Chapitre 2. Vers une responsabilité des producteurs plus efficace

Ce chapitre rassemble les principaux éléments du Manuel de 2001 de l’OCDE avec les enseignements et recommandations provenant des analyses les plus récentes des systèmes de REP. Il trouve que les orientations formulées il y a quinze ans restent largement valables aujourd’hui et fournit de nouvelles orientations dans les domaines sur lesquels l’analyse récente s’est concentrée, notamment la gouvernance des systèmes de REP, les problèmes de concurrence, les opportunités pour renforcer les incitations à l’éco-conception ainsi que le rôle du secteur informel dans la REP.

  

Cette section vise à tirer parti de l’expérience accumulée récemment pour compléter certains éléments clés issus des orientations de 2001. Sont plus particulièrement concernés :

  • les principaux facteurs à prendre en compte lors de la conception des systèmes de REP 

  • la gouvernance des dispositifs de REP 

  • les questions du financement des dispositifs, des passagers clandestins et des produits orphelins 

  • les échanges, la concurrence et la REP 

  • l’éco-conception 

  • les dispositifs de REP dans les économies émergentes, et le rôle du secteur informel.

Encadré 2.1. Principes directeurs établis par l’OCDE en 2001 dans le domaine de la REP

Publié en 2001, le Manuel de l’OCDE comporte plus de 150 pages, 8 chapitres et 15 annexes. Il comprend également 6 listes récapitulatives à l’attention des décideurs ainsi que les principes directeurs suivants pour la conception et l’élaboration des politiques et programmes dans le domaine de la REP :

  • Les politiques et programmes de REP devraient inciter les producteurs à introduire des changements en amont, de manière à concevoir des produits plus respectueux de l’environnement.

  • L’action des pouvoirs publics devrait stimuler l’innovation en s’attachant davantage aux résultats qu’aux moyens de les obtenir, et offrir ainsi aux producteurs une certaine souplesse dans la mise en œuvre.

  • Les politiques devraient se fonder sur le cycle de vie des produits, de manière à éviter que les effets sur l’environnement soient amplifiés ou transférés à un autre niveau de la chaîne de produit.

  • Les responsabilités devraient être clairement définies, afin d’éviter qu’elles soient diluées lorsque la chaîne de produit regroupe de nombreux acteurs.

  • Le processus d’élaboration des politiques devrait tenir compte des propriétés et caractéristiques propres de chaque produit, catégorie de produits ou flux de déchets. Compte tenu de la diversité des produits et de leurs caractéristiques, il n’existe pas un seul et unique type de programme ou de mesure applicable à l’ensemble des produits, catégories de produits ou flux de déchets.

  • Plutôt que d’appliquer une approche unique à l’ensemble des produits et des flux de déchets, il conviendrait de choisir au cas par cas un ou des moyens d’action flexibles.

  • La responsabilité du producteur à l’égard du cycle de vie du produit devrait être élargie d’une manière propre à intensifier la communication entre les acteurs de l’ensemble de la chaîne de produit.

  • Il conviendrait d’élaborer une stratégie de communication afin d’informer tous les acteurs de la chaîne de produit, y compris les consommateurs, au sujet du programme et susciter leur adhésion et leur coopération.

  • Afin de renforcer l’acceptabilité et l’efficacité du programme, il conviendrait de consulter les parties prenantes au sujet de ses buts, objectifs, coûts et avantages.

  • Il conviendrait de consulter les collectivités locales pour préciser leur rôle et recueillir leur avis sur le fonctionnement du programme.

  • Il conviendrait d’envisager des stratégies à la fois volontaires et obligatoires, afin d’apporter les meilleures réponses possibles aux priorités, aux buts et aux objectifs nationaux dans le domaine de l’environnement.

  • Les programmes de REP devraient faire l’objet d’une analyse approfondie (pour déterminer, par exemple, quels produits, catégories de produits et flux de déchets se prêtent à la REP, s’il convient d’y inclure les produits anciens et quel rôle revient aux différents acteurs de la chaîne de produit).

  • Les programmes de REP devraient être soumis à des évaluations régulières pour vérifier leur bon fonctionnement et être suffisamment souples pour pouvoir être ajustés en fonction des résultats de ces évaluations.

  • Les programmes devraient être conçus et mis en œuvre de manière à produire des avantages pour l’environnement sans provoquer de bouleversements économiques à l’échelle des pays.

  • Le processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques et programmes de REP devrait être placé sous le signe de la transparence.

2.1. Facteurs clés à prendre en compte lors de l’élaboration des systèmes de REP

Parmi les principaux messages portés par le Manuel de 2001, on retient qu’il n’existe pas d’approche à la fois « bonne » et universelle pour concevoir les systèmes de REP et qu’il convient de trouver des solutions en fonction des objectifs particuliers à atteindre, tout en tenant compte des contextes économique, politique et culturel. De ce fait, le Manuel recommandait d’élaborer les systèmes de REP conformément aux principes généraux de bonne gouvernance, à savoir :

  • Définir clairement les objectifs, sur fond d’analyse et après consultation de l’ensemble des parties prenantes. D’une manière générale, les systèmes de REP poursuivent un ou plusieurs des quatre grands objectifs suivants : réduire l’utilisation de ressources et de matières premières (vierges) ; prévenir la production de déchets ; réduire les incidences environnementales des produits ; et créer des circuits fermés d’utilisation des matières (« économie circulaire »). Chaque système de REP devrait préciser clairement lequel de ces objectifs il vise.

  • Veiller à la cohésion et à la cohérence avec les politiques connexes, et plus particulièrement avec les mesures appliquées à la gestion des déchets et aux produits. Il était recommandé de suivre une approche fondée sur le cycle de vie, de telle sorte que les effets sur l’environnement ne soient pas amplifiés ou transférés à un autre niveau de la chaîne de produit.

  • La portée du système de REP devrait être clairement définie et le processus d’élaboration des politiques devrait tenir compte des particularités de chaque produit, catégorie de produits ou flux de déchets. Par ailleurs, le dispositif devrait cibler prioritairement les produits susceptibles d’avoir l’impact environnemental le plus important. Cependant, divers autres facteurs influencent le choix des produits/déchets à privilégier et la manière de concevoir le système de REP, comme la durabilité et la composition des produits, les marchés primaires et secondaires sur lesquels ils sont échangés ainsi que leurs réseaux de distribution et leur chaîne logistique.

  • Les producteurs des biens concernés par un système de REP devraient être clairement définis. Ainsi, le terme « producteur » désigne l’entité qui influence le plus le choix des matières et la conception du produit. Il peut s’agir du propriétaire de la marque, de l’importateur ou du conditionneur plutôt que du fabricant de l’emballage.

  • Lors de l’instauration d’un système de REP, un processus de consultation devrait être organisé avec pour objectif de renforcer l’acceptabilité, la transparence et l’efficacité du dispositif. Par la suite, une stratégie de communication devrait être mise en place afin de tenir l’ensemble des parties prenantes informées des actions menées.

  • Des difficultés particulières peuvent survenir au cours de la phase de démarrage, comme des incertitudes relatives aux volumes de déchets et à la nécessité d’investir ou non massivement dans des infrastructures de collecte et de traitement. Il conviendrait donc de prêter attention aux mesures particulières qu’il faudra peut-être prendre pour faciliter l’introduction progressive de la REP.

  • Des mécanismes de notification et de suivi devraient être mis en place pour évaluer les résultats des systèmes de REP et procéder aux ajustements nécessaires.

  • Lorsque les systèmes de REP sont fondés sur la loi, ce qui n’est pas toujours le cas, il conviendra d’adopter des mécanismes de mise en œuvre et de sanction adéquats.

Le choix des moyens d’action devrait reposer sur des critères clairs, tels que l’efficacité environnementale, l’efficience économique, l’acceptabilité politique, la facilité d’administration et la dimension incitative en termes d’innovation. La mise en œuvre des systèmes peut être améliorée en attribuant clairement les responsabilités et en utilisant des outils de REP associés à d’autres dispositifs liés aux déchets, tels que les systèmes de redevances sur les volumes de déchets, les interdictions et taxes de mise en décharge, les interdictions et restrictions visant les produits/matières et les marchés publics verts. Le Manuel de 2001 souligne que la conception des systèmes de REP devrait s’appuyer sur toute une panoplie d’instruments ciblant différents aspects de la chaîne de produit. Le principe de la REP consiste à remédier au manque de coordination qui s’observe fréquemment entre les différentes mesures visant divers aspects de la chaîne de produit.

2.2. Gouvernance des systèmes de REP

La notion de gouvernance se rapporte à l’organisation du système de REP ainsi qu’aux rôles et responsabilités des acteurs concernés. Une fois encore, le Manuel de 2001 préconise d’établir les dispositifs de gouvernance en fonction des objectifs poursuivis, de la couverture de la REP, des instruments utilisés et du contexte.

Les systèmes de gouvernance de la REP regroupent plusieurs acteurs essentiels. Si la fonction de chacun doit être clairement définie, la manière dont ils coordonnent ou partagent leurs responsabilités peut varier considérablement et nécessiter également des précisions. Les décisions relatives à l’attribution des responsabilités doivent être prises en tenant compte des objectifs d’action des pouvoirs publics, des caractéristiques du produit, des forces du marché, des acteurs de la chaîne de produit et des ressources à consacrer à la mise en œuvre du dispositif en question. Les accords de gouvernance dans les économies en développement et émergentes seront généralement assez différents de ceux des pays développés.

  • Étant donné leur savoir-faire technique et managérial, les producteurs représentent un moteur essentiel du succès de tout système de REP. Leur mission principale consiste généralement à réaliser les objectifs de la REP de manière individuelle ou collective et par l’intermédiaire d’un éco-organisme ou de plusieurs éco-organismes en situation de concurrence.

  • Les pouvoirs publics nationaux sont généralement, quoique pas systématiquement chargés du cadre juridique ainsi que du suivi et du contrôle de l’application de la REP. Ils peuvent aussi contribuer à l’efficacité de cette dernière en supprimant les mesures contradictoires et en mettant en œuvre des politiques de soutien.

  • Il est souvent très difficile de définir le rôle des communes, vis-à-vis des éco-organismes notamment. En effet, la création d’un système de REP implique de redistribuer les responsabilités des autorités locales et des producteurs et de créer de nouveaux flux de revenus. Ainsi, certaines communes continuent de participer à la collecte et au traitement des produits en fin de vie, tandis que d’autres se contentent de superviser les activités des éco-organismes. Les communes peuvent également jouer plusieurs autres rôles, et ainsi être amenées à stimuler le marché du recyclage, à aider les entreprises à se doter d’infrastructures de recyclage adaptées et à faciliter la circulation des informations et le dialogue entre les parties prenantes.

  • Les consommateurs se trouvent au cœur de la collecte des divers produits et flux de déchets. Leur rôle doit donc leur être expliqué clairement et le retour des produits doit être facilité au maximum.

  • Les distributeurs constituent une source d’informations potentiellement importante pour le consommateur et peuvent être en mesure de remédier aux lacunes de communication éventuelles entre les producteurs et les consommateurs. Ils peuvent également participer à la collecte des produits en fin de vie.

Deux études se sont récemment penchées sur les expériences relatives à la conception et à la gouvernance des systèmes de REP afin d’en tirer des leçons et d’identifier les bonnes pratiques dans ce domaine (voir le chapitre 2 et Commission européenne, 2014) Toutes deux ont reconnu qu’il n’était pas possible d’identifier les bonnes pratiques en raison de la diversité des objectifs et des situations auxquels sont appliqués les systèmes de REP, et du fait du manque de données et de l’impossibilité de procéder à des comparaisons. Ces travaux, ainsi que l’évaluation des tendances énumérées plus haut, aboutissent néanmoins à plusieurs conclusions générales sur la manière d’améliorer la conception et la gouvernance des systèmes de REP.

Premièrement, bon nombre des recommandations relatives à la bonne gouvernance formulées dans le Manuel de 2001 restent valables et devraient être suivies plus systématiquement. En particulier, les principaux objectifs des systèmes de REP ne sont pas toujours définis aussi clairement que possible ou que nécessaire. De même, les rôles et responsabilités des principales parties prenantes ne sont pas toujours suffisamment délimités. Ainsi, la Commission européenne (2014) relève que la plupart des systèmes de REP étudiés ne comportent aucun mécanisme de dialogue particulier, ce qui peut parfois être à l’origine de relations conflictuelles entre les différentes parties prenantes.

Deuxièmement, l’efficacité environnementale des systèmes de REP semble pouvoir être améliorée de différentes manières. La grande diversité des tarifs appliqués à la collecte et au recyclage laisse entendre que certains systèmes pourraient viser des objectifs plus ambitieux. Le ciblage permet d’améliorer l’efficacité des dispositifs de REP. L’établissement d’objectifs contraignants devrait s’appuyer sur une évaluation des coûts et des avantages et sur des consultations avec les parties prenantes. De l’avis général, les systèmes de REP pourraient également gagner en efficacité environnementale à condition d’être mieux appliqués (voir l’encadré 2.2). Selon la Commission européenne (2014), certains États membres de l’UE n’ont pas les moyens de veiller à l’application des dispositions relatives à la REP et possèdent des installations et des points de collecte non autorisés. Or, une application inadéquate des systèmes de REP peut compromettre non seulement leur efficacité mais également leur viabilité financière, tout en encourageant l’exportation de déchets dangereux.

Encadré 2.2. Mise en œuvre des obligations relatives à la REP

L’incapacité à garantir une mise en œuvre cohérente des systèmes de REP avantage injustement les producteurs qui manquent à leurs obligations et alourdit la charge pesant sur ceux qui partagent des objectifs communs. Par exemple, les producteurs qui ne s’acquittent pas du paiement des charges dues aux éco-organismes réduisent leurs dépenses mais font augmenter les coûts supportés par les autres. Une situation de fraude généralisée peut menacer la viabilité financière du système de REP. De même, si les prestataires qui assurent la collecte et le traitement des déchets hors systèmes de REP ne sont pas tenus de répondre au même niveau d’exigence que ceux qui participent à de tels systèmes, ces derniers sont désavantagés et risquent d’abaisser le niveau de leurs services. De plus, en l’absence de réel contrôle de l’application, les échanges illicites pourront plus facilement se développer.

Depuis 2001, les registres de producteurs et l’accréditation des éco-organismes sont deux outils largement utilisés pour promouvoir le respect des obligations liées à la REP. Les registres permettent aux éco-organismes de rassembler les informations nécessaires pour fixer le montant des redevances et repérer les passagers clandestins. Grâce aux accréditations, les pouvoirs publics peuvent suivre les activités des éco-organismes et veiller à ce que ces derniers se soumettent à des critères de performances précis.

Un problème de mise en œuvre spécifique à la REP survient lorsqu’il existe un éco‐organisme unique pour une catégorie de produits particulière sur un territoire donné. Dans ce cas, l’unique éco-organisme en présence craint moins de perdre son accréditation que s’il était opposé à des concurrents. L’Irlande a contourné ce problème en imposant aux éco-organismes de créer un fonds de réserve et d’y placer à peu près l’équivalent de leurs coûts d’exploitation pour une année. En Autriche, si l’éco-organisme compétent ne respecte pas son obligation de reprise gratuite, le ministère de l’Environnement peut organiser la collecte et le traitement des véhicules hors d’usage et lui en faire supporter le coût.

Sur le plan juridique, la répression des infractions est généralement du ressort des agences gouvernementales. Dans l’Union européenne, les parties prenantes s’accordent largement pour dire que les États membres et les éco-organismes devraient être conjointement chargés du suivi des systèmes de REP et faire en sorte de disposer des moyens de contrôle adéquats. Cependant, la question du partage des coûts et des responsabilités ne fait pas autant l’unanimité. Selon la Commission européenne (2014), la création d’une autorité indépendante ad hoc chargée de la surveillance et de la réglementation pourrait être indiquée dans certains cas. Celle-ci pourrait être financée par une taxe sur les éco-organismes.

Les contrevenants s’exposent à des pénalités telles que des sanctions civiles ou pénales, des redevances, la révocation du droit d’exercer (pour les éco-organismes), la divulgation publique du nom des fraudeurs (comme les passagers clandestins) et des poursuites judiciaires. Comme cela est expliqué plus en détail ci-après, les autorités de la concurrence peuvent également être amenées à contrôler les activités des éco-organismes et exiger leur modification si elles estiment qu’elles sont anticoncurrentielles.

Source : Voir le chapitre 2 et Commission européenne (2014), Development of Guidance on Extended Producer Responsibility (EPR), final report.

Enfin, la gouvernance des systèmes de REP gagnerait à être plus transparente, ce qui permettrait d’évaluer plus efficacement les performances des différents dispositifs et de responsabiliser les acteurs concernés. En outre, les données techniques et financières font cruellement défaut, pour diverses raisons pouvant être liées au manque de clarté des obligations de notification, à la sensibilité de certaines informations d’un point de vue commercial et/ou à des comportements anticoncurrentiels de la part des producteurs. La Commission européenne (2014) propose que les responsables des systèmes de REP/éco-organismes soient au minimum tenus de communiquer des informations sur :

  • les redevances qu’ils perçoivent

  • la quantité de produits commercialisés par leurs membres

  • la quantité de déchets collectés et traités (réutilisés, recyclés, valorisés – y compris sur le plan énergétique – et éliminés), de telle sorte que la destination finale de l’ensemble des déchets pris en charge soit connue.

Les communes concernées devraient informer le public de leurs activités et des coûts y afférents.

Le suivi des performances des systèmes de REP opérant dans un cadre national ou supranational (comme l’UE) serait facilité par une harmonisation des définitions et des modalités de notification, ainsi que par l’instauration d’un mécanisme de contrôle de la qualité et de la comparabilité des données.

Mise à jour des recommandations relatives à la conception et à la gouvernance des systèmes de REP
  • Appliquer pleinement les recommandations pour une bonne gouvernance des systèmes de REP figurant dans le Manuel de 2001, et plus particulièrement les directives portant sur la nécessité de définir des objectifs clairs, de préciser les rôles et les responsabilités des parties prenantes et de créer des plateformes de dialogue entre ces dernières.

  • Revoir et ajuster régulièrement les objectifs des politiques de REP pour les faire concorder avec les objectifs publics en matière de gestion de déchets et de productivité des ressources ; tenir compte des coûts et des avantages des objectifs proposés et fixer ces derniers en concertation avec les parties prenantes.

  • Envisager d’étendre la portée de la REP, notamment pour couvrir des produits en fin de vie ayant un plus fort impact sur l’environnement et qui ne se prêtent pas à la mise en décharge ou à l’incinération.

  • S’agissant des dispositifs obligatoires, les pouvoirs publics devraient adopter des outils cohérents et crédibles pour faire respecter les obligations en matière de REP, comme des registres de producteurs, l’accréditation des éco-organismes et des sanctions adaptées.

  • Les pouvoirs publics et l’industrie devraient s’allier pour élaborer des systèmes de suivi efficaces et dotés de ressources adéquates ; dans certaines circonstances, ils pourraient envisager de créer un organisme de contrôle indépendant financé par une taxe sur les éco-organismes.

  • Les systèmes de REP obligatoires devraient être tenus de rendre compte régulièrement des aspects techniques et financiers de leurs activités ; leurs performances devraient faire régulièrement l’objet d’un audit, de préférence indépendant ; dans la mesure du possible, il conviendrait d’harmoniser les définitions et les modalités de notification des dispositifs d’un même territoire, de manière à garantir la qualité et la comparabilité des données fournies ; les systèmes de REP volontaires devraient être encouragés à être le plus possible transparents et à subir régulièrement des évaluations indépendantes de leurs opérations.

  • Le partage des expériences entre les différents systèmes de REP – sur le plan tant national qu’international – devrait être encouragé dans le souci d’accroître les taux de collecte et de recyclage, de diffuser l’information sur l’éco-conception et d’améliorer le rapport coût‐efficacité des dispositifs.

2.3. Financement des dispositifs, passagers clandestins et produits orphelins

D’après le Manuel de 2001, les producteurs sont les mieux placés pour atténuer les impacts environnementaux de leurs produits et, dans cette optique, il serait souhaitable que les politiques de REP les incitent à réduire au minimum les coûts environnementaux y afférents. Les coûts environnementaux non pris en charge, y compris ceux intervenant en aval de la consommation, devront être intégrés dans le prix final du produit, et assumés par les consommateurs. Il convient, lors de l’instauration du dispositif de REP, de définir clairement à qui incombe la responsabilité du financement du traitement des produits en aval de la consommation.

Si le principe de la responsabilité des producteurs dans le traitement de leurs produits en aval de la consommation est théoriquement bien établi, son application se révèle plus problématique dans la pratique. L’étude des systèmes de REP au sein de l’UE (Commission européenne, 2014) montre que la plupart des dispositifs couvrent intégralement ou en partie leurs dépenses nettes d’exploitation, qui comprennent les coûts de collecte et de traitement des déchets ainsi que les coûts administratifs, de rapportage et de communication nécessaires à leur fonctionnement, déduction faite des ventes de matières valorisées. Cependant, le coût total du traitement des produits en fin de vie inclut un éventail d’activités plus large, qui regroupe notamment les campagnes d’information et de sensibilisation à l’intention du grand public, les mesures visant à prévenir la production de déchets, ainsi que le suivi et la surveillance. Or, bon nombre de systèmes de REP ne prennent pas en charge les coûts de ces activités.

Dans la mesure où les producteurs ne supportent pas la totalité des coûts liés aux systèmes de REP, les communes et les contribuables doivent également mettre la main à la poche. Par exemple, la France s’est fixé pour objectif que le coût (optimisé) des déchets d’emballages ménagers soit couvert à 80 % par les producteurs (si le taux de collecte est d’au moins 75 %) et à 20 % par les communes. À l’inverse, les redevances payées par les producteurs coréens correspondent à l’intégralité des coûts de collecte, de traitement et d’administration. Ainsi, 70 à 90 % du montant des redevances servent à la rémunération des recycleurs, tandis que le financement des campagnes d’information représente entre 1 et 5 % des sommes perçues. Dans le système appliqué au Royaume-Uni pour les emballages, les producteurs n’assument qu’environ 10 % des coûts, c’est-à-dire la différence entre les coûts qui correspondait initialement aux opérations de recyclage (avant l’introduction du système de REP) et ceux des opérations requises pour atteindre les objectifs de recyclage de l’UE.

En vertu du principe pollueur-payeur, les producteurs devraient payer la totalité des coûts nets relatifs à la collecte sélective et au traitement des produits en fin de vie (voir l’encadré 2.3). Pour les communes assurant une partie des activités des systèmes de REP, cela implique de calculer le niveau de compensation adéquat qu’elles sont en droit d’attendre de la part des éco-organismes. Il faut reconnaître cependant que le calcul des coûts nets n’est pas toujours aisé et que ces derniers peuvent fluctuer considérablement parallèlement aux variations des prix des matières secondaires.

Encadré 2.3. Recouvrement de la totalité des coûts via les redevances acquittées par les producteurs

Les parties prenantes s’accordent pour dire, à l’appui de la théorie économique, que tous les coûts relatifs aux produits en fin de vie devraient être internalisés dans les redevances acquittées par les producteurs au titre de la REP, afin de mettre en œuvre le principe pollueur-payeur. Toutefois, les modalités d’application de ce principe et l’ampleur de ces coûts sont source de désaccords. En effet, tous les acteurs concernés ne souhaitent pas nécessairement intégrer dans le montant des redevances acquittées par les producteurs les coûts liés à l’abandon de déchets et au traitement des produits théoriquement soumis à la REP ayant été collectés en dehors des dispositifs existants et traités comme des déchets municipaux mixtes. Pour choisir la démarche la plus adaptée, il conviendrait en définitive de déterminer quelle est l’entité la mieux placée pour influencer ces aspects de la gestion des produits en fin de vie et qui devrait donc, à ce titre, bénéficier d’incitations économiques.

S’agissant de l’abandon de déchets dans la nature, il semble opportun d’instaurer un partage des coûts entre les producteurs et les communes, ces deux catégories d’acteurs ayant une influence dans ce domaine. Les communes peuvent prendre toute une série de mesures pour renforcer les infrastructures publiques de collecte des déchets et affermir les mesures de contrôle destinées à lutter contre les dépôts sauvages des déchets. Dans certains cas, les producteurs peuvent aussi améliorer la conception des produits pour limiter les détritus, par exemple en remplaçant les languettes des canettes métalliques par des opercules fixes qui ne se détachent pas du récipient.

Dans le cas des produits soumis à la REP traités comme des déchets municipaux, tout dépendra de l’entité responsable de la collecte sélective. Si elle est assurée par les producteurs, ces coûts devraient être couverts par les redevances dont ils s’acquittent, de manière à ne pas tirer les taux de collecte vers le bas et à faire en sorte que les prix des produits reflètent les coûts de leur traitement en fin de vie. À l’inverse, si les communes sont responsables de la collecte sélective elles devraient supporter ces coûts, car ce sont elles les mieux placées pour améliorer les taux de ramassage des déchets.

La plupart des systèmes de REP sont confrontés au problème majeur que posent les « passagers clandestins ». Ce terme désigne les producteurs qui bénéficient des dispositifs de REP sans payer leur écot. En général, plus les producteurs sont nombreux et plus la chaîne de produit est longue, plus il est difficile de lutter contre ce phénomène, qui peut devenir très sérieux lorsqu’une part importante du flux de déchets est détournée vers d’autres destinations, avec pour effet de menacer la viabilité financière du système concerné. D’autre part, le coût des mesures à mettre en œuvre pour éradiquer ce problème est parfois si élevé pour certaines catégories de produits qu’il peut ne pas être rentable de chercher à éliminer la totalité des passagers clandestins. Le Manuel de 2001 propose plusieurs moyens pour remédier à cette situation : faire en sorte que le montant des redevances demeure peu élevé (pour ne pas encourager les comportements opportunistes) et recourir à la pression des pairs ainsi qu’à des contrôles stricts, assortis de sanctions adaptées. Cependant, le fait de maintenir les redevances à un faible niveau peut ne pas concorder avec l’objectif consistant à ce que les redevances versées par les producteurs couvrent la totalité des coûts liés au traitement des produits en aval de leur consommation. L’importance des ventes en ligne et les possibilités de contourner le système par ce biais,posent un nouveau type de problème. Les travaux doivent être poursuivis pour mieux comprendre ces questions.

Encadré 2.4. Optimiser le rapport coût-efficacité – l’exemple de la loi japonaise sur le recyclage des emballages

En vertu de la loi sur le recyclage des emballages, les éco-organismes japonais sont tenus de payer aux communes une commission dont le montant équivaut aux coûts réels du recyclage. Les communes qui transmettent aux recycleurs des déchets de qualité convenablement triés font baisser les coûts de traitement. Les producteurs leur remboursent alors 50 % de la différence entre les coûts réels et les coûts initialement prévus. Cette démarche basée sur des contributions variables a pour but d’inciter les communes à transmettre des déchets d’emballage de bonne qualité et correctement triés aux recycleurs, et donc à faire baisser le coût global du recyclage.

Source : Basé sur annexe I.

Les informations disponibles font apparaître que l’ampleur des « fuites » – c’est-à-dire les produits échappant aux systèmes de REP supposés les gérer – est désormais conséquente pour certains flux de déchets (Commission européene, 2014). Les données dans ce domaine reposent sur des estimations et doivent être considérées avec prudence. Il apparait néanmoins que près de la moitié des appareils électroménagers théoriquement soumis à la REP au Japon se retrouvent dans des filières de déchets non concernées par ce principe : certains transitent par le marché des produits d’occasion et sont réutilisés, d’autres sont collectés parmi les ordures ménagères. De même, il est probable que plus de la moitié des DEEE collectés en Europe soient orientés vers un traitement inadéquat et exportés illicitement, ou traités convenablement mais sans notification des quantités prises en charge. On estime par ailleurs qu’environ un tiers seulement des DEEE produits sur le territoire français sont gérés par des systèmes de REP, et que 45 à 75 % d’entre eux empruntent d’autres filières de gestion et/ou sont exportés. Le nombre croissant de ventes réalisées sur Internet accroît les risques de fuites et de passagers clandestins.

Plusieurs méthodes sont proposées pour lutter contre les fuites. S’agissant des exportations illicites de déchets, de nombreuses autorités environnementales coopèrent désormais plus étroitement avec les services des douanes. En Finlande, les producteurs bénéficient, en vertu de la loi, d’un accès prioritaire à certaines catégories de déchets. Conformément à la refonte du texte de la directive européenne relative aux DEEE, les déchets qui étaient collectés en-dehors du système de REP sont désormais pris en compte dans les calculs des objectifs réglementaires, et les installations n’appartenant pas à une OPR sont à présent tenues de respecter les mêmes normes environnementales que les éco-organismes soumis à la REP. La loi relative à la transition énergétique récemment adoptée en France vise à éviter les fuites en obligeant les professionnels détenteurs de déchets d’équipements électriques et électroniques à passer un contrat avec un dispositif agréé, ce qui pourrait permettre de mieux suivre et contrôler la collecte et le traitement des déchets. Au Japon, des estimations des fuites ont été obtenues et les autorités locales ont été chargées, par décret, de réguler les récupérateurs informels.

Les produits « orphelins » désignent les produits soumis aux prescriptions de la REP mais dont le producteur n’est plus en activité (pour cause de faillite, par exemple). Toute la difficulté consiste à déterminer comment couvrir équitablement les coûts de gestion des produits en aval de leur consommation. Ces coûts pourraient en effet être très élevés, dans le cas de produits néfastes pour l’environnement communément utilisés (comme certaines huiles ou certains produits chimiques) ou au contraire presque nuls (dans le cas où le principal objectif de la REP serait d’influencer le processus de conception des produits, par exemple). Le choix du mécanisme dépend donc de la nature de la difficulté rencontrée. Le Manuel de 2001 recense diverses solutions possibles à adapter en fonction des problèmes, comme la prise en charge des coûts générés par les anciens producteurs par leurs homologues toujours en activité, l’instauration de redevances d’élimination préalables ou de redevances payées au moment de l’achat, le paiement par le dernier propriétaire et l’assurance.

Mise à jour des recommandations relatives au financement des dispositifs de REP ainsi qu’aux problèmes des passagers clandestins et des produits orphelins
  • S’agissant des dispositifs obligatoires, les pouvoirs publics devraient mettre en place des méthodes cohérentes et crédibles pour s’assurer que les obligations en matière de REP sont bien respectées, comme des registres de producteurs, l’accréditation des éco-organismes et des sanctions adaptées.

  • Les pouvoirs publics et l’industrie devraient coopérer afin de mettre au point des systèmes de suivi efficaces et dotés de ressources adéquates ; dans certaines circonstances, ils pourraient envisager de créer un organisme de contrôle indépendant financé par une taxe sur les éco-organismes.

  • Le coût du traitement du produit en fin de vie devrait, dans l’idéal, être intégré dans son prix de vente et supporté par les consommateurs ; les producteurs devraient être responsables du financement des coûts de gestion en fin de vie de leurs produits.

  • La lutte contre les passagers clandestins devrait se livrer à travers la pression des pairs et un strict contrôle de l’application, assorti de sanctions adaptées.

  • Le problème des produits orphelins devrait être traité en optant pour une démarche adaptée à la nature de la difficulté rencontrée, comme la prise en charge des coûts générés par les anciens producteurs par leurs homologues toujours en activité, l’instauration de redevances d’élimination préalables ou de redevances payées au moment de l’achat, le paiement par le dernier propriétaire et l’assurance.

  • Les administrations publiques devraient mettre en commun leurs expériences et déterminer comment assurer la pérennité du financement des systèmes de REP ; il pourrait s’agir notamment d’analyser comment prendre en charge des risques tels que la volatilité des prix, les fuites, etc.

2.4. Échanges, concurrence et systèmes de REP

Parce qu’elles imposent un cahier des charges, les politiques de REP ont nécessairement des répercussions pour les produits et marchés secondaires connexes. Elles peuvent notamment avoir des effets – intentionnels ou non – sur la concurrence et les échanges. L’incidence des politiques de REP sur les échanges peut simplement résulter de coûts administratifs et de transport supérieurs pour les importateurs. Selon le Manuel de 2001, des systèmes de REP compatibles avec les politiques de la concurrence et des échanges peuvent être efficaces sur le plan environnemental, plus efficients d’un point de vue économique et mieux acceptés par les entreprises.

Pour éviter les incompatibilités avec les politiques des échanges, le Manuel de 2001 préconisait aux importateurs de prendre part à la conception des systèmes de REP pour veiller à ce que les clauses proposées soient conformes aux directives de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En particulier lorsque sont mis en place des dispositifs susceptibles d’influer sur les échanges, les importateurs devraient être associés au projet et bénéficier d’un laps de temps adéquat pour formuler des commentaires ; les associations professionnelles et l’OMC devraient être informées ; et la possibilité d’apporter aux pays en développement une assistance technique pour les aider à se conformer aux nouvelles exigences devrait être étudiée. Pour garantir la compatibilité avec les accords de l’OMC, il conviendrait en outre de passer en revue le cahier des charges de chaque projet pour vérifier qu’il ne pénalise pas les importateurs, qu’il ne restreint pas les échanges plus que nécessaire pour atteindre ses objectifs, qu’il n’impose pas certains processus ou méthodes de production ou qu’il ne risque pas de générer un surplus de matières recyclées susceptibles de se retrouver sur les marchés internationaux.

Dans l’optique de stimuler la concurrence sur les marchés concernés par les systèmes de REP, le Manuel de 2001 recommande d’inviter les autorités de la concurrence, lorsque cela est possible, à formuler des avis sur l’impact possible des différentes démarches existantes – et de proposer des solutions de remplacement. À cet égard, les éventuels comportements anticoncurrentiels des éco-organismes ont été mis en évidence. En effet, la création d’éco-organismes peut permettre aux producteurs de réaliser d’importantes économies d’échelle et même aider de plus petites entreprises à se maintenir sur le marché. Cependant, les éco-organismes peuvent également pousser les producteurs à former des ententes illégales pour éliminer ou désavantager leurs concurrents. Les autorités de la concurrence pourraient donc :

  • faire en sorte que les éco-organismes n’abusent pas de leur puissance commerciale au travers de tarifications excessives ou opaques ou d’autres pratiques anti-concurrentielles ;

  • éviter que des obstacles réglementaires empêchent l’accès aux marchés de matières usagées, y compris l’entrée d’autres éco-organismes sur un marché soumis à la REP ;

  • faire en sorte que les éco-organismes sous-traitent les services de collecte et de recyclage en faisant jouer la concurrence ; établissent des contrats d’une durée raisonnable et lancent des appels d’offres ouverts et équitables.

Depuis 2001, la taille et la complexité des systèmes de REP et des marchés connexes vont grandissant. Les conséquences des comportements anticoncurrentiels sont donc d’autant plus importantes, aussi bien du point de vue des retombées financières pour les producteurs, que des pertes de bien-être pour la société.

En outre, les tribunaux et autorités de la concurrence ont pris un certain nombre de décisions au sujet de la politique de la concurrence et des systèmes de REP. Le nombre d’affaires demeure toutefois restreint et ne couvre pas l’ensemble des problématiques liées à la concurrence. Dans certains cas, les critères utilisés pour déterminer si un comportement est anti-concurrentiel varient selon les pays. De ce fait, les décisions relatives à la concurrence et à la REP ne sont pas tout à fait comparables. L’expérience engrangée permet néanmoins de tirer quelques conclusions pour mieux gérer les arbitrages entre la concurrence et les politiques environnementales lors des phases de conception et de mise en œuvre des systèmes de REP.

La présente section met en évidence plusieurs types de freins à la concurrence dans le contexte des marchés soumis à la REP, en s’appuyant sur une analyse plus détaillée présentée au chapitre 3 :

  • les accords horizontaux conclus entre producteurs concurrents pour créer un ou plusieurs éco-organismes ; les éventuels comportements anticoncurrentiels des éco-organismes ; les obstacles à l’entrée sur des marchés où opèrent des éco-organismes ; l’impact de la hausse des coûts consécutive à un changement de prestataires de services ; et les accords entre éco-organismes opérant sur un même marché, qui sont susceptibles de limiter la concurrence.

  • les accords verticaux conclus entre les éco-organismes et les prestataires assurant les services de collecte, de tri ou de traitement, qui restreignent la concurrence.

  • les comportements anticoncurrentiels sur les marchés du traitement des déchets et des matières secondaires ainsi que sur les marchés de produits.

2.4.1. Accords horizontaux entre producteurs rivaux

Les accords horizontaux conclus entre producteurs rivaux pour créer un ou plusieurs éco-organismes constituent un autre problème. Cette section s’intéresse plus particulièrement aux avantages des éco-organismes individuels par rapport aux organismes multiples, et aux obstacles qui peuvent empêcher l’entrée sur les marchés desservis par des éco-organismes.

Éco-organismes individuels et multiples

Bon nombre de systèmes de REP ont été créés au départ avec un éco-organisme unique en situation de monopole. Au fil du temps, certains d’entre eux ont été dissouts, à l’issue parfois d’un examen minutieux de leur conduite anticoncurrentielle ou après que les autorités de la concurrence ont dénoncé la réglementation à l’origine de ces monopoles. Par conséquent, de plus en plus de systèmes de REP reposent désormais sur de multiples éco-organismes.

On reproche généralement aux monopoles de tirer les prix vers le haut et de moins inciter les producteurs à rechercher des économies puis à les répercuter, ce qui a pour effet de faire augmenter le coût des produits. En Allemagne, par exemple, le coût de gestion des déchets d’emballage a considérablement baissé après le lancement d’appels d’offres de services au niveau des OPR et la mise en concurrence des éco-organismes. En Norvège, l’autorité de la concurrence a identifié plusieurs situations où les monopoles de collecte/recyclage détenus par les producteurs induisaient des coûts supplémentaires pouvant être répercutés sur les consommateurs, ce qui participait à un schéma d’inefficacité.

D’aucuns affirment cependant que les éco-organismes en situation de monopole peuvent présenter quelques avantages pour tirer parti des économies d’échelle, lutter contre les passagers clandestins et réduire les coûts du contrôle réglementaire. Bien que ces arguments soient contestés, la création d’un éco-organisme en situation de monopole lors de la phase de démarrage d’un système de REP relève d’un cas particulier. Dans un premier temps, il peut en effet être plus efficace d’opter pour un monopole si la création d’un éco-organisme engendre d’importants coûts irrécupérables et si les coûts et retombées financières à venir sont incertains. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’attribution de droits exclusifs à un éco-organisme de Copenhague pour le traitement de déblais non dangereux était justifiée dans la mesure où aucune infrastructure n’aurait autrement été construite pour gérer ce type de déchets. Selon elle, cet aspect l’emportait sur le coût engendré par la restriction de la concurrence.

Pour l’heure, les données concrètes dont on dispose ne permettent pas de déterminer dans quelles conditions un éco-organisme en situation de monopole est plus efficace que plusieurs éco-organismes concurrents. Les différentes instances nationales ont examiné les arguments pour ou contre le monopole sur la base d’analyses coûts-avantages. Toutefois, leur avis diverge quant aux coûts et avantages à prendre en considération et par conséquent quant à l’acceptabilité d’un éco-organisme en situation de monopole, et dans quelles circonstances.

Obstacles à l’entrée

Les obstacles à l’entrée sur un marché tendent à réduire la concurrence ; ils peuvent revêtir une dimension structurelle ou stratégique. Les obstacles structurels prennent souvent la forme de coûts élevés et irréversibles, qui peuvent être liés à la nature du marché lui-même ou à des prescriptions juridiques. Les obstacles stratégiques, quant à eux, sont créés délibérément ou renforcés par les entreprises en place sur le marché. Il est parfois difficile de faire la distinction entre ces deux catégories d’obstacles.

L’obligation de s’établir sur un marché d’envergure nationale constitue un exemple d’obstacle. En effet, elle fait augmenter les coûts irrécupérables dans le cas où la meilleure stratégie, en dehors de toute obligation, serait d’entrer sur un marché de moindre ampleur, qui concernerait un territoire plus restreint. À cet égard, certaines autorités imposent aux éco-organismes une obligation de service universel afin de dissuader les nouveaux entrants de se livrer à du « picorage ». L’une des techniques permettant de contourner ce problème consiste, comme dans l’exemple suédois (voir l’encadré 2.5), à obliger les acteurs en place à partager leurs infrastructures avec les nouveaux entrants. Toutefois, cela n’est pas toujours possible et, dans ce cas, il conviendrait de revenir sur les avantages apportés par une obligation de service universel.

Encadré 2.5. Infrastructures de collecte partagées en Suède

En Suède, les éco-organismes de la filière Emballage doivent remplir leur mission sur l’ensemble du territoire. Un producteur souhaitant intégrer le marché s’est heurté à d’importants obstacles pour se doter d’une infrastructure de collecte. Dans les zones rurales, les équipements de collecte se révélaient très coûteux tandis que dans les zones urbaines, les organismes en place utilisaient des sites de traitement qui ne pouvaient pas être reproduits. Le nouvel entrant a saisi l’autorité de la concurrence, accusant l’entreprise en place d’abus de position dominante. À l’issue de consultations avec l’autorité de la concurrence, les deux parties ont engagé des négociations commerciales qui ont abouti à un accord en vertu duquel les deux éco-organismes peuvent désormais utiliser les mêmes infrastructures de collecte, moyennant un partage des coûts. De cette manière, tous deux sont en mesure de proposer leurs services dans l’ensemble du pays.

Source : Voir le chapitre 4.

Le fait que des entrants se voient refuser l’accès à des « installations essentielles » constitue un obstacle stratégique à l’entrée, qui donne lieu à des litiges entre les différents éco-organismes concurrents. Bien que la notion d’ « installation essentielle » diffère quelque peu selon les pays, l’idée de base est que leur accès est nécessaire pour soutenir la concurrence sur le marché, qu’elles ne peuvent pas raisonnablement être reproduites ni partagées, et qu’elles sont contrôlées par une entreprise monopolistique ou une entreprise dominante.

Parmi les obstacles stratégiques à l’entrée sur un marché figurent également les contrats d’exclusivité à long terme, qui consistent, pour l’une ou les deux parties, à échanger un certain produit uniquement avec l’autre partie sur une longue période. La Commission européenne s’est positionnée contre ce type de contrats et exigé que leur durée soit limitée dans le temps.

2.4.2. Accords verticaux entre les éco-organismes et leurs prestataires : marchés de la collecte et du tri des déchets

Les marchés de la collecte des déchets diffèrent selon qu’ils ciblent les ménages ou les entreprises. D’un côté, les marchés de la collecte auprès des ménages se caractérisent par des économies d’échelle et de densité pouvant favoriser des situations de monopole naturel, où la présence d’une unique entité est gage d’une plus grande efficacité. Cela s’observe fréquemment dans le cadre du ramassage des ordures ménagères. De l’autre, les marchés de la collecte des déchets des entreprises sont généralement organisés sous la forme d’oligopoles rassemblant un petit groupe de concurrents.

La portée géographique des marchés de la collecte et du tri des déchets dépend notamment des coûts de transport et des restrictions légales au commerce de déchets. De plus, le tri est généralement plus efficace lorsque son échelle dépasse celle de la collecte. Par conséquent, le fait d’associer ces deux services plutôt que de les gérer séparément peut entraîner une perte d’efficacité.

Bon nombre d’éco-organismes font appel à des services de collecte et de tri des déchets. Même en situation de monopole, il peut y avoir des avantages à ouvrir le marché de la collecte des déchets à la concurrence. Dans les faits, le recours à des appels d’offres fait baisser considérablement les coûts de collecte (voir l’encadré 2.6). Cependant, les règles et procédures suivies par les éco-organismes peuvent grandement influencer le coût des services qu’ils achètent. L’équité et la concurrence engendrent une plus grande efficacité et impliquent, entre autres, de ne pas avantager les acteurs en place sur le marché ; de communiquer simultanément à l’ensemble des soumissionnaires des informations identiques, et de leur laisser le temps nécessaire pour préparer leur offre ; et de disposer d’un nombre suffisant de soumissionnaires pour garantir la concurrence. En outre, la durée des contrats ne devrait pas être trop courte (sous peine de ne pas couvrir la totalité des coûts) ou trop longue (au risque de perdre une partie des avantages de la concurrence, comme l’adoption de technologies plus efficientes). Dans deux décisions, la Commission européenne estimé qu’une durée de trois ans était indispensable pour les contrats entre les entreprises de collecte de déchets d’emballage et les éco-organismes.

Encadré 2.6. Promouvoir des appels d’offres plus concurrentiels en Allemagne

En 2003, l’éco-organisme allemand DSD, spécialisé dans la filière Emballages, a lancé un premier appel d’offres qui n’a pas suscité de véritable concurrence dans beaucoup de lots. En effet, pour près de la moitié des lots, seule une offre avait été reçue et les prix étaient en moyenne 70 % plus élevés que les prix les plus bas proposés dans les lots où au moins deux offres avaient été soumises. DSD a alors modifié les conditions de ses appels d’offres afin d’attirer davantage de petites et moyennes entreprises. En 2005, les coûts de collecte et de tri des déchets avaient reculé de 20-30 % par rapport à 2003. Plus récemment, l’autorité allemande de la concurrence a déclaré qu’il était « particulièrement important de garantir une procédure d’appel d’offres distincte pour les services de collecte (et de tri). Cela permet d’assurer que la concurrence sur le marché du tri ne soit pas faussée ».

Source : Voir le chapitre 4.

2.4.3. Marchés de produits

La promotion de la concurrence sur les marchés de produit revêt une grande importance comme point de jonction entre la politique de la concurrence et les systèmes de REP. En effet, les marchés de produits tels que les voitures ou les pneus sont vastes et les pratiques anticoncurrentielles peuvent donc avoir des répercussions particulièrement fortes sur le bien-être économique.

Dans plusieurs pays, l’accord visant la prise en charge par les consommateurs de la redevance versée à un éco-organisme a soulevé des questions. En effet, même si cette redevance est « visible », et même si la législation exige expressément son application, elle peut continuer d’être perçue comme une entente sur les prix illicite. Dans quelques cas, de faibles redevances « visibles » se sont avérées nécessaires et ne constituent pas une entrave perceptible à la concurrence. Dans d’autres, on a considéré qu’elles n’étaient pas utiles à l’accord de coopération plus large, et qu’elles étaient donc anticoncurrentielles.

L’effet des éco-organismes sur la concurrence au sein des marchés de produits pose plusieurs autres questions. Premièrement, l’éco-organisme peut offrir des possibilités d’échanges d’informations et ainsi faciliter des ententes sur les prix ou d’autres distorsions du marché. Deuxièmement, si un éco-organisme jouit d’une position dominante ou d’une situation de monopole et qu’il augmente fortement les coûts supportés par les producteurs, et que les redevances acquittées représentent une part importante des coûts variables à la charge de ces derniers, alors la concurrence sur le marché de produits peut se trouver affaiblie. Troisièmement, les redevances de recyclage peuvent être revues à la hausse pour faire augmenter les prix à la consommation et les bénéfices des prestataires ou bien désavantager certains acteurs, comme les prestataires étrangers ou de petite taille. Enfin, des problèmes de concurrence peuvent aussi se poser lorsque l’État accorde des subventions ou octroie des droits exclusifs.

2.4.4. Vers une plus grande intégration de la politique de la concurrence et des systèmes de REP

En 2009, le Conseil de l’OCDE a adopté une Recommandation sur l’évaluation d’impact sur la concurrence qui déclare notamment, dans la section consacrée à la révision des politiques publiques qui restreignent indûment la concurrence, que « les gouvernements devraient adopter l’alternative la plus favorable à la concurrence compatible avec les objectifs d’intérêt public poursuivis, tout en tenant compte des coûts et avantages de la mise en œuvre ». Cette recommandation est utile pour examiner les compromis possibles entre la politique de la concurrence et la REP.

Les autorités de la concurrence ont examiné plusieurs questions relatives aux comportements possiblement anticoncurrentiels de certains systèmes de REP, sans parvenir à un consensus. Or, ces questions méritent d’être approfondies :

  • Existe-t-il des avantages à exiger une séparation verticale entre les producteurs, les entreprises de collecte de déchets et les usines de traitement des déchets ?

  • La prestation de services de collecte sur l’ensemble du pays représente-t-elle un obstacle à l’entrée de nouveaux éco-organismes, en particulier lorsqu’il n’est pas possible de partager les infrastructures ?

  • La non-transférabilité des réserves financières affecte-t-elle la concurrence ?

Mise à jour des recommandations destinées à renforcer l’intégration de la politique de la concurrence et des systèmes de REP
  • Des études d’impact sur la concurrence devraient être intégrées dans la conception des mesures de REP, en tenant compte de la Recommandation de 2009 du Conseil de l’OCDE sur l’évaluation d’impact sur la concurrence et de la Recommandation de 2005 du Conseil concernant la politique et la gouvernance réglementaires.

  • Les autorités de la concurrence devraient publier régulièrement des orientations ou des informations facilement accessibles pour faire part de leurs remarques au sujet des systèmes de REP.

  • L’évaluation des accords de création d’un éco-organisme par les autorités de la concurrence devrait suivre le cadre général d’évaluation des accords horizontaux en vigueur. Les contrats conclus entre les prestataires de services et les éco-organismes devraient être évalués au cas par cas dans le cadre général de l’évaluation des accords verticaux de chaque pays.

  • Les autorités de la concurrence ne devraient faire aucune distinction entre les accords volontaires et les accords pilotés par l’État.

  • Les systèmes de REP ne devraient autoriser les éco-organismes uniques que lorsqu’il peut être démontré que les avantages (par exemple, la capacité de gérer les déchets n’aurait pas été suffisante dans d’autres circonstances) dépassent les coûts d’une baisse de concurrence ; les opérations des éco-organismes en situation de monopole devraient être surveillées et la concurrence devrait être encouragée lorsque les avantages des éco-organismes uniques ne sont plus supérieurs à leurs coûts.

  • Les restrictions de concurrence destinées à soutenir l’introduction d’un système de REP (sous la forme de droits exclusifs concédés à un éco-organisme sur un marché, par exemple) devront être progressivement éliminées, et ce dès que possible.

  • Les services tels que la collecte, le tri et le traitement des déchets devraient faire l’objet d’appels d’offres transparents, non discriminatoires et concurrentiels. Les facteurs à prendre en considération sont, en particulier, une durée suffisante sans être excessive du contrat, une ampleur et un périmètre suffisants pour encourager l’investissement, et une dimension et un degré d’agrégation suffisants pour faciliter la participation aux appels d’offres de toutes les entreprises qualifiées.

  • Les appels d’offres ne devraient pas contraindre les entreprises de collecte et de recyclage d’accepter un contrat d’exclusivité avec un éco-organisme. Les autres distorsions possibles, notamment celles qui pourraient résulter du regroupement des services de collecte, de tri et de traitement des déchets, devraient être également évaluées.

  • L’attribution des matières en aval de la consommation ne devrait pas faire obstacle à l’entrée ou à l’expansion sur le marché de produits ; par exemple lorsqu’elles sont attribuées à des prix inférieurs à ceux du marché sur la base de la part de marché historique d’un producteur.

  • Les éco-organismes, registres nationaux et autres organismes coordonnateurs devraient être conçus de manière à éviter le partage d’informations confidentielles relatives aux marchés, qui pourrait conduire à des comportements anticoncurrentiels.

2.5. Éco-conception

Le chapitre 1 ci-dessus a examiné l’incidence des systèmes de REP sur l’éco-conception. En conclusion, elle indiqué que si les systèmes de REP ont permis de stimuler l’éco-conception dans certains pays et secteurs, leur impact global a été moins important qu’on l’espérait à l’origine. Diverses propositions ont été formulées et des initiatives ont été prises pour pallier ce problème.

Premièrement, des redevances plus élevées, des objectifs ambitieux et un solide contrôle de l’application viendront généralement renforcer les incitations en faveur de l’éco-conception. Le fait de fixer des redevances suffisamment élevées pour couvrir la totalité des coûts de gestion en fin de vie permettrait de mieux internaliser les coûts environnementaux des produits, et donc de stimuler l’éco-conception. D’ordinaire, les redevances offrent aux producteurs plus de souplesse que la réglementation pour trouver des solutions rentables. Plus la redevance payée aux éco-organismes représente une part importante du coût de production, plus son effet incitatif est fort, comme on peut le voir dans certains secteurs. En France, par exemple, la redevance sur les emballages soumis à la REP équivaut à environ 4 % du chiffre d’affaires des producteurs.

Deuxièmement, la manière dont les éco-organismes collectifs fixent le montant de leurs redevances peut peser lourdement sur les incitations en faveur de l’éco-conception. Les éco-organismes sont financés par des redevances variables ou fixes. En général, ils recourent à une redevance fixe pour les biens complexes tels que les équipements électroniques, les voitures ou les meubles, pour lesquels il serait difficile d’établir un lien entre le montant de la redevance et l’impact environnemental du produit. Dans ce cas, il est plus aisé d’appliquer un système de redevance unitaire, mais l’absence de lien entre la redevance et les coûts de gestion des déchets de certains produits n’incite que faiblement et indirectement les producteurs à se tourner vers l’éco-conception. Pour remédier à cela, certains systèmes de REP ont mis en place des redevances modulées, qui varient en fonction de certaines caractéristiques de conception du produit autres que le poids. Par exemple, le dispositif français Éco-Systèmes applique des redevances plus élevées aux téléphones portables non dotés d’un chargeur universel, afin de décourager la surproduction d’équipements périphériques1. Des technologies émergentes, telles que la radio-identification, pourraient offrir de nouvelles possibilités pour lier les redevances aux impacts environnementaux et améliorer la répartition des coûts entre les producteurs. Cependant, étant donné que la mise en place de redevances moduléesimplique des coûts administratifs supplémentaires, leur montant devrait être proportionnel aux avantages attendus sur le plan environnemental et/ou financier. En outre, ce type d’outils profite à certains au détriment des autres, d’où des difficultés possibles pour les producteurs de s’accorder sur une structure commune. Il existe également des risques de collusion entre producteurs et d’abus de puissance commerciale. Pour toutes ces raisons, il serait prudent que les autorités de la concurrence examinent la création des redevances modulées.

Troisièmement, le champ d’application des systèmes de REP pourrait être élargi. En effet, certains dispositifs sont affaiblis par des exemptions. En France, par exemple, le secteur de la presse imprimée est dispensé des obligations de REP alors qu’il est à l’origine d’environ un tiers du papier graphique mis sur le marché. Par ailleurs, certaines incitations peuvent avoir des conséquences néfastes, notamment dans le cas des produits difficiles à recycler. En effet, tant qu’un produit est considéré comme « non recyclable », il n’est pas soumis à la REP et les producteurs peuvent donc être incités, pour de mauvaises raisons, à ne pas y apporter d’améliorations afin de rester en dehors du champ d’application des dispositifs de REP avec obligation de reprise. La Corée a résolu ce problème en instaurant des redevances d’élimination préalables pour des produits tels que les chewing gum, les couches jetables, les cigarettes, les matières plastiques hors emballages et les ustensiles de cuisine.

Quatrièmement, il est possible d’encourager une plus grande harmonisation des initiatives internationales en matière d’éco-conception pour certains biens de consommation mondiaux, comme les téléphones portables. Or, bien que les systèmes de REP soient organisés pour être appliqués à une échelle (supra)nationale ou infranationale, certains biens de consommation (et les emballages qui les accompagnent) sont destinés au marché mondial. Faute d’harmonisation, les systèmes individuels enverront donc des signaux à la fois faibles et divergents aux producteurs quant aux préférences en matière de produits. À l’inverse, une démarche d’harmonisation peut permettre aux initiatives en faveur de l’éco-conception de gagner en cohérence et en efficacité. Par exemple, la directive européenne relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques a permis des modifications de conception dans le monde entier grâce au ciblage transparent de six matières dangereuses. Cependant, il convient de ne pas sous-estimer le coût de cette démarche et les obstacles qui s’y opposent.

Outre leur fonction initiale, qui est d’encourager les producteurs à modifier la conception de leurs produits, les systèmes de REP servent parfois à renforcer la coopération entre différents producteurs pour promouvoir l’innovation (OCDE, 2014d). Au Japon, par exemple, les constructeurs automobiles ont mis au point leurs propres systèmes d’évaluation 3R (réduire, réutiliser, recycler) en réaction à la loi sur le recyclage des véhicules hors d’usage. L’objectif est d’améliorer les taux et les coûts de recyclage, ainsi que d’évaluer les progrès de conception pouvant faciliter la valorisation des déchets. Ces systèmes reposent sur l’analyse du cycle de vie (ACV), qui aide les concepteurs de véhicules à améliorer la recyclabilité et les performances environnementales de leurs produits.

Le Nordic Waste Group2 met au point de nouveaux modèles économiques pour la collecte et le traitement des déchets plastiques et textiles, avec pour objectif d’encourager le développement de chaînes logistiques plus respectueuses de l’environnement. L’initiative pour un recyclage économe en ressources des déchets plastiques et textiles (Resource Efficient Recycling of Plastic and Textile Waste initiative) englobe six projets, dont un visant à mettre au point un modèle de REP régional. Ce dernier proposera des modèles économiques innovants pour le secteur du textile des pays nordiques, qui permettront aux produits d’évoluer vers des cycles de vie plus durables. Les six projets, qui ont été ouverts à la concurrence l’an dernier, prolongeront les actions déjà menées dans les pays nordiques pour faire du recyclage des déchets plastiques un secteur rentable tout au long de la chaîne de valeur.

Les données montrent que les éco-organismes sont de plus en plus présents dans des consortiums de recherche, pour améliorer par exemple l’éco-conception du papier. Aux fins d’une éco-conception plus efficace, il pourrait être opportun d’étendre leurs prérogatives au-delà du partage d’informations et d’y intégrer la levée de fonds pour la recherche (voir le chapitre 5).

Mise à jour des recommandations relatives aux incitations à l’éco-conception
  • Veiller à ce que l’intégralité des coûts de gestion en fin de vie soient couverts par les redevances acquittées par les producteurs de manière à donner un maximum d’ampleur aux incitations à l’éco-conception.

  • Dans la mesure du possible, privilégier les redevances variables acquittées par les producteurs aux redevances fixes dans les systèmes collectifs.

  • Envisager de recourir à des démarches innovantes, comme les redevances modulées (en fonction de la quantité de substances dangereuses contenues dans le produit, par exemple) ou à de nouvelles technologies qui pourraient permettre de fixer le montant des redevances en fonction des coûts de gestion des produits en fin de vie et de mieux répartir les coûts entre les producteurs.

  • Améliorer la circulation de l’information provenant des secteurs d’aval et des utilisateurs vers les fabricants afin de rendre la conception plus respectueuse de l’environnement.

  • Les éco-organismes devraient encourager les efforts de R-D destinés à améliorer l’éco-conception de leurs produits en partageant leur expérience et, lorsque cela est rentable, en accordant leur soutien financier.

  • L’harmonisation internationale des caractéristiques des produits échangés à l’échelle de la planète devrait être encouragée en vue d’améliorer l’éco-conception.

2.6. Les systèmes de REP dans les économies émergentes et en développement : le rôle du secteur informel

Le développement des systèmes de REP dans les économies émergentes est un phénomène relativement récent, qui n’était pas abordé dans le Manuel de 2001. Les pays émergents et en développement qui souhaitent mettre en œuvre des politiques de REP sont en général confrontés au même problème, à savoir l’absence de systèmes de gestion des déchets bien établis. Les pays en développement ne disposent pas toujours de tels systèmes et les grands acteurs de la filière, fabricants, éco-organismes, communes ou encore recycleurs, qui opèrent généralement dans les pays développés et peuvent jouer un rôle important dans les filières REP, n’y sont pas toujours présents. En conséquence, par rapport à ce qui est pratiqué dans les pays de l’OCDE, la démarche REP de ces pays privilégie les incitations financières. Par conséquent, les dispositifs recourent plus largement à des instruments économiques tels que le soutien des prix et les primes de réacheminement des déchets. Par ailleurs, les exigences réglementaires sont généralement moins contraignantes. Ainsi, contrairement à ce que l’on observe dans les pays de l’OCDE, les obligations de reprise semblent encore négligeables dans de nombreuses économies émergentes, sauf quand elles servent à renforcer les filières de rachat de matières de faible valeur ou non recyclables.

Dans les économies émergentes, la filière déchets a également attiré un grand nombre d’acteurs dans les activités de recyclage des produits en fin de vie ayant une valeur économique. On estime le nombre de ces recycleurs informels à environ 20 millions (voir le chapitre 5). Bien que le secteur informel soit en général assez peu développé dans les pays de l’OCDE et considéré comme ayant une influence négative sur les filières officielles de gestion des déchets (parce qu’il prélève illégalement des produits et matières de grande valeur présents dans les flux de déchets, par exemple), il joue souvent un rôle utile (collecte des déchets ayant une valeur et récupération des matières qu’ils contiennent, notamment) que n’assure pas le secteur officiel dans les pays à revenu intermédiaire où les systèmes de gestion des déchets restent limités. La mise en place d’un système de REP dans ces pays bouleverse l’activité des récupérateurs informels qui entreront alors en concurrence avec lui pour récupérer les matières présentant une valeur.

Le secteur du recyclage informel est hétérogène, revêt des formes très diverses et varie selon le contexte, ce qui ne facilite pas sa définition. Il peut fonctionner, dans certains cas, en l’absence de système de gestion officiel ; dans d’autres les travailleurs informels font concurrence au système officiel. Le graphique 2.1 illustre la complexité des activités susceptibles d’entrer en jeu. On estime que près d’un quart des travailleurs informels sont des femmes et que le travail des enfants est largement représenté. Bien que le ramassage des déchets puisse être rémunérateur, il s’agit d’un travail dur et insalubre, et les ramasseurs sont souvent prêts à risquer leur santé et leur sécurité pour être payés. Cette activité implique aussi une certaine précarité sociale puisque les travailleurs ne bénéficient d’aucune couverture sociale ou de santé. Les activités du secteur informel sont généralement caractérisées par des fonds de roulement et des coûts de transaction élevés. Les stocks n’étant pas comptabilisables, les opérateurs peuvent être victimes de vols.

Graphique 2.1. Schématisation du secteur informel des déchets dans les économies émergentes
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Note : MRF (Material Recovery Facility) est un centre de recuperation.

Source : Basé sur WASTE (2010), Training materials in integrated sustainable waste management, WASTE, Gouda, The Netherlands.

Bien que les récupérateurs informels puissent exercer des fonctions utiles de collecte et de tri des déchets présentant une valeur économique positive, les activités de démantèlement et de recyclage informels en aval peuvent avoir des effets économiques et environnementaux négatifs préoccupants. Les opérations de recyclage, s’il elles ne sont pas correctement effectuées, ne parviennent pas généralement à prévenir les émissions de substances dangereuses, d’où des risques professionnels et environnementaux, et sont relativement inefficaces pour récupérer les matières de valeur (Akenji et al., 2011 ; Williams et al., 2013 ; Romero, 2014). De plus, les résidus sans valeur économique ne sont en général pas gérés correctement et peuvent être mis au rebut ou abandonnés, ce qui met à mal l’environnement (Akenji et al., 2011). La difficulté, pour les pays à revenu intermédiaire, est de trouver comment intégrer ces travailleurs informels et maintenir la contribution positive qu’ils peuvent apporter, tout en atténuant les impacts environnementaux du traitement informel des déchets en aval.

Jusqu’à il y a une dizaine d’années, les décideurs considéraient généralement les récupérateurs informels comme des victimes qu’il fallait aider à sortir d’activités dangereuses et socialement précaires. Les ramasseurs étaient donc invités – et même souvent poussés – à abandonner ce secteur. Toutefois, cette démarche occultait le fait que le ramassage des déchets constitue un moyen de subsistance important, et que les perspectives d’emploi offertes aux anciens récupérateurs étaient bien moins rémunératrices. Par conséquent, les projets visant à « porter secours » aux récupérateurs de déchets se sont souvent soldés par un échec et la plupart des récupérateurs informels ont repris leurs activités une fois les projets terminés.

Désormais, on reconnaît également que le ramassage informel des déchets peut avoir des retombées positives tant pour l’économie que pour l’environnement, parce qu’il contribue notamment à réduire la quantité de déchets mis en décharge, à assurer un service de collecte de substitution « gratuit » et à faire baisser les coûts de collecte et d’élimination des déchets pour les communes. Lorsque les systèmes informels des économies émergentes sont étudiés parallèlement à d’autres acteurs de la chaîne de valeur informelle, il apparaît que les récupérateurs valorisent davantage de matières que les systèmes officiels, lorsque qu’ils fonctionnent en parallèle. Certains exemples montrent en outre que l’incapacité d’intégrer véritablement le secteur informel aux systèmes de REP peut se révéler préjudiciable en termes d’efficience et d’efficacité (voir l’encadré 2.7).

Encadré 2.7. Dispositifs d’exclusion ou d’inclusion des travailleurs informels : les exemples de la Bulgarie et de la Colombie

En 2004, la Bulgarie s’est dotée d’un système de REP dans le cadre duquel les producteurs assumaient l’entière responsabilité de la gestion en fin de vie des produits de la filière Emballages. Les travailleurs informels, qui représentaient selon les estimations 10 000 personnes, n’ont pas été consultés lors de l’élaboration de ce dispositif, qui visait de fait à les priver de leurs activités et qui par là même menaçait leurs moyens de subsistance. Cette initiative a donné lieu à un conflit à la fois apparent et latent entre les systèmes officiel et informel. Les travailleurs informels s’attachaient à saper les activités menées dans le cadre officiel, et à voler les matériaux contenus dans les conteneurs de collecte des déchets d’emballage par apport volontaire. Les entreprises du secteur officiel réclamaient quant à elles l’arrestation des travailleurs informels et la fermeture des points d’achat dans lesquels ils revendaient leurs matières recyclables (ministère de l’Environnement et de l’Eau, République de Bulgarie, 2003 ; Doychinov et Whiteman, 2013).

Faute d’avoir impliqué le secteur informel, le système de REP a souffert d’importants dysfonctionnements. Ainsi, les objectifs de recyclage étaient inférieurs aux quantités de déchets collectées par les recycleurs informels. Les ménages et les entreprises ont préféré maintenir leur coopération avec les réseaux de recyclage préexistants. En conséquence, quelque 90 % des matières ont continué de transiter via les réseaux de traitement informels. Le système officiel ne parvenant à capter qu’une petite part des matières recyclables, les coûts de main d’œuvre étaient élevés et les recettes dégagées ne suffisaient pas à couvrir ne serait-ce que les charges d’exploitation (ISWA/EXPRA/RDN, 2014).

De son côté, la Colombie a opté pour une démarche plus inclusive. Une vingtaine d’acteurs privés se sont réunis pour fonder une ONG – baptisée CEMPRE – afin de promouvoir le « recyclage inclusif ». À l’aide des redevances acquittées par ses membres, CEMPRE mène tout un éventail d’activités visant à encourager les réformes politiques et juridiques destinées à protéger les droits des travailleurs informels ; à soutenir la création et le fonctionnement des associations de récupérateurs de déchets ; à renforcer les capacités et la formation ; à faciliter le dialogue entre les récupérateurs et les autorités publiques ; et à aider à mobiliser des fonds.

Dans le cadre d’un système de bonne gestion des produits appliqué aux matériaux d’emballage, la ville de Bogota verse une prime de réacheminement de 50 USD par tonne aux récupérateurs de déchets qui vendent leurs produits aux points d’achat agréés, lesquels comptabilisent les quantités de matières (toutes catégories confondues) achetées aux recycleurs et transmettent cette information aux autorités de la ville. Ces points d’achat intermédiaires ne font affaire qu’avec les récupérateurs de déchets membres d’associations reconnues, pour les pousser à rejoindre l’une de ces structures agréées. La ville transfère les crédits par virement bancaire. Ainsi, les récupérateurs de déchets ont l’obligation de participer à l’économie formelle afin de recevoir leur prime.

Certes inclusif, le système colombien n’en demeure pas moins incomplet. En effet, il ne concerne pas l’ensemble des producteurs et ne couvre pas la totalité des matériaux d’emballage. En outre, tous les récupérateurs de déchets ne rejoignent pas une coopérative et certains points d’achat intermédiaires non autorisés continuent de fonctionner en dehors du système. Il est nécessaire de procéder à une analyse plus poussée pour estimer dans quelle mesure le système réussit à favoriser le recyclage des déchets d’emballage plutôt que leur élimination et quelles sont les conséquences du « recyclage inclusif ». Un Observatoire a été créé pour approfondir certaines de ces questions

Source : Voir le chapitre 5 pour plus de détails.

L’échec des politiques traditionnelles appliquées aux récupérateurs informels et la reconnaissance du rôle positif qu’ils peuvent jouer ont donné lieu à tout un éventail de nouvelles démarches visant à inclure ces travailleurs dans les systèmes de gestion de déchets officiels. Parmi elles figurent :

  • Les interventions fondées sur les droits, qui visent généralement à accompagner les groupes de récupérateurs de déchets et leurs familles dans leurs démarches pour défendre leurs droits de travailleur et de citoyen et à fonder des associations afin de donner plus de poids à leurs revendications.

  • L’intégration du secteur informel, parfois désignée sous le terme de recyclage inclusif. Cette démarche implique de reconnaître le rôle des récupérateurs informels, au travers de contrats ou d’accords officiels, de titres d’identité ou d’autorisations, par exemple. Elle peut également favoriser la création de coopératives et d’associations professionnelles, au sein desquelles les recycleurs informels sont considérés comme des entrepreneurs ou des entreprises.

  • La formalisation consiste à aider les récupérateurs de déchets à se conformer à la législation fiscale et aux règles commerciales, à s’immatriculer en tant qu’entreprises et à accepter de se plier aux lois et à la réglementation. Cette démarche ne suppose aucune mesure de réciprocité de la part des pouvoirs publics.

  • La professionnalisation et l’accès aux financements. Cette démarche vise à soutenir les recycleurs informels établis au sein de microentreprises ou d’entreprises familiales autonomes et qui, en raison de leurs origines ethniques ou de leur statut social ou d’immigrés, ne disposent que d’un accès limité aux services de financement ou services aux entreprises, voire ne bénéficient d’aucune de ces prestations. Cette initiative essentiellement centrée sur la demande vise à développer les connaissances, les capacités, les compétences professionnelles et l’accès aux matières et aux financements.

  • Activités de la chaîne de valeurs interentreprises B2B. Cette démarche suppose un soutien de la chaîne de valeur sous la forme d’un préfinancement du stock et/ou de la mise à disposition d’infrastructures et d’équipements.

L’objectif devrait être, idéalement, de mettre en place des arrangements permettant d’assurer que le secteur informel ne travaille pas contre le secteur privé, et d’offrir des opportunités d’emplois viables et sans danger. Les obstacles ne doivent pas cependant être sous-estimés ; par exemple, le « picorage » et le vol de matières par les récupérateurs de déchets peuvent compromettre la viabilité financière des filières officielles, et les recycleurs informels peuvent contourner les réglementations relatives au démantèlement des produits contenant des substances toxiques. Les enseignements tirés des initiatives menées actuellement pour intégrer les récupérateurs de déchets aux systèmes de gestion officiels apporteront des informations utiles pour guider l’action publique dans ce domaine.

Recommandations relatives à l’intégration des travailleurs informels dans les systèmes de REP des économies émergentes et en développement
  • Le rôle des recycleurs informels devrait être reconnu : dans de nombreuses économies émergentes, la plupart des matières collectées, traitées et revendues sur la chaîne de valeur du recyclage sont le fruit de leur travail.

  • Les villes des économies émergentes devraient chercher à tirer parti au mieux des connaissances des récupérateurs de déchets et des intermédiaires des points d’achat, car ce sont souvent les seules parties prenantes dotées d’une expérience sur le terrain, du savoir-faire nécessaire pour optimiser le recyclage sur le marché local, et de la capacité à s’adapter rapidement aux nouvelles opportunités offertes par le marché et la chaîne de valeur.

  • Les recycleurs informels devraient être invités à mettre leur expérience et leur expertise au service de l’ensemble des processus de prise de décisions publiques. Ils devraient en outre prendre part à la conception, au suivi et à l’évaluation des systèmes de recyclage et de valorisation ainsi qu’à la définition de normes de qualité.

  • Les producteurs, les communes et les recycleurs devraient coopérer (ou du moins essayer) afin de renforcer ou d’instaurer le tri en amont des matières recyclables, des déchets organiques et des résidus, au niveau des entreprises et des ménages. Ces opérations de tri en amont représentent une aide précieuse pour les systèmes de REP. Les activités en aval, notamment le démantèlement et le recyclage, peuvent se révéler plus problématiques et il revient aux autorités de faire respecter les normes environnementales applicables en la matière.

  • Les pouvoirs publics devraient travailler avec les recycleurs informels pour collecter des données relatives à la production de déchets et aux taux de recyclage. Il n’est pas permis de supposer qu’aucun recyclage n’est effectué.

  • Les connaissances et les ambitions des recycleurs informels devraient être prises en considération dans l’établissement des bonnes pratiques internationales pour intégrer les travailleurs informels aux systèmes officiels de gestion des déchets et prendre la pleine mesure des problèmes de santé, de sécurité et de protection sociale, et des aspects financiers.

  • Dans les économies émergentes, les systèmes de REP devraient éviter de prendre part au recyclage des matières là où les chaînes de valeurs privées sont susceptibles de bien fonctionner. Les systèmes de REP offrent davantage de possibilités aux parties prenantes, y compris aux recycleurs informels, lorsqu’ils visent à remédier à des défaillances du marché : flux de déchets à fort impact environnemental, matières de faible valeur, matières recyclables difficiles à démanteler ou recyclage effectué dans des régions où peu d’acheteurs de la chaîne de valeur se situent à une distance raisonnable.

  • L’accent devrait être mis sur l’établissement de partenariats avec les entreprises informelles, les microentreprises et les petites entreprises, de recyclage plutôt que sur les partenariats public-privé, qui sollicitent plus les pouvoirs publics que la communauté hôte.

  • Associer les autorités locales, les associations communales, les administrations centrales, les communautés économiques régionales et les institutions bilatérales ou multilatérales au développement des systèmes de REP ; évaluer, faire connaître et utiliser les bonnes pratiques de partenariat avec les recycleurs informels afin de guider les politiques publiques et la législation ; et utiliser ces partenariats et activités pour encourager la reconnaissance du secteur du recyclage informel.

2.7. Remarques finales

Depuis 2001, la REP s’est imposée parmi les moyens d’action utilisés par les décideurs. Elle a encore gagné du terrain ces dernières années compte tenu de l’importance accordée à la productivité des ressources et à l’économie circulaire.

On a des raisons de penser que les systèmes de REP ont rempli leur principale mission, qui était de transférer vers les producteurs la responsabilité du traitement des produits en fin de vie, précédemment assumée par les communes et les contribuables. Ils ont aussi probablement permis de réduire la part des déchets destinés à une élimination finale et d’accroître les taux de recyclage. En revanche, les systèmes de REP se sont révélés moins efficaces pour encourager la conception de produits plus respectueux de l’environnement.

Toutefois, le manque de données, les problèmes méthodologiques et la difficulté de procéder à des comparaisons font qu’il est difficile d’évaluer précisément l’impact de ces systèmes. De la même manière, il n’est pas possible d’identifier les bonnes pratiques ou les modèles les plus rentables, et l’on en sait trop peu pour évaluer la contribution réelle ou potentielle de la REP à l’appui de la croissance verte. La principale recommandation à retenir serait probablement de faire en sorte que les systèmes de REP soient plus transparents et communiquent les informations nécessaires pour évaluer leurs performances, ce qui permettrait de déterminer comment les rendre plus efficients et efficaces.

Bon nombre des recommandations tirées du Manuel de 2001 demeurent d’actualité et devraient être appliquées de manière plus systématique. L’efficacité des systèmes de REP pourrait aussi être améliorée de nombreuses manières, en visant des objectifs plus ambitieux, en élargissant la gamme des produits couverts, en internalisant davantage les coûts environnementaux et en renforçant le contrôle de l’application, notamment pour limiter les comportements opportunistes et les fuites. Il importe en particulier de redoubler d’efforts pour renforcer les incitations en faveur de l’éco-conception des produits. L’éco-conception pourrait aussi être améliorée en associant la REP à des initiatives d’innovation plus larges et, dans le cas de produits entrant dans les échanges internationaux, en harmonisant les caractéristiques de conception ayant un impact sur l’environnement.

Il convient de veiller constamment à ce que les marchés de produits soumis à la REP restent ouverts au jeu de la concurrence. En effet, à mesure de l’essor et de la concentration des industries du recyclage et de la gestion de déchets, les gains financiers potentiels pour les producteurs, de même que les pertes de bien-être pour la société résultant de comportements anticoncurrentiels, ont augmenté. Le manque de transparence accroît les préoccupations suscitées par ces comportements.

Les systèmes de REP mis en place actuellement dans les économies émergentes ne sont pas nécessairement bâtis sur les modèles utilisés dans les pays de l’OCDE et ciblent, pour la plupart, des produits ayant une valeur économique. Ces systèmes dépendent davantage de transactions financières et ont favorisé l’émergence d’un secteur informel du recyclage, qui compte actuellement quelque 20 millions de personnes. Bien que de nouvelles approches soient mises en œuvre pour intégrer ces travailleurs dans les systèmes officiels de gestion des déchets, un grand nombre d’entre eux continuent d’exercer leurs activités dans des conditions dangereuses et vivent dans la précarité.

Le contexte international a profondément changé depuis l’avènement des premières politiques de REP : de nouvelles puissances économiques ont fait leur apparition à l’échelle mondiale, les chaînes de valeurs des produits se sont complexifiées et ont dépassé les frontières nationales, les évolutions technologiques (Internet en tête) modifient les modes de communication et de consommation, et les marchés de certaines matières et flux de déchets sont devenus très volatils. Dans ce contexte, les systèmes de REP vont devoir poursuivre leur évolution pour devenir des outils de gestion des déchets plus efficaces et accompagner la transition vers des économies plus sobres en ressources.

On trouvera dans les quatre chapitres suivants l’analyse réalisée à l’appui de l’établissement d’orientations actualisées répondant mieux aux besoins des décideurs. Quatre aspects y sont développés : la conception et la gouvernance des systèmes de REP (chapitre 3) ; les comportements anticoncurrentiels observés dans les systèmes de REP, problème qui a pris de l’ampleur avec la croissance et la concentration accrue des secteurs des déchets et du recyclage (chapitre 4) ; le rôle des systèmes de REP en faveur d’une conception des produits respectueuse de l’environnement (chapitre 5) ; et le fonctionnement des systèmes de REP dans les économies émergentes, en particulier le rôle important du secteur informel de gestion des déchets (chapitre 6).

Références

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Sites internet:

http://proeurope4prevention.org/packagings-trends.

Notes

← 1. Cependant, sachant que la redevance passe de 0.01 à 0.02 par unité, l’effet de la différenciation est probablement négligeable.

← 2. Le Nordic Waste Group travaille sous la houlette du Conseil nordique des Ministres (qui rassemble les Premiers Ministres norvégien, suédois, danois, finlandais et islandais) dans le but d’encourager le traitement durable des déchets dans les pays nordiques et en Europe.