur le marché des produits, les éco-organismes doivent être ouverts à tout producteur des produits relevant de la compétence de l’éco-organisme. En effet, le Manuel met en garde non seulement contre le refus d’accès mais aussi contre la discrimination, qui peuvent tous deux désavantager certains concurrents sur les marchés de produits. Ces désavantages pourraient aussi fausser les marchés de produits. En second lieu, le Manuel met en évidence le risque de voir les producteurs se servir de leur coopération dans le cadre d’un éco-organisme pour couvrir une entente sur les marchés de produits. Dans le même ordre d’idées, les producteurs pourraient utiliser l’éco-organisme comme un moyen de répercuter les coûts inutiles liés au programme de REP, ou ils pourraient attribuer les surcoûts à l’éco-organisme pour augmenter le prix des produits et récupérer ces fonds sous forme d’excédent de dividendes en leur qualité de copropriétaires de l’éco-organisme.

Certains des autres effets potentiels sur la concurrence relevés dans le Manuel concernent le marché des éco-organismes eux-mêmes. Le Manuel encourage les pouvoirs publics à réduire autant que possible les obstacles réglementaires à l’entrée sur le marché des éco-organismes, par exemple en s’abstenant de donner un statut officiel à un éco-organisme particulier. De même, pour limiter le pouvoir de marché des éco-organismes vis-à-vis des producteurs et des vendeurs ou acheteurs des matières collectées, le Manuel invite les pouvoirs publics à mettre en concurrence les éco-organismes et les différentes organisations de producteurs.

Le Manuel soulève une autre série de préoccupations liée aux passations de marchés des éco-organismes et à leur effet sur la concurrence dans les services de collecte. Il encourage les éco-organismes à recourir à des procédures ouvertes, transparentes et concurrentielles, à signer des contrats qui ne soient pas d’une durée excessive, et à ne pas accorder de préférence aux municipalités ou aux opérateurs historiques.

Le Manuel relève également des problèmes de concurrence potentiels liés aux matières secondaires ou recyclées. L’un concerne la possibilité que les excédents de matières soient vendus « à un prix inférieur à leur valeur marchande », faisant ainsi du tort aux matières recyclées concurrentes. Un autre problème tient à l’obligation de donner préférence aux matières locales ou à l’indication d’utiliser des matières particulières, qui pourraient créer des obstacles à l’entrée. Le Manuel souligne aussi que la nécessité d’une inspection physique des matières recyclées peut constituer un obstacle à leur entrée sur le marché.

Après plus de dix ans, les préoccupations concurrentielles soulevées par le Manuel demeurent pertinentes. L’expérience montre que certains des problèmes identifiés se sont effectivement posés, de même que d’autres problèmes de concurrence qui n’avaient pas été envisagés.

4.2. Brève introduction aux principes de concurrence

Les législations sur la concurrence s’appliquent au comportement des entreprises. Elles imposent notamment des limites aux accords qu’elles peuvent conclure, aux informations qu’elles peuvent échanger et au comportement qu’elles peuvent adopter lorsqu’elles sont en position dominante sur un marché. Ces législations interdisent habituellement les fusions et acquisitions qui donnent ou peuvent donner lieu à une restriction de concurrence. Le droit de la concurrence de l’Union européenne et de quelques autres pays contient des dispositions sur les aides d’État, qui s’appliquent aussi aux subventions de l’État et à l’octroi de droits exclusifs. L’interaction entre la législation sur la concurrence et d’autres législations, par exemple sur l’environnement, est régie par les cadres juridiques nationaux.

La plupart des législations sur la concurrence visent à prévenir une dégradation du bien-être des consommateurs. La concurrence fait souvent baisser les prix, diversifie les choix et stimule l’innovation, autant d’effets qui améliorent le bien-être des consommateurs. Le droit de la concurrence vise à interdire les comportements qui empêchent le jeu de la concurrence, tout en étant conditionné par le cadre national quant à la façon de tenir compte des objectifs des autres lois. La législation nationale sur la concurrence a aussi souvent d’autres objectifs, lesquels varient d’un endroit à l’autre. Même si la plupart des évaluations d’impact sur la concurrence ne portent que sur les coûts et avantages économiques, certaines législations incluent un objectif d’intérêt général qui permet, dans un pays au moins, de prendre en compte les coûts et bénéfices environnementaux.

Dans de nombreux cas, notamment dans l’Union européenne et aux États-Unis, le droit de la concurrence s’applique aux entreprises indépendamment de leur appartenance (État, communes, secteur privé) et qu’elles soient ou non à but lucratif. Dans le droit communautaire, par exemple, toute entité menant une « activité économique » est assujettie au droit de la concurrence2.

Le concept de « marché pertinent » revêt une importance capitale dans le droit et la politique de la concurrence. C’est un outil conceptuel qui structure l’identification des pressions concurrentielles qui s’exercent sur l’entreprise, ou les entreprises, visée(s) par une enquête. Lorsque le problème de concurrence concerne le comportement d’une entreprise du point de vue de l’offre et non de l’achat, les contraintes concurrentielles renvoient aux autres entreprises qui fournissent des biens ou services considérés comme substituables par les consommateurs. Les marchés pertinents sont redéfinis pour chaque enquête sur la concurrence. Dans le présent chapitre, on entend par marché pertinent un ensemble de produits suffisamment proches pour être jugés substituables entre eux par les consommateurs et qui mettent en concurrence leurs fournisseurs. La notion de « marché » désigne ici, de façon plus générale, des ensembles de marchés pertinents qui ont quelque chose en commun (services physiquement similaires par exemple), même si ces services sont fournis dans différentes zones géographiques. Les « marchés » sont également le lieu où s’opèrent des transactions, lesquelles ponctuent le processus physique. Dans le cas présent, si des transactions interviennent relativement fréquemment à un stade donné du processus physique, on parlera de « marché ».

Certains termes reviennent souvent dans ce chapitre et il peut être utile de les définir. Il y a monopole lorsqu’il existe un seul offreur sur le marché. Comparé avec une situation de concurrence parfaite, un monopole fixe des prix plus élevés, produit moins, et engrange des profits supérieurs à la moyenne. Il risque aussi d’être moins incité à réduire ses coûts ou à adopter de nouvelles technologies. Une entreprise se comporte en « passager clandestin» lorsqu’elle profite des actions menées par une autre sans payer sa part de coûts. Ce comportement peut arriver par inadvertance, par exemple lorsqu’un consommateur achète un produit assujetti à la REP à un fournisseur étranger ; dans ce cas ni le consommateur ni le fournisseur ne paye la gestion des déchets. Un obstacle à l’entrée peut être défini comme un facteur qui empêche ou dissuade l’entrée de nouvelles entreprises sur un marché alors que les opérateurs en place perçoivent des profits excessifs (OCDE, 1993, paragraphes 134, 91, 14). Un changement de coût fait référence à un même produit ou service ; si la qualité baisse mais que le coût nominal reste le même, le coût a augmenté.

Les trois sous-sections suivantes décrivent brièvement les caractéristiques du droit et de la politique de la concurrence, à savoir l’examen des accords, l’examen du comportement individuel des entreprises et, pour les pays européens, l’examen des règles en matière d’aide publique. Le présent document ne traite pas des questions liées aux fusions, dans la mesure où la REP ne semble pas soulever de questions particulières et sachant que l’examen des fusions est par ailleurs bien décrit dans les lignes directrices des différentes autorités. La dernière sous-section examine brièvement la façon dont les législations sur la concurrence interagissent avec d’autres lois.

La troisième section principale de ce document décrit les préoccupations concurrentielles que les dispositifs de REP soulèvent ou peuvent soulever. Des exemples viennent illustrer l’application de différents aspects du droit de la concurrence et mettent également en lumière les différences dans l’évaluation des accords entre concurrents et les compromis possibles entre les objectifs en matière d’environnement et de concurrence.

4.2.1. Les accords

Les accords sont répertoriés en fonction des liens entre les parties concernées. On considère généralement que les accords entre concurrents – accords horizontaux – représentent un risque plus important pour la concurrence que les accords entre fournisseurs à différents maillons de la chaîne d’approvisionnement – accords verticaux. Les accords entre concurrents sur les prix, la répartition des marchés ou des clients et les soumissions concertées – que l’on appelle collectivement des « ententes injustifiables » – sont généralement présumés anticoncurrentiels. De même, l’échange d’informations qui pourrait permettre de créer ou de surveiller une entente est généralement perçu comme contraire au jeu de la concurrence. Cela étant, un accord entre concurrents peut aussi générer des avantages économiques, raison pour laquelle des cadres analytiques ont été élaborés pour faciliter l’évaluation des effets sur la concurrence dans ces circonstances. Dans le contexte du droit de la concurrence, le terme « accord » a un sens large qui va bien au-delà du simple document signé et qui, dans certains pays, peut inclure les accords tacites.

L’accord de constitution d’un éco-organisme conclu entre des producteurs pour remplir leurs engagements de REP sera généralement considéré comme un accord de coentreprise fournissant des services de gestion et de recyclage des déchets. Contrairement aux ententes injustifiables, ces accords sont examinés au cas par cas, en se fondant sur les faits de chaque situation particulière pour procéder à une appréciation globale. Dans de nombreux pays, ces accords sont examinés dans un cadre analytique en deux temps, le premier visant à déterminer si l’accord est anticoncurrentiel, et le deuxième à évaluer les éléments de preuve fournis par ses partisans tendant à montrer que les avantages de l’accord l’emportent sur ses effets négatifs et qu’ils ne pourraient pas être atteints par des moyens moins anticoncurrentiels3.

On peut citer comme exemple d’analyse en deux temps l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »), qui est l’un des deux principaux articles sur la concurrence du droit de l’Union européenne. Le droit de la concurrence de l’UE est particulièrement pertinent dans la mesure où de nombreux accords de REP concernent des marchés de l’Union européenne. L’article 101, paragraphe 1, interdit les accords et les décisions d’associations d’entreprises susceptibles de contrarier la concurrence. Si un accord enfreint l’article 101, paragraphe 1, l’article 101, paragraphe 3, s’applique alors. Son objectif

« consiste à déterminer les effets favorables à la concurrence produits par cet accord et à évaluer si ces effets favorables à la concurrence l’emportent sur les effets restrictifs sur la concurrence. La mise en balance des effets restrictifs et des effets favorables à la concurrence s’effectue exclusivement dans le cadre établi par l’article 101, paragraphe 3. Si une restriction de la concurrence n’est pas compensée par des effets favorables à la concurrence, l’article 101, paragraphe 2, stipule que l’accord est alors nul de plein droit » (Commission européenne, 2011, point 20, notes de bas de page omises).

Même si de nombreux pays suivent cette analyse en deux temps, ils ne prennent pas en compte les mêmes avantages. Pour de nombreux pays de l’OCDE, les avantages doivent être économiques, en termes par exemple d’économies de coûts, de qualité supérieure, de plus grande diversité ou d’innovation plus rapide, et doivent profiter aux utilisateurs du bien. Par exemple, l’amélioration de la gestion des déchets a été incluse dans la notion de « progrès technique ou économique », dans les avantages en termes de concurrence figurant à l’article 101, paragraphe 3, et dans les décisions de la Commission européenne dans les affaires VOTOB et DSD, décrites ci-dessous. En revanche, dans quelques pays, le droit de la concurrence applique un critère d’utilité publique qui tient compte des avantages et des inconvénients non économiques tels que les dommages causés à l’environnement, qui touchent les personnes qui n’utilisent pas le bien4. Lorsque les coûts – tels que les restrictions à la concurrence – sont importants, se pose alors la question de la manière d’évaluer les dommages non économiques tels que les dommages à l’environnement, et celle de savoir si l’autorité de la concurrence dispose des compétences nécessaires pour le faire (OCDE, 2010).

Les accords horizontaux aux États-Unis

Deux autres grandes juridictions, les États-Unis et le Canada, suivent des processus différents. Selon le droit de la concurrence américain, on examine d’abord si un accord entre concurrents relève de la catégorie des accords illégaux en soi (US FTC et Ministère américain de la justice, 2000). En effet, les accords relevant de cette catégorie ont toujours ou presque pour effet d’augmenter les prix ou de réduire la production, et à ce titre ne justifient pas la tenue d’une enquête. Les accords de fixation des prix ou de la production, les soumissions concertées ou les accords de répartition des clients, des fournisseurs, des zones géographiques ou des branches d’activité en sont des exemples. Tous les accords qui n’entrent pas dans cette catégorie doivent être examinés en appliquant la règle de raison. Elle consiste à mener une enquête factuelle sur les effets d’ensemble de l’accord sur la concurrence. L’enquête est modulable, en fonction de la nature de l’accord et de la situation du marché.

L’analyse basée sur la règle de raison est réalisée en comparant la situation de la concurrence selon que l’accord existe ou pas. La principale question est de savoir si l’accord donne la possibilité ou incite à tirer profit d’une augmentation des prix, d’une diminution de la production ou de la qualité, ou d’un ralentissement de l’innovation.

Lors de la première étape de l’analyse, l’absence de pouvoir de marché peut permettre de conclure que l’accord, selon sa nature, est légal. Le pouvoir de marché pour un vendeur est la possibilité d’élever ses prix au-dessus du niveau concurrentiel pendant une longue période. Il est peu probable qu’il y ait pouvoir de marché si la part de marché cumulée des parties à l’accord est faible ou si les conditions d’entrée permettent selon toute vraisemblance à un nouvel entrant de soutenir efficacement la concurrence. Certains accords portent sur des questions qui n’ont que peu d’incidences sur la concurrence. À l’inverse, si des atteintes à la concurrence ressortent clairement de la nature de l’accord ou si l’accord a déjà eu une incidence négative sur la concurrence, alors l’accord est illégal.

Si l’examen initial indique que des problèmes de concurrence peuvent se poser, alors l’accord est soumis à un examen plus approfondi. Si cet examen poussé ne révèle aucun risque d’atteinte à la concurrence, alors l’accord est légal. Dans le cas contraire, on cherche à déterminer si l’accord est « raisonnablement nécessaire » pour réaliser des « gains d’efficience vérifiables ». « Les ’gains d’efficience vérifiables’ sont des gains d’efficience vérifiés par les autorités [de la concurrence], qui ne découlent pas de réductions anticoncurrentielles de la production ou du service, et qui ne peuvent pas être obtenus par des moyens pratiques sensiblement moins restrictifs » (US FTC et Ministère américain de la justice, 2000). « Raisonnablement nécessaires » ne signifie pas « essentiels ». Enfin, pour évaluer l’effet concurrentiel global d’un accord, on tient compte de l’ampleur et de la probabilité des atteintes à la concurrence et des gains d’efficience.

Les coûts et avantages environnementaux, comme d’autres objectifs de politique publique non liés à la concurrence, n’entrent pas dans le champ de l’analyse.

Les accords horizontaux au Canada

La loi canadienne sur la concurrence classe les accords entre concurrents en deux catégories, correspondant respectivement aux articles 45 et 90.1 de la loi (Bureau de la concurrence du Canada, 2009). La première catégorie comprend les accords conclus pour fixer les prix, attribuer des marchés ou limiter la production. Ils sont tous illégaux par définition. Cela étant, un accord de cette catégorie peut invoquer la défense fondée sur les restrictions accessoires s’il est directement lié à un accord légal plus large et s’il est raisonnablement nécessaire à sa réalisation. Il n’est pas nécessaire qu’il constitue la mesure la moins restrictive pour promouvoir l’objectif de l’accord plus large pour bénéficier de cette défense.

La deuxième catégorie d’accords comprend d’autres formes de collaboration entre concurrents. Ceux-ci sont interdits dans les seuls cas où ils sont susceptibles d’empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence. Tout accord est évalué sur la base d’une enquête factuelle. S’il est anticoncurrentiel, alors il est illégal. Cela étant, si des économies de coûts et d’autres avantages tirés des gains d’efficience « dépassent et compensent » les éventuels effets anticoncurrentiels de l’accord, alors l’accord est légal. Comme aux États-Unis, ne sont pas prises en compte les économies de coûts découlant d’une baisse de production, de service, de qualité ou de diversité, non plus que la simple redistribution de gains ou les gains qui seraient réalisés si l’accord était interdit ou devait être modifié.

Cette brève description de la façon dont sont évalués les accords entre concurrents en vertu de trois différentes législations sur la concurrence montre des disparités subtiles mais importantes. Lorsque, par exemple, des concurrents se mettent d’accord pour facturer une redevance modique pour le recyclage, ces disparités peuvent aboutir à des décisions différentes quant à la légalité de l’accord.

Les accords verticaux

La plupart des législations sur la concurrence évaluent l’effet des accords verticaux sur les consommateurs et sur la concurrence au cas par cas5. Les accords verticaux facilitent en général une meilleure coordination entre les fournisseurs de produits complémentaires et ce, dans l’intérêt des consommateurs. En revanche, ils peuvent aussi écarter des concurrents ou affaiblir fortement la concurrence. Pour sa part, un éco-organisme peut mettre en place un réseau d’accords verticaux parallèles avec plusieurs autres entreprises, par exemple des entreprises de collecte. Certains accords verticaux imposent à l’une des deux parties de traiter en exclusivité avec l’autre. S’il est vrai qu’un accord exclusif peut inciter les parties à faire des investissements de nature à renforcer l’efficience, un contrat exclusif ou un réseau de tels accords peuvent aussi nuire à la concurrence. Le cas peut se présenter lorsque des entreprises rivales ont besoin de produits qui restent indisponibles trop longtemps en raison d’accords exclusifs. Le risque d’atteinte à la concurrence est plus grand si une part importante du marché est fermée, si les accords exclusifs sont de longue durée et si l’entrée simultanée sur les deux marchés est difficile (RIC, 2013)6. Plusieurs affaires ont montré les effets sur la concurrence des réseaux d’accords exclusifs des éco‐organismes prédominants.

En résumé, les accords horizontaux visant à fixer les prix, attribuer des marchés ou des clients ou à truquer les offres – que l’on appelle collectivement des « ententes injustifiables » – sont généralement présumés anticoncurrentiels par de nombreuses législations sur la concurrence. De même, l’échange d’informations qui peut permettre de créer ou de maintenir une entente est anticoncurrentiel. Mais un accord horizontal visant par exemple à mettre en place un éco-organisme pour assurer des services de collecte des déchets et de recyclage qui n’existaient pas auparavant sera le plus souvent évalué sur la base de son effet d’ensemble. L’examen au cas par cas des éléments précis de l’accord et de son contexte visent à identifier ses éventuels avantages et inconvénients. Tous les pays ne prennent pas en considération les mêmes avantages et inconvénients. Les accords verticaux sont évalués au cas par cas. Même s’ils génèrent souvent des économies de coûts qui profitent aux consommateurs, ils peuvent malgré tout nuire à la concurrence et aux consommateurs dans certaines circonstances.

4.2.2. Le comportement individuel des entreprises

Le comportement d’une entreprise unique, agissant seule, peut enfreindre le droit de la concurrence. Ce comportement est désigné différemment selon les pays. On parle entre autres d’« abus de position dominante » dans les pays européens, de « monopolisation » aux États-Unis et d’« utilisation abusive de pouvoir de marché » en Australie. Les définitions sont elles aussi différentes, même si elles exigent toutes au moins qu’une entreprise soit puissante sur un marché, ce que peut dénoter le fait de disposer de parts de marché qui se maintiennent à un niveau élevé sur un marché difficile à pénétrer. Une entreprise en position dominante qui abuse de sa situation enfreint le droit de la concurrence. L’existence d’un comportement abusif est déterminée au cas par cas. Le plus souvent, le comportement abusif consiste à exclure les concurrents ou à rendre l’entrée sur le marché plus difficile, même si l’exploitation des consommateurs, notamment la tarification excessive, constitue un abus dans certaines législations. Pour éviter de décourager la concurrence, l’« abus » n’est pas défini d’une manière trop large.

4.2.3. Les aides d’État

Les aides d’État, ou le soutien public aux entreprises, de même que les droits exclusifs, peuvent fausser la concurrence en permettant à des entreprises inefficaces de rester sur le marché ou d’alimenter davantage un marché qu’elles ne le feraient autrement.

L’article 107, paragraphe 1, TFUE définit les aides d’État comme « les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions », dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres. Dans le cadre des instruments de REP, notamment les redevances d’élimination préalables, la question clé est de savoir si la redevance est obligatoire (Commission européenne, 2012, points 34 et 35). Même si les fonds sont administrés par un consortium privé indépendant des pouvoirs publics, s’ils sont alimentés par des contributions obligatoires et gérés conformément à la législation, alors ils sont considérés comme des ressources d’État au sens des règles en matière d’aide publique. Ce point a été relevé dans deux décisions relatives à des redevances d’élimination préalables à des fins environnementales, les unes applicables aux produits à base de viande et les autres aux véhicules neufs7.

La méthode utilisée pour déterminer le montant des redevances pourrait aussi permettre de déterminer si une redevance d’élimination constitue ou non une aide d’État. Le service pour lequel une compensation est perçue doit être réellement fourni, la compensation ne peut excéder ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés, et les paramètres utilisés pour le calcul de la compensation doivent être déterminés à l’avance d’une manière objective et transparente. Le montant des « coûts nécessaires » peut être déterminé par le recours à une procédure d’appel d’offres ou par une analyse des coûts d’une entreprise moyenne, bien gérée, tenant compte d’un bénéfice raisonnable (Commission européenne, 2012, points 42 et 43).

Le seuil de 200 000 euros versés sur une période de trois ans peut dissiper les préoccupations liées aux aides d’État dans des dispositifs d’importance mineure (Commission européenne, 2012, point 41).

En résumé, les règles en matière d’aide publique visent à garantir que les subventions et les monopoles légaux ne faussent pas la concurrence. Les aides d’État ne sont généralement pas traitées par le droit de la concurrence en dehors de l’espace économique européen, qui inclut l’UE, ou des pays candidats à l’adhésion à l’UE.

Cela étant, dans chaque pays doté d’une législation sur la concurrence, la question se pose de savoir comment différents objectifs sociaux et de concurrence peuvent s’adapter les uns aux autres.

4.2.4. La législation sur la concurrence n’est qu’une législation parmi d’autres

Les cadres juridiques nationaux régissent la façon dont les lois qui poursuivent des objectifs différents, comme les lois relatives à l’environnement et à la concurrence, interagissent. Dans les pays de l’Union européenne, la question des liens qui unissent les législations sur la concurrence au niveau de l’Union se pose aussi. Il est possible de résoudre les conflits dans une affaire en poursuivant, par exemple, des objectifs environnementaux de la manière la moins anticoncurrentielle qui soit.

Dans l’étude d’une affaire où, par exemple, la législation sur l’environnement influe sur le comportement d’une entreprise, une distinction essentielle est établie entre le comportement qui est autorisé et le comportement imposé par la législation sur l’environnement. Dans de nombreux pays, le comportement anticoncurrentiel ne peut être soustrait à l’application du droit de la concurrence que si l’« autre » législation exige un comportement anticoncurrentiel, ou exclut tout autre comportement8. L’importance accordée aux considérations de concurrence durant la préparation d’une législation ou d’autres mesures publiques peut influencer la conception de ces mesures de façon à atteindre les objectifs visés sans trop nuire à la concurrence.

Une entreprise qui offre un service public est, comme les autres entreprises, soumise au droit de la concurrence. Dans l’Union européenne, l’article 106, paragraphe 2, TFUE concerne les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou bénéficiant d’un monopole fiscal. Les États membres ne peuvent pas adopter de mesures contraires notamment aux règles de concurrence. Ces entreprises sont soumises aux règles de concurrence pour autant que leur application ne fasse pas échec à l’accomplissement des tâches qui leur sont imparties. La législation doit définir les obligations des entreprises et de l’autorité qui leur confie la mission particulière (Commission européenne, 2012, point 51).

Une affaire italienne offre un exemple de résolution de conflit entre le droit de la concurrence et une loi sur le service public. L’article 8 (2) de la loi 287/90 stipule que les dispositions du droit de la concurrence italien :

« […] ne s’appliquent pas aux entreprises qui sont chargées par la loi d’assurer des services d’intérêt économique général ou qui opèrent sur le marché en situation de monopole uniquement dans la mesure où cela est indispensable pour mener à bien les tâches spécifiques qui leur sont confiées ».

L’autorité de la concurrence a estimé que COBAT, le consortium qui coordonne la collecte des batteries au plomb usagées, avait enfreint le droit de la concurrence en attribuant notamment des quotas de batteries usagées aux entreprises de recyclage. Le tribunal de première instance a considéré que COBAT avait été mis en place pour servir des objectifs d’intérêt public et que son comportement relevait donc de la disposition précitée. Statuant en appel, le Conseil d’État a considéré que les restrictions à la concurrence n’étaient pas indispensables pour atteindre ces objectifs, et a donc confirmé l’infraction (OCDE, 2010, p. 64 et 65)9.

La Recommandation de 2009 du Conseil de l’OCDE sur l’évaluation d’impact sur la concurrence indique, dans la section relative à la révision des politiques publiques qui restreignent indûment la concurrence, que « les gouvernements devraient adopter l’alternative la plus favorable à la concurrence compatible avec les objectifs d’intérêt public poursuivis, tout en tenant compte des coûts et avantages de la mise en œuvre».

4.3. L’expérience acquise en matière de concurrence dans la REP

Les dispositifs de REP peuvent avoir des conséquences pour la concurrence sur les marchés de la gestion des déchets et sur les marchés de produits concernés par la REP. Cette section décrit et illustre certains problèmes de concurrence qui se posent ou peuvent se poser. On procédera comme on l’a fait à la section 1.2 en commençant par évoquer les marchés des éco-organismes, puis les marchés de collecte des déchets et ceux de la valorisation et de l’élimination des déchets. La dernière section est consacrée aux marchés de produits comme les pneus, les voitures et les piles et batteries, par exemple. Les marchés de produits peuvent faire intervenir de très grands volumes d’échange, et toute atteinte à la concurrence entraînant une hausse des prix ou une baisse de qualité ou de choix, ne serait-ce que faible, peut entraîner d’importantes pertes en termes de bien-être des consommateurs10.

Même si elle ne dresse pas un inventaire exhaustif des dispositifs de REP, la liste assez complète compilée par Kaffine et O’Reilly (OCDE, 2013) indique que les dispositifs de REP sont plus couramment utilisés dans les pays européens et nord-américains qu’ailleurs. Sur les 385 dispositifs énumérés, 167 sont mis en œuvre au niveau national en Europe et 179 au niveau provincial ou fédéral au Canada ou dans un des États des États-Unis. Sur les 284 dispositifs de reprise, les chiffres sont de 144 et 115, respectivement. Malgré cela, il semble que les affaires de concurrence portant sur des programmes de REP soient européennes pour la plupart, avec quelques affaires provenant d’autres juridictions. La raison exacte de cette disparité n’est pas claire. Pour la refléter, les discussions des données d’expérience portent pour l’essentiel sur les marchés en Europe.

4.3.1. Les marchés des éco-organismes

Les éco-organismes remplissent les engagements de REP des producteurs en organisant notamment la collecte, le tri et le traitement nécessaires des déchets spécifiés. Un éco‐organisme peut être en situation de monopole ou de concurrence avec d’autres éco‐organismes. Les producteurs peuvent aussi prévoir de remplir leurs propres engagements de REP, mais cela reste rare en pratique. De nombreux éco-organismes ont été initialement établis sous forme d’entreprises communes, et remplissaient les engagements de REP de tous les producteurs qui vendaient des produits spécifiés dans un pays donné. Cette section évoque d’abord certains des facteurs qui permettent de déterminer laquelle des deux est la plus efficace, de la situation de monopole ou de la situation de concurrence. Trois arguments sont communément avancés à l’appui du monopole des éco-organismes : l’activité bénéficie d’économies d’échelle ; un monopole permet de contrôler plus facilement le comportement de passagers clandestins ; et un monopole peut plus facilement être surveillé par les organismes de réglementation. Mais les monopoles se caractérisent aussi par une réduction des incitations à l’efficacité et, lorsqu’un service dispose d’un monopole légal, les acheteurs qui n’ont pas d’autre choix que de négocier avec le fournisseur monopolistique peuvent être exploités. Cet examen des arguments pour et contre le monopole repose en grande partie sur la théorie. L’expériencede comparaison des situations de concurrence et de monopole entre les éco-organismes sur des marchés similaires se limite aux quelques cas où la concurrence a remplacé le monopole. Si la concurrence obtient de meilleurs résultats que le monopole, des obstacles importants à l’entrée ou des coûts élevés de changement de fournisseur peuvent alors protéger un monopole ou une entreprise dominante. Ces points font l’objet des deuxième et troisième sous-parties de cette section. S’il est difficile pour de nouveaux éco-organismes de rivaliser avec les entreprises en place, alors la concurrence ne sera pas toujours possible. S’il est difficile pour un utilisateur – producteur ou prestataire de services de ramassage, de tri et de traitement des déchets – de passer d’un éco-organisme à un autre, la concurrence s’en trouve alors découragée directement et indirectement, en rendant l’entrée encore plus difficile. Les comportements qui suscitent des obstacles à l’entrée et des changements de fournisseur font l’objet de procédures de concurrence.

Le marché des éco-organismes a soulevé les questions suivantes relatives à la concurrence :

  • La première est de savoir à quel moment un monopole constitue le moyen le plus efficace de remplir les engagements de REP. Le coût de gestion des déchets d’emballage en Allemagne a chuté de manière significative après l’introduction d’un certain nombre de changements, notamment la mise en place d’un régime d’appels d’offres pour la collecte et le tri et la mise en concurrence des éco-organismes et des services aux éco-organismes. D’aucuns ont en outre constaté une baisse de qualité. Cela étant, les études comparant la structure commerciale des éco-organismes dans différent pays et pour différents flux de déchets ne permettent pas de trancher, et les caractéristiques de chaque marché conduiront probablement à des réponses différentes. Les principaux sujets de préoccupation portent sur les économies d’échelle, le comportement de passager clandestin des producteurs et la surveillance réglementaire. Un autre argument – selon lequel le monopole temporaire peut s’avérer nécessaire pour encourager l’investissement – pourrait valoir dans la phase initiale d’un programme de REP, en particulier lorsque les coûts et recettes à venir sont très incertains.

  • Deuxièmement, la concurrence sur le marché des éco-organismes peut être éliminée par les conditions d’entrée difficiles faites aux éco-organismes rivaux. Certaines peuvent être structurelles, et d’autres stratégiques, lorsque le comportement des éco-organismes en place complique l’entrée sur le marché. Les enquêtes de concurrence ont identifié les contrats d’exclusivité à long terme avec les entreprises de collecte de déchets comme des obstacles supplémentaires à l’entrée. La mise en commun des infrastructures de collecte a été reconnue comme un moyen de pénétrer plus facilement sur un marché, y compris à l’échelle nationale. Interdire les contrats à long terme ou exclusifs avec les entreprises de collecte de déchets est une autre option.

  • Troisièmement, la difficulté à changer d’éco-organisme peut nuire à la concurrence entre éco-organismes. Le coût associé au changement d’éco-organisme peut être influencé par un certain nombre de facteurs, comme l’intégration verticale, la structure des redevances, les accords verticaux exclusifs à long terme, et la non-portabilité des réserves financières.

  • Enfin, même si l’on manque à ce jour de données d’expérience sur la question, les règles de compensation peuvent avoir une incidence directe sur la concurrence entre les éco-organismes.

Le monopole

Plusieurs facteurs permettent de déterminer si un monopole constitue le moyen le plus efficace de mettre en œuvre la REP pour un ensemble de produits. Chaque cas est différent, mais les économies d’échelle dont peut bénéficier l’activité, ou la façon dont le nombre d’éco-organismes a des répercussions sur les coûts engendrés par les passagers clandestins et sur le rapport coût/efficacité de la surveillance réglementaire sont des facteurs à prendre en considération. En règle générale, le principal argument invoqué à l’encontre du monopole tient au fait qu’il est souvent inefficace d’un point de vue économique. Dégagé de toute pression concurrentielle – du risque que les utilisateurs le délaisse pour une meilleure offre – le monopole est en général plus lent à chercher des solutions plus conviviales ou à moindre coût, et est moins incité à répercuter les économies de coûts sur les consommateurs. Il est regrettable de ne pouvoir répondre de façon empirique à la question de savoir dans quelles conditions les éco-organismes en situation de monopole sont plus efficaces que les éco-organismes concurrentiels. Malgré les données recueillies, le trop grand nombre de facteurs de coûts, qui varient selon les flux de déchets et les pays, empêchent de répondre à la question11. En accord avec la Recommandation du Conseil sur l’évaluation d’impact sur la concurrenceprécitée, nombreuses sont les autorités de la concurrence qui considèrent que toute restriction à la mise en place d’éco-organismes multiples ou à l’entrée de nouveaux concurrents doit être soumise à un examen critique au cours de la phase de conception, et que si des restrictions sont mises en place, elles doivent être levées le plus rapidement possible12 (OCDE, 2013, p. 126).

Lorsque des producteurs établissent collectivement un éco-organisme pour exercer leur REP et que celui-ci se trouve en situation de monopole, cet éco-organisme peut être considéré comme une coentreprise productrice d’intrants (input production joint-venture – IPJV). Ce type de coentreprises devrait normalement être évalué au regard du droit de la concurrence au cas par cas, comme on l’a vu plus haut. Même si des économies peuvent en résulter, la théorie économique indique aussi certains effets négatifs possibles : une IPJV peut être utilisée pour permettre aux sociétés-mères de pratiquer une entente sur les prix, ou certaines sociétés-mères peuvent parasiter les efforts accomplis par les autres, ce qui compromet l’efficience de l’IPJV13.

En résumé, trois arguments sont généralement mis en avant en faveur du monopole sur le marché des éco-organismes, et un quatrième argument est invoqué à l’appui du monopole temporaire. Ces arguments sont les suivants : 1) l’activité affiche d’importantes économies d’échelle par rapport à la demande du marché ; 2) le monopole permet de limiter à moindre coût le comportement de passager clandestin des producteurs ; 3) le monopole réduit le coût de la surveillance réglementaire ; et 4) le monopole temporaire incite davantage à faire des investissements risqués.

Lorsque d’importantes économies d’échelle sont réalisées, par exemple dans certaines collectes, elles ne doivent pas entraîner un monopole tout le long de la chaîne d’approvisionnement : les infrastructures de collecte peuvent parfois être partagées, ou allouées à différents éco-organismes à différents moments. L’ampleur du problème des passagers clandestins dépend à la fois des incitations à adopter ce comportement et des incitations à y mettre un terme. Les bénéfices de ce comportement seraient moindres si les redevances des éco-organismes l’étaient aussi, ce qui est théoriquement le cas lorsque les éco-organismes jouent le jeu de la concurrence. Certaines des méthodes utilisées pour résoudre le problème des passagers clandestins ont fait l’objet d’études, mais celles-ci n’ont pas permis de comparer leur efficacité sur les marchés des éco-organismes en situation de monopole ou de concurrence. En ce qui concerne la surveillance réglementaire, le montant de certains coûts directs peut augmenter avec le nombre d’éco-organismes, mais il en irait de même des informations dont pourrait disposer l’organisme de réglementation.

Les arguments en faveur d’un monopole temporaire dès le départ sont quelque peu différents. Si la mise en place d’un éco-organisme entraîne des coûts irrécupérables élevés et si les futures charges et recettes de l’éco-organisme sont incertaines, un monopole temporaire peut alors s’avérer plus efficace. Une concentration de la demande initiale peut en partie atténuer l’incertitude inhérente à toute nouvelle entreprise. Les autorités de la concurrence sont généralement d’avis que toute restriction à la mise en place d’éco-organismes multiples ou à l’entrée de nouveaux concurrents doit être soumise à un examen critique au cours de la phase de conception, et que si des restrictions sont mises en place, elles doivent être levées le plus rapidement possible (OCDE, 2013, p. 126). D’une façon générale, un monopole qui n’est soumis à aucune réglementation économique peut exercer un pouvoir de marché en augmentant les prix ou en abaissant la qualité, et est moins incité à réduire les coûts. Il en résulte une baisse d’efficacité et une baisse du bien-être des consommateurs.

Le pouvoir de marché – monopole et monopsone. Le problème du monopole tient au fait qu’il n’est pas soumis au jeu de la concurrence, c’est-à-dire au risque de voir ses utilisateurs se reporter sur une meilleure offre. Même lorsque les monopoles sont détenus par leurs utilisateurs, l’absence de pression concurrentielle peut les rendre inefficaces (Ross et Szymanski, 2006). Lorsque la demande est obligatoire, le pouvoir de marché d’une entreprise monopolistique s’en trouve encore grandi dans la mesure où les utilisateurs ne peuvent pas l’écarter (voir encadré 4.1).

Encadré 4.1. Le pouvoir de négociation dans un achat de service obligatoire

Le faible pouvoir de négociation des détenteurs de déchets vis-à-vis d’un monopole a fait partie des arguments qui ont permis de conclure au rejet d’une fusion. Les deux principales entreprises polonaises de collecte et de recyclage avaient proposé de fusionner. La fusion a été jugée anticoncurrentielle et rejetée. Il a en effet été estimé que le monopole aurait fait face à une demande presque totalement inélastique dans la mesure où les détenteurs de déchets ne pouvaient traiter qu’avec les principales entreprises de collecte et de recyclage, quel que soit le prix. Par conséquent, l’entreprise monopolistique aurait augmenté les prix de manière significative et rentable (acquisition de Baterpol Sp. z o.o. par Orzel Bialy S.A., 5 mars 2009, citée dans OCDE, 2010, p. 81). Les producteurs concernés par la REP peuvent disposer d’options supplémentaires qui ne sont pas disponibles aux détenteurs de déchets sur ce marché et ainsi se trouver dans une meilleure position de négociation.

Une faible concurrence a notamment pour conséquence que les fournisseurs ne répercutent pas les économies de coûts sur les acheteurs. La répercussion des économies de coûts générées par la fusion mentionnée ci-dessus sur les détenteurs de déchets a été jugée « très improbable ». Par ailleurs, les entreprises de collecte et de recyclage en situation de monopole sont peu incitées à améliorer leur efficacité sachant qu’elles peuvent recouvrer leurs éventuelles pertes en augmentant les redevances. L’autorité de la concurrence norvégienne a recensé plusieurs cas où des monopoles détenus par des producteurs/importateurs actifs dans le secteur de la collecte et du recyclage étaient exposés à des surcoûts, suggérant une certaine inefficacité (OCDE, 2006, p. 135). Une autre conséquence d’une faible concurrence est que les fournisseurs sont moins incités à adopter de nouvelles technologies plus économiques. L’adoption de techniques permettant un meilleur tri est associée à la mise en concurrence des éco-organismes allemands de la filière emballage : « [d]e nouvelles techniques de tri existaient déjà à l’époque du monopole de DSD, mais elles ne se sont répandues qu’après l’introduction de la concurrence » (OCDE, 2013b, p. 107). En pratique, cependant, il est difficile d’évaluer si le changement technologique est trop lent ou trop rapide.

Un monopsone ou un acheteur unique (généralement le cas des éco-organismes uniques qui achètent des services) génèrent des problèmes d’efficacité analogues. En comparaison d’une situation où ils pourraient négocier avec plusieurs acheteurs potentiels, les fournisseurs faisant face à un acheteur unique doivent accepter des conditions plus strictes. Dans le pire des cas, les prix bas imposés par un monopsone peuvent conduire les fournisseurs à quitter le marché.

Si l’autonomie en matière de REP était une solution de rechange envisageable pour les producteurs, le spectre d’une mise en conformité volontaire pourrait alors empêcher les éco‐organismes de tirer pleinement parti de leur pouvoir de marché. L’autorité suédoise de la concurrence a cherché à savoir si une entreprise prise isolément pouvait raisonnablement répondre à ses obligations de REP sans adhérer à un éco-organisme. Elle a relevé que les éco-organismes étaient généralement contrôlés par « les principaux acteurs du marché ». L’enquête « a conclu que les chances [d’autonomie] étaient généralement peu probables voire inexistantes ». (OCDE, 2006, p. 146). Cette conclusion semble indiquer que l’autonomie ne fait peser aucune contrainte significative sur la conduite des éco-organismes et que les fournisseurs qui rivalisent avec les principaux acteurs du marché dépendent de leurs concurrents pour les intrants nécessaires à leur production.

En résumé, un monopole qui ne fait l’objet d’aucune véritable menace concurrentielle – ou réglementation – peut exercer un pouvoir de marché notamment en facturant des prix élevés et en ne luttant pas contre l’inefficacité. Un tel monopole est moins incité à réduire les coûts, à adopter de nouvelles technologies plus économiques, et à répercuter les économies de coûts sur les utilisateurs (voir les points 53 et 54). Des arguments similaires s’appliquent aux acheteurs uniques ou en position dominante. Bien que ces arguments soient davantage d’ordre théorique, ils sont soutenus par un certain nombre de données empiriques. Une étude a conclu que l’autonomie des services de collecte et de recyclage n’était pas une menace réaliste (OCDE, 2006, p. 146). Une autre étude a jugé que certains éco-organismes en situation de monopole étaient exposés à des surcoûts (OCDE, 2006, p. 135). Dans une décision relative à une fusion, il a été considéré qu’un fournisseur de services en situation de monopole légal pourrait augmenter les prix à un niveau extrême (acquisition de Baterpol Sp. z o.o. par Orzel Bialy S.A., citée dans OCDE, 2010, p. 81). Combinées, ces conclusions semblent indiquer que si un éco-organisme est en situation de monopole, il aura et exercera un pouvoir de marché. Lorsqu’un éco-organisme en situation de monopole est géré par le secteur soumis à obligation, il existe un risque que celui-ci l’utilise pour exercer sonpouvoir de marché en augmentant les prix, et que certaines entreprises dudit secteur resquillent ce qui réduit l’efficience de l’éco-organisme.

Les économies d’échelle. Le monopole peut toutefois s’avérer la structure la moins coûteuse pour approvisionner un marché. Si la technologie est figée, si les produits sont assez homogènes et si les économies d’échelle sont importantes, le marché peut alors être approvisionné à moindre coût par un monopole. Les économies d’échelle impliquent que le coût moyen est réduit au minimum à une échelle importante comparativement à la taille du marché. Les économies d’échelle peuvent par exemple être importantes si les déchets traités nécessitent des systèmes hautement spécialisés et impliquent des procédures d’autorisation lourdes (les deux entraînant des coûts fixes élevés), mais si les quantités sont relativement faibles. Si les mouvements internationaux de déchets sont limités, la demande peut alors être suffisamment faible pour permettre à un monopole de fournir ces services à un moindre coût.

Les coûts fixes élevés constituent une source possible d’économies d’échelle. Se pose alors la question de savoir si les coûts fixes supportés par un éco-organisme pour organiser la collecte, le transport et le traitement des déchets, de même que les coûts récurrents de surveillance, sont importants. Si ces coûts représentent une part relativement faible des coûts totaux, ils n’impliqueront alors pas d’économies d’échelle. La collecte profite souvent d’économies d’échelle substantielles et pourrait de ce fait permettre à un éco-organisme verticalement intégré de réaliser des économies d’échelle. Cela étant, si un accès partagé à l’infrastructure de collecte est matériellement possible, les économies d’échelle dans cette branche d’activité n’impliquent pas nécessairement des économies d’échelle pour les services des éco-organismes intégrés. L’autorité suédoise de la concurrence a fait valoir qu’une distinction entre le financement de la responsabilité du producteur et le financement de la collecte permettrait d’assurer un accès égal à l’infrastructure (OCDE, 2006, p. 146). L’infrastructure de collecte a été partagée de différentes manières14. Les économies à plus petite échelle peuvent limiter la possibilité pour les producteurs de remplir eux-mêmesleurs obligations de REP, dans la mesure où les producteurs individuels collectent généralement des quantités de déchets plus petites que le marché national dans son ensemble.

Le problème des passagers clandestins. La réduction des coûts induits par les passagers clandestins est un autre argument en faveur du monopole des éco-organismes. On parle de passager clandestin lorsqu’une entreprise tire profit des actions et des efforts d’une autre sans en supporter ou en partager les coûts. Ce problème se pose lorsqu’il est difficile d’exclure les utilisateurs qui ne paient pas. Le resquillage n’incite pas à fournir un bien ou à assurer un service et peut même dans un cas extrême entraîner leur retrait. Dans le contexte d’un éco-organisme, la principale crainte est que les producteurs ne payent pas toujours pour tous les services de collecte et de recyclage qu’ils utilisent. Ils peuvent, par exemple, ne pas signaler certaines quantités ou ne pas connaître les mouvements de leurs produits, et donc ne pas savoir quelle quantité déclarer pour tel marché. Les producteurs peuvent par ailleurs répartir leur REP entre plusieurs éco-organismes sur un marché donné. Pour apprécier cet argument, on peut notamment prendre en considération la façon dont la structure du marché des éco-organismes influe sur les incitations à resquiller, la difficulté à détecter le resquillage, et l’efficacité des tactiques de répression. Autre problème : les éco-organismes en situation de concurrence peuvent se soustraire à leurs obligations en matière de campagnes publiques d’information, ou d’inspection de la qualité des matières triées. Une surveillance réglementairepeut permettre de repérer le premier type de comportement, et une inspection indépendante, le second.

Une baisse des redevances réduirait les incitations à se comporter en passager clandestin, toutes choses étant par ailleurs égales. En principe, une concurrence accrue entraîne une baisse des coûts et une baisse des prix. Cela étant, comme nous l’avons souligné en introduction, le peu de littérature empirique dont nous disposons ne permet pas de démontrer une quelconque incidence du nombre d’éco-organismes sur les redevances de collecte et de recyclage. Certains affirment toutefois que, sur des marchés concurrentiels, les éco-organismes sont davantage incités à cibler les passagers clandestins, dans la mesure où ces producteurs n’auraient pas à supporter de coûts de changement.

Il semblerait qu’il soit plus facile de détecter les passagers clandestins lorsqu’il n’existe qu’un seul éco-organisme. Lorsque des éco-organismes multiples fournissent le même service sur un marché, il est nécessaire de veiller à ce que la quantité totale de déchets collectés auprès des différents producteurs n’excède pas la quantité totale déclarée mise sur le marché aux éco-organismes. Le mécanisme des registres nationaux tenus par les États membres de l’UE est trop récent pour permettre d’évaluer son efficacité.

Des études ont été menées sur l’efficacité des tactiques visant à lutter contre l’exploitation par des passagers clandestins des services d’un éco-organisme. Quatre études de cas portant sur les efforts déployés pour atténuer le comportement de passager clandestin des producteurs dans les systèmes d’emballage des déchets et de reprise des DEEE ont mis en lumière plusieurs éléments communs. Premièrement, les programmes étaient tous obligatoires et géraient les problèmes de passagers clandestins : même les petits producteurs devaient payer une certaine somme. Deuxièmement, les programmes étaient gérés par des éco-organismes en situation de monopole. Troisièmement, l’incapacité de l’État à assurer l’application des lois a été considérée comme déterminante dans la persistance des passagers clandestins. Une lecture plus attentive de ces études de cas montre que les adhérents des éco-organismes ont été chargés au moins partiellement de la détection des passagers clandestins, par exemple, les revendeurs avaient convenu avec les éco-organismes de contrôler auprès des fournisseurs la preuve de leur acquittement de la redevance de recyclage, et de les facturer en cas de non-paiement. De la même façon, les adhérents ont été encouragés à contrôler le respect des règles, ainsi les collecteurs étaient-ils payés en fonction du poids des matières pour lesquelles une redevance avait été acquittée,et non au titre de toutes les matières collectées. Dans le cas des machines de récupération des bouteilles, ils pouvaient déterminer si une consigne avait été acquittée, et ne payaient que dans ce cas (Marbek, 2007). La question de savoir si l’efficacité des instruments mentionnés – contrôle des fournisseurs par le revendeur, contrôle des matières collectées, paiement aux collecteurs pour les seuls déchets collectés pour lesquels la redevance a été acquittée – serait réduite en cas d’éco-organismes multiples n’a pas été étudiée, toutes les études de cas concernées ayant porté sur des éco‐organismes en situation de monopole.

Le contrôle du respect de la réglementation. La facilité de la surveillance réglementaire est un autre argument invoqué en faveur des éco-organismes en situation de monopole. Certains avancent que les organismes de réglementation s’exposent à des coûts plus élevés lorsqu’ils doivent attribuer des licences multiples, contrôler des données de provenances multiples, et amener des éco-organismes multiples à rendre des comptes et qu’ils peuvent donc préférer traiter avec une entité unique. L’expérience montre cependant qu’ils ne rencontrent aucune difficulté insurmontable pour octroyer des licences à des éco-organismes qui ne sont pas des monopoles (RPS et al., 2014, p. D-13, 14 et 16). Cependant lorsque le différentiel de coût est élevé, les avantages pour les consommateurs d’une nouvelle entrée – baisse des coûts ou amélioration de la qualité ou accélération de l’innovation – doivent être évalués par rapport au coût de la surveillance réglementaire qu’elle implique.

La surveillance réglementaire peut se trouver renforcée en présence de plusieurs entreprises réglementées. En particulier, les diverses sources d’information que représentent les multiples entreprises (éco-organismes, dans ce cas) peuvent fournir davantage d’informations à l’organisme de réglementation, ce qui peut contribuer à l’amélioration de la réglementation.

En résumé, le rapport coût/efficacité de la surveillance réglementaire peut être influencé par le nombre d’entreprises réglementées. Le coût d’octroi des licences et des activités d’inspection peut être réduit avec moins d’entreprises, mais l’organisme de réglementation aurait accès à davantage d’informations, et peut-être à différents points de vue, si un plus grand nombre d’entreprises étaient placées sous sa surveillance. La réglementation pourrait en être améliorée.

Les mesures en faveur de l’investissement. Un argument souvent avancé en faveur du monopole temporaire au début d’un dispositif de REP est qu’il peut inciter à réaliser des investissements à risque irrécupérables. En cas d’incertitude, le fait que les coûts irrécupérables ne puissent pas être recouvrés si les choses tournent mal peut rendre l’investissement initial peu attrayant. Un monopole garanti et, en cas d’obligation légale d’acheter le service, une demande garantie réduisent le risque de manque de rentabilité.

Le monopole peut aussi servir à globaliser la demande initiale afin de tirer profit d’économies d’échelle qui à leur tour inciteront à faire des investissements irrécupérables. Même s’il ne concerne pas un éco-organisme, l’arrêt Sydhavnens Sten & Grus illustre les considérations dynamiques que soulève une nouvelle installation de valorisation des déchets. Dans son arrêt, la Cour de justice européenne a examiné si l’octroi de droits exclusifs pour traiter les déchets de chantier non dangereux sur le territoire de Copenhague violait le droit de la concurrence européen (arrêt du 23 mai 2000 rendu dans l’affaire C-209/98, Entreprenørforeningens Affalds/Miljøsektion (FFAD) contre Københavns Kommune, Recueil de jurisprudence p. I-3743). La Cour a conclu que même dans l’hypothèse où l’octroi de l’exclusivité conduirait à une restriction de concurrence, cette exclusivité pourrait être considérée comme nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service d’intérêt économique général (ibid., point 81). La restriction a permis aux entreprises choisies de recevoir un flux suffisamment important de déchets pour qu’elles soient intéressées à étendre la capacité limitée de traitement (ibid., points 79 et 83). Dans cette affaire, le bénéfice de la restriction – création de la capacité de gestion desdéchets de chantier qui aurait été impossible autrement – semblait l’emporter sur le coût en termes de concurrence pendant la durée de la restriction.

Un monopole temporaire peut être efficace au début du programme de REP. Parmi les éléments intéressants qui permettent d’en comparer les coûts et les avantages, on peut citer l’incertitude, le montant des coûts irrécupérables et l’existence d’économies d’échelle significatives supérieures à la demande. Il peut certes être plus efficace de créer un monopole temporaire, mais le fondement de cette décision devrait faire l’objet d’un examen critique au stade de la conception, et être ensuite réexaminé régulièrement de manière à vérifier si les conditions ont changé. Les restrictions à la concurrence devraient être supprimées le plus rapidement possible.

Les obstacles à l’entrée

L’exercice du pouvoir de marché peut être limité par de nouveaux entrants. Mais si l’entrée de nouveaux concurrents est peu probable, peu opportune, ou trop peu étendue, alors elle ne peut être utilisée pour comprimer les prix du marché ou maintenir une qualité élevée. C’est la raison pour laquelle un examen des obstacles à l’entrée fait très souvent partie intégrante de l’analyse de la concurrence et les commentaires relatifs aux obstacles à l’entrée sont très souvent intégrés à l’analyse de l’impact de la réglementation sur la concurrence sur un marché.

Un obstacle qui ne fait que ralentir l’entrée sans l’empêcher totalement peut affecter la concurrence sur un marché. Les obstacles à l’entrée sont généralement structurels ou stratégiques. Les obstacles structurels à l’entrée sont liés aux facteurs de coût et de demande. Ils comprennent les économies d’échelle et, le plus souvent, le temps et les coûts nécessaires au respect des exigences légales. Une loi qui octroie le droit exclusif de servir un marché est un obstacle à l’entrée. Les obstacles stratégiques, eux, sont délibérément créés ou renforcés par l’opérateur historique du marché. Ils peuvent prendre la forme de contrats exclusifs à long terme ou de certaines pratiques tarifaires qui incitent les acheteurs à ne pas changer de fournisseurs. Il peut être difficile de faire la distinction entre une conduite commerciale légitime et une conduite visant à entraver l’entrée de concurrents. Cette sous-section examine certaines des conditions des marchés des éco-organismes qui peuvent retarder ou même empêcher l’entrée15.

Les obstacles structurels à l’entrée. Les coûts irrécupérables sont des investissements qui ne peuvent pas être recouvrés une fois engagés. Les coûts liés au respect des exigences légales en sont un exemple. Le niveau de risque associé à l’entrée dépend de l’interaction entre les coûts irrécupérables et l’incertitude liée aux conditions futures du marché. Si les coûts irrécupérables sont élevés, les bénéfices futurs sur le marché seront alors encore plus incertains et l’entrée moins attractive.

L’obligation d’entrer sur un marché de portée nationale augmente les coûts irrécupérables si la meilleure stratégie d’entrée consisterait sinon à entrer à échelle plus réduite dans une zone limitée. Une obligation de service universel est souvent imposée pour empêcher les nouveaux entrants de « choisir » les zones les plus rentables. De nombreuses expériences en matière de prestation de services universels, notamment dans les secteurs des livraisons postales et des télécommunications, montrent que ces obligations sont souvent inutiles et qu’elles peuvent protéger des opérateurs historiques inefficaces. Faire évoluer l’obligation de service pourrait réduire considérablement les coûts irrécupérables de l’entrée sur le marché, ce qui en améliorerait du même coup les perspectives. Plusieurs questions doivent être prises en compte pour évaluer une obligation de service universel, notamment celle de savoir si le service, de même que son prix, doivent être les mêmes dans les zones à coût élevé et dans les zones à faible coût (OCDE, 2004b). L’encadré 4.2 offre l’exemple d’une situation où le partage de certaines infrastructures de collecte des déchets a fait baisser le coût de couverture du service sur l’ensemble du pays.

Encadré 4.2. L’utilisation partagée de l’infrastructure de collecte

L’accès à l’infrastructure de collecte de l’opérateur historique posait problème en Suède. La réglementation obligeait les éco-organismes chargés du traitement des déchets d’emballage à servir l’ensemble du pays. Un entrant n’était pas en mesure de reproduire l’infrastructure de collecte de l’entreprise en place : en zone rurale, l’opération était coûteuse, et en zone urbaine, l’entreprise en place utilisait des emplacements municipaux qui ne pouvaient pas être reproduits. L’entreprise en place a été accusée de refuser tout accès. Le nouvel entrant a saisi l’autorité de la concurrence, accusant l’entreprise en place d’abus de position dominante. À l’issue de consultations avec l’autorité de la concurrence, les parties ont engagé des négociations commerciales aux termes desquelles les deux entreprises ont partagé l’infrastructure de collecte en cause, de même que les coûts. Cette solution a permis aux deux éco-organismes de proposer un service sur l’ensemble du pays (autorités nordiques de la concurrence, 2010, p. 51 et 52; affaire Plastkretsen/FTI dnr 152/2008 jugée le 10 juillet 2009).

Les subventions pour entrer sur un marché réduisent le niveau des coûts irrécupérables. En Norvège, les premiers éco-organismes mis en place dans certaines filières de déchets ont reçu un soutien économique direct ou d’autres services de l’État (OCDE, 2006, p. 122).

Deux autres obstacles structurels à l’entrée qui pourraient concerner les éco-organismes sont les économies d’échelle et les effets de réseau. Les premières constituent des obstacles à l’entrée dans le sens où les nouveaux concurrents exercent leurs activités généralement à plus petite échelle que les entreprises en place et assument donc des coûts moyens plus élevés qu’elles. Les effets de réseau se produisent lorsque la valeur d’un produit dépend pour son utilisateur non seulement de sa propre consommation mais aussi du nombre d’utilisateurs qui le consomment également. Ainsi, pour deux types différents d’utilisateurs A et B, la valeur du produit pour l’utilisateur de type A dépend du nombre d’utilisateurs de type B. Les lecteurs de journaux et les annonceurs en sont un exemple. Un nouvel entrant doit non seulement attirer les utilisateurs de type A, comme il se doit sur un marché de produits sans effets de réseau, mais aussi les utilisateurs de type B. De même, les producteurs et les collecteurs sont tous deux nécessaires au succès d’un éco-organisme.

Les obstacles stratégiques à l’entrée. À la différence des obstacles structurels, les obstacles stratégiques sont délibérément créés ou renforcés par les opérateurs historiques du marché.

Le fait de refuser aux nouveaux concurrents l’accès aux « installations essentielles » ou le fait d’augmenter de façon stratégique les frais de changement de fournisseur pour les utilisateurs ont été considérés comme des obstacles stratégiques à l’entrée dans des affaires de concurrence sur le marché des éco-organismes. Même si la définition des « installations essentielles » diffère quelque peu selon les pays, l’idée de base est que leur accès est nécessaire pour soutenir la concurrence sur le marché, qu’elles ne peuvent pas raisonnablement être reproduites ni partagées, et qu’elles sont contrôlées par une entreprise monopolistique ou une entreprise dominante. Si elle en refuse l’accès à un concurrent, l’entreprise monopolistique peut alors être tenue de concéder un accès à des conditions raisonnables – elles-mêmes difficiles à définir. On a constaté que l’accès ainsi ordonné pouvait dissuader l’investissement privé dans ces installations, et avoir pour effet de limiter la prescription d’un accès obligatoire par le droit de la concurrence.

Les infrastructures de collecte ont été considérées à plusieurs reprises comme des installations essentielles pour les éco-organismes de la filière emballage. Les exemples les plus parlants sont la décision de la Commission européenne sur les accords DSD, et ses décisions d’octroi de dérogations aux éco-organismes français Eco-Emballages et autrichien Altstoff Recycling Austria AG (« ARA »). Ces décisions interdisent essentiellement les contrats d’exclusivité à long terme entre les éco-organismes et les entreprises de collecte de déchets. Aux termes d’un contrat exclusif, l’une des parties ou les deux accepte(nt) de ne traiter, pour un certain produit, qu’avec l’autre partie. Ces décisions ont limité la durée des contrats (DG Concurrence, 2005, point 81) et ont interdit l’obligation faite aux entreprises de collecte d’envoyer tous leurs déchets à un éco-organisme unique (décision de la Commission nº 2001/837/CE, DSD, JO L 319/1, confirmée par l’arrêt du Tribunal du 24 mai 2007 rendu dans l’affaire T-289/01, Duales System Deutschland/Commission ; décision de la Commission nº 2004/208/CE, ARA, ARGEV, ARO, JO L 75/59 ; décision de la Commission nº 2001/663/CE, Eco-Emballages, JO L 233/37). Cependant, la décision de la Commission sur l’affaireDSD reconnaît explicitement le caractère indispensable du lien d’exclusivité à long terme dans les contrats de collecte et de tri des déchets d’envergure nationale pour encourager les investissements dans le tout premier système de reprise des déchets mis en place sur l’ensemble du territoire (Décision de la Commission nº 2001/837/CE DSD 2001 JO L 319/1, point 156).

Plus récemment, la communication des griefs adressée en 2013 à ARA par la Commission européenne porte notamment sur le refus supposé d’ARA de donner accès à son infrastructure de collecte des emballages ménagers. Cette infrastructure, consistant en conteneurs et sacs, est mise à disposition par le biais de contrats conclus avec les entreprises de collecte de déchets et les collectivités territoriales. La loi autrichienne fait obligation aux éco-organismes d’offrir un service de collecte à l’échelle nationale, mais la mise en place d’une deuxième infrastructure est impossible. Ainsi, tout concurrent dépend de l’accès à l’infrastructure d’ARA. S’il était attesté, le refus d’accès à une installation essentielle constituerait un abus de position dominante (Commission européenne, 2013). La procédure écrite est en cours. En Autriche, une nouvelle loi permettrait de satisfaire à l’obligation de couverture à l’échelle nationale en combinant l’utilisation propre et partagée de l’infrastructure de collecte (OCDE, 2010, p. 72).

Les conditions d’entrée sont des facteurs importants de la concurrence sur les marchés. Le droit de la concurrence permet de surmonter certains des obstacles dressés par les opérateurs historiques, comme le refus d’accès aux installations essentielles. Cela implique dans certains cas de partager les infrastructures ou de limiter la portée et la durée des contrats d’exclusivité (voir encadré 4.2). La réglementation peut par inadvertance rendre l’entrée plus coûteuse et fastidieuse, voire impossible si elle impose des restrictions numériques.

Les coûts de changement de fournisseur

Les coûts de changement de fournisseur peuvent constituer un obstacle à l’entrée et ralentir directement la concurrence. Même si certains de ces coûts sont inévitables, une entreprise dominante peut rendre l’entrée encore plus difficile si elle a la possibilité d’augmenter les coûts que les fournisseurs d’un intrant nécessaire encourent lorsqu’ils changent de clientèle. Des coûts de changement élevés peuvent aussi directement ralentir la concurrence. S’il est par exemple coûteux de changer de fournisseur, les autres fournisseurs seront alors perçus comme difficiles à substituer au fournisseur actuel de l’acheteur.

Plusieurs facteurs contribuant à augmenter ces coûts pour les producteurs sont ici passés en revue. Le premier d’entre eux est l’intégration verticale, c’est-à-dire les liens de propriété entre les producteurs ou les prestataires de services de ramassage ou de traitement des déchets et l’éco-organisme. Un deuxième facteur est lié à la structure des redevances facturées par un éco-organisme. Un troisième, qui fonctionne de la même façon, est l’obligation faite au producteur d’assumer toutes ses REP à travers un éco-organisme unique. Un quatrième facteur tient à la non-portabilité des réserves financières d’un éco-organisme. De même, les accords de longue durée qui font d’un éco-organisme le partenaire commercial exclusif des entreprises de collecte de déchets, considérés plus haut comme des obstacles stratégiques à l’entrée, peuvent aussi augmenter les coûts de changement des collecteurs.

Dans cette section, nous avons examiné quelques-unes des conditions difficiles que rencontrent les utilisateurs qui souhaitent choisir un éco-organisme concurrent et qui, à leur tour, peuvent compliquer l’entrée de nouveaux éco-organismes. L’intégration verticale produit un tel effet : les liens de propriété entre les producteurs ou les prestataires de services de ramassage ou de traitement des déchets et l’éco-organisme les dissuadent de transférer leur clientèle à un éco-organisme concurrent. La structure des redevances facturées par un éco-organisme, la non-portabilité des réserves financières constituées dans un éco-organisme et les contrats d’approvisionnement peuvent augmenter les coûts de changement d’éco-organisme pour les producteurs. Les contrats exclusifs à long terme entre un éco-organisme et des entreprises de collecte de déchets peuvent augmenter les coûts de changement pour les collecteurs.

D’un autre côté, ces régimes de propriété et ces accords peuvent avoir des effets positifs, comme celui d’encourager les investissements qui ne rapportent que si la relation est maintenue. Pour cette raison, comme cela est indiqué dans la section 4.2, ces types d’arrangements et de comportements sont appréciés au cas par cas.

L’intégration verticale. L’intégration verticale entre utilisateurs et éco-organismes peut empêcher les utilisateurs de s’orienter vers des éco-organismes concurrents. Par exemple, l’achat aux producteurs de l’éco-organisme allemand de la filière emballages DSD par un investisseur financier a été perçu comme une liberté donnée aux producteurs de choisir la meilleure solution de traitement des déchets sur une base strictement économique. Il a encouragé l’entrée de nouveaux fournisseurs de solutions en matière de déchets, et a aussi contribué à ce que DSD ne fasse plus l’objet d’ingérences en faveur des actionnaires. Les entreprises de gestion des déchets avaient préalablement mis un terme à leur participation dans DSD. Suite à la vente, l’autorité allemande de la concurrence a mis un terme à la procédure engagée contre DSD (OCDE, 2006, p. 105). L’autorité norvégienne de la concurrence a elle aussi estimé que « le fractionnement de la chaîne de gestion des déchets et la différenciation des divers sous-marchés de recyclage pouvaient résoudre les problèmes que rencontrent les systèmes actuels de recyclage des déchets » (OCDE, 2006, p. 138).

D’un autre côté, les producteurs à qui incombent les obligations de REP peuvent voir dans la propriété conjointe d’un éco-organisme le moyen le plus à même de garantir que l’organisation et l’infrastructure seront en place au moment de s’acquitter de ces obligations, et de les inciter à les assumer le plus efficacement possible. Les producteurs peuvent aussi craindre qu’un éco-organisme indépendant puisse exercer un pouvoir de marché à leur encontre sous la forme d’inefficacités et de redevances plus élevées.

La question de savoir si l’intégration verticale permet la mise en œuvre plus ou moins efficace de programmes de REP est empirique. À ce titre, il peut être utile de comparer la liquidité du marché des titres d’un éco-organisme détenu par les producteurs et la liquidité du marché des services d’un éco-organisme. Si le marché des capitaux est moins liquide, il empêche alors de changer de producteur. Cet effet sur les coûts de changement de fournisseur et donc sur la concurrence entre éco-organismes est intéressant, comme le sont d’autres effets sur la concurrence sur les marchés de produits. Ces effets sont abordés plus loin.

La structure des redevances. La structure des redevances peut augmenter les coûts de changement de fournisseur. Une remise ou un rabais de fidélité signifient que le prix dépend de la quantité ou de la proportion d’achats d’un fournisseur donné, de sorte que l’achat auprès d’un fournisseur différent est découragé. Les incitations économiques d’une remise ou d’un rabais de fidélité lient l’acheteur au fournisseur et ont le même effet qu’un contrat exclusif.

Encadré 4.3. La structure des redevances augmente les coûts de changement de fournisseur

Il a été constaté que la structure des redevances initialement facturées par DSD, l’éco-organisme allemand chargé de la valorisation des emballages, avait notamment eu pour effet d’écarter la concurrence sur le marché des éco-organismes en augmentant les coûts de changement pour les producteurs. Plus de détails sont présentés dans l’encadré 4.14. La Commission européenne a considéré que DSD avait abusé de sa position dominante en facturant ses clients en fonction du volume d’emballages portant le logo Point Vert™ et non sur la base du volume d’emballages pour lesquels DSD fournissait le service de reprise et de recyclage. Cette situation a découragé les producteurs de changer d’éco-organisme ou d’opter pour l’autonomie, sachant que ces options n’auraient pas réduit les redevances dues à DSD et auraient augmenté leurs coûts, en leur faisant par exemple supporter les redevances versées à un autre éco-organisme. DSD a été condamné à modifier ses formules de tarification de manière à ce que les redevances ne soient acquittées que pour les emballages bénéficiant des services de l’éco-organisme (décision de la Commission européenne nº 2001/463/CE, DSD, JO L 166/1, points 114 à 116 et 154).

Les contrats d’approvisionnement exclusif. L’obligation pour un producteur de recourir à un éco-organisme unique dans un flux de déchets plutôt que de fractionner le service entre plusieurs éco-organismes peut compliquer l’entrée sur le marché des éco-organismes. Un nouveau venu peut ne pas être en mesure d’offrir la gamme de services requis par un producteur donné. La Commission européenne a considéré cette pratique comme « nécessaire pour encourager des investissements vitaux ... dans les infrastructures de collecte de recyclage », mais elle ne la considérait avec autant de clémence si les objectifs de valorisation et de recyclage avaient été atteints (DG Concurrence, points 72 à 75).

Les réserves financières. La non-portabilité des réserves financières a été considérée par certains comme une entrave à la concurrence entre les éco-organismes pour les producteurs. Dans certains pays, les producteurs qui changent d’éco-organismes ne peuvent pas récupérer la part des provisions pour risques exceptionnels qu’ils ont versée, même s’ils conservent leurs obligations de REP auprès de l’éco-organisme nouvellement rejoint. Cela entraîne des coûts de changement élevés pour les producteurs. Un rapport commandé par le ministère irlandais de l’Environnement recommande l’élaboration d’un code de conduite applicable en cas de changement, de manière « à simplifier le transfert de la contribution du producteur au fonds de réserve d’un éco-organisme à un autre ». Le rapport indique que, bien que potentiellement complexes, d’autres secteurs comme les fonds de pension gèrent de tels transferts. La proposition prévoit que les paiements effectués par un producteur qui se retire du marché restent affectés à l’éco-organisme et soient utilisés pour le traitement des produits orphelins. Le rapport note que les réserves financières d’un éco-organisme doivent être suffisantes pour couvrir le coût associé à la collecte et au traitement des déchets en cas de cessation d’activité de l’éco-organisme (RPS et al., 2014,p. 61 à 66).

L’autorité norvégienne de la concurrence adopte une position similaire sur la portabilité des réserves financières. Elle recommande la modification de deux éléments de la réglementation environnementale nationale relatifs aux éco-organismes, à savoir l’absence de plafond pour les réserves financières qu’un éco-organisme peut accumuler et l’interdiction pour les adhérents d’un éco-organisme de partir avec « leur » part des réserves lorsqu’ils changent d’éco-organisme. La question de la non-portabilité des réserves financières des éco-organismes s’est posée en Norvège pour les épaves et les DEEE (Konkurransetilsynet, 2008c ; autorités nordiques de la concurrence, 2010, p. 51).

La non-portabilité des réserves financières n’est pas unanimement considérée comme une entrave à la réorientation des producteurs vers un autre éco-organisme. Un tribunal de district d’Oslo a traité la plainte d’un important producteur de DEEE qui avait changé d’éco-organisme sans prendre sa part des réserves financières du premier éco-organisme. Le producteur avait ensuite demandé à être remboursé de sa part, ce qui lui avait été refusé. Le tribunal a constaté que le producteur avait en effet changé d’éco-organisme, et que plusieurs petits producteurs avaient précédemment quitté l’éco-organisme sans demander leur part des réserves financières. Le tribunal a statué en faveur de l’éco-organisme16.

Autres problèmes de concurrence

D’autres problèmes de concurrence se posent sur le marché des éco-organismes. Le premier est lié à l’effet des règles de compensation sur la concurrence. Le deuxième porte sur l’accord que peuvent conclure deux éco-organismes en vue de se spécialiser dans des domaines différents et de ne pas rivaliser sur le même flux de déchets. La possibilité d’une pratique de prix anticoncurrentiels constitue un troisième problème. Dans ce type de stratégie de tarifs abusifs, les prix sont d’abord peu élevés pour encourager une sortie du marché avant d’être exagérément augmentés, une fois que les concurrents se sont retirés du marché.

Compensation. Lorsqu’il existe plusieurs éco-organismes sur un marché, la « compensation » est nécessaire pour garantir le respect du seuil légal de reprise des déchets (Bio, 2014, p. 105). Les chambres de compensation recueillent et rassemblent les données des différents éco-organismes et veillent à leur exactitude et à leur précision. Elles assurent aussi la liaison avec les autorités publiques chargées de l’application de la réglementation et peuvent imputer des coûts, par exemple pour rembourser la mise à disposition et l’entretien par les autorités locales de plateformes d’assistance et d’espaces pour les conteneurs de collecte des déchets. Le système de compensation devrait être conçu de manière à tenir compte des mesures qui incitent les entreprises à créer et à exercer un pouvoir de marché; et ne devrait pas devenir un instrument propice à la constitution d’ententes à travers l’échange d’informations. La réglementation peut notamment accroître le pouvoir de marché en prévoyant des sanctions élevées en cas de non-conformité, de sorte que les entreprises n’aient pas réellement d’autre choix que de composer avec un monopole abusif.

Bien qu’il ait été aujourd’hui modifié, et bien qu’il semble constituer un cas isolé, l’ancien système d’élimination des DEEE au Royaume-Uni illustre la façon dont une situation de monopole des éco-organismes peut être créée sur un marché en apparence concurrentiel. Aux termes de l’ancienne réglementation, le traitement de chaque kilogramme de DEEE collecté auprès des ménages devait être financé par un éco-organisme. Or, l’obligation réelle de chaque éco-organisme n’était annoncée qu’à la fin de chaque période d’engagement (une année). À la fin d’une période, les différents éco-organismes faisaient les comptes, les éco-organismes excédentaires vendant alors des « preuves » de conformité aux éco-organismes déficitaires. La réglementation garantissait que la demande couvrirait 100 % des DEEE soumis aux objectifs. Un éco-organisme qui ne remplissait pas son obligation était passible de sanctions pénales. Dès lors, il était intéressant pour un éco-organisme d’avoir accès à des DEEE dépassant son obligation de prévision, sachant qu’il était alors certain qu’un autre éco-organisme aurait besoin de cet excédent pour respecter ses obligations. À ce stade, l’éco-organisme déficitaire subissait les prix abusifs de l’éco-organisme excédentaire. Par ailleurs, ce systèmedissuadait les éco-organismes de faire venir à eux les producteurs/importateurs engagés auprès de leurs concurrents (ministère britannique du Commerce, de l’Innovation et des Compétences, 2013, points 21, 43 et 38)17. Au total, ces réglementations n’ont guère incité à réduire les coûts associés à la collecte et au traitement des DEEE. Les nouvelles réglementations ont sur ce point apporté un certain nombre de changements. Tout d’abord, elles ont réduit la sanction en cas de non-respect de l’obligation : un éco-organisme déficitaire à la fin de l’année de référence doit s’acquitter d’une taxe au titre du respect de ses engagements, et n’est plus passible de sanctions pénales comme auparavant. Ensuite, les producteurs/importateurs ne peuvent pas se retirer d’un éco-organisme pendant l’année d’engagement (ministère britannique du Commerce, de l’Innovation et des Compétences, 2014, p. 13). Le premier changement réduit le pouvoir de marché des éco-organismes qui dépassent leurs objectifs, et le second supprime les facteurs défavorables à la mise en concurrence des producteurs.

L’accord de spécialisation. Un accord entre concurrents visant à se partager le marché est généralement présumé anticoncurrentiel. Cela étant, un accord entre concurrents visant une concentration sur différentes parties d’un marché peut dans certaines circonstances être considéré comme un accord de spécialisation, qui sera évalué dans le cadre général en deux étapes, applicable aux accords horizontaux qui n’entrent pas dans la catégorie des ententes injustifiables (voir encadré 4.2). Si un accord permet de réaliser des gains d’efficacité économique, ceux-ci résulteraient de la mise en commun par les parties de compétences et d’actifs complémentaires. Si ces compétences et actifs complémentaires manquent, il est peu probable que des gains d’efficacité soient réalisés. De la même façon, en l’absence de concurrence effective, par exemple de la part de tiers opérant sur le marché, alors il est peu probable que des économies de coûts soient répercutées aux consommateurs.

Encadré 4.4. L’accord de spécialisation

Un accord de partage du marché, ou de spécialisation réciproque, entre deux éco-organismes de la filière des DEEE a été autorisé par l’autorité suisse de la concurrence en 2005. Les deux éco-organismes avaient convenu de se spécialiser dans la collecte et le traitement de catégories spécifiques de biens d’équipement. Ainsi, l’un s’est retiré du marché de traitement des appareils électriques et l’autre du marché de traitement du matériel de bureau. L’autorité a considéré que cet accord pouvait être autorisé au motif qu’il améliorait l’efficacité économique. En particulier, il a réduit les coûts de transaction et permis aux entreprises de réaliser des économies d’échelle. La concurrence potentielle – la menace que constituerait l’entrée de nouveaux fournisseurs – a été considérée comme suffisante pour que l’accord n’entrave pas la concurrence effective. En vertu de la législation, les producteurs pouvaient s’assurer eux-mêmes de leur conformité à la réglementation (OCDE, 2006, p. 149 et 150 ; Swico/Sens DPC 2005/2, p. 251).

La fixation de prix d’éviction. La fixation de prix d’éviction est une stratégie qui consiste à facturer des prix faibles pendant une période pour forcer les petits concurrents à sortir du marché, et à facturer des prix plus élevés une fois les concurrents sortis. La définition du comportement d’éviction – le prix n’étant qu’un outil parmi d’autres – diffère d’un pays à l’autre et d’une période à l’autre, mais elle implique pour l’essentiel que le prédateur adopte un comportement – par exemple, la pratique de prix bas ou l’extension de sa capacité – qui encourage ses concurrents à sortir du marché où à faire profil bas, et qu’il puisse tirer des bénéfices supplémentaires – par exemple ultérieurement ou sur d’autres marchés – pour recouvrer au moins les sommes perdues par le jeu de l’éviction. Dans de nombreux pays, il est suspect de fixer un prix en deçà du coût variable moyen supposé du prédateur, mais la question du « bon » critère à utiliser dans telle ou telle circonstance fait l’objet de nombreux débats. De même, les obstacles à toute nouvelle tentative d’entrée, de même que les concurrents mal financés et faciles à chasser, favorisent le recouvrement des profits. L’analyse de la concurrence est effectuée au cas par cas et devient vite complexe. Parce qu’il estreconnu que des prix bas et une plus grande capacité profitent aux consommateurs et que l’intervention excessive à l’encontre des comportements d’éviction peut décourager la concurrence, les allégations de prédation doivent satisfaire des critères très élevés dans de nombreux pays. Un exemple de prix d’éviction est fourni dans l’encadré 4.5.

Encadré 4.5. Allégation de prix d’éviction

Un éco-organisme était accusé de pratiquer des prix d’éviction sur le marché de l’organisation de la collecte et de la gestion des DEEE en Norvège. Ragn-Sells prétendait qu’une entreprise rivale, Elretur, pratiquait des prix d’éviction. Elretur, qui avait constitué des réserves financières, a décidé à l’automne 2005 de les réduire en baissant de 75 % le prix de la redevance qu’elle facturait, pendant une période de 18 mois. L’autorité de la concurrence a reconnu que des circonstances identiques avaient été constatées sur d’autres marchés d’éco-organismes. Elle a fait savoir à l’autorité de contrôle de la pollution que ses réglementations, notamment en matière de réserves financières, pouvaient entraver la concurrence, mais n’a pris aucune mesure dans les affaires individuelles (Konkurransetilsynet, 2008a, 2008c).

4.3.2. Le marché des services de collecte des déchets

Les marchés de la collecte et du tri des déchets peuvent avoir une portée locale et nationale. La collecte s’opère différemment selon les flux de déchets et selon le lieu. Les déchets recyclables des ménages peuvent être collectés sur le trottoir par un opérateur formel ou informel, mais pas par des acteurs illégaux, ou être déposés par les ménages à des points d’apport. La collecte implique de relever les points de ramassage et de transporter les déchets vers un centre de tri, ou si la collecte est suffisamment sélective, vers un point de groupage. Ainsi, la densité des points de ramassage et les coûts de transport sont importants pour déterminer l’étendue géographique de ces marchés. Les restrictions légales au commerce de déchets peuvent empêcher ces marchés de s’étendre au-delà des frontières nationales.

Certains marchés de collecte sont des monopoles naturels locaux. Un monopole naturel est un marché où les conditions de coûts et de demande sont telles qu’il est moins onéreux pour une seule entité plutôt que deux ou plus d’approvisionner le marché. En particulier, le ramassage des déchets ménagers collectés en bordure de trottoir est généralement un monopole naturel local dans les pays de l’OCDE. Les caractéristiques économiques qui expliquent cet état de fait sont souvent les économies de densité de population et les économies d’échelle. Les économies de densité de population sont liées à la baisse de la moyenne des prix qui accompagne les changements de densité de population. Une densité de population plus élevée permet de réduire les parcours entre les points ramassage. Les économies d’échelle signifient que la moyenne des prix baisse à mesure qu’augmente la quantité de production, sur une gamme significative de produits. Le ramassage des déchets ménagers collectés en bordure de trottoir est souvent assuré par un monopole privé réglementé ou un monopole municipal dans les pays de l’OCDE. Même si les aspects économiques de la collecte des emballages ménagers ont fait l’objet de moins d’études que la collecte de l’ensemble des déchets ménagers, ces deux activités ont le même nombre et la même densité de points de collecte, bien que la quantité collectée par point de ramassage soit plus faiblepour les emballages. Ces caractéristiques laissent à penser que la collecte des emballages ménagers en bordure de trottoir est aussi un monopole naturel local. Quoi qu’il en soit, elle aussi est généralement assurée par une entité unique, d’ailleurs souvent la même que celle qui collecte les ordures ménagères résiduelles.

Les déchets qui sont collectés en plus grandes quantités ou qui nécessitent un traitement particulier ne semblent pas permettre de fortes économies de densité de population. On le constate en Suède où la collecte des fractions recyclables des déchets solides auprès des immeubles résidentiels est exposée à la concurrence, mais où la collecte de déchets auprès des ménages – qui implique de plus petites quantités à chaque point de ramassage – est assurée par un monopole municipal.

Le marché du ramassage des déchets des entreprises est généralement exposé à la concurrence d’une poignée d’entreprises rivales. Les points de collecte de ces déchets sont habituellement moins nombreux, ce qui explique qu’ils ne profitent pas d’importantes économies de densité de population. S’il est vrai que les déchets recyclables et les déchets résiduels sont collectés aux mêmes points de ramassage et à la même fréquence, seuls les premiers sont assujettis à des règles de notification particulières (CE, 2005, points 38 et 39). Plus exactement, des exigences de notification supplémentaires auraient pour effet d’augmenter les coûts fixes et auraient de ce fait tendance à réduire le nombre de concurrents.

Deux enseignements ont été dégagés de l’expérience récente :

  • Ce sont les caractéristiques économiques qui déterminent si un marché de collecte des déchets est ou pourrait être concurrentiel, ou s’il constitue un monopole naturel. Les économies de densité de population et les économies d’échelle impliquent que certains marchés de collecte, comme le ramassage des déchets ménagers collectés en bordure de trottoir, sont généralement des monopoles naturels locaux. Dans ce cas, ces marchés sont servis plus efficacement par une entité unique. Mais de nombreux autres marchés de collecte et de tri n’ont pas ces caractéristiques et de ce fait ne constituent généralement pas des monopoles naturels. L’étendue géographique des marchés de collecte et de tri dépend entre autres des coûts de transport et des restrictions légales au commerce de déchets. Elle peut être locale ou nationale.

  • De nombreux éco-organismes achètent des services de collecte et de tri des déchets. Une mise en concurrence équitable dans la passation des marchés publics peut permettre de retenir le fournisseur le plus efficace à un coût qui ne témoigne pas de profits excessifs. Il est prouvé que les appels d’offres ouverts à la concurrence réduisent de manière significative les coûts de collecte. En revanche, les appels d’offres discriminatoires, qui prévoient des délais inappropriés, ou qui n’attirent pas suffisamment de soumissionnaires qualifiés, ne donnent pas de bons résultats. Même les soumissionnaires peu fiables peuvent renforcer la concurrence dans les appels d’offres. Les changements apportés aux règles et procédures d’appel d’offres peuvent attirer un plus grand nombre de soumissionnaires potentiels. Ainsi, les règles et procédures utilisées par les éco-organismes dans leurs appels d’offres peuvent avoir un impact important sur le coût des services qu’ils achètent.18

Les marchés peuvent être locaux, nationaux ou internationaux, selon le type de déchets

L’étendue géographique des marchés de ramassage des déchets recyclables des entreprises est variable. Si les marchés de collecte des déchets d’emballages commerciaux sont selon toute vraisemblance locaux ou nationaux (CE, 2005, point 45), on a constaté que les marchés de collecte des piles et accumulateurs usagés contenant du plomb étaient nationaux en Italie et Pologne (OCDE, 2010, p. 64 et 81). De même, les observations recueillies dans une affaire survenue aux Pays-Bas semblent indiquer que le marché de la collecte des épaves y est local, et que le marché des matières recyclables provenant des épaves est provincial19. D’autres affaires laissent à penser que les marchés des DEEE sont régionaux ou nationaux, et sont limités par les coûts de transport jusqu’aux points de groupage.

Le tri semble être opéré à plus grande échelle que la collecte

Les déchets sont triés après avoir été collectés auprès des ménages. Les centres de tri affichent des économies d’échelle, qui sont encore accrues par le coût d’obtention des permis de bâtir (Bureau britannique de la concurrence, 2006, p. 58 ; CE, 2005, points 39 et 40). En Allemagne, l’expérience acquise par DSD dans l’achat de services de tri et de collecte des déchets d’emballage, groupés et séparés, en 2003 et 2004 respectivement, tend à montrer que l’échelle d’exploitation minimale – l’échelle à laquelle le coût unitaire moyen est le plus bas – est plus grande pour le tri que pour la collecte. Les déchets d’emballages commerciaux font généralement l’objet d’un tri sélectif préalable à la source, et n’ont donc pas besoin d’être triés à nouveau (DG Concurrence, 2005, point 40). Les coûts de transport ont une influence sur l’étendue géographique des marchés. Le compromis entre les coûts de transport et les économies d’échelle joue un rôle important dans la détermination du nombre de concurrents.

Des appels d’offres concurrentiels peuvent susciter la concurrence

Même en cas de monopole, la collecte des déchets peut faire l’objet d’une concurrence « pour » le marché. En d’autres termes, il peut y avoir concurrence pour le droit d’être le fournisseur monopolistique pendant une période déterminée. Généralement, la concurrence prend la forme d’un appel d’offres officiel, où différentes entreprises soumettent leurs offres et où la meilleure offre se voit attribuer le marché. Dans le meilleur des cas, le monopole temporaire est accordé à l’entreprise qui peut fournir le service au moindre prix et les consommateurs ne payent pas de prix excessifs. La concurrence « pour » le marché peut permettre une prestation de services efficace si plusieurs conditions sont réunies. Notamment, la passation des marchés doit être équitable et concurrentielle, ce qui signifie entre autres que les opérateurs historiques ne sont pas avantagés, que les soumissionnaires potentiels reçoivent les même informations en même temps et disposent de suffisamment de temps pour préparer leur offre, et qu’un nombre suffisant de soumissionnaires potentiels soumettent des offres20. La portée et la durée du contrat sont d’autres facteurs qui influent sur l’efficacité. Bien sûr, l’octroi d’un monopole temporaire par voie d’appel à la concurrence peut être compromis par des soumissions concertées, ou si la formation excessive de consortiums réduit le nombre de soumissionnaires indépendants qualifiés.

Un éco-organisme peut se procurer des services de collecte de déchets au moyen d’un appel d’offres. ARN, l’éco-organisme néerlandais chargé de la collecte des épaves, organise des appels d’offres et retient une seule entreprise de collecte par province. Pour choisir l’entreprise retenue, ARN prend non seulement en compte le coût proposé pour la collecte mais aussi la qualité technique et l’organisation du soumissionnaire. Les soumissionnaires doivent montrer qu’ils respectent certaines conditions, par exemple, qu’ils disposent d’une autorisation de transport spéciale (décision de la Commission européenne nº 2002/204/CE (ARN) JO L 68/18, point 17).

La concurrence pour les monopoles temporaires peut donner lieu à d’importantes économies de coûts. L’ouverture des marchés publics à la concurrence est attribuée à la chute spectaculaire du coût de collecte et de recyclage des déchets d’emballage en Allemagne. Auparavant, DSD achetait des services de collecte et de tri en lot et sans mise en concurrence des offres. En 2003, DSD a commencé à se procurer ces services par voie d’appels d’offres concurrentiels distincts (OCDE, 2013, p. 104). Le prix payé pour certains types de collecte et de tri a immédiatement chuté de plus de 20 % (DG Concurrence, 2005, point 81). Actuellement, chaque zone de collecte est gérée par un collecteur unique sélectionné suite à une mise en concurrence pour une durée de trois ans. Comme plusieurs éco-organismes coexistent aujourd’hui dans la filière des emballages en Allemagne, ils se partagent les déchets sur la base de quotas pour lesquels ils ont été engagés par les producteurs (OCDE, 2013, p. 104).

Les communes ont également souvent le monopole de la collecte, ou de la collecte et du tri, des déchets recyclables des ménages. Par conséquent, les éco-organismes ne peuvent pas lancer d’appels d’offres concurrentiels mais doivent négocier avec elles les conditions de la collecte et du tri. Pour empêcher les communes d’abuser de leurs pouvoirs de monopole, le prix des services qu’elles facturent est souvent réglementé. L’une des formes de réglementation appliquée sur certains marchés, qui est une variante de la « concurrence par comparaison », consiste à utiliser un coût de référence21. La Belgique utilise un système de coûts de référence pour les piles et huiles usagées (Bio Intelligence Service, 2014, pp. 92-3). Le coût de référence est fixé d’après les coûts de collecte pratiqués dans les communes du pays, puis appliqué aux contrats de collecte entre les éco-organismes et les communes. La concurrence par comparaison peut encourager les gains d’efficience car la réduction des coûts permet d’accroître les recettes. Cependant, il est souvent difficile de tenir compte de l’hétérogénéité des entités réglementées et d’empêcher des baisses de qualité qui ne sont pas mesurées ou mesurables.

La discrimination dans le processus d’appel d’offres peut fausser la concurrence

La discrimination dans le processus de soumission peut fausser la concurrence dans l’offre de services de collecte, de tri, de valorisation et d’élimination des déchets faite à un éco-organisme. En 2005, l’autorité espagnole de la concurrence a donné son agrément à ECOVIDRIO, l’éco-organisme de la filière du verre d’emballage, sous réserve du respect de certaines conditions. L’une d’elle était de se procurer les services de collecte et de traitement par voie de mise en concurrence et d’appliquer des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. En 2010, l’autorité a découvert qu’ECOVIDRIO avait truqué les offres de services de collecte et de traitement en favorisant des entreprises affiliées et en parvenant à écarter au moins un concurrent du marché de la collecte du verre d’emballage (OCDE, 2010, p. 85).

Il est possible d’éliminer les incitations à favoriser une entreprise de collecte de déchets plutôt qu’une autre et ce, en empêchant ces entreprises de posséder un éco-organisme lorsqu’elles se lancent dans la collecte. En Allemagne, par exemple, après l’annonce par l’autorité de la concurrence qu’elle ne tolérerait plus les accords restrictifs de concurrence au sein de l’éco-organisme de la filière de l’emballage de DSD, les entreprises de gestion des déchets ont mis fin à leur participation partielle en 2003. DSD a été vendu à un actionnaire financier quelques années plus tard (OCDE, 2010, p. 53).

La non-discrimination entre entreprises privées et publiques, autrement appelée « neutralité concurrentielle », est primordiale lorsque des entreprises des deux types de propriété se font concurrence (OCDE, 2009b, p. 35 à 42). Le risque est qu’une entreprise publique moins efficace puisse faire une offre plus intéressante d’une entreprise privée plus efficace. Le coût du capital d’une entreprise publique est plus faible – les prêteurs sachant qu’elles ne peuvent pas être déclarées en faillite – et elles peuvent compenser la moindre baisse de recettes par l’impôt. Dans le cas des services de collecte, elles peuvent aussi se voir accorder un monopole légal grâce auquel, en cas de surveillance insuffisante, elles peuvent compenser une baisse de recettes due à un marché concurrentiel. Ces avantages permettent à une entreprise publique de faire des offres plus modestes et peuvent ainsi dissuader des entreprises privées efficaces de faire une offre contre une entreprise publique.

La durée des contrats joue un rôle important

La durée des contrats entre les entreprises de collecte de déchets et les éco-organismes peut avoir un effet sur la concurrence sur les deux marchés. Le temps nécessaire pour récupérer les coûts devrait déterminer la durée des contrats de collecte. Dans les contrats de trop courte durée, les prix sont élevés pour permettre de récupérer les coûts plus rapidement. Dans les contrats de trop longue durée, certains bienfaits de la concurrence, par exemple l’adoption de technologies plus efficaces, sont perdus. Il y aura par ailleurs atteinte à la concurrence future si les entreprises de collecte de déchets qui n’obtiennent pas de contrat avec un éco-organisme une année ont du mal à « survivre » et à rester un soumissionnaire acceptable lors du marché suivant. Dans ses décisions sur DSD et ARA, la Commission européenne a estimé qu’une durée de trois ans était nécessaire pour les contrats entre les entreprises de collecte de déchets d’emballage et les éco-organismes (DG Concurrence, 2005, points 80 et 81).

Le nombre de soumissionnaires affecte la concurrence pour les concessions

Le succès d’un appel d’offres ouvert à la concurrence dépend grandement du nombre de soumissionnaires qui y participent. Lorsqu’il n’existe qu’une poignée de soumissionnaires potentiels, la perte d’un seul d’entre eux a alors des répercussions de taille sur l’issue d’une mise en concurrence, même lorsque le soumissionnaire exclu manque de dynamisme (OCDE, 2006b, p. 32 à 34). Les soumissionnaires peuvent être découragés si deux services distincts font l’objet d’un même lot ou si les contrats sont trop importants. Le groupage des services de collecte et de tri en est un exemple. S’ils font l’objet d’un même marché et non d’un marché distinct, alors seuls les soumissionnaires qui peuvent assurer les deux services – ou en assurer un et acheter l’autre – peuvent présenter une offre. Si l’échelle d’exploitation minimale de l’un des services est beaucoup plus grande, alors les soumissionnaires potentiels seraient généralement plus nombreux si les deux services faisaient l’objet de marchés distincts (voir l’exemple dans l’encadré 4.6).

Encadré 4.6. La passation séparée des marchés de collecte et de tri a renforcé la concurrence

L’éco-organisme allemand de la filière emballages, DSD, offre un exemple de la façon dont les changements apportés aux appels d’offres peuvent attirer un plus grand nombre de soumissionnaires. Son premier appel d’offres lancé en 2003 n’a pas suscité de véritable concurrence dans beaucoup de lots. En effet, pour près de la moitié des lots, seule une offre avait été reçue. Pour ces lots, les prix étaient en moyenne 70 % plus élevés que les prix les plus bas proposés dans les lots où au moins deux offres avaient été soumises (Bundeskartellamt, 2003). En 2004, DSD a modifié les modalités de ses appels d’offres pour attirer les petites et moyennes entreprises. En 2005, DSD avait réduit ses coûts de collecte et de tri de plus de 20 % par rapport à 2003 (OCDE, 2007b, p. 98). Plus récemment, l’autorité allemande de la concurrence a indiqué qu’il était « particulièrement important de garantir une procédure d’appel d’offres distincte pour les services de collecte, pour s’assurer que la concurrence sur le marché du tri ne soit pas faussée » (OCDE, 2013, p. 107).

4.3.3. Les marchés des services de valorisation et d’élimination des déchets

Des problèmes de concurrence se posent sur les marchés des services de valorisation et d’élimination des déchets. En raison d’une certaine concentration sur ces marchés, il devient rentable d’y pratiquer des prix élevés. En outre, la pratique consistant à affecter les déchets en fonction de la part de marché historique du produit peut être préjudiciable à la concurrence sur les marchés des produits. Les ententes à l’achat faussent le marché des déchets en abaissant les prix au-dessous du prix de l’équilibre concurrentiel. Ces deux derniers phénomènes peuvent être liés au caractère fermé de certains systèmes de collecte et de recyclage, dans lesquels des entreprises intervenant à différents niveaux de collecte, de tri et de traitement sont obligées de contracter uniquement au sein de l’éco-organisme. Un autre problème de concurrence se pose quand la collecte accrue de produits recyclables pour la récupération de matériaux risque de réduire la quantité d’intrants disponibles pour les producteurs de produits « recyclés » ou « reconditionnés », c’est-à-dire de produits qui ont été consommés et qui sont réutilisés : les cartouches d’imprimante reconditionnées en sont un exemple. Il s’avère que ces problèmes de concurrence ne concernent que des déchets ayant une valeur marchande positive. Un autre motif de préoccupation est le fait que l’applicationdu principe de la REP sur les marchés oblige les petits prestataires de traitement des déchets à disparaître lorsqu’ils ne sont pas en mesure de s’adapter à l’échelle exigée par les éco-organismes.

Un certain nombre de conclusions peuvent être tirées de ces exemples. La première est que des marchés du traitement concentrés peuvent entraîner des coûts de valorisation et d’élimination élevés, ou bien des prix bas des déchets à traiter. Ainsi, une entente à l’achat est plus facile à organiser lorsqu’il n’existe qu’un petit nombre d’entreprises de traitement en concurrence. Une concentration combinée avec une intégration verticale sous forme d’éco-organisme peut aussi aboutir à une discrimination. Pratiquer des prix élevés pour le traitement ou payer des prix bas pour les déchets réduit les incitations à les recycler au-delà du minimum légal. L’appel à la concurrence peut réduire le pouvoir de marché des sociétés de traitement.

La deuxième conclusion concerne l’importance de permettre les échanges commerciaux au-delà du cercle fermé d’un éco-organisme. Si les collecteurs, par exemple, peuvent faire affaire directement avec des entreprises de valorisation, alors ces dernières, pour lesquelles la valeur des déchets est la plus élevée, sans doute en raison d’une plus grande rentabilité, bénéficieront d’un accès à davantage de déchets que dans le cas d’un dispositif d’attribution centralisé. L’élimination des restrictions au commerce des déchets avec des entreprises qui ne sont pas membres d’un éco-organisme peut être déterminante pour promouvoir l’entrée d’éco-organismes concurrents : les nouveaux entrants obtiennent l’accès aux déchets collectés et aux entreprises qui peuvent les traiter. Cependant, une « désintégration » verticale peut nécessiter un contrôle supplémentaire afin que les objectifs environnementaux ne soient pas compromis.

Le troisième problème est celui de la répartition des déchets au sein d’un éco-organisme. Lorsque leur affectation se fait à des prix inférieurs à ceux du marché, un système administratif basé sur les parts de marché historiques a pour effet de retarder les variations de la part de marché des produits. Il s’ensuit un affaiblissement de la concurrence sur le marché des produits. En revanche, des appels d’offres réguliers pour la fourniture de services de recyclage constituent un moyen d’encourager une prestation efficiente de ces services (Pays-Bas, OCDE, 2010, p. 76).

Le quatrième problème a trait à la concurrence entre les « nouvelles » matières premières et les matières secondaires ou recyclées. Lorsque les matières secondaires sont moins chères ou moins coûteuses à utiliser, la concurrence des nouvelles matières premières limite le pouvoir de marché pouvant être exercé par les entreprises de valorisation. Cependant, en cas de concurrence entre les produits reconditionnés ou réutilisés et les nouveaux produits, les produits reconditionnés ou réutilisés limitent souvent l’exercice d’un pouvoir de marché par les producteurs de nouveaux produits. Dans l’un et l’autre cas, la collecte de déchets à recycler pour obtenir des matières secondaires peut atténuer la pression concurrentielle exercée par les fournisseurs de produits réutilisés sur les fournisseurs de nouveaux produits.

Le pouvoir de marché

Les marchés du traitement des déchets sont parfois concentrés. En Espagne, par exemple, l’autorité de la concurrence a conclu que « le principal problème de concurrence est lié à la propriété des infrastructures de traitement, installations de valorisation et d’élimination principalement, et à leur accès ». Les propriétaires des usines de traitement peuvent imposer des prix abusifs aux entreprises qui sont légalement obligées de gérer leurs déchets mais qui n’ont pas accès à d’autres installations de traitement. Lorsque les propriétaires des installations de traitement forment des systèmes collectifs, cela leur permet de pratiquer une discrimination envers les entreprises qui choisissent de satisfaire à leurs REP en utilisant ces systèmes (OCDE, 2010, p. 87).

Le recours à des appels d’offres permet de réduire le pouvoir de marché des entreprises de traitement des déchets. Dans une étude de 2006 sur les éco-organismes en charge des DEEE, les entreprises ayant fait appel, pour le recyclage et le transport des déchets, à plusieurs prestataires qu’elles avaient mis en concurrence déclarent avoir réussi à réduire substantiellement leurs coûts, contrairement à celles ayant choisi un prestataire unique (Savage et al., 2006, p. 38). L’ouverture des marchés à la concurrence aurait aussi contribué à la mise au point de nouvelles technologies de recyclage, ce qui indique qu’une garantie de demande à grande échelle a permis d’encourager les investissements (Veerman in OCDE, 2004, p. 145).

Là où des petits prestataires de traitement des déchets étaient en activité avant la mise en place de la REP, celle-ci peut stimuler la demande de solutions de traitement à l’échelle nationale. Pour les éco-organismes, cela peut impliquer un arbitrage entre des coûts moins élevés en raison d’une concurrence accrue sur les marchés peu concentrés et des coûts plus élevés résultant de l’absence d’économies d’échelle et l’obligation de contracter avec davantage de prestataires.

Des quotas anticoncurrentiels

Il a été constaté à plusieurs reprises que les mécanismes d’attribution utilisés par les éco-organismes pour les déchets en verre et en plomb étaient anticoncurrentiels, les déchets valorisables ayant été attribués sur la base de la part de marché historique des producteurs à des prix inférieurs à la valeur de marché (voir l’exemple dans l’encadré 4.7). Il en résulte une protection des producteurs en place, une concurrence faussée sur le marché des produits, et un frein au développement de systèmes de collecte et de recyclage indépendants (OCDE, 2010, p. 13).

Encadré 4.7. Des quotas anticoncurrentiels pour l’attribution des déchets à valoriser et éliminer

La méthode employée par COBAT, Consorzio obbligatorio batterie al piombo esauste e rifiuti piombosi, le consortium exclusif pour la collecte des batteries au plomb usagées en Italie, consistant à attribuer les batteries au plomb usagées à des entreprises de recyclage, a été jugée anticoncurrentielle. Les batteries étaient attribuées aux différentes entreprises en fonction de leur capacité productive, celles-ci conservant ainsi leurs parts de marché historiques. Une entreprise de recyclage qui se fournissait en batteries directement auprès d’une entreprise de collecte se voyait réduire son quota en conséquence par COBAT. L’autorité italienne de la concurrence a décidé que cette pratique restreignait la concurrence en empêchant la mise en place d’autres systèmes de collecte et en bloquant les activités de recyclage indépendantes du système COBAT (affaire 1697, COBAT, citée par l’OCDE, 2013, p. 127).

Dans l’affaire COBAT, il a également été découvert une collusion sur le marché du recyclage des batteries au plomb usagées. Les entreprises de recyclage échangeaient régulièrement des informations sur les quantités de batteries usagées qu’elles recevaient de COBAT et concluaient des accords concernant l’attribution de ces batteries. Elles entravaient aussi toute tentative de créer une activité de recyclage indépendante du système COBAT, si bien que les fabricants de batteries ne pouvaient pas disposer d’une alternative moins coûteuse.

L’autorité italienne de la concurrence a aussi été saisie dans une affaire de quotas d’attribution de déchets d’emballage contenant de la cellulose par le consortium COMIECO. Des vieux papiers étaient attribués à chaque fabricant de papier proportionnellement à la quantité de papier que celui-ci avait mise sur le marché l’année précédente. Les parts de marché étaient ainsi conservées sur les marchés du papier. Après le début de l’enquête, COMIECO s’est engagé à attribuer 40 % de ses vieux papiers selon un processus d’enchères concurrentielles, tout en conservant l’ancien système pour les 60 % restants de manière à satisfaire aux objectifs d’intérêt public du consortium. Grâce aux enchères, il est apparu que ces vieux papiers avaient une valeur marchande, si bien que de nombreux producteurs ont quitté le consortium afin d’obtenir de meilleurs prix sur le marché. Par suite, le consortium a dû baisser de plus de deux tiers le droit de participation (1730 Gestione dei rifiuti cartacei COMIECO, affaire classée le 16 mars 2011, cité par l’OCDE, 2013, p. 128).

Une libéralisation antérieure des échanges commerciaux au sein de l’entreprise allemande DSD a eu pour conséquence l’entrée de nouveaux éco-organismes. Au début, les recycleurs recevaient de DSD les déchets à titre gracieux. Le système ayant été modifié, DSD a fait payer les recycleurs quand le prix de marché était positif et a autorisé la vente de matériaux recyclables en dehors de son système, moyennant le paiement de ristournes. La séparation verticale de la collecte et du recyclage a ouvert le marché aux entreprises d’emballage en concurrence (voir l’exemple dans l’encadré 4.8)

Encadré 4.8. Entente à l’achat

Il a été jugé que l’achat en commun de l’ensemble des déchets de verre collectés en Allemagne constituait une entente à l’achat et était illégal. En 1993, les producteurs allemands de récipients en verre avaient créé la Gesellschaft für Glasrecycling und Abfallvermeidung (GGA) en vue d’acheter conjointement tous les déchets de verre collectés par les sociétés de gestion des déchets auprès des ménages. Cette organisation gérait la livraison des déchets de verre aux usines de recyclage, lesquelles fournissaient aux producteurs une matière secondaire qui était moins chère et moins coûteuse à utiliser que la matière primaire initiale. L’autorité allemande de la concurrence a jugé que cette entente à l’achat éliminait la concurrence sur un pan substantiel du marché des déchets de verre et que cette entente n’était pas indispensable à la réalisation des objectifs environnementaux : l’objectif de recyclage était facile à dépasser, et les objectifs environnementaux pouvaient être atteints par des moyens moins anticoncurrentiels. Cette entente a donc été considérée comme constitutive d’une infraction (OCDE, 2013, p. 105, citant OCDE, 2010).

En Turquie, il a été jugé qu’une série d’interdictions de commercer avec des entreprises de collecte et de valorisation des déchets extérieures à un éco-organisme et la fixation des prix des échanges au sein de l’éco-organisme n’étaient pas nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux pour lesquels cet éco-organisme avait été créé (voir encadré 4.9).

Encadré 4.9. Accords exclusifs et fixation des prix

En Turquie, deux associations rivales pour la collecte et le recyclage du plomb des piles et des accumulateurs avaient été créées. Les membres de la première étaient des producteurs qui réalisaient environ 90 % des ventes d’accumulateurs. Les membres de la seconde étaient des importateurs. Les accords passés avec la plus grande association interdisaient la vente des accumulateurs collectés par ses membres à des tiers extérieurs, et les entreprises de valorisation des déchets ne pouvaient pas non plus s’approvisionner en accumulateurs provenant d’entreprises de collecte extérieures à l’association. Les prix auxquels les accumulateurs usagés étaient échangés au sein de la plus grande association étaient fixés par celle-ci. La plus petite association ne bénéficiait pas d’une telle exclusivité ni de restrictions du contrôle des prix. L’autorité turque de la concurrence a conclu que les fondateurs de la grande association, les gros producteurs, se servaient de cette association « pour s’assurer l’approvisionnement en déchets d’accumulateurs à des prix déterminés par eux-mêmes ». En outre, les dispositions d’exclusivité plaçaient les importateurs en position de désavantage concurrentiel sur le marché des accumulateurs, car elles les empêchaient d’assumer leurs responsabilités élargies de producteurs. Il a été jugé que les dispositions de fixation des prix et d’exclusivité n’étaient pas indispensablespour atteindre les objectifs environnementaux pour lesquels ces associations avaient été créées (décision relative aux accumulateurs nº 08-34/456-161 du 20.05.2008, OCDE, 2010, pp. 90-94).

Les affaires qui précèdent illustrent l’importance des dispositions d’exclusivité au sein d’un éco-organisme. La restriction des échanges entre les entreprises de collecte et de valorisation à celles qui sont « dans » un éco-organisme peut désavantager les non-membres qui ne peuvent pas atteindre l’échelle minimale efficace pour s’acquitter de leurs obligations légales, comme dans le cas des accumulateurs en Turquie. Des accords qui limitent les échanges avec des tiers peuvent aussi empêcher la mise en place d’autres systèmes de collecte et de valorisation, que ce soit sous la forme d’un éco-organisme ou sous la forme de marchés. Lorsque les échanges commerciaux sont restreints, ils ne se font pas nécessairement aux prix du marché. L’affaire des vieux papiers en Italie illustre l’utilisation des marchés pour « découvrir » la véritable valeur des déchets. Enfin, l’affaire du verre usagé en Allemagne illustre la manière dont les restrictions commerciales peuvent donner lieu à une concentration du marché. L’exemple suivant soulève la question de savoir si les systèmes de reprise peuvent porter un coup à la concurrence des fabricants de produits reconditionnés en les privant d’une partie de leurs intrants.

L’impact des produits reconditionnés sur la concurrence du marché des produits

Encadré 4.10. La concurrence des produits reconditionnés

La Commission japonaise pour des pratiques commerciales loyales a mené une consultation confidentielle concernant une proposition de collecte conjointe de conteneurs par cinq fabricants de matériel d’information. Ces entreprises fabriquent et vendent des consommables B pour leur matériel d’information A. Le B d’une entreprise n’est pas compatible avec le A des autres entreprises. Des tiers collectent et fabriquent des produits B recyclés. Les cinq entreprises ont proposé de placer des conteneurs dans les bureaux de poste pour la collecte de B, de les trier par fabricant et de les réexpédier vers leurs usines respectives pour les recycler. Le prix exigé serait inférieur à 1 % des prix de vente de B. Les entreprises étaient libres de décider si et dans quelle proportion ce coût devait être répercuté. Il a été considéré que cela n’avait pas d’incidence sur la concurrence. Un autre problème était de savoir si la concurrence des fabricants de produits recyclés en souffrirait. Il a été conclu que la collecte par des tiers, assurée en grande partie par des entreprises de la grande distribution, n’en serait pas affectée de façon significative (OCDE, 2013, pp. 136-7).

4.3.4. Les marchés de produits

La formation et l’activité des éco-organismes peuvent avoir des répercussions portant préjudice à la concurrence sur les marchés des produits. Les marchés des produits étant vastes, un peu plus d’inefficience par suite d’une diminution de la concurrence peut avoir des effets notables sur le bien-être économique. Les producteurs peuvent profiter des éco-organismes pour créer une collusion, soit en s’en servant comme une couverture pour des réunions collusoires, soit en pratiquant des tarifs excessifs pour augmenter les prix des produits. Une discrimination pratiquée par les éco-organismes peut fausser la concurrence sur les marchés des produits. Les répercussions spécifiques sont étudiées ci-après. La première question traitée est de savoir dans quelles circonstances le fait que les producteurs conviennent de percevoir des frais « visibles » pour la gestion des déchets constitue une pratique anticoncurrentielle.

La protection de la concurrence sur le marché des produits est une priorité importante dans la politique de concurrence vis-à-vis des dispositifs de REP. Dans des affaires impliquant des éco-organismes, il a été fait état d’effets anticoncurrentiels potentiels ou réels tels que collusions, abus et discrimination ou exclusion du marché des produits. Les accords pour former et exploiter un éco-organisme sont souvent étudiés dans un cadre général de concurrence pour l’évaluation d’accords horizontaux pouvant avoir des effets aussi bien favorables que défavorables sur la concurrence. De tels cadres diffèrent, comme cela est expliqué dans la section 4.2. L’application de ces cadres à des exemples dans lesquels les producteurs conviennent de faire payer une petite redevance « visible » a donné des résultats variables. Dans certains cas, les petites redevances « visibles » sont considérées comme nécessaires et n’occasionnant pas une entrave perceptible à la concurrence. Dans d’autres cas, elles sont considérées comme non nécessaires dans le cadre plus général d’un accord de coopération et comme anticoncurrentielles.

Les autres préoccupations relatives à l’impact des éco-organismes sur la concurrence sur les marchés des produits concernent les risques de collusion, d’abus, d’amenuisement de la diversité, de discrimination, et une affectation des matières secondaires bloquant la variation des parts de marché. L’échange d’informations sensibles du point de vue de la concurrence au sein d’un éco-organisme peut faciliter la fixation d’un prix et la répartition des marchés. Les mécanismes utilisés pour éviter ce genre de situation ont consisté à faire appel à des entreprises indépendantes et fiables pour le recueil des informations, puis à n’adresser à chaque entreprise que les informations dont elle avait besoin pour pouvoir satisfaire à ses propres obligations. Lorsque les redevances d’un éco-organisme en situation de monopole sont élevées, notamment parce que le recyclage de certains déchets est très coûteux, alors les possibilités de concurrence sur le marché des produits risquent d’être réduites. Dans d’autres circonstances, les producteurs peuvent être incités à opter pour des modèles communs. Cela peut certes fausser la concurrence, mais pas nécessairement : il se peut que les consommateurs soient indifférents au domaine dans lequel la diversité s’amenuise. Des taxes de recyclage en excès peuvent servir à faire augmenter les prix à la consommation pratiqués par tous les distributeurs, dans une situation où ils ne pourraient pas le faire autrement. Lorsqu’un éco-organismedétenant un monopole pratique une discrimination entre les producteurs, par exemple dans la structure des redevances qu’elle leur facture, cela peut fausser la concurrence sur le marché des produits, ou même obliger certains concurrents à quitter le marché. L’affectation de matériaux rebutés ayant une valeur peut fausser la concurrence sur le marché des produits.

Une seconde série de préoccupations en termes de concurrence est liée au pouvoir que détiennent les pouvoirs publics d’accorder des subventions ou des droits exclusifs. Les facteurs essentiels qui interviennent pour déterminer si la concurrence est faussée par une avance sur une redevance d’élimination sont le fait que celle-ci soit ou non volontaire, le fait que le dispositif favorise ou non certaines entreprises ou certains biens, et le fait que le paiement dépasse ou non le coût de l’élimination.

Un accord pour percevoir un droit « visible »

Un accord pour répercuter sur les consommateurs les frais facturés par l’éco-organisme est généralement considéré comme une entente illégale sur les prix. Il en est ainsi même lorsque rendre des frais « visibles » est considéré comme nécessaire pour inciter les consommateurs à modifier leur comportement. Un accord pour répercuter les frais de l’éco-organisme réduit les possibilités de concurrence : en l’absence d’un tel accord, chaque concurrent déciderait individuellement quelle proportion du tarif de l’éco-organisme il doit répercuter sur les consommateurs22. Cependant, lorsque l’accord pour répercuter ces frais ne constitue qu’une partie d’un accord concernant un dispositif de collecte et de recyclage, c’est l’accord dans sa globalité qui est susceptible de faire l’objet d’une appréciation de son impact économique global dans les cadres généraux décrits précédemment. Au vu des décisions, il apparaît qu’un très petit montant convenu est souvent considéré comme bloquant la concurrence dans une moindre mesure qu’un montant convenu plus important. Dans certains cas, une législation différente autorise les producteurs à répercuter des frais convenus et « visibles ». C’est ce qu’illustre l’exemple ci-dessous, qui concerne les DEEE aux Pays-Bas.

Malgré l’avis général, des accords pour faire payer une redevance « visible » ont été acceptés dans certaines juridictions où la redevance était très réduite par rapport au prix total du produit. Deux exemples sont détaillés ci-dessous, une redevance de 45 euros sur les véhicules neufs et une redevance de cinq yens sur les sacs en plastique. Ces redevances, qui représentaient un pourcentage très réduit du prix total, ont été considérées comme ne pouvant pas affecter de façon perceptible la concurrence sur le marché des produits.

Encadré 4.11. Quand des accords non nécessaires sur les redevances sont refusés

Les piles aux Pays-Bas

L’autorité néerlandaise de la concurrence a constaté que les dispositions prévoyant de répercuter le prix du recyclage des piles sous forme d’un élément distinct sur la facture n’étaient ni nécessaires ni profitables au consommateur. L’obligation de recycler les piles a amené l’association des fabricants et importateurs néerlandais de piles à créer Stibat, une organisation chargée de satisfaire à leurs obligations de collecte et de recyclage. Les fabricants et importateurs de piles devaient verser à Stibat une redevance afin de couvrir les coûts estimés du système. Cependant, le plan proposé comportait aussi l’obligation de répercuter la redevance au stade suivant de la distribution et de la faire apparaître sur la facture. Ces dernières dispositions ont été considérées comme non nécessaires dans le cadre de ce système et non profitables au consommateur (Batteries, cas 51 et cas 3142, cité par l’OCDE, 2010 p. 76 ; OCDE, 1998, pp. 4-5).

Le plastique au Japon

Selon la législation japonaise en matière de concurrence, un accord relatif à une taxe sur les matières premières pour financer le recyclage aurait été considéré comme une mesure anticoncurrentielle. Une association professionnelle japonaise de producteurs de matières premières, d’entreprises de traitement et de fabricants de matériel de moulage a créé un centre de recyclage. Il a été considéré que ce dispositif, tel qu’il était proposé lors d’une consultation avec la Commission japonaise pour des pratiques commerciales loyales, ne portait pas atteinte à la concurrence. Cependant, selon l’autorité de la concurrence, si cette association professionnelle avait décidé d’ajouter une certaine majoration au prix de vente des matières premières, cela aurait constitué une restriction relative aux prix aux termes de la loi contre les monopoles (OCDE, 2006, p. 112).

Encadré 4.12. Des redevances jugées nécessaires et peu élevées

Les épaves automobiles aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas, un accord pour répercuter une redevance « visible » de 45 EUR pour les épaves automobiles a été considéré comme n’enfreignant pas la loi sur la concurrence. Les constructeurs automobiles ont mis en place un système collectif de recyclage des véhicules hors d’usage avant l’adoption de la directive européenne sur les véhicules en fin de vie. Il était alors moins coûteux de concasser les épaves et de les abandonner que de les recycler. Le nouveau système de recyclage allait inverser cette hiérarchie des préférences, avec un résultat bénéfique pour l’environnement. D’après l’analyse, l’accord allait déboucher sur la création d’un marché du recyclage des épaves automobiles, or aucune des parties en présence ne pouvait à elle seule créer un tel marché. Par ailleurs, la redevance de 45 EUR pour l’élimination des épaves automobiles a été considérée comme une harmonisation assez réduite d’un élément de coût pour ne pas accroître la coordination des agents sur le marché. Pour ces raisons, l’autorité de la concurrence a décidé que cet accord n’enfreignait pas la loi néerlandaise sur la concurrence (OCDE, 2010, p. 76 ; Commission européenne 2001c, 2002).

Les sacs à provisions dans une grande ville japonaise

Un accord pour fixer le montant d’une redevance « visible » sur les sacs à provisions en plastique a été considéré comme n’enfreignant pas la loi japonaise sur la concurrence. Un comité constitué de pratiquement tous les détaillants d’une grande ville et de groupements d’habitants a approuvé la facturation au consommateur d’une redevance de cinq yens sur chaque sac en plastique, afin d’en réduire l’utilisation. La municipalité a adopté un arrêté recommandant l’application de cette redevance. La fixation d’une redevance minimale a été jugée nécessaire pour éviter que les détaillants participant fassent payer une redevance inférieure ou ne fassent pas payer de redevance, comme cela s’était produit à la suite d’une initiative antérieure. Les partisans de la redevance ont consulté la Commission japonaise pour des pratiques commerciales loyales, laquelle a jugé que cette redevance fixe permettrait d’atteindre l’objectif de réduction de l’utilisation des sacs en plastique, qu’un accord était nécessaire pour garantir un montant de redevance suffisant pour atteindre l’objectif, et que le montant de la redevance n’était pas inacceptable. Par ailleurs, cette redevance ne pouvait pas être considérée comme une charge dans la mesure où les sacs en plastique ne sont pas indispensables, les acheteurs pouvant apporter leurs propres sacs, et les groupements d’habitants en ont convenu (OCDE, 2013, pp. 137-8 ; OCDE, 2010, p. 149).

Le droit australien de la concurrence permet à l’autorité de la concurrence d’autoriser un accord anticoncurrentiel, à condition qu’il ne constitue pas une exclusion et qu’il présente un intérêt public plus important que le préjudice public lié à la diminution de la concurrence. En Australie, le test a été interprété comme permettant à l’autorité de prendre en compte tous les inconvénients et tous les avantages susceptibles de résulter de la pratique concernée. Le cas présenté ci-dessous illustre le fait que cette autorité de la concurrence prenne en compte les avantages environnementaux de façon directe dans sa décision d’autoriser à nouveau un plan de collecte et de recyclage. Cela fait contraste avec l’approche plus généralement adoptée dans d’autres juridictions, où l’évaluation concerne les avantages et les inconvénients du point de vue économique.

Encadré 4.13. L’avantage public d’un accord incluant une redevance « visible »

En Australie, des agriculteurs, des fournisseurs de produits chimiques à usage agricole et vétérinaire et d’autres acteurs ont demandé à l’autorité de la concurrence d’autoriser à nouveau un dispositif de recyclage. Ce dispositif imposait une taxe de quatre cents par litre ou par kilo de produit chimique aux fabricants et aux revendeurs, à répercuter sur l’utilisateur final, en vue de financer la collecte et le recyclage des conteneurs vides. L’autorité de la concurrence a estimé que cette taxe impliquerait probablement une hausse des prix des produits agrochimiques pour l’utilisateur final, mais que cette taxe était raisonnable comparée au coût de la collecte et du recyclage. L’autorité de la concurrence a procédé à une comparaison de l’avenir avec et sans ce dispositif et a jugé que celui-ci allait produire des avantages appréciables du point de vue environnemental. En l’absence du dispositif, les utilisateurs des produits chimiques auraient besoin de mettre au point des solutions individuelles à un coût plus élevé, et ce coût plus élevé pourrait entraîner un mode d’élimination nuisible pour l’environnement sous forme de stockage, de combustion et d’enfouissement à la ferme. Une vaste majorité des parties intéressées ayant présenté des observations se sont prononcées pour la ré‐autorisation du dispositif. L’autorité de la concurrence a jugé que les avantages publics « sous forme de bénéfices environnementaux significatifs » devaientl’emporter sur le préjudice public et a délivré une autorisation pour cinq ans (Commission australienne de la concurrence et de la consommation, 2009).

Autres considérations : volontarisme et exigences des autres lois Les « Directives concernant les activités communes de recyclage dans le cadre de la loi contre les monopoles » de la commission japonaise pour des pratiques commerciales loyales indiquent qu’un accord sur une redevance spécifique pour le recyclage s’ajoutant au prix existant du produit peut devenir un problème dans le cadre de la loi contre les monopoles (OCDE, 2006, p. 111). En revanche, une participation volontaire ne serait pas considérée comme une infraction. Dans un cas, une association professionnelle de fabricants japonais de matériel de bureau a fixé une norme volontaire selon laquelle ses membres devraient faire payer une redevance pour la collecte de produits usagés. Consultée, l’autorité de la concurrence a considéré que cette norme n’enfreignait pas la loi sur la concurrence dans la mesure où elle était volontaire (OCDE, 2006, p. 112).

Il arrive qu’une législation, contrairement aux exemples qui précèdent, stipule que les producteurs sont autorisés à répercuter une redevance « visible ». Dans un cas, l’autorité néerlandaise de la concurrence a exempté de la législation nationale sur la concurrence un accord pour la répercussion d’une redevance « visible » sur les DEEE en raison de la directive européenne relative aux DEEE de 2003. Cette directive obligeait les États membres de l’Union européenne à autoriser les producteurs, au cours d’une période de transition, à faire connaître aux acheteurs le coût du mode écologiquement responsable d’élimination des déchets23 (OCDE, 2010, p. 76).

Cependant, le droit de la concurrence varie, et il n’est pas possible de présenter ici tous les exemples de législation. L’autorité turque de la concurrence, par exemple, a autorisé la fixation et la facturation séparée aux consommateurs d’une redevance pour couvrir le coût de la collecte et de la valorisation par un éco-organisme des pneus usés. Les fondateurs de l’éco-organisme représentent environ 60 % du marché du pneu en Turquie. La redevance sur les pneus neufs représentait entre 0.6 % et 0.7 % du prix. L’autorité a accepté que la redevance soit facturée séparément de manière à éviter toute collusion en vue d’augmenter le prix des pneus neufs (OCDE, 2013, p. 218).

L’échange d’informations sensibles du point de vue de la concurrence qui facilitent la collusion

Un éco-organisme géré conjointement par les producteurs peut porter atteinte à la concurrence sur le marché des produits, en facilitant l’échange d’informations sensibles du point de vue de la concurrence. Or, cet échange peut faciliter la collusion. L’exploitation commune d’un éco-organisme peut impliquer des réunions régulières entre les concurrents, et les sujets abordés, plutôt que de ne concerner que l’éco-organisme, peuvent aussi avoir trait au marché du produit en question. En outre, afin d’assurer une répartition équitable des coûts, un éco-organisme peut recueillir des informations plus détaillées ou plus à jour sur les ventes que celles dont pourraient disposer les concurrents autrement24.

Les autorités compétentes en matière de concurrence tiennent compte d’un certain nombre de facteurs lorsqu’elles évaluent les échanges d’informations dans le contexte d’une collaboration élargie entre les concurrents. Premièrement, elles prennent en compte la concentration du marché et l’étendue prévisible des informations échangées. Une plus forte concentration du marché et une couverture plus large par le mécanisme d’échange d’informations posent davantage de problèmes. Deuxièmement, il s’agit de savoir quelle sera la nature de ces informations. Plus les informations sont récentes et ventilées, plus cela pose de problèmes. Troisièmement, la question est de savoir quelle est la modalité de l’échange d’informations, sachant qu’un échange d’informations dans une sphère privée est généralement considéré avec davantage de scepticisme (OCDE, 2010b).

La coopération au sein d’un éco-organisme peut servir à couvrir une collusion sur le marché des produits. En 2003, l’autorité suédoise de la concurrence a attiré l’attention sur cette possibilité (OCDE, 2003b, p. 12), et quelques années plus tard, elle a cité deux affaires dans lesquelles des entreprises du même secteur avaient bénéficié d’une exemption pour coopérer dans le domaine de l’environnement, mais en avaient aussi profité pour se lancer dans une coopération anticoncurrentielle (OCDE, 2006, p. 147). L’autorité allemande de la concurrence avait constaté que la structure d’entreprise de DSD, l’éco-organisme allemand pour le traitement des emballages, avait permis aux représentants d’associations professionnelles qui fixaient le montant des redevances payées par les entreprises commerciales et industrielles et les entreprises de traitement des déchets membres du conseil de surveillance de DSD de coordonner les redevances sur l’élimination des déchets (Bundeskartellamt, 2005, p. 38).

Une solution institutionnelle appliquée par certains registres, par exemple la WEEE Register Society en Irlande, consiste à se servir d’une entité indépendante crédible pour collecter, rassembler et communiquer des données confidentielles. Chaque éco-organisme envoie les informations demandées et ne reçoit que les informations qui concernent ses propres obligations. Ainsi, seules les informations nécessaires au fonctionnement du registre national sont disponibles. En particulier, les informations qui sont spécifiques à une entreprise ne sont pas mises à la disposition des autres entreprises. Les éco-organismes peuvent aussi se servir d’un système institutionnel similaire pour préserver la confidentialité entre les différents producteurs.

Accroître la mise en commun des coûts

Lorsqu’un éco-organisme accroît significativement la mise en commun des coûts des producteurs, cela peut porter préjudice à la concurrence sur le marché des produits. Lorsqu’un éco-organisme détient une position dominante ou de monopole et lorsque les redevances représentent une part substantielle des coûts variables des producteurs, l’intensité de la concurrence sur le marché des produits peut s’en trouver réduite. Ce problème éventuel a été mentionné à propos de certains types d’ampoules électriques (DG‐Concurrence 2005, point 158, citant ELCF 2003, p. 12)25. Lorsque la mise en commun des coûts représente une partie substantielle des coûts variables, il convient d’examiner le marché des produits pour savoir s’il présente d’autres caractéristiques rendant une collusion possible, « telles que, par exemple, sa transparence, sa stabilité et son degré de concentration ». (CE 2011, point 187). Lorsqu’une collusion apparaît envisageable, il convient d’évaluer tous les avantages et les inconvénients d’un éco-organisme monopolistique du point de vue du préjudice porté à la concurrence sur les marchés des produits.

Par ailleurs, un éco-organisme peut entraver la concurrence sur le marché des produits en incitant les concurrents à harmoniser davantage leurs modèles. Cela peut réduire la variété, qui est elle-même un aspect de la concurrence, et créer des barrières à l’entrée. Cela peut aussi faciliter la collusion, sachant cependant que ce risque « dépendra largement du niveau d’homogénéité du produit en question ». (Kienapfel et Miersch, 2006, p. 54). Le risque pour la concurrence en matière de variété semble dépendre du fait qu’une harmonisation dans le domaine du traitement des déchets implique ou non une harmonisation des caractéristiques qui influencent le choix du consommateur. Ainsi, il semble qu’une harmonisation des emballages n’affecte pas la concurrence sur les marchés des produits qui ne sont choisis qu’en fonction de leurs caractéristiques techniques. Lorsque l’emballage influence le choix des acheteurs, une harmonisation dans le domaine du traitement des déchets n’implique pas une harmonisation des modèles : l’emballage peut être plus ou moins attractif, mais avec les mêmes coûts de recyclage.

En principe, une harmonisation accrue des coûts ou des modèles peut réduire la concurrence sur les marchés de produits. Un facteur essentiel est le fait de savoir si les coûts mis en commun représentent une part importante des coûts variables des producteurs.

Des redevances excessives pour le recyclage

Une redevance de recyclage trop élevée peut servir à augmenter le prix payé par le consommateur et à accroître les profits des fournisseurs. Lorsque la demande sur le marché est plutôt inélastique et lorsqu’il est possible d’empêcher les concurrents de pratiquer un prix bas, il est profitable d’augmenter le prix du produit. Lorsque les fournisseurs du produit répercutent la redevance de recyclage sur le consommateur, ce dernier se retrouve confronté à une hausse de prix. En Norvège, à plusieurs reprises, un éco-organisme appartenant à un producteur a effectué des versements forfaitaires aux détenteurs des capitaux, le plus souvent après que l’éco-organisme ait constitué des réserves suffisantes. Ces réserves avaient été constituées parce que les redevances de recyclage dépassaient les coûts (OCDE, 2006, p. 123). La question de savoir si cette pratique constituait un abus de position dominante n’a pas été résolue.

Une discrimination entre les producteurs

La concurrence sur le marché des produits peut souffrir d’une discrimination entre les producteurs. Lorsque certains producteurs bénéficient de conditions avantageuses de la part d’un éco-organisme, leurs concurrents peuvent s’en trouver affaiblis, ou même obligés de se retirer du marché. La structure des redevances des éco-organismes peut être discriminatoire, par exemple à l’égard des fournisseurs étrangers ou des petits fournisseurs. Lorsque les coûts fixes de la participation à un éco-organisme sont élevés et la mise en conformité volontaire inenvisageable, les petits producteurs risquent de se retirer et les entrants de se décourager (voir encadré 4.14). Lorsque les producteurs en place forment un éco-organisme unique et lorsque cet éco-organisme impose des conditions inéquitables excluant les concurrents, alors une évaluation de ces conditions peut être effectuée pour savoir si elles empêchent l’accès à un dispositif essentiel (OCDE, 2006, p. 118).

Encadré 4.14. Les possibilités qu’une discrimination entrave la concurrence sur le marché

Un système d’emballage pour les bouteilles d’eau minérale jugé non préjudiciable

La Chambre syndicale belge des eaux de source ou minérales a déposé une plainte auprès de la Commission européenne concernant les pratiques de la coopérative allemande pour les eaux de source (Genossenschaft Deutscher Brunnen, ou GDB). La GDB avait créé un groupement normalisé d’emballage pour les bouteilles consignées. Le plaignant n’a pas pu démontrer que son accès au marché allemand s’en trouvait limité ou restreint. La Commission européenne a constaté que les distributeurs allemands, en général, ne protestaient pas lorsque les bouteilles d’eau minérale étaient différentes de celles du système de la GDB. Elle a jugé que cette entente n’entraînait aucun préjudice significatif pour les tiers ni pour les échanges entre les États membres, et a donc débouté le plaignant (Décision du 22 décembre 1987, non publiée ; Commission des Communautés européennes, 1987, point 75).

Une structure des redevances d’emballage discriminatoire

La structure de redevances initiale de Duales System Deutschland AG (DSD), le premier éco-organisme allemand de la filière des emballages, a été jugée discriminatoire envers les producteurs. DSD a abusé de sa position dominante en faisant payer aux clients des redevances correspondant au volume des emballages portant le logo du « Point vert » et non pour lesquels DSD fournit effectivement un service de reprise et de valorisation. La Commission européenne a estimé qu’il s’agissait d’une contrainte imposée aux producteurs et aux importateurs qui souhaitaient ne pas passer par DSD pour une partie de leurs emballages, afin de séparer leurs canaux d’emballage et de distribution. Ce système était peu pratique pour certains et disproportionné pour d’autres, et il a été conclu qu’il s’agissait d’un abus de position dominante. La structure de redevances entravait aussi la concurrence sur le marché de l’éco-organisme. Il a été enjoint à DSD de modifier ses formules de tarification de telle sorte que les redevances ne soient payables que sur les emballages bénéficiant des services de l’éco-organisme. Notons que dans les autres pays, les éco-organismes n’utilisent généralement pas le logo figurant sur l’emballage pour indiquer qu’une redevance a été acquittée.

Affectation des matières secondaires anticoncurrentielle

L’affectation aux producteurs des matières secondaires valorisables sous forme de quotas à des prix inférieurs au prix du marché peut fausser la concurrence sur le marché des produits. Cet effet a été décrit précédemment à propos des marchés de valorisation et de traitement des déchets.

L’aide de l’État

L’aide de l’État, ou subvention gouvernementale, peut aussi fausser la concurrence. Les avances sur les redevances d’élimination des déchets, un des instruments de la REP, ont fait l’objet d’au moins deux décisions en matière d’aide gouvernementale, la principale préoccupation ayant trait à la concurrence sur le marché des produits. La première est une Décision de la Commission européenne portant, notamment, sur la question de l’aide de l’État à propos de l’accord, évoqué précédemment, pour imposer une redevance d’élimination de 45 EUR sur les véhicules neufs aux Pays-Bas. La seconde est une décision préliminaire de la Cour de justice concernant une taxe sur l’élimination des déchets applicable à la viande en France (voir encadré 4.15). Ces décisions fournissent une structure bien définie pour déterminer dans quels cas l’aide gouvernementale existe.

Encadré 4.15. L’aide d’État et les avances sur les redevances d’élimination

La Commission européenne a examiné un accord passé en 2001 pour répercuter une redevance de 45 EUR destinée à financer l’enlèvement des véhicules hors d’usage aux Pays‐Bas, afin de vérifier que cette redevance pouvait surcompenser le coût de l’enlèvement, du démontage et du recyclage des épaves. Le montant de la redevance était fixé de telle sorte qu’il devait être égal au coût moyen du démontage d’une épave de véhicule. Les principaux points de l’évaluation ont été les suivants :

  • La redevance était-elle obligatoire ? Les constructeurs et les importateurs avaient la possibilité de créer leur propre système ou d’utiliser d’autres systèmes pour remplir leurs obligations en matière de REP, et il s’agissait de possibilités véritables, du moins pour les constructeurs et pour les gros importateurs. La redevance était donc volontaire, ou du moins, optionnelle. En conséquence, les recettes tirées de la redevance n’étaient pas des ressources de l’État.

  • Même si les recettes tirées de la redevance avaient été des ressources de l’État, ce système n’aurait pas été considéré comme une aide d’État car il ne favorisait pas certaines entreprises, ni la production de certains biens. Il ne favorisait pas des constructeurs automobiles ni des importateurs, sachant que la redevance et le paiement concernaient le même bien, mais à deux moments différents. En outre, ce système faisait que les constructeurs et les importateurs finançaient une part importante des coûts d’enlèvement, conformément à la directive de l’UE relative aux véhicules hors d’usage.

  • Bien que cela ne fasse pas partie de la conclusion, la Commission a aussi examiné la question de savoir si la redevance était supérieure au minimum nécessaire à la prise en charge des épaves. La réponse a été négative, en raison à la fois du processus (le responsable du système avait recours à des appels d’offres pour obtenir les prix les moins élevés possibles pour ces services) et du résultat (une seule entreprise de démontage recevait des paiements supérieurs aux coûts, et la différence était minime).

La Commission a conclu qu’il n’y avait pas d’aide d’État car aucune ressource de l’État n’entrait en jeu et même si cela avait été le cas, le système ne favorisait aucune entreprise ni aucun produit (Décision de la Commission nº 2002/204/CE (ARN) JO L 68/18 ; Commission européenne, 2001c).

Une taxe sur la viande pour financer l’élimination des parties impropres à la consommation

La seconde affaire en matière d’aide d’État concernait une taxe sur la viande destinée à financer un mode d’élimination des animaux morts qui soit approprié du point de vue environnemental. Une loi française instituait une taxe sur les achats de viande et de produits animaux, y compris les aliments pour animaux à base de viande ou d’abats, par les revendeurs de viande et de produits animaux. Le but de cette taxe était de financer la collecte et l’élimination des carcasses et des déchets d’abattoirs impropres à la consommation humaine et animale. Ces services sont fournis gratuitement aux abattoirs et aux éleveurs. Les détenteurs de carcasses de plus de 40 kilogrammes sont légalement obligés de recourir à un service d’équarrissage. S’il n’est pas immédiatement évident qu’il s’agit d’un cas d’avance sur une redevance d’élimination, les carcasses et déchets animaux impropres à la consommation sont cependant un co-produit de la viande, et la viande est le produit qui représente une valeur taxable. Or, d’un point de vue économique, si les déchets et la viande sont produits dans des proportions constantes, une taxe sur les premiers est équivalente à une taxe sur la dernière.

Il a été demandé à la Cour européenne d’émettre une décision préliminaire sur la question de savoir si ce dispositif constituait une aide d’État.

  • L’intervention de l’État pour soulager les détenteurs de carcasses du coût de leur élimination était-elle un avantage économique susceptible de fausser la concurrence ? Oui, dans la mesure où le dispositif soulageait les éleveurs et les abattoirs d’une dépense inhérente à leurs activités économiques.

  • Cette mesure gouvernementale favorisait-elle « certaines entreprises ou la production de certains biens » ? Oui, sachant que la loi nº 96-1139 profite essentiellement aux éleveurs et aux abattoirs.

  • Les échanges intracommunautaires en étaient-ils affectés ? Oui, car le dispositif avantageait les producteurs français, les autres devant normalement s’acquitter des frais d’élimination des carcasses. Enfin, la viande produite à l’étranger et vendue en France était soumise à cette taxe.

En conséquence, « [Un] régime tel que celui en cause au principal, qui assure gratuitement pour les éleveurs et les abattoirs la collecte et l’élimination des cadavres d’animaux et des déchets d’abattoirs, doit être qualifié d’aide d’État. » (Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et GEMO SA, Affaire C-126/01, 2003, Recueil de jurisprudence I-13769 ; voir aussi l’avis de l’avocat général Jacobs.)

Une question importante dans les analyses est de savoir si la redevance est volontaire. Dans le cas des épaves de véhicules, le fait qu’il existe de véritables alternatives au paiement de la redevance rendait celle-ci volontaire, si bien que le dispositif pouvait être immédiatement considéré comme ne s’apparentant pas à une aide d’État. La seconde question essentielle est de savoir si le dispositif favorise certaines entreprises ou la production de certains biens. Dans le cas des épaves de véhicules, la redevance s’appliquait précisément au bien faisant l’objet du service en question, quoique à un moment différent. Dans le cas de la viande, la taxe était applicable à la vente de viande pour la consommation humaine ou animale aux détaillants français, mais l’argent était reversé aux éleveurs et aux abattoirs français pour des services d’élimination concernant quelque chose de différent, les carcasses et les déchets impropres à la consommation humaine ou animale. La viande faisant l’objet d’un commerce international, la viande et les carcasses impropres à la consommation n’étaient pas nécessairement des co-produits : la viande produite à l’étranger était taxée quand elle était vendue en France, et la viande produite en France et exportée n’était pas soumise à cette taxe mais bénéficiait des services d’élimination. Cette non-coïncidence de la taxe et du bénéfice est ce qui distingue ce cas de celui des épaves de véhicules,et elle contribue à une conclusion différente. Un autre point essentiel en matière d’évaluation d’une éventuelle aide d’État est de savoir si les recettes dépassent le minimum nécessaire au paiement des tâches assignées.

Bien que toutes les lois sur la concurrence n’incluent pas des dispositions relatives à une aide d’État, la possibilité qu’une subvention gouvernementale ou des droits exclusifs faussent la concurrence fait que ce sont des points importants en matière de promotion de la concurrence.

4.4. Principales mesures pour résoudre les problèmes de concurrence

Le Conseil de l’OCDE, à plusieurs occasions, a examiné la relation entre différentes mesures de politique économique, notamment entre les mesures qui concernent la concurrence et les autres mesures. Par ailleurs, les autorités de la concurrence des pays de l’OCDE ont examiné l’application du droit et de la politique de la concurrence aux accords sur l’environnement et plus particulièrement aux éco-organismes, au niveau du principe et dans les cas particuliers. Un certain nombre des cas évoqués ici ont même été présentés au cours de ces examens. Il est évident qu’il se dégage un certain consensus sur la manière dont un certain nombre de problèmes de concurrence qui se posent doivent être résolus, mais aussi, qu’il existe des différences significatives en termes de droit et de politique de la concurrence. Sur ces bases et sur la base d’autres éléments, les points sur lesquels un consensus apparaît sont les suivants :

  • Les mesures de REP doivent être aussi favorables à la concurrence que possible tout en atteignant leurs objectifs de politique environnementale. Cette approche est conforme à la Recommandation de l’OCDE sur l’évaluation d’impact sur la concurrence (2009). Les mesures de REP devraient faire l’objet d’études d’impact sur la concurrence, ce qui est en cohérence avec la Recommandation concernant la politique et la gouvernance réglementaires (2005)26. Les autorités de la concurrence doivent aider à l’élaboration de mesures moins anticoncurrentielles. Des mesures de REP qui, entre autres choses, limitent le nombre de participants sur le marché ou qui limitent leurs incitations à se livrer une concurrence peuvent réduire l’intensité de la concurrence, ce qui impose des coûts à la société.

  • Le monopole ne doit pas être la structure du marché par défaut. Si le monopole d’un éco-organisme peut éventuellement se justifier dans un premier temps, les raisons d’un système unique doivent faire l’objet d’une analyse critique au stade de la conception. Une fois le processus engagé, les restrictions qui empêchent de nouvelles entrées sur le marché doivent être éliminées dès que possible. Un monopole initial temporaire peut se justifier en cas de coûts irrécupérables importants et d’incertitude relative aux coûts et aux recettes futurs. Une concentration de la demande à un stade précoce peut permettre de limiter cette incertitude.

  • Les accords entre les concurrents pour la mise en place d’un éco-organisme doivent être analysés dans le cadre général de la juridiction pour l’évaluation des accords horizontaux susceptibles d’avoir sur la concurrence des effets favorables ou défavorables27.

  • Les autorités de la concurrence, dans leurs analyses, ne doivent pas faire de distinction entre les accords purement volontaires et les accords parrainés par les pouvoirs publics28.

  • La passation de marchés pour des services comme la collecte, le tri et le traitement des déchets doit se faire sous forme d’appels d’offres transparents, non discriminatoires et concurrentiels. Les facteurs à considérer sont la durée et l’étendue du contrat pour assurer les incitations à investir, et l’étendue et le degré d’agrégation pour permettre la soumission d’offres par toutes les entreprises qualifiées. Lorsqu’il existe des liens de propriété entre des prestataires de services et des éco-organismes, ce qui incite à pratiquer une discrimination, un examen spécial peut être nécessaire pour garantir une concurrence équitable dans les appels d’offres. Au moins une autorité de la concurrence va plus loin et estime qu’il est particulièrement important de procéder à un appel d’offres séparé pour la collecte si l’on veut éviter que la concurrence pour le tri et le traitement risque d’être faussée.

  • Les contrats passés entre les prestataires de services et les éco-organismes doivent être évalués au cas par cas en se référant au cadre général d’analyse des accords verticaux. Ces analyses prennent en compte aussi bien les avantages que les inconvénients en termes de concurrence. Par exemple, il existe un lien entre la durée du contrat et le recouvrement des coûts irrécupérables. Selon une directive29, par exemple, les contrats passés entre les entreprises qui collectent les déchets d’emballages et les éco-organismes dominantes dont la durée dépasse trois ans ne sont pas indispensables, et les entreprises de collecte et de recyclage ne devraient pas être obligées de contracter avec un éco-organisme unique.

  • L’attribution des matériaux recyclés ne doit pas avoir pour conséquence des barrières à l’entrée ou une expansion sur le marché des produits. Un système d’attribution peut restreindre la concurrence si les matériaux sont attribués, par exemple, à des prix au‐dessous des prix du marché et en fonction de la part de marché historique des attributaires30.

  • Les éco-organismes, les registres nationaux et autres chambres de compensation devraient éviter de partager avec les utilisateurs des informations commerciales confidentielles susceptibles de favoriser la formation d’une entente.

  • Les autorités de la concurrence devraient publier des lignes directrices actualisées ou dispenser une autre forme d’aide facilement accessible. Les droits nationaux de la concurrence sont hétérogènes et varient dans le temps. Des lignes directrices actualisées pourraient aider les acteurs privés et les pouvoirs publics à élaborer des programmes environnementaux compatibles avec le droit de la concurrence et à éviter toute infraction involontaire.

Il n’y a pas de consensus sur un petit nombre de questions ayant fait l’objet d’un nombre de décisions ou d’observations suffisant pour que les différences soient détectées.

Les cadres généraux pour l’évaluation des accords de coopération horizontaux diffèrent. Un certain nombre de ces cadres limitent l’examen aux avantages et inconvénients qui sont de nature économique et qui s’observent au sein du même marché lorsque la restriction de la concurrence se matérialise, ou du moins, qui concernent le même ensemble de consommateurs. D’autres cadres prennent aussi en compte les avantages et inconvénients non économiques, par exemple ceux ayant trait à l’environnement. Enfin, ils prennent parfois en compte les avantages et les inconvénients qui sont plus courants que l’effet pénalisant d’une restriction de la concurrence sur le consommateur.

Le droit de la concurrence diffère du point de vue de la légalité des accords fixant le montant d’une petite redevance « visible » en vue de satisfaire à la REP. Il semble qu’en pratique, dans un certain nombre de juridictions, les redevances qui sont à la fois nécessaires et très réduites comparées au prix total du produit ne donnent pas lieu à des poursuites. Dans ces analyses, l’effet négatif sur la concurrence d’un accord portant sur une petite composante du prix total est considéré comme faible si on le compare à l’avantage du système de collecte et de recyclage qui est ainsi rendu possible. Dans d’autres juridictions, en revanche, de tels accords seraient considérés comme une fixation de prix illégale31.

Sur les autres questions, le nombre de décisions ou d’observations est insuffisant pour que l’on puisse conclure s’il existe ou non un consensus.

  • Une séparation verticale entre les entreprises qui produisent les déchets, celles qui les collectent et celles qui les traitent a été recherchée dans plusieurs juridictions. L’expérience de l’Allemagne, où les sociétés de gestion des déchets tout d’abord, puis les sociétés des secteurs commerciaux et industriels ont vendu leurs participations dans DSD, est perçue de façon positive, notamment par l’autorité allemande de la concurrence. En France, l’autorité de la concurrence a exprimé son opposition à l’intégration verticale de la collecte, du tri, de la valorisation et de l’élimination des déchets au sein des éco-organismes. En Norvège, l’autorité de la concurrence est d’avis qu’une « désintégration » verticale au sein de la chaîne de valeur de la gestion des déchets favoriserait l’efficience.

  • L’obligation d’assurer des services de collecte à l’échelle nationale entrave l’entrée de nouveaux éco-organismes. La duplication des infrastructures dans les zones qui produisent peu de déchets recyclables est peu économique, ou impossible. Dans ce genre de situation, l’opérateur historique peut avoir l’obligation de garantir l’accès à son infrastructure. C’est la solution qui a été retenue en Suède, par exemple, et la combinaison d’une infrastructure propre et d’une infrastructure partagée serait autorisée dans le cadre d’une nouvelle loi autrichienne. Lorsqu’un partage n’est pas envisageable, alors la levée de l’obligation de service universel ouvrirait la voie à la concurrence sur certaines parties du marché.

  • La non-portabilité des réserves financières a été identifiée par certains comme un obstacle à la concurrence des éco-organismes pour les producteurs. Un certain niveau de réserves financières est nécessaire pour garantir que les services obligés pourront être payés. Selon certains observateurs, la portabilité serait envisageable et la non-portabilité augmenterait le coût pour les producteurs du passage à un éco-organisme différent. Selon d’autres, la non-portabilité, en pratique, n’empêcherait pas du tout les producteurs de changer d’éco-organisme et ne serait donc pas anticoncurrentielle.

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Notes

← 1. Estimation du Secrétariat de l’OCDE après examen et évaluation par des experts.

← 2. Affaire C-41/90 Höfner & Elser v Macrotron [1991] ECR I-1979 (« Höfner & Elser »), paragraphe 21, cité dans United Kingdom Office of Fair Trading (2011). Bien que, par exemple des entités sans but lucratif puissent viser des objectifs différents, elles ont intérêt, à la marge, à faire tout ce qu’elles peuvent pour faire augmenter les prix parce qu’elles utilisent les profits ainsi générés pour financer leurs objectifs. (Philipson et Posner, 2009). La documentation sur les hôpitaux privés sans but lucratif aux États-Unis montre qu’aucune théorie économique ne permet de dire que les institutions sans but lucratif ne feront pas usage de leur pouvoir de marché au détriment du bien-être total ou de celui des consommateurs. Les études empiriques ont montré que presque toutes ont exercé leur pouvoir de marché en faisant augmenter les prix (Dravone et al., 2012). La théorie économique citée ne s’applique pas aux seuls hôpitaux, mais concerne toutes les institutions sans but lucratif susceptibles d’utiliser les profits qu’elles génèrent pour financer leurs activités.

← 3. Les Lignes directrices de la Commission européenne de 2011 sur les accords de coopération horizontale et, concernant plus précisément les objectifs environnementaux, le document de 2014 de l’autorité néerlandaisede la consommation et des marchés exposant une vision stratégique en matière de concurrence et de durabilité constituent deux exemples de ce processus.

← 4. La décision d’autorisation australienne ci-dessous donne un exemple de critère d’utilité publique en place.

Le traitement des coûts et avantages non économiques et des coûts et avantages indirects – sur un autre marché – a évolué au fil du temps dans le droit de la concurrence européen. Dans sa contribution au rapport de l’OCDE (2010), le Royaume-Uni mentionne plusieurs décisions anciennes de la Commission dans lesquelles des avantages non économiques et indirects ont été reconnus, et évoque des arrêts plus récents du Tribunal de première instance (aujourd’hui le Tribunal) qui ont pris en compte des avantages indirects. Une mise en comparaison est également possible avec la reconnaissance des avantages d’une réduction des émissions polluantes dans une décision de la Commission de 2000 portant sur un accord entre des fabricants de machines à laver qui avait les avantages indirects mais économiques cités dans l’exemple légèrement masqué contenu dans les Lignes directrices de la Commission européenne de 2011 sur les accords de coopération horizontale, point 329 (décision de la Commission 2000/475/CE (CECED) JO L 187/47, point 56; Commission européenne, 2011).

← 5. Cette déclaration générale n’est pas tout à fait exacte. L’Union européenne, par exemple, prévoit l’exemption par catégorie pour les accords verticaux qui répondent à certains critères. Ces critères ont été conçus pour exempter d’une évaluation ponctuelle coûteuse les accordsqui sont peu susceptibles de nuire à la concurrence.

← 6. La Communication de la Commission européenne de 2010 intitulée « Lignes directrices sur les restrictions verticales » donne des indications sur la façon dont les accords verticaux sont évalués. Les sections VI.2.2 et 2.6 visent les accords de distribution exclusive et de fourniture exclusive. Les lignes directrices renvoient au règlement (UE) nº 330/2010 de la Commission concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JO L 102/1.

← 7. Même si elle se rapporte au secteur des déchets, une étude de 2011 indique qu’aucun État membre n’a signalé à la Commission avoir accordé la moindre aide d’État à des services d’intérêt économique général liés aux déchets depuis 2005 (personnel de la Commission, 2011, p. 17 et 18).

← 8. « Ce n’est que si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui exclut toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, que l’article 101 ne s’applique pas. Dans une telle situation, en effet, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique l’article 101, dans le comportement autonome des entrepriseset celles-ci sont protégées de toutes les conséquences d’une infraction audit article » (Commission européenne, 2011, point 22, notes de bas de page omises). Aux États-Unis, ce que l’on a coutume d’appeler la « doctrine de l’acte de gouvernement » régit le lien entre les lois fédérales en matière de concurrence et les régimes de réglementation étatiques.

← 9. Le réseau international de la concurrence offre une introduction à la résolution des conflits entre le droit de la concurrence et d’autres législations (RIC, 2004).

← 10. La perte de bien-être pour les consommateurs sur un marché peut souvent être estimée en multipliant le volume de commerce par la hausse du prix unitaire.

← 11. En examinant uniquement les facteurs de coût, « [l]es redevances sont variables en raison des différents systèmes de collecte, objectifs, pourcentages de coûts de collecte, de tri et de revalorisation pris en compte dans les redevances et des différents types de filières de collecte, de tri et de reprise couvertes (par exemple, ménagère, industrielle et commerciale). Ensuite, les coûts de collecte, de tri et de revalorisation sont vraisemblablement fonction des coûts d’enfouissement, des frais d’incinération, etc., qui peuvent varier d’un État membre à un autre » (RPS et al., p. D-20).

← 12. La synthèsedu Manuel de l’OCDE de 2010 fait observer que « [l]’expérience donne à penser au contraire que la concurrence entre plusieurs systèmes de recyclage produit des avantages substantiels et aboutit à une hausse, à moindre coût, des taux de recyclage, puisque les pressions concurrentielles contraignent les différents systèmes à gagner en efficacité et à répercuter les avantages sur les consommateurs …. Certains arguments peuvent certes plaider en faveur de la mise en place, au départ, d’un unique système en vue de donner une première impulsion aux efforts de recyclage. Cela étant, tous les arguments en faveur d’un tel système doivent être soigneusement pesés afin de déterminer si la concurrence entre plusieurs systèmes ne serait pas au contraire, dès le départ, la meilleure solution et, si l’autorité de la concurrence approuve malgré tout la mise en place d’un système unique, il convient alors de veiller à supprimer le plus rapidement possible toute restriction susceptible d’empêcher l’arrivée de nouveaux entrants ».

← 13. Les arrangements qui permettent à des entreprises indépendantes d’organiser la production conjointe d’un intrant peuvent avoir des effets positifs et négatifs sur l’économie. La production conjointe peut réduire les coûts par rapport, par exemple, à une production individuelle. Cependant, les coentreprises productrices d’intrants (IPJV) peuvent permettre aux entreprises d’aval d’appliquer desprix monopolistiques (Chen et Ross, 2003). Cela peut se produire même lorsqu’une IPJV fonctionne de façon optimale, en l’absence de tout désaccord entre les sociétés-mères. Si l’IPJV disposait de pouvoirs décisionnels indépendants, les prix en aval seraient encore plus élevés et les bénéfices des sociétés-mères plus faibles. Shapiro et Willig (1990) ont anticipé les effets de l’application de prix monopolistiques, tout en intégrant le fait que certaines sociétés-mères peuvent parasiter les efforts consentis par les autres, ce qui réduit l’efficience de l’IPJV. Les ligues sportives, peuvent être également considérées comme des IPJV productrices d’intrants. Dans sa décision de 2010 concernant l’affaire American Needle, Inc. v. National Football League, la Cour suprême des États-Unis a souligné que les équipes étaient des entreprises indépendantes avec des intérêts économiques distincts, se livrant concurrence pour les supporters, le produit de la vente des billets et le personnel. Elles ont aussi en commun certains intérêts, comme par exemple la promotion de la marque NFL, et la nécessité de coopérer entre elles « offre une justification parfaitement raisonnable à la prise de nombreuses décisions collectives ». Hovenkamp (2010) commente cette décision en faisant remarquer que bien que chaque équipe soit incitée à livrer concurrence aux autres, l’organisation peut avoir intérêt à maximiserles profits conjoints en se comportant comme une entente. « Cette conclusion peut être vue sous un autre jour : certains membres pourraient être incités à profiter « en passager clandestin » des investissements réalisés par les autres membres, alors que l’organisation a intérêt à ce que chacun apporte sa contribution ». Compte tenu de ces effets positifs et négatifs en termes d’efficience, il n’est pas surprenant que l’examen des IPJV au regard du droit de la concurrence se fasse au cas par cas sur des faits précis. Pour reprendre la terminologie de ce chapitre, un dispositif collectif de reprise et de recyclage peut avoir pour effet négatif de faire payer plus cher aux consommateurs les produits assujettis à la REP, ou de présenter un degré d’efficience inférieur aux attentes des producteurs-propriétaires.

← 14. En Suède, les concurrents partagent les coûts des infrastructures utilisées en commun. En Allemagne, les différents éco-organismes de la filière emballage se voient attribuer des zones de collecte bénéficiant d’un monopole au prorata de la part de leurs producteurs qui ont acheté des services aux éco-organismes au niveau national. Sur d’autres marchés, les éco-organismes en charge des DEEE se voient attribuer différents types d’infrastructures de collecte dans des zones désignées, par exemple, des points de collecte pour les revendeurs, mis à disposition dans une zone pendant une certaine période.

← 15. Bonnombre des classifications et définitions mentionnées dans cette section s’inspirent du rapport de l’OCDE de 2005.

← 16. Elkjøp Norge Grossist AS contre Elretur AS and Hvitevareretur AS, Oslo Tingrett (tribunal de district d’Oslo), 13 mars 2011, p. 21.

← 17. Les coûts de changement étaient élevés du fait que le « nouvel » éco-organisme devait obtenir la quantité de preuves de recyclage des DEEE correspondant à la quantité de produits mis sur le marché par le producteur/importateur. Sachant que le coût lié à l’obtention de « preuves » sur le marché secondaire était généralement plus élevé que le coût lié à l’organisation de la collecte et du traitement des DEEE, et sachant qu’il était incertain, les éco-organismes n’étaient donc pas incités à faire venir à eux de nouveaux producteurs/importateurs (ministère britannique du Commerce, de l’Innovation et des Compétences, 2012, points 38 et 59).

← 18. Notez que les services de collecte nécessitent généralement moins d'investissements que les services de récupération et servent généralement une zone plus petite. Les services de collecte sont donc souvent locaux ou régionaux, alors que ce n'est pas le cas pour les services de récupération. Il existe généralement de nombreux appels d’offre pour les services de collecte pourdifférentes parties d'un pays, alors que les appels d’offre de services de récupération sont souvent régionales ou nationales.

← 19. L’éco-organisme néerlandais de la filière des véhicules hors d’usage, ARN, compte 267 entreprises de démontage automobile parmi ses affiliées. ARN organise des appels d’offres pour l’allocation de contrats pour la collecte des épaves et attribue un contrat par province (décision de la Commission européenne nº 2002/204/CE (ARN), JO L 68/18, points 12 et 17). Cette dernière décision suggère qu’ARN estime qu’un monopole local de la collecte d’épaves automobiles est la forme la plus efficace.

← 20. Des indications supplémentaires sur les modalités des adjudications sont présentées dans une note de réflexion de l’OCDE (2014) et dans les publications qui y sont mentionnées.

← 21. La concurrence par comparaison est un outil réglementaire qui vise à inciter les entreprises qui ne sont pas en situation de concurrence à gagner en efficience. La concurrence par comparaison peut revêtir différentes formes selon la défaillance de marché à laquelle on veut remédier. La concurrence par comparaison consiste à déterminer un concurrent fictif (« shadow competitor ») ; plus la comparaison entre l’entreprise réglementée et ce concurrent fictif est performante,plus importants seront ses bénéfices (Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis, 2000). Dans le dispositif de coûts de référence, le prix maximum applicable par une commune est déterminé d’après les coûts de collecte de différentes communes.

← 22. Les autorités de la concurrence sont depuis longtemps opposées aux accords sur des redevances « visibles ». En 1990, une association d’exploitants indépendants de systèmes de cuves de stockage pour le compte de tiers, Vereniging van Onafhankelijke Tankopslag Bedrijven (VOTOB), a décidé d’augmenter ses prix d’un montant fixe et uniforme à titre de « redevance environnementale », afin de couvrir en partie les coûts des investissements destinés à réduire les émissions de vapeurs provenant des réservoirs. Cette redevance devait être indiquée séparément sur les factures. La Commission européenne a émis un avis négatif, au motif que la redevance était fixe, uniforme et facturée en tant que poste séparé. La fixation du prix a été considérée comme éliminant la concurrence sur cet élément du prix et comme réduisant les incitations pour les membres à atteindre les objectifs au moindre coût. Le prix, étant uniforme, ne reflétait pas les différences en termes de niveau et d’incidence des coûts. Le fait qu’il s’agisse d’un poste séparé a été considéré commelaissant penser que le changement était imposé par le gouvernement. En conséquence, l’association a changé ses pratiques et la Commission a accepté de suspendre les procédures (Commission des Communautés européennes, 1993, paragraphes 177-186).

← 23. La Directive sur les DEEE de 2003 stipule : « Les États membres veillent à ce que, pendant une période transitoire de 8 ans […] les producteurs aient la possibilité d’informer les acheteurs, lors de la vente de nouveaux produits, des coûts de la collecte, du traitement et de l’élimination non polluante. » (article 8, point 3, Directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), JO L 37/24). La Directive sur les DEEE de 2012 stipule que les États membres peuvent obliger les producteurs à présenter aux acheteurs, au moment de la vente de nouveaux produits, les informations sur les coûts (article 14, point 1, Directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), JO L 197/38)

← 24. Des problèmes similaires peuvent se poser concernant les registres nationaux. Aux termes de l’article 16 de la Directive 2012/19/UE, directive de refonte relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques, les États membres de l’Unioneuropéenne ont l’obligation de disposer de registres nationaux. Les producteurs doivent rendre compte du poids des EEE mis sur le marché, par catégorie, pour chaque période de déclaration (JO L 197/38). Les catégories sont assez largement définies et le poids n’est pas nécessairement utile pour le contrôle des ventes d’EEE.

← 25. L’ELCF avait alors estimé que le coût du recyclage d’une ampoule usagée atteignait 60 %, voire même 80 % du prix de détail de l’ampoule.

← 26. La Recommandation du Conseil sur l’évaluation d’impact sur la concurrence (2009) identifie les mesures qui limitent le nombre ou l’étendue des acteurs du marché et leurs incitatifs à se comporter de façon concurrentielle, entre autres, comme étant des mesures auxquelles il convient de porter une attention particulière. La Recommandation du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires (2005) donne aux pays membres les conseils suivants : « Intégrer l’analyse d’impact de la réglementation (AIR) dès le début du processus visant à formuler des projets de réglementation. Définir clairement les objectifs de politique recherchés, déterminer si l’instrument réglementaire est nécessaire et dans quelles conditions il peut être le plus efficace et le plus efficient pour atteindre ces objectifs. Réfléchir à des moyens autres que la réglementation, et faire ressortirles avantages et les inconvénients des différentes approches analysées pour établir laquelle est la meilleure. »

← 27. D’après la synthèse du Manuel de l’OCDE 2010, « Les autorités de la concurrence de la plupart des pays de l’OCDE et des pays observateurs doivent contrôler les accords visant des objectifs environnementaux à l’aide du dispositif généralement applicable à toutes les analyses réalisées sous l’angle du droit de la concurrence. De ce fait, si elle estime qu’un accord est de nature à restreindre la concurrence, l’autorité de la concurrence retiendra uniquement comme justifications les avantages économiques directs, comme les réductions de coûts, l’innovation, l’amélioration de la qualité et autres gains d’efficacité, qui sont généralement reconnus aux fins de l’analyse sous l’angle du droit de la concurrence. Les avantages non économiques et les avantages économiques plus périphériques dont ne bénéficient pas les utilisateurs des produits et services couverts par l’accord n’entrent donc pas en ligne de compte lorsque l’autorité de la concurrence doit déterminer si un accord environnemental est contraire ou non au droit de la concurrence national. »

← 28. Résumé de l’examen dans OCDE 2010.

← 29. Commission européenne, DG Concurrence 2005.

← 30. DansOCDE 2010, le résumé indique que [les dispositifs d’attribution de quotas avec lesquels le produit recyclé a été attribué aux producteurs en fonction de leurs parts de marché passées] ont été jugés anticoncurrentiels car ils protégeaient la position des acteurs historiques du marché en leur garantissant un accès à moindre coût à cet intrant précieux ; ils faussent la concurrence pour ce produit recyclé et les nouveaux entrants ont de ce fait d’autant plus de mal à s’en procurer. »

← 31. Dans OCDE 2010, le résumé explique que « [l]es restrictions en matière de prix étant contraires aux principaux objectifs du droit de la concurrence, les autorités de la concurrence remettront généralement en cause les accords environnementaux conclus entre des concurrents qui ont un impact direct sur les prix auxquels ils vendent leurs produits aux consommateurs. Ainsi, les accords visant à répercuter les coûts environnementaux sur les consommateurs seront presque invariablement considérés comme illégaux, même si l’on peut faire valoir que cela pourrait inciter les consommateurs à adopter un comportement conforme aux objectifs de la politique environnementale. »