Chapitre 1. Aperçu de la responsabilité élargie des producteurs

Ce chapitre fournit une introduction à la responsabilité élargie des producteurs (REP) en discutant la raison d’être de cet instrument, les principaux moyens d’action ainsi que les tendances les plus importantes. Il trouve qu’il y a eu une hausse considérable dans l’utilisation des systèmes de REP pendant la dernière quinzaine d’années, avec quelques 400 systèmes en fonctionnement à travers le monde, la plupart dans les pays de l’OCDE. Ceci a conduit à des résultats importants, notamment à l’augmentation du taux de récupération des matières provenant de plusieurs flux de déchets et à la génération de ressources financières significatives de la part des producteurs qui contribuent maintenant à un marché qui vaut près de 300 milliards d’euros globalement. Un certain nombre de régions où les systèmes de REP doivent être renforcés sont aussi identifiés.

  

1.1. Introduction

La responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la gestion en fin de vie des produits a fait son apparition dans plusieurs pays de l’OCDE a la fin des années 80. Il s’agissait de répondre aux problèmes rencontrés par beaucoup de communes pour gérer des flux de déchets de plus en plus importants et complexes, face à un public souvent hostile à l’implantation de décharges. La politique de REP a cherché à déplacer vers les producteurs la charge de la gestion de certains produits en fin de vie assumée par les communes et les contribuables. L’idée était que la redéfinition des responsabilités, et les signaux ainsi adressés aux producteurs pour les inciter à repenser leurs produits et emballages, réduirait la part des déchets destinés à une élimination finale et accroîtrait celle du recyclage.

L’OCDE a offert une plateforme pour la mise en commun des bonnes pratiques et l’analyse des problèmes communs concernant les dispositifs de REP. À l’issue d’un travail de recherche considérable et d’échanges de vues entre responsables publics, l’OCDE a publié en 2001 un Manuel à l’intention des pouvoirs publics sur la responsabilité élargie des producteurs (dans la suite le « Manuel de 2001 »), afin d’aider les pays membres à mettre en œuvre des politiques de REP. Depuis, le nombre de systèmes de REP et leur diversité ont considérablement augmenté, non seulement dans les pays de l’OCDE mais aussi dans les économies émergentes. Dans de nombreux pays, les dispositifs de REP ont contribué à réduire la part des déchets destinés à une élimination finale et stimulé la valorisation matières et la valorisation énergétique des déchets, améliorant ainsi la productivité des ressources de ces économies. Dans le même temps, ces systèmes ont assuré le développement d’une industrie du recyclage de plusieurs milliards de dollars.

La première partie de ce rapport présente une mise à jour des orientations sur la REP ; en prenant pour point de départ le Manuel de 2001, il passe en revue les évolutions intervenues et enseignements tirés depuis cette date. Bien que bon nombre des recommandations initiales demeurent valides, l’expérience récente semble indiquer que de nouvelles orientations pourraient permettre d’améliorer l’efficacité environnementale et l’efficience économique des dispositifs de REP.

Le premier chapitre commence par un bref résumé sur la raison d’être des politiques et les principaux instruments de mise en œuvre de la REP. Il passe ensuite en revue les principales évolutions suivies par les systèmes de REP. Le chapitre suivant vise à réunir les principaux éléments du Manuel de 2001 et les résultats et recommandations issus des dernières analyses consacrées aux systèmes de REP. Pour conclure, une dernière section évoque certains défis auxquels il faudra s’attaquer.

Pour étayer l’élaboration d’orientations plus actuelles et pertinentes pour l’action publique, quatre aspects ont fait l’objet d’un examen plus poussé.. Ceux-ci sont présentés dans la deuxième partie de cette étude : la conception et la gouvernance des systèmes de REP (chapitre 3) ; les comportements anticoncurrentiels observés dans les dispositifs de REP, préoccupation grandissante à mesure de l’essor et de la concentration des secteurs des déchets et du recyclage (chapitre 4) ; le rôle des systèmes de REP en faveur de la conception de produits plus respectueux de l’environnement (chapitre 5) ; et le fonctionnement des systèmes de REP dans les économies émergentes, en particulier l’importance du secteur informel des déchets (chapitre 6). Ces chapitres contiennent des analyses plus complètes de ces aspects.

1.2. Raison d’être de la politique en matière de REP et moyens d’action

1.2.1. Définition et raison d’être

L’OCDE a défini la REP comme un instrument de politique environnementale qui étend les obligations du producteur à l’égard d’un produit jusqu’aux stades de son cycle de vie situés en aval de la consommation. Dans la pratique, la REP transfère aux producteurs la responsabilité de la collecte des produits en fin de vie, et celle du tri de ces produits avant leur traitement final, idéalement leur recyclage. Les dispositifs de REP peuvent permettre aux producteurs d’assumer leurs responsabilités en fournissant les ressources financières requises et/ou en déchargeant les communes des aspects opérationnels et organisationnels. Ils peuvent fonctionner individuellement ou collectivement.

Le concept de REP n’était pas entièrement nouveau ; les marchés du recyclage existaient bien avant les années 80, en particulier pour les produits en fin de vie présentant une valeur commerciale. Ces marchés étaient toutefois assez circonscrits et présentaient de nombreuses imperfections. Pour cette raison, le niveau de recyclage n’était pas socialement optimal et le traitement des déchets résiduels était à la charge des communes. À partir de la fin des années 80, les capacités de traitement des communes ont été insuffisantes pour faire face au volume et à la complexité des déchets produits dans la plupart des économies développées. La tâche des communes s’est trouvée par ailleurs compliquée par l’opposition du public à l’implantation de nouvelles décharges et d’incinérateurs, illustration du phénomène NIMBY (pas de ça chez moi). Le secteur public étant le principal intervenant, les possibilités de mobiliser les compétences techniques et managériales du secteur privé pour gérer les déchets n’étaient pas exploitées. La REP visait à remédier à ces problèmes en transférant la charge financière de la gestion des produits en fin de vie, des communes et contribuables vers les producteurs. L’idée était de réduire le volume de déchets destinés à une élimination finale, d’accroître les taux de recyclage et d’encourager la prévention de la productionde déchets et la réduction des déchets à la source.

La politique de REP met en application le principe pollueur-payeur dans la mesure où la responsabilité financière du traitement des produits en fin de vie est transférée, des contribuables et communes, vers les producteurs. Cependant, elle ne vise pas à elle seule à internaliser l’intégralité des coûts environnementaux ; cela exigerait en effet de fixer un prix environnemental pour un large éventail de flux de déchets présentant des caractéristiques environnementales très diverses, ce qui est irréalisable. La politique de REP entend cependant inciter les producteurs à internaliser les coûts environnementaux tout au long du cycle de vie des produits dès le stade de la conception. Les systèmes de REP entendent encourager les producteurs à concevoir, ou modifier la conception de, leurs produits et emballages afin de faciliter leur gestion en fin de vie, et d’éviter d’utiliser des matières susceptible de créer des risques pour la santé humaine ou l’environnement. Certains produits peuvent en effet nécessiter de grandes quantités de ressources avant de pouvoir être recyclés.

1.2.2. Moyens d’action

On distingue quatre grandes catégories d’instruments de REP, qui peuvent cependant parfois se combiner (voir aussi le graphique 1.1) :

  • Les obligations de reprise confèrent, aux producteurs ou aux détaillants par exemple, la responsabilité de la gestion en fin de vie des produits. Ce type d’obligation est souvent assumé en fixant des objectifs de recyclage et de collecte pour un produit ou une matière. Les objectifs peuvent être obligatoires ou facultatifs. Une autre approche consiste à inciter les consommateurs à restituer les produits à certains points de reprise, notamment aux points de vente.

  • Les instruments économiques et de marché permettent d’appuyer la mise en œuvre des politiques de REP en offrant des incitations financières. Ils peuvent revêtir diverses formes :

    • systèmes de consigne : une somme initiale (consigne) est versée à l’achat puis remboursée en partie ou en totalité lorsque le produit est rapporté à un point de reprise répertorié.

    • redevances d’élimination préalables (ADF) : redevances perçues à l’achat de certains produits et calculées en fonction du coût estimé de collecte et de traitement. Ces redevances peuvent être perçues par des entités publiques ou privées, et utilisées pour financer le traitement en aval de la consommation des produits visés. Les redevances non utilisées peuvent être remboursées aux consommateurs.

    • taxes sur les matières : taxes appliquées aux matières premières vierges (ou aux matières difficiles à recycler, toxiques, etc.) pour encourager l’utilisation de matières secondaires (recyclées) ou moins toxiques. Dans l’idéal, le taux devrait être fixé de façon que le coût marginal de la taxe soit égal au coût marginal de traitement. Le produit de la taxe devrait être affecté au financement de la collecte, du tri et du traitement des produits en aval de la consommation.

    • dispositif combinant subventions et taxes en amont (UCTS) : taxe acquittée par les producteurs dont le produit sert ensuite à subventionner le traitement des déchets. Ce dispositif incite les producteurs à modifier les matières utilisées comme intrants et la conception des produits, et offre un mécanisme de financement qui permet de soutenir le recyclage et le traitement.

  • Les réglementations et normes de performance, telles que les prescriptions de teneur minimum en matières recyclées, peuvent encourager la reprise des produits en fin de vie. Conjuguées à l’application d’une taxe, ces normes peuvent inciter les producteurs à modifier la conception des produits. Les normes peuvent être obligatoires ou peuvent être appliquées à l’initiative des industries sur la base du volontariat.

  • Les instruments d’information ont pour but de sensibiliser le public pour soutenir indirectement les programmes de REP. En font partie les obligations de notification, l’étiquetage des produits et de leurs ingrédients et composants, la communication consommateurs sur la responsabilité des producteurs et le tri des déchets, et l’information des recycleurs sur les matières entrant dans la composition des produits.

Graphique 1.1. Moyens d’action en matière de REP dans le cycle des produits
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Note : ADF : redevance d’élimination préalable UCTS : dispositifs combinant taxes et subventions en amont

Source : OECD (2013), What have we learned about extended producer responsibility in the past decade? – A survey of the recent EPR economic literature, Paris.

Le Manuel de 2001 constate que la plupart des systèmes de REP en place à cette époque étaient assortis d’objectifs ou de contingents. Ceux-ci pouvaient être exprimés en termes quantitatifs ou qualitatifs et de différentes façons en fonction de l’objectif principal : taux de réutilisation/réemploi ou de recyclage, volume de déchets collectés ou destinés à une élimination finale, contingents de rendement ou objectifs de qualité environnementale.

1.3. Principales tendances et résultats donnés par les systèmes de REP

Cette section passe en revue quelques tendances lourdes ainsi que les résultats donnés par les systèmes de REP depuis la publication du Manuel de 2001. On constate que le nombre de systèmes de REP a fortement augmenté. La plupart ont été mis en place dans l’UE et aux États-Unis, aux niveaux national et infranational, souvent en réponse à des obligations législatives. Ces filières gèrent différents produits en fin de vie et emploient un nombre limité d’instruments. Les mécanismes de gouvernance ont continué d’évoluer en écho aux contextes très variés dans lesquels ces systèmes ont été établis et aux objectifs spécifiquement visés.

L’évaluation des impacts des systèmes de REP se heurte à un grave déficit de données, à des difficultés méthodologiques, notamment pour isoler les impacts des systèmes de REP des autres facteurs, et à la grande diversité des systèmes de REP qui limite les possibilités de comparaison. Cependant, il y a lieu de penser que les systèmes de REP ont contribué à réduire le volume de déchets destinés à une élimination finale, d’accroître les taux de recyclage, et partant, d’alléger les pressions sur les budgets publics. Les systèmes de REP ont également contribué au développement d’une industrie des déchets et du recyclage de plusieurs milliards de dollars. En revanche, il est généralement admis que bien qu’ils aient contribué à l’éco-conception dans certains pays et certains secteurs, les systèmes de REP sont rarement suffisants pour jouer le rôle de déclencheur.

1.3.1. Principales tendances

Tendances dans l’adoption de systèmes de REP

L’adoption de systèmes de REP s’est accélérée depuis 2001, les politiques de gestion des déchets ayant pris de l’importance dans beaucoup de pays. Une étude récente (OCDE, 2013) a passé en revue 384 mesures de REP dont plus de 70 % ont été mises en œuvre depuis 2001. Sur ces dernières, 11 % ont vu le jour au cours des quatre dernières années (graphique 1.2).

Graphique 1.2. Cumul des mesures de REP adoptées globalement, 1970-2015
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Source : OECD (2013), What have we learned about extended producer responsibility in the past decade? – A survey of the recent EPR economic literature, Paris.

Les mesures de REP concernent majoritairement les petits appareils électroniques de grande consommation (voir le graphique 1.3). Avec les téléphones mobiles, les piles rechargeables, les thermostats et les commutateurs de véhicules, ils représentent 35 % des mesures de REP à l’échelle mondiale. Les emballages (récipients de boisson compris) et les pneumatiques représentent chacun 17 %. Les véhicules hors d’usage (7 %) et les batteries au plomb (4 %) constituent les deux autres grandes catégories de produits couverts. Les 20 % restant concernent des produits moins courants, tels que les huiles usagées, les peintures, les produits chimiques, les gros appareils et les ampoules fluorescentes. On constate ainsi que les dispositifs de REP visent principalement des produits dont l’élimination peut coûter cher et dont la consommation est relativement importante, et qu’ils réagissent ainsi aux mesures publiques et au jeu du marché. Les systèmes de REP ont été moins utilisés pour des produits dont le niveau de consommation est relativement faible.

Graphique 1.3. REP par type de produit au niveau mondial/dans le monde
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Source : OCDE (2013), What have we learned about extended producer responsibility in the past decade? – A survey of the recent EPR economic literature, Paris.

Les systèmes de REP font appel à différents moyens d’action (graphique 1.4) l’obligation de reprise, appliquée sous diverses formes et parfois en conjugaison avec des redevances d’élimination préalables, y occupant une place prépondérante (72 % à l’échelle mondiale). Cet instrument est utilisé pour de nombreux types de produits. Viennent ensuite les redevances d’élimination préalables (16 %), employées également pour une grande variété de produits, puis les systèmes de consigne (11 %), concentrés toutefois sur les marchés des récipients de boisson et des batteries au plomb et parfois associés à des obligations de reprise. Les autres moyens d’action mentionnés dans le Manuel de 2001 (dispositif combinant taxes et subventions en amont, normes de teneur minimum en matières recyclées et taxes sur les matières premières vierges) ne sont guère, voire pas du tout, utilisés.

Graphique 1.4. REP par type de mesure au niveau mondial
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Source : OCDE( 2013), What have we learned about extended producer responsibility in the past decade? – A survey of the recent EPR economic literature, Paris.

Si l’on considère la répartition régionale des dispositifs de REP (graphique 1.5), on constate que 90 % d’entre eux se concentrent dans l’UE et en Amérique du Nord. Aux États-Unis, on observe une légère préférence pour les systèmes de consigne et les redevances d’élimination préalables. Ces instruments trouvent leur place dans un peu moins de la moitié des dispositifs en place au niveau des États, contre 21 % dans le reste du monde. En termes de produits couverts, il existe des variations entre régions. Dans l’UE, 34 % des mesures concernent l’électronique, 18 % les emballages, 14 % les pneus, et 20 % les véhicules/batteries automobiles. Aux États-Unis, 50 % des mesures visent l’électronique, 8 % les emballages, 24 % les pneus, et 7 % les véhicules/batteries automobiles.

Graphique 1.5. Distribution régionale des systèmes de REP
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Source : OCDE (2013), What have we learned about extended producer responsibility in the past decade? – A survey of the recent EPR economic literature, Paris.

Une autre enquête récente (Tasaki et al., 2015) a cherché à étudier comment les différentes parties prenantes perçoivent le concept de REP dans différents pays1. Les personnes interrogées ont été invitées à indiquer quels résultats attendre des systèmes de REP. Sur 16 réponses, les trois premières étaient : augmenter les possibilités de désassemblage ou de recyclage d’un produit ; réduire l’impact environnemental d’un produit ; et promouvoir le recyclage ou la valorisation. Les trois dernières étaient : réduire les coûts de gestion des déchets ; promouvoir la valorisation ; et promouvoir de nouveaux modèles d’entreprises. Les réponses variaient selon les régions et les parties prenantes. Bien qu’il soit difficile de tirer des conclusions générales, les résultats de l’enquête permettent de mieux cerner les différentes attentes des parties prenantes et des pays en matière de REP, de même que la diversité des systèmes de REP.

Rôle du cadre juridique et de l’action publique à l’appui des systèmes de REP

Au sein de l’Union européenne (UE), tous les États membres ont mis en place des systèmes à REP de reprise pour les quatre flux de déchets visés par les Directives de l’Union : emballages, batteries, VHU et déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Certains objectifs de recyclage sont actuellement revus dans le cadre d’un examen général de la politique de gestion des déchets de l’UE. Bien que la législation européenne en matière de déchets définisse le cadre d’action général, les aspects opérationnels des systèmes de REP dépendent de la législation nationale des États membres. En conséquence, la conception et la mise en œuvre des politiques de REP est très hétérogène à l’intérieur de l’UE. Certains États membres de l’UE ont également mis en place des systèmes de REP pour des produits qui ne sont pas directement visés par la législation de l’UE, comme les pneus, le papier graphique, les huiles ou les déchets médicaux.

Encadré 1.1. Le cadre juridique de la responsabilité élargie des producteurs en Australie et au Canada

La National Waste Policy de l’Australie (NWP) établit un programme très complet de mesures nationales et coordonnées et marque un tournant décisif de la politique nationale de gestion et de valorisation des déchets en ce sens qu’elle définit une approche commune pour tout le pays, sachant que la gestion des déchets relève principalement de la responsabilité des États. La NWP a été adoptée par le gouvernement de l’Australie et par les États, les Territoires et les collectivités locales en 2009. Elle spécifie les domaines sur lesquels l’action publique, à tous les niveaux, doit se concentrer. La bonne gestion des produits faisant partie de ces domaines, les autorités ont élaboré en 2011 une loi sur la bonne gestion des produits (Product Stewardship Act) qui devait s’appliquer pour commencer aux téléviseurs et aux ordinateurs en fin de vie. Cette loi définit un cadre national à l’appui des programmes volontaires, co-réglementaires et obligatoires de bonne gestion des produits. Le dispositif a commencé de fonctionner en mai 2012 et l’industrie a financé les services de recyclage qui ont été progressivement mis en place dans toute l’Australie. Tous les téléviseurs, ordinateurs, imprimantes et équipements périphériques (claviers, souris et disques durs) sont acceptés pour recyclage. Le gouvernement australien a supervisé le développement du dispositif à tous les niveaux d’administration et avec la participation es acteurs de l’industrie (voir l’annexe A).

Au Canada, les responsabilités en matière de gestion et de réduction des déchets sont partagées entre les autorités fédérales, provinciales, territoriales et municipales. Les programmes de REP relèvent des compétences des Provinces et des Territoires, chacun utilisant sa propre méthode pour atteindre des objectifs communs en matière de REP. Le tableau général de la REP au Canada tient compte par conséquent de ces variations provinciales. En 2009, le Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME), qui réunit les ministres de l’Environnement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux,

a mis au point le Plan d’action pancanadien pour la responsabilité élargie des producteurs (PAPREP). Le CCME et ses membres se sont engagés, dans le cadre du PAPREP, à élaborer et mettre en œuvre des programmes de REP afin de donner des orientations sur la façon de renforcer l’usage de la REP et de promouvoir l’harmonisation et la cohérence des programmes dans tout le pays. Le PAPREP a pour objectif d’accroître le détournement et le recyclage des résidus solides municipaux en harmonisant les programmes de REP des Provinces. Dans la phase 1 du PAPREP, les Provinces et les Territoires doivent prendre une série d’engagements, de mise en œuvre de programmes de REP pour les produits électriques et électroniques d’ici à 2015, notamment. Les programmes de REP continuent de relever des compétences des provinces. (voir l’annexe C).

Source : Études de cas préparées pour le Forum mondial de l’OCDE sur la responsabilité élargie des producteurs, 17-19 juin 2014, www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducerresponsibility-june2014.htm.

En Amérique du Nord, les programmes de REP des États Unis et du Canada couvrent une large gamme de produits et sont conçus et mis en œuvre, pour la plupart, au niveau infranational, par les États et les Provinces. Le Plan d’action pancanadien de 2009 pour la REP met l’accent sur un modèle harmonisé axé sur les résultats, qui se traduit dans la plupart des cas par des systèmes dans lesquels les producteurs délèguent collectivement leurs responsabilités sous la supervision des autorités provinciales. Aux États-Unis, il n’existe pas de loi fédérale concernant la REP ; chaque État élabore et applique ses propres mesures, en fonction des conditions locales et de sa dynamique politique. Entre 1991 et 2011, les États des États-Unis ont promulgué plus de 70 textes de loi sur la REP qui exigent généralement l’application de programmes de REP par les entreprises de transformation, mais sans fixer d’objectifs de recyclage. Parallèlement, les producteurs eux-mêmes ont lancé des initiatives de bonne gestion pour assurer la collecte et le recyclage de leurs produits.

Dans la région Amérique latine et Caraïbes (ALC), plusieurs pays dont le Chili et le Mexique qui sont membres de l’OCDE, mais aussi le Brésil, l’Argentine et la Colombie, ont pris récemment des mesures pour mettre en œuvre leurs premiers systèmes de REP qui se concentrent pour la plupart sur les grands marchés des déchets électroniques potentiellement dangereux. En 2013, le Chili a soumis au Congrès un projet de législation sur la REP en réponse à une recommandation formulée dans le cadre de son adhésion à l’OCDE, afin de renforcer sa politique de gestion des déchets. La législation a été approuvée par la Chambre des députés en 2015 et est en cours d’examen au Sénat. La plupart des mesures de REP mises en œuvre dans la région ALC n’en sont qu’à leur début et des efforts seront nécessaires pour les rendre pleinement opérationnelles. Dans certains cas, elles sont complétées par des initiatives volontaires lancées par le secteur privé.

Le paysage actuel de la REP en Asie est très contrasté au niveau des pays et varie sensiblement entre pays membres et non membres de l’OCDE. Les économies de l’OCDE comme le Japon et la Corée disposent de systèmes de REP bien établis encadrés par la législation, qui sont étayés par un solide dispositif de suivi et de contrôle. Certaines économies émergentes en plein essor, comme l’Inde et l’Indonésie ont commencé d’élaborer des programmes de REP, qui ne sont pas encore toutefois pleinement opérationnels. La Malaisie et la Thaïlande sont en train de mettre en place des filières à REP pour les déchets électroniques, mais ces initiatives reposent généralement sur la participation volontaire des producteurs. La Chine s’est dotée en 2012 d’un système de REP pour les déchets électroniques, qui commence à donner des résultats.

En Afrique, les politiques de REP et de gestion des déchets en général sont à un stade moins avancé. Les déchets électroniques posent de plus en plus problèmes sur tout le continent. Dans certains pays, les recycleurs informels jouent un rôle important, surtout pour les déchets présentant de la valeur. D’aucuns s’inquiètent de l’impact sanitaire et environnemental de ces activités (voir ci-dessous). En Afrique du Sud, une loi générale sur la gestion des déchets a été adoptée en 2009 qui autorise le ministre de l’Environnement à imposer des mesures de REP pour certains produits. Bien qu’en Afrique du Sud, la plupart des initiatives aient été lancées à titre volontaire par l’industrie, des réglementations ont été adoptées pour assurer la mise en œuvre de certaines d’entre elles, comme par exemple le programme volontaire de recyclage des pneus.

Évolution des mécanismes de gouvernance

Les mécanismes de gouvernance encadrant les dispositifs de REP ont évolué au cours des dix dernières années dans le sens d’une convergence.

Beaucoup de systèmes de REP sont obligatoires et les dispositifs volontaires, peu utilisés. On dispose de peu d’informations quantitatives systématiques sur la proportion de produits en fin de vie gérée dans une filière REP volontaire ou obligatoire. Toutefois, celles qui existent semblent indiquer que les programmes volontaires ne concernent qu’un petit nombre de produits ou catégories de produits spécifiques dont les producteurs sont incités à assurer la reprise car elle est rentable (voir le chapitre 2). Les programmes volontaires de REP, dits souvent de « bonne gestion des produits », visant l’électronique grand public, les piles rechargeables, les thermostats au mercure et les commutateurs automatiques ont fait l’objet d’un examen aux États-Unis. Alors que ces programmes pourraient s’appliquer à de très nombreuses catégories de produits, l’examen indique que les dispositifs volontaires portent uniquement sur des produits à forte visibilité, comme les téléviseurs ou les ordinateurs (voir le chapitre 4). Il semble de surcroît que les taux de collecte de ces dispositifs soient faibles (voir le chapitre 4). Les systèmes mis en place par les entreprises sur une base volontaire ont toutefois donné certains résultats dans les pays en développement où les programmes obligatoires de REP ne sont pas encore à l’ordre du jour (voir le chapitre 5).

Il existe toute une littérature consacrée aux initiatives environnementales volontaires, mais les systèmes de REP n’y occupent guère de place (OCDE, 2003). L’efficacité de ces initiatives a été mise en doute pour diverses raisons : incapacité à dépasser les résultats d’un scénario au fil de l’eau, captation réglementaire, manque de transparence, contrôle insuffisant et problème des «passagers clandestins». Leur efficacité semble liée à l’existence d’une menace crédible de réglementation et à l’établissement d’un système de gouvernance robuste.

La plupart des systèmes de REP sont des dispositifs collectifs et non individuels. Les dispositifs de REP peuvent être conçus de façon à ce que les producteurs puissent transférer leurs obligations de REP individuellement ou collectivement. Toutefois, dans certains pays, il n’existe pas de distinction claire entre ces deux modèles, et les responsabilités individuelles et collectives sont définies de façon à s’étayer mutuellement (système de REP pour l’électroménager au Japon, par exemple). Des systèmes individuels ont été mis en place pour certains flux de déchets examinés dans une étude récente de la Commission européenne, en particulier lorsque le marché des produits est concentré et que les producteurs peuvent miser sur la viabilité d’un système de reprise (constructeurs automobiles allemands, par exemple - Commission européenne, 2014). Toutefois, dans un grand nombre de cas, les producteurs ont opté pour des systèmes collectifs en se regroupant au sein d’organisations de producteurs responsables (ou éco-organismes, voir l’encadré 1.2) (voir le chapitre 2).

Encadré 1.2. Les organisations de producteurs responsables

La reprise des produits peut se révéler peu pratique et pas particulièrement viable sur le plan économique pour les producteurs si chacun d’eux doit s’en charger lui-même. C’est pourquoi les producteurs optent souvent pour la création d’organisations tierces qui leur permettent de gérer collectivement la reprise des produits (et généralement de faire procéder à leur traitement). Ces organisations de producteurs responsables (OPR) peuvent constituer une structure efficace pour la gestion et la collecte des produits usagés. La nécessité d’une OPR dépend du moyen d’action retenu par les pouvoirs publics et d’autres facteurs, comme le groupe de produits, le nombre de producteurs et d’importateurs et les matières secondaires à collecter. Les avantages d’une OPR en tant que moyen de mise en œuvre d’un programme de REP devraient être étudiés au stade de la conception. La plupart des OPR aujourd’hui en activité sont financées par des redevances perçues directement auprès des producteurs en fonction d’un barème spécifique et les recettes sont utilisées pour couvrir les coûts de la collecte des déchets, du tri et du traitement des déchets.

Source : OCDE (2001), Responsabilité élargie des producteurs : Manuel à l’intention des pouvoirs publics, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264289864-fr.

Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer la prédominance des systèmes collectifs : ils génèrent des économies d’échelle (de densité) ce qui réduit les coûts pour les participants ; ils contribuent à mutualiser les risques entre les participants, en particulier durant la phase difficile de mise en route ; ils peuvent permettre de lutter contre les comportements opportunistes grâce à l’action collective des producteurs et aux pressions par les pairs ; ils peuvent simplifier les opérations et réduire la charge administrative pour les consommateurs, les détaillants et les communes ; et ils offrent aux autorités un moyen de gérer les déchets générés par les produits orphelins.

Les systèmes collectifs de REP peuvent comprendre un ou plusieurs éco-organismes. Les dispositifs de REP peuvent être conçus de façon à ce que les marchés de produits soient desservis par un ou plusieurs éco-organismes. Depuis la publication du Manuel de 2001, les inquiétudes suscitées par les comportements anticoncurrentiels d’éco-organismes en situation de monopole ont encouragé le développement de systèmes de REP faisant intervenir de multiples OPR. Sur les 36 systèmes de REP de l’Union européenne examinés (Commission européenne, 2014), toutes les filières de prise en charge des déchets électroniques étaient gérées par plusieurs éco-organismes. Les piles et batteries étaient aussi fréquemment gérées par plusieurs éco-organismes. En revanche, les VHU étaient toujours gérés par un éco-organisme unique. Le tableau est moins clair en ce qui concerne les systèmes de REP mis en place pour les autres catégories de produits.

Le statut juridique des éco-organismes est également très variable. Les éco-organismes peuvent être des organisations à but non lucratif (le plus souvent), des organismes publics (rarement), des organismes parapublics à but non lucratif (occasionnellement) et des entreprises à but lucratif (occasionnellement). Dans l’étude des systèmes de REP de l’UE, 13 des 36 systèmes faisaient appel à des éco-organismes à but lucratif.

L’une des grandes tendances observées sur les marchés où opèrent plusieurs éco-organismes est la création d’organismes coordonnateurs. Ces organismes neutres se chargent de coordonner les travaux des éco-organismes en assurant que la collecte est assurée partout où elle est nécessaire, qu’il n’y a pas de « picorage », et que les conditions sont équitables pour tous. La coordination peut donc améliorer l’efficience en assurant que les activités des organismes en situation de concurrence ne se chevauchent pas. Les organismes coordonnateurs recueillent souvent des données auprès des producteurs ou des prestataires de services et servent de mécanisme pour gérer les données propriétaires.

Le rôle des communes change et tend à se réduire

Dans certains pays, l’élargissement du rôle et des responsabilités assumés par les éco‐organismes a conduit à une redéfinition de leurs relations avec les communes. C’est le cas notamment pour des groupes de produits comme les emballages et les déchets électroniques, pour lesquels les communes jouent un rôle important2. Si dans beaucoup de systèmes de REP, les communes continuent de participer activement aux opérations de collecte et de traitement des déchets, il arrive que, dans d’autres, elles ne jouent aucun rôle. Par exemple, dans les filières emballages d’Allemagne, d’Autriche et de Suède, les responsabilités opérationnelles et financières de la collecte, du tri et du recyclage ont été entièrement transférées aux producteurs. Les éco-organismes et les communes gèrent des systèmes de collecte séparés ; on parle alors de « systèmes duals ». Les communes peuvent servir de sous-traitant aux éco-organismes, en assurant des services locaux, mais leur rôle dans les systèmes de REP n’est pas automatique.

De nouveaux mécanismes de gouvernance sont apparus depuis 2001. Depuis la publication du Manuel de 2001, deux nouveaux systèmes de gouvernance des dispositifs de REP ont fait leur apparition : les certificats négociables et les systèmes de REP gérés par les pouvoirs publics (voir le chapitre 3).

Dans un système de crédits négociables, un producteur a rempli ses obligations REP lorsqu’il récolte le nombre de crédits qui lui a été alloué pour les produits en fin de vie collectés et traités. À ce jour, la filière à REP emballages du Royaume-Uni est le seul système opérationnel de crédits négociables. Les entreprises se voient attribuer une part des obligations applicables en fonction de leur position dans la chaîne d’approvisionnement et de l’objectif de récupération pour la matière utilisée dans les emballages. Le dispositif de gouvernance ressemble à un système à éco-organismes multiples, mais le rôle des producteurs y est plus modeste car ils ne financent qu’environ 10 % des coûts et n’interviennent pas dans les opérations. De même, contrairement aux systèmes de REP faisant appel à des éco-organismes, l’État joue un rôle en vérifiant que le recyclage a bien eu lieu. Compte tenu du peu d’expérience qu’on a de cet instrument, il est difficile de dire s’il pourrait être plus largement déployé. Cependant, compte tenu des avantages que pourraient en théorie présenter ces approches par le marché, les prochaines évaluations des performances de la filière emballage du Royaume-Uni seront suivies avec attention, et pas qu’au Royaume-Uni.

Le concept de REP implique que les producteurs assument la responsabilité du traitement de leurs produits en fin de vie. Dans certains pays cependant, l’État joue un rôle direct dans la collecte et le versement des redevances. De tels systèmes ont par exemple été instaurés en Chine pour les déchets électroniques, au Taipei chinois pour tous les produits couverts par la REP, dans plusieurs États des États-Unis et dans l’Alberta, au Canada. Dans ces pays, l’État semble plus interventionniste que dans d’autres pays comme le Danemark, la Hongrie et l’Islande, qui prélèvent une taxe sur les produits et/ou emballages. Une partie seulement des recettes sert à couvrir les coûts de traitement en fin de vie des produits, et le produit de la taxe va majoritairement au trésor public. Les systèmes de REP dans lesquels l’État est très impliqué peuvent présenter des avantages dans les économies où l’industrie n’a pas la capacité de mettre en place et de gérer son propre système. Ce fonctionnement peut cependant retarder ou prévenir la prise en charge par les producteurs des responsabilités qu’implique le concept de REP.

1.3.2. Impacts des dispositifs de REP

Plus de 20 années se sont écoulées depuis la mise en place des premiers systèmes de REP et il est aujourd’hui possible, à la lumière de l’expérience acquise, d’évaluer leurs performances environnementales et économiques.

Données attestant que les systèmes de REP ont contribué à réduire les quantités de déchets éliminés et à accroître le recyclage

En dépit du déficit de données et des problèmes méthodologiques à surmonter pour mettre les évolutions observées au compte de l’une ou l’autre des mesures prises par les pouvoirs publics, on constate que les quantités de déchets à éliminer ont diminué et que le recyclage a progressé dans les pays de l’OCDE. Le graphique 1.7 montre qu’entre 1995 et 2011, la quantité de déchets produits par habitant dans la zone de l’OCDE a augmenté de 520 à 530 kg (OCDE 2015). Le chiffre enregistré en 2011 indique cependant un recul par rapport aux 560 kg relevés en 2000 et en 2005. De plus, la valorisation matières, qui représentait 19 % en 1995 dans les pays de l’OCDE, est passée à 33 % en 2010. La valorisation énergétique a augmenté de 17 à 18 % durant cette même période. Le graphique 1.6 montre aussi que les niveaux de valorisation matières varient fortement entre pays de l’OCDE. On peut donc penser que beaucoup pays de l’OCDE peuvent encore faire des progrès pour améliorer leurs taux de recyclage. Des systèmes de REP bien conçus pourraient se révéler utiles à cet égard.

Graphique 1.6. Évolution de la gestion des déchets municipaux solides dans les pays de l’OCDE
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Note : Les déchets municipaux font uniquement référence aux emballages et aux déchets électroniques : les autres types de déchets visés par la REP, pneus et véhicules hors d’usage notamment, ne sont pas pris en compte dans ces chiffres.

Source : OCDE (2015), « Déchets municipaux », Statistiques de l’OCDE sur l’environnement (base de données).

Graphique 1.7. Évolution de la gestion des déchets municipaux solides par pays
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Note : Le total des catégories ici présentées peuvent ne pas compléter 100 % parce que « autres récupérations » et « autres traitements jetables » ne sont pas présentés. Pour l’ Allemagne et l’Italie il y a une rupture dans le séries temporelles.

Source : OCDE (2016), « Déchets municipaux », Statistiques de l’OCDE sur l’environnement (base de données).

Les taux de collecte des déchets varient selon les pays et les types de produit. Les volumes annuels de déchets électroniques collectés en Europe occidentale sont inférieurs à 10 kg par habitant ; en Australie, ce chiffre avoisine 2 kg pour les téléviseurs et les ordinateurs et aux États-Unis, le volume de déchets électroniques collecté par habitant et par an se situe entre 0.3 kg et 4 kg selon les États (voir le chapitre 4). À titre de comparaison, il se vend en moyenne environ 25 kg d’appareils électroniques par habitant et par an en Europe occidentale, près de 30 kg en Australie et plus de 30 kg aux États-Unis.

Une autre étude, portant sur les États membres de l’UE, a aussi conclu que les taux de collecte des huiles, des piles et batteries et des DEEE étaient très variables selon les pays (voir le tableau 1.1 ci-dessous et Commission européenne, 2014). Les taux ne dépassaient généralement pas 80 %, sauf pour les huiles pour lesquelles des taux de 100 % n’étaient pas rares. La même étude conclut que les systèmes de REP ont permis d’assurer des taux de valorisation variables mais plutôt élevés. Les données concernant le Japon semblent aussi indiquer que les systèmes de REP ne sont pas étrangers à l’amélioration du taux de recyclage des récipients et déchets d’emballages ; entre 1997 et 2000, les quantités recyclées sont passées de 1.25 à 1.59 million de tonnes, ce qui marque une hausse de 27 % (OCDE, 2014).3

Tableau 1.1. Performances de quelques systèmes de REP dans l’UE

Taux de collecte (C) ou de recyclage et de récupération (R)

Redevances moyennes acquittées par les producteurs

Piles et batteries

5-72 % (C)

240-5 400 EUR/t

VHU

64-96 % (R)

0-66 EUR/véhicule

Huiles

3-61 % (C)

42-231 EUR/t

Emballages

29-84 % (R)

20-200 EUR/t (moyenne 92)

DEEE

1.2-17.2 kg/cap (C) (moyenne 6.6)

68-132 EUR/t

Source : Commission européenne (2014), « Development of Guidance on Extended Producer Responsibility (EPR) », final report.

Bien que les comparaisons entre pays se heurtent à d’importants problèmes de méthodologie, ces données donnent à penser que beaucoup de pays disposent probablement d’une marge de progression pour améliorer les taux de collecte et de recyclage, par exemple en se fixant des objectifs plus ambitieux et en assurant un meilleur suivi des produits.

La réduction des quantités mises en décharge et le développement du recyclage auront contribué à atténuer différents problèmes d’environnement traditionnellement associés à la gestion des déchets, notamment la pollution atmosphérique par les décharges et incinérateurs, et la contamination des terres et de l’eau. On a constaté plus récemment qu’un meilleur recyclage peut aussi contribuer à atténuer d’autres problèmes environnementaux, notamment la production de gaz à effet de serre (Menikpura et al., 2014). Une analyse plus générale des avantages des politiques de REP pour l’environnement serait utile pour l’évaluation de ces moyens d’action.

L’incidence des systèmes de REP sur l’éco-conception a été moins importante qu’on l’espérait à l’origine

L’un des objectifs visés par les systèmes de REP était d’encourager les producteurs à concevoir leurs produits de façon à réduire leur impact environnemental. Plusieurs démarches peuvent être suivies pour ce faire : choisir des matières à plus faible impact environnemental (par exemple, éviter d’utiliser des substances dangereuses ou employer des ressources recyclées), réduire la quantité de matières utilisée (développer des produits légers ou réduire les emballages), optimiser la durée de vie potentielle du produit (le rendre plus durable ou réutiliser certains de ses composants) et réduire l’impact environnemental du produit en fin de vie (prendre en compte son démontage ou fabriquer des produits monomatières, par exemple).

Cette question a fait l’objet de nombreux travaux de recherche théorique et stratégique qui ont conclu, en dépit des problèmes méthodologiques rencontrés, que l’impact des systèmes de REP sur l’éco-conception a été limité (voir les chapitres 2et 4). De l’avis général, les systèmes de REP favorisent l’éco-conception mais que le véritable rôle de déclencheur revient parfois à d’autres facteurs.

En théorie, les systèmes de REP gérés par une entreprise individuelle encouragent davantage l’éco-conception que les systèmes collectifs : en effet, une entreprise qui assume intégralement les coûts de gestion des déchets a davantage intérêt à réduire ces coûts via l’éco-conception que les entreprises participant à des systèmes collectifs. Cependant, il n’existe pas semble-t-il d’informations empiriques attestant de l’efficacité relative des systèmes de REP individuels et collectifs pour promouvoir l’éco-conception. Au Japon, la conjugaison de systèmes collectifs et d’éléments de responsabilité individuelle des producteurs, de même que l’amélioration de la communication entre les acteurs intervenant en amont et en aval dans la chaîne de valeur (dans le cadre par exemple du dispositif de REP pour l’électroménager – voir l’encadré 1.3 et l’annexe H) ont donné des résultats positifs.

Encadré 1.3. Le dispositif de REP appliqué au Japon pour l’électroménager

Promulguée en juin 1998, la loi sur le recyclage de certains appareils ménagers au Japon est entrée en vigueur en avril 2001. Elle vise à faire baisser le volume de déchets et à améliorer la valorisation matières de ceux-ci. Elle vise quatre catégories d’appareils ménagers : climatiseurs ; téléviseurs ; réfrigérateurs et congélateurs électriques ; et lave‐linge et sèche-linge électriques.

Elle dispose que tout fabricant d’appareils ménagers a l’obligation de mettre en place des sites de collecte spécialisés où sont repris et recyclés les produits qu’il fabrique lorsqu’ils sont arrivés au stade de déchets. Pour répondre à cette obligation, les fabricants ont créé deux groupes concurrents, qui réunissent chacun trois ou quatre des principaux producteurs et détiennent une part comparable du marché. L’un des deux groupes a créé ses propres installations de recyclage, l’autre a passé des contrats avec les opérateurs existants.

Les particuliers et les entreprises qui mettent au rebut un appareil en fin de vie versent une redevance de collecte et de transport et une redevance de recyclage. La traçabilité est assurée grâce à l’emploi de tickets de recyclage attachés aux appareils ménagers (« manifestes ») qui sont remis au consommateur s’étant acquitté de la redevance de recyclage. Ce système de manifestes assure que les appareils ménagers au stade de déchets sont remis à leur fabricant d’origine.

S’il n’y a pas de modulation des coûts de gestion des différentes marques à l’intérieur de chaque groupe de producteurs, il appartient aux producteurs de veiller à ce que des économies de coûts soient possibles grâce à un traitement efficient et à la conception des produits. Il y a donc une concurrence entre les deux groupes de fabricants dont l’enjeu est la minimisation des coûts de recyclage.

L’intégration verticale qui découle de l’application du système japonais de REP pour les appareils ménagers a pour avantage de créer un lien solide entre la gestion en aval des produits en fin de vie et le producteur. Il ressort de certaines données d’observation que ce système crée des incitations tangibles en faveur de l’éco-conception.

Source : Étude de cas sur le dispositif de REP appliqué au Japon pour l’électroménager (voir l’annexe H), Dempsey et al. (2010) et Tojo (2004).

La façon dont les éco-organismes établissent les redevances dans les systèmes collectifs peut avoir des conséquences importantes, plus ou moins favorables à l’éco-conception. Les éco-organismes sont financés par des redevances variables ou fixes. Les redevances fixes sont généralement utilisées pour des produits complexes comme les équipements électroniques, les voitures ou les meubles car il serait difficile de calculer une redevance en fonction de l’impact environnemental de ces produits. Il est plus facile, dans ce cas, d’appliquer une redevance commune. Toutefois, puisqu’il n’existe pas de lien entre la redevance et le coût de gestion des déchets associés au produit considéré, l’incitation créée en faveur l’éco-conception ne peut être que faible et indirecte.

Les OPR à redevances variables concernent principalement les produits monomatières à durabilité limitée, comme les emballages ou le papier graphique. Les redevances sont généralement calculées en fonction du poids ce qui fait que, pour dépenser moins, le producteur est incité à alléger le poids des produits. Certains systèmes offrent aussi des incitations à simplifier le recyclage, par exemple en appliquant des redevances plus élevées aux produits multi-matières (par opposition aux monomatières), et en ciblant d’autres paramètres de conception. En France, pour encourager l’éco-conception, Eco-Emballages, le système de REP pour la filière emballages, applique un malus de 50 % aux emballages en verre avec un bouchon en céramique et aux autres matériaux mixtes difficiles à séparer.

Le tableau 1.2 ci-dessous illustre la diminution du poids des emballages alimentaires en Europe entre 2000 et 2010. L’application de redevances variables pourrait avoir influé sur cette évolution, mais il est difficile de déterminer la contribution des systèmes de REP par rapport à celle d’autres facteurs (par exemple à celle des gains financiers que représente la réduction des matériaux d’emballages).

Tableau 1.2. Diminution du poids des emballages alimentaires en Europe, 2000-10

Emballages et produits

Poids 2000 (kg)

Poids 2010 (kg)

Variation en %

Bouteille d’eau plate de 1.5 l en PET

0.0318

0.0280

-12

Canette en aluminium de boissons non alcoolisées de 330 ml

0.0158

0.0131

-17

Bouteille d’huile d’olive en verre de 250 ml

0.2236

0.2002

-10

Boîte de conserve de poisson de 125 g

0.0343

0.0319

 -7

Sachet en plastique pour 1 kg de pâtes

0.00903

0.00785

-13

Boîte en carton pour aliments secs

0.01388

0.01132

-18

Source : http://proeurope4prevention.org/packagings-trends.

Quelques données indiquent que les systèmes de REP ont contribué à alléger la charge financière pesant sur les budgets publics et les contribuables

L’un des principaux objectifs de la REP est de transférer la charge financière du traitement des produits en fin de vie, des collectivités locales aux producteurs (et en définitive aux consommateurs), ce qui permet d’alléger la charge pesant sur les budgets publics et les contribuables. Certaines données indiquent que cet objectif a été atteint. Par exemple, en France, la dépense totale de gestion des déchets municipaux a été estimée en 2012 à 9.7 milliards EUR. La même année 630 millions d’éco-contributions ont été alloués aux collectivités locales pour couvrir le coût de la collecte et du traitement des déchets. Les organisations de producteurs ont en outre consacré 230 millions EUR au traitement des produits usagés.

Si l’on peut dire que les systèmes de REP ont réduit les coûts pesant sur les budgets publics, il est plus difficile d’évaluer leur rapport coût-efficacité. Les données dont on dispose sont en effet très insuffisantes. Les éco-organismes ne publient généralement pas de données financières, en faisant valoir la plupart du temps qu’il s’agit d’informations commercialement sensibles (pour les éco-organismes et pour leurs membres). L’analyse la plus complète consacrée à cette question a été réalisée dans l’UE (Commission européenne, 2014). Sur la base des données disponibles, cette étude a constaté que les redevances acquittées par les producteurs variaient sensiblement pour toutes les catégories de produits (voir le tableau 1.1 ci-dessus). Cette situation s’expliquait par des différences dans le champ d’application, la couverture des coûts et les coûts réels de la collecte et du traitement. L’étude a conclu que, dans la plupart des cas, les dispositifs les plus performants n’étaient pas nécessairement les plus coûteux. Aucun modèle de REP ne s’est démarqué des autres pour ses bonnes performances ou son rapport coût-efficacité.

Le rapport coût-efficacité des systèmes de REP peut être également envisagé du point de vue du choix des instruments. L’OCDE (2013a) a passé en revue les études économiques consacrées aux systèmes de REP et constate que, « pour un objectif de réduction des déchets donné, le système de consigne apparaît comme la mesure la moins onéreuse, suivie de la redevance d’élimination préalable, les deux ayant été calculées pour donner de meilleurs résultats que les subventions au recyclage hors programme de REP. Après avoir comparé le coût marginal de la réduction des déchets et les avantages sociaux, … une augmentation modeste de la réduction des déchets serait efficiente ». Ces instruments représentaient à eux deux un peu plus d’un quart des systèmes de REP étudiés (11 % pour les systèmes de consigne, et 16 % pour les redevances d’élimination préalables). Toutefois, selon ce rapport, la littérature théorique comporte des lacunes concernant le rapport coût-efficacité d’autres instruments tels que l’obligation de reprise, qui représentait 72 % des instruments passés en revue. Une analyse empirique de l’efficacité-coût des différents instruments de REP utilisés dans la pratique pourrait apporter des informations utiles aux décideurs.

Quelques données indiquent que les systèmes de REP offrent des opportunités économiques et des avantages environnementaux

Outre les avantages environnementaux qu’ils génèrent, les programmes de REP créent diverses opportunités économiques. Ici encore, on manque d’informations, mais on peut citer l’intensification de l’innovation technologique et organisationnelle, la diversification des sources d’approvisionnement en matières, et partant, la sécurité des ressources, ainsi qu’une meilleure organisation des filières d’approvisionnement. Sachant qu’il n’existe pas d’analyses économiques des systèmes de REP, notamment concernant leur rapport coût-efficacité, il n’est pas étonnant que l’on n’ait pas essayé d’analyser leurs coûts et leurs avantages. Compte tenu de l’importance des systèmes de REP comme instrument d’action pour atteindre les objectifs fixés en matière de gestion des déchets et de productivité des ressources, ce type d’analyse serait à l’évidence très utile pour les responsables de l’action publique (OCDE, 2005).

Les opportunités économiques associées à une gestion et un recyclage des déchets écologiquement rationnels peuvent aller dans le sens de la croissance verte. Une étude (Chalmin et Gaillochet, 2009) a estimé qu’au niveau mondial, le secteur des déchets, de la collecte jusqu’au recyclage, représente un marché de plus de 300 milliards EUR. Sur ce total, les déchets municipaux comptaient pour 150 milliards EUR, et les déchets industriels non dangereux, pour le reste. Une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (2011) a indiqué que pendant la période 2004-08, le chiffre d’affaires du secteur européen du recyclage a augmenté de 100 % pour atteindre au moins 60 milliards EUR. Ces secteurs créent et assurent des milliers d’emplois, même si, une fois de plus, les données sont parcellaires. D’autres analyses du rôle des systèmes de REP dans le secteur du recyclage seraient très utiles à l’appui des débats sur la croissance verte.

Références

Agence européenne pour l’environnement (2011), Earnings, jobs and innovation: The role of recycling in a green economy, EEA Report No. 8/2011, www.eea.europa.eu/publications/earnings-jobs-and-innovation-the.

Chalmin, P. and C. Gaillochet (2009), « From waste to resource: an abstract of world waste survey 2009 », www.veolia-environmentalservices.com/veolia/ressources/files/1/927,753,Abstract_2009_GB-1.pdf.

Commission éuropéene (2014), Development of Guidance on Extended Producer Responsibility (EPR), rapport final, http://ec.europa.eu/environment/waste/pdf/target_review/Guidance%20on%20EPR%20-%20Final %20Report.pdf.

Dempsey M. et al. (2010), « Individual producer responsibility: A review of practical approaches for implementing individual producer responsibility for the WEEE Directive », INSEAD Faculty and Research Working Paper, http://sites.insead.edu/facultyresearch/research/doc.cfm?did=45054.

Menikpura, S.N.M., A. Santo and Y. Hotta (2014), « Assessing the climate co-benefits from Waste Electrical and Electronic Equipment (WEEE) recycling in Japan », Journal of Cleaner Production, vol. 74, nº 2014, pp. 183-190, www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652614002613.

OCDE (2016), « Ressources materielles » and « Municipal waste generation and treatment », OECD Environment Statistics (base de données), https://doi.org/10.1787/env-data-fr.

OCDE (2013), « Quels enseignements tirer de la mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs au cours de la décennie écoulée ? », ENV/EPOC/WPRPW(2013)7/FINAL, http://spot.colorado.edu/~daka9342/OECD_EPR_KO.pdf.

OCDE (2005), « Analytical framework for evaluating the costs and benefits of extended producer responsibility programmes », Documents de l’OCDE, vol. 5, nº 3, https://doi.org/10.1787/oecd_papers-v5-art13-en.

OCDE (2003), Les approches volontaires dans les politiques de l’environnement : Efficacité et combinaison avec d’autres instruments d’intervention, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264101807-fr.

OCDE (2001), Responsabilité élargie des producteurs : Manuel à l’intention des pouvoirs publics, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264289864-fr.

Tasaki, T., N. Tojo et T. Lindhqvist (2015), International Survey on Stakeholders’ Perception of the Concept of Extended Producer Responsibility and Product Stewardship, IIIEE and NIES Joint Research Report, www-cycle.nies.go.jp/eng/report/epr_eng.html.

Tojo, N. (2004), Extended Producer Responsibility as a Driver for Design Change – Utopia or Reality?, IIIEE dissertations 2004:2, Lund, IIIEE, Lund University.

Notes

← 1. Environ 420 réponses ont été reçues, la plupart de personnes travaillant depuis longtemps avec des dispositifs de REP dans les secteurs public et privé. Environ 30 % venaient du Japon, 28 % d’Europe, 11 % d’Amérique du Nord (Canada et États-Unis), et 9 % d’Asie (hors Japon).

← 2. Les municipalités n’interviennent généralement pas dans la collecte des autres flux de déchets tels que les huiles usagées, les véhicules hors d’usage et les batteries au plomb, par exemple.

← 3. Les données figurant dans le tableau renvoient majoritairement à la période 2013-14.