Chapitre 7. Gouvernance publique et stratégies de mise en œuvre
Ce chapitre présente les contraintes transversales et conditions préalables pour mettre en œuvre les réformes envisagées, et accélérer la marche vers l’émergence. Il propose la création d’une unité de haut niveau chargée de la mise en œuvre des réformes et du pilotage du changement, et présente des éléments importants pour le soutien des réformes : la communication, la coordination et le suivi. L’émergence doit être le fruit d’un consensus porté par les plus hauts responsables politiques et être communiquée à tous les acteurs ivoiriens, y compris dans le secteur privé. Par ailleurs, dans la mesure où la plupart des réformes proposées nécessitent la collaboration de multiples acteurs, le gouvernement doit veiller à la bonne collaboration des organismes publics. Enfin, toute transformation économique réussie repose sur de solides mécanismes de suivi et d’évaluation des réformes. Un tableau d’indicateurs adaptés à l’émergence de la Côte d’Ivoire est donc proposé.
L’Examen multidimensionnel présente des plans d’action détaillés visant à lever les freins à l’émergence. Ces plans d’action s’appuient sur un examen approfondi des caractéristiques de l’émergence en Côte d’Ivoire et des contraintes qui y font obstacle. Parmi ces contraintes, certaines dénotent de problématiques mises en évidence depuis déjà quelque temps. Parfois, le défi n’est pas d’identifier la contrainte et les solutions pour y remédier, ni de détailler les étapes de mise en œuvre des solutions mais d’impulser le changement. Les problèmes résident alors dans la communication de la nature des changements, la coordination de nombreux acteurs pour les mettre en œuvre, la mobilisation des ressources nécessaires pour soutenir le processus, puis l’évaluation de la réussite des actions ou l’ajustement du programme en fonction de ses résultats.
La Côte d’Ivoire a progressé depuis la relance en 2012, mais des contraintes entravent l’accélération et la mise en œuvre du programme d’émergence
La conduite du changement peut être difficile pour de nombreuses organisations. Conduire le changement est une tâche ardue dans les grandes organisations bureaucratiques, telles que les administrations publiques, ou dans les entités qui regroupent de nombreux acteurs non coordonnés. En effet, ces organisations reposent sur la réalisation de tâches régulières et répétitives, et sont parfois dépourvues d’autorité de pilotage du changement.
Les recommandations formulées dans l’Examen multidimensionnel appellent à modifier en profondeur les activités des organismes publics et de nombreux acteurs privés. L’Examen aborde des thèmes tels que la modernisation de l’administration fiscale, la déstigmatisation des filières techniques et professionnelles, ou encore l’implication des entreprises privées dans le développement de nouvelles filières. L’accès à l’émergence requiert d’agir sur tous ces plans et nécessite une forte implication des autorités politiques centrales dépassant la simple question des capacités financières.
Les progrès économiques impressionnants depuis 2012 sont parfois ralentis par une administration publique qui doit devenir plus efficace. De nombreux gouvernements font face à des défis dans la mise en œuvre des réformes de grande échelle. Ils se heurtent notamment à des insuffisances de communication, de coordination ou encore de suivi des progrès. En Côte d’Ivoire, les organismes existants sont souvent confrontés à des contraintes importantes en termes de capacités à suivre le rythme rapide des réformes de la relance : leurs cultures internes ne sont pas centrées sur les performances et l’adaptation, et ils sont organisés en silos. Il est alors peu probable que ces organismes obtiennent des résultats satisfaisants avec l’ajout de nouvelles missions.
Ce chapitre ne vise pas à dresser une liste de recommandations exhaustive et détaillée, mais à dégager des bonnes pratiques et à suggérer des approches utiles une fois adaptées à la Côte d’Ivoire. Nombre de mesures à prendre pour réussir à lever les obstacles à l’émergence peuvent sembler évidentes ou banales. Ces apparences sont trompeuses, car beaucoup d’organisations éprouvent des difficultés à mettre en œuvre les principes élémentaires dont dépend la bonne conduite du changement.
Une solution pour poursuivre des réformes ambitieuses : la création d’une unité de haut niveau pour la mise en œuvre des réformes et du pilotage du changement
Les unités de mise en œuvre, des solutions à adapter au contexte national
Une unité de mise en œuvre pourrait aider à promouvoir les projets prioritaires, à impulser plus de changement et à s’assurer de l’opérationnalisation des plans d’action. Il est essentiel que le gouvernement ivoirien s’efforce d’établir de façon permanente les capacités nécessaires au sein de l’administration publique. Dans la mesure où cela peut prendre du temps, les unités spécifiques dédiées à la mise en œuvre du changement constituent un moyen de faire face à ces enjeux immédiats. Ce type de structure est inspiré des unités mises en place au Royaume-Uni dans les années 90 (Prime Minister’s Delivery Unit), en Malaisie (Performance Management & Delivery Unit, PEMANDU), Thaïlande, Indonésie (President Delivery Unit), et également en Afrique du Sud (Planning Commission). Elles visent à organiser la mise en œuvre de programmes de réformes et, selon leurs modalités et leurs mandats, mobiliser et coordonner les acteurs ; assurer le suivi et l’évaluation des réformes ; et veiller au succès de la mise en œuvre et de l’impact.
Il n’existe pas d’approche universelle ni de modèle optimal applicable en matière d’unité de mise en œuvre. Une telle structure dépend du contexte et du paysage institutionnel du pays. Toute décision d’établir ce type de structure doit donc commencer par une analyse du paysage opérationnel local. Lorsqu’une unité de mise en œuvre est jugée appropriée, elle peut se charger de la priorisation des réformes ; de l’identification et de la coordination des acteurs clés ; et du suivi et de l’évaluation du programme de réformes. La forme et la fonction de l’unité dépendront de son mandat, mais également de sa localisation au sein du gouvernement.
Le succès des unités de mise en œuvre dépend de l’appui politique qui leur est accordé et de leurs caractéristiques intrinsèques. Une communication stratégique au sein du gouvernement sur les activités et le mandat de l’unité est essentielle pour la formation de coalitions et pour le soutien de ses activités au sein des différentes structures gouvernementales. Une vision stratégique concise et partagée sera également importante pour prioriser les secteurs de réforme, et ainsi permettre une concentration sur les champs d’action prioritaires. L’unité devra avoir une aptitude à anticiper – en coopération avec les autres acteurs et ministères – les défis à soulever pour l’identification des solutions les plus adaptées. L’unité devra aussi être en mesure d’innover dans son fonctionnement ; de partager ses connaissances et son expertise ; et de conduire une culture de l’efficacité dans la prestation des services publics (OCDE, 2015).
La Côte d’Ivoire peut envisager la création d’une unité de mise en œuvre
La Côte d’Ivoire pourrait créer une unité spécifique de mise en œuvre des réformes, placée à haut niveau et dotée d’un mandat précis et de ressources suffisantes. Cette unité aurait pour mission d’assurer la mise en œuvre efficace des réformes. Les activités opérationnelles de l’unité s’organiseront autour de la réalisation des objectifs suivants :
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Développer et mettre en œuvre une stratégie de communication autour des objectifs et des contenus des réformes. Il devra s’agir d’un processus continu, débutant par une activité intense et qui devra se poursuivre et faire l’objet d’ajustements tout au long des réformes.
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Coordonner la mise en œuvre des réformes en assurant une collaboration efficace lorsque plusieurs organismes sont impliqués. Cet élément comportera le développement et l’attribution de missions détaillées sous l’autorité du Premier ministre, tout en construisant des relations de travail productives avec les personnes responsables de la réalisation de ces missions.
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Effectuer le suivi de la mise en œuvre des réformes. Il s’agira de suivre la progression des différentes actions, notamment en identifiant d’éventuels blocages dans leur mise en œuvre, et d’en évaluer l’impact. Les réformes pourront être adaptées si nécessaire, en s’appuyant sur l’expérience et l’évolution du contexte. L’unité devra en particulier recueillir les informations nécessaires pour réaliser des rapports de suivi réguliers (par exemple, tous les semestres) et identifier les domaines présentant les risques d’échec les plus importants.
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Évaluer les performances et superviser l’utilisation des informations de la performance au sein du gouvernement pour informer l’évolution des politiques. Il s’agit pour l’unité de mise en œuvre d’évaluer si les politiques publiques atteignent leurs objectifs et la façon d’y parvenir, et d’ajuster celles qui ne présentent pas les résultats escomptés.
La nouvelle unité pourrait être sous la direction du Président et placée au sein du cabinet du Premier ministre. Le lien avec la Présidence assurerait un soutien au plus haut niveau. En pratique, elle serait régie par le Premier ministre dans les affaires quotidiennes. Sur le plan opérationnel, elle serait dirigée par un haut fonctionnaire du gouvernement ou du secteur privé. Le Premier ministre serait responsable des résultats de l’unité par rapport au programme de réformes.
L’unité devra être étroitement reliée aux organismes centraux principaux. Pour maximiser son efficacité, l’unité doit être en lien étroit avec les ministères et les agences gouvernementales les plus impliqués dans la réalisation des réformes. En effet, l’une des raisons d’être de l’unité est d’assurer une coordination au sein du gouvernement, de soutenir la mise en œuvre des réformes et de suivre leurs performances, ce qui sera favorisé par des liens de collaboration forts. Dans de nombreux pays, l’un des moyens d’y parvenir efficacement est d’intégrer à l’unité du personnel détaché provenant de ces organismes. Les membres du personnel recrutés devront être motivés, avoir une compréhension stratégique des enjeux et des activités des agences, et de bonnes capacités de communication. Ils contribueront à élaborer une coalition de fonctionnaires et d’organismes concentrés sur la réalisation des objectifs des réformes. Ces membres détachés devront être sélectionnés selon un principe de concurrence et non nommés par leurs organismes d’origine respectifs, le risque étant, dans le cas inverse, que l’unité soit moins en mesure de gérer la qualité et les performances du personnel qui lui est affecté. Ils devront être attirés dans l’unité par le prestige qu’elle apporte en termes de carrière ainsi que par des incitations salariales.
L’équipe travaillant au sein de l’unité doit être de taille réduite et de composition variée. Le nombre de personnes doit rester modéré et la durée de leur affectation dépendra de la charge de travail dans leur domaine. Les domaines publics qui seront le plus impliqués dans cette unité seront notamment les fonctions de surveillance des politiques, ce qui implique les organismes centraux relatifs aux mesures et à l’action politiques (cabinet du Président, cabinet du Premier ministre et le ministère du Plan et du Développement). L’unité doit aussi intégrer le ministère du Budget et le ministère de l’Économie et des Finances (et potentiellement d’autres institutions chargées des finances publiques) afin d’assurer une gestion financière efficace. Enfin, des membres du personnel des plusieurs ministères peuvent être des points focaux pour les opérations de l’unité. Pour ces interlocuteurs privilégiés, il s’agira de fournir des informations à l’unité de mise en œuvre et de faciliter son travail, sans pour autant en faire partie intégrante. Par exemple, il s’agirait d’inclure en tant que point focal le ministère de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Formation ; le ministère des Infrastructures économiques ; le ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement technique ; le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ; le ministère des Transports ; le ministère de l’Agriculture ; le ministère de la Construction, du Logement de l’Assainissement et de l’Urbanisme ; le ministère de l’Industrie et des Mines ; le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication ou encore le ministère du Commerce.
Le champ d’activité et le cadre réglementaire de cette unité doivent être précisés pour maintenir son dynamisme et assurer son intégrité. Par exemple, l’unité pourrait être établie pour une première période de cinq ans en lien avec l’objectif d’émergence en 2020. Une revue de son action devrait être obligatoire après cette période pour évaluer sa performance, son éventuelle nécessité future et ses nouvelles responsabilités en cas de renouvèlement. Cela permettrait aussi d’éviter que les fonctionnaires de l’unité ne deviennent permanents et de restructurer l’équipe en fonction des évolutions, et ainsi mitiger les différents intérêts politiques.
Les éléments clés pour soutenir les réformes vers l’émergence : la communication, la coordination et le suivi
Pour lever les obstacles à l’émergence, trois composantes sont indispensables : la communication, la coordination et le suivi. La communication garantit que tous les acteurs économiques et sociaux comprennent le sens de la démarche, les avantages qu’ils peuvent en retirer et leur rôle dans la réalisation de cette ambition. La coordination permet de trouver des solutions à des problèmes simples qui entravent l’émergence, en organisant l’intervention d’acteurs divers en vue de régler certains enjeux. La coordination est étroitement liée à la communication. Enfin, le suivi, c’est-à-dire la surveillance et l’ajustement des réformes au regard de leurs performances et de l’évolution du contexte, est essentiel pour garantir que les ressources limitées consacrées à la réforme soient utilisées de manière efficace, et pour encourager tous les acteurs à poursuivre leur participation.
Le rapport sur la phase II de l’Examen multidimensionnel de la Côte d’Ivoire pointait de nombreuses insuffisances dans la coordination et la communication. Tout d’abord, si l’adhésion à la vision d’une Côte d’Ivoire émergente est forte au sein du pays, peu de parties prenantes ont une idée précise de ce que ce statut représente d’une manière plus générale. Chaque ministère ou organisme public envisage l’émergence du seul point de vue de sa spécialité, mais au-delà de ce domaine particulier, les notions d’émergence restent floues. Deuxièmement, les déficits de communication et de coordination sont omniprésents. Par exemple, le programme de développement du secteur financier ne travaille que peu en collaboration avec les programmes en cours visant à assurer l’accès au financement du secteur privé, comme le plan Phoenix. Dans le domaine de l’agriculture, des stratégies complètes ont été adoptées au sein de certaines chaînes de valeur liées à des produits spécifiques ; une meilleure communication pourrait favoriser le partage des connaissances et la diffusion des bonnes pratiques.
Communiquer à tous un message et une vision commune
L’émergence devrait émaner d’un consensus porté par les plus hauts responsables politiques, puis être communiquée de manière à être comprise par tous les acteurs ivoiriens. Dans l’idéal, un groupe de travail transversal rassemblant divers responsables politiques devrait piloter un processus national inclusif permettant d’établir la signification et les implications de l’émergence, et d’obtenir la reconnaissance et l’acceptation des inévitables compromis qui accompagnent une mutation socioéconomique d’envergure. Ce groupe de travail peut être dirigé par l’unité de mise en œuvre. Les responsables politiques se chargeraient ensuite de mener une campagne de communication déclinant un ensemble de messages et d’éléments de langage adaptés aux différents publics qui composent le pays. Les messages se concentreraient ainsi sur différents aspects de l’émergence selon qu’ils s’adresseraient à un entrepreneur résidant dans un centre urbain, ou à un écolier en zone rurale.
Pour appliquer de grandes réformes, la communication interne au sein de l’administration publique est nécessaire. La communication à mettre en place pour soutenir les réformes d’émergence revêt plusieurs aspects complémentaires : communication des principaux objectifs et ambitions ; communication entre et au sein des organismes publics concernant la mise en œuvre des diverses actions ; communication avec les différentes composantes de la collectivité au sens large au sujet de leur rôle ; et retour d’information aux organismes de coordination de la réforme sur les problèmes rencontrés et l’efficacité des diverses mesures. Bien menée, la communication peut être un outil clé de l’engagement des acteurs dans le processus de la transformation économique (Box 7.1).
La communication avec le public et la transparence globale peuvent constituer un important facteur de réussite pour les réformes. Un public cultivé et bien informé peut exiger une plus grande responsabilité et devenir une instance de surveillance, poussant à la réforme et contribuant à surmonter les obstacles économiques et politiques. Une communication régulière avec les citoyens et des acteurs importants de la société civile sur les performances des politiques publiques est un élément clé pour le succès d’une politique de reddition de compte (accountability) et de transparence de l’administration. Toutefois, un tel mécanisme suppose que l’État rende publics ses structures, ses programmes de réforme et les progrès réalisés, et qu’il communique avec les citoyens en engageant une discussion sur l’évaluation des performances des politiques publiques. Ce mécanisme offre une opportunité au gouvernement et aux citoyens d’améliorer ensemble les politiques et services publics. De tels efforts, également menés dans les pays industrialisés, interviennent souvent dans le contexte de programmes open data qui renforcent la transparence et la disponibilité des données pour le public. Si les pays en développement sont naturellement limités dans leur capacité à fournir des données, une démarche de ce type, associée à des stratégies de communication optimisées, pourrait soutenir les réformes en Côte d’Ivoire.
Une stratégie de communication efficace consisterait à utiliser un mélange de technologies anciennes et nouvelles pour engager la communauté dans les programmes du gouvernement et offrir la transparence nécessaire. Les méthodes de communication doivent être adaptées aux différents publics et aux messages transmis. Pour certains messages, la radio et les manifestations publiques seront les moyens les plus efficaces de communiquer, surtout s’il s’agit de messages simples ; pour d’autres, l’engagement peut passer à travers des forums interactifs. Enfin, les nouvelles technologies offrent un moyen de transmettre des informations détaillées à un large public. Pour réaliser leur potentiel, les messages diffusés par ces nouvelles technologies doivent être clairs, coordonnés, et offrir un niveau de détail adapté, équilibrant précision et accessibilité.
La communication passe à la fois par les canaux formels et informels ; la stratégie d’émergence doit les exploiter tous les deux. Dans la conception des procédures de communication, l’essentiel de l’attention se porte sur les canaux formels (documents publiés, communiqués, circulaires, etc.), mais ceux-ci peuvent être d’une efficacité limitée, par exemple parce qu’ils ne sont pas assez engageants. Par ailleurs, les canaux formels se révèlent souvent inadaptés à la communication bidirectionnelle, par exemple pour recueillir des commentaires ou personnaliser un message en fonction du public visé. Les séminaires ou les publications peuvent aussi être perçus comme un gaspillage de ressources ou une perte de temps.
Les mécanismes informels de communication et de coordination devraient constituer un complément essentiel aux canaux formels. Les canaux informels interviennent principalement au plan personnel et à l’extérieur des structures, par exemple, des personnes qui discutent en dehors ou en parallèle des canaux de diffusion formels. Il pourrait être utile de garantir que les canaux de communication informels aient une portée suffisante et touchent une vaste palette d’acteurs. Ce dernier point peut être révélateur d’un fonctionnement institutionnel plus sain et mieux ancré, et sera favorisé par le développement de réseaux englobant plusieurs organismes publics et plusieurs régions. Pour ce faire, il est possible d’organiser des échanges semestriels entre agences, ou entre régions pour les administrations décentralisées ; de promouvoir des plans de carrière favorisant la mobilité au sein ou entre les organismes publics ; voire de stimuler l’organisation d’événements sociaux auxquels participeraient des fonctionnaires issus de diverses administrations.
La rotation des personnels est un dispositif à envisager. Ces programmes de rotation permettent aux personnels de la fonction publique de travailler pour un autre ministère pendant une période limitée (6 à 24 mois dans de nombreuses institutions), tout en conservant la possibilité de reprendre leur poste d’origine aux conditions contractuelles initiales. La gestion des ressources humaines étant centralisée par le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (MFPRA), la Côte d’Ivoire est relativement bien placée pour instaurer un tel programme. Pour ce faire, il conviendrait d’établir un cadre définissant les conditions juridiques et la durée des détachements, de fixer les critères déterminant le niveau de collaboration entre les ministères et leur aptitude à effectuer de tels échanges, ainsi que les conditions d’éligibilité des fonctionnaires. Enfin, des contrats et des accords standards devraient être préparés. Ensuite, le MFPRA pourrait émettre un appel à déclaration d’intérêt et mener un programme pilote avec un petit nombre d’agents. Ces derniers suivraient ainsi des sessions préparatoires, puis des séances de débriefing à l’issue de leur mission. Un outil de suivi et d’évaluation serait également mis en place (enquête auprès des personnels sur les avantages et le vécu). À long terme, un tel programme faciliterait la création de relations entre les ministères au plan individuel, ce qui pourrait améliorer la circulation des informations et la compréhension mutuelle entre les administrations.
Source : Auteurs.
La communication avec le public pourrait également être améliorée pour assurer un message cohérent. Actuellement les ministères et organismes publics ivoiriens exploitent une multiplicité de sites Internet, mais avec très peu de coordination ou de standardisation, et les sites sont fréquemment caducs. En règle générale, les sites Internet contiennent des informations de base (organisation des ministères) et une importante rubrique consacrée aux communiqués de presse, mais il est difficile pour les citoyens de trouver des informations plus précises sur un ministère donné. L’État devrait travailler sur ce volet et établir des règles communes pour encadrer les données et la diffusion des informations des ministères et organismes publics. Il s’agirait, par exemple, de prévoir une demande de diffusion pour les données importantes, et un engagement à actualiser régulièrement les données. Les ministères seraient ainsi poussés à faire des progrès. Par exemple, concernant le projet global d’émergence, l’État publie sur son site principal certaines données relatives au Plan national de développement (PND), et permet de consulter l’intégralité du rapport. Mais la navigation sur le site est difficile : le lien important sur le bilan 2011-15, par exemple, ne peut être trouvé que par chance, et après bon nombre de clics.
Les agences gouvernementales doivent être mieux coordonnées et collaborer entre elles
La plupart des actions visant à éliminer les blocages de la transformation économique supposent la collaboration d’acteurs issus de toutes les composantes de la société. Une telle coordination entrave souvent la mise en œuvre des mesures. Si les actions semblent simples en elles-mêmes, il peut être extrêmement difficile de rassembler les différents acteurs et de faire aboutir les réformes. La coordination permet aussi de vérifier que le programme se concentre sur des actions réalisables et qu’il les mène à bien, plutôt que de viser des objectifs trop ambitieux et d’ajouter à la complexité du processus. Les efforts de coordination devraient être renforcés en priorité dans les domaines suivants :
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Veiller à la collaboration des différents organismes publics qui travaillent sur des sujets connexes ou complémentaires.
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Faire collaborer les acteurs publics et privés qui s’efforcent d’atteindre des objectifs connexes (Box 7.2). De nombreuses mesures requises pour accéder à l’émergence sont principalement portées par les acteurs privés, et reçoivent au mieux un soutien secondaire des pouvoirs publics. L’État étant limité dans sa capacité à atteindre directement ses objectifs, il doit se coordonner avec les acteurs du secteur privé, et veiller à la mise en commun et à la diffusion des informations.
Les mécanismes existants pour mieux coordonner les secteurs public et privé par le Comité de concertation État/secteur privé (CCESP) pourraient être réformés et optimisés en intégrant les expériences d’autres pays. La transformation structurelle et la diversification du secteur productif devront être portées par « l’auto découverte » des nouvelles opportunités, permettant au secteur privé d’identifier les biens et services sur lesquels les entreprises ivoiriennes pourraient avoir un avantage comparatif. Le rôle de l’État est, sur la base des consultations et du dialogue, la résolution des contraintes fondamentales qui empêchent ces opportunités de se concrétiser. Pour atteindre ce niveau de coordination et de consensus, des mécanismes efficaces doivent être instaurés. Cinq grands principes doivent présider à ces réflexions :
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Le gouvernement doit laisser suffisamment d’espace et de liberté au secteur privé pour que celui-ci devienne un partenaire engagé et constructif.
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Le secteur privé doit pouvoir organiser et décider des mécanismes à mettre en place pour l’inciter à participer au dialogue.
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Des sous-groupes de discussion doivent être institués dans certains secteurs pour favoriser des échanges spécifiques et éviter la tentation de faire pression afin d’obtenir le soutien/la protection de l’État.
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Les objectifs de la plateforme doivent être clairement définis : le gouvernement cherche à améliorer la mise à disposition d’intrants publics pour certains produits, et non à accorder des subventions sectorielles.
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Un équilibre doit être trouvé pour garantir l’engagement financier du secteur privé et/ou la réalisation d’objectifs concrets, mais également pour permettre un suivi en temps utile par le gouvernement, ce qui incitera en retour le secteur privé à poursuivre sa participation.
Source : Auteurs.
De nombreux dispositifs de coordination sont en place ou en cours de préparation et doivent faire l’objet d’attention de la part des autorités. Le Comité de concertation État/secteur privé ou le Comité de pilotage pour l’aménagement du territoire sont des exemples qui mettent en évidence quelques-uns des enjeux fondamentaux de la coordination et de la communication entre les parties prenantes en Côte d’Ivoire.
Lors de la mise en place de nouveaux processus ou de comités, il conviendra de garder à l’esprit les grands principes qui encadrent la résolution de ces défis, et qui pourraient servir d’exemples pour réformer des cadres de travail existants. La première étape devrait toujours consister à identifier les acteurs concernés. Pour instaurer un comité de pilotage, il est essentiel de réunir des représentants de toutes les strates de la population, en dépassant les limites de l’administration publique pour inclure le secteur privé et la société civile. Ensemble, ces représentants pourraient profiter d’une réunion préparatoire pour dresser une cartographie institutionnelle identifiant les acteurs clés à inclure par la suite dans le comité de pilotage. De même, un inventaire des programmes et projets existants (menés par l’État, les donneurs, le secteur privé, etc.) devrait précéder toute action afin d’éviter le gaspillage de ressources limitées. Renforcer l’efficacité de la coordination constitue un autre défi, qui pourra être relevé en établissant des principes directeurs pour tous. Il serait également essentiel d’atteindre une représentation équilibrée entre les parties prenantes (en nombre de participants venant des différents secteurs : ministères, population, etc.). D’autres conditions fondamentales pour assurer une meilleure efficacité du dialogue public-privé seront :
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La participation des fonctionnaires ne devra pas trop fluctuer. Chaque agence devra désigner deux ou trois personnes afin de garantir la continuité dans la participation et le maintien des connaissances au sein des comités. La participation devra apparaître clairement dans les missions des fonctionnaires et figurer dans leurs objectifs de performances et leurs évaluations pour les inciter à s’investir activement dans le processus. Assurer la visibilité et la reconnaissance des participants pourrait également constituer une incitation (par exemple, en les présentant sur les brochures des ministères ou d’autres supports de communication habituels, s’ils existent).
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L’instauration d’une coordination efficace qui dépasse le simple partage d’informations pour réellement aboutir à des résultats. Ceci se réalisera avec un ordre du jour clair, fixant des objectifs et des éléments à produire au début de chaque processus. Les retombées et résultats envisagés devraient être fixés d’un commun accord, par exemple en rédigeant des procès-verbaux, en répertoriant les documents produits, en s’accordant sur les différentes contributions ou les documents à préparer.
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Les résultats devront être suivis et contrôlés par une commission mixte. Si les participants s’engagent à produire des éléments ou s’accordent sur certaines activités, l’ordre du jour de la réunion suivante devrait immédiatement prévoir l’évaluation des travaux et une discussion sur les défauts ou lacunes potentiels. Les ministères qui chapeautent un comité de pilotage devraient se voir confier la responsabilité de vérifier que ces pratiques soient effectivement mises en œuvre, par exemple en publiant un récapitulatif sous forme d’organigramme ou de liste de contrôle.
Le suivi-évaluation, un élément essentiel de la bonne réussite de réformes
Les transformations économiques réussies ont des mécanismes de suivi et d’évaluation robustes dans leurs programmes de réformes. La Côte d’Ivoire a accompli des progrès impressionnants sur son programme de réformes depuis 2011. Mais pour poursuivre sur cette voie, elle doit prévoir des mécanismes de suivi et d’évaluation (S&E), accompagnés d’une culture de la performance. Ces mécanismes deviendront de plus en plus importants à mesure que les enjeux et les projets de réforme gagneront en complexité. En parallèle, les pays en développement doivent parvenir à instaurer des mécanismes S&E qui contribueront à évaluer les progrès et guider la suite des réformes sans pour autant mobiliser à outrance des ressources déjà rares (en termes de capacité de ressources humaines et de coûts statistiques). La Côte d’Ivoire devrait adopter un processus progressif, c’est-à-dire mettre en place des systèmes rudimentaires dès maintenant et les faire évoluer à mesure que le pays avance.
Le modèle de S&E pourrait, dans un premier temps, reposer sur l’unité de mise en œuvre et les ministères, pour ensuite développer progressivement une ligne directrice forte. Premièrement, l’unité de mise en œuvre devrait suivre l’avancement global, en s’appuyant essentiellement sur un large éventail de statistiques de pays comparables. Deuxièmement, les ministères concernés (identifiés dans l’Examen multidimensionnel) devraient établir des mécanismes S&E parallèlement à la mise en œuvre des réformes, en s’appuyant sur des principes directeurs clairs et équilibrés (par exemple, 2 à 5 indicateurs globaux et 5 à 10 indicateurs plus spécifiques, accompagnés des modalités de procédure de base). Enfin, le pays devrait commencer à élaborer une stratégie à plus long terme, qui envisage à la fois le développement des capacités et les statistiques indispensables à la mise en place d’un système S&E plus poussé et adapté à une économie de marché émergente. Cela suppose une coordination complète avec une unité responsable de la mise à niveau des systèmes de suivi. Il serait essentiel de :
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Établir des principes directeurs pour encadrer le suivi et l’évaluation.
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Engager les discussions avec les bailleurs de fonds.
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Établir l’inventaire de toutes les démarches de suivi et d’évaluation.
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Planifier comment obtenir les données appropriées, en puisant si possible dans les sources d’informations disponibles (enquêtes de satisfaction Gallup, sondages financés par les donneurs, etc.) afin de réduire la charge statistique et focaliser les efforts sur les besoins pressants.
La Côte d’Ivoire peut bénéficier des retours d’expérience et des démarches S&E des autres pays en développement. L’Ouganda, par exemple, a été l’un des premiers pays d’Afrique à déployer des cadres de travail S&E complets. Toutefois une évaluation à moyen terme a montré que la charge statistique était excessive, les ministères et organismes publics étant forcés de collecter plus de 1 000 indicateurs de performance auprès de nombreuses entités et dans autant de domaines. Par conséquent, le gouvernement ougandais a mis en œuvre un système de S&E national intégré (National Integrated M&E System), ce qui a permis de réduire le nombre d’indicateurs de performance et d’améliorer la coordination. La Côte d’Ivoire devrait donc s’efforcer de minimiser la demande de données, c’est-à-dire de privilégier les indicateurs qui : i) s’obtiennent facilement de manière récurrente, et sont dans l’idéal comparables avec ceux d’autres pays ; ii) cernent correctement les objectifs des réformes, en veillant à équilibrer les indicateurs d’entrée (les dépenses, par exemple) et de sortie (ou résultats, par exemple la satisfaction des clients) ; et iii) offrent une couverture complète pour la Côte d’Ivoire, et sont susceptibles d’être dissociés par région, sexe, etc. en vue d’un élargissement et d’une mise à niveau ultérieurs.
Les risques doivent être gérés de façon à éviter de compromettre la mise en œuvre du programme de développement
Il est essentiel d’anticiper et de gérer les risques afin d’assurer la mise en œuvre fluide de programmes de développement ambitieux, tels que ceux présentés dans les Examens multidimensionnels par pays (EMPP). Tous les pays sont exposés à des risques qui n’ont pas été intégrés à leurs prévisions initiales. La réalisation de ces risques entraîne des chocs qui peuvent être particulièrement importants sur de petites économies ouvertes comme celle de la Côte d’Ivoire. Si les évolutions peuvent être positives, comme le boom des matières premières dans les années 2000, les chocs négatifs sont plus préoccupants car ils peuvent ralentir les investissements privés, avoir des conséquences sur la politique budgétaire et focaliser l’attention des principaux décideurs politiques. Pour réduire leur impact, il faut anticiper ces risques et mettre en place des mesures pour contrer et limiter leurs effets attendus sur des programmes importants à l’échelle nationale tels que présenté dans les EMPP. De tels efforts doivent venir compléter les stratégies nationales de gestion des risques et le travail des organismes spécialisés dans la gestion des catastrophes, dont le rôle est habituellement de gérer et de limiter les effets directs des chocs naturels.
Des risques peuvent provenir de différentes sources. D’autres événements, qui ne sont pas encore connus ou vus comme des risques, et qui ne ressemblent pas aux chocs précédents pourraient avoir des effets dévastateurs. Plusieurs risques connus en raison de leur réalisation passée en Côte d’Ivoire ou dans d’autres pays existent :
Risques internationaux
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Liés à la demande et aux prix pour les exportations de la Côte d’Ivoire.
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Raréfaction et hausse du coût des financements pour les infrastructures et les investissements publics.
Risques régionaux
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Instabilité politique ou progression de groupes terroristes fragilisant la demande et générant de l’insécurité aux frontières de la Côte d’Ivoire.
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Effets du changement climatique sur le développement agro-industriel si les précipitations deviennent moins stables.
Risques internes
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Changements de personnel, ou difficultés à mobiliser le secteur privé ou des partenaires internationaux qui ralentissent la mise en œuvre de programmes de développement.
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Engagements budgétaires sur les finances publiques, notamment par rapport aux partenariats publics privés (PPP).
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Disparités régionales.
La gestion de ces risques doit se concentrer sur un contrôle attentif, une politique budgétaire prudente et la mise en place d’éléments de protection dans les programmes de mise en œuvre. Une petite économie ouverte comme celle de la Côte d’Ivoire est particulièrement susceptible de se trouver exposée à des événements inattendus pouvant avoir des conséquences significatives au cours de la mise en œuvre de l’EMPP. Toutefois, il est possible d’anticiper les répercussions de ce type de chocs et de limiter leurs effets négatifs :
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Les activités de S&E mentionnées ci-dessus devraient alerter les décideurs politiques par rapport à des évolutions exogènes pouvant affecter la mise en œuvre de l’EMPP. Les circonstances de la mise en œuvre de l’EMPP doivent être réexaminées régulièrement en cherchant à savoir si les prérequis des réformes demeurent valables. Ces informations doivent ensuite être utilisées pour adapter le programme.
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La Côte d’Ivoire doit conserver des niveaux acceptables de déficit budgétaire et de dette publique pour disposer de suffisamment d’espace budgétaire en cas de choc. Au cours de ces dernières années, la Côte d’Ivoire a maintenu des niveaux de dette prudents, bien que les risques associés aux passifs éventuels aient augmenté (par exemple associés aux PPP). Une gestion budgétaire prudente peut également permettre d’améliorer la disponibilité des financements pour le secteur privé en réduisant la demande en liquidités nationales limitées et en diminuant les risques macroéconomiques perçus par les investisseurs extérieurs.
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Les calendriers de mise en œuvre devront être prudents afin d’être menés à bien et de résister à d’éventuels retards ou évolutions imprévues. Des calendriers trop ambitieux, plus fragiles et davantage sujets à des complications de planification, peuvent miner la crédibilité du programme global s’ils ne sont pas tenus. Par ailleurs, s’ils sont le précurseur d’autres activités, ces dernières peuvent à leur tour être retardées.
Le tableau de bord accompagne la marche vers l’émergence de la Côte d’Ivoire
Le tableau de bord fournit aux autorités ivoiriennes un outil de suivi des progrès en lien étroit avec les plans d’action élaborés dans le cadre de l’objectif d’émergence en 2020. Le tableau de bord accompagne la marche vers l’émergence de la Côte d’Ivoire. Il propose des cibles à atteindre en 2020 et des cibles intermédiaires en 2018 en ce qui concerne la création de richesses dans l’économie, le bien-être de la population et la transformation structurelle. Dans le cadre de la transformation structurelle, le tableau de bord couvre les thématiques prioritaires que sont la transformation économique, la compétitivité, les infrastructures, le secteur financier, le capital humain et les compétences, et la politique fiscale. Enfin, il inclut une thématique transversale liée à la qualité institutionnelle et la gouvernance.
Toutes les thématiques disposent d’indicateurs principaux permettant de mesurer les progrès vers l’émergence, et choisis d’un commun accord avec le gouvernement ivoirien. Chaque thématique est composée d’un objectif principal et d’objectifs secondaires. Les objectifs principaux constituent les buts ultimes à atteindre pour l’émergence. Les objectifs secondaires servent quant à eux à effectuer un suivi fin des résultats attendus des réformes à entreprendre décrites dans les plans d’action.
Pour chaque objectif, le tableau de bord propose un indicateur avec plusieurs valeurs. Les indicateurs retenus dans le tableau de bord comprennent des mesures objectives (données macroéconomiques, par exemple) ainsi que des données issues d’enquêtes, afin de prendre en compte la perception et l’opinion des Ivoiriens sur certains sujets et éclairer sous un angle nouveau certaines réformes et politiques mises en œuvre. Pour chacun d’entre eux, plusieurs valeurs sont calculées :
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Premièrement, le tableau reflète le niveau actuel où se situe la Côte d’Ivoire (ou le dernier chiffre disponible).
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Deuxièmement, les niveaux cibles à atteindre en 2018 et 2020 sont établis en fonction de la nature des données et des objectifs nationaux de développement. Deux modes de calcul sont retenus, selon la disponibilité des données :
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En utilisant une méthodologie statistique qui reflète les niveaux généralement obtenus par les économies des marchés émergents et à revenu intermédiaire dans le monde (description ci-dessous). Il s’agit du « niveau d’émergence ».
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En se basant sur les travaux d’analyse précédents (voir les voir les volumes 1 et 2 de l’Examen multidimensionnel de la Côte d’Ivoire), les priorités de la politique nationale et les valeurs de la Côte d’Ivoire en 2015. Ceci est réalisé pour certaines variables lorsque des améliorations dans la direction des pays les plus performants pourraient être envisagées, ainsi que pour toutes les données nationales choisies pour leur pertinence. Il s’agit de la « cible pour 2020 ».
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La méthodologie statistique est appliquée pour les indicateurs pour lesquels les données internationales existent. Des estimations pour les valeurs de 2018 et les valeurs cibles de 2020 sont calculées lorsque les données sont issues de bases internationales telles que : les Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale ; Gallup ; les données de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel ; et la base World Input-Output. Les valeurs cibles pour 2020 représentent les niveaux prévus pour un pays avec un PIB légèrement supérieur à 5 000 USD (dollars des États-Unis) par habitant après ajustement des différences de pouvoir d’achat entre les pays. Ce chiffre est l’équivalent du produit intérieur brut (PIB) de la Côte d’Ivoire – qui double entre 2014 et 2020 (passant de 16 650 milliards FCFA en 2014 à 33 310 milliards FCFA en 2020) – et après ajustement de la croissance de la population, de l’inflation anticipée et des taux de change internationaux oscillant autour de leurs valeurs de long terme.
Les estimations se basent sur un échantillon composé de tous les pays de la tranche supérieure des revenus intermédiaires. Bien que tous les pays de ce groupe ne soient pas nécessairement des modèles d’émergence à suivre en soi, le critère du revenu permet, dans la majorité des cas, de sélectionner des pays partageant de nombreuses caractéristiques avec les économies émergentes. Par ailleurs les pays de l’échantillon permettent d’obtenir suffisamment de données pour que les estimations économétriques des valeurs cibles en 2020 soient valides.
En utilisant ce groupe de pays comparateurs, des régressions bi-variées sont calculées pour chaque indicateur. L’indicateur retenu est la variable dépendante, avec le PIB par habitant en variable indépendante. La première étape est la régression des indicateurs sur le PIB par habitant (équation 1) ; dans un second temps, le coefficient d’interception associé à la Côte d’Ivoire est additionné au coefficient estimé du PIB par habitant multiplié par le PIB par habitant cible en 2020 (5 009 en PPA, USD internationaux constants) pour obtenir les valeurs cibles (équation 2). Par exemple, dans le cas de l’amélioration de la salubrité, 45 % de la population de la Côte d’Ivoire doit avoir accès à des installations d’assainissement améliorées d’après le modèle statistique, contre 21.9 % en 2012.
indicateur = α + β*PIB par habitant (eq. 1)
valeur cibleCIV = αCIV + β*5 009 (eq. 2)
Les valeurs présentées dans le tableau de bord visent à informer les décideurs politiques et potentiellement informer la discussion avec les citoyens sur les performances des politiques publiques. Elles sont issues de sources multiples, de qualité et d’horizons temporels différents, laissant ainsi place à des erreurs d’échantillonnage au sein des estimations. Le processus de modélisation de la relation entre ces indicateurs et le PIB par habitant peut introduire des erreurs statistiques supplémentaires, dont l’importance peut s’accroître pour des projections à long terme où la relation indicateurs-PIB est modifiée en raison des changements dans l’économie ivoirienne. Par ailleurs, des développements exogènes, comme des variations de prix des exportations ivoiriennes, ou la disponibilité de financements de bailleurs de fonds pour des projets phares de développement social, peuvent engendrer des déviations de tendances et accélérer – ou retarder – la réalisation des cibles. Ces incertitudes statistiques et la réalisation d’évènements non anticipés doivent être prises en considération dans la lecture du tableau de bord : les valeurs cibles qui y figurent doivent être perçues comme des indications de tendance. Pour les mêmes raisons, l’attention doit être focalisée sur les grandes tendances sous-jacentes sur plusieurs années, plutôt que sur les changements annuels.
Le tableau de bord présente une vue d’ensemble indicative plutôt qu’une structure rigide pour l’orientation des politiques publiques. Il contient de nombreux indicateurs couvrant les différentes dimensions du développement. Chaque indicateur permet d’appréhender certains concepts spécifiques, mais ne peut donner qu’un aperçu du progrès en la matière. Le tableau de bord doit donc être interprété avec prudence, en tenant compte des erreurs possibles de mesure et de leur réactivité aux actions entreprises. La plus grande valeur ajoutée de ce tableau est donc la synthèse des progrès mesurés par les différents groupes d’indicateurs. La richesse de la batterie d’indicateurs permet d’avoir une vue d’ensemble des progrès vers l’objectif final de l’émergence et de l’amélioration du bien-être.
À terme, la Côte d’Ivoire devrait développer son système statistique national pour doter l’État de données nationales de qualité, véritables outils pour le suivi-évaluation. Le tableau de bord repose encore largement sur les données internationales en raison d’un manque de données nationales fiables et à jour. Au-delà de la Stratégie nationale de développement de la statistique 2009-2013, le pays devrait continuer à investir dans la capacité des institutions et des statisticiens, ainsi que dans l’infrastructure physique pour améliorer la collecte et le traitement des données. La qualité et l’archivage des données statistiques devront aussi être améliorés afin de permettre, entre autres, une meilleure utilisation des statistiques pour un panel plus large d’utilisateurs. Ceci pourra notamment être utile dans le cadre des activités avec la Banque mondiale (Doing Business), le Millenium Challenge Corporation ou encore l’Open Gouvernement Partnership, mais aussi en interne, pour évaluer l’atteinte des objectifs du PND.
Compte tenu des ressources financières limitées, il sera important de hiérarchiser les domaines pour une allocation judicieuse des ressources statistiques. Certains domaines connaissent un fort déficit de données et nécessitent des investissements statistiques plus importants que les autres. Les équipes du PND et de l’Institut national des statistiques peuvent les lister pour permettre aux pouvoirs publics d’identifier plus facilement les domaines où les efforts doivent se concentrer.
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