Résumé

La France a mené une politique ambitieuse en matière d’environnement mais les résultats ne sont pas toujours aussi bons qu’escomptés

La France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière d’environnement, notamment dans les lois Grenelle de 2009 et 2010 et dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. À l’international, elle a joué un rôle moteur dans l’adoption de l’Accord de Paris par la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). Dans un contexte national marqué ces dix dernières années par une faible croissance économique, la France a progressé sur la voie du découplage en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) et des principaux polluants atmosphériques, les prélèvements d’eau douce et en stabilisant la production de déchets municipaux.

Néanmoins, de nombreuses pressions continuent de s’exercer sur l’environnement. Comme beaucoup d’autres pays européens, la France n’a pas atteint le bon état des eaux en 2015 au titre de la Directive-cadre sur l’eau, notamment du fait de la pollution diffuse par les nitrates et les pesticides. La France est l’un des plus gros consommateurs de produits phytosanitaires du monde et leur usage a augmenté, contaminant également l’air et les sols. Les objectifs de report modal ne sont pas en bonne voie et les concentrations d’ozone, de NO2 et de particules fines dans l’air dépassent régulièrement les normes de protection de la santé humaine dans certaines zones. L’artificialisation des sols s’est accélérée, notamment en périphérie des villes et le long du littoral, fractionnant les habitats et appauvrissant la biodiversité. Le taux de valorisation (recyclage et compostage) des déchets municipaux reste très inférieur à celui de l’Allemagne ou de la Belgique.

Des réformes ont été engagées pour moderniser la gouvernance et le droit de l’environnement

L’élargissement des compétences du ministère de l’Environnement aux transports et à l’équipement, au tourisme et à la mer, puis à l’énergie a permis un rapprochement des politiques sectorielles et de l’environnement sans toutefois résoudre toutes les questions d’intégration. La création du Commissariat général au développement durable en 2008 a permis de mieux coordonner l’action des administrations en matière de développement durable. Cependant, la mise en œuvre des politiques environnementales reste confrontée à la complexité du millefeuille territorial français. La récente réforme de l’organisation territoriale s’engage dans la bonne voie, en clarifiant la répartition des compétences, en simplifiant les documents de planification et en favorisant l’intercommunalité. La France recense plus de 35 000 services publics d’eau potable et d’assainissement, dont la majorité de taille insuffisante pour bénéficier d’économies d’échelle.

Le cadre juridique régissant les évaluations environnementales stratégiques des plans et programmes et les études d’impacts environnementaux (EI) des projets a été renforcé mais l’articulation entre les règlementations respectives reste à clarifier. L’approche française donne lieu à plusieurs EI pour un même projet, ce qui ne permet pas de disposer d’une vision globale du projet et de ses impacts potentiels. La France a simplifié son régime d’autorisation environnementale et rationalisé les procédures de contrôle de la conformité. Cependant, la migration des installations vers le nouveau régime d’enregistrement est plus lente que prévu et la planification des inspections ne tient pas suffisamment compte du comportement des installations réglementées.

Le Grenelle de l’environnement a fondé le modèle de la « gouvernance à cinq », associant toutes les parties prenantes à l’élaboration des politiques. Repris dans le cadre des conférences environnementales annuelles, ce modèle a été institutionnalisé par le Conseil national de la transition écologique. Toutefois, le renforcement de la démocratie environnementale reste une gageure et nécessite de consulter le public suffisamment en amont des décisions.

Une priorité accrue a été accordée à la croissance verte

Les investissements dans les modes de transport durables, la rénovation thermique des bâtiments et les technologies propres ont été promus comme vecteurs de croissance dans le plan de relance budgétaire de 2009. La France est parmi les leaders européens de l’éco-innovation et se distingue notamment dans les domaines de l’eau, des déchets et des technologies de lutte contre le changement climatique. Les aides fiscales et les subventions à la recherche et développement, comme le programme d’investissements d’avenir, ont permis à certaines filières vertes françaises de maintenir et de développer leur avantage concurrentiel. Ces dix dernières années, la valeur ajoutée et l’emploi dans les éco-activités ont crû plus vite que dans l’ensemble de l’économie. Un Plan national de mobilisation pour les emplois et les métiers dans l’économie verte a été élaboré et un observatoire national dédié créé. Depuis 2012, le comité pour la fiscalité écologique, devenu le comité pour l’économie verte en 2015, promeut le recours accru aux instruments économiques dans la politique environnementale.

Cependant, le poids de la fiscalité écologique dans l’économie est faible. La taxation des carburants et des véhicules a favorisé les véhicules diesel, plus polluants, dont la part dans le parc automobile est passée de 35 % en 2000 à 62 % en 2014, l’un des taux les plus élevés d’Europe. L’introduction d’une composante carbone dans la taxation des énergies fossiles en 2014 est un progrès important vers l’harmonisation des prix du carbone. La contribution climat-énergie augmentera de 22 EUR/tonne de CO2 en 2016 à 30.5 EUR en 2017 (loi de finances pour 2015). Les futures lois de finances devront confirmer cette trajectoire pour atteindre 56 EUR en 2020 et 100 EUR en 2030, un niveau compatible avec les engagements en matière de réduction des émissions de GES. La baisse récente de l’écart de taxation entre le diesel et l’essence mérite également d’être saluée et pourrait être accélérée. La France a éliminé plusieurs subventions dommageables à l’environnement mais des améliorations sont possibles pour réorienter les aides publiques directes et indirectes vers des comportements favorables à l’environnement et à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.

La mise en œuvre de la transition énergétique doit être précisée

La France est l’une des économies les plus sobres en carbone de l’OCDE en raison de la prépondérance du nucléaire dans son mix énergétique. Elle a fait mieux que l’objectif qu’elle s’était fixé, dans le cadre du Protocole de Kyoto, de limiter ses émissions de GES sur la période 2008-12 par rapport à leurs niveaux de 1990. Cependant, elle n’est pas sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs concernant les énergies renouvelables et la consommation d’énergie dans le cadre du Paquet énergie-climat européen pour 2020. Les multiples objectifs fixés dans les domaines de l’énergie et du climat, à des horizons temporels variés, ont compliqué la gouvernance des politiques et nui au suivi des progrès. L’instabilité des mesures de soutien aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, la complexité de la règlementation et l’empilement des instruments ont également réduit l’efficacité des politiques.

La loi relative à la transition énergétique crée de nouveaux outils de gouvernance, parmi lesquels la programmation pluriannuelle de l’énergie et la Stratégie nationale bas-carbone qui devraient améliorer le pilotage de la politique énergétique et la visibilité des investisseurs. Elle fixe des objectifs ambitieux : porter la part des énergies renouvelables à 32 % en 2030 ; réduire de 20 % la consommation énergétique finale entre 2012 et 2030 et de 50 % à l’horizon 2050 ; réduire de 40 % les émissions de GES entre 1990 et 2030 et de 75 % à l’horizon 2050. Elle prévoit également d’abaisser à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique à l’horizon 2025. Cependant, les objectifs restent nombreux et délicats à concilier : réduire la part du nucléaire tout en réduisant la consommation d’énergie impose des orientations claires sur la durée d’exploitation des réacteurs et un déploiement à grande échelle des énergies renouvelables. Cela nécessitera notamment de développer l’interconnexion au réseau européen, de mieux maîtriser la demande en énergie et les coûts de production des différentes filières et d’adapter les dispositifs de soutien aux renouvelables.

La France a renforcé son rôle de leader en matière de biodiversité

Par sa position géographique en Europe et en outre-mer, la France possède un patrimoine naturel d’une très grande richesse. Elle figure également parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées au monde, ce qui lui confère une forte responsabilité en matière de biodiversité. Comme les autres pays, elle n’a pas atteint l’objectif assigné par la Convention sur la diversité biologique de réduire la perte de biodiversité en 2010. En métropole, trois quarts des habitats d’intérêt communautaire sont en état défavorable et une espèce sur cinq est menacée. La situation est encore plus préoccupante en outre-mer. L’homogénéisation des milieux associés à l’intensification de l’agriculture, la fragmentation des habitats et l’artificialisation des sols sont les principales menaces pour la biodiversité, auxquelles s’ajoutent les espèces exotiques envahissantes, la surexploitation des stocks halieutiques et le changement climatique, particulièrement critiques en outre-mer. La France a déjà atteint les objectifs, définis dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, de protéger d’ici 2020 au moins 17 % de sa superficie terrestre et au moins 10 % des eaux sous sa juridiction. Cependant, à peine 0.7 % du territoire métropolitain est couvert par des zones protégées aux niveaux de protection les plus stricts de la classification de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

À l’international, la France a renforcé son rôle de leader en quasi triplant l’aide publique au développement dédiée à la biodiversité depuis 2007-08 et en soutenant la création de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. Des progrès importants ont été réalisés pour renouveler le cadre législatif et institutionnel national. La loi Grenelle II a notamment renforcé la séquence « éviter, réduire, compenser » dans les études d’impact et instauré les trames vertes et bleues et les schémas régionaux de cohérence écologique. La loi sur la reconquête de la biodiversité, dont l’adoption est prévue en 2016, entend rationnaliser la gouvernance, notamment par la création de l’Agence française pour la biodiversité. Elle prévoit aussi la mise en place d’un régime d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages issus de leur utilisation en vue de la ratification du Protocole de Nagoya. Pour renforcer l’efficacité des instruments d’intégration de la biodiversité dans l’aménagement du territoire, la France devra développer l’utilisation et le partage des indicateurs de résultats entre acteurs. Une culture de l’efficacité économique des politiques de biodiversité reste à développer. Les efforts doivent également être poursuivispour promouvoir l’agro-écologie comme solution aux défis environnementaux.