Chapitre 2. Évolution macroéconomique du Sénégal dans la perspective de l’émergence

Ce chapitre analyse l’évolution macroéconomique du Sénégal et les perspectives de croissance à court et long terme. La première section s’intéresse à la dynamique de croissance, récemment portée par des efforts d’investissements publics dans les infrastructures et l’agriculture. Les sections suivantes analysent la soutenabilité de la politique budgétaire et de la politique monétaire et bancaire, et leurs impacts respectifs sur l’activité économique. Enfin, les déterminants de la croissance potentielle à long terme sont passés en revue (facteurs travail, capital, et productivité).

  

La stabilité et les progrès macroéconomiques sont au centre du Plan Sénégal émergent (PSE). Le plan vise des progrès continus en matière de performance macroéconomique, comme en témoigne l’objectif de croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) de 7 à 8 % à moyen et long terme. Pour réaliser cet objectif, le PSE mise sur une hausse de la productivité du secteur privé, basée sur la mise en œuvre des projets et réformes phares, et une amélioration de la disponibilité des financements pour les investissements publics et privés. Le PSE cible également la stabilité macroéconomique à travers un déficit budgétaire en baisse, moins de 3 % du PIB à long terme ; une augmentation des exportations supérieure à celle des importations pour réduire le solde des transactions courantes ; et un taux d’inflation en dessous de 3 %. Tous ces objectifs représentent des améliorations notables par rapport aux tendances historiques.

L’évolution économique du Sénégal depuis l’indépendance connaît deux phases distinctes. De 1960 à 1985 environ, la croissance est très volatile, marquée par des alternances d’années de croissance très forte, suivies de récessions tout aussi fortes. Pendant cette première période, le PIB par tête s’érode progressivement. Au lendemain de la dévaluation de 1994, plus précisément à partir de 1997, la croissance est à nouveau plus élevée avec une volatilité moindre, et le PIB par habitant connaît une augmentation progressive (graphique 2.1). La croissance, pendant les 25 premières années postindépendance, est essentiellement tirée par la production agricole et varie avec la pluviométrie et les performances agricoles, en particulier la production d’arachide. À l’inverse, dans la période plus récente, les sources de la croissance sont plus diverses, les services jouant un rôle de plus en plus important. L’augmentation notable de la production agricole en 2015, notamment de riz, a permis au PIB par habitant de retrouver le niveau de 1960 (environ 2 290 dollars américains [USD] parité de pouvoir d’achat [PPA] 2011 par habitant). La transformation structurelle est insuffisamment enclenchée et ne se répercute pas suffisamment sur le revenu des populations. Elle a été tirée par une réorientation des activités et, dans une moindre mesure, par la réorientation de l’emploi vers les activités les plus productives, ce qui explique la faible augmentation du revenu par tête.

Graphique 2.1. Le revenu sénégalais par tête augmente à nouveau depuis le milieu des années 90
En USD PPA constants de 2011
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Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463710

L’accélération récente de la croissance du Sénégal rend un peu plus crédible la stratégie d’émergence à l’horizon 2035. Cette croissance repose sur une redynamisation de l’agriculture et l’augmentation des investissements publics dans les infrastructures. Certains de ces investissements ont une portée durable, notamment l’augmentation des terres irriguées qui permettent le développement de la production de riz. De même, les investissements dans les infrastructures de transports ou dans l’augmentation des capacités de production énergétique permettent de lever des facteurs de blocage de l’activité économique.

Cependant, des faiblesses structurelles demeurent, qui empêchent d’atteindre la cible de 7 % de croissance durable. La faiblesse du niveau de capital humain disponible dans l’économie est un facteur négatif majeur. Elle se traduit par un faible niveau de productivité du travail, et de productivité de façon générale. Ceci limite la portée de la croissance et la capacité à augmenter sensiblement les revenus et à réduire la pauvreté.

L’accélération récente de la croissance devrait se poursuivre à court terme

Une croissance portée par la demande interne et le secteur agricole

Le Sénégal connaît une accélération de la croissance économique depuis 2015. Alors que la croissance était de 4.3 % en 2014, elle a bondi à 6.5 % en 2015, essentiellement portée par la réussite de la campagne agricole (Banque mondiale, 2016a). En 2016 et 2017, une croissance au-dessus de 6.5 % est également attendue (FMI, 2016b ; BCEAO, 2016a), le ministère de l’Économie attend 6.6 % (MEFP, 2016a). Outre la nouvelle dynamique agricole, la relance de l’investissement public dans le cadre du PSE contribue à l’accélération de la croissance. Par ailleurs, la résorption progressive du déficit en électricité et les réformes pour faciliter la création d’entreprises et l’accès au financement contribuent à l’amélioration du climat des affaires. Ainsi, le Sénégal a vu son classement progresser sensiblement dans le rapport de la Banque mondiale, Doing Business, passant de la 171e place en 2014 au 147e rang dans l’édition 2017 (Banque mondiale, 2016b).

La croissance a été portée principalement par la demande intérieure, d’abord un rebond de la consommation en 2015 et un maintien de l’investissement, en particulier, l’investissement public (graphique 2.2). La contribution de la balance des biens et services est négative, comme pour la plupart des années, du fait notamment des importations élevées de produits alimentaires (riz).

Graphique 2.2. La consommation des ménages est le principal moteur de la demande au Sénégal
Contributions à la croissance de la valeur ajoutée, à prix constants, en point de pourcentage, 1995-2015
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Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463727

L’investissement public est au cœur du rebond de l’investissement. L’investissement privé se retrouve dans l’agriculture, le logement et un renouvellement ou développement de certains outils industriels (textile, industries agro-alimentaires). Mais c’est l’investissement public dans l’énergie, l’éducation et surtout les infrastructures qui ont été très dynamiques en 2015 et 2016, comme par exemple le prolongement de l’autoroute à péage, la construction du plateau industriel de Diamniadio et la finalisation de l’aéroport de Diass.

En comparant les composantes de la croissance du côté de de la demande (graphique 2.2) et l’offre (graphique 2.3), des marges de progression fortes existent du côté de l’offre pour satisfaire la demande intérieure très dynamique. La demande est portée par la dépense publique et les revenus des ménages, y compris les transferts de fonds des migrants (11 % du PIB). En d’autres termes, la poursuite d’une croissance économique vigoureuse à court et moyen terme est conditionnée à la poursuite de la hausse de la production agricole et de l’investissement. Une meilleure couverture de la demande interne de produits alimentaires par la production agricole reste une source de croissance importante.

Graphique 2.3. Les services constituent un facteur stable de la croissance de la production au Sénégal
Contributions à la croissance de la valeur ajoutée en monnaie locale, à prix constants, en points de pourcentage, 1995-2015
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Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463732

Le redressement du secteur agricole explique une bonne partie de l’accélération de la croissance. L’agriculture a contribué à hauteur de 2.5 points de PIB à la croissance en 2015, contre 0.3 point en 2013 et 2014 (graphique 2.3). La part de l’agriculture dans le PIB reste cependant modeste, autour de 15 %. La bonne pluviométrie et l’augmentation des investissements de production (engrais, sélection des semences et nouvelles surfaces emblavées) expliquent la croissance agricole d’environ 57 % en volume par rapport à 2014. Toutes les filières semblent avoir connu une hausse importante. La production de riz paddy aurait augmenté de 64 %, passant de 559 000 à 917 371 tonnes selon le ministère de l’Agriculture. L’estimation de la production de riz paddy en 2015 varie cependant selon les sources, ainsi elle est estimée à 436 000 tonnes en 2015 par la Banque de France (2016). La production d’arachide a également sensiblement augmenté en 2015 par rapport à 2014, passant d’environ 700 000 tonnes en 2014 à 1 120 000 tonnes en 2015. L’arachide est la principale source de revenus dans le monde rural, notamment dans les zones d’agriculture pluviale. Ainsi, l’augmentation et le maintien du prix d’achat aux producteurs à près de 200 franc de la Communauté financière d’Afrique (FCFA) le kilogramme d’arachides participent de la dynamisation de la production agricole. L’amélioration de la gestion postproduction de la filière agricole et le développement des filières agro-alimentaires-industrielles sont parmi les leviers majeurs du renforcement durable de la croissance (voir chapitre 4).

Le secteur secondaire, industrie et mines, représente autour de 23 % du PIB du Sénégal et fait l’objet d’un réinvestissement de l’État dans les principales entreprises publiques (Suneor-Sonacos, Société africaine de raffinage). Sa contribution à la croissance s’améliore depuis 2013 et a été de 1.7 point de PIB en 2015. Le secteur a pâti pendant plusieurs années de coupures d’électricité. L’amélioration de la situation énergétique a contribué au regain du secteur. Ainsi, la production de phosphates a augmenté. L’exploitation de nouvelles mines de zircon et d’or, et la découverte de champs pétrolifères pourraient à moyen terme entraîner un développement du secteur secondaire.

Les services représentent 60 % du PIB et sont un des moteurs stables de la croissance depuis plusieurs années. La contribution des services à la croissance s’élève à 2.4 points de PIB en 2015. Le secteur formel est largement dominé par les télécommunications, suivi du tourisme et du secteur financier. Le tourisme redémarre après les contre-performances des années 2013-14, marquées par la crise Ebola, les craintes liées à la crise au Mali et l’introduction malheureuse d’un visa d’entrée. La baisse des taxes d’aéroports et la suppression du visa d’entrée constituent des signaux positifs pour le secteur, que l’ouverture du nouvel aéroport pourrait renforcer. Le secteur bancaire continue de se développer avec l’arrivée de nouvelles banques. Le développement de la 3G et l’arrivée de la 4G pourraient également donner un second souffle au secteur des télécommunications et permettre la réalisation des ambitions du PSE de faire des nouvelles technologies de l’information et de la communication un secteur stratégique. Le secteur informel représente une part importante de l’économie et de l’emploi, notamment dans les centres urbains. Il affiche un dynamisme dans certains domaines, comme l’aviculture par exemple.

Par ailleurs, contrairement à beaucoup de pays du continent, la contribution des ressources minières et naturelles à l’économie est faible (graphique 2.4), mais elle devrait augmenter avec l’exploitation des gisements importants de pétrole et gaz découverts. Les atouts du Sénégal sont plutôt dans l’agriculture, le tourisme, et le dynamisme du commerce et de la construction. La découverte de gisements de pétrole et de gaz pourrait changer l’équilibre entre les différents secteurs économiques si la connexion de ce nouveau secteur de production au reste de l’économie n’est pas effectuée de façon adéquate, à la fois en termes de salaires dans le secteur, d’emplois des ressources, ou encore de politique énergétique. Leur exploitation est annoncée entre 2021 et 2023. Ceci devrait générer des revenus importants pour le pays, dont l’impact sur l’économie et le bien-être des populations dépendra de leur gestion. La gestion des revenus de ressources naturelles est un défi pour beaucoup de pays et implique de mettre en place des institutions robustes qui assurent la transparence, d’éviter le surendettement par anticipation des revenus et de mettre en place des fonds de stabilisation qui permettent de supporter la volatilité de ces revenus.

Graphique 2.4. La contribution des ressources minières et naturelles à l’économie est faible
En pourcentage du PIB, moyenne 2009-14
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Source : Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463746

Le commerce extérieur du Sénégal est marqué par un déficit permanent de sa balance commerciale, qui était de 1 288 milliards FCFA en 2015 (MEFP, 2016a). Les importations de biens et services sont d’environ 2 850 milliards FCFA (2012-14) et les exportations s’élèvent à environ 1 500 milliards FCFA (2012-14 ; BCEAO, 2016b). De façon structurelle, le déficit commercial s’explique principalement par la facture énergétique et alimentaire, et par les importations de produits et matériaux pour l’industrie. Cependant, les valeurs des importations de céréales ont baissé depuis 2013, atténuant le déficit commercial. La facture alimentaire a baissé en 2015 de 6.2 % et la facture pétrolière de 14 %. Les exportations de produits halieutiques, de phosphates, d’or et de ciment sont également en hausse. L’augmentation de la production agricole, notamment de riz, devrait entraîner à moyen terme une baisse des importations de riz, qui pèsent sur la balance commerciale.

Ainsi, le compte courant, bien que déficitaire, affiche une réduction constante depuis deux ans. En effet, bien que le déficit du revenu primaire augmente en raison de la progression de la charge de la dette, l’augmentation des revenus secondaires de 8.8 % a contribué à la réduction du déficit du compte courant. Les transferts courants nets ont augmenté de 8 % en 2015, notamment du fait de sa composante principale, les transferts de fonds des migrants, qui ont progressé de 9 % pour atteindre 968 milliards FCFA en 2015, soit 12 % du PIB (MEFP, 2016b). Ces transferts de fonds des migrants contribuent au dynamisme de la consommation et du secteur de la construction. Ils participent également à la hausse du revenu disponible des ménages.

Les perspectives économiques à court terme (2016-19) sont plutôt bonnes (MEFP, 2016b). En 2016, une croissance économique de 6.5 % est attendue grâce à la poursuite de l’effort de production agricole ; le maintien du niveau de l’investissement public ; et le redémarrage du secteur touristique, ainsi que de certains secteurs manufacturiers et industriels. Cette croissance demeure cependant tributaire de la pluviométrie (satisfaisante en 2016) et de la capacité à réellement valoriser la production agricole. En 2017, une croissance de l’ordre de 6.8 % est projetée et la barre des 7 % pourrait être franchie avant 2021 (FMI, 2016a). Cette perspective, bien qu’atteignable, requiert une augmentation nette de la productivité globale des facteurs, une mise en œuvre plus rapide et efficace des investissements dans les infrastructures majeures (nouvel aéroport, principales autoroutes), et une meilleure gestion de la post-production dans le domaine agricole.

La politique budgétaire reste expansionniste malgré la consolidation de la masse salariale

La stratégie de consolidation budgétaire progressive repose surtout sur la maîtrise de la masse salariale

La situation budgétaire s’améliore progressivement depuis 2011. Le déficit primaire de l’administration centrale diminue, mais son impact sur le déficit global est limité par la moindre diminution des charges d’intérêts sur la dette (graphique 2.5). En 2015, le déficit primaire représentait 2.8 % du PIB, alors que le déficit global atteignait 4.8 % du PIB contre 3.4 % et 5.1 % respectivement en 2014 (MEFP, 2016a). La dépendance aux dons reste néanmoins élevée, ce qui rend la soutenabilité de la trajectoire budgétaire fortement dépendante des partenaires extérieurs. Les dons constituent près de 12 % des recettes gouvernementales, ce qui accentue la dépendance aux bailleurs internationaux en plus des emprunts internationaux. Le déficit global hors dons s’établirait à 7.7 % en 2015, et cette dépendance aux dons a sensiblement augmenté sur les dernières années.

Graphique 2.5. Le déficit public du Sénégal s’améliore progressivement
En pourcentage du PIB
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Source : Calculs de l’OCDE d’après DPEE (2016), http://www.dpee.sn/-TOFE-.html?lang=fr.

 https://doi.org/10.1787/888933463751

L’amélioration de la situation budgétaire s’explique par une meilleure maîtrise de la masse salariale et, plus généralement, des dépenses publiques. La mise en œuvre du fichier unifié des données du personnel de l’État et l’arrêt de l’octroi de nouvelles indemnités devraient favoriser une meilleure maîtrise de l’évolution de la dépense salariale. Ainsi, la progression de la masse salariale a été légèrement contenue. Elle devrait néanmoins augmenter en 2016 du fait de l’intégration des dépenses de personnel de l’Assemblée nationale et du Conseil économique, social et environnemental d’une part et, d’autre part, du renforcement des forces de sécurité. Ainsi, la masse salariale devrait atteindre 573 milliards FCFA en 2016 (FMI, 2016b). De même, la création du Haut conseil des collectivités locales engendrera une augmentation des dépenses salariales. Les institutions politiques (nouvelles collectivités locales, etc.) et les agences parapubliques constituent l’une des principales sources de dérive de la masse salariale et des dépenses publiques. L’établissement de contrats de performance avec les agences nationales doit être poursuivi, une attention particulière doit être portée à la maîtrise de la masse salariale de ces agences par rapport à leur budget global et leur efficacité devra être évaluée au fur et à mesure. Au total, le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales reste en dessous du seuil de 35 %, qui est un critère de convergence de second rang de l’Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA].

Les dépenses d’investissement et de fonctionnement qui avaient connu une forte progression en 2014 ont très légèrement augmenté en 2015. La structure des dépenses affiche néanmoins un basculement progressif vers plus de dépenses en capital dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent.

En revanche, les paiements d’intérêts sur la dette ont fortement augmenté ces dernières années et s’établissent à près de 160 milliards FCFA en 2015 contre 39 milliards FCFA en 2008 (graphique 2.6, Panel A [FMI 2017]). Ils illustrent le réendettement soutenu du Sénégal. La dette publique du Sénégal est passée de 22 % du PIB en 2006 suite à l’annulation massive de la dette dans le cadre de l’initiative pays pauvres très endettés, à près de 56 % du PIB en 2015, soit plus qu’un doublement en dix ans (graphique 2.7, panel A).

Graphique 2.6. Les dépenses et recettes du Gouvernement sénégalais évoluent rapidement
En milliards FCFA, 2001-15
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Source : Calculs de l’OCDE d’après DPEE (2016), http://www.dpee.sn/-TOFE-.html?lang=fr.

 https://doi.org/10.1787/888933463766

La bonne collecte de recettes fiscales contribue également à l’amélioration du déficit public. En effet, les recettes fiscales représentent plus des trois quarts des revenus du gouvernement (graphique 2.6, panel B). Les recettes fiscales sont en constante progression depuis plusieurs années grâce à l’accélération de la croissance et l’amélioration de la collecte au niveau des entreprises et des douanes. En 2013, les recettes fiscales, en particulier provenant des particuliers, ont chuté en raison de l’application de la révision du Code des impôts. Le potentiel d’augmentation des recettes fiscales demeure important, même si le Sénégal réalise une bonne performance en termes de mobilisation des recettes fiscales en comparaison avec les pays de l’UEMOA. Le taux de pression fiscale d’environ 20 % est l’un des plus élevés de la zone UEMOA et se situe autour du plancher de référence dans la zone. Il illustre la capacité du gouvernement à lever, si nécessaire, davantage de ressources fiscales.

Le secteur informel des petites entreprises et les grandes entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale pourraient être mieux imposés en rationalisant le système de taxation. Des incitations fiscales à l’enregistrement permettraient par exemple d’augmenter la base fiscale. La mise en place d’un identifiant unique entre les impôts et les douanes est effectif depuis octobre 2015. Comme le montre le graphique 2.7 (panel C), l’essentiel des recettes fiscales provient de la taxe sur la valeur ajoutée ([TVA] 50 % des recettes fiscales), alors que l’impôt sur le revenu et les profits ne représente que 27 % des recettes fiscales.

Graphique 2.7. Un réendettement rapide impose désormais une prudence fiscale au Sénégal
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Note : Panel D : Scénario central, hypothèse de croissance à 7 % par an à partir de 2020 jusqu’en 2030 et de taux d’intérêt moyen sur la dette de 2.7 % par an à partir de 2016.

Source : Calculs de l’OCDE d’après DPEE (2016), http://www.dpee.sn/-TOFE-.html?lang=fr.

 https://doi.org/10.1787/888933463775

La dette publique apparaît soutenable, mais vulnérable

La dette a augmenté vigoureusement depuis 2006 pour atteindre 57 % du PIB en 2015 et devrait dépasser 59 % du PIB en 2016 avant d’amorcer une baisse, selon les projections du gouvernement (MEFP, 2016b) et du Fonds monétaire international ([FMI] graphique 2.7, panel A). L’espace budgétaire, bien qu’amoindri, reste suffisant pour garantir le service de la dette. En effet, le service de la dette représente 10 % des recettes fiscales en 2015, alors que la masse salariale atteint 33 % des recettes fiscales (graphique 2.7, panel B) (hors salaires des enseignants contractuels et salaires versés dans le cadre du budget d’investissement aux agences parapubliques). Ces deux postes de dépenses contraintes, bien qu’importants, laissent une marge de manœuvre au gouvernement. De plus, une amélioration de l’exécution des dépenses de façon générale, et en particulier de la gestion des contrats d’investissements publics (exemple de l’aéroport de Ndiass), pourrait générer des marges budgétaires.

La vulnérabilité de la situation budgétaire est plutôt du côté de la fragilité de la croissance et de la maîtrise du déficit public. La croissance accélère certes depuis deux ans, atteignant 6.5 % en 2015 et 2016 (prévision). Mais la croissance moyenne des 5 dernières années (2011-15) est seulement de 3.5 %. La croissance reste encore très dépendante de l’agriculture, qui n’a pas encore atteint un degré de maturité garantissant une régularité des performances. De même, la balance primaire a profité de la baisse des prix du pétrole, et la solidité de la baisse du déficit primaire doit encore être confirmée.

L’analyse de la soutenabilité de la dette reste favorable dans son ensemble, en partie en raison de la structure de la dette extérieure, qui reste largement concessionnelle auprès des bailleurs multilatéraux. L’augmentation récente du recours à l’endettement intérieur, notamment auprès du marché boursier régional, n’a pas que des avantages du point de vue de la soutenabilité. En effet, ce recours permet de mobiliser davantage de ressources rapidement pour financer les projets du PSE et contribue au développement du secteur financier et à la mobilisation de l’épargne disponible dans la sous-région. Il se fait cependant à des taux supérieurs aux taux concessionnels et exige davantage de rigueur dans la gestion du déficit public.

Les simulations présentées dans le graphique 2.7, panel D confirment cette vulnérabilité de l’endettement à la croissance et à une dérive du déficit primaire. En partant d’un scénario central d’une croissance de 7 % par an à partir de 2020 et d’un maintien du déficit primaire au niveau actuel de 2.8 % et d’un taux d’intérêt moyen de 2.7 % sur la dette, le niveau d’endettement se stabiliserait autour de 60 % du PIB à long terme. Si la croissance ralentit à 5 % en moyenne annuelle, il faudrait ramener le déficit primaire à 1 % du PIB pour stabiliser la dette autour de 50 % du PIB. En revanche, si le taux d’intérêt moyen sur la dette passait de 2.7 % à 4 %, même avec un taux de croissance moyen à 7 % et un déficit primaire maintenu à 2.8 %, le ratio de dette publique s’envolerait autour de 70 % du PIB en 2030 (graphique 2.7, panel D). La politique d’endettement a intérêt à privilégier les emprunts concessionnels autant que possible et limiter le recours aux marchés financiers régionaux et internationaux. L’emprunt sur les marchés, même à court terme, se fait encore avec une prime de risque élevée. De plus, le recours aux marchés financiers impose une gestion optimale de la politique d’endettement, notamment le renouvellement (roll-over) du stock de dettes, en particulier si les conditions de marchés devenaient moins favorables.

La politique monétaire et bancaire peine à financer l’activité économique

Une inflation faible et des taux d’intérêts réels élevés pèsent sur l’activité

L’inflation est très faible depuis quelques années, en contraste avec la vigueur de la croissance. L’augmentation de la demande interne ne semble pas avoir pour l’instant d’impact inflationniste. La forte baisse des prix du pétrole et des prix agricoles internationaux explique largement la faiblesse de l’inflation (graphique 2.8), ce qui est confirmé par le redressement des termes de l’échange depuis deux ans. Cependant, le ministère de l’Économie, des Finances et du Plan prévoit une inflation (déflateur du PIB) à 1.6 % en 2016 contre 0.0 % en 2015 (MEFP, 2016b).

Graphique 2.8. L’inflation sénégalaise dépend fortement des déterminants externes
Variation annuelle en pourcentage, 2004-15
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Source : FMI (2016a), http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/weo/2016/02/pdf/textf.pdf.

 https://doi.org/10.1787/888933463788

La faiblesse de l’inflation n’est pas forcément un indicateur de bonne santé économique. Elle résulte en partie de la politique monétaire menée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) conjointement pour les huit pays de l’UEMOA, dont le Sénégal (taux en vigueur inchangés depuis septembre 2013). La caractéristique principale de cette politique monétaire est le taux de change fixe entre le franc CFA et l’euro, faisant de la BCEAO une caisse d’émission (currency board) par laquelle la quantité de monnaie en circulation est contrainte par les réserves de change. La flexibilité des arrangements institutionnels confère cependant une autonomie importante (notamment à court et moyen terme) à la BCEAO dans la conduite de sa politique monétaire (encadré 2.1).

Encadré 2.1. Franc CFA et politique monétaire dans l’UEMOA

La zone franc CFA regroupe 14 pays d’Afrique subsaharienne au sein d’une union monétaire. La monnaie utilisée, le franc CFA, est liée à l’euro (préalablement au franc français) par un système de parité fixe. Il existe deux types de francs CFA : le franc CFA (Communauté financière africaine) de l’UEMOA, auquel appartiennent le Sénégal ainsi que sept autres pays (Bénin, Burkina Faso, Guinée Bissau, Mali, Niger, Côte d’Ivoire et Togo) ; et le franc CFA (Coopération financière en Afrique) de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.

L’union monétaire fonctionne selon des principes simples :

  1. – Convertibilité : la monnaie émise par la BCEAO est convertible sans limite en euros par le Trésor français.

  2. – Parité : la parité entre le franc CFA et l’euro est fixe à 1 euro = 656 FCFA.

  3. – Transférabilité : les transferts sont libres à l’intérieur de la zone.

  4. – Centralisation des réserves : les États centralisent leurs réserves de change auprès de la BCEAO, qui elle-même est tenue de déposer une partie de ses réserves auprès du Trésor français sur un compte d’opération.

Le compte d’opération joue un rôle primordial dans la politique monétaire. Le compte d’opération est crédité avec les réserves de la BCEAO, rémunéré, et offre la possibilité d’un découvert, certes illimité, mais qui doit rester exceptionnel par nature. La BCEAO devra alimenter le compte d’opération pour éviter qu’il ne devienne durablement débiteur en cas de balance des paiements structurellement défavorable, par exemple. Si les disponibilités étaient insuffisantes, la BCEAO devrait user de ses propres réserves en devises étrangères ou demander la cession à son profit contre francs CFA des devises détenues par les organismes publics ou privés des pays membres (clause dite du « ratissage ») et, si nécessaire, inviter les États membres à exercer leur droit de tirage auprès du FMI. En outre, si le compte d’opérations est débiteur pour plus de trois mois, les opérations de refinancement sont réduites de 10 % pour les pays créditeurs et 20 % pour les pays débiteurs, et le conseil de la politique monétaire de la BCEAO est convoqué pour juger des mesures de redressement à mettre en place dans le pays débiteur. L’ensemble de ces mécanismes doivent mécaniquement contraindre la création monétaire dans le pays visé (mais aussi dans les autres pays de l’union), donc les importations, et finalement rétablir l’équilibre. Souvent utilisée avant la dévaluation du franc CFA en 1994, la facilité de découvert du compte d’opérations n’a plus été utilisée depuis.

Quelle autonomie de politique monétaire ? Si les réserves de devises devaient couvrir 100 % de la masse monétaire, la création monétaire serait entièrement tributaire des entrées et sorties de devises, comme dans une caisse d’émission au sens strict (currency board). Mais les statuts de l’UEMOA requièrent un ratio de couverture de 20 % seulement, ouvrant ainsi la voie à un mécanisme de multiplicateur de la base monétaire : en plus des devises, le crédit à l’économie devient donc lui aussi une contrepartie possible à l’actif du bilan de la BCEAO. De surcroît, la possibilité de découvert sur le compte d’opération offre une marge de manœuvre supplémentaire. Malgré cela, si un épuisement des réserves de change venait à apparaître, les mécanismes décrits précédemment se mettraient en action, limitant mécaniquement les refinancements bancaires, et freinant d’autant l’économie. Ne contrôlant pas totalement sa base monétaire, l’autonomie à moyen terme de la politique monétaire est donc limitée.

Dans la pratique, la BCEAO mélange politique régionale unique et politiques nationales adaptées. Elle fixe le taux de refinancement et conduit des opérations d’open market au niveau régional. Mais le lien entre ce taux d’intérêt et les économies nationales est faible du fait de la faible profondeur du marché interbancaire et de la faible élasticité de l’investissement aux taux d’intérêts nationaux (souvent bien plus élevés du fait de la prime de risque et de la faiblesse de l’épargne longue). Ainsi, d’autres instruments sont utilisés, comme la fixation d’objectifs et la régulation de la croissance de la masse monétaire par pays, et donc indirectement de l’inflation et de la croissance par pays. L’absence d’intégration des marchés du travail et la faiblesse des marchés des capitaux renforcent ce besoin.

L’union monétaire est doublée d’une union économique et douanière par le biais des traités régissant l’UEMOA. Ces traités s’articulent autour de quatre principes : harmonisation du cadre légal et réglementaire ; création d’un marché commun ; surveillance multilatérale des politiques économiques ; et coordination des politiques sectorielles nationales.

L’union monétaire présente des avantages et des inconvénients. Les inconvénients sont une perte d’autonomie relative en matière de politique monétaire et la fluctuation de la valeur du franc CFA au gré de celles de l’euro et sans lien avec les performances de l’économie de l’UEMOA (encore moins des pays pris individuellement). L’avantage réside dans la stabilité monétaire et financière favorable au commerce et aux investissements nationaux et étrangers.

Enfin, la crédibilité de la parité (peg) est liée à la convertibilité illimitée, la mise en commun des réserves, mais aussi à la présence de contrôles des capitaux dans les faits, entre les membres, mais surtout vis-à-vis de l’extérieur. Ce contrôle protège contre toute opération de spéculation de grande envergure contre le taux de change fixe. Il a aussi pour effet de protéger la parité et de couper le lien entre la politique monétaire menée en Europe et celle dans la zone franc. Ce contrôle constitue cependant un frein aux activités économiques intra-zones et vis-à-vis de l’extérieur lorsque des délais importants sont constatés dans l’exécution des ordres de paiements et des transferts des individus et des entreprises. Dans le cas de paiements internationaux, cela limite la convertibilité réelle de la monnaie.

Sources : OCDE (2016) ; Banque de France (2010) ; Dufrénot, (2009) ; Masson et Pattillo (2005) ; Veyrune (2007).

La faiblesse actuelle de l’inflation est un indicateur d’un taux de change réel plutôt élevé. Bien qu’une inflation faible soit favorable à la consommation, les niveaux actuels proches de zéro posent problème. En effet, depuis la dévaluation de 1994, le taux de change réel du franc CFA s’est apprécié progressivement, tiré en partie par l’appréciation de l’euro sur certaines périodes. Cette appréciation réduit mécaniquement les prix à l’importation, qui représentent une part importante des biens de consommation et des biens d’investissement, contribuant à la stabilité, voire la baisse des prix. En outre, la force du franc CFA rend plus chers les facteurs de production sénégalais relativement au reste des pays en développement, et plus particulièrement le travail. Pour compenser ce surcoût et maintenir l’attractivité, les entreprises doivent contenir la croissance des salaires, ce qui limite d’autant la pression à la hausse sur les prix. Seule une hausse durable de la productivité du travail permettrait de compenser les effets du niveau du taux de change réel (OCDE, 2016a).

Le niveau élevé des taux d’intérêt pèse sur le financement de l’économie. Le niveau des taux d’intérêt varie beaucoup selon le statut des bénéficiaires, de 5 % pour les entreprises privées à 10 % pour les entreprises individuelles en 2015 (tableau 2.1). Les particuliers empruntent à des taux assez élevés, ce qui pénalise certains secteurs de l’économie, ainsi que l’accès à la propriété. Le taux d’intérêt minimum de soumission aux opérations d’appel d’offres d’injection de liquidités est de 2.5 % et le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal est de 3.5 % (BCEAO, 2016c). La différence entre les conditions de refinancement des banques et les taux qu’elles facturent s’explique, d’une part, par la prime de risque demandée à l’emprunteur et, d’autre part, par la faiblesse des dépôts à long terme auprès des banques. La faiblesse de l’inflation ne permet pas au demeurant de faire baisser significativement les taux d’intérêt réels (graphique 2.9). Les difficultés d’accès au crédit et son coût pour les petites et moyennes entreprises (PME) sont ainsi un frein à la croissance économique.

Tableau 2.1. Le niveau des taux d’intérêt varie beaucoup selon le statut des bénéficiaires au Sénégal

Taux d’intérêt par nature du débiteur

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

État et organismes assimilés

-

6.63

9.94

10.31

9.17

7.44

6.84

6.09

7.57

5.66

Particuliers

10.26

10.22

10.15

10.05

9.65

9.41

9.38

9.39

9.23

9.34

Clientèle financière

8.32

6.82

9.12

8.71

8

8.12

8.6

8.96

7.16

8.07

Sociétés d’État et EPIC

6.54

7.71

6.83

6.95

8.72

7.59

4.47

5.54

6.55

6.75

Entreprises privées du secteur productif

5.69

6.11

6.77

6.86

6.44

5.9

5.35

5.42

5.31

5.08

Entreprises individuelles

11.78

11.81

11.18

10.72

10.48

11.2

11.42

11.19

10.13

9.82

Coopératives et groupements villageois

8.69

10.21

9.8

9.93

9.87

9.17

8.11

9.5

8.51

9.17

Divers (ONG, amicales, syndicats, etc.)

11.11

10.46

10.5

10.86

11.14

9.93

5.92

5.83

5.63

9.63

Total (hors personnel de banque)

6.25

6.76

7.47

7.44

7.04

6.63

6.28

6.14

6.04

5.91

Note : Organisation non gouvernementale (ONG) ; établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

Source : BCEAO (2015), http://www.bceao.int/inc_rub_regulieres-157-60-fr-asc.html.

Graphique 2.9. Les taux d’intérêt réel sont élevés au Sénégal, comme dans les pays de comparaison
Taux prêteurs corrigés de l’inflation mesurée par l’indice implicite du PIB, en pourcentage
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Source : Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463790

Des facteurs structurels limitent le financement de l’activité économique

L’ensemble des ressources disponibles pour financer la transformation économique et soutenir le bien-être se sont amoindries au cours des dernières années. Les projets de développement peuvent être financés par les ressources du secteur public, mais également par celles du secteur privé (Annexe 2.A1). Au Sénégal, ces deux modes de financement sont devenus plus difficiles à actionner au cours des dernières années (encadré 2.2).

Encadré 2.2. Le financement pour le développement se raréfie

Au Sénégal, le financement du développement devient une contrainte de plus en plus importante (voir Annexe 2.A1 pour une description des différentes sources du financement pour le développement). Les montants disponibles pour le développement ont diminué depuis 2005. Au cours de la période 2013-15, les fonds disponibles pour soutenir les ambitions de développement du Sénégal représentaient 31.8 % du PIB, dont 53 % provenaient du secteur public. Entre 2004 et 2006, les montants disponibles représentaient 36.3 % du PIB (dont 63 % provenant du secteur public [graphique 2.10]).

Graphique 2.10. Les moyens financiers disponibles pour assurer le développement du Sénégal sont principalement d’origine publique
Ressources publiques et privées destinées au financement du développement, total en milliards FCFA, sélection de périodes triennales
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Notes : Le total net des ressources publiques disponibles pour le financement du développement comprend les recettes fiscales et non-fiscales, diminué des dépenses non-discrétionnaires qui correspondent au paiement des salaires, des intérêts, des entretiens et au paiement spécifique de certains fonds d’assistance (Initiative d’allégement de la dette des pays pauvres très endettés [PPTE] et Initiative d’allégement de la dette multilatérale [IADM]).

~L’APD comprend les fonds d’assistance et autres dons privés destinés au gouvernement.

* Évolution du crédit total existant au secteur privé sur la période considérée.

 https://doi.org/10.1787/888933463808

Des facteurs structurels limitent les fonds disponibles pour le développement. La marge de manœuvre budgétaire est limitée par l’augmentation du poids des dépenses non-discrétionnaires et le coût de la mobilisation des ressources fiscales. L’augmentation de la dette publique a permis d’accroître les opérations de financement pour le développement, mais au prix d’une augmentation rapide de la charge de la dette (la charge de la dette est passée de 3.5 % des dépenses totales [hors remboursement de la dette] en 2010 à 6.6 % en 2015). En parallèle, la raréfaction des prêts bancaires accordés aux entreprises se conjugue aux difficultés actuelles pour attirer des investissements directs étrangers (IDE). Ces deux facteurs freinent le rôle du secteur privé dans sa contribution aux objectifs de développement du pays. Ces facteurs amplifient les cycliques économiques externes qui influencent surtout le flux des transferts des migrants et des IDE.

En dépit de ces obstacles structurels, le Sénégal a réussi à combiner différentes sources de financement pour maximiser son développement. C’est particulièrement le cas des partenariats public-privé et des investissements dans les infrastructures situées dans les zones industrielles spéciales en périphérie de Dakar, qui ont permis de soutenir les activités productives. Cependant, même si le développement de nouvelles infrastructures est financé par des partenaires publics et privés, d’autres éléments associés, comme les investissements pour accompagner les progrès technologiques et les établissements supérieurs scientifiques, nécessiteront une intervention durable de l’État.

Source : Auteurs, d’après des données du Gouvernement sénégalais, du FMI et de la Banque mondiale (2016a).

L’activité de crédit est concentrée

Le financement de l’économie est l’un des enjeux majeurs de l’émergence. Une grande partie du financement des activités de production repose sur un financement par l’État. Ainsi, le préfinancement des campagnes agricoles dépend pour beaucoup des concours de l’État qui, par exemple, subventionne certains intrants comme les engrais ou les machines agricoles. L’activité de crédit des banques reste largement concentrée sur les grands opérateurs (importateurs de riz) ou sur les grandes entreprises. Ceci limite la contestabilité de l’économie dans son ensemble. L’ensemble du crédit domestique au secteur privé par les banques est de 33.5 % du PIB en 2015, largement en dessous des niveaux atteints dans les pays du groupe de comparaison, comme en Tunisie où le crédit a atteint 75 % du PIB en 2015 malgré la crise politique (graphique 2.11, panel A).

L’accès au système bancaire est faible

Plusieurs facteurs expliquent l’insuffisance du crédit à l’économie. D’abord, l’accès au système bancaire est faible. Même si le nombre d’établissements bancaires a augmenté (25 en 2016), l’accès physique aux banques reste faible et inégal géographiquement (BCEAO, 2016b). Le nombre de guichets automatiques par exemple est largement en dessous de celui du groupe des pays de comparaison (graphique 2.11, panel B). Ceci s’explique par le fait qu’une partie des banques vise un segment restreint d’activités ou de clientèles (banques privées ou d’investissement) et par la faible bancarisation de la population (15 % de la population adulte en 2015). Le taux de bancarisation est faible pour un pays qui vise l’émergence : par comparaison, il est de 80 % pour la Tunisie en 2015 (graphique 2.11, panel C). Ce taux de bancarisation est un frein à la collecte de l’épargne et au financement de l’économie. Les réglementations récemment adoptées par l’UEMOA pour augmenter la bancarisation avec l’adoption de la gratuité de 19 services bancaires (BCEAO, 2014) tardent à porter leurs fruits en raison notamment d’une faible information du public. L’information du public en matière financière est très faible ; l’indice de la profondeur de l’information sur le crédit calculé par la Banque mondiale est de 0 pour le Sénégal sur une échelle de 8 (graphique 2.11, panel D).

Graphique 2.11. Le financement de l’économie sénégalaise reste insuffisant
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Source : Banque mondiale (2016c), http://data.worldbank.org/data-catalog/global-financial-developmenthttp://data.worldbank.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463812

Une faiblesse de l’épargne longue et un risque juridique important limitent le crédit

D’autres facteurs limitent le financement de l’économie. En premier lieu, la faiblesse de l’épargne longue entraîne une concurrence entre les banques pour accéder à l’épargne disponible, notamment auprès des grandes entreprises. En 2015, près de 70 % des dépôts enregistrés sont de court terme (inférieur à deux ans). Ceci se traduit par un coût de la ressource relativement élevé pour les banques (3.1 %), qui se répercute sur les taux d’intérêt des emprunteurs (BCEAO, 2016b). En second lieu, les défaillances de crédit sont trop importantes et alimentent la frilosité des banques. Le taux de crédit en souffrance est de 20 % en 2015, supérieur à celui de tous les pays du groupe de comparaison (graphique 2.11, panel A). Ces risques de défaillances élevés poussent les banques à exiger des garanties et collatéraux importants qui limitent l’accès au crédit. D’autant plus que le système judiciaire n’apparaît pas diligent et des incertitudes importantes sur l’issue des procédures sont dénoncées par les banques. L’indice de force des droits juridiques au Sénégal est de 6 sur une échelle de 12, le situant au milieu du groupe de comparaison. Des marges de progression existent quant à l’effectivité de la justice pour ce qui concerne les contentieux économiques de façon générale et bancaires en particulier.

Enfin, le manque d’informations fiables sur la situation économique et financière réelle des emprunteurs, en particulier des petites entreprises, est un frein majeur à leur financement. Une gestion rigoureuse des entreprises, une meilleure certification des comptes et un traitement diligent des mauvais payeurs sont nécessaires à l’établissement d’un climat de confiance favorable au développement du prêt bancaire.

La création du Fonds souverain d’investissements stratégiques du Sénégal (Fonsis), de la Banque nationale de développement économique (BNDE) et du Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip), bien qu’utile, ne peut suffire à satisfaire les besoins de financements de l’économie sénégalaise. De même, la bourse régionale des valeurs mobilières n’a pas encore atteint un niveau de développement lui permettant de jouer un rôle d’intermédiation financière pour les PME. Une véritable politique de développement de la bancarisation, de captation de l’épargne des ménages et des entreprises et de renforcement du système judiciaire doit être mise en place pour que le système financier joue pleinement son rôle dans le développement du pays.

L’accumulation des principaux facteurs de production, capital physique et travail, demeure insuffisant

Un facteur travail relativement abondant mais faiblement éduqué

La croissance démographique dynamique se traduit par une population active jeune

La population du Sénégal atteint 15 millions en 2015 et est caractérisée par sa jeunesse avec près de 43 % de moins de 15 ans (graphique 2.12, panel A). Ainsi, la population en âge de travailler ne représente que 53 % de la population totale. Le ratio de dépendance démographique se situe autour de un, ce qui indique un niveau de charge assez élevé pour les actifs. Cette dynamique de la population s’explique par une fécondité encore élevée de cinq enfants par femme en moyenne (graphique 2.12, panel B). L’un des déterminants de cette fécondité est la faiblesse de l’urbanisation, 45.2 % en moyenne nationale en 2013, avec de grandes disparités entre les villes (graphique 2.12, panel C). Le Sénégal dispose cependant d’une possibilité à court terme d’augmenter le taux de participation de la main-d’œuvre en agissant sur la participation des femmes au marché du travail (graphique 2.12, panel D). Elle est relativement faible, de 31 % en 2015 contre 40 % à Maurice, ou 55 % au Pérou.

Graphique 2.12. Le Sénégal a une démographie jeune et dynamique
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Sources : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/ ; ANSD ; Nations Unies (2015), https://esa.un.org/ ; OIT (2015), http://www.ilo.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463826

Les projections de Guenguant, Kamarra et Metz (2011) en 2011 donnaient une population de 16 millions en 2020 et de 20 millions en 2030 pour le Sénégal (hypothèses hautes). La dynamique actuelle de la croissance démographique de 15 millions en 2015 est en avance sur cette projection. Compte tenu de la croissance démographique forte à laquelle le Sénégal doit faire face, l’arrivée continue de cohortes importantes de naissance retarde le moment du potentiel dividende démographique et impose des niveaux d’investissements élevés en éducation, et des besoins en emploi soutenus. Le Sénégal doit donc augmenter l’efficacité de sa dépense d’éducation et accélérer la transformation de sa structure économique pour offrir des emplois aux jeunes.

Un stock de capital humain faible qui pénalise la croissance

Le niveau d’éducation est une dimension importante du facteur travail, qui détermine sa contribution à la croissance. Le Sénégal souffre d’une faiblesse du niveau d’éducation de la population active. Malgré les hausses observées dans les taux de scolarisation au niveau du primaire et du secondaire, le niveau d’éducation moyen de la population est encore très faible (voir chapitre 3). Le faible niveau d’éducation moyen s’explique par le sous-investissement passé, ce qui se traduit par la présence sur le marché du travail de cohortes de travailleurs plus âgés avec un niveau d’éducation moyen très faible. Ainsi, la part de la population sans éducation demeure élevée (plus de 50 %), elle a même connu une progression jusqu’en 2005, alors que les dépenses en éducation augmentait (graphique 2.13, panel A). Enfin, le stock de capital humain est très faible par rapport à tous les pays du groupe de comparaison (graphique 2.13, panel B). Cette situation explique la rareté d’une main-d’œuvre qualifiée satisfaisant la demande des entreprises, et est un facteur bloquant important de l’accélération de la croissance.

Graphique 2.13. Le niveau du capital humain reste faible au Sénégal
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Source : Calculs des auteurs ; Barro et Jong-Wha Lee (2013), https://doi.org/10.3386/w15902.

 https://doi.org/10.1787/888933463837

Au-delà de l’effort en dépenses d’éducation qui doit être maintenu, l’enjeu majeur est l’amélioration de l’efficacité de la dépense éducative (voir chapitre 3). L’augmentation de la qualité de la main-d’œuvre est essentielle pour l’accroissement du potentiel de croissance du pays et pour réellement tirer tous les bénéfices d’une population active jeune.

Le facteur capital doit encore augmenter pour être un facteur de croissance durable

L’investissement se traduit enfin dans l’accumulation de capital physique

En effet, l’investissement a augmenté significativement dernièrement, bien que de façon irrégulière. La croissance moyenne annuelle de l’investissement en capital physique a été de 4.3 % de 1960 à 2015, contre 6.1 % de 2005 à 2015. Cet accroissement lent du stock de capital physique s’explique en partie par la faiblesse des investissements directs étrangers (graphique 2.14, Panel A ; encadré 2.3). La faiblesse des IDE est un indicateur d’une attractivité encore relativement faible. Elle s’explique par différents facteurs décourageants les IDE comme l’insécurité foncière, les incertitudes liées au système judiciaire, le coût de l’énergie élevé, sans compter les délestages importants jusqu’à récemment. Mais, avec le Plan Sénégal émergent, le gouvernement a sensiblement augmenté l’investissement public. Ainsi l’investissement a franchi le cap des 25 % du PIB en 2014, se situant à un niveau comparable ou supérieur à celui de la plupart des pays du groupe de comparaison (graphique 2.14, panel B). Cet effort en investissement public, notamment dans les infrastructures stratégiques, doit se poursuivre pour faciliter le développement des activités économiques. La complémentarité entre investissement public et privé sera déterminante dans l’accélération de la croissance. La pauvreté du lien entre capital physique et productivité globale des facteurs s’explique en partie par le fait qu’outre les infrastructures une bonne partie de l’investissement a concerné des secteurs comme l’agriculture. Dans ces secteurs, les premiers niveaux d’investissement ont concerné l’irrigation et la valorisation de nouvelles surfaces agricoles. Dans un second temps, avec une meilleure mise en valeur de la production agricole et le développement des filières agro-alimentaires industrielles, la productivité devrait augmenter. De plus, l’augmentation des IDE pourrait permettre une hausse de la productivité grâce aux transferts technologiques et aux liens fournisseurs-producteurs.

Encadré 2.3. Le Sénégal affiche un retard en matière d’attraction des IDE

Les IDE au Sénégal ont augmenté depuis 2006, mais leur poids dans l’économie reste très modeste. Entre 1992 et 2005, le flux annuel moyen des IDE au Sénégal est de 7 millions USD. Il triple entre 2006 et 2014 pour atteindre 239 millions USD (Cnuced). Depuis 2006, les flux d’IDE stagnent, compris entre 200 et 250 millions USD. Ils représentent 2.6 % du PIB en moyenne, dans la moyenne de l’Afrique subsaharienne et régionale, mais inférieurs à la moyenne des pays à faible revenu (4.4 % du PIB en moyenne). Le nombre de nouveaux projets d’investissement et le montant moyen investi progressent (de 460 millions USD de 2004 à 2009 à 900 millions USD de 2010 à 2015, selon fDi Markets). Les secteurs prioritaires du PSE connaissent des hausses d’IDE, sauf le tourisme. Les secteurs qui attirent le plus d’IDE sont les matières premières (charbon, gaz, pétrole) ; l’immobilier ; et les matériaux de construction (fDi Markets). Bien que cette orientation sectorielle soit conforme aux objectifs du PSE, ces secteurs ne sont pas nécessairement les plus productifs. Parmi les autres secteurs prioritaires, le tourisme connaît une forte diminution des montants investis, alors que ce secteur crée, relativement, beaucoup d’emplois par unité de capital investi par rapport aux pays de comparaison. À l’inverse, la logistique (transport, stockage) connaît une légère hausse. Le secteur manufacturier (machines, composants électroniques, tabac, etc.), qui ne figure pas en tant que tel comme secteur prioritaire du PSE, connaît aussi une forte baisse des montants investis.

Sources : fDI Markets, https://www.fdimarkets.com/ ; Cnuced.

Graphique 2.14. Le niveau d’investissement est significatif, mais la part des IDE reste très faible au Sénégal
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Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463841

L’accumulation du capital physique s’accélère

Le stock de capital du Sénégal n’a augmenté significativement que dans les dix dernières années, grâce notamment à l’accélération de l’investissement. Le stock de capital est construit en suivant la méthode PIM (Perpetual Inventory Method)1 . Le stock de capital a autant augmenté depuis 2005 que depuis l’indépendance (graphique 2.15, panel A). Comme le capital physique a été l’un des principaux facteurs de croissance, sa faible augmentation explique en partie la modeste croissance sur la période. En effet, l’intensité capitalistique reste très faible et sa progression particulièrement lente (graphique 2.15, panel B). De plus, le stock de capital physique, en particulier les infrastructures publiques, a particulièrement souffert d’une faible maintenance pendant les années d’ajustements structurels. Aussi, une grande partie de l’investissement public a régulièrement servi à refaire des routes et infrastructures publiques déjà existantes.

Graphique 2.15. L’accumulation du capital physique s’accélère au Sénégal, mais la productivité ne suit pas encore
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Source : Calculs des auteurs d’après BCEAO (2016a) et Feenstra, Inklaar et Timmer (2015), http://www.ggdc.net/pwt/.

 https://doi.org/10.1787/888933463850

L’analyse des déterminants de la croissance en extrayant la dimension cyclique (ou les fluctuations macroéconomiques) indique des phases d’accélération de l’accumulation de capital physique qui se traduisent par une baisse de la productivité (graphique 2.16). En effet, sur beaucoup de périodes entre 1960 et aujourd’hui, les phases de hausse du rôle du capital dans la croissance coïncident avec un recul de l’impact de la productivité sur la croissance. En particulier, sur la période récente, l’augmentation du rôle du stock de capital physique s’accompagne d’un impact négatif de la productivité globale des facteurs. Ce qui peut s’expliquer par la nature des investissements, en particulier le rattrapage en infrastructures opéré par le gouvernement dans le cadre du PSE. Cependant, dans une seconde phase, la productivité devrait augmenter avec l’augmentation des investissements en moyens de production par rapport aux investissements en infrastructures.

Graphique 2.16. La croissance sénégalaise est essentiellement extensive
Comptabilité de la croissance avec capital humain ; contributions annuelles en points de pourcentage, filtrée
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Note : productivité multifactorielle (= productivité totale des facteurs [PMF]).

Source : Calculs des auteurs d’après Feenstra, Inklaar et Timmer (2015), http://www.ggdc.net/pwt/ ; Barro et Lee (2013), https://doi.org/10.3386/w15902.

 https://doi.org/10.1787/888933463864

La productivité contribue pour l’instant faiblement à la croissance

La productivité globale des facteurs reste modeste

La faiblesse de la productivité explique en grande partie les performances modestes de croissance économique du Sénégal. L’analyse de la comptabilité de la croissance (growth accounting) sur la période 1961-2014 indique que la croissance de la productivité globale des facteurs a rarement dépassé les 1 % par an sur l’ensemble de la période (graphique 2.16). La comptabilité de la croissance permet de mesurer la contribution de chacun des facteurs d’offre (travail, capital et productivité) à la croissance du PIB. Le facteur travail est augmenté du capital humain accumulé par le Sénégal sur la période grâce à la base de données de Barro et Lee (2010). Le lissage des données permet de faire ressortir les tendances et de mieux évaluer la contribution des facteurs dits extensifs (accumulation de travail et de capital) et celle des facteurs dits intensifs (la productivité multifactorielle). Il en ressort que, sur les quinze dernières années, la croissance est essentiellement extensive, c’est-à-dire qu’elle repose sur l’accumulation des facteurs, le capital humain et surtout le capital physique (graphique 2.16). La productivité multifactorielle des facteurs a joué un moindre rôle et son évolution est négative depuis 2007. Si l’émergence nécessite une accélération de l’accumulation de capital physique, comme ce fut le cas pour Hong Kong, Singapour ou la Corée du Sud (Young, 1995), la productivité des facteurs doit également croître de façon durable pour une croissance persistante au-dessus de la cible des 7 % par an.

Le niveau de la productivité totale des facteurs est faible par rapport aux pays de comparaison (graphique 2.17). Elle est tirée à la baisse par une productivité du travail très basse, qui évolue peu, avec une hausse de seulement 18 % entre 2004 et 2014, contre environ 60 % pour la Côte d’Ivoire ou le Kenya, 30 % pour le Maroc, ou 47 % pour la Turquie. Ces faibles performances sont expliquées à la fois par des insuffisances en termes de capital humain et d’intensité capitalistique, mais aussi par l’importance du secteur informel.

Graphique 2.17. La productivité totale des facteurs au Sénégal est faible par rapport aux pays de comparaison
Niveau de productivité relatif aux États-Unis en PPA, 2014
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Note : Niveau de productivité relatif aux États-Unis (en PPA).

Sources : Calculs des auteurs d’après Feenstra, Inklaar et Timmer (2015), http://www.ggdc.net/pwt/ ; Barro et Lee (2013), https://doi.org/10.3386/w15902.

 https://doi.org/10.1787/888933463877

La productivité dans les secteurs primaire et tertiaire reste modeste

Dans le secteur agricole, la productivité du travail est extrêmement basse et affiche une faible progression en dix ans, ce qui est d’autant plus problématique que le Sénégal dépense beaucoup dans ce secteur. À l’inverse de pays comme le Maroc, qui ont réussi à accroître très significativement la productivité agricole grâce à des stratégies volontaristes de développement du secteur, le Sénégal observe une stagnation de la productivité agricole à des niveaux très faibles (15 fois inférieure à celle de Maurice, 10 fois à celle du Maroc, 5 fois à celle de la Côte d’Ivoire ; graphique 2.18). Ainsi, de 2005 à 2015, la productivité agricole a progressé de 7 %, contre près de 20 % pour le Viet Nam ou la Tunisie. Or, le Sénégal fait partie des rares pays d’Afrique subsaharienne qui ont atteint l’objectif fixé à la conférence de Maputo de 10 % des dépenses publiques annuelles dédiées à l’agriculture. Les subventions aux intrants accaparent une part importante de ces dépenses. Ces faibles rendements sont liés à une faible qualité des semences pour certaines céréales, à la baisse de la fertilité des sols, aux faibles niveaux de l’agriculture irriguée par rapport à l’ensemble, ou encore au morcellement des parcelles avec une taille moyenne de dix hectares (ce qui engendre également des difficultés de lissage des revenus pour les petits exploitants impliqués dans des cultures saisonnières). De plus, les filières les plus productives comme le riz ne représentent pas encore la part la plus importante des surfaces agricoles. Face aux pressions démographiques, la hausse des rendements agricoles apparaît critique pour le Sénégal. La tendance est à la hausse pour la majorité des cultures, à l’exception du maïs et du coton, mais la progression est souvent volatile. Cependant, le rendement du riz s’accroît durablement.

Graphique 2.18. La productivité agricole sénégalaise ne progresse pas
Valeur ajoutée par travailleur, USD aux prix constants de 2005
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Source : Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463889

La productivité dans le secteur industriel a augmenté depuis 1995. Cette hausse constitue le moteur principal de la hausse de la productivité du travail dans l’économie (MEFP, 2015a). Les importants investissements en cours pourraient affecter positivement la productivité industrielle à long terme, sous réserve d’investissements de qualité, d’une maintenance suffisante des infrastructures et de la mise en place de politiques d’accompagnement adaptées.

La productivité dans les services est modeste. La productivité dans le secteur des services est également inférieure à de nombreux pays, même si l’écart est moins marqué que dans le cas de l’agriculture (graphique 2.19). En 2012, les activités immobilières sont devenues parmi les plus productives, devant les télécommunications et les services financiers, alors que ces derniers ont un poids dans l’emploi bien supérieur (MEFP, 2013).

Graphique 2.19. La productivité dans les services est modeste au Sénégal
Valeur ajoutée par travailleur, USD aux prix constants de 2005
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Source : Calcul des auteurs d’après OIT (2015), http://www.ilo.org/ ; Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463898

Améliorer le niveau de capital humain est indispensable pour atteindre l’émergence

Le Sénégal vise une croissance durable au-dessus de 7 % par an pour atteindre l’émergence en 2035 grâce au PSE. L’accélération récente de la croissance indique que les investissements en infrastructures et dans le domaine agricole semblent avoir augmenté la croissance potentielle. Le taux de croissance potentielle a franchi un palier, il est passé d’environ 4 % par an dans les années 2000 à environ 6 % dans le milieu des années 2010. Les projections en maintenant un taux d’investissement annuel égal à la moyenne des années 2010-15 indiquent une croissance potentielle légèrement au-dessus de 5 % par an entre 2020 et 2040, notamment amortie par la dynamique démographique. En utilisant en variante le taux de croissance de l’investissement de 2014, qui est le point haut de la décennie pour projeter le stock de capital, on obtient un taux de croissance potentielle légèrement supérieur, mais qui reste sous la barre des 6 % par an.

Cet exercice indique qu’une croissance durable de 7 % par an impliquerait sur une longue période une croissance au-dessus de la croissance potentielle, ce qui paraît difficile sans une transformation structurelle de l’économie. En particulier, la productivité dans le secteur agricole, qui emploie la majeure partie de la population, doit augmenter sensiblement. De même, le secteur secondaire, qui a la plus forte productivité, doit représenter une part plus importante de l’économie. Pour atteindre cet objectif de 7 %, des réformes profondes sont indispensables afin d’augmenter durablement la productivité globale des facteurs et le capital humain. Remédier au problème des pratiques et institutions discriminatoires à l’égard des femmes peut contribuer de façon importante à l’augmentation de la productivité et à l’amélioration de l’utilisation des ressources existantes par le Sénégal (encadré 2.4).

Encadré 2.4. L’égalité entre les genres offre un potentiel de croissance

L’égalité entre les femmes et les hommes est un droit humain fondamental ; c’est aussi un important facteur de croissance économique pour le Sénégal. Important, car l’égalité est un objectif de développement en soi (voir l’Objectif de développement durable [ODD] 5), mais aussi parce que la parité est un atout pour l’économie : elle accroît la productivité et améliore d’autres résultats du développement, notamment les perspectives d’avenir de la génération suivante et la qualité des politiques et de la gouvernance d’une société (Banque mondiale, 2011). Au contraire, les discriminations qui s’exercent à l’encontre des femmes créent une distorsion pour l’économie, similaire à celle créée par une taxe. Or, comme le capital humain est une combinaison de facteurs innés et d’éducation, la discrimination réduit le niveau global du capital humain par rapport à ce qu’il serait en l’absence d’inégalités ; et le taux de croissance économique globale en souffre (Klasen, 2002 ; Klasen et Lamanna, 2009).

Les discriminations de genre dans les institutions sociales représentent un coût important pour l’économie sénégalaise : elles induisent une perte de revenu de près de 3.6 milliards USD, soit 16 % du revenu national (Ferrant et Kolev, 2016). Ceci s’explique principalement par l’influence négative des institutions sociales discriminatoires sur le niveau d’éducation des femmes et leur participation au marché du travail. Ainsi, les institutions sociales discriminatoires constituent des contraintes pour le progrès technique et l’amélioration de la productivité des facteurs de production : en réduisant la contribution des femmes à l’économie sénégalaise, les institutions sociales discriminatoires limitent artificiellement le choix de main-d’œuvre disponible pour les employeurs, réduisant ainsi la productivité moyenne.

Les disparités de genre dans l’agriculture réduisent le potentiel de croissance offert par le secteur dans les marchés mondiaux ou régionaux. (AfDB/OCDE/PNUD, 2014). Néanmoins, la position des femmes est souvent confinée aux maillons les plus bas de la chaîne de valeur (par exemple, récolte, traitement et emballage) qui requièrent des niveaux d’éducation plus faibles et ainsi justifient de forts écarts de salaire entre travailleurs et travailleuses (BIT, 2010). Parmi les travailleurs du secteur de la tomate au Sénégal, par exemple, 2 % des femmes ont des contrats de travail à durée indéterminée, contre 28 % des hommes (FAO-FIDA-OIT, 2009). En outre, bien que représentant près de la moitié des travailleurs agricoles (47 % en 2010), les femmes ne détiennent que 9 % (FAO, 2010) des 8 002 000 d’hectares de terres cultivables au Sénégal (Nucea, 2012). Or, à niveaux d’accès égaux aux moyens de productions, les niveaux de productivité entre les exploitants et les exploitantes agricoles sont les mêmes (Udry, 1995 ; Quisumbing, 1996). Le potentiel de croissance lié à la production agricole des femmes serait donc similaire à celui des hommes, mais sous-exploité.

Pour bénéficier pleinement du potentiel de croissance qu’offre l’égalité des genres, les stratégies de développement doivent aussi cibler les institutions sociales discriminatoires. Si l’augmentation des revenus ne permet pas vraiment de réduire les disparités entre les femmes et les hommes, des politiques bien ciblées garantissant une transformation législative et sociale peuvent en revanche avoir un impact réel (Ferrant et Nowacka, 2015). En effet, les institutions sociales ont une influence déterminante sur la capacité d’émancipation des femmes et des hommes : elles définissent les attributs, les attentes et les normes sociales, comportementales, et culturelles qu’une société considère comme appropriées pour les hommes et pour les femmes (Morrisson et Jütting, 2005). Si elles sont généralement ignorées des stratégies de développement, elles peuvent constituer un levier ou un frein au développement.

Des gains macroéconomiques considérables seraient réalisés si les institutions sociales traitaient les femmes et les hommes de manière égale, permettant aux femmes de développer pleinement leur potentiel économique. L’élimination de toutes les formes de discriminations qui s’exercent contre les femmes au sein des institutions sociales nécessite des engagements politiques de long terme, mais le pays pourrait réduire progressivement ses niveaux de discrimination en adoptant des politiques sensibles au genre et en supprimant les aspects discriminatoires des cadres juridiques. Le Sénégal verrait le taux de croissance annuel de son PIB par tête augmenter de 0.1 point de pourcentage dans les quinze prochaines années s’il atteignait les mêmes niveaux de discrimination que l’Afrique du Sud (la meilleure performance régionale dans la classification SIGI [Indicateur des institutions sociales et égalité femme-homme]). Ce gain s’élèverait annuellement à 0.6 points de pourcentage s’il éliminait complétement les discriminations de ses institutions sociales (Ferrant et Kolev, 2016).

Source : Ferrant et Kolev (2016) ; Ferrant et Nowacka (2015) ; AfDB/OCDE/PNUD (2014) ; Nucea (2012) ; Banque mondiale (2011) ; BIT (2010) ; FAO (2010) ; Klasen et Lamanna (2009) ; FAO-FIDA-OIT (2009) ; Morrisson et Jütting (2005) ; Klasen (2002) ; Quisumbing (1996) ; Udry (1995).

La croissance potentielle calculée en prenant en compte le capital humain affiche une dynamique similaire, légèrement au-dessus de 5 % par an. Dans ce cas, la productivité globale des facteurs (PGF) ne croît plus que de 0.6 % par an. Cependant, si le Sénégal arrivait à augmenter durablement son niveau de capital humain moyen (1.36 en 2010) pour atteindre celui de Maurice (2.5 en 2010) dès 2025, et à poursuivre ce rythme de croissance du capital humain, alors le taux de croissance potentielle s’établirait durablement au-dessus de 6 % par an (graphique 2.20).

Graphique 2.20. Des réformes profondes sont nécessaires pour augmenter durablement la croissance potentielle du Sénégal
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Note : La croissance potentielle est calculée en appliquant la méthode de la fonction de production Cobb-Douglass en prolongeant la tendance (filtre Holdrick-Prescott) du taux de croissance de la PGF et de l’emploi calé sur la croissance démographique, et en prolongeant la dynamique de l’accumulation du capital avec une hypothèse de croissance de l’investissement. Pour le scénario central, la croissance de la PGF est de 1 %, l’investissement croît au taux de croissance moyen 2010-15 et l’emploi croît au rythme de la croissance démographique. Le scénario investissement haut utilise en projection le taux de croissance de l’investissement en 2014, qui est le point haut de la décennie précédente.

Source : Calculs des auteurs d’après Banque mondiale (2016a), http://databank.banquemondiale.org/.

 https://doi.org/10.1787/888933463903

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Annexe 2.A1. Les sources de financement pour le développement

Une planification du développement efficace exige de disposer de prévisions quant aux moyens financiers d’ensemble que le pays peut mobiliser pour concrétiser ses ambitions. En plus d’évaluations d’autres aspects des capacités d’application du pays, ces prévisions déterminent la hiérarchisation des priorités du programme de développement pour lui donner toutes les chances de réussir. Les évaluations des moyens financiers disponibles pour le développement jouent également un rôle de plus en plus important en vue de garantir un développement durable2 .

Des plans efficaces de développement national s’efforcent de mobiliser tout l’éventail des ressources disponibles afin de permettre au secteur public comme au secteur privé de transformer la structure économique du pays et le bien-être de sa population. Les principales sources de financement sont liées aux décisions d’investissement des acteurs privés nationaux et à la manière dont les pouvoirs publics exploitent leur marge de manœuvre budgétaire. Ces apports de ressources se divisent en deux grandes catégories.

Les moyens affectés aux activités de développement du secteur public :

  1. La mobilisation des ressources domestiques à travers les impôts et d’autres formes de recettes publiques. L’efficacité et l’équité du régime fiscal sont les deux clés d’une mobilisation réussie des ressources intérieures.

  2. L’extension de la marge de manœuvre budgétaire grâce à une optimisation des dépenses. Cela peut consister à réallouer les dépenses en faveur d’objectifs étayant le développement national (comme le désinvestissement dans des subventions mal ciblées) ou à renforcer l’efficacité des dépenses (grâce à des systèmes de marchés publics et de gestion des finances publiques garantissant le règlement en temps voulu des fournisseurs, ce qui permet de renforcer la valeur ou la compétitivité des achats publics).

  3. Un financement durable de l’endettement du secteur public. Une approche prudente consiste à maintenir un ratio constant entre la dette publique et les facteurs susceptibles d’assurer le service de la dette (PIB, recettes publiques ou exportations par exemple).

  4. L’aide publique au développement (APD), qui peut être dédiée à certains investissements de développement, et sur laquelle le gouvernement bénéficiaire n’exerce qu’une influence variable (voir le document relatif à l’APD dans le cadre de l’OCDE [2016b] et dans le contexte spécifique au Sénégal OCDE [2016c]).

    Le financement de la contribution du secteur privé au développement national :

  5. Les investissements domestiques du secteur privé, qui sont en général financés à travers le système bancaire et sont à la discrétion de leurs initiateurs. Cela peut également recouvrir l’emprunt des ménages, qui s’ajoute aux ressources nationales.

  6. Les IDE, qui peuvent favoriser les investissements des modes de production innovants ou plus efficaces et l’utilisation de ressources existantes. Les retombées des IDE pour l’économie au sens large peuvent notamment être tributaires de l’environnement réglementaire local.

  7. Les transferts de fonds des migrants, qui contribuent en général surtout à la consommation intérieure et aux investissements des ménages.

  8. La philanthropie et les partenariats internationaux, qui œuvrent habituellement pour la mise à disposition de biens publics mondiaux ou s’efforcent de traiter des problèmes transversaux de développement.

En plus de maximiser ces flux individuels, une stratégie efficace de développement doit s’efforcer de les marier au mieux pour tirer tout le parti de leurs complémentarités.

Notes

← 1. La PIM utilise l’équation d’investissement Kt = (1 - δ) Kt – 1 + It où δ représente le taux de dépréciation du capital. Les données de formation brute de capital fixe (investissement) sont disponibles sur le site de la BCEAO. Il est retenu un taux de dépréciation annuel du capital de 10 %, standard dans la littérature. Bien qu’un peu élevé, ce taux reflète aussi l’usure accélérée du capital au Sénégal du fait des nombreuses fermetures d’usines ou d’arrêts de production pendant plusieurs années. Le stock de capital initial est estimé en faisant l’hypothèse que l’économie se trouve à son équilibre stationnaire au début de la période, ce qui permet d’obtenir Kt - 1=It/(g + δ), où g est la moyenne des taux de croissance du PIB sur 1960-62.

← 2. À l’instar du programme de mobilisation des ressources adopté lors de la Troisième conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est tenue à Addis-Abeba en 2015.