Annex H. Le système de recyclage d’appareils électroniques ménagers au Japon1

Yasuhiko Hotta
Institut des stratégies environnementales mondiales
Atsushi Santo
Institut des stratégies environnementales mondiales
Tomohiro Tasaki
Institut national d’études environnementales (INES), Japon

TABLEAU DE SYNTHÈSE

Répartition des coûts

Les consommateurs financent le dispositif (redevances de collecte/transport et de recyclage).

Couverture des coûts

Pertes nettes pour le secteur privé (par exemple, en 2012, le traitement des climatiseurs a engendré des pertes nettes de 476 JPY par unité pour le groupe A et de 375 JPY par unité pour le groupe B ; toujours en 2012, le traitement des téléviseurs à tube cathodique a quant à lui entraîné des pertes nettes de 20 JPY par unité pour le groupe A et de 126 JPY par unité pour le groupe B).

Rôle des pouvoirs publics (MOE et METI)

  • Activités de soutien : R-D, campagnes de sensibilisation, appui technique ;

  • Publication des résultats annuels ;

  • Application de sanctions : amendes ou peines de prison ;

  • Le conseil consultatif conjoint est chargé de l’examen de la loi.

Performances environnementales

  • Taux de recyclage atteints en 2013 : 91 % pour les climatiseurs, 79 % pour les téléviseurs à tube cathodique, 89 % pour les téléviseurs à écran LCD ou plasma, 80 % pour les réfrigérateurs et congélateurs, et 88 % pour les lave-linge et sèche-linge ;

  • Au total, 174 millions d’appareils électroménagers ont été recyclés entre 2001 et 2013 ;

  • Réduction de 50 % des émissions de GES occasionnées par l’utilisation de matériaux vierges ;

  • Plus de 50 % des déchets ciblés par la REP sont collectés en vue de leur recyclage.

Incitations à l’éco-conception

Publication de guides afin d’aider les fabricants dans le domaine de l’éco-conception.

Amélioration de la communication entre les recycleurs et les fabricants en formant les concepteurs de produits dans les installations de recyclage.

Rapport coût/efficacité

L’application de la loi aurait permis de dégager 54 milliards JPY en 2005.

1. Mise en place de la REP

  1. Contexte juridique

Votée en 1998, la loi sur le recyclage de certains types d’appareils électroménagers est entrée en vigueur en avril 2001. Elle vise à réduire le volume d’ordures ménagère résiduelles et à utiliser suffisamment de ressources recyclées. Cette loi concerne quatre catégories d’appareils électroménagers : les climatiseurs ; les téléviseurs ; les réfrigérateurs et congélateurs ; et les lave-linge et sèche-linge. Les ordinateurs personnels et les petits appareils électroniques sont couverts par d’autres textes législatifs.

  1. Attribution des responsabilités (répartition des rôles, flux financiers)

Les consommateurs se débarrassant de déchets d’appareils électroménagers doivent payer des redevances pour la collecte, le transport et le recyclage de leurs appareils, qu’ils sont tenus de rapporter aux distributeurs ou de faire entrer dans les circuits de collecte et de traitement municipaux. Les appareils à usage professionnel n’entrent pas dans le champ d’application de cette loi et sont considérés comme des déchets industriels. Les détaillants fixent le montant des redevances de collecte et de transport en fonction de la distance parcourue, de la taille et du type de déchets, mais dans la pratique, nombre d’entre eux ont opté pour une redevance unique de 540 JPY (taxe à la consommation comprise) par unité. Chaque fabricant détermine et révise régulièrement le montant des redevances de recyclage. Les détaillants collectent les appareils qu’ils ont vendus (selon une pratique commerciale consistant à collecter les appareils usagés à la livraison d’un nouvel appareil, moyennant une redevance de 500 JPY, à laquelle s’ajoute la taxe à la consommation de 5 USD susmentionnée) ou reprennent les anciens appareils des consommateurs achetant un nouvel équipement. Ils sont également chargés de rapporter les produits en fin de vie à des points de collecte mis en place collectivement par les fabricants concernés, mais peuvent sous-traiter cette opération à des entités agréées par les autorités compétentes. Les fabricants et les importateurs ont l’obligation de créer des points de collectespécialisés, de collecter sur ces sites les appareils électroménagers qu’ils ont produits ou importés et de les recycler. Les fabricants de petite taille ou de taille moyenne (définis par la loi en fonction de la catégorie de leurs produits) peuvent sous-traiter cette tâche à des organismes désignés. Les communes sont tenues de gérer les déchets d’appareils électroménagers ou les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) qui n’entrent pas dans le champ d’application de la loi. Si elles collectent des déchets concernés par la loi, elles peuvent les transmettre à leurs fabricants ou décider de les recycler elles-mêmes. Les autorités nationales (ministère de l’Environnement [MOE] et ministère de l’Économie, des Échanges et de l’Industrie [METI]) mènent des activités de soutien consistant à promouvoir la recherche-développement (R-D), à diffuser des informations, à créer des infrastructures, à fournir un appui technique et à superviser et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation et d’information à visée environnementale. Les pouvoirs publics publient également les résultats annuels de la filière du recyclage.

  1. Système de gouvernance et sanctions

Les détaillants et fabricants qui ne respectent pas leurs obligations légales de collecte et de recyclage, communiquent de fausses informations ou imposent des redevances illégales s’exposent à des recommandations correctives, à des injonctions de mise en conformité ou à des sanctions. Sur le plan financier, ils risquent une amende dont le plafond est compris entre 100 000 et 500 000 JPY. Les individus abandonnant illégalement leurs déchets encourent jusqu’à cinq ans de prison ou une amende pouvant aller jusqu’à 10 millions JPY (ou 300 millions JPY pour les entreprises), en vertu de la loi sur la gestion des déchets le nettoiement public.

Conformément à la loi, les pouvoirs publics doivent passer en revue le dispositif cinq ans après son entrée en vigueur. À cet effet, le MOE et le METI ont créé un conseil consultatif conjoint chargé d’évaluer les progrès effectués, d’examiner les décisions prises, d’identifier les problèmes rencontrés au niveau de l’application de la politique de recyclage et de formuler des conseils à l’attention des pouvoirs publics. Ce conseil rassemble des experts, des chercheurs, des représentants d’associations de fabricants, des groupes de consommateurs, les autorités locales, les détaillants et les recycleurs. Il a procédé à une première évaluation en 2006-07, qui a abouti à la publication d’un rapport en 2008. À l’issue de la seconde évaluation, conduite en 2013, l’objectif de collecte a été porté à 56 % et les objectifs de recyclage des appareils électroménagers ont également été revus à la hausse.

2. Efficacité environnementale

  1. Taux de collecte et de recyclage

Les objectifs de recyclage figurant dans la loi correspondent au rapport, exprimé en pourcentage, entre le poids de composants et matériaux récupérés dans les DEEE afin d’être recyclés et le poids total de composants et matériaux contenus dans ces mêmes équipements. Ils ne tiennent pas compte de la valorisation énergétique. Comme le montre le tableau H.1, les objectifs de recyclage ont été révisés en 2009 pour toutes les catégories de produits, à l’exception des téléviseurs à tube cathodique, car la valeur du verre qu’ils contiennent enregistre une baisse importante. Les objectifs de recyclage ont à nouveau été actualisés en 2015 pour encourager encore davantage le recyclage des déchets collectés.

Tableau H.1. Objectifs de recyclage réglementaires

Objectifs de recyclage réglementaires

Exercices budgétaires 2001-08

Exercices budgétaires 2009-14

Exercice budgétaire 2015-

Climatiseurs

60 %~

70 %~

80 %~

Téléviseurs (à tube cathodique)

55 %~

55 %~

55 %~

Téléviseurs (à écran plat)

-

50 %~

74 %~

Réfrigérateurs et congélateurs

50 %~

60 %~

70 %~

Lave-linge

50 %~

65 %~

82 %~

Source : Données collectées auprès de l’Association pour les appareils électroménagers (AEHA), Rapport annuel sur le recyclage des appareils électroménagers au cours de l’exercice budgétaire 2012 [en japonais]. Pour l’exercice budgétaire 2015, communiqué de presse du ministère japonais de l’environnement, 17 mars 2015.

Au cours des treize années suivant l’entrée en vigueur de la loi, le nombre d’équipements déposés sur les sites de collecte dédiés a progressé, tout comme le nombre d’appareils traités en vue d’être recyclés. Au total, 174 millions d’appareils électroménagers ont été recyclés entre 2001 et 2013. Le taux de recyclage pour chaque type d’appareils est resté élevé, bien qu’il ait légèrement varié selon les catégories (voir graphique H.1). En 2013, le taux de recyclage a dépassé l’objectif fixé par la loi dans toutes les catégories d’appareils électroménagers. Plus précisément, il s’est établi à 91 % pour les climatiseurs, 79 % pour les téléviseurs à tube cathodique, 89 % pour les téléviseurs à écran LCD et écran plasma, 80 % pour les réfrigérateurs et congélateurs et 88 % pour les lave-linge et sèche-linge.

Graphique H.1. Évolution des taux de recyclage fixés par la loi sur le recyclage des appareils électroménagers
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Source : Association for Electric Home Appliances (AEHA), Rapport annuel sur le recyclage des appareils électroménagers au cours de l’exercice budgétaire 2012 [en japonais].

Selon une étude de l’Institut des stratégies environnementales mondiales (IGES), la loi a permis de recycler un volume total de 38.4 millions de mètres cubes d’appareils électroménagers sur onze ans, entre 2001 et 2011. En outre, la loi pourrait avoir permis de limiter de plus de 50 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) occasionnées par l’utilisation de matériaux vierges.

  1. Éco-conception

Au sein de l’Association pour les appareils électroménagers (AEHA), le Comité d’experts chargé de l’évaluation des produits élabore des guides et des rapports pour aider les fabricants à œuvrer en faveur de l’éco-conception. Pour cela, le Comité s’entretient avec des représentants des usines de recyclage afin d’identifier les améliorations particulières pouvant être apportées à la conception des produits. Il mène également une enquête à l’aide d’un questionnaire sur les procédures de gestion des déchets appliquées dans ces usines. En 2012, il a publié la troisième édition de ses « Directives sur l’étiquetage et les symboles de recyclage apposés sur les composants plastiques des appareils électroménagers », afin d’encourager la conception de produits facilitant le recyclage. Cet ouvrage insiste sur la nécessité de réduire le nombre de matières plastiques utilisées ; de limiter le nombre de composants d’un appareil ; de concevoir des structures de produits facilitant le démontage ; et d’apposer sur les divers composants du produit une étiquette indiquant le type de matériau et la localisation des vis. En outre, certains fabricants envoient leurs employés faire des recherches ou des stages chez les recycleurs en vue de renforcer leurs échanges avec ces derniers. En effet, le fait de former les ingénieurs sur les installations de recyclage permettrait une meilleure communication en matière d’éco-conception.Par ailleurs, les recycleurs soumettent des demandes écrites aux fabricants pour que ces derniers produisent des appareils faciles à recycler.

3. Efficience économique (y compris du point de vue de la concurrence)

  1. Rapport coût/efficacité

On constate un manque de transparence de la part des fabricants en ce qui concerne la détermination des redevances de recyclage. Cependant, le conseil consultatif conjoint considère que le coût global du recyclage sont en baisse, en raison probablement d’une meilleure efficacité liée aux innovations technologiques. Le tableau H.2 présente les résultats de l’estimation des coûts et retombées financières liés au recyclage. Des explications sur les groupes A et B (qui désignent deux groupements de fabricants chargés du recyclage) figurent ci-après dans la section c) consacrée aux échanges et à la concurrence.

Tableau H.2. Coût de recyclage estimé pour chaque appareil visé par la loi sur le recyclage des appareils électroménagers (devise : JPY)

2006

Groupe

Recettes tirées des redevances de recyclage

Recettes tirées des ventes de matériaux valorisés

Recettestotales

Dépenses administratives

Dépenses de logistique secondaire

Dépenses des sites de collecte désignés

Dépenses des usines de recyclage d’appareils électro-ménagers

Dépensestotales

Climatiseurs

A

3 500

1 183

4 683

831

469

952

2 466

4 718

B

3 500

1 366

4 866

831

443

769

3 202

5 244

Téléviseurs

A

2 700

304

3 004

831

305

619

1 678

3 433

B

2 700

368

3 068

831

288

500

1 989

3 607

Réfrigérateurs & congélateurs

A

4 600

667

5 267

831

629

1 278

3 815

6 553

B

4 600

703

5 303

831

594

1 031

4 629

7 085

Lave-linge

A

2 400

394

2 794

831

342

695

2 026

3 893

B

2 400

419

2 819

831

323

561

2 152

3 866

Source : Hotta, Y., A. Santo and T. Tasaki (2014), EPR-based Electronic Home Appliance Recycling System under Home Appliance Recycling Act of Japan, Case study prepared for the OECD, www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducerresponsibility-june2014.htm.

Une analyse de 2005 révélait que l’application de la loi avait permis de dégager un bénéfice net total de 54 milliards JPY. Ce résultat s’explique par deux tendances parallèles. D’une part, on observe une baisse des coûts de 38.1 milliards JPY consécutive à un recul de 44.5 milliards JPY des coûts supportés par les autorités locales, couplée à une hausse de 6.3 milliards JPY des coûts à la charge du secteur privé. D’autre part, les recettes ont augmenté de 15.8 milliards JPY du fait d’une baisse de 1.6 milliard JPY des dépenses des autorités locales et d’une envolée de 17.5 milliards JPY des recettes du secteur privé.

  1. Fuites et passagers clandestins

Comme suite aux consultations menées en 2006-07 et à la demande des parties prenantes, le conseil conjoint a décidé de renforcer les mesures de lutte contre les dépôts sauvages et les exportations illégales de déchets. En effet, les flux de déchets cachés hors de la chaîne de recyclage constituent un problème important. On estime que près de la moitié des déchets d’appareils électroménagers visés par la loi échappent aux mécanismes de collecte prévus et qu’environ 30 % de ces appareils sont échangés en tant que produits de seconde main ou déchets métalliques. En outre, le système actuel de paiement au moment de l’élimination peut encourager les consommateurs à se tourner vers le dépôt sauvage. Le gouvernement prend des mesures afin d’éviter les dépôts sauvages et les exportations de DEEE de seconde main, qui peuvent être gérés de manière inadéquate sur le plan environnemental lorsqu’ils sont destinés aux pays en développement. Ces mesures consistent notamment à définir des critères clairs pour l’utilisation de produits de seconde main destinés à l’exportation, à collaborer plus étroitement avec les services des douanes, à encourager la coopération avec les partenaires commerciaux et à soutenir la mise en œuvre de la Convention de Bâle.

  1. Échanges et concurrence

Afin de garantir la concurrence dans le secteur du recyclage des appareils électroménagers, la loi exige que les fabricants soient répartis dans deux groupes distincts. Tous deux affichent des résultats presque identiques en ce qui concerne le nombre d’appareils fabriqués et traités en vue d’être recyclés. Ils ont par ailleurs créé leur propre entreprise de recyclage commune. Par souci d’efficacité, les points de collecte acceptent les produits destinés aux deux groupes. Ce système a permis de faire reculer les coûts de recyclage. Le conseil de consultation conjoint du MOE et du METI cherche à faire baisser encore davantage les redevances et veille à ce que ces dernières soient fixées de manière juste et concurrentielle.

4. Principaux problèmes et réformes possibles

À l’issue d’un second examen réalisé en 2014, le conseil consultatif a formulé les recommandations suivantes, en s’appuyant sur des demandes des parties prenantes : viser un objectif de collecte de 56 % et revoir les objectifs de recyclage à la hausse ; veiller à fixer les redevances de manière plus transparente et alléger la charge financière pesant sur les consommateurs ; distinguer plus clairement les activités liées aux 3 R ; revoir les qualifications actuellement exigées pour pouvoir procéder à la collecte, au transport et au recyclage des déchets, et ainsi permettre une participation plus importante ; et adopter une réglementation et des mesures plus strictes pour lutter contre les flux de DEEE vers les autres pays. En ce qui concerne les redevances, bien qu’il ait été envisagé de déplacer leur paiement du moment de l’élimination au moment de l’achat, leurs modalités de versement n’ont pas changé.

Note

← 1. Source intégrale : Hotta, Y., A. Santo et T. Tasaki (2014), EPR-based Electronic Home Appliance Recycling System under Home Appliance Recycling Act of Japan, Étude de cas préparée pour l’OCDE, www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducerresponsibility-june2014.htm.