Annex C. La REP relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques au Canada1

Jacinthe Séguin
Division de réduction et de la gestion des déchets, Environnement Canada

RÉCAPITULATIF

Gouvernance Répartition des coûts

  • Les provinces (ministères de l’Environnement ou organismes mandatés) définissent les réglementations relatives à la responsabilité élargie des producteurs (REP) de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE)

Rôle des autorités provinciales

  • Élaborer et administrer les réglementations encadrant les DEEE ;

  • fixer des objectifs de performance pour les matières concernées ;

  • examiner et approuver les plans de bonne gestion du secteur ;

  • suivre et superviser les opérations menées ;

  • proposer des mesures de mise en œuvre et de respect des obligations.

Répartition des coûts

  • Les redevances versées par les producteurs sont répercutées sur les consommateurs (de 3 à 15 CAD par ordinateur selon les provinces, par exemple)

  • Les coûts les plus importants sont les paiements effectués aux entreprises de collecte (59 à 150 CAD la tonne), aux transporteurs (40 à 200 CAD la tonne) et aux opérateurs chargés du traitement (150 à 700 CAD la tonne). Selon les provinces, le montant total des coûts s’échelonne de 350-870 CAD la tonne à 880-1 030 CAD la tonne1.

  • Les coûts indirects (supervision et suivi, sensibilisation et mise en œuvre) représente de 15 à 25 % du coût total.

Prise en charge des coûts

Selon les provinces, les coûts d’exploitation varient de 1 105 à 1 822 CAD la tonne.

Performances environnementales

125 000 tonnes de produits électroniques en fin de vie ont été collectées en 2012 et les quantités de DEEE collectés ne cessent d’augmenter au fil des ans.

Incitations à l’éco-conception

-

Rapport coût efficacité

  • La plupart des programmes sont désormais financièrement viables.

  • En Colombie britannique, le système de REP a augmenté le PIB de la province de 110 000 000 CAD.

1. Ces valeurs ne figurent pas dans l’étude de cas sur les DEEE canadiens, mais ont été publiées dans le document The WEEE Report: Waste Electrical and Electronic Equipment Reuse and Recycling in Canada – 2013, de CM Consulting.

1. Description de la REP

  1. Contexte juridique

En 2009, le Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME), forum intergouvernemental composé des 14 ministres de l’Environnement des gouvernements fédéral, territoriaux et provinciaux, a mis au point le Plan d’action pancanadien pour la responsabilité élargie des producteurs (PAPREP). Il a pour objectif d’accroître le détournement et le recyclage des résidus solides municipaux en harmonisant les programmes de REP des provinces. Douze principes concernant la bonne gestion des produits électroniques ont en particulier été approuvés afin de soutenir les juridictions des autorités territoriales et provinciales dans l’élaboration des programmes de DEEE. Aujourd’hui, neuf des dix provinces canadiennes disposent de programmes et de réglementations pour les DEEE. Le CCME a reconnu que la REP n’est sans doute pas adaptée aux Territoires isolés du Nord du pays, compte tenu de leur situation géographique particulière et des coûts de transport élevés qu’elle implique, et étudie actuellement d’autres mesures qui permettraient d’obtenir les résultats attendus dans ces régions.

  1. Répartition des responsabilités (répartition des rôles et des flux financiers)

Au Canada, ce sont les gouvernements provinciaux qui sont chargés d’élaborer, de suivre et d’administrer les réglementations relatives au traitement des DEEE. Ils fixent des objectifs de performance pour les matières concernées, examinent et approuvent les plans de bonne gestion des produits, suivent et supervisent les opérations des programmes et proposent des mesures destinées au respect des obligations et à la mise en œuvre. Les producteurs (fabricants et importateurs) peuvent financer et mettre en place des programmes individuels de bonne gestion des DEEE ou constituer un éco-organisme à but non lucratif qui coordonnera la bonne gestion des produits en leur nom. Dans les deux cas, ils doivent déclarer les ventes des produits concernés et verser les redevances correspondantes chaque mois à l’éco-organisme ou à l’organisme public chargé de la supervision et établir chaque année un rapport sur les performances globales du programme. Les éco-organismes peuvent effectuer la collecte et/ou mettre en place des sites de dépôt. Ils enregistrent les prestataires de services agréés (les opérateurs chargés du traitement des DEEE et les recycleurs doivent respecter des critères sanitaires et environnementaux minimum et être approuvés par le Bureau de qualification des recycleurs, qui dépend de l’ARPE, l’Association pour le recyclage des produits électroniques) et leur sous-traitent des prestations, et sont chargés de rendre public les rapports de performance et de mener des campagnes d’information et de sensibilisation auprès des consommateurs. Les municipalités peuvent aussiconclure des contrats avec les éco-organismes pour participer au ramassage des DEEE comme prestataires de services. Enfin, les éco-organismes soutiennent les programmes de REP grâce à des politiques d’éco-approvisionnement ou en adoptant des mesures connexes, telles que l’interdiction des décharges.

Le modèle de financement des programmes de REP du Canada repose principalement sur les frais de gestion environnementale, ou écofrais, qui sont régulièrement revus par l’ARPE ou l’organisme provincial chargé du recyclage2 lorsqu’il existe un programme de REP. Ces frais, payés par les entreprises membres de l’ARPE et répercutés sur les consommateurs lors de l’achat, sont fixés par produit et varient selon les provinces en fonction des coûts de fonctionnement du programme et d’autres facteurs, comme le poids et la quantité des produits, leur composition et la présence de produits orphelins sur le marché. D’après les données d’août 2013, les frais de gestion environnementale prélevés sur les DEEE s’échelonnaient pour des ordinateurs de bureau de 3 CAD en Ontario à 15 CAD en Saskatchewan et au Manitoba. Pour les imprimantes, ils étaient compris entre 4.80 CAD en Alberta et 10.35 CAD en Ontario.

  1. Système de gouvernance et sanctions

Ce sont généralement les ministères de l’Environnement des provinces qui établissent les réglementations de la REP des DEEE, se chargent de la supervision du programme et veillent à ce qu’il soit respecté. Dans certaines provinces toutefois, la supervision et la gestion du programme sont déléguées à des organismes mandatés, tels que Waste Diversion Ontario (WDO) et Recyc-Québec, qui dépendent directement des ministères de l’Environnement provinciaux et sont entièrement financés par le secteur. Pour ce qui est des sanctions, seul le Québec applique des sanctions financières aux producteurs qui ne remplissent pas leurs objectifs de collecte (l’obligation sera effective à partir de 2018). Ces amendes, qui peuvent se monter de 10 CAD pour un ordinateur de bureau à 15 CAD pour un écran, sont censées inciter les producteurs à s’affilier à un éco-organisme pour faciliter la gestion de ces produits. En dehors du Québec, la plupart des réglementations prévoient des sanctions d’ordre général en cas de non-respect d’autres obligations. Waste Diversion Ontario peut par exemple retirer son mandat à un éco-organisme dont les résultats sont inférieurs aux objectifs.

2. Efficacité environnementale

  1. Taux de collecte et de recyclage

L’ensemble des programmes canadiens de DEEE a permis de collecter 125 000 tonnes de produits électroniques en fin de vie en 2012. Le tableau C.1 indique les volumes collectés dans quelques provinces3. En plus du fait de présenter les taux de ramassage par habitant (5.61 kg) et total (75 702 tonnes) les plus élevés, l’Ontario a augmenté son taux de collecte total de l’année précédente de 45 %. D’une manière générale, les provinces améliorent leurs résultats d’année en année. L’expérience canadienne montre ainsi que des approches différentes en matière de collecte, de stratégies de sensibilisation des consommateurs, d’infrastructures et d’accès au marché peuvent coexister et fonctionner, et que les autorités de réglementation prennent en compte les nombreux facteurs susceptibles d’influer sur les résultats de leur juridiction.

Tableau C.1. Indicateurs de performance des programmes canadiens de DEEE (données issues des rapports annuels 2012)

Indicateur

Colombie britannique

Alberta

Saskatchewan

Ontario

Nouvelle Écosse

Île du Prince Édouard

Population

4 582 000

4 025 100

1 108 300

13 538 000

940 800

145 200

Tonnes collectées

21 963

17 280

3 080

75 702

4 719

649

Kilogrammes collectés/h

4.8

4.67

2.85

5.61

4.97

4. 44

Nb de sites de collecte

142

325**

72

444

37

6

Sensibilisation de la population (%)

75

80

89

67

79

69

Coût du programme/tonne (CAD)

1 208

1 117**

1 822

1 105

1 269

1 393

* Données issues du rapport annuel 2012.

** Données de l’exercice fiscal 2011-12.

Source : Séguin, J. (2014), Promoting Sustainable Materials Management Through Extended Producer Responsibility: Canadian Waste Electrical and Electronic Equipment (WEEE), Case study prepared for the OECD, www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducerresponsibility-june2014.htm.

  1. Éco-conception

Bien que la plupart des programmes fixent des objectifs de collecte, les réglementations provinciales relatives aux DEEE ne comprennent pas de mesures incitant les producteurs à favoriser l’éco-conception. Aucune réglementation ne prévoit non plus que les produits électroniques doivent contenir un certain pourcentage de composants recyclables. Le Québec prépare actuellement un système de redevances différenciées pour récompenser les producteurs prenant des initiatives en matière d’éco-conception. Une telle mesure risque toutefois d’accroître encore la complexité administrative du dispositif et certains se demandent s’il ne serait pas préférable de poursuivre ces objectifs en dehors du cadre de gouvernance de la REP, par le biais de mesures complémentaires. Contrairement aux réglementations globales relatives à la REP, les modifications apportées à la conception des produits se sont ainsi révélées particulièrement efficaces pour répondre à l’adoption par l’Union européenne de la directive sur la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses par exemple, ou à d’autres mesures ciblées de réduction des produits toxiques.

3. Efficience économique (y compris en termes de concurrence)

  1. Rapport coût-efficacité

En 2012, les coûts des programmes de collecte des DEEE ont été compris entre 1 105 CAD la tonne en Ontario et 1 822 CAD la tonne en Saskatchewan. Ils recouvrent la totalité des dépenses nécessaires à la réalisation des programmes, dont les frais de collecte, de regroupement, de transport, d’audit, de traitement, d’administration, de communication, de R-D et de gestion. Parmi les coûts les plus élevés figurent les paiements effectués aux entreprises chargées de la collecte, qui s’échelonnent de 59 CAD la tonne sur l’Île du Prince Édouard à 150 CAD la tonne en Ontario, aux transporteurs, compris entre 40 CAD la tonne sur l’Île du Prince Édouard et 200 CAD la tonne en Alberta, et aux opérateurs chargés du traitement, qui vont de 150 CAD au moins la tonne en Ontario à 700 CAD la tonne en Alberta4. Les frais généraux, qui comprennent les frais d’administration, de supervision et de suivi, ainsi que les dépenses d’information et de mise en œuvre, représentent généralement de 15 à 25 % du coût global.

Bien que les programmes de REP soient définis dans l’optique de parvenir à la viabilité financière, tous n’ont pas encore atteint cet objectif.

Tableau C.2. Programmes de collecte de DEEE au Canada – recettes et dépenses par programme, 2012 (en CAD)

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Source : CM Consulting (2013), The WEEE Report: Waste Electrical and Electronic Equipment Reuse and Recycling in Canada.

Une étude a été réalisée en 2008 pour déterminer l’incidence économique de la réglementation sur le recyclage appliquée en Colombie britannique. Elle a établi que le recyclage des produits électroniques avait créé plus de 123 emplois en équivalent temps plein en 2007. Le programme a en outre augmenté le PIB de la province de plus de 110 000 CAD. Cela signifie que les entreprises participant directement et indirectement à la gestion des déchets et les dépenses des consommateurs correspondantes ont créé 4 150 CAD par tonne de matières n’ayant pas été mise en décharge.

  1. Gestion des déficits d’exploitation

Pour éviter les déficits d’exploitation causés notamment par la présence de produits orphelins, l’ARPE a constitué un Fonds de réserve pour éventualités, dans lequel sont accumulés l’équivalent des dépenses d’exploitation prévues sur un an en transférant le montant des recettes s’avérant supérieur aux dépenses.

  1. Échanges et concurrence

En favorisant et en garantissant la collecte d’une large gamme de DEEE, les programmes de REP contribuent à accroître le recyclage et la valorisation des ressources. Le recyclage des DEEE étant un secteur très concurrentiel, les opérateurs canadiens chargés du traitement ont exprimé leurs craintes concernant leurs capacités à faire face à la concurrence et réclamé davantage d’informations sur les contrôles appliqués à l’échelle internationale sur les matières recyclées exportées du Canada. La réglementation relative aux mouvements transfrontaliers de ces produits, qu’ils soient ou non des déchets, peut exercer une incidence sur le développement du secteur local du recyclage au Canada.

Pour assurer des conditions équitables favorisant la concurrence et l’innovation, les opérateurs provinciaux du programme lancent des appels d’offres concurrentiels pour sélectionner les prestataires traitant les DEEE. Dans un État fédéral comme le Canada, ce processus peut parfois poser problème, étant donné que ce sont les autorités provinciales qui élaborent et mettent en œuvre elles-mêmes les obligations du programme de REP, et il nécessite des efforts d’harmonisation supplémentaires de la part du CCME. Certaines provinces permettent aux producteurs de s’organiser individuellement ou collectivement pour respecter leurs obligations, ce qui devrait encourager la concurrence et l’arrivée sur le marché de nouveaux éco-organismes. Cependant, dans la pratique, si de gros éco-organismes sont constitués, ils réalisent des économies d’échelle et des opérateurs plus petits peuvent difficilement les concurrencer.

4. Principales difficultés et réformes éventuelles

  1. Vers une plus grande harmonisation

Malgré des normes et des politiques communes, le mode de fonctionnement et d’administration indépendant des programmes provinciaux de DEEE n’était pas idéal au début. Il a été source d’importants dysfonctionnements d’ordre politique et opérationnel et a entraîné pour les membres du programme une baisse de la qualité des services et une augmentation des coûts5. D’autres éléments, tels que la visibilité ou non des redevances dans les prix affichés peuvent influer sur la manière dont les consommateurs acceptent les programmes de REP. Pour remédier à ces difficultés, l’organisme Recyclage des produits électroniques Canada (RPEC) et le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) ont élaboré une nouvelle structure de gouvernance pour harmoniser les programmes de bonne gestion des produits électroniques dans l’ensemble du pays. L’ARPE est désormais chargée de gérer les programmes de recyclage de ces produits dans toutes les provinces sauf l’Alberta et le Nouveau-Brunswick. Ce changement a apporté de nombreux avantages aux membres des programmes et aux consommateurs, notamment : une harmonisation des procédures administratives et une baisse des coûts, une diminution des dépenses d’exploitation, une communication centralisée aux membres pour limiter la redondance des messages, une réduction des frais pour les services en commun grâce à leur répartition entre davantage de programmes et une amélioration de la qualité des services6. Bien qu’elle repose sur des approches législatives différentes, l’expérience canadienne de la REP n’en demeure pas moins efficace : le volume des DEEE collectés augmente d’année en année, de nouveaux sites de dépôt sont créés dans tout le pays et les consommateurs de toutes les provinces sont davantage sensibilisés.

  1. Accès difficile aux régions isolées et rurales

L’autre difficulté majeure que rencontre le Canada concerne l’accès aux programmes de REP des régions rurales et isolées. Bien que les programmes touchent au moins 92 % de la population de plusieurs provinces et que tous les consommateurs paient les frais de gestion environnementale dans les provinces dotées d’un programme pour les DEEE, les habitants des zones rurales peuvent avoir moins de possibilités de participer à des systèmes de reprise de produits électroniques. Plusieurs facteurs rendent le fonctionnement d’un programme de collecte et de recyclage des DEEE dans une région rurale beaucoup plus difficile qu’en zone urbaine, tels que le manque d’infrastructures, les coûts élevés de collecte, les distances importantes à parcourir et les coûts de transport qui en résultent. Les trois territoires du Nord du Canada (Territoires du Nord-Ouest, Yukon et Nunavut) doivent en outre résoudre le problème de l’absence de programmes urbains importants et rentables qui pourraient financer la création d’infrastructures dans les régions plus isolées. Des discussions et des efforts sont menés pour instituer les partenariats nécessaires à la mise en place de nouveaux systèmes de REP dans les régions du Nord du Canada.

Notes

← 1. Document complet : Séguin, J. (2014), Promoting Sustainable Materials Management Through Extended Producer Responsibility: Canadian Waste Electrical and Electronic Equipment (WEEE), étude de cas préparée pour l’OCDE, disponible à l’adresse : www.oecd.org/env/waste/gfenv-extendedproducerresponsibility-june2014.htm.

← 2. L’ARPE est l’éco-organisme représentant les entreprises affiliées qui vendent des produits électroniques couverts par un programme de REP dans les provinces canadiennes qui en dispose, à l’exception de l’Alberta où il est administré par l’Alberta Recycling Management Authority.

← 3. Il importe de souligner que chaque province évalue les performances de son programme selon des approches différentes et peut appliquer le programme à diverses catégories de produits, ce qui limite les comparaisons de performances.

← 4. Ces valeurs ne figurent pas dans l’étude de cas sur les DEEE canadiens, mais ont été publiées dans le document The WEEE Report: Waste Electrical and Electronic Equipment Reuse and Recycling in Canada – 2013 de CM Consulting.

← 5. Association pour le recyclage des produits électroniques, « Rapport annuel 2012 », http://epra.ca/wp-content/uploads/ar/francais/2012/ARPE2012-Rapport%20annuel.pdf, consulté (en anglais) le 20 octobre 2013.

← 6. Ibid.