Annex I. Les systèmes de REP pour les déchets d’emballage au Japon1
1. Mise en place de la REP
-
Contexte juridique
La loi en faveur de la collecte sélective et du recyclage des récipients et emballages (« loi sur le recyclage des emballages ») est entrée en vigueur en décembre 1995 pour permettre aux communes de collecter des déchets de récipients et d’emballages « convenablement triés » (déchets municipaux solides) en vue de leur recyclage par les entreprises2. La loi a été révisée en 2006 pour intégrer un objectif de réduction des déchets.
-
Attribution des responsabilités (répartition des rôles, flux financiers)
En vertu de la loi, les communes sont chargées financièrement et physiquement de collecter les déchets d’emballages jetés par les consommateurs. Les producteurs assument quant à eux la responsabilité financière du recyclage des bouteilles en verre, des bouteilles en plastique, des autres emballages en plastique et des emballages en papier que les communes ont préalablement collectés et convenablement triés. La responsabilité financière du recyclage des emballages en papier exclut le carton ondulé et le papier-carton. Les producteurs peuvent adhérer et participer à un éco-organisme qui sous-traite ces activités à des recycleurs agréés qu’ils sélectionnent au terme d’un appel d’offres annuel selon des critères fixés par l’éco-organisme. Chaque producteur s’acquitte d’une redevance proportionnelle à la quantité de déchets d’emballages produite, multipliée par le coût total du recyclage de la catégorie de produit concernée. À l’heure actuelle, l’Association japonaise de recyclage des récipients et emballages est le seul éco-organisme agréé, bien que la loi permette la coexistence de plusieurs entités. Les pouvoirs publics japonais sont chargés de sensibiliser le grand public et d’encourager le tri des déchets au travers d’activités à visée éducative. En principe, tous les producteurs doivent étiqueter leurs produits afin de faciliter le tri des déchets.
-
Système de gouvernance et sanctions
Le système est encadré par les pouvoirs publics japonais, par l’intermédiaire du ministère de l’Environnement (MOE), du ministère de l’Économie, des Échanges et de l’Industrie (METI), du ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche (MAFF), du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires Sociales (MHLW), et du ministère des Finances (MOF). Le gouvernement nomme les éco-organismes après examen de leur candidature, valide leur plan d’activités et leur budget, supervise leurs activités, y compris le calcul des redevances de recyclage, et valide leurs dépenses et leur bilan comptable. Par ailleurs, il conseille indirectement les communes au sujet de leurs plans municipaux de collecte sélective. Lorsqu’un producteur ne remplit pas ses obligations, les pouvoirs publics peuvent lui faire des recommandations, lui ordonner de procéder au recyclage ou lui infliger une amende pouvant aller jusqu’à 1 million JPY. Toute modification majeure de la loi ou de la réglementation et des objectifs est étudiée par un comité composé de représentants des pouvoirs publics, des communes, des associations de producteurs, d’organisations environnementales et d’experts, entre autres.
2. Efficacité environnementale
-
Taux de collecte et de recyclage
La loi ne fixe pas d’objectifs de collecte et de recyclage, étant donné que la responsabilité des producteurs se limite au recyclage de l’ensemble des déchets d’emballages collectés par les communes. Cependant, la quantité de déchets d’emballages ménagers collectée aurait augmenté pour la plupart des catégories de produits entre l’année d’entrée en vigueur de la loi (1995) et 2010 (graphique I.1). De même, les données dont on dispose montrent que la quantité de déchets mis en décharge a baissé pour chaque catégorie de produits au cours de la même période (graphique I.2). En parallèle, la mise en décharge des déchets d’emballages a reculé de 39 % pour les bouteilles en verre, de 72 % pour les bouteilles en polytéréphtalate d’éthylène (PET), de 60 % pour les autres emballages en papier et de 76 % pour les autres plastiques. Enfin, le tableau I.1 présente la quantité de déchets d’emballages collectés et recyclés par habitant pour les différentes catégories de produits, ce qui révèle que dans la plupart des cas, les quantités collectées et recyclées sont très proches.
-
Éco-conception
La loi aurait permis de faire baisser plus rapidement le poids des récipients et emballages, en favorisant le recours à produits plus fins et plus légers, à des produits dépourvus de revêtement en aluminium, à des emballages souples et à des matériaux différents3. Lors de la révision de la loi, en 2006, les associations professionnelles ont élaboré des plans volontaires assortis d’objectifs visant à réduire encore davantage le poids des emballages et à accroître le taux de recyclage. Ces activités se sont traduites par une baisse de 7.6 % (47 000 tonnes) du poids moyen des bouteilles en PET destinées à être recyclées. Parmi les autres exemples d’innovations en matière d’éco-conception, on retient le remplacement des bouteilles en PET colorées par des bouteilles neutres pourvues d’étiquettes en film plastique coloré (faciles à retirer), qui permet d’éviter de trier les bouteilles par couleurs, et donc d’abaisser les coûts de collecte4. Ces dernières années, diverses technologies de recyclage des déchets d’emballages ont été mises au point au Japon.
-
La hiérarchie des déchets (prévention, réutilisation, recyclage)
Parallèlement à la progression du recyclage, le système japonais comporte des dispositions en faveur des objectifs de prévention et de réutilisation dans la hiérarchie des déchets. Du point de vue de la prévention, la réforme de 2006 a vu l’instauration d’un système de réduction des déchets d’emballages, qui impose aux distributeurs utilisant de très gros volumes d’emballages de rendre compte de leurs stratégies de prévention des déchets aux pouvoirs publics, qui peuvent en retour leur faire des recommandations ou leur infliger des amendes lorsqu’ils jugent ces efforts insuffisants. Selon l’auteur, la quantité totale d’emballages utilisés a reculé de 16 % entre 1996 et 2009, avec une baisse de 27 % pour les récipients contenant des liquides et de 21 % pour les autres emballages en papier et plastique. Contre toute attente, la demande de bouteille en PET a bondi au cours de cette période (de 226 %), malgré des redevances de recyclage supérieures à celles appliquées à d’autres catégories de récipients. Cela démontre que les incitations et la structure des redevances mises en place conformément à la loi n’ont pas toujours permis d’atteindre les résultats escomptés, bien que la transition vers des récipients plus légers (qui s’est accompagnée d’une baisse de 40 % de lademande de bouteilles en verre) a certainement contribué à prévenir la production de déchets en termes de poids. Afin d’encourager la réutilisation, le système permet aux pouvoirs publics d’exempter de recyclage certaines catégories de déchets d’emballages ayant une valeur positive et dont le taux de collecte attendu dépasse 90 %.
3. Efficience économique (y compris du point de vue de la concurrence)
-
Rapport coût/efficacité
En 2003, les dépenses totales de l’éco-organisme ont atteint 40 milliards JPY environ, soit à peu près 18 % des ressources financières consacrées par les communes aux quatre catégories d’emballages présentées dans le tableau tabI.2, qui se sont établies à 230 millions JPY cette même année. En tout, les communes ont dépensé autour de 400 millions JPY pour la collecte sélective et au tri des déchets d’emballages, toutes catégories confondues. Les importantes sommes à débourser pour la collecte sélective et le stockage des déchets empêchent certaines communes de mettre en place un service de collecte sélective (ainsi, seules 35 % des communes japonaises assurent une collecte sélective pour les autres emballages en papier). Le tableau tabI.2 présente les recettes et dépenses détaillées de l’éco-organisme en 2010. On constate que l’ensemble des commissions versées par les producteurs représente 90 % de ses recettes totales et couvrent presque en totalité les opérations de recyclage pour chaque catégorie de produits. Le tableau I.3 retrace quant à lui l’évolution des revenus de l’éco-organisme de 2000 à 2013.
L’auteur a procédé à une analyse coûts-avantages du système de gestion des déchets d’emballages pour les années 2003 et 2010. Comme l’indique le tableau I.4, le système a engrangé un bénéfice net de 144 361 millions JPY en 2010 après avoir essuyé des pertes nettes de 28 650 millions JPY en 2003, quand la mise en œuvre de la loi se trouvait à un stade moins avancé. Cette envolée des bénéfices au cours du temps s’explique essentiellement par une moindre consommation de ressources vierges liée aux activités de recyclage et de prévention des déchets.
Afin d’abaisser encore davantage le coût global du recyclage des emballages, la réforme de 2006 prévoyait la création d’un système de commissions de participation, avec pour objectif d’inciter les communes à trier soigneusement les déchets. Dans le cadre de ce système, lorsque les coûts réels du recyclage sont inférieurs aux coûts estimés en raison du tri très soigneux des déchets d’emballages collectés, par exemple, l’éco-organisme reverse 50 % des sommes économisées au recycleur des communes concernées.
Les fuites constatées au niveau du système japonais s’expliquent plus particulièrement par les déchets de bouteilles en PET qui échappent à la filière REP, ce qui abaisse le pourcentage de produits pris en charge par l’éco-organisme et nuisent à la réglementation relative au recyclage de ces bouteilles. Les communes sont autorisées à vendre les déchets d’emballages directement à des acheteurs qui les exportent et 40 % d’entre elles font affaire directement avec des recycleurs indépendants. Cependant, les recycleurs partenaires de l’éco-organisme ne peuvent pas exporter les déchets d’emballages reçus par l’intermédiaire de l’éco-organisme. Ainsi, près de 30 % des communes procédant elles-mêmes à la collecte des bouteilles en PET choisissent de travailler uniquement avec des recycleurs indépendants et 10 % d’entre elles font le choix de s’adresser à la fois aux recycleurs indépendants et à l’éco-organisme. Lorsqu’un producteur adopte un comportement de « passager clandestin », les pouvoirs publics japonais peuvent lui adresser des recommandations et lui infliger des sanctions financières. Comme cela a été indiqué plus haut, les emballages n’entrant pas dans les quatre catégories de déchets précités n’entrent pas dans les obligations de recyclage des producteurs. Les emballages destinés aux entreprises ne sont pas concernés non plus
-
Échanges et concurrence
À l’heure actuelle, la gestion des déchets d’emballages n’est pas soumise à la concurrence puisque le Japon ne compte qu’un seul éco-organisme opérant dans ce domaine, bien que la loi permette la coexistence d’éco-organismes multiples. Sur le marché du recyclage, l’éco-organisme en place organise des appels d’offres afin de garantir un niveau de concurrence équitable entre les différents recycleurs. Cette procédure transparente a permis de faire baisser les prix au fil des années. Des problèmes peuvent toutefois survenir entre les entreprises de recyclage et l’éco-organisme, car certains recycleurs japonais achètent des bouteilles en PET et d’autres matériaux recyclables directement auprès des communes, ce qui nuit à la concurrence sur le marché.
4. Principaux problèmes et réformes possibles
À l’occasion de la réforme de la loi, en 2006, la répartition et l’attribution des responsabilités ont été examinées mais n’ont finalement subi aucune modification. Toutefois, cette question gagnerait à être étudiée plus avant car les coûts à la charge des communes demeurent beaucoup plus élevés que ceux supportés par les producteurs, ce qui nuit à l’efficacité du dispositif. En 2003, les communes japonaises ont consacré quelque 423.5 milliards JPY (3.5 milliards USD) à la collecte sélective des déchets d’emballages, à leur second tri et à leur stockage, ce qui est environ 3.4 fois supérieur aux dépenses des producteurs au cours de la même année (40 milliards JPY). Cela signifie que les incitations en faveur de la réduction de la quantité de matériaux d’emballage et du coût de leur recyclage étaient inférieures de 3.5 milliards USD au montant total que les producteurs auraient dû débourser pour financer l’intégralité du recyclage des emballages de leurs produits.
En outre, certaines communes passent des contrats directement avec des recycleurs indépendants et court-circuitent l’éco-organisme de manière à compenser des coûts élevés, ce qui peut entamer l’efficacité du système5.
Au nombre des défis à relever figurent, d’une part, la nécessité de renforcer encore davantage la réduction et la réutilisation des déchets d’emballages et, d’autre part, la mise en évidence des avantages et des inconvénients, sur le plan environnemental, de la modification des matériaux utilisés (abandon d’emballages lourds, tels que les bouteilles en verre et les canette en acier, au profit d’emballages plus légers comme les bouteilles en PET, les canettes en aluminium et les emballages en papier-carton) suite à l’application de la loi.
Notes
← 1. Source intégrale : Yamakawa, H. (2014), The packaging recycling act: the application of EPR to packaging policies in Japan, Étude de cas préparée pour l’OCDE, www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducer responsibility-june2014.htm.
← 2. L’obligation légale de recyclage incombant aux producteurs ne concerne que les déchets convenablement triés ; elle ne s’applique donc pas dans les communes où aucune collecte sélective n’est mise en œuvre.
← 3. Munakata, S. et S. Murai (2000), Influences of the Full Enforcement of Recycling Acts upon Medium and Small Manufacturers of Plastic Products and their Actions against them, Rapport mensuel de Japan for Sustainability (JFS), 47(12), pp. 12-17 (en japonais). Yamaguchi, H. et M. Ishikawa (2001), « Issues and Measures of the Containers and Packaging Recycling Act », Journal of Resources and Environment, 37 (12), pp. 50-57 (en japonais).
← 4. Hosoda, E. (2004), Evaluation of EPR Programmes in Japan, in Economic Aspects of Extended Producer Responsibility, pp. 151-192.
← 5. Kurita, I. (2011), « Independent Disposal of Post-consumer PET Bottles », Journal of the Japan Society of Waste Management Experts,22(1), pp. 61-70.