Chapitre 5. Vers un renforcement des capacités institutionnelles du Sénégal
Ce chapitre est consacré aux mécanismes institutionnels mis en œuvre dans les administrations publiques et à la façon dont ces administrations assurent des services publics de qualité. La première section met en lumière la solidité du cadre institutionnel et de l’arsenal législatif, et le besoin d’amélioration du fonctionnement des administrations publiques (application du corpus législatif, procédures budgétaires, captation de l’action publique par des intérêts particuliers, etc.). La seconde section porte sur l’offre de services publics dans les domaines de la justice et de l’éducation notamment, et la politique actuelle de décentralisation, qui n’apparaît pas encore comme un moyen efficace de renforcer l’administration au niveau local.
Doter l’État des capacités d’impulsion nécessaires est au cœur des objectifs déclinés dans le Plan Sénégal émergent (PSE). La vision d’« un Sénégal émergent en 2035 avec une société solidaire dans un état de droit » souligne la place centrale du fonctionnement de l’État et du système institutionnel. Chacun des trois piliers du PSE exige une amélioration des capacités institutionnelles et de l’efficacité organisationnelle :
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La transformation structurelle de l’économie passe par la réallocation constante des ressources et des activités vers les secteurs offrant le meilleur potentiel. Elle exige que la société au sens large puisse soutenir les changements d’activité et les acteurs du système économique en préservant la stabilité, mais également en maintenant les investissements et en engageant des actions aux retombées durables. Cela nécessite un climat des affaires propice aux investisseurs, avec un cadre réglementaire transparent et un règlement efficace des différends.
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Le bien-être des populations passe par des mécanismes efficaces de délivrance des biens et des services publics, dans un souci constant de renforcement de la qualité de l’offre. Pour cela, les fonctions techniques clés de l’État, à l’image du système de gestion des finances et de la fonction publique, doivent être effectuées efficacement, et l’allocation des ressources publiques doit être optimale pour assurer la provision de services publics.
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La consolidation de l’État de droit passe par une optimisation du fonctionnement des institutions publiques formelles. L’efficacité d’un système judiciaire indépendant repose sur l’application et le respect des lois, ainsi que l’intégrité des institutions publiques et des fonctionnaires.
Conditions du succès pour atteindre l’émergence, les capacités d’impulsions de l’État jouent un rôle transversal au travers des trois axes du PSE, sans être nécessairement associées à des projets de réformes clés. Le Sénégal reconnaît ainsi l’importance du rôle de l’État dans la conduite des objectifs et des réformes avancés par le PSE. La mise en œuvre du PSE exige une plus grande efficacité dans l’allocation des ressources et l’exécution des dépenses. La mise en œuvre du Plan d’actions prioritaires (PAP) nécessite des réformes pour améliorer la gestion des finances publiques, rationaliser le système fiscal et les dépenses de fonctionnement de l’administration, et mieux respecter les procédures d’exécution des dépenses publiques. Le PAP prévoit également d’améliorer la gouvernance économique, de renforcer les capacités de planification, de suivi et d’évaluation, et d’améliorer la qualité de la production statistique. Afin d’améliorer le système judiciaire, le PSE envisage également une refonte de la carte judiciaire associée à une nouvelle définition de la répartition des compétences entre les juridictions compétentes. En matière administrative, la poursuite du processus de décentralisation et la modernisation de la gestion des ressources humaines sont abordées. Cependant, ces pistes d’amélioration ne sont spécifiquement associées ni à des projets phares, ni à des réformes clés dans le cadre du PSE.
Ce chapitre décrit les capacités des institutions sénégalaises à fournir des services publics de qualité et à contribuer à la réalisation des objectifs du PSE. L’État doit en effet disposer d’un ensemble de compétences institutionnelles capable de soutenir le développement économique et de contribuer au bien-être des populations. Dans une première section, ce chapitre montre que le cadre institutionnel est bien établi au Sénégal, mais qu’il présente des dysfonctionnements en termes de respect des principes de bonne gouvernance. La seconde section de ce chapitre évalue les lacunes de l’État dans la fourniture de services publics de qualité, notamment dans les domaines de l’éducation et de la justice, et s’intéresse au processus de décentralisation en cours comme moyen de renforcer l’efficacité de l’administration à l’échelon local.
Le cadre institutionnel est solide, mais le fonctionnement des administrations publiques pourrait être amélioré
Le cadre institutionnel des administrations publiques est bien en place
Au Sénégal, les capacités institutionnelles des administrations publiques sont relativement solides. Les performances de l’administration sénégalaise dépassent souvent celles d’autres pays à revenu intermédiaire inférieur et d’autres pays d’Afrique subsaharienne. Les fonctions institutionnelles sont généralement dirigées par un petit groupe d’experts semi-autonomes, dotés de compétences techniques particulières. L’administration publique bénéficie habituellement du très bon niveau d’instruction de l’élite sénégalaise. Les performances de la gestion économique du Sénégal sur le plan de la politique budgétaire et monétaire sont celles d’un pays à revenu intermédiaire supérieur. La dernière publication du cadre d’évaluation des dépenses publiques (PEFA, 2011) a attribué au Sénégal la note « A » dans des domaines tels que l’analyse de la viabilité de la dette ou la clarté des règles budgétaires.
L’ancrage des administrations centrales dans le panorama institutionnel sénégalais se reflète dans les niveaux de confiance envers les institutions publiques formelles. La confiance des personnes interrogées envers le gouvernement national est relativement élevée (63 % des personnes interrogées en 2016) et s’est nettement améliorée sur la décennie avec une progression de presque 30 points de pourcentage sur cette période (Gallup, 2016). Une confiance élevée dans les institutions étatiques peut également renforcer la morale fiscale, qui va de pair avec un plus grand respect des obligations de la part des contribuables et une mobilisation accrue des ressources (OCDE, 2013a). Par ailleurs, 69 % des personnes interrogées ont confiance dans l’honnêteté du processus électoral en 2016, un taux qui a fortement augmenté après la fin des années 2000 (en 2009 par exemple, 27 % des gens avaient confiance dans les élections [Gallup, 2016]). La police et l’armée sont également des institutions qui bénéficient de la confiance des populations (graphique 5.1, panels B et C).
L’arsenal juridique et institutionnel pour veiller au respect de la bonne gouvernance au sein des institutions publiques est en place. Par la loi du 6 juillet 2015, le Sénégal s’est engagé à ratifier le protocole A/P3/12/01 portant sur la lutte contre la corruption adopté en 2001 à Dakar. L’adoption récente de cette loi renforce le cadre législatif en vigueur pour lutter contre la corruption. Le pays a également mis en place plusieurs structures chargées de surveiller la gouvernance, qui sont aujourd’hui bien établies dans le paysage institutionnel. La Cour des comptes veille au contrôle de l’exécution des lois de finances dans ses rapports annuels. L’Office national de la lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), nouvellement créé, s’assure de l’instruction des allégations d’actes de corruption et de la prévention les risques de corruption. L’Inspection générale d’État effectue des audits opérationnels sur l’efficacité du fonctionnement de l’État. Dans leurs rapports, ces organismes soulignent les faiblesses de la gouvernance administrative, économique et financière, notamment les comportements de recherche de rente (République du Sénégal, 2015a).
Le Sénégal a également pris des mesures pour améliorer les capacités de planification, de suivi et d’évaluation des politiques publiques. Le premier PAP (2014-2018) du PSE apporte des avancées pour renforcer les capacités institutionnelles des autorités publiques dans ces domaines. Le Bureau opérationnel de suivi (BOS) accompagne la mise en œuvre du PSE. Le PSE prévoit également la création de comités régionaux pour suivre la mise en œuvre des projets phares à l’échelon local et indiquer les pistes d’amélioration possibles. De plus, le cadre harmonisé de suivi et d’évaluation des politiques publiques mis en place en 2015 (décret n°2015-679 du 26 mai 2015) vise à améliorer la coordination du suivi des objectifs stratégiques sectoriels et de l’évaluation des projets et programmes de façon à veiller à la mise en œuvre du PSE. Plus généralement, le Gouvernement sénégalais a pris conscience de l’importance des programmes de suivi et d’évaluation au niveau de l’ensemble des politiques publiques. Les audits se sont également multipliés pour introduire une plus grande culture d’évaluation sur les programmes publics.
Le système statistique du Sénégal peut compter sur un cadre institutionnel également robuste (Annexe 5.A1). La bonne organisation du système statistique, ainsi que la conduite des différentes activités statistiques (recensement de la population en 2013 ; enquête de suivi de la pauvreté de 2011 ; production périodique d’indicateurs sociodémographiques, etc.) permet au Sénégal d’obtenir le score de 75.6/100 à l’indicateur de capacité statistique de la Banque mondiale pour l’année 2016, contre 59.4/100 en moyenne pour l’Afrique subsaharienne. Le système statistique national est coordonné par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), conformément à la loi statistique de 2012 qui régit les activités statistiques du pays. La loi statistique est conforme aux principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies. Le Sénégal dispose d’un Conseil national de la statistique, qui approuve annuellement le programme national d’activités statistiques. Il veille à ce que les services et organismes concernés disposent des ressources humaines, financières et matérielles nécessaires à la réalisation de son programme de travail en vertu de la loi statistique. La loi comporte des dispositions pour assurer la confidentialité et la sécurité des données individuelles. Le Sénégal ne finance pas totalement les opérations de collecte des données et bénéficie du soutien de bailleurs.
Malgré les bonnes performances du système statistique national, des pistes d’amélioration existent pour disposer d’un système statistique plus efficace. La mise en place d’un système statistique national efficace peut contribuer à accompagner l’émergence du Sénégal. Par exemple, les activités de collecte de données sur la population et les entreprises peuvent permettre une meilleure maîtrise de l’assiette fiscale et ainsi renforcer l’efficacité du régime fiscal. Dans cette perspective, il est nécessaire de renforcer les opérations de collecte statistique. Des besoins apparaissent également dans l’accès aux données et à l’information dématérialisée. Cela peut contribuer à renforcer la responsabilisation du gouvernement envers les citoyens et améliorer les capacités de pilotage de l’administration publique. Plus précisément, des besoins apparaissent en matière d’enquêtes de pauvreté, de recensements agricoles et d’état civil (enregistrement des naissances et des décès).
Malgré un poids de la corruption relativement contenu, l’action publique peut être captée par des intérêts particuliers
Le poids de la corruption s’est sensiblement amélioré au cours des dernières années. La corruption semble faire partie des préoccupations des Sénégalais, sans être omniprésente : 50 % des personnes interrogées estiment que la corruption est largement répandue au sein du gouvernement, et 30 % préfèrent ne pas se prononcer (Gallup, 2016 ; graphique 5.2, panel A). Il s’agit d’un taux relativement bas par rapport aux pays comparateurs, qui s’est nettement amélioré depuis la fin des années 2000. De même, moins de 20 % des entreprises interrogées prévoient d’offrir des cadeaux aux agents de l’État en vue de l’obtention de services publics (réunions avec des fonctionnaires du fisc, sécurisation d’un contrat, obtention d’une licence ou d’un raccordement à l’eau ; graphique 5.2, panel B). Il s’agit de taux relativement bas par rapport aux pays de comparaison. Dans l’indice 2015 de perception de la corruption de Transparency International (2015), le Sénégal ressort à la 61e place sur 168 pays, et se classe 3e parmi les pays de comparaison, après le Costa Rica et Maurice. Cette amélioration de la perception de la corruption pourrait être liée au renforcement des institutions censées la combattre, notamment l’Ofnac, créé en 2012.
Malgré les efforts entrepris pour lutter contre la corruption, des comportements de rente subsistent au Sénégal, destinés à influencer les actions de l’État dans le but de générer des bénéfices privés. Un comportement rentier peut ébranler la légitimité et l’efficacité des institutions publiques. Si ce type d’attitude peut refléter les inévitables compromis de l’économie politique, elle va à l’encontre des objectifs du PSE en réduisant la compétitivité du secteur privé et en empêchant l’arrivée de nouveaux acteurs, tout en fragilisant les services et la légitimité d’un certain nombre de lois. Ces comportements de rente peuvent avoir comme objectif d’influencer l’adoption et l’application des normes et réglementations dans une direction contraire à l’intérêt général, ou encore d’utiliser les ressources de l’État à mauvais escient (pour créer des emplois fictifs, par exemple). Parmi les exemples : le recours à des permis ou à d’autres dispositions pour protéger certains acteurs ou secteurs, allouer des droits d’exploitation des ressources (dans le but d’extraire des minerais par exemple) ou octroyer des subventions à quelques intrants qui profitent de manière disproportionnée à certains acteurs, en particulier dans l’agriculture (chapitre 4). Les investissements dans des infrastructures sans retombées économiques claires (par exemple, les investissements routiers réalisés vers et autour de la ville de Touba font fréquemment l’objet de controverses [Gaye, 2014]) ou encore la création d’agences aux mandats limités, mais aux effectifs surestimés sont d’autres exemples de comportements de rente constatés dans le pays (Bossuyt et Fall, 2013).
Multiples niveaux de gouvernance et intérêts particuliers peuvent entraîner un décalage entre le corpus législatif et son application sur le terrain
Comme dans d’autres pays, des acteurs peuvent tenter d’influencer l’élaboration des politiques publiques, mais au Sénégal cette influence prend souvent la forme d’une opposition aux réformes. Ces acteurs peuvent exercer une influence sur l’avancement des réformes du fonctionnement de l’État et l’allocation des ressources. Leur rôle est d’autant plus important au Sénégal où, traditionnellement, les structures politiques privilégient la voie de la négociation et de la tolérance - ou masla, en wolof - pour résoudre les conflits et satisfaire les intérêts de chacun. Cette approche consensuelle peut donner du poids à ces groupes d’intérêts dans la prise de décision de politique publique ; ces groupes pourront jouer de leur position pour bloquer les tentatives de réformes ou favoriser des orientations qui leur sont favorables. Par exemple, les interactions entre les guides spirituels (marabouts) et les pouvoirs publics peuvent être importantes pour garder certains privilèges (encadré 5.1). De même, les rôles des syndicats de travailleurs et du patronat ont un poids considérable sur les politiques et les réformes, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Les syndicats doivent cette influence originellement aux réformes lancées au début des années 80 dans le cadre d’un processus de consolidation des processus démocratiques (Kenny, 1998). Mais depuis, ces organisations et leurs organismes faîtiers sont devenus des groupes de pression influents, qui peuvent contrarier les volontés de réformes des pouvoirs publics. Ce fut le cas, par exemple, lorsque la réduction des subventions, la libéralisation des prix ou la privatisation des entreprises publiques étaient à l’ordre du jour.
Les marabouts et leurs confréries peuvent influencer les institutions politiques et la vie quotidienne des populations. Une partie de la population recourt aux marabouts pour interpréter les différents aspects de la vie quotidienne (Gifford, 2016). Pour 99.7 % des Sénégalais, « la religion occupe une place importante dans [leur] vie quotidienne » (Gallup, 2016). Ce taux est parmi les plus élevés au monde. Les croyances traditionnelles sont toujours prégnantes, même dans les pratiques modernes.
Ce rôle religieux ou spirituel des marabouts peut servir d’ancrage à leur influence sur les institutions politiques formelles. Ils peuvent influencer les décideurs politiques et freiner les efforts de réformes pour moderniser l’administration publique et renforcer la bonne gouvernance. Depuis l’indépendance, les hommes politiques recherchent ouvertement leur aval et leurs conseils. Les marabouts les mieux placés ou les plus puissants peuvent, en cas de conflit, être sollicités pour intervenir ou négocier une solution. C’est par exemple le cas dans l’application de la loi relative au régime fiscal sur les waqfs (institution du droit musulman, de trust ou fondation d’une dotation faite à perpétuité et d’une œuvre d’utilité publique, pieuse ou charitable, à un ou plusieurs individus). Dans le cas des grèves des enseignants (par exemple, en avril et mai 2016), les marabouts ont su jouer un rôle d’amortisseur social pour conduire les négociations et mettre un terme au conflit.
Sources : Behrman (1968) ; Gallup (2016), http://www.worldvaluessurvey.org/wvs.jsp ; Gifford (2016) ; OCDE (2015).
Il peut exister un écart entre les textes de loi, les réglementations, les engagements internationaux approuvés et publiés, et la réalité sur le terrain. Les engagements pris par le Sénégal dans le cadre de traités internationaux relatifs à la protection des femmes et des enfants, et les difficultés rencontrées pour mettre un terme aux comportements contraires à ces engagements, surtout quand des groupes d’intérêt puissants sont concernés, en sont une bonne illustration. Par exemple, le Sénégal est signataire d’accords de protection des zones marines afin de réglementer les activités de pêche et protéger les ressources halieutiques, mais ces engagements maritimes ne sont pas toujours respectés au Sénégal (Ferraro et al., 2011). La bonne application de ces accords nécessite l’engagement d’une multitude d’acteurs en raison de l’éclatement des responsabilités entre ministères, agences parapubliques et autorités infranationales. De plus, les jeux d’influence politiques et économiques peuvent altérer la mise en œuvre de ces engagements (Ferraro et al., 2011). Ce décalage existe également au niveau national. Les codes et les réglementations sont considérés comme solides et exhaustifs, mais leur mise en œuvre est parfois controversée (Tetra Tech ARD, 2013). Ces difficultés dans la mise en œuvre se vérifient particulièrement dans des domaines de politiques publiques dans lesquels les compétences sont partagées entre plusieurs acteurs, comme la gestion de l’environnement (encadré 5.2).
La gestion de l’environnement achoppe sur des problèmes de capacités institutionnelles locales. La résolution des principaux enjeux environnementaux du Sénégal passe par l’application de réglementations contraignantes, notamment en matière de construction sur le littoral et dans les zones inondables, ainsi que de gestion des activités à risque. Les autorités infranationales manquent de ressources pour s’atteler à ces défis environnementaux, surtout lorsqu’il s’agit de problèmes à grande échelle ou requérant une action concertée à l’échelle du pays ou de la région. Le cas de Saint-Louis, victime de l’érosion et des crues du fleuve Sénégal, en est une bonne illustration. Marquant plusieurs frontières, le fleuve Sénégal a été aménagé avec de multiples barrages dont la gestion échappe aux mandats des gouvernements régionaux. Les modes de régulation de son débit et, partant, de ses sédiments pourraient entraîner de sérieux risques d’inondation pour cette ville inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Pour y faire face, la ville doit construire des digues, dont le coût dépasse les capacités financières des autorités infranationales. La gestion des espaces forestiers, également sous la coupe des compétences transférées à l’échelon local, peut être captée par les intérêts des exploitants privés qui ne respectent pas le Code forestier en vigueur (Bossuyt et Fall, 2013).
Pour éviter que les problèmes environnementaux ne dégradent le bien-être des Sénégalais et sapent les ambitions de développement du pays, il convient de mieux appliquer les réglementations existantes et de faire entrer en vigueur les dispositions en attente. Comme dans de nombreux autres champs de l’action publique, la planification environnementale au Sénégal bénéficie déjà de plans et de programmes politiques détaillés (ministère de l’Environnement et du Développement durable, 2015). Toute la difficulté consiste à veiller à l’adoption de réglementations de ce type, à leur efficacité et à la présence de mécanismes de mise en œuvre. Étant donné le manque de ressources, particulièrement aux niveaux décentralisés, cela exige d’avoir des réglementations adaptées aux principales menaces pesant sur la pérennité environnementale et leurs conséquences pour le bien-être des populations, en faisant, par exemple, respecter les Codes de la construction, ou en aidant les petits artisans mineurs à contrôler leurs résidus.
L’adaptation à l’érosion côtière nécessite à la fois des ressources et une gestion plus contraignante du développement côtier. L’adaptation à l’érosion du littoral exige de modifier les schémas de développement ; cela passe par un cadre juridique plus contraignant en matière d’aménagement de l’espace. Les initiatives visant à préserver la charge alluviale des cours d’eau et à limiter la construction de bâtiments contre-productifs sur le littoral pourraient y contribuer. Selon les cas, l’approche la plus rentable et la plus pérenne consiste à laisser la nature suivre son cours. La loi littorale en projet vise à garantir que le développement futur s’adaptera à ce risque d’érosion du littoral et contribuera à le minimiser, mais son adoption est conditionnée à l’adoption de la loi sur la gestion du sol, qui est actuellement bloquée.
Sources : Auteurs ; OCDE/UCLG (2016).
Les retards dans les procédures administratives sont des obstacles à surmonter pour les entreprises. Les entreprises appréhendent les incertitudes liées à l’application de la réglementation comme un défi dans l’environnement des affaires. Les enquêtes internationales révèlent que dans près de 60 % des cas, les procédures administratives ne sont pas conduites dans un délai raisonnable (World Justice Project, 2015a ; graphique 5.3).
Les procédures budgétaires et celles relatives à la mobilisation des ressources publiques présentent des faiblesses
L’État peut mobiliser ses ressources financières avec plus ou moins d’équité et d’efficacité. L’accès à des biens et services publics de qualité, l’application du cadre législatif et l’exercice d’une justice indépendante nécessitent des ressources. La mobilisation de ces dernières implique des coûts pour les contribuables. Les coûts de mise en conformité avec l’administration fiscale peuvent également être importants (voir chapitre 4). Parallèlement, les politiques de redistribution de l’État peuvent affecter avec plus ou moins d’ampleur la qualité de vie et les conditions matérielles des populations. Enfin, l’importance du secteur informel, qui est par définition moins appréhendé par les autorités, constitue une contrainte particulière dans le cas du Sénégal.
Le manque de capacités des institutions budgétaires pèse sur le cadre budgétaire, notamment sur les écarts entre procédures de planification et d’exécution. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que les institutions budgétaires (ensemble de structures, règles et procédures qui gouvernent la formulation, l’approbation et l’exécution des budgets publics) ne sont pas suffisamment développées au Sénégal (FMI, 2015a). La faiblesse des mécanismes budgétaires en place peut peser sur l’efficacité du cadre budgétaire, notamment sur les procédures de planification budgétaire, ainsi que sur la réalisation des programmes pluriannuels (AfDB/OCDE/PNUD, 2015). Ce constat relatif aux faiblesses des procédures budgétaires est partagé par les bailleurs de fonds (Cabri, 2016). Au cours des dernières années, les écarts entre les dépenses réelles et les budgets initialement approuvés étaient importants. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour justifier des écarts entre planification et exécution. Le FMI met en avant le fait que les budgets prévisionnels sont parfois établis sur la base de projections de croissance trop optimistes qui nécessitent des réajustements sur les programmes en cours. De plus, les délais souvent longs entre le vote du budget et la mise à disposition des ressources allouées aux investissements peuvent retarder l’exécution budgétaire (graphique 5.4). Les décisions de répartition ne sont pas toujours étayées par des plans sectoriels détaillés et approuvés. En cours d’année, des ajustements budgétaires interviennent fréquemment et peuvent porter sur des montants significatifs. Ces derniers peuvent être déconnectés des canaux de suivi (Cabri, 2016). Tous ces facteurs entraînent des écarts entre les dépenses effectives et les plans prévisionnels adoptés par le Parlement, qui affectent l’allocation optimale des ressources.
Le poids de l’administration centrale, des services déconcentrés et des agences parapubliques représente une charge financière importante pour l’État. Depuis la fin des années 90, le poids de la masse salariale consolidée du secteur public dans les dépenses totales a augmenté. Le Sénégal respecte officiellement les critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui impose un ratio masse salariale sur les recettes fiscales inférieur à 35 %, avec un ratio de la masse salariale rapportée aux recettes fiscales de 31.5 % en 2014. Cependant, ce ratio n’inclut pas le paiement des salaires des prestataires, des enseignants contractuels, des institutions publiques (agences, universités, hôpitaux). De plus, les salaires versés dans le cadre du budget d’investissement aux agences parapubliques sont inclus dans le classement budgétaire standard des salaires (FMI, 2015b). Au total, le paiement de l’ensemble des salaires des fonctionnaires, contractuels et prestataires dans les administrations centrales et les organes déconcentrés représentait 42.3 % des recettes fiscales en 2014, un niveau supérieur à la moyenne du reste de l’Afrique (30.7 %) et à la plupart des pays de comparaison (graphique 5.5, panel A). Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part des salaires représente en moyenne moins de 25 % des dépenses totales (OCDE, 2016). Outre le paiement des salaires, le poids de la masse salariale est alourdi par le paiement des primes, indemnités et autres suppléments salariaux très répandus au Sénégal (FMI, 2015b). De plus, en marge des administrations centrales, existent des agences parapubliques dont les charges financières ne rentrent pas toujours dans les charges associées aux dépenses des fonctionnaires, et dont le nombre a sensiblement progressé au cours des dernières années (graphique 5.5, panel B). Le niveau élevé des dépenses extrabudgétaires au Sénégal, qui peuvent servir à financer les charges de certains établissements publics, fait d’ailleurs l’objet d’une mauvaise notation dans les enquêtes internationales (PEFA, 2011). Dans certains cas, ces agences ont permis de renforcer les capacités de l’État. Par exemple, le BOS s’est montré efficace pour relever des défis spécifiques. Néanmoins, la multiplication d’agences peut compromettre l’efficacité de l’allocation des ressources budgétaires et du contrôle budgétaire (FMI, 2015b).
Malgré le poids des groupes de pression, le gouvernement a pris des mesures pour mieux contrôler les dépenses publiques sur les ressources humaines. Sur le long terme, les tentatives de réformes pour une meilleure gestion des ressources humaines ont généralement progressé mais elles ont également pu être fortement contrariées. Cela fut notamment le cas des tentatives de réforme du corps enseignant, qui ont été suivies par des mouvements de grève portés par les syndicats en place (voir chapitre 3, encadré 3.4). Depuis 2012, le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures, par exemple pour encadrer les rémunérations et les avantages associés de certains hauts fonctionnaires nommés dans les agences parapubliques, qui pouvaient auparavant être fixées sans aucun cadre normatif. Le gouvernement a également pris des mesures pour rationaliser le nombre d’agences parapubliques (République du Sénégal, 2012). Même si leur nombre est en baisse, les agences restent encore nombreuses dans le paysage institutionnel sénégalais (graphique 5.5, panel B). Le dernier rapport de l’Inspection générale d’État souligne les irrégularités dans les procédures de création et de fonctionnements des agences parapubliques (République du Sénégal, 2015a). Le gouvernement a également investi dans de nouveaux outils, notamment informatiques, pour améliorer la gestion des effectifs et identifier les points de dysfonctionnements.
Malgré des avancées, l’offre de services publics de qualité est défaillante
Les déficiences du gouvernement dans la provision de services publics de qualité limitent les gains en matière de bien-être et de transformation structurelle
La capacité de l’État à fournir des services publics de qualité peut affecter le niveau de bien-être et le soutien à l’activité économique. Les services d’éducation et de santé ; les infrastructures de transport et d’énergie ; les biens publics ; la résolution des conflits et la protection de l’environnement sont autant d’exemples de services qui nécessitent l’intervention de l’État. Les capacités institutionnelles de l’État constituent un point d’entrée dans cette offre de services. Depuis son indépendance, le Sénégal a privilégié les processus de décentralisation et de déconcentration pour exercer cette prestation de services au plus près des citoyens (Kenny, 1998 ; OCDE/SWAC, 2002). Cette section s’efforce d’évaluer la qualité des services perçus, en mettant particulièrement l’accent sur l’éducation et la santé, et l’impact de la décentralisation sur la fourniture de services, et enfin la justice.
La population n’est que faiblement satisfaite de l’offre de services publics au Sénégal. Les enquêtes de perception révèlent le faible degré de satisfaction à l’égard de l’offre de services en matière de soins et de système éducatif. Seules 32 % des personnes interrogées sont satisfaites de l’offre de services de santé dans leur ville, classant le pays à la 122e place sur 136 pays, une position qui n’a guère évolué entre 2006 et 2016 (Gallup, 2016). Les niveaux de satisfaction à l’égard du système éducatif sont les plus faibles au sein des pays de comparaison et, contrairement à la tendance générale, cette appréciation s’est dégradée de plus de 20 points de pourcentage au cours de la dernière décennie (graphique 5.6 ; Gallup, 2016).
L’éducation apparaît comme un secteur où l’État peine à fournir un service public de qualité. Les chapitres précédents ont mis en exergue les défaillances du système éducatif et ses implications en termes de manque à gagner pour le potentiel productif du pays (chapitre 2), de bien-être (chapitre 3), et de compétitivité des entreprises (chapitre 4). Certaines de ces faiblesses reposent sur des goulets d’étranglement institutionnels : les déperditions financières sur le budget consacré à l’éducation sont importantes (République du Sénégal, 2013b ; chapitre 3 du présent rapport) ; les recrutements massifs des corps émergents ont grevé les budgets, se sont traduits par des différences de statuts avec les enseignants titulaires, et ont altéré la qualité de l’enseignement. De plus, l’articulation entre l’administration centrale, les organes déconcentrés et les collectivités locales dans la gestion de l’école pourrait être améliorée (chapitre 3), et les systèmes d’évaluation des professeurs et des directeurs d’école ne sont pas performants. Enfin, la gestion des programmes pédagogiques ne sert pas toujours les intérêts des élèves.
Le processus de décentralisation en cours entend améliorer la fourniture de services publics, mais ne remplit pas encore ses objectifs
Pour contourner les dysfonctionnements à l’échelon central et rendre l’administration plus efficace, le Sénégal s’est engagé dans un processus de décentralisation. À l’instar du Sénégal, de nombreux pays africains, comme le Bénin, le Niger, le Cameroun, le Kenya et l’Éthiopie, se sont engagés dans des processus de décentralisation, avec plus ou moins de succès. Il s’agit d’assurer une cohérence géographique avec des territoires équilibrés et économiquement viables, et de rendre l’administration et l’accès aux services locaux plus proches des citoyens. Il s’agit également d’avoir un système de gouvernance plus efficace, car plus ancré dans les problématiques locales.
Alors que les composantes politiques et administratives de la décentralisation sont relativement bien avancées, la composante budgétaire est à la traîne. L’efficacité de la décentralisation s’observe à partir de trois composantes : décentralisation politique, administrative et budgétaire, qui doivent avancer en parallèle. La décentralisation politique consiste le plus souvent à organiser des élections locales et à transférer des responsabilités à l’administration locale, laquelle doit rendre compte de ses actions. La décentralisation administrative consiste à assigner des fonctions administratives et des responsabilités d’exécution aux échelons de gouvernance inférieurs. Enfin, la décentralisation budgétaire consiste à transférer des ressources financières et le pouvoir de générer des recettes aux autorités infranationales (Afdb/OCDE/PNUD, 2015). Au Sénégal, les composantes politiques et administratives sont relativement bien avancées alors que la composante budgétaire est en retard.
Le Sénégal s’est engagé dans une politique de décentralisation postindépendance. Cette volonté de décentralisation remonte à 1972, avec l’Acte I de la décentralisation qui élabore une nouvelle carte administrative. Celle-ci divise le pays en régions, elles-mêmes subdivisées en départements, puis en communautés rurales. Le processus de décentralisation marque une nouvelle étape en 1996 avec l’Acte II de la décentralisation, qui transfère aux collectivités locales, mais principalement aux régions, neuf types de compétences réparties en deux domaines d’activité : les actions de développement économique (planification et aménagement du territoire ; gestion des ressources naturelles ; urbanisme et habitat) et de développement culturel et social (éducation ; jeunesse ; culture ; santé ; et politique sociale). Cette réforme n’ayant pas apporté les résultats attendus, le Sénégal adopte en 2013 l’Acte III de la décentralisation (loi n°2013-10 portant Code général des collectivités locales).
En supprimant l’échelon régional, l’Acte III de la décentralisation prévoit de partager les compétences transférées entre le département et les communes. Avec la nouvelle réforme, la région garde son statut de circonscription administrative, mais perd son rang de collectivité locale. En parallèle, le département devient une collectivité locale à part entière et le rôle des communes est renforcé. Aux côtés des 14 régions administratives, le pays compte désormais 42 départements dont les frontières recoupent, dans bien des cas, le tracé des anciens royaumes ou provinces. Les départements, administrés par un préfet et un conseil départemental, sont eux-mêmes subdivisés en 552 communes et communautés rurales - un nombre relativement important compte tenu de la population totale (graphique 5.7, panel A). Les communes sont administrées par un conseil communal. Les 5 villes de la région de Dakar - Dakar, Guédiawaye, Pikine, Rufisque et Thiès - disposent d’un statut à part (ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales, 2014a et 2014b). En 1960, le Sénégal comptait 35 communes, seul échelon de collectivités locales.
Au Sénégal, comme dans d’autres pays, ce changement d’un système centralisé vers un système « pluri-niveaux » rend la gouvernance plus complexe et peut être source d’inefficacité. En effet, le nombre de parties prenantes étant plus élevé, les relations entre niveaux de gouvernements sont plus importantes. Il est primordial de comprendre le réseau complexe de ces relations et de développer une collaboration efficace entre niveaux de gouvernement afin que la gestion et les politiques publiques soient efficientes. L’OCDE estime que la qualité de la gouvernance dans ses pays membres peut expliquer jusqu’à 60 % des écarts de performance de développement humain entre les différentes collectivités locales, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation (OCDE, 2013b). Au Sénégal, le processus de décentralisation a engendré la création d’une multitude de structures infranationales, comme dans le secteur de l’éducation, par exemple (encadré 5.3). La multiplication des échelons et des structures peut conduire à un émiettement du territoire national alors plus difficile à administrer (ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales, 2014).
Dans le cadre de la décentralisation, les communes et les communautés rurales sont en charge des écoles élémentaires. Les pouvoirs locaux doivent assumer les dépenses de construction, l’octroi de bourses et d’aides, les charges financières relatives aux équipements, la rémunération du personnel d’appoint, la dotation en manuels et fournitures scolaires. L’État prend en charge les dépenses du personnel (enseignants et directeurs d’école).
Cette répartition des tâches a entraîné la création d’instances spécifiques à l’éducation. En plus des comités communaux et départementaux, ont été créés des comités locaux d’éducation et de formation, et des conseils de gestion des écoles élémentaires, dont le rôle n’est pas toujours clairement défini. L’évaluation du Programme décennal de l’éducation et de la formation (PDEF) a montré que l’articulation entre ces différents organes était dysfonctionnelle.
Source : Diagne (2012).
Pour être efficace, la décentralisation doit s’accompagner d’un transfert de ressources financières qui n’est pas suffisamment enclenché au Sénégal. Bien qu’en progression, le poids du budget de l’administration locale dans le total des recettes et dépenses publiques est faible. Les recettes de l’administration locale représentent 7.7 % des recettes totales de l’administration et ses dépenses représentent 5.9 % des dépenses totales (OCDE, 2016). Dans le reste de l’Afrique, les recettes et dépenses locales sont en moyenne légèrement plus élevées, aux alentours de 8 % du total. Ces proportions sont nettement inférieures aux moyennes internationales et illustrent la faiblesse du budget de l’administration sénégalaise. Par comparaison, les dépenses locales des pays de l’Union européenne représentent en moyenne 25 % des dépenses totales et les recettes locales s’élèvent à 36 % des recettes totales (AfDB/OCDE/PNUD, 2015 ; graphique 5.7, panel B). Pour l’année 2015, l’État a versé 5 milliards FCFA aux 42 conseils départementaux du Sénégal et 13 milliards aux 5 villes et 552 communes du pays dans le cadre du fonds de dotation de la décentralisation, soit un montant inférieur à celui attendu par les collectivités locales. Ce manque de ressources pénalise les collectivités locales dans leur mission de prestation de services publics de qualité.
Au Sénégal, le financement de la décentralisation est assuré par des transferts (30 %) et les recettes de la fiscalité locale (70 %) dont le recouvrement est hasardeux (OCDE, 2016). Les ressources budgétaires locales peuvent provenir de plusieurs sources, les plus importantes étant les ressources propres, les transferts budgétaires, ou l’emprunt. Les recettes des départements nouvellement créés (ou des régions avant l’adoption de l’Acte III) proviennent uniquement des recettes que leur apporte l’État, principalement dans le cadre du Fonds de dotation de la décentralisation. La dépendance des départements au Fonds de dotation de la décentralisation est donc totale. Au niveau local, les collectivités perçoivent des recettes provenant de divers impôts (impôt du minimum fiscal, contribution des patentes, taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties), de taxes communales directes (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage, taxe de déversement à l’égout, etc.) et de revenus du patrimoine local (exploitation du domaine et des services communaux). Sur chacun de ces taxes et impôts, les taux de recouvrement sont très faibles (ministère de l’Aménagement du Territoire et des Collectivités locales, 2014).
Dans les faits, les collectivités locales ne disposent pas des capacités nécessaires à la bonne gestion des compétences transférées. Les collectivités locales ne disposent généralement pas d’un personnel qualifié à même d’assurer la gestion de la collectivité au plan général, et plus spécifiquement la gestion des domaines de compétences transférés. Le personnel municipal est, le plus souvent, recruté sur la base de critères politiques, ce qui entraîne des profils de compétences inadaptés aux missions qui leur sont confiées (ministère de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales, 2014a et 2014b). La faiblesse des capacités locales rend difficile l’exercice d’une gouvernance locale efficace. Selon Afrobaromètre (2013), 44 % des personnes interrogées considèrent que les conseillers locaux ne sont jamais à leur écoute.
Le système judiciaire formel pourrait gagner en efficacité
L’amélioration de la gouvernance judiciaire s’inscrit pleinement dans les orientations stratégiques du PSE. Si l’axe 3 du PSE prévoit la consolidation de l’État de droit qui concerne directement l’accès à une justice fiable et crédible, les autres axes du PSE nécessitent également un renforcement du système judiciaire. Le système de justice contribue directement à l’instauration d’une cohésion sociale (axe 2) et à l’amélioration d’un environnement favorable au développement des affaires (axe 1). Si le système judiciaire ne répond pas à cette fonction de régulation économique et sociale, les citoyens comme les entreprises auront tendance à avoir recours aux mécanismes de justice informels, ce qui pourrait retarder le développement social et économique du pays.
Les craintes relatives au manque d’objectivité de la justice incitent les entreprises et les populations à résoudre leurs différends à l’amiable. Les magistrats peuvent être perçus comme manquant d’indépendance dans leurs rendus de justice dans certains cas, et accusés de mal interpréter les textes juridiques (discussion dans AHJUCAF 2007 ; Bertelsmann Stiftung 2016 ; Tetra Tech ARD, 2013), et ce, bien que l’indépendance du pouvoir judiciaire soit garantie par la constitution. Le système judiciaire est perçu comme l’une des institutions les plus sujettes à la corruption au Sénégal, le pays se classe 110e sur 142 pays, alors que le niveau de corruption global reste relativement contenu au Sénégal (Transparency International, 2011 et 2015). De nombreuses entreprises cherchent à éviter les tribunaux et préfèrent les règlements à l’amiable, même coûteux, en raison d’un manque de confiance dans le système judiciaire. Les citoyens préfèrent également traditionnellement trouver un accord par eux-mêmes, plutôt que recourir au système judiciaire.
Les procédures de justice sont longues en raison du manque de ressources et de l’obsolescence des procédures. Le Sénégal est à la 144e place dans le classement de l’édition 2017 du rapport de la Banque mondiale Doing Business quand il s’agit de l’exécution des contrats (Banque mondiale, 2016b). Selon ce rapport, et sur la base d’un différend commercial qui porte en moyenne sur 5 000 dollars américains (USD), le règlement du litige nécessite en moyenne 740 jours, dont 390 pour les procès et les verdicts (graphique 5.8, panel B). Le rapport explique la lenteur des processus principalement par le manque d’informatisation du système judiciaire, informatisation qui pourrait permettre de réduire la corruption et d’améliorer le suivi des dossiers. Cependant, le corps judiciaire y a peu recours, et certains modules informatisés ne sont pas encore opérationnels. En outre, le manque de ressources humaines compétentes est patent. Actuellement, le nombre de magistrats (environ 500) est supérieur à celui des avocats et des greffiers (358), alors que l’inverse constitue la norme (ministre de la Justice, 2011 ; Barreau du Sénégal, 2016). De plus, la formation des juristes est généraliste, ce qui peut être préjudiciable pour la qualité de l’assistance juridique et des décisions rendues.
Le Sénégal manque de juges, mais aussi d’avocats. Au Sénégal, en 2016, on recensait 358 cabinets d’avocats inscrits à l’Ordre des avocats, soit un avocat pour 36 000 Sénégalais en moyenne, un ratio largement inférieur aux normes internationales (en France, par exemple, on compte un avocat pour 1 500 habitants), avec une répartition déséquilibrée sur le territoire (324 cabinets d’avocats pour Dakar, 34 pour le reste des régions, selon l’Ordre des avocats du Sénégal [Barreau du Sénégal, 2016]).
Le Sénégal s’est engagé dans un vaste chantier de réformes pour moderniser la justice et instaurer une meilleure gouvernance judiciaire. Dans le cadre de sa stratégie sectorielle de long terme (programme sectoriel justice) pilotée par la cellule d’exécution administrative et financière du programme sectoriel justice, le Gouvernement sénégalais a décidé de renforcer les infrastructures et les ressources humaines pour améliorer la prestation des services judiciaires. La création de tribunaux de commerce devrait permettre d’améliorer la justice commerciale et d’accélérer le temps de traitement des dossiers. De plus, un tribunal de grande instance est actuellement en construction dans la banlieue pour désengorger celui de Dakar. Pour les plus petits litiges, des maisons de justice ont été créées dans le cadre d’un vaste programme de justice de proximité (encadré 5.4). La mise en place de ces nouvelles structures s’accompagnera d’une campagne de recrutements : 30 magistrats et 40 greffiers devraient être recrutés par an d’ici 2025. À terme, ces investissements devraient réduire la durée moyenne d’exécution d’un contrat commercial de 780 à 504 jours (ministère de la Justice, non daté).
Dans le cadre du processus de déconcentration, le Sénégal a lancé un vaste programme intitulé Justice de proximité, destiné à renforcer l’accès des populations aux services judiciaires. Ce programme basé sur trois composantes - spatiale, temporelle et humaine - s’est traduit par la création de 18 maisons de justice réparties sur l’ensemble du territoire. Ces maisons de justice assurent un rôle d’information sur les droits et devoirs des justiciables, effectuent les enregistrements civils, mais s’efforcent également de résoudre les litiges.
Basées sur le principe de la médiation, les maisons de justice fonctionnent de plus en plus comme une alternative aux tribunaux pour résoudre les conflits juridiques. L’objectif de la première maison, créée en 2005, était de réduire la charge de travail des tribunaux. Toutefois, ces maisons ont largement contribué à élargir l’accès à la justice et à fonctionner comme une alternative efficace aux tribunaux en place. Souvent assurée par d’anciens magistrats, la médiation judiciaire offerte dans ces maisons de justice propose un mode de règlement consensuel des différends. Cette approche est particulièrement utile pour les ménages les plus pauvres, vivant en zones rurales, et qui n’ont généralement pas accès aux services de justice.
Les premiers bilans sur les maisons de justice sont plutôt positifs. En 2012, elles ont statué sur 70 % des dossiers qui leur avaient été adressés (Frenk, 2012). Les enquêtes internationales classent relativement bien le Sénégal quant à la qualité des mécanismes alternatifs de règlements des conflits (World Justice Project, 2015b ; graphique 5.8, panel C). Cependant, ce programme de justice de proximité ne pourra ni remédier aux difficultés auxquelles les tribunaux doivent actuellement faire face, ni se substituer à ces derniers dans le cadre de litiges complexes.
Sources : Buscaglia and Stephan (2005) ; Nolan-Haley (2015) ; Frenk (2012).
En conclusion, les capacités institutionnelles du pays se sont considérablement renforcées au cours des dernières années, et les institutions ont su gagner la confiance des populations. Néanmoins, des dysfonctionnements persistent, qui affectent la bonne gouvernance sur l’ensemble du chaînon administratif. Au niveau de l’administration centrale, les efforts devront être poursuivis vers une plus grande transparence, intégrité et responsabilisation des structures institutionnelles pour accroître leur efficacité et améliorer les procédures budgétaires. Au niveau local, le processus de décentralisation n’est aujourd’hui pas suffisamment enclenché pour répondre de manière plus efficace à la provision de biens et de services publics de qualité. Malgré des avancées dans le cadre des maisons de justice, la justice du Sénégal souffre d’un manque de transparence, de moyens et de modernisation. Ainsi, à l’heure actuelle, l’administration sénégalaise peine à répondre de manière efficace à l’ensemble de ses obligations pour accélérer la transformation économique du pays, améliorer le bien-être des populations et enraciner l’État de droit.
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La planification et le suivi des politiques au Sénégal bénéficient globalement de capacités statistiques relativement bonnes, capables de suivre les progrès réalisés pour atteindre les ODD, même si des améliorations doivent être apportées.
La réalisation des activités statistiques se déroule dans le cadre de la Stratégie nationale de développement de la statistique (SNDS), qui couvre la période 2014-19, et qui coïncide avec le PSE (ANSD, 2014). L’alignement de la Stratégie nationale de développement de la statistique sur le PSE permet la collecte et la production des données et indicateurs nécessaires à la conception et à la mise en œuvre du PSE, mais aussi au suivi des indicateurs relatifs aux ODD. Les capacités actuelles de notification statistique permettent de suivre 102 indicateurs sur 230, soit une performance supérieure à celle des pays de comparaison, mais toujours insuffisante pour un suivi efficace en temps opportun des avancées obtenues au service des objectifs du PSE ou de l’agenda 2030 (graphique 5.A1.1).
En matière de méthodologie et de standards, les classifications et systèmes de sectorisation adoptés par l’ANSD sont largement conformes aux lignes directrices, aux meilleures pratiques et aux normes internationales. La révision en cours des estimations pour mesurer la croissance du Produit intérieur brut (PIB) et l’adoption du principe de notification trimestrielle seront conformes aux derniers manuels et méthodes. Le pays est conforme à la norme système généralisé de diffusion des données du FMI et doit passer à la norme spéciale de diffusion des données (SDDS) du FMI en vue d’améliorer l’accès aux marchés de capitaux internationaux, en fournissant leurs données économiques et financières au public. La diffusion des statistiques est relativement efficace, même si le temps de réaction à des demandes spécifiques reste long et les raisons du rejet de certaines demandes parfois obscures.
L’ANSD dispose de bonnes capacités pour la production des statistiques officielles, contrairement à certaines agences chargées de collecter les données. Le personnel de l’ANSD est spécialisé dans la planification et la réalisation des enquêtes et recensements, dans l’élaboration de statistiques sur des sujets divers, ainsi que le traitement, l’analyse et la diffusion des données. L’agence est dotée d’un personnel formé en systèmes d’information géographique (SIG), cartographie et gestion de projet. L’ANSD a mis en place des incitations pour améliorer la rétention du personnel et réduire sa rotation. En revanche, les principaux ministères sectoriels (tels que l’Agriculture, l’Environnement, la Santé et l’Éducation), dont la majorité peut compter sur des unités statistiques et conduit des activités de collecte de données, ne disposent pas d’un personnel de base spécialisé dans la planification des recensements et enquêtes, l’élaboration de questionnaires, les opérations sur le terrain, le traitement des données, l’échantillonnage, l’analyse, l’évaluation et la diffusion des données. Signe de la coopération solide et toujours plus efficace entre les différents services, l’ANSD a donc mis en place récemment un programme de renforcement des capacités des différents ministères sectoriels en leur fournissant le personnel et les ressources nécessaires pour les activités de collecte, ainsi que son assistance technique.
Une meilleure notification de l’évolution du bien-être et des avancées en faveur de la réalisation des objectifs du PSE et des ODD passe par un processus permanent de renforcement des ressources en place et des capacités ainsi que par une coopération intragouvernementale accrue pour s’assurer que les données disponibles soient mieux exploitées et produites en temps utile. L’ANSD a la capacité d’utiliser de nouvelles sources de données, notamment les données administratives – mais pas encore le Big Data (même si des projets pilotes ont débuté dans ce domaine) – pour combler les lacunes existantes dans la production d’indicateurs relatifs aux ODD. Le pays ventile déjà les données à certains niveaux lors des recensements et enquêtes, tel que défini dans les cibles 17 et 18 des ODD. Au niveau institutionnel, le Sénégal a mis en place un groupe de travail chargé de cartographier les indicateurs du PSE et les ODD afin de déterminer les indicateurs déjà disponibles et les moyens à mettre en œuvre pour produire les indicateurs manquants.