Chapitre 6. Utiliser l’outil de politique fiscale pour le financement de biens et services publics de qualité

Ce chapitre décrit le système fiscal ivoirien actuel ainsi que ses effets sur les entreprises et les individus. Il présente les données de recettes et de structures fiscales de la Côte d’Ivoire et les compare avec celles d’autres pays émergents, avant d’examiner plus spécifiquement la fiscalité indirecte (droits de douane, taxe sur la valeur ajoutée [TVA], droits d’accises), la fiscalité directe (impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, impôt foncier), les incitations fiscales et le rôle de l’administration fiscale. Ce chapitre aborde également les liens entre la fiscalité et le secteur informel. Il propose enfin des recommandations concrètes pour la mise en place d’un système fiscal qui génère moins de distorsions et davantage de recettes pour financer les besoins croissants du pays en matière d’infrastructure, d’éducation et de santé. À terme, l’objectif est de faire de la politique fiscale un des leviers clefs de l’émergence.

  

Ce chapitre aborde la question du rôle du système fiscal dans la poursuite de l’objectif de l’émergence à l’horizon 2020. Le régime fiscal ivoirien peut-il générer davantage de recettes tout en soutenant une croissance inclusive? En effet, au-delà de son rôle de mobilisation des ressources publiques, le système fiscal doit devenir un outil qui permettra d’encourager les composantes clefs de l’émergence que sont la croissance et l’inclusion. Ce chapitre décrit le système fiscal ivoirien ainsi que ses effets, et propose des recommandations pour aider le pays à atteindre l’émergence. Bien que l’évaluation de l’efficacité et de l’équité de la dépense soit une question importante, ce chapitre traite exclusivement des enjeux en matière de politique fiscale.

La fiscalité joue un rôle clef dans le contexte de l’émergence, mais des réformes sont nécessaires

L’émergence à l’horizon 2020 nécessitera la mobilisation de recettes fiscales supplémentaires. L’évolution de la Côte d’Ivoire vers un stade plus avancé de développement va requérir des investissements et des services publics plus nombreux et de meilleure qualité, en particulier en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé. Les recettes fiscales jouent un rôle majeur : elles constituent une source de revenus essentielle et une alternative durable à l’endettement et à l’aide internationale en déclin pour financer le développement et fournir des services publics.

La mise en place d’un système fiscal efficace ne doit pas s’analyser uniquement sous l’angle de la perception de recettes. Il s’agit également de mettre en place un système qui n’engendre pas de distorsions dans les comportements économiques, qui promeut l’inclusion et encourage la bonne gouvernance. Même si le lien n’est pas automatique, les améliorations dans la collecte des impôts peuvent accroître la confiance des citoyens dans le gouvernement et être un catalyseur de réformes dans l’administration générale de l’État.

La Côte d’Ivoire a connu d’importants progrès en matière de fiscalité au cours des dernières années, mais de nombreuses réformes sont encore nécessaires. Des réformes ont déjà été engagées, en particulier dans les domaines de l’administration fiscale et douanière, de l’impôt foncier, et des droits d’accises. Malgré ces avancées, la Côte d’Ivoire a encore de nombreux défis de politique fiscale à relever. Le pays devra chercher à :

  • Élargir le filet fiscal à un plus grand nombre de contribuables – pour l’instant, la pression fiscale n’est supportée que par un petit nombre de contribuables du fait de l’importance du secteur informel.

  • Simplifier et accroître la cohérence du système fiscal amendé de façon partielle depuis les années 60, au gré des lois de finances.

  • Rationaliser les exonérations et les nombreux régimes dérogatoires liés à différents impôts (TVA, impôt sur les sociétés) qui génèrent des pertes de recettes ainsi que des distorsions à la concurrence.

  • Renforcer les règles en matière de fiscalité internationale pour que les entreprises multinationales paient leur juste part d’impôts.

  • Renforcer les capacités de l’administration fiscale pour augmenter le recouvrement et la productivité des impôts.

  • Poursuivre le processus de coopération fiscale au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

  • Promouvoir le « civisme fiscal » en renforçant la simplicité, la stabilité et l’équité du système fiscal, mais aussi en améliorant la qualité des services publics.

La Côte d’Ivoire a besoin d’une réforme fiscale globale, elle ne pourra pas se contenter de réformes partielles. Cette réforme graduelle devra établir un système simplifié, cohérent et adapté au niveau de développement du pays ainsi qu’aux besoins d’une économie émergente. Ce chapitre montre comment la Côte d’Ivoire a souvent compensé les distorsions de son système fiscal par de nouvelles distorsions. Par exemple, des taux d’imposition élevés ont été compensés par la multiplication d’exonérations ou de réductions d’impôts qui limitent encore plus la neutralité du système fiscal. L’accumulation de distorsions souligne la nécessité d’une réforme en profondeur. Ces exonérations et régimes dérogatoires ont également rendu l’administration du système plus difficile et réduit la capacité du gouvernement à investir dans des services publics clefs pour la croissance économique et l’inclusion.

La période 2015-20 offre une opportunité unique de réforme que la Côte d’Ivoire ne devrait pas manquer. Les réformes fiscales peuvent engendrer des gagnants et des perdants, en particulier sur le court terme. Cela dit, dans des périodes de croissance forte et persistante, comme celle que traverse actuellement la Côte d’Ivoire, les réformes fiscales sont plus facilement acceptées par les citoyens et les entreprises. Les autorités ivoiriennes devraient chercher à convaincre l’ensemble des citoyens de la nécessité d’une réforme fiscale structurelle et communiquer sur le fait qu’en réduisant les obstacles à la croissance générés par le système fiscal actuel, en adaptant le système fiscal à un niveau de développement plus élevé et en mobilisant davantage de recettes pour financer les investissements dans l’infrastructure, la santé et l’éducation, une telle réforme pourrait profiter à tous à moyen et à long terme.

Une fiscalité adaptée à l’état de développement du pays et suivant des principes solides favorisera l’émergence

La fiscalité est un des leviers clefs pour atteindre l’émergence. Au-delà de son rôle de mobilisation de recettes, le système fiscal doit chercher à être efficient, équitable et simple. Comme l’indique cette section, les caractéristiques des systèmes fiscaux ont tendance à évoluer en fonction du niveau de développement, des capacités administratives et des objectifs socio-économiques et politiques des pays.

Les systèmes fiscaux doivent chercher à remplir des objectifs parfois difficiles à combiner

La mise en place de systèmes fiscaux performants constitue un défi difficile pour les pays en développement. Les systèmes fiscaux doivent chercher à remplir des objectifs parfois difficiles à combiner. Atteindre ces objectifs comporte des difficultés particulières pour les pays en développement :

  1. Le potentiel en matière de recettes : Le système fiscal doit permettre à un pays de collecter le niveau de recettes qui lui permettra de financer ses besoins de dépenses publiques. Ces préoccupations sont particulièrement importantes dans les pays en développement, où le niveau des recettes fiscales est beaucoup plus faible et les besoins d’investissements publics plus importants que dans les pays développés. Le potentiel de mobilisation de recettes d’un système fiscal dépend aussi très largement des moyens et des capacités de l’administration fiscale, souvent plus limités dans les pays en développement.

  2. L’efficience et l’impact sur la croissance : Le système fiscal doit être aussi neutre que possible : les impôts ne doivent pas conduire les entreprises et les individus à faire des choix différents de ceux qu’ils auraient faits en l’absence d’impôts. Dans la pratique, cela signifie que le système fiscal doit essentiellement s’appuyer sur de larges assiettes fiscales, comporter des écarts minimaux entre les taux d’imposition applicables, mais aussi s’appuyer sur des impôts qui tendent à avoir un impact faible sur la croissance. Pour autant, il existe des situations où le système fiscal peut chercher à ne pas être neutre pour remédier à des défaillances du marché, notamment pour internaliser des externalités négatives. Dans les pays en développement, les systèmes fiscaux manquent souvent de neutralité. En effet, les impôts considérés comme générant le plus de distorsions (les droits de douane, par exemple) continuent à y jouer un rôle important. D’autre part, les pays en développement recourent souvent aux incitations fiscales pour attirer les investissements, alors que ces dernières limitent la neutralité de la fiscalité.

  3. L’équité : Le système fiscal a une incidence sur la répartition des revenus et peut jouer un rôle plus ou moins important dans la redistribution. Une plus grande équité implique souvent un arbitrage avec l’objectif d’efficience. Une imposition progressive des revenus des particuliers peut contribuer à accroître la redistribution et à améliorer la perception de la population quant à l’équité du système. En revanche, elle peut se traduire par une moindre efficience due à une perte corrélative de neutralité. Dans les pays en développement, bien que les inégalités soient très importantes, les systèmes fiscaux ont tendance à jouer un rôle limité dans la redistribution des richesses pour des raisons politiques (par exemple liées au pouvoir des élites économiques) et pratiques (par exemple en raison d’une évasion fiscale plus aisée ou d’un fort taux d’informalité).

  4. Les coûts d’administration pour le gouvernement : L’administration d’un système fiscal génère des coûts importants pour le gouvernement. Compte tenu de la relative faiblesse de leurs capacités administratives, les pays en développement doivent éviter de maintenir des systèmes où les règles et les obligations fiscales sont compliquées à appliquer et à vérifier. Lorsque l’administration du système fiscal représente un coût excessif, les pays en développement cherchent parfois à déléguer le rôle de collecte d’impôts à des agents « intermédiaires » via les retenues d’impôts à la source.

  5. Les coûts de conformité pour les contribuables : Il faut maintenir à un bas niveau le coût du respect des obligations fiscales pour limiter les incitations des contribuables à ne pas les respecter. En règle générale, neutralité et simplicité vont de pair. Limiter les coûts de conformité est particulièrement important dans les pays en développement où le taux d’informalité est très élevé, et où la complexité des règles fiscales peut décourager la formalisation. Des règles complexes de détermination des bases d’imposition et de paiement des impôts s’avèrent également particulièrement pénalisantes dans les pays où les taux d’alphabétisation et d’éducation sont bas. Dans de nombreux pays en voie de développement, la mise en place d’un impôt forfaitaire permet de remédier pour partie à cette situation. Il s’agit d’un impôt synthétique représentatif de l’ensemble des impôts directs et indirects qui s’applique aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un certain montant.

  6. La stabilité du système fiscal : En plus d’être simples, les règles fiscales doivent être stables, pour les entreprises comme pour les particuliers. En effet, la stabilité est une caractéristique essentielle d’un climat des affaires attractif et un facteur clef de la confiance des contribuables. Le problème de l’instabilité des règles et obligations fiscales est significatif dans certains pays en développement où les changements dans les obligations fiscales sont fréquents et parfois perçus comme arbitraires.

  7. La résistance à la fraude fiscale : Bien que global, le problème de la fraude fiscale se pose avec acuité dans les pays en développement. En effet, les règles pour empêcher l’évasion fiscale des particuliers et la dissimulation ou le transfert des bénéfices des entreprises y sont généralement moins développées. Les administrations fiscales ont aussi tendance à être moins bien équipées pour détecter et contrôler la fraude fiscale. Les sanctions existent mais la probabilité qu’elles soient appliquées est souvent moins élevée que dans les pays développés.

  8. La résistance à la corruption : Certains systèmes fiscaux peuvent laisser plus de place à la discrétion des agents de l’État et donc à la corruption. Cette corruption peut agir comme une forme d’imposition supplémentaire pour les contribuables. Ce risque est plus important dans les pays en développement où les taux de corruption en général sont plus élevés et où les pratiques de contrôle interne au sein des administrations fiscales sont moins développées que dans les autres pays.

Les structures fiscales évoluent avec le niveau de développement

Dans le processus de développement, ce n’est pas seulement le niveau des recettes fiscales qui évolue mais également la structure des recettes (Besley et Persson, 2013). La structure des recettes fiscales est donc de nature dynamique. Les différences de structures fiscales entre les pays s’expliquent par de nombreux facteurs, tels que la nature de l’économie (prédominance du secteur agricole, présence de ressources naturelles, etc.), le niveau d’informalité, la distribution des revenus, le degré d’influence politique des élites, le degré d’ouverture au commerce international, la qualité du cadre juridique ou encore la capacité des administrations fiscales.

Dans les premières phases du développement, les droits de douane et les taxes sur les ressources naturelles (pour les pays riches en ressources naturelles) jouent un rôle important. Dans les pays les moins développés, la plupart des travailleurs sont employés dans l’agriculture ou dans de petites entreprises informelles. Ils reçoivent rarement un salaire régulier et fixe, leurs revenus fluctuent donc, et un grand nombre d’entre eux sont payés en espèces. En outre, ces travailleurs ne dépensent généralement pas leurs revenus dans de grands magasins qui gardent des registres précis des ventes ou des inventaires. En conséquence, les assiettes des impôts sur le revenu ou sur la consommation sont difficiles à calculer. Les pays les moins avancés ont donc tendance à recourir davantage aux droits de douane et aux impôts sur les ressources naturelles qui constituent un moyen d’imposition plus simple que les impôts sur le revenu ou sur la consommation (Besley et Persson, 2013 et McNabb et LeMay-Boucher, 2014).

À mesure que les pays progressent dans leur développement, la structure fiscale tend à évoluer vers un rôle accru de la TVA et de l’impôt sur les sociétés. Pour Ebrill et al. (2001) et Chambas (2005a), la TVA constitue le pivot de la « transition fiscale ». En effet, les pays en développement se tournent vers la TVA pour compenser les pertes de recettes tarifaires, dues notamment à une plus grande ouverture commerciale. La TVA requiert néanmoins une administration fiscale qui fonctionne suffisamment bien pour en garantir la neutralité. L’impôt sur les sociétés joue également un rôle important dans les pays émergents. Cet impôt s’avère relativement facile à collecter dans les pays disposant de capacités administratives limitées dans la mesure où l’investissement est généralement concentré dans un petit nombre de grandes entreprises (Keen et Mansour, 2009). Cela étant, les entreprises multinationales peuvent souvent plus aisément éviter de payer leurs impôts en adoptant des stratégies d’optimisation fiscale dans les pays en développement que dans les pays développés.

L’impôt sur le revenu des particuliers ne devient une source importante de recettes qu’à un stade plus avancé de développement. Il représente souvent moins de 10 % du total des recettes dans les pays en développement, comparé à une moyenne de plus de 25 % dans les pays de l’OCDE (Keen, 2012 et OCDE, 2014a). Étant donné que l’impôt sur le revenu des particuliers constitue l’élément principal de redistribution des richesses dans le système fiscal, cela signifie en général que le système fiscal joue un rôle de redistribution limité dans les pays en développement (Bird et Zolt, 2005). Pour que l’impôt sur le revenu devienne une source de recettes importante, il faut qu’un certain nombre de conditions préalables soient en place. Cela suppose en effet que la population ait atteint un certain niveau de revenu, que celle-ci perçoive la redistribution comme l’un des rôles de la fiscalité, que les contribuables aisés ne soient pas à même d’influer sur le bon déroulement des réformes fiscales et que des règles soient appliquées pour prévenir l’évasion fiscale des particuliers. Enfin, lorsqu’elle est basée sur un système déclaratif, l’imposition du revenu des particuliers requiert un certain niveau d’éducation des contribuables et de compétences de l’administration fiscale.

Enfin, les cotisations sociales jouent un rôle clef dans la mobilisation de recettes publiques dans les pays développés. Elles représentent en moyenne 26 % des recettes dans les pays de l’OCDE. Les cotisations sociales sont prélevées à la source sur les salaires, généralement à taux fixe, et visent à financer les systèmes de sécurité sociale. Divers facteurs expliquent que les cotisations sociales représentent une plus grande part des recettes dans les pays développés que dans les pays en développement ou émergents. D’abord, les cotisations sociales ne peuvent jouer un rôle significatif dans les finances publiques qu’en présence d’un marché du travail formel suffisamment large. Ensuite, les besoins de financement via les cotisations sociales sont proportionnels au développement et à la qualité des prestations sociales offertes en matière de retraites, d’assurance maladie, de chômage, d’accident du travail, etc.

La mise en place de systèmes fiscaux modernes nécessite une approche globale et progressive

En l’absence de réformes plus larges, les mesures visant à évoluer vers un système et une structure fiscale plus « modernes » peuvent s’avérer contre-productives. Remplacer des impôts qui ont tendance à générer d’importantes distorsions par des impôts considérés comme plus neutres n’aura pas nécessairement les effets escomptés si l’administration fiscale n’est pas renforcée en parallèle, ou si les conditions économiques du pays ne s’y prêtent pas.

Par exemple, une réduction des droits de douane compensée par une augmentation d’autres impôts peut avoir un impact négatif sur la croissance et les recettes si cette substitution ne s’accompagne pas d’autres réformes. C’est ce que suggèrent les résultats de l’analyse économétrique de McNabb et LeMay-Boucher (2014). Une réduction des droits de douane peut soudainement exposer les entreprises locales à la concurrence internationale (Besley et Persson, 2013), ce qui est problématique si elles ne sont pas compétitives. De surcroît, une réduction des droits de douane compensée par un impôt sur les sociétés plus élevé peut encourager les entreprises à transférer leurs profits hors du pays et ainsi réduire les recettes fiscales. Cette réforme n’est donc efficace que si des mesures de protection de l’assiette fiscale sont en place. Une logique similaire peut s’appliquer si la baisse des droits de douane est compensée par une hausse de l’impôt sur le revenu des particuliers. Un impôt sur le revenu plus élevé créera davantage d’incitations pour les travailleurs à rester dans le secteur informel, ou à le rejoindre. En outre, une augmentation des recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers ne compensera les pertes de recettes de droits de douane que si suffisamment d’individus en sont redevables, si leur niveau de revenus est suffisamment élevé (sachant que l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu tend à moins imposer les bas revenus) et si les capacités de contrôle de l’administration sont renforcées.

En somme, une approche globale et progressive est nécessaire pour évoluer vers une structure fiscale plus caractéristique des pays émergents. Il faut, en parallèle, renforcer le secteur formel, rendre les entreprises locales plus compétitives, renforcer les capacités de l’administration fiscale, mettre en place des mesures de protection des assiettes fiscales, renforcer le système financier, ou encore développer le cadastre. La mise en place de politiques fiscales en accord avec les bonnes pratiques internationales ne peut donc généralement pas être immédiate.

La fiscalité ivoirienne se caractérise par des recettes encore faibles, une forte dépendance vis-à-vis des impôts indirects et une base fiscale étroite

Cette section présente les caractéristiques générales du système fiscal ivoirien. Elle examine le niveau et l’évolution des recettes fiscales, la part des différents impôts dans le total des recettes fiscales (structure fiscale) ainsi que l’impact du secteur informel sur la fiscalité.

Des recettes fiscales insuffisantes pour soutenir l’émergence

À environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013, les recettes publiques de la Côte d’Ivoire étaient en deçà des recettes publiques dans la plupart des pays comparés (graphique 6.1). Les recettes fiscales, qui constituent la principale composante des recettes publiques, représentaient d’environ 15.6 % du PIB en 2013. Elles se trouvent en dessous du critère de convergence de l’UEMOA et du seuil minimum de 20 % du PIB considéré comme nécessaire par les Nations Unies pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Les recettes fiscales de la Côte d’Ivoire restent néanmoins comparables aux rentrées fiscales des pays de l’UEMOA, qui oscillaient en général entre 14 % et 18 % du PIB en 2012 (à l’exception de la Guinée Bissau, où les recettes n’étaient que de 7.9 % du PIB) selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI). Ces taux sont bien inférieurs à la moyenne des recettes fiscales des pays de l’OCDE, qui a atteint 34.1 % du PIB (cotisations sociales inclues) en 2013.

Graphique 6.1. Les recettes publiques de la Côte d’Ivoire sont en deçà des recettes dans la plupart des pays de comparaison
Recettes publiques dans les pays comparés, en pourcentage du PIB en 2013
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Source : FMI (2014), http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2014/02/weodata/index.aspx.

 https://doi.org/10.1787/888933329879

L’analyse de l’évolution des recettes dans le temps montre que les recettes fiscales du pays ont fluctué autour de 15 %-16 % du PIB au cours de ces dernières années. Le graphique 6.2 met toutefois en évidence l’impact de la crise politico-électorale sur les recettes fiscales, qui sont tombées à environ 11 % du PIB en 2011. Elles sont remontées à 14.8 % du PIB en 2012, et ont atteint 15.6 % du PIB en 2013. D’après les prévisions du FMI, les recettes fiscales ivoiriennes devraient légèrement baisser et fluctuer aux alentours de 15 % du PIB au cours des prochaines années.

Graphique 6.2. Les recettes fiscales ivoiriennes ont fluctué autour de 15-16 % du PIB depuis 2008
Recettes fiscales de la Côte d’Ivoire en pourcentage du PIB entre 2008 et 2017 (classification TOFE)
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Notes : Prévisions du FMI après 2013

Sources : FMI et Ministère du Budget de la Côte d’Ivoire.

 https://doi.org/10.1787/888933329883

De nombreux facteurs expliquent le faible niveau des recettes fiscales de la Côte d’Ivoire. Certains facteurs sont structurels, largement exogènes à la politique fiscale, tels que la structure de l’économie (notamment l’importance du secteur agricole, qui bénéficie d’un traitement fiscal particulier), la taille du secteur informel ou encore le faible niveau de bancarisation (parce que les transactions commerciales réalisées en espèce sont d’une traçabilité faible et difficiles à appréhender pour l’administration fiscale). D’autres facteurs sont en revanche directement liés à des choix de politique fiscale. Un facteur qui sera largement évoqué dans ce chapitre est l’importance des dépenses fiscales qui ont atteint respectivement 86.50 milliards FCFA (francs de la Communauté financière africaine) pour la Direction générale des impôts (DGI) et 243.19 milliards FCFA pour les douanes en 2014 (DGI, 2015).

Les estimations de l’ « effort fiscal » et du taux de pression fiscal « optimal » suggèrent que la Côte d’Ivoire dispose d’une marge pour collecter davantage de recettes. L’effort fiscal compare les recettes collectées par rapport au potentiel de recettes en tenant compte des caractéristiques économiques structurelles du pays (PIB par habitant, degré d’ouverture au commerce international, etc.). D’après les données des Perspectives économiques en Afrique 2010 (OCDE/BAD/UNCEA, 2010), l’indice d’effort fiscal de la Côte d’Ivoire s’élevait à environ 0.9, avec des recettes fiscales d’environ 16 %. Cela signifie que la Côte d’Ivoire pourrait potentiellement collecter des recettes atteignant environ 18 % au vu de ses caractéristiques économiques. Cette estimation de 2010 est probablement en deçà du potentiel actuel compte tenu de la reprise de la croissance et de la stabilité politique que connaît le pays. Une autre étude portant sur le taux de pression fiscale optimal en Côte d’Ivoire – en d’autres termes, le taux qui maximiserait la croissance – estime que celui-ci se situe entre 21.1 % et 22.3 % du PIB (Keho, 2010).

En somme, les recettes fiscales ont retrouvé un niveau proche de celui d’avant la crise politico-militaire de 2011 mais elles devront augmenter. L’objectif est de permettre à la Côte d’Ivoire de financer de façon soutenable ses besoins croissants d’investissements publics, en particulier en matière d’infrastructure, mais aussi de santé et d’éducation. Pour atteindre à court terme le seuil communautaire de 20 % du PIB, la Côte d’Ivoire devra augmenter ses recettes, essentiellement via un élargissement des assiettes fiscales et non une hausse des taux d’imposition.

Une structure fiscale dominée par les impôts indirects

Comme dans la plupart des pays en développement, les impôts indirects – comprenant la TVA, les droits d’accises et les droits de douane – représentent la plus grande part des recettes fiscales totales (graphique 6.3). Malgré une baisse significative depuis les années 80, qui s’explique notamment par les politiques de libéralisation commerciale, les droits de douane jouent encore un rôle majeur en Côte d’Ivoire puisqu’ils représentaient 28 % du total des recettes en 2013. En général, les droits de douane continuent à jouer un rôle plus important en Afrique que dans les autres pays en développement. Les recettes de TVA représentaient quant à elles 21 % du total des recettes en 2013, une proportion similaire à la moyenne des pays de l’OCDE mais relativement plus faible que dans la moyenne des pays en développement (elles représentent jusqu’à plus de la moitié des recettes fiscales dans certains pays). Dans les pays d’Amérique latine, par exemple, la TVA représentait plus de 30 % des recettes en moyenne en 2013 (graphique 6.4).

Graphique 6.3. Les impôts indirects représentent la plus grande part des recettes fiscales ivoiriennes
Structure fiscale de la Côte d’Ivoire en 2013
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Source : Ministère du Budget de la Côte d’Ivoire.

 https://doi.org/10.1787/888933329891

Graphique 6.4. La structure fiscale ivoirienne se distingue des structures fiscales des pays de l’OCDE et des pays d’Amérique latine
Structures fiscales moyennes dans les pays de l’OCDE en 2012 (panel de gauche) et d’Amérique latine-Caraïbes en 2013 (panel de droite)
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Notes : Pour la moyenne des pays d’Amérique latine-Caraïbes (panel de droite), la catégorie « impôts sur le revenu, les bénéfices et les plus-values » inclut l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu des particuliers.

Source : OCDE (2015a), http://www.oecd.org/tax/tax-policy/tax-database.htm.

 https://doi.org/10.1787/888933329907

Le reste des impôts génère environ 40 % des recettes de la Côte d’Ivoire. La part des impôts sur les revenus et les salaires dans les recettes totales s’élevait à 12 % en 2013, contre 25 % en moyenne en 2012 dans les pays de l’OCDE. L’impôt sur les sociétés joue en revanche un rôle relativement plus important en Côte d’Ivoire que dans la moyenne des pays de l’OCDE puisqu’il équivalait à 14 % des recettes totales en 2013, contre 9 % pour l’OCDE en 2012. Les impôts fonciers ne jouent qu’un rôle négligeable dans les recettes totales de la Côte d’Ivoire. Enfin, les cotisations sociales représentaient 11 % des recettes ivoiriennes, alors qu’elles atteignaient en moyenne 26 % des recettes dans les pays de l’OCDE en 2013, et 17 % des recettes en moyenne dans les pays d’Amérique latine en 2013.

Les recettes fiscales provenant des ressources naturelles sont faibles. D’après Mansour (2014), elles équivalaient à seulement 1.1 % du PIB (prenant en compte les recettes de l’impôt sur les sociétés collecté sur les entreprises extractives et les redevances). Cette situation est similaire à celle des autres pays de l’UEMOA mais diffère d’autres pays africains riches en ressources naturelles tels que le Nigéria ou la République démocratique du Congo, où les recettes provenant des ressources naturelles atteignent respectivement 14.5 % et 29.6 % du PIB (Mansour, 2014).

La progression de la Côte d’Ivoire vers l’émergence impliquera un rééquilibrage graduel dans la composition de ses recettes fiscales. La structure fiscale de la Côte d’Ivoire est caractéristique des pays en développement, avec un rôle plus prononcé des droits de douane. Ces derniers pourraient progressivement diminuer et être compensés par un accroissement des recettes de la TVA, des droits d’accises, des impôts directs, voire de l’imposition des ressources naturelles. Comme le souligne la première section de ce chapitre, ce rééquilibrage devra se faire de façon progressive pour ne pas heurter la croissance. Il devra être accompagné d’améliorations de l’administration fiscale (notamment parce que ces impôts et taxes peuvent apparaître plus difficiles à administrer que les droits de douane), d’une consolidation des mesures de protection des assiettes fiscales, et d’un renforcement de la lutte contre le secteur informel.

Une pression fiscale concentrée sur un petit nombre de contribuables

Le très fort taux d’informalité en Côte d’Ivoire a des conséquences majeures sur la fiscalité. L’économie ivoirienne est encore très largement informelle (80 % de la main-d’œuvre à Abidjan, 90 % pour le pays dans son ensemble, et 96 % de l’emploi féminin, PNUD 2013). L’importance du secteur informel implique que la pression fiscale pèse uniquement sur un très petit nombre de contribuables, en particulier sur les grandes entreprises et les employés du secteur formel. Les opérateurs de taille moyenne, qui jouent un rôle important dans l’économie, ne sont que de très petits contribuables.

Cela pose des problèmes de recettes fiscales. En plus des pertes fiscales directes, l’informalité génère des pertes indirectes. En effet, les entreprises assujetties au régime réel paient leurs impôts mais collectent aussi divers impôts pour le compte de l’État (TVA, impôts sur les salaires, etc.). À l’inverse, les entreprises qui restent dans le secteur informel non seulement ne paient pas leurs impôts mais ne jouent pas non plus leur rôle de collecteurs d’impôts.

La taille du secteur informel entraîne également des problèmes d’équité et des risques de cercle vicieux. Dans les pays caractérisés par un taux élevé d’informalité, la tendance est à l’augmentation des impôts sur le secteur formel, ce qui accroît les distorsions entre le secteur formel et l’économie informelle et, à terme, génère davantage d’incitations à rester ou à passer dans le secteur informel. L’élargissement du filet fiscal à un plus grand nombre de contribuables permet de maintenir la charge fiscale qui pèse sur les entreprises du secteur formel à un niveau raisonnable.

Enfin, le fait que les recettes fiscales – notamment de l’impôt sur les sociétés – soient fortement dépendantes d’un petit nombre de contribuables constitue un facteur de vulnérabilité. Les recettes fiscales sont dépendantes des performances économiques d’un nombre restreint d’entreprises. La délocalisation d’un petit nombre de grandes entreprises peut entraîner une chute importante de ces recettes.

Une des priorités en matière fiscale sera d’accroître le nombre de contribuables pour mieux répartir la charge fiscale sur l’ensemble des citoyens et des entreprises. Si la fiscalisation des très petites entreprises pourrait être coûteuse en matière d’administration de l’impôt comparativement aux recettes générées, en revanche, celle des moyennes entreprises devrait être une priorité. Comme le suggère la suite du chapitre, les efforts pourraient notamment viser à attirer les entreprises de taille moyenne dans le secteur formel. Cette fiscalisation pourrait entraîner celle de nombreux autres contribuables en raison du rôle de collecteur d’impôt des entreprises.

Les recettes et l’efficacité des impôts indirects devront être accrues

Cette section traite des caractéristiques de la fiscalité indirecte en Côte d’Ivoire. Bien que la fiscalité indirecte représente une très large part des recettes, le potentiel de mobilisation des recettes et l’efficacité de la fiscalité indirecte sont loin d’être maximisés. Cette section montre que la Côte d’Ivoire devrait devenir progressivement moins dépendante des droits de douane ; accroître les recettes et la neutralité de la TVA en élargissant son champ d’application et en révisant ses règles de territorialité ; mais aussi renforcer le rôle des droits d’accises dans le système fiscal.

Limiter progressivement la dépendance des recettes aux droits de douane

Les droits de douane constituent une source majeure de recettes pour la Côte d’Ivoire, comme le montre la section II. Les droits de douane incluent les droits à l’importation et à l’exportation.

Concernant les droits à l’importation, le taux des droits de douane est défini par le tarif extérieur commun (TEC) de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)1 . Depuis janvier 2015, le TEC de l’UEMOA a été remplacé par le TEC de la CEDEAO. Ce dernier comporte une cinquième bande tarifaire de 35 % (catégorie 4) qui s’ajoute au quatre bandes tarifaires du TEC UEMOA (catégories 0 à 3). Le nouveau TEC opère également un changement de classification pour certains produits. Les cinq catégories de produits figurant dans la nomenclature tarifaire et statistique du TEC CEDEAO sont les suivantes :

  • la catégorie 0, pour les biens sociaux essentiels (médicaments, appareils médico-chirurgicaux, papier journal, livres, journaux, préservatifs, fauteuils roulants, certains engrais, etc.), passible du taux de droit de douane de 0 % ;

  • la catégorie 1, pour les biens de première nécessité, matières premières de base, biens d’équipements et intrants spécifiques (intrants non fabriqués dans l’Union et non susceptibles d’y être fabriqués à court ou moyen terme), passible du taux de 5 % ;

  • la catégorie 2, pour les intrants et produits intermédiaires, passible du taux de 10 % ;

  • la catégorie 3, pour les biens de consommation finale, passible du taux de 20 % ;

  • la catégorie 4, pour les biens jugés sensibles en raison de leur caractère spécifiques pour le développement économique de la région, passible du taux de 35 %.

Les effets du nouveau TEC sur le niveau de protection douanière sont incertains mais l’inclusion de la cinquième bande tarifaire pourrait entraîner des difficultés. Avec le nouveau TEC, certains biens changeant de catégorie voient leur taux s’accroître et d’autres, à l’inverse, diminuer. Il est donc difficile de dire si le nouveau TEC entraîne un accroissement ou une diminution de la protection douanière. On peut toutefois supposer que l’ajout de la cinquième catégorie à 35 % pourrait entraîner un accroissement de la protection douanière pour les pays de l’UEMOA. Le taux maximal des droits à l’importation dans les pays de l’UEMOA étant jusque-là de 20 %, cette cinquième bande tarifaire pourrait faire augmenter le prix de certains produits à l’importation de 15 % au moins. Des États, dont la Côte d’Ivoire, ont néanmoins pris des mesures pour maintenir certains produits dans la classification antérieure.

Un des avantages du nouveau TEC est qu’il pourrait limiter la fraude transfrontalière. Avec une zone plus large appliquant les mêmes taxes aux marchandises extérieures, l’entrée en vigueur du TEC CEDEAO pourrait atténuer les risques de fraude transfrontalière. Par exemple, le commerce informel transfrontalier était un problème entre la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui appliquait pour certains produits des tarifs de porte plus bas que ceux de l’UEMOA. L’introduction du TEC CEDEAO, qui couvre le Ghana, pourrait atténuer ce problème.

Les effets sur les recettes de la Côte d’Ivoire sont difficiles à prévoir. Une augmentation de la protection douanière peut entraîner une augmentation des recettes à court terme mais peut, à plus long terme, engendrer une baisse des importations et donc des recettes douanières si la demande est élastique au prix. Une baisse de la protection douanière pourrait avoir l’effet inverse. En outre, il faut noter que l’impact des nouveaux droits à l’importation doit être estimé en prenant en compte les effets dynamiques des changements de tarifs sur les échanges commerciaux des pays de la CEDEAO et des pays tiers, ainsi que sur l’activité économique.

Les droits à l’exportation sont perçus sous la forme d’un droit unique de sortie, principalement sur les matières premières agricoles comme le cacao, le café, le bois et la noix de cajou. Dans les pays en développement, les taxes à l’exportation dans le secteur agricole se justifient, dans une certaine mesure, par le fait qu’il est très difficile d’imposer directement les opérateurs de ce secteur et qu’il est plus simple de taxer leur production (Araujo-Bonjean et Chambas, 2001). Toutefois, substituer des droits à l’exportation à un impôt sur le bénéfice est une solution imparfaite car les droits à l’exportation génèrent des distorsions (voir ci-dessous) et s’appliquent sur la valeur des exportations sans tenir compte des coûts des entreprises, contrairement à un impôt sur les bénéfices.

Les droits de douane génèrent d’importantes distorsions. Les droits à l’exportation peuvent affecter la compétitivité des exportateurs domestiques par rapport aux exportateurs étrangers s’ils entraînent un prix à l’exportation plus élevé. Si, au contraire, les producteurs locaux ne peuvent transférer le poids de la taxe aux consommateurs étrangers, les droits à l’exportation les heurtent en les forçant à accepter un prix avant taxe plus bas. Les taxes à l’exportation peuvent aussi créer des distorsions dans les choix de production en encourageant les producteurs à s’orienter vers la production de produits moins taxés. À l’inverse, les droits à l’importation protègent artificiellement les entreprises domestiques, réduisant leurs incitations à devenir plus compétitives. D’un point de vue administratif, les procédures douanières, lorsqu’elles sont lentes, peuvent affecter aussi la libre circulation des produits et la compétitivité des entreprises locales. Plus généralement, les droits de douane constituent un obstacle à l’intégration dans les chaînes de valeur globales, ce qui est d’autant plus problématique que la Côte d’Ivoire n’est que faiblement intégrée dans les circuits de production mondiaux (voir chapitre 2).

Pour évoluer vers un système fiscal plus moderne, la Côte d’Ivoire devrait progressivement devenir moins dépendante des recettes des droits de douane, en particulier des droits à l’exportation. Ceux-ci génèrent de nombreuses distorsions, et les recettes qu’ils génèrent sont variables du fait de la volatilité des prix des matières premières. D’autre part, les taxes à l’exportation sont vouées à disparaître si la Côte d’Ivoire remplace progressivement ses exportations de matières premières par des exportations de produits transformés (qui ne sont pas soumis à des droits à l’exportation). Concernant les droits à l’importation, les pays de la CEDEAO pourraient envisager d’engager des négociations au niveau communautaire en vue de réviser les règles du TEC pour éliminer graduellement la cinquième bande tarifaire. Cette élimination graduelle permettra d’inciter les entreprises locales à devenir plus compétitives tout en leur laissant le temps de s’adapter. La diminution des recettes des droits de douane pourrait être compensée par un accroissement des recettes collectées via d’autres impôts, mais cela devrait se faire progressivement et s’accompagner d’un renforcement de l’administration fiscale.

Élargir l’assiette de la TVA en limitant les exonérations

Le taux de TVA en Côte d’Ivoire est de 18 %, ce qui est comparable aux pays voisins. Dans les pays de la zone UEMOA, les taux de TVA sont de 18 %, sauf au Niger, où il est de 19 %. Ce taux est médian par rapport au taux normal minimum de 15 % et au taux normal maximum de 20 % autorisés par la directive de l’UEMOA sur la TVA2 . Ce taux est par ailleurs comparable aux taux en vigueur dans le reste de l’Afrique, même si ces derniers semblent généralement plus faibles dans les grands pays pétroliers (voir annexe 6.A1). En revanche, le taux de TVA ivoirien est au-dessus des taux en vigueur dans les pays asiatiques de comparaison : 7 % en Thaïlande, 10 % en Corée, au Viet Nam et en Malaisie (mais 17 % en Chine). La Côte d’Ivoire applique également un taux réduit de 9 % sur le lait, les pâtes alimentaires, les matériels de production solaire et les produits pétroliers, ainsi qu’un taux de 21.3 % sur la marge des distributeurs de tabac.

Cela étant, les recettes de TVA sont relativement faibles. Malgré une forte reprise de la croissance de l’économie en 2012 et 2013, les recettes de TVA ont stagné à 4.4 % du PIB. En 2013, les recettes de TVA au Sénégal étaient de 7.3 % du PIB. Par rapport au Burkina Faso (2012) ou au Mali (2011), les différences de recettes étaient respectivement de 2.1 et 1.8 points de PIB, alors que ces deux pays ont des caractéristiques structurelles moins favorables à la mobilisation de recettes de TVA : ils sont enclavés et leur niveau de consommation par habitant est moins élevé qu’en Côte d’Ivoire (Ossa et Chambas, 2014). Au regard du taux de TVA, les recettes sont donc en dessous de leur potentiel.

La faiblesse des recettes de TVA en Côte d’Ivoire s’explique notamment par les nombreuses exonérations accordées dans la législation, ainsi que par des faiblesses dans l’administration fiscale. Chambas et Fossat (2014) estiment que les pertes de recettes de TVA dues aux défaillances administratives et aux exonérations atteignent plus de 9 % du PIB (graphique 6.5). Leurs résultats suggèrent que les exonérations engendrent une plus grosse perte de recettes que les défaillances administratives.

Graphique 6.5. Les exonérations et les défaillances administratives engendrent des pertes significatives de recettes de TVA en Côte d’Ivoire
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Source : Basé sur Chambas et Fossat (2014).

 https://doi.org/10.1787/888933329915

La mise en place d’exonérations de TVA est traditionnellement justifiée par l’idée de lutter contre la régressivité de la TVA. La TVA serait régressive car les ménages les plus modestes dépenseraient une plus grande proportion de leurs revenus dans des produits de première nécessité. Pourtant cet argument souvent avancé à l’appui des exonérations de TVA sur les produits de base ne se justifie que partiellement. Il semblerait, en réalité, que les ménages riches consomment davantage de produits de première nécessité en valeur absolue que les ménages pauvres, et que les exonérations leur profiteraient davantage.

Le montant des exonérations de TVA dépasse de loin le montant des exonérations des autres impôts. Ce constat est identique au niveau de la Direction générale des impôts (DGI) et de la Direction générale des douanes (DGD) (graphique 6.6). En 2014, les exonérations de TVA ont atteint en tout 219 milliards FCFA, soit environ 66 % du montant total des exonérations accordées cette année-là, toutes catégories d’impôts confondues (DGI, 2015). Il faut toutefois relever que les exonérations de TVA sur les livraisons de biens ou prestations de services rendus à des assujettis n’emportent pas en principe de pertes de recettes, contrairement aux exonérations de bénéfices industriels et commerciaux (BIC), de patente ou de droits de douane qui représentent une vraie dépense fiscale. En effet, la TVA supportée sur des ventes de biens ou services à des assujettis aurait en principe ouvert droit à déduction pour ces derniers en l’absence d’une exonération. Traditionnellement, c’est souvent la difficulté qu’éprouvent les assujettis à obtenir le remboursement de leur crédit de TVA qui explique la mise en place d’exonérations de TVA sur les transactions rendues entre assujettis (voir ci-dessous). En Côte d’Ivoire, les exonérations de TVA se sont accumulées au fil du temps et se concentrent dans certains secteurs tels que l’agriculture, le transport et les mines.

Graphique 6.6. Les exonérations de TVA sont les exonérations d’impôts les plus importantes
Évaluation du montant des exonérations par catégorie d’impôts en 2014 en millions FCFA au niveau de la DGI (panel A) et de la DGD (panel B)
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Note : Impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ; impôt sur les bénéfices non commerciaux (BNC) ; impôt général sur le revenu (IGR) ; impôt sur les traitements et salaires (ITS).

Source : DGI (2015).

 https://doi.org/10.1787/888933329925

Les exonérations de TVA posent des problèmes au-delà de la réduction de l’assiette et des recettes. Elles affectent la compétitivité des entreprises qui vendent des biens exonérés car celles-ci n’obtiennent pas de remboursement sur la TVA payée sur leurs intrants. En d’autres termes, en présence d’exonérations, le paiement de la TVA devient un coût définitif pour les entreprises. Cela peut avoir des implications différentes : soit les entreprises reportent cette charge fiscale supplémentaire sur leurs consommateurs en augmentant les prix de vente, ce qui fera baisser la demande ; soit elles assument elles-mêmes le coût de la TVA non récupérée via une réduction de leurs marges si elles ne peuvent pas reporter la charge fiscale sur leurs consommateurs. Certaines entreprises font supporter le coût de la TVA payée sur leurs intrants à leurs employés via des salaires plus bas. Un autre problème majeur est que les exonérations de TVA découragent la formalisation. Elles peuvent inciter les entreprises vendant des biens exonérés à acheter leurs intrants à des fournisseurs du secteur informel pour éviter d’avoir à supporter de la TVA irrécupérable. On peut enfin ajouter que la multiplication des exonérations et des régimes dérogatoires compromet la cohérence du système de TVA et en rend la gestion difficile.

Pour accroître ses recettes et limiter les distorsions, la Côte d’Ivoire pourrait envisager de réduire le nombre d’exonérations. Il serait sans doute utile de procéder en amont à une évaluation du régime des exonérations de TVA. La réduction des exonérations pourrait être progressive. Des suggestions de réformes sont évoquées ci-dessous.

Dans un premier temps, l’exonération totale de TVA en phase d’investissement sur le matériel et les équipements prévue par le Code de l’investissement pourrait être supprimée. Cette suppression n’est souhaitable que si elle s’accompagne d’une amélioration des procédures de remboursement de crédits de TVA pour ne pas pénaliser l’investissement (afin que la TVA supportée sur ces matériels et équipements ne se transforme pas en un coût temporaire de trésorerie pour les entreprises, ou définitif si la procédure de remboursement est déficiente en pratique). En revanche, il pourrait être envisageable de maintenir l’exonération de certains intrants dans le secteur agricole afin que les paysans – passibles en principe du régime de l’impôt synthétique et ne pouvant pas déduire la TVA sur leurs intrants – ne supportent pas de coût de TVA sur leurs intrants.

En second lieu, il pourrait être envisagé de soumettre à la TVA les produits de première nécessité qui en sont exonérés, notamment les produits alimentaires non transformés comme cela a été fait en République démocratique du Congo (encadré 6.1). En l’état, les importations de produits alimentaires non transformés sont massives dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et ces importations sont très compétitives par rapport à la production locale en raison de l’exonération de TVA qui s’applique sur l’ensemble des produits alimentaires naturels, y compris ceux qui sont importés. Ce faisant, les sociétés agricoles nationales peuvent se trouver victime d’une distorsion de concurrence si elles supportent un coût de TVA sur leurs intrants (quoique ces derniers soient assez largement exonérés dans le secteur agricole) alors que les sociétés concurrentes étrangères pourront déduire la TVA supportée sur leurs intrants dans leur pays d’origine (les exportations étant exonérées mais ouvrant droit à déduction) et vendre leurs produits en exonération de TVA sur le marché ivoirien.

Encadré 6.1. L’exemple de l’introduction récente de la TVA en République démocratique du Congo (RDC)

La TVA a été introduite en RDC en 2012 (Charlet, 2015). La TVA de la RDC se caractérise par un taux unique de 16 % (et pas de taux réduits). La liste des exonérations est relativement longue et assez semblable à la liste prévue par la directive TVA de l’UEMOA. Même si elle se caractérise par une longue liste d’exonérations, une des spécificités de la TVA en RDC est que l’activité agricole est dans son champ. À l’inverse, en Côte d’Ivoire, le secteur agricole est exclu du champ d’application de la TVA, conformément à l’article 4 de la directive de l’UEMOA. En RDC, les ventes de produits agricoles sont donc soumises à TVA. Cette dernière s’applique au taux de droit commun de 16 % aux produits alimentaires, que ces derniers soient vendus à l’état brut ou transformé. L’application du taux normal sur les produits alimentaires semble avoir été possible en raison d’une augmentation progressive de l’ancienne taxe de vente au détail avant le passage à la TVA.

Pour autant il n’est sans doute pas réaliste d’envisager d’appliquer le taux normal de 18 % de TVA aux produits de première nécessité. Le Gouvernement ivoirien pourrait envisager de les assujettir à un taux réduit de TVA (un taux réduit de 9 % existe déjà pour le lait et les pâtes alimentaires), ce qui limiterait les effets sur les ménages, permettrait d’imposer les importations de ces produits et pourrait rendre plus compétitifs les petits producteurs locaux qui continueront à vendre leurs produits alimentaires en exonération de TVA dans la mesure où ils sont passibles de l’impôt synthétique. Toutefois, certains produits particulièrement sensibles tels que le riz, par exemple, pourraient rester exonérés. Il conviendrait de conduire une analyse au cas par cas qui sera fonction des gains de recettes fiscales et du coût politique de la mesure.

Dans les pays développés, il est généralement recommandé d’utiliser les transferts directs plutôt que d’appliquer des taux réduits de TVA pour aider les ménages moins aisés mais cette logique est moins vraie dans les pays en développement. Les transferts directs (sous forme de prestations sociales ou de crédits d’impôts par exemple) sont des outils plus ciblés que les taux réduits ou les exonérations de TVA qui ont tendance à profiter davantage aux ménages aisés en valeur absolue. L’argument d’équité en faveur des taux réduits de TVA est toutefois plus convaincant dans le cas des pays en développement où les modes de compensation les plus efficaces, comme les transferts directs, sont moins développés. L’application d’un taux réduit pourrait être une étape intermédiaire vers l’assujettissement au taux standard. Il pourrait permettre de limiter la dépense fiscale et réduire le problème du trop grand écart entre l’exonération et l’assujettissement au taux standard. Il permettrait d’imposer davantage les importations, ce qui n’est pas négligeable dans des pays largement importateurs de produits alimentaires ou transformés. Cependant, il est généralement très difficile pour un pays qui a introduit un taux réduit de le supprimer. D’autre part, l’application de taux réduits peut conduire à ce que les autorités subissent une forte pression en faveur de l’extension de ce taux réduit à d’autres secteurs de l’économie auparavant passibles du taux normal. Ces contre-arguments sont toutefois également recevables s’agissant de l’application d’une exonération.

Certaines exonérations à caractère social pourraient être supprimées car elles ne remplissent pas toujours leur objectif et sont susceptibles de profiter aux tranches relativement aisé es de la population. En particulier, il pourrait être utile de réfléchir à l’exonération sur la tranche sociale de consommation (part de la consommation non imposée pour des raisons sociales) de livraisons d’eau et d’électricité facturées aux ménages. Il conviendrait de vérifier si cette exonération ne profite pas surtout aux populations urbaines ayant accès à ces services. Le cas échéant, sans supprimer le principe de l’exonération, il pourrait être possible d’en limiter l’application en en refusant le bénéfice aux ménages dépassant un certain niveau de consommation comme l’a fait le Sénégal. Le Sénégal limite le bénéfice de l’exonération aux livraisons d’eau et d’électricité fournies à un foyer dont la consommation n’excède pas la tranche sociale.

En conclusion, il faut rappeler que la Côte d’Ivoire est contrainte dans ses projets de réforme par la directive UEMOA sur la TVA et a l’obligation de se conformer aux dispositions de cette directive. Or, cette dernière – sauf si elle venait à être révisée – n’autorise l’application de taux réduits qu’à un nombre très limité de produits (principalement des produits alimentaires transformés). Les États ont la possibilité de soumettre ces produits à un taux réduit compris entre 5 % et 10 %. L’article 21 de la directive définit en revanche la liste des livraisons de produits alimentaires que les États membres doivent exonérer de TVA. La liste définie à l’annexe I de la directive comprend principalement les produits alimentaires non transformés. La Côte d’Ivoire pourrait engager des négociations au niveau communautaire pour amender la directive UEMOA sur la TVA en vue de supprimer l’exonération sur les livraisons de produits alimentaires non transformés.

Maintenir l’efficacité de la procédure de remboursement des crédits de TVA

Un système efficace de remboursement de crédits de TVA est essentiel pour garantir la neutralité de la TVA. Un crédit de TVA apparaît lorsque la TVA à déduire est supérieure à celle collectée par l’entreprise sur ses livraisons de biens ou prestations de services au titre d’une même période. Les entreprises se trouvent en situation de crédit de TVA lorsqu’elles sont exportatrices (car les exportations sont exonérées avec droit à déduction, autrement dit ouvrent droit à déduction de la TVA supportée en amont sur les intrants) ou lorsqu’elles ont procédé à des investissements importants (la TVA collectée dans cette hypothèse n’étant pas suffisante pour absorber la TVA collectée par l’entreprise). Le droit au remboursement des crédits de TVA est essentiel pour garantir la neutralité de la TVA et s’assurer que le poids économique de la taxe ne pèse que sur les consommations finales et non sur la consommation intermédiaire et, par conséquent, sur la production des entreprises.

Un traitement des remboursements de TVA trop long peut entraîner un accroissement significatif des coûts de trésorerie pour les entreprises. Ces dernières doivent porter le coût de ces crédits de TVA en attendant leur remboursement. Lorsque les crédits ne sont pas remboursés ou le sont très tardivement, cela change la nature de la TVA, qui perd son statut d’impôt sur la consommation finale pour se muer en un impôt sur la production.

L’analyse du cadre légal suggère que les procédures sont relativement bien définies et encadrées. Le Code général des impôts précise que les demandes doivent être instruites dans un délai maximum de deux mois à compter de leur date de réception. Une procédure accélérée pour les entreprises éligibles réduit le délai à quinze jours. En cas d’acceptation de la demande, le remboursement doit s’effectuer dans un délai de huit jours à compter de la réception de l’ordre de paiement. Ces délais sont plus courts que le maximum prescrit par la directive TVA de l’UEMOA.

La question de savoir si le délai de traitement des demandes de remboursement pourrait être raccourci est une question difficile dont la réponse dépend des capacités administratives du pays. D’après une étude du FMI, la durée moyenne de remboursement des demandes s’élèverait à trente jours (Harrison et Krelove, 2005). Ce calcul avait été fait sur la base d’un sondage sur des pays développés et en voie de développement. Le délai de droit commun de deux mois en Côte d’Ivoire pourrait donc être raccourci au niveau du délai de certains pays développés. Toutefois, il est important de tenir compte des capacités et des moyens de l’administration ivoirienne, qui sont différents de ceux de l’administration fiscale d’un pays développé. De plus, il s’agit de faire attention à ce que des délais trop courts ne facilitent pas la fraude si l’administration ne dispose pas d’un temps suffisant pour traiter les demandes et qu’elle les accorde sans les vérifications nécessaires. Une critique qui pourrait être adressée à la législation ivoirienne est l’absence de disposition prévoyant le paiement d’intérêts moratoires par l’État lorsqu’il n’est pas procédé au remboursement dans le délai de huit jours prévu à compter de la réception de l’ordre de paiement.

La législation ivoirienne semble adaptée, et les délais de traitement des demandes de remboursement de TVA se sont améliorés. Des mesures ont été introduites depuis 2006 pour renforcer l’efficacité des procédures de remboursements. En Côte d’Ivoire, une régie de remboursement des crédits de TVA a été créée. Cette régie est alimentée par affectation de 10 % du montant total de la TVA déposée par les receveurs des impôts et des douanes sur leurs comptes respectifs dénommés « Taxe sur la valeur ajoutée », ouverts dans les livres de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L’article premier de la loi de finances portant budget de l’État pour l’année 2015 a encore amélioré ce dispositif en aménageant un nouveau circuit de trésorerie : le mécanisme est désormais limité à certains receveurs en vue de réduire le nombre de comptes à créer et d’en simplifier la mise en œuvre. Il existe déjà une procédure accélérée qui réduit le délai de traitement des demandes à quinze jours en Côte d’Ivoire. Ces procédures pourraient être complétées en définissant des critères objectifs visant à traiter différemment les demandes de remboursement de crédits de TVA selon le risque présenté par l’opérateur, comme, par exemple, dans le programme « gold status » au Pakistan (Harrison et Krelove, 2005). En outre, la budgétisation des remboursements de TVA pourrait être renforcée grâce à des systèmes appropriés permettant d’anticiper les niveaux de remboursement et de disposer de fonds suffisants pour répondre aux demandes de remboursement légitimes (Harrison et Krelove, 2005). Selon le ministère du Budget, tous les arriérés depuis 2010 ont été remboursés à la mi-2015, et les délais pour les nouveaux remboursements s’élèvent désormais à une semaine.

Réviser les règles de territorialité de la TVA concernant le lieu d’imposition des prestations de services

Les règles de territorialité en Côte d’Ivoire concernant le lieu d’imposition des prestations de services sont assez sommaires. Le Code général des impôts dispose que les prestations de services sont imposables en Côte d’Ivoire lorsqu’elles sont exécutées en Côte d’Ivoire, ou lorsque la prestation exécutée dans un autre pays est utilisée en Côte d’Ivoire. Cette disposition retranscrit exactement les dispositions de l’article 13 de la directive de l’UEMOA sur la TVA.

Il pourrait être judicieux de réfléchir à une révision de ces règles au niveau communautaire. En effet, les règles fondées sur le lieu d’exécution ou lieu d’utilisation sont sujettes à interprétation. En application de ces règles, il est difficile de définir où doit être imposé un service acheté dans un pays (un logiciel téléchargé, par exemple) mais utilisé dans un autre pays. D’autre part, une règle basée sur un double critère (lieu d’exécution ou lieu d’utilisation) peut entraîner des phénomènes de double imposition ou de double non-imposition. En effet, il est possible qu’une prestation soit imposée à la TVA dans un autre pays car ce dernier considère qu’elle est exécutée sur son territoire, et que la Côte d’Ivoire prétende également imposer cette même opération à la TVA sur le fondement de son utilisation en Côte d’Ivoire. Prenons le cas d’un assujetti allemand effectuant une mission en Côte d’Ivoire et utilisant son téléphone portable allemand pour passer des appels à partir de la Côte d’Ivoire. La société de télécommunication ivoirienne facturera des frais de roaming à la société de télécommunications allemande auprès de laquelle l’employé allemand a souscrit son forfait. Dans l’Union européenne (UE), cette opération sera imposable au lieu du preneur, c’est-à-dire en Allemagne. En application des règles ivoiriennes, cette prestation pourrait également être imposée en Côte d’Ivoire car elle a été utilisée en Côte d’Ivoire (puisque l’employé a utilisé son téléphone portable en Côte d’Ivoire). Il s’agira d’un cas de double imposition.

L’OCDE a développé des principes directeurs internationaux pour la TVA et la taxe sur les produits et services (TPS) visant à éviter ces situations de double imposition ou de non-imposition (OCDE, 2015b). Ces principes reposent sur le principe de destination, qui consiste à chercher à imposer une opération à la TVA dans le pays de consommation du bien ou du service. Ce principe assure la neutralité des échanges internationaux car les « exportations » de services (ici, les prestations de services fournies par des Ivoiriens à des non-résidents) ne sont pas soumises à l’impôt et ouvrent droit à une déduction de la taxe sur les intrants alors que les « importations » de services (ici, les prestations de services fournies par des non-résidents à des Ivoiriens) sont imposées sur la même base et aux mêmes taux que les prestations intérieures. Évidemment, il est plus difficile de mettre en œuvre le principe de destination pour les échanges internationaux de services que pour les échanges internationaux de produits dans la mesure où les services ne peuvent pas faire l’objet de contrôles aux frontières (comme c’est le cas pour des biens). L’OCDE a développé une règle générale selon laquelle l’imposition doit avoir lieu dans la juridiction dans laquelle le client est situé (ces prestations étant exonérées avec droit à déduction dans la juridiction du fournisseur). L’identité du client est en principe déterminée par l’accord commercial conclu avec le prestataire. Ces règles sont également assorties d’exception visant, entre autres, à imposer les prestations liées à un bien immobilier dans le pays où le bien immobilier est situé, ou visant à imposer les services nécessitant la présence physique du fournisseur et de l’acheteur au lieu où le service est rendu (les services de restauration ou d’hôtellerie par exemple).

L’application des principes directeurs internationaux de l’OCDE pour la TVA/TPS adaptés au contexte ivoirien pourrait contribuer à renforcer la neutralité de la TVA, en particulier dans les échanges internationaux, et à accroître l’attractivité du pays pour les opérateurs internationaux. L’Afrique du Sud s’est inspirée des Principes directeurs de l’OCDE pour la mise en œuvre, en juin 2014, de nouvelles règles d’imposition des services électroniques. L’Afrique du Sud envisage maintenant d’étendre ce régime aux autres catégories de services transfrontaliers.

Continuer à renforcer le rôle des droits d’accises dans le système fiscal

En Côte d’Ivoire, des droits d’accises sont perçus sur les cigarettes, les boissons alcoolisées et non alcoolisées ainsi que sur les produits pétroliers. Les taux varient selon les produits. Les directives de l’UEMOA harmonisent les droits d’accises sur les boissons (alcoolisées et non alcoolisées, à l’exception de l’eau), les tabacs, mais également le café, la cola, les farines de blé, les huiles et corps gras alimentaires, les produits de parfumerie et cosmétiques, le thé, les armes et munitions, les sachets en plastique, les marbres, les lingots d’or, les pierres précieuses et certains véhicules de tourisme. Les droits d’accises sur les différents produits pétroliers sont également harmonisés au niveau communautaire.

Les droits d’accises peuvent être spécifiques (c’est-à-dire égaux à un montant forfaitaire fixé en fonction des caractéristiques des produits : poids, volume, nombre, etc.) ou ad valorem (c’est-à-dire égaux à un pourcentage de la valeur du bien ou de la prestation de service). Les taxes spécifiques sont naturellement sensibles à l’érosion monétaire mais sont plus simples à administrer et à contrôler. De surcroît, elles encouragent la production de produits de qualité supérieure dans la mesure où, s’agissant d’un montant forfaitaire, la part de la taxe dans le prix du bien à la consommation est plus faible pour un bien de qualité supérieure. En revanche, les taxes ad valorem permettent de sécuriser la recette en période de forte inflation. Certains produits peuvent être soumis à un droit spécifique et ad valorem.

Les droits d’accises permettent d’internaliser les externalités négatives causées par la production, la fourniture ou la consommation de certains produits ou prestations de services. En effet, les droits d’accises imposent certains produits dont la consommation entraîne des coûts sociaux importants, qu’il s’agisse de problèmes sociaux ou de santé publique (causés par le tabac ou l’alcool par exemple), ou de pollution et congestion (causés par les automobiles par exemple). Ils permettent de faire supporter les coûts liés à la consommation de ces produits aux consommateurs de ces produits. Les droits d’accises permettent de réduire la consommation de ces produits lorsque cette dernière est sensible aux variations de prix. Lorsque la demande est inélastique, les droits d’accise permettent au contraire d’augmenter les recettes publiques.

Les droits d’accises possèdent d’autres caractéristiques positives. Ils sont parmi les impôts les plus simples à mettre en place : la concentration de la production et la part élevée des importations rendent l’administration des droits d’accises relativement aisée. Les droits d’accises sur les produits de luxe sont aussi un moyen de taxer les individus les plus aisés.

La Côte d’Ivoire pourrait continuer à renforcer le rôle des droits d’accises dans son système fiscal. Une possibilité pour collecter davantage de recettes et accroître la progressivité du système fiscal – dans lequel l’impôt sur le revenu des particuliers ne joue qu’un rôle de redistribution mineur – serait d’étendre le champ des droits d’accises aux produits cosmétiques et aux véhicules à grosse cylindrée comme le permet l’article 2 de la directive UEMOA sur les droits d’accises. Cela a déjà été fait au Sénégal. Pour éviter une augmentation de la contrebande, des mesures administratives sont nécessaires (par exemple la surveillance des entrepôts sous douane et des expéditions en transit).

Il pourrait être judicieux d’engager des négociations au niveau communautaire concernant la directive UEMOA sur les droits d’accises pour les appliquer sur le prix de vente au détail et non sur le prix sortie usine et pour supprimer ou, à tout le moins, relever les taux maximum fixés par cette dernière. En effet, la directive fixe des taux minimum mais également des taux maximum aux produits soumis à accises. Ces taux sont bas, notamment en ce qui concerne le tabac, plafonné à un taux de 45 % sur une valeur sortie-usine. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les droits d’accise sont calculés sur la base du prix de vente au détail auquel sont appliqués un droit ad valorem et un droit spécifique. À titre de comparaison, le droit ad valorem sur le prix de vente au détail est de 65.25 % en Turquie, 51 % en Espagne, 39.6 % au Mexique, et 20 % en Grèce (OCDE, 2014b).

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les meilleures pratiques consistent en l’adoption d’un système relativement simple imposant des droits d’accise d’au moins 70 % sur le prix final à la consommation sur l’ensemble des produits du tabac (OMS, 2015). Le taux plafond de l’UEMOA est donc très bas par rapport aux pratiques internationales, d’autant plus qu’il est basé sur un prix sortie-usine. L’application d’un taux plafond n’existe pas dans les autres grands ensembles régionaux tels que l’UE. La directive UEMOA limite en réalité la capacité des États à renforcer leurs politiques de lutte antitabac.

Réfléchir à un remplacement de la taxe sur les opérations bancaires (TOB) par une TVA bancaire

En Côte d’Ivoire, les opérations qui se rattachent aux activités bancaires, financières, et d’une manière générale, au commerce des valeurs et de l’argent, ne sont pas soumises à la TVA mais à une taxe sur les opérations bancaires (à l’exception toutefois des opérations de crédit-bail). Le Sénégal applique un dispositif similaire : les opérations bancaires qui sont dans le champ de la TVA, mais exonérées, sont soumises à une taxe sur les activités financières. Le taux de cette TOB est de 10 % et s’applique sur une base hors taxe. Un taux réduit de 5 % s’applique sur les agios bancaires des crédits consentis pour les besoins des activités des petites et moyennes entreprises. De nombreuses prestations sont toutefois exonérées de la TOB (notamment sur les opérations avec l’État ou sur titres d’État, avec des institutions régionales ou à caractère économique ou social). Les règles de territorialité de la TOB sont assez proches de celles de l’UE concernant les prestations de services immatérielles soumises à TVA ainsi que des principes directeurs de l’OCDE pour l’application de la TVA/TPS.

Une particularité de la TOB est que les assujettis à la TVA peuvent la déduire de la TVA qu’ils ont collectée lorsque cette TOB porte sur les agios bancaires et sur les frais et services bancaires exposés par les entreprises pour les besoins de leur exploitation, ou lorsqu’elle est supportée lors de l’acquisition de devises par les bureaux de change manuel relevant d’un régime réel d’imposition. En somme, la TOB se comporte à cet égard comme une TVA qui serait déductible par les assujettis bénéficiant des services fournis par le secteur bancaire et financier. À cet égard, il est intéressant de remarquer que l’article 402 du Code général des impôts ivoirien précise que s’appliquent à la TOB les dispositions prévues en matière de TVA relatives à l’assiette, au fait générateur, à l’exigibilité, au paiement, aux obligations de facturation, au contrôle, et en matière de sanctions.

Cela conduit à imposer doublement le secteur bancaire et financier, puisque ce dernier, qui n’est pas considéré comme un assujetti à la TVA, supporte un coût de TVA non déductible sur ses intrants et doit collecter la TOB sur les prestations qu’il fournit mais ne peut déduire la TOB qui lui est facturée (au titre, par exemple, d’opérations intra-banques). Dans la mesure où la TOB se comporte comme une TVA déductible pour les opérateurs non bancaires et financiers, serait-il pertinent d’envisager de remplacer la TOB par une TVA bancaire ? En l’état, dans la majorité des pays du monde, les opérations bancaires et financières sont exonérées de TVA sans droit à déduction. Il en ressort que le secteur bancaire et financier est de fait imposé à la TVA sur ses intrants puisqu’il ne peut pas déduire la TVA supportée. Évidemment, le traitement différencié des opérations bancaires et financières crée des distorsions et ouvre des possibilités d’optimisation. Il serait sans doute utile de conduire une étude d’impact en Côte d’Ivoire concernant l’effet en matière de recettes d’une suppression de la TOB et de son remplacement par l’imposition à la TVA des opérations soumises à la TOB. Certains pays africains, comme le Niger, ont déjà choisi d’imposer à la TVA les opérations bancaires et financières.

La fiscalité directe devra être réformée de façon à générer plus de recettes et moins de distorsions

Cette section traite de la fiscalité directe qui pèse sur les entreprises et sur les particuliers. Le constat est que les taux d’imposition sont généralement élevés mais que les assiettes fiscales sont étroites, ce qui limite le potentiel de mobilisation de recettes et la neutralité des impôts directs. Cette section propose des recommandations visant à accroître les recettes et à réduire les distorsions générées par la fiscalité directe.

Accroître la neutralité du système fiscal qui pèse sur les entreprises

Le taux de l’impôt sur les sociétés en Côte d’Ivoire est relativement compétitif. Pour les entreprises soumises au régime du bénéfice réel normal (celles dont le chiffre d’affaires excède 150 millions FCFA), l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) est prélevé au taux de 25 %. Ce taux se situe au minimum de l’intervalle de 25 %-30 % autorisé par la directive de l’UEMOA portant sur l’harmonisation des taux d’imposition sur les bénéfices des personnes morales. Il se situe également au niveau de la pratique internationale en matière d’impôt sur les sociétés, avec un taux un peu plus élevé que dans les pays comparateurs asiatiques, mais bien en deçà des niveaux d’imposition au Brésil ou en Colombie.

Néanmoins, d’importantes distorsions existent entre les différents secteurs. En 2014, le taux du BIC est passé de 25 % à 30 % pour les entreprises dans le secteur de télécommunications, des technologies de l’information et de la communication. En outre, dans les secteurs particulièrement rentables des télécoms et de l’hévéa, les entreprises sont soumises à des taxes additionnelles sur leur chiffre d’affaires. Pour le secteur de l’hévéa, une taxe de 5 % sur le chiffre d’affaires a été adoptée en 2012 mais face à la pression des producteurs, le gouvernement a décidé de niveler l’impôt en tenant compte du cours mondial de l’hévéa. Si des taux d’imposition plus élevés sur les entreprises réalisant des profits économiques significatifs peuvent avoir du sens du point de vue des recettes fiscales, ces profits surviennent généralement en présence de défaillances de marché ou d’un manque de concurrence. D’un point de vue économique, il est plus judicieux d’accroître le niveau de concurrence sur ces marchés que le niveau d’imposition (voir chapitre 2).

Graphique 6.7. Le taux d’impôt sur les sociétés en Côte d’Ivoire est relativement compétitif
Taux d’imposition sur les sociétés dans les pays comparés en 2014
picture

Notes : *inclut la cotisation sociale de 8 % ; **inclut l’impôt sur le revenu pour l’équité (CREE) ; ***impôt progressif – taux le plus élevé montré sur le graphique.

Source : International Bureau of Fiscal Documentation.

 https://doi.org/10.1787/888933329936

Par ailleurs, les entreprises soumises au régime du bénéfice réel normal sont soumises à un impôt minimum forfaitaire (IMF). Cet IMF est exigible lorsque le montant de l’impôt sur les bénéfices lui est inférieur, même si l’entreprise n’a pas réalisé de bénéfice. Il équivaut à 0.5 % du chiffre d’affaires, et a une limite maximum de 35 millions FCFA. Un impôt minimum peut se justifier comme étant la contrepartie de la consommation de biens publics qu’entraîne le fonctionnement d’une entreprise quels que soient ses résultats. Il permet également à l’administration fiscale de s’assurer d’un minimum de perception au titre de l’impôt sur les bénéfices. Toutefois, l’IMF peut également entraîner une forte taxation des activités à faibles marges (Chambas, 2005b). Il faut néanmoins relever qu’il existe en Côte d’Ivoire des mécanismes palliatifs : les entreprises nouvelles sont exonérées de l’IMF, et les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est compris entre 50 et 150 millions FCFA sont soumises à un IMF beaucoup plus faible. Il pourrait toutefois être envisagé que l’IMF payé au titre d’une année se comporte comme un acompte et soit imputable sur le BIC dû au titre des années suivantes (mais pas de façon indéfinie).

Les entreprises constituées et non constituées en société qui ne sont pas exonérées d’impôts doivent également payer la contribution des patentes. La taxe est perçue au taux de 0.5 % sur le chiffre d’affaires brut de l’exercice précédent, indépendamment des bénéfices réels. Si certaines entreprises font face à un taux de 0.7 %, de nombreux secteurs sont exemptés ou bénéficient d’une exonération temporaire. La contribution minimum est de 300 000 FCFA, le montant maximum s’accroît avec le chiffre d’affaires et varie entre 350 000 FCFA et 3 000 000 FCFA. Tout comme l’IMF, cette taxe garantit que les entreprises formelles paient un montant minimum d’impôt mais elle engendre une charge fiscale élevée sur les entreprises à faibles marges. Le gouvernement devrait envisager l’élimination de la contribution des patentes à moyen terme, en particulier une fois que la capacité de l’administration fiscale à vérifier que les entreprises paient leur juste part d’impôts aura été renforcée.

Rationaliser progressivement les incitations fiscales accordées aux entreprises

La Côte d’Ivoire accorde des incitations fiscales aux entreprises à travers le Code des investissements. L’adoption du nouveau Code des investissements en 2012 avait pour objectif de mettre en place des conditions particulièrement attractives destinées à attirer les investisseurs au sortir de la crise militaro-politique. Par rapport au Code précédent, le Code de 2012 a renforcé les garanties et les avantages offerts ; réduit les seuils minimums d’investissement pour en bénéficier ; introduit des avantages visant spécifiquement les petites et moyennes entreprises (PME) ; et mis en place des procédures accélérées pour l’octroi des avantages.

Le Code des investissements de la Côte d’Ivoire est très généreux. Il prévoit deux régimes d’incitation. L’un accorde des avantages pour la création de nouvelles activités et ne requiert pas de montant minimum d’investissement (régime de déclaration). L’autre, plus généreux, concerne à la fois le développement et la création d’activités. Il offre des avantages pendant la phase de réalisation de l’investissement et la phase d’exploitation mais requiert un seuil minimum d’investissement (régime de l’agrément). Le régime de l’agrément est décrit dans le tableau 6.1. En phase d’investissement, les entreprises bénéficient d’une réduction de 40 à 50 % des droits douane sur leurs achats d’équipement et de matériel et d’une exonération de la TVA sur leurs achats. En phase d’exploitation, les entreprises bénéficient d’exonérations de BIC, de patente, d’impôts fonciers, et d’une réduction du montant de la contribution à la charge de l’employeur. La durée des avantages fiscaux en phase d’exploitation varie de cinq à quinze ans en fonction de la zone d’investissement.

Tableau 6.1. Les avantages fiscaux du Code des investissements de 2012, régime de l’agrément

Avantages en phase d’investissement (création ou développement d’activité)

  • Réduction de 40 à 50 % des droits de douane portant sur des équipements et matériels et premiers lots de pièces de rechange.

  • Exonération totale de TVA.

Durée : 2 ans, avec possibilité de prorogation d’un an si 66 % d’investissement réalisé

Avantages en phase d’exploitation (création d’activité)

ZONE A (district d’Abidjan)

Zone B (>60 .000 habitants)

Zone C (<60 000 habitants)

Durée

5 ans

8 ans

15 ans

Exonération BIC, BNC, BA*

100 %

100 %

100 %

– Avant-dernière année

50 %

50 %

50 %

– Dernière année

25 %

25 %

25 %

Exonération de la contribution des patentes et licences

100 %

100 %

100 %

– Avant-dernière année

50 %

50 %

50 %

– Dernière année

25 %

25 %

25 %

Réduction de contribution à charge de l’employeur

50 %

75 %

90 %

Exonération de l’impôt sur le revenu foncier pour les logements mis à disposition du personnel

0 %

0 %

100 %

Exonération d’impôt sur le patrimoine foncier

100 % si investissement >1 milliard FCFA

100 % si investissement >1 milliard FCFA

100 %

Note : Bénéfices agricoles (BA).

Sources : Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire et Guichet unique CEPICI) ; articles 34 à 38 de l’ordonnance n° 2012-487 du 7 juin 2012 portant Code des investissements.

L’impact du Code des investissements est difficile à estimer, conformément à la littérature qui ne trouve pas de preuve décisive de l’effet des incitations fiscales sur l’investissement. D’après le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire et Guichet unique (CEPICI), le flux d’investissements étrangers (IDE) a dépassé son record de 2001 (301 milliards FCFA) la première année d’application du Code. La plus grande partie des investissements se concentrent dans la zone d’Abidjan. Toutefois, il n’existe pas d’évaluation globale du Code. La littérature sur l’effet des incitations fiscales sur les investissements étrangers montre que, en règle générale, d’autres facteurs tels que la taille du marché, l’accès aux ressources ou la présence d’une main-d’œuvre qualifiée ont tendance à jouer un rôle plus déterminant dans les décisions d’investissements (CNUCED, 2000).

En revanche, les coûts directs et indirects des avantages fiscaux sont élevés. Les coûts directs incluent les pertes de recettes et donc d’investissements publics qui pourraient aider à attirer des IDE. Le régime de l’agrément à l’investissement a atteint un coût de 35.3 milliards FCFA en 2013. Le coût a cependant fortement diminué en 2014 en raison des faibles résultats imposables des entreprises (DGI, 2015). Les avantages fiscaux entraînent également des coûts indirects. Ils peuvent engendrer des distorsions entre différents types d’entreprises, en raison par exemple du seuil minimum d’investissement requis, mais aussi encourager des entreprises à se faire passer pour nouvelles pour bénéficier d’avantages. Enfin, l’adoption de codes des investissements proposant des avantages fiscaux généreux compromet en partie les efforts d’harmonisation fiscale de l’UEMOA visant à lutter contre la concurrence fiscale dommageable dans la sous-région (Mansour et Rota-Graziosi, 2013).

Parmi l’ensemble des incitations fiscales, les congés fiscaux (exonérations fiscales temporaires telles que l’exonération du BIC) sont les plus coûteux. Ils présentent également le risque d’attirer des investissements mobiles dans la mesure où ils ne sont accordés que pour une durée limitée. Ils sont par ailleurs les plus susceptibles d’encourager la création artificielle de nouvelles entreprises et les transferts de bénéfices entre les entreprises qui ne bénéficient pas des avantages et celles qui en bénéficient (Klemm, 2009 et Tanzi et Zee, 2000).

La superposition des avantages du Code des investissements et des codes sectoriels limite la cohérence du système fiscal. Il serait préférable que la décision d’accorder des avantages fiscaux appartienne exclusivement au ministère de l’Économie et des Finances. Il serait également souhaitable, pour des raisons de lisibilité et de transparence, que l’ensemble des avantages fiscaux soient regroupés dans le Code général des impôts.

En conclusion, les avantages fiscaux accordés au sortir de la crise pour attirer les investisseurs se justifient moins au vu de la stabilité politique retrouvée et du retour de la croissance. Dans un premier temps, il serait judicieux de ne plus accorder de nouveaux avantages sectoriels. Dans un deuxième temps, il conviendrait de regrouper l’ensemble des incitations fiscales dans le Code général des impôts de manière à ce que les codes sectoriels se limitent à la réglementation des aspects organisationnels ou techniques des secteurs concernés. Dans un troisième temps, certaines incitations fiscales existantes pourraient être supprimées. En particulier, l’exonération de TVA sur les achats des investisseurs ne se justifie pas. D’une part, les régimes douaniers existants, par exemple celui de l’admission temporaire, permettent d’importer des biens d’équipement en suspension de droit de douane et de TVA sous réserve que ces biens d’équipement soient réexportés dans un certain délai3 . D’autre part, l’exonération de TVA ne se justifie pas dans la mesure où la TVA supportée par un assujetti sur ses intrants est en principe déductible et peut ouvrir droit à remboursement si un crédit de TVA est constaté. Du point de vue de la politique fiscale, il est toujours préférable de ne pas renoncer à la collecte d’une recette quitte à procéder à un remboursement dans un second temps. En particulier, les importations sont relativement faciles à contrôler si les principaux points d’accès du pays sont limités. Toutefois, cette politique est conditionnée à l’existence d’une procédure de remboursement efficace. Enfin, les congés fiscaux qui exonèrent les entreprises de l’impôt sur le BIC devraient être graduellement éliminés dans le district d’Abidjan et ceux qui sont accordés dans les autres régions pourraient devenir moins généreux.

Des efforts supplémentaires d’évaluation et de coordination au niveau communautaire devraient également être entrepris. La Côte d’Ivoire devrait mener une évaluation de l’efficacité de ses incitations fiscales. Une coordination efficace et un suivi communautaire pourraient également permettre d’éviter une concurrence fiscale trop forte avec les pays voisins, qui pourrait conduire à un nivellement par le bas (Keen et Mansour, 2009). Enfin, comme le souligne le reste du rapport, la Côte d’Ivoire devra chercher à renforcer les sources fondamentales de sa compétitivité, ce qui diminuera l’importance des incitations fiscales dans les décisions d’investissement.

Limiter les avantages fiscaux accordés dans le cadre du Code minier

La Côte d’Ivoire a adopté récemment un nouveau Code minier. L’exploitation minière se fait dans un cadre juridique précis : il est en principe nécessaire de disposer d’un permis de recherche pour procéder à la recherche de gisements, et d’un permis d’exploitation pour commencer à construire les infrastructures minières nécessaires à l’extraction et, plus tard, pour procéder à la production. Le permis d’exploitation est accordé de droit au titulaire d’un permis de recherche qui a fait une découverte. Traditionnellement, en Afrique subsaharienne, l’attribution de ces permis entraîne des avantages fiscaux et douaniers qui varient suivant les phases du cycle minier. Durant les deux premières phases de recherche et de construction de la mine, qui sont fortement capitalistiques, les codes miniers en Afrique subsaharienne accordent de larges exonérations d’impôts et de droits de douane (Charlet, Laporte et Rota-Graziosi, 2013). En phase d’exploitation, lorsque la mine commence à produire, une bonne pratique consiste à appliquer le régime fiscal et douanier de droit commun mais tous les codes ne suivent pas cette approche.

Le Code minier ivoirien de 2014 accorde de larges exonérations de TVA et de droits de douane pendant les phases de recherche et de construction de la mine. Le titulaire du permis de recherche est également exonéré de l’impôt sur les bénéfices (mais il n’en réalisera pas en phase de recherche sauf, éventuellement, une plus-value sur la revente de son permis de recherche), de l’IMF, des impôts fonciers et des droits d’enregistrement. Durant la phase de construction de la mine (appelée phase de réalisation des investissements dans le Code minier ivoirien), le titulaire du permis d’exploitation est exonéré de TVA et de droits de douane sur ses importations mais également sur ses achats de services auprès de non-résidents et sur ses achats domestiques de biens en Côte d’Ivoire. Il est également exonéré de l’impôt sur le patrimoine foncier, de la contribution des patentes, de la taxe d’exploitation pour le prélèvement d’eau, de la taxe d’abattage, de la taxe spéciale d’équipement, du BIC et de l’IMF.

En phase d’exploitation, le retour à la fiscalité de droit commun est très relatif. La phase d’exploitation commence à la date de la première exploitation commerciale. Si le titulaire du permis d’exploitation ne bénéficie plus de l’exonération de TVA sur ses achats de services auprès de non-résidents et sur ses achats domestiques en Côte d’Ivoire, en revanche, il continue à bénéficier des autres exonérations, sauf en matière de BIC et d’IMF où l’avantage est limité dans le temps à un congé fiscal de cinq ans. La question de la pertinence d’un congé fiscal est discutable sachant que la société minière pourra en principe reporter en avant ses déficits importants constitués durant la phase de construction de la mine. La combinaison d’un report en avant des déficits et d’un congé fiscal pourrait conduire à ce que cette dernière ne paye pas de BIC pendant de nombreuses années en phase de production. Les codes miniers les plus récents dans la sous-région abandonnent cette pratique (par exemple le Code guinéen de 2013) et n’accordent généralement plus de congé fiscal en phase d’exploitation.

Le Code ivoirien apparaît donc particulièrement généreux. De surcroît, une des spécificités du Code ivoirien (partagée avec d’autres codes, comme celui de la RDC) est que le bénéfice de ces exonérations est étendu aux sociétés affiliées et aux sous-traitants agréés du titulaire du permis d’exploitation. Une autre spécificité est l’exonération de droits de douane et de TVA qui est accordée sur les importations non pas seulement de lubrifiants et de produits chimiques mais de carburants. Cette disposition est assez peu fréquente s’agissant des carburants car ces derniers sont en principe imposables, mais sans ouvrir droit à déduction (en raison des risques de fraude s’agissant d’un produit pouvant être utilisé aussi bien pour les besoins d’une activité économique que pour la consommation finale). Le Code ivoirien est relativement conforme au règlement de l’UEMOA portant Code minier communautaire de 2003, à l’exception de son congé fiscal de cinq ans qui est plus long que celui du règlement, qui est de trois ans.

Les exonérations de TVA sur les achats et importations du titulaire d’un titre minier ne semblent pas justifiées et peuvent mettre en péril l’intégrité du système ivoirien de TVA dans la mesure où elles sont étendues aux sociétés affiliées et sous-traitants. Ces exonérations sont souvent mises en place en raison de l’importance des remboursements de TVA auxquels il faudrait procéder si la société en phase de recherche et de construction de la mine devait acquitter la TVA sur ses importations, voire sur ses achats domestiques. Cet argument est discutable. En effet, la société minière pourrait tout aussi bien importer les biens d’équipement sous le régime de l’admission temporaire4 . D’autre part, l’exonération de TVA ne se justifie pas si le pays dispose d’un mécanisme de remboursement de la TVA qui fonctionne. De surcroît, le danger est que cette exonération de TVA soit également étendue aux achats effectués par les sous-traitants et sociétés affiliées de la société minière (ce qui est aujourd’hui le cas en Côte d’Ivoire). En effet, les sous-traitants qui rendent des opérations en exonération de TVA à la société minière se retrouvent mécaniquement en situation de crédit de TVA. Dans la mesure où la procédure de remboursement est souvent limitée aux exportateurs, ces sous-traitants ne peuvent pas demander le remboursement de ce crédit, qui devient un coût qu’ils refacturent à la société minière, ce qui incite cette dernière à solliciter un régime spécial d’exonération de TVA sur les achats effectués par ses sous-traitants. Cette mécanique peut conduire à exonérer mécaniquement de TVA toute une chaîne de production, ce qui peut contaminer les autres secteurs d’activité (Charlet, 2015). Si les exonérations de TVA n’entraînent pas de pertes de recettes à proprement parler dans la mesure où la TVA aurait été déductible au niveau de la société minière (à l’exception toutefois de la TVA sur les carburants), la TVA ne joue en revanche plus son rôle de formalisation de l’économie dans la mesure où toute incitation pour un assujetti à réclamer une facture conforme à ses fournisseurs pour pouvoir déduire la TVA sur ses intrants disparaît.

En Côte d’Ivoire, le Code minier semble accorder la stabilisation de son régime fiscal et douanier au titulaire du permis d’exploitation (c’est-à-dire le gel de ce régime à la date de l’octroi du permis) sans limitation dans le temps. Ce dispositif est assez inédit, sachant que le permis d’exploitation est octroyé pour une durée de vingt ans, renouvelable par tranches successives de dix ans. Par comparaison, cette stabilisation est limitée à 15 ans dans le Code guinéen de 2013, et à 10 ans en RDC dans le Code de 2002 en cours de révision. Il pourrait être utile de réfléchir également à la définition d’un processus de révision des conventions minières conclues entre l’État et les sociétés minières. Ces conventions contiennent très souvent des dispositions dérogatoires du droit commun qui sont encore plus favorables que les dispositions du Code minier.

En sus du dispositif fiscal « traditionnel » (quoique largement aménagé par des exonérations), l’article 151 du Code minier ivoirien prévoit le paiement d’une redevance ad valorem (traditionnellement appelée redevance proportionnelle) et de redevances fixes (au titre de l’octroi ou du renouvellement des permis) et superficiaires (fonction de la superficie des permis octroyés). Il s’agit d’un dispositif classique dans les codes miniers. La redevance proportionnelle représente la compensation versée par la société minière pour disposer du droit d’extraire une substance non renouvelable du sol appartenant à la communauté nationale.

L’assiette de la redevance proportionnelle pourrait être révisée pour être définie sur une base objective. En Côte d’Ivoire, l’assiette de la redevance proportionnelle est assise sur le chiffre d’affaires après déduction des frais de transport Free on Board (FOB) et d’affinage. Cette assiette présente le désavantage de pouvoir être manipulée dans la mesure où elle peut être grevée de charges déductibles et où elle n’est pas assise sur une base objective mais est fonction du prix de vente des minerais extraits (puisqu’elle est assise sur le chiffre d’affaires). Elle est donc susceptible d’être affectée par des manipulations de prix de transfert entre entreprises associées si le prix de vente des minerais n’est pas conforme au prix de pleine concurrence. D’autres codes assez récents, comme le Code minier guinéen de 2013, recourent à la détermination d’une assiette objective pour le calcul de la redevance proportionnelle. Cette assiette se fonde sur le prix des matières premières sur les marchés mondiaux (tels que le London Metal Exchange, par exemple).

Encadré 6.2. La question de la définition de l’assiette et du taux des redevances minières proportionnelles

En matière minière, la question du partage de la rente entre l’investisseur et l’État résulte d’un arbitrage délicat entre la volonté d’attirer l’investisseur en lui accordant des garanties, et celle d’obtenir des recettes suffisantes s’agissant de ressources non renouvelables. Dans les pays en développement, l’impôt sur les bénéfices ne garantit pas nécessairement à l’État un juste partage, en raison notamment des pratiques de manipulation des prix de transfert ou de sous-capitalisation des sociétés minières.

La redevance minière proportionnelle reste donc une modalité relativement fiable d’imposition de la production des sociétés minières, à condition toutefois que l’assiette de la redevance ne puisse être aisément manipulée. En effet, des pays qui, comme la RDC, assoient leur redevance proportionnelle sur une assiette calculée sur la base de la valeur des ventes réalisées diminuées de certains coûts 1, sont exposés à des minorations de cette assiette difficilement contrôlables pour une administration peu aguerrie. Pour éviter ce problème, il peut être utile d’asseoir l’assiette de la redevance sur une assiette objective, par exemple sur le prix vendeur LME, comme dans le Code minier guinéen de 2013.

D’autre part, il peut être intéressant de prévoir une modalité d’indexation du taux de la redevance en période de hausse des cours. C’est ce que propose le Code minier du Burkina Faso de 2003 révisé par des décrets de 2010 et, plus récemment, celui de la Côte d’Ivoire dans l’article 5 de l’ordonnance du 24 mars 2014. Dans ces pays, le taux des redevances proportionnelles pour l’or n’est plus fixe mais indexé sur le cours de l’once d’or.

1. En RDC : des frais de transport, des frais d’analyse se rapportant au contrôle de qualité du produit marchand à la vente, des frais d’assurance et des frais de commercialisation.

Source : Charlet, Laporte, Graziosi (2013).

Le Code minier ivoirien offre des avantages fiscaux généreux qui représentent un coût fiscal significatif. Or, des études démontrent que les incitations fiscales n’ont pas d’effet sur le total des investissements et la croissance économique (FMI, 2009), alors que les pertes de recettes sont en revanche tangibles. L’OCDE a fait état de cette situation dans son « Projet de principes pour améliorer la transparence et la gouvernance des incitations fiscales à l’investissement dans les pays en développement » (OCDE, 2013). Les raisons qui motivent les investisseurs à venir dans un pays sont principalement économiques. En ce sens, le marché et la structure économique du pays, la qualité de ses infrastructures, la qualification de son personnel, et – pour les mines – les caractéristiques du gisement concerné (teneur, etc.) jouent un rôle important.

Même si une analyse approfondie du Code minier est nécessaire, une analyse préliminaire montre que certaines réformes pourraient être envisagées. En particulier, il pourrait apparaître judicieux de procéder aux réformes suivantes :

  • Supprimer des exonérations de droits de douane dans la mesure où les régimes douaniers existants (d’admission temporaire notamment) permettent d’importer les biens d’équipement en suspension de droits et taxes.

  • Supprimer les exonérations de TVA sur les achats et importations effectuées par les sociétés minières, leurs sous-traitants et leurs sociétés affiliées en phase de recherche, construction et production de la mine, sous réserve que la procédure de remboursement de la TVA (s’agissant de sociétés minières exportatrices de minerais bruts) soit efficace en pratique. À tout le moins, supprimer l’exonération de TVA sur les achats et importations effectués par les sociétés minières, leurs sous-traitants et leurs sociétés affiliées en phase de production dans la mesure où les investissements les plus importants auront été effectués durant la phase de construction de la mine.

  • Ne pas accorder d’exonération de TVA sur les produits exclus du droit à déduction par le Code général des impôts, tels que les carburants.

  • Supprimer la période de congé fiscal pour le BIC à compter de la première production.

  • Ne plus étendre les avantages fiscaux accordés au titulaire du titre minier à ses sociétés affiliées.

  • Encadrer le bénéfice des avantages fiscaux accordés aux sous-traitants, ces derniers ne pouvant se justifier que si l’activité de ces sous-traitants est en lien direct avec l’activité minière (entreprises de géo-services par exemple).

  • Réduire la durée de la clause de stabilité à une durée raisonnable et réfléchir à un processus de renégociation des conventions minières existantes.

  • Définir l’assiette de la redevance minière proportionnelle sur une base objective qui est fonction de la teneur du minerai extrait et des cours mondiaux lorsqu’ils existent.

Renforcer les règles de fiscalité internationale

La mondialisation offre aux entreprises multinationales de nouveaux moyens de réduire le montant de leurs impôts en transférant leurs bénéfices à l’étranger. Ces transferts de bénéfices vers des pays à faible fiscalité se font par le biais de transactions entre entreprises associées, de dispositifs financiers et de structuration des sociétés. Ces transferts posent des problèmes critiques de pertes de recettes pour les gouvernements, d’équité et d’efficacité car ils génèrent des distorsions entre les multinationales et les entreprises de plus petite taille.

Ce problème frappe également les pays en développement, plus fragiles que les pays développés vis-à-vis des pratiques d’optimisation fiscale. En Côte d’Ivoire, l’Ile Maurice est la première source d’IDE, représentant près du quart des flux entrants, devant la Grande Bretagne, le Togo, la France et Singapour. La large part d’IDE provenant de l’Ile Maurice, où la fiscalité est faible, pourrait être motivée par de véritables raisons économiques mais elle pourrait aussi être en partie liée à des mécanismes d’optimisation fiscale. Cette question mérite d’être examinée par l’administration fiscale.

La Côte d’Ivoire dispose d’un réseau de conventions fiscales relativement peu développé. Les conventions fiscales ont pour but de limiter les risques de double imposition, mais aussi de lutter contre l’évasion fiscale, notamment grâce aux dispositifs d’échange de renseignements ou d’assistance en matière de recouvrement d’impôts. La Côte d’Ivoire est dans le champ du règlement de l’UEMOA, qui est une sorte de convention fiscale multilatérale entre les pays membres de l’organisation régionale. Elle a aussi signé des conventions fiscales avec quelques pays européens, ainsi que des pays d’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie).

En matière de prix de transfert et de sous-capitalisation, la Côte d’Ivoire ne s’est pas encore dotée d’un dispositif légal. Les règles sur les prix de transferts cherchent à éviter le déplacement des bénéfices intra-groupes en établissant le principe de « pleine concurrence » – à savoir, les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels ou rend des services à des entreprises associées doivent être les mêmes que si les deux sociétés étaient indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe. En Côte d’Ivoire, il existe des limitations sur les flux financiers intra-groupes mais pas d’obligation documentaire exigeant de (certaines) entreprises qu’elles justifient leurs prix de transfert dans le cadre de transactions intra-groupes. La Côte d’Ivoire ne semble pas non plus disposer de règle spécifique visant à limiter la déduction des intérêts servis aux entreprises associées en cas de sous-capitalisation. Les règles en matière de sous-capitalisation peuvent restreindre la déductibilité de la charge d’intérêts d’emprunts lorsque que le ratio dette/fonds propres d’une société dépasse certaines limites et ainsi empêcher les stratégies d’optimisation fiscale via les prêts intra-groupes.

Un pas important a cependant été franchi en matière d’échange d’informations pour lutter contre l’évasion fiscale. En 2015, la Cote d’Ivoire a rejoint le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE. Ce Forum mondial procède au suivi et à l’examen par les pairs de la mise en œuvre des normes de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales. Il compte 125 membres en 2015, dont une vingtaine de pays africains.

Pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscale, la Côte d’Ivoire devrait mettre en place une législation en matière de prix de transfert et des règles visant à limiter la déduction des intérêts en cas de sous-capitalisation. Toutefois, la mise en place de règles ne sera pas suffisante. Ce processus de réforme devra s’accompagner d’un renforcement des capacités de l’administration fiscale. La Côte d’Ivoire doit également respecter les engagements pris en devenant membre du Forum mondial relatifs à l’existence, l’accessibilité et l’échange d’information à des fins fiscales. Une façon d’accélérer ce processus serait d’adhérer à la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (Multilateral Convention on Mutual Administrative Assistance in Tax Matters) qui permet l’échange d’information avec 88 pays partenaires, ainsi qu’à l’Accord relatif à l’assistance mutuelle en matière fiscale (Agreement on Mutual Assistance in Tax Matters) du Forum africain d’administration fiscale, qui devrait permettre l’échange d’information entre les pays africains.

La mise en place de régime de protection en matière de prix de transfert pourrait également être utile. Un régime de protection est un dispositif de simplification administrative pour la détermination des prix de pleine concurrence. Il s’agit, en principe, d’une disposition qui s’applique à une catégorie définie de contribuables ou de transactions et qui les exonère de certaines obligations normalement imposées par les règles générales d’un pays en matière de prix de transfert. Les règles générales sont remplacées par des règles plus simples. Ces dernières peuvent, par exemple, autoriser les contribuables à fixer leurs prix de transfert en appliquant une méthode simplifiée prescrite par l’administration fiscale. Les régimes de protection en matière de prix de transfert pourraient constituer pour les pays en développement un moyen de simplifier et d’améliorer l’efficacité des systèmes fiscaux à la fois pour les administrations et pour les entreprises. En effet, en matière de prix de transfert, une des difficultés auxquelles sont confrontés les pays en développement est la disponibilité et la qualité des informations financières sur les transactions entre entreprises indépendantes qui pourraient être utilisées pour effectuer des comparaisons. Afin d’aider les autorités fiscales à évaluer les avantages et les difficultés liés aux régimes de protection, l’OCDE a publié le 16 mai 2013 une version révisée de la section E du chapitre IV des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (OCDE, 2010).

Réformer en profondeur les impôts sur les revenus des individus

L’impôt sur le revenu des particuliers en Côte d’Ivoire repose sur un système ancien d’impôts cédulaires. Cela signifie que chaque type de revenu (revenus d’activités commerciales, salaires, revenus fonciers, revenus mobiliers) est imposé séparément. Le taux du BIC pour les personnes physiques est de 20 %. L’impôt foncier est prélevé en général au taux de 15 % sur la valeur locative des biens immobiliers. L’impôt sur les traitements et salaires s’applique au taux de 1.5 % sur 80 % du revenu brut, retenu à la source chaque mois par l’employeur. Une contribution nationale progressive, dont le taux varie entre 1.5 % et 10 %, est également prélevée sur les revenus du travail (sur une assiette de 80 % du revenu brut).

En outre, un impôt global, l’impôt général sur le revenu (IGR) est appliqué aux revenus agrégés diminués des impôts cédulaires. L’IGR est un impôt progressif sur le revenu net imposable de chaque foyer fiscal, déterminé à l’aide du quotient familial qui tient compte de la situation matrimoniale et du nombre d’enfants du contribuable. Tout contribuable passible de l’IGR est tenu de souscrire chaque année une déclaration d’ensemble de ses revenus acquis au cours de l’année précédente, avec l’indication, par nature de revenu, des éléments qui la composent.

Le système actuel présente de nombreuses difficultés, notamment en raison de sa complexité et de son manque de transparence. Le système cédulaire est complexe. L’assiette de l’impôt sur les traitements et salaires est difficile à déterminer en raison des nombreuses déductions accordées. La formule de calcul de la base imposable de l’IGR est très compliquée, en particulier du fait que le montant de l’IGR est déductible de la base imposable de l’IGR. Enfin, le barème progressif de l’IGR comporte un nombre élevé de taux d’imposition. Ce barème ne se trouve d’ailleurs pas dans le Code général des impôts, mais dans un document mis à la disposition des employeurs par l’administration, ce qui contribue à l’opacité du système.

Le système est également caractérisé par des taux d’imposition élevés, encourageant l’informalité et l’évasion fiscale. La charge fiscale qui pèse sur le travail – comprenant l’impôt sur les traitements et salaires, l’IGR, les taxes additionnelles sur les salaires, mais aussi les cotisations de sécurité sociale acquittées par les employeurs et les salariés – est relativement élevée, en particulier pour les salariés à faibles revenus. Elle s’élève à 24.3 % des coûts totaux de main-d’œuvre pour un travailleur rémunéré au salaire minimum (60 000 FCFA). Cette charge fiscale semble élevée par rapport à la charge fiscale pesant sur les individus rémunérés au salaire moyen en Afrique du Sud et en Indonésie (tableau 6.2). Cette charge fiscale relativement lourde encourage les travailleurs à faibles revenus à rester dans le secteur informel. La charge fiscale supportée par les individus à très hauts revenus est également lourde, notamment du fait du poids de l’IGR. Pour les travailleurs gagnant l’équivalent de 50 fois le salaire minimum, par exemple, la charge fiscale sur les revenus du travail atteint plus de 35 % des coûts totaux de main-d’œuvre. Le poids des impôts, combiné à la relative faiblesse des capacités de détection et de sanction de l’administration fiscale, encourage aussi l’évasion fiscale des ménages aisés.

Tableau 6.2. La charge fiscale totale sur les revenus du travail pour un individu rémunéré au salaire moyen en 2013, en % des coûts totaux de main-d’œuvre

Impôt sur le revenu

Cotisations sociales des employeurs

Cotisations sociales des employés

Charge fiscale totale

Brésil

0.0 %

26.9 %

6.6 %

33.5 %

Chine

0.0 %

25.9 %

7.8 %

33.7 %

Indonésie

0.0 %

6.3 %

1.9 %

8.2 %

Afrique du Sud

11.4 %

2.0 %

1.0 %

14.3 %

Moyenne OCDE

13.3 %

14.3 %

8.3 %

35.9 %

Note : Ce tableau présente la charge fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales pour un individu célibataire rémunéré au salaire moyen et non au salaire minimum.

Source : OCDE (2015c).

Les taux d’imposition élevés sont combinés à des assiettes étroites résultant des nombreuses déductions accordées. Ces déductions réduisent de manière significative les recettes potentielles de l’impôt sur les salaires et de l’IGR. En outre, les déductions qui réduisent le revenu imposable des contribuables ont tendance à profiter davantage aux ménages aisés. Par exemple, dans le cas de l’impôt sur les salaires et de l’IGR, l’abattement de 20 % implique que la valeur de l’exonération augmente avec le revenu.

Graphique 6.8. La charge fiscale sur les revenus du travail est relativement élevée en Côte d’Ivoire
Charge fiscale totale sur les salaires en % des coûts totaux de main-d’œuvre à différents niveaux du salaire minimum en 2015
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Note : La charge fiscale au titre de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales est mesurée à l’aide du « coin fiscal », c’est-à-dire le montant total des impôts versés par les salariés et les employeurs, après déduction des prestations familiales reçues, exprimée en pourcentage des coûts totaux de la main-d’œuvre pour les employeurs.

Source : Calcul des auteurs.

 https://doi.org/10.1787/888933329940

Bien qu’il soit probable que les recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers restent limitées à court et moyen terme, il serait judicieux de mettre en place rapidement un système plus simple et plus neutre. La Côte d’Ivoire pourrait envisager d’évoluer d’un système cédulaire particulièrement complexe vers un impôt dual, où le revenu du travail serait soumis à un impôt progressif, tandis que les revenus du capital seraient imposés à un taux uniforme et plus faible (Keen, 2012). L’impôt dual est une forme simplifiée de système cédulaire. Toutes les formes de revenus du travail devraient être imposées de la même façon. L’impôt sur les traitements et salaires et la contribution nationale devraient également être intégrés et transformés en une retenue à la source de l’IGR. Ils constitueraient un acompte de l’IGR. Par conséquent, l’IGR ne serait payé que si son montant excède les impôts payés durant l’année. Dans le cas contraire, l’excédent serait remboursé au contribuable. Un système plus simple et plus transparent pourrait encourager un plus grand nombre de contribuables à payer leurs impôts, en particulier si ces mesures s’accompagnent d’un renforcement des capacités de l’administration fiscale.

Pour augmenter les recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers, l’approche devrait consister à élargir les assiettes fiscales plutôt qu’à augmenter les taux d’imposition qui sont déjà élevés. Ainsi, le barème de l’impôt sur le revenu devrait être revu à la baisse et le nombre de tranches devrait être réduit dans une perspective de simplification. L’abattement de 20 % devrait être forfaitaire (défini pour un montant fixe et non par un pourcentage fonction du revenu) pour éviter que l’avantage n’augmente avec le revenu. Enfin, les bases imposables devraient être élargies en éliminant ou en réduisant les déductions qui ont tendance à profiter davantage aux ménages aisés.

Exploiter au maximum le potentiel de l’impôt foncier

L’impôt foncier ne contribue que de façon marginale aux recettes fiscales du pays. Les recettes des impôts fonciers représentaient seulement 0.5 % des recettes fiscales globales en 2014. L’impôt foncier comprend deux composantes : l’impôt sur le revenu foncier (4 % de la valeur locative) et l’impôt sur le patrimoine foncier (11 % de la valeur locative). La valeur locative est le prix que le propriétaire retire de ses immeubles lorsqu’il les donne à bail ou, s’il les occupe lui-même, celui qu’il pourrait en tirer en cas de location.

Les impôts fonciers présentent pourtant de nombreux avantages. Étant donné que l’impôt sur le revenu joue un rôle limité dans la redistribution, l’impôt foncier peut contribuer à l’objectif d’équité. En effet, l’impôt foncier est actuellement l’impôt direct dont l’assiette est la plus en relation avec la capacité contributive effective des contribuables en Afrique de l’Ouest (Chambas et al., 2007). Une autre caractéristique de l’impôt foncier est que, d’une certaine façon, le contribuable « paie pour les services qu’il reçoit ». Cette caractéristique conduit à ce que les contribuables soient moins réticents à le payer si les services publics auxquels ils contribuent sont de qualité. Cela en fait l’impôt par excellence des collectivités locales. L’immobilité de l’assiette (qui implique des risques de concurrence et d’évasion fiscale plus limités) et la prévisibilité des recettes constituent d’autres avantages des impôts fonciers.

Les impôts fonciers ont un fort potentiel étant donné la croissance des villes et les efforts de modernisation du cadastre. D’après les prévisions du Fonds des Nations Unies pour la Population en 2007, la population urbaine en Afrique devrait plus que doubler entre 2000 et 2030, passant de 294 millions à 742 millions d’habitants. Cette expansion urbaine se traduit par la création de nouveaux actifs fonciers, et donc, par un élargissement de la base taxable au titre de l’impôt foncier. En outre, la modernisation du cadastre, actuellement en cours en Côte d’Ivoire, permettra de mieux maîtriser l’assiette sur laquelle les impôts fonciers sont assis.

Le potentiel de l’impôt foncier ne pourra cependant être correctement exploité que si un certain nobre de conditions préalables sont réunies. La Côte d’Ivoire devra définir clairement les droits de propriété, poursuivre les efforts de modernisation et de couverture du cadastre, et s’assurer que les caractéristiques des biens sont actualisées.

De plus, l’information contenue dans le cadastre fiscal devra être utilisée de façon efficace pour évaluer tous les biens immobiliers résidentiels ou commerciaux dans les zones urbaines. Les règles d’évaluation des biens immobiliers devraient viser à se rapprocher de leur valeur de marché tout en restant les plus simple possible. Elles devraient être basées sur un nombre limité de caractéristiques telles que l’emplacement exact (en attribuant différentes valeurs à différentes zones), l’utilisation spécifique de la propriété (résidentielle ou commerciale), la taille en mètres carrés, le nombre de pièces, etc. Ces règles devraient être transparentes afin que les contribuables puissent évaluer la valeur de leur propriété eux-mêmes. Une fois la valeur de marché de la propriété déterminée, la base d’imposition pourrait être calculée, de préférence en fixant l’assiette de l’impôt foncier par rapport à un certain pourcentage (par exemple 70 %) de la valeur de marché. Cela permet d’avoir une assiette fiscale inférieure à la valeur de marché de la propriété et donc de minimiser les risques de contestations des contribuables auprès de l’administration fiscale.

Les taux d’imposition actuels pourraient éventuellement être réévalués et ajustés à la baisse afin d’éviter une charge fiscale trop lourde. Les propriétés de faible valeur pourraient être exonérées de l’impôt. Les recettes fiscales de l’impôt foncier devant servir à améliorer la qualité des services urbains, les projets financés grâce aux recettes pourraient être annoncés à l’avance afin de convaincre les contribuables de l’utilité de l’impôt foncier.

Certaines réformes fiscales pourraient encourager la croissance du secteur formel

Cette section s’intéresse aux liens entre la fiscalité et le secteur informel et aux instruments de politique fiscale qui peuvent encourager la croissance du secteur formel. Elle examine en particulier les mesures visant à simplifier le système fiscal. Comme le souligne cette section, les mesures encourageant la formalisation peuvent avoir d’importants effets de ricochet.

Les liens entre fiscalité et informalité

L’informalité se décline sous de nombreuses formes. Elle comprend les travailleurs indépendants informels, les travailleurs informels employés par une entreprise, ainsi que la production informelle des entreprises (activités ou revenus non déclarés). L’informalité peut être partielle ou totale. Keen distingue les « fantômes » qui ne sont pas enregistrés auprès de l’administration fiscale, et les « icebergs » qui sont enregistrés mais ne paient qu’une partie des impôts qu’ils devraient normalement payer (Keen, 2012). Enfin, l’informalité peut être choisie ou involontaire (Perry et al., 2007). En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays en développement, ces différentes formes d’informalité coexistent.

Le type d’informalité est important d’un point de vue de politique publique. Les mesures à prendre pour lutter contre l’informalité totale (les « fantômes ») et l’informalité partielle (les « icebergs ») sont très différentes. Dans le premier cas, l’identification et l’enregistrement des contribuables est la première étape. Dans le second cas, le suivi et le contrôle sont la clef (Keen, 2012). Par ailleurs, dans les cas où l’informalité est très largement involontaire, la lutte contre l’informalité peut conduire à des destructions d’emplois et à une baisse de la production. Le type d’informalité a aussi un impact sur les coûts de collecte et les possibilités de recettes. En effet, le potentiel de recettes est faible dans le cas de l’informalité involontaire.

Selon Benjamin et Mbaye (2012), l’une des caractéristiques du secteur informel en Afrique de l’Ouest est la présence importante du « gros informel ». À l’inverse des très petites entreprises informelles, les entreprises du gros informel jouent un rôle économique important, en particulier dans certains secteurs comme le commerce. D’après les auteurs, les efforts de politique fiscale visant à formaliser les entreprises devraient se concentrer sur le gros informel. Pour le petit informel, les mesures devraient s’inscrire dans une logique de réduction de la pauvreté (Benjamin et Mbaye, 2012).

Le système fiscal a une influence sur les décisions de formalisation. Par exemple, des impôts élevés sur les salaires, les bénéfices ou la consommation peuvent encourager les entreprises, les entrepreneurs et les travailleurs à rester dans le secteur informel. Les opérateurs formels ne doivent pas seulement supporter la charge fiscale qui leur incombe mais également les coûts administratifs liés à la déclaration et au paiement de leurs impôts.

La TVA a un rôle important à jouer dans la formalisation de l’économie. D’une part, il s’agit d’un impôt payé par le secteur informel. Les entreprises informelles paient la TVA sur leurs intrants mais n’ont pas le droit de la déduire (ne s’agissant pas d’assujettis). D’autre part, le système de la TVA repose sur le mécanisme du paiement fractionné selon lequel les assujettis collectent la TVA sur les livraisons de biens et prestations de services qu’ils rendent, et la déduisent sur leurs intrants. Ils ne reversent en TVA à payer que la différence entre la TVA qu’ils ont collectée et celle qu’ils peuvent déduire. Mais ce droit à déduction est soumis à des conditions. L’une d’elle est que les intrants soient utilisés pour les besoins d’opérations imposables (condition de fond). L’autre est que l’assujetti soit en possession de factures établies en bonne et due forme (condition de forme). Le mécanisme du paiement fractionné et l’exigence de facture conforme incitent l’assujetti à requérir auprès de ses fournisseurs des factures établies en bonne et due forme. Il a tout intérêt à se voir facturer la TVA dans la mesure où il peut la déduire. Il a également intérêt à réaliser des opérations imposables car la TVA sur ses intrants n’est déductible que si ces derniers sont utilisés pour les besoins de ses opérations imposables. L’effet incitatif de la TVA peut potentiellement se propager tout au long de la chaîne de production et entraîner à terme la formalisation des opérateurs du secteur informel « forcés » à se formaliser sous la pression de leurs clients ou de leurs fournisseurs (qui refusent de facturer sans TVA). La TVA agit en ce sens comme un mécanisme d’autodiscipline fiscale. Elle peut, de surcroît, jouer un rôle formalisateur par rapport aux autres impôts. En effet, le fait que la TVA s’applique transaction par transaction avec l’obligation de délivrance d’une facture en bonne et due forme permet de faire passer l’ensemble des flux dans le système fiscal, ce qui génère des effets positifs sur le contrôle de la régularité du chiffre d’affaire des entreprises (et par conséquent la détermination du bénéfice imposable au BIC).

Les efforts pour encourager la formalisation peuvent avoir d’importants effets de ricochet. Si de plus en plus d’entreprises deviennent formelles, la pression pour devenir formel peut s’accroître, notamment via les effets de chaîne de la TVA mentionnés ci-dessus. Cela implique que des mesures telles que des contrôles ciblés sur certaines entreprises peuvent avoir des effets significatifs en entraînant d’autres entreprises dans la même chaîne de production à se formaliser. De plus, si le nombre d’entreprises formelles grandit, la probabilité que les entreprises informelles soient détectées devient plus forte. L’administration peut, en effet, se permettre de concentrer davantage de moyens sur des entreprises informelles moins nombreuses.

La Côte d’Ivoire devrait chercher à combiner des mesures dissuasives et incitatives. Les mesures incitatives comprennent, entre autres, des baisses de charge fiscale et des mesures de simplification des obligations fiscales, en particulier pour les petits opérateurs, tandis que les mesures dissuasives passent principalement par le renforcement des capacités de contrôle, de détection et de sanction de l’administration fiscale.

Simplifier les obligations fiscales des petits opérateurs

La simplification des obligations fiscales est une condition essentielle pour promouvoir l’élargissement du filet fiscal. En effet, se conformer aux obligations fiscales représente un coût additionnel pour les entreprises du secteur formel par rapport à celles du secteur informel. Ainsi, les obligations fiscales des plus petits opérateurs devraient être simplifiées pour encourager les micro-entrepreneurs et les petites entreprises à formaliser leurs activités. Les mesures de simplification sont souvent centrales dans les stratégies des pays visant à réduire l’informalité (encadré 6.3).

Encadré 6.3. Mesures visant à encourager la formalisation des petites entreprises au Brésil et au Mexique

Brésil

Le régime Simples Nacional créé en 2006 au Brésil vise à réduire les coûts de conformité fiscale et à encourager la formalisation ; il comprend également un programme spécial ciblant les entrepreneurs individuels. Le système réduit les formalités administratives associées à l’enregistrement des entreprises en utilisant un site Internet, et remplace huit impôts et cotisations par un seul paiement d’impôt mensuel. Les micro-entreprises sont celles dont le revenu annuel brut va jusqu’à 240 000 BRL (réals brésiliens), tandis que les petites entreprises ont des revenus compris entre 240 000 BRL et 2.4 millions BRL.

Un programme existe pour les entrepreneurs individuels qui disposent d’un revenu annuel inférieur à 36 000 BRL, qui travaillent seuls ou ont un seul employé, et ne possèdent ni ne gèrent d’autres sociétés. Les avantages du programme comprennent : une taxe mensuelle fixe ; l’inscription au registre national des personnes morales (qui facilite l’ouverture d’un compte bancaire, les demandes de prêt et l’émission de factures) ; et l’accès à une pension de retraite, aux congés maladie et maternité, et à une assurance contre les accidents de travail. La participation à ce programme a fortement augmenté et il a contribué à la formalisation des entreprises et des travailleurs.

Mexique

En 2014, le Mexique a remplacé son régime pour les entrepreneurs indépendants afin d’encourager la formalisation. Le Regimen de Incorporación Fiscal cherche à encourager les entreprises informelles à entrer en conformité avec le système fiscal grâce à un programme encadré sur 10 ans. Après cette période, les entreprises passent au régime de l’impôt général sur le revenu. Le système comprend un certain nombre d’incitations : une réduction de 100 % de l’impôt sur le revenu, qui est progressivement réduite jusqu’à zéro à la fin des 10 ans ; un crédit de 100 % sur la TVA et les taxes d’accise (taxe spéciale sur la production et les services) pendant la première année ; l’accès au financement de la Nacional Financiera (banque publique) ; le soutien financier de l’Institut national de l’entrepreneur ; une formation par l’administration fiscale ; et des outils électroniques qui simplifient les procédures de déclaration et de paiement des impôts. Il est encore tôt pour juger du succès de ce programme, mais il semble avoir encouragé la formalisation d’entreprises.

La Côte d’Ivoire a maintenu de nombreux petits impôts et taxes à faible rendement, mais qui ont un fort pouvoir de nuisance, en particulier sur les petites entreprises. Le système fiscal ivoirien est le système fiscal qui compte le plus de paiements d’impôts et taxes dans toute l’Afrique, avec un total de 63 paiements, comparé à une moyenne de 36 dans la région (graphique 6.9). De nombreuses taxes s’ajoutent aux impôts sur le profit et le travail. Par exemple, les entreprises doivent s’acquitter d’une contribution des patentes (voir ci-dessus) et d’une taxe spéciale d’équipement (qui s’élève à 0.1 % du chiffre d’affaires et qui est due chaque mois). Si la complexité du système fiscal représente un coût pour toutes les entreprises, elle est d’autant plus pénalisante pour les petites entreprises et les place en position de désavantage compétitif par rapport aux entreprises de grande taille.

Graphique 6.9. La Côte d’Ivoire est le pays africain qui compte le plus grand nombre de paiements d’impôts et taxes
Nombre de paiements d’impôts et taxes par pays en 2014
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Sources : PwC et Banque mondiale (2015).

 https://doi.org/10.1787/888933329953

Examiner de près le régime de l’impôt synthétique

En Côte d’Ivoire, il existe un système de taxes forfaitaires pour les entreprises individuelles. Les entreprises individuelles dont le chiffre d’affaire est inférieur à 50 millions FCFA sont soumises à l’impôt synthétique. Le paiement de l’impôt synthétique libère le contribuable du paiement de la patente, de l’impôt sur les BIC et de la TVA. Le montant de l’impôt consiste en une somme forfaitaire qui est fonction du chiffre d’affaires déclaré. Les personnes qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 5 millions FCFA sont soumises à la taxe forfaitaire des petits commerçants et artisans. La taxe forfaitaire est libératoire de la contribution des patentes et des licences, des taxes communales, de l’impôt sur les traitements et salaires et de la contribution à la charge des employeurs. Elle est perçue au profit des municipalités sur le territoire des communes, et au profit des départements lorsque l’activité est exercée hors des limites communales.

Les taxes forfaitaires doivent être mises en place avec précaution. Une taxe forfaitaire peut être utile pour les très petites entreprises qui n’ont pas les capacités de gérer des impôts comme la TVA, l’impôt sur les sociétés et/ou l’impôt sur le revenu. Si celle-ci est bien administrée, elle peut inciter les entrepreneurs informels à devenir formels. Cela étant, les taxes forfaitaires présentent des inconvénients (OCDE, 2009) : elles accroissent les risques d’iniquité horizontale si elles entraînent une charge disproportionnée sur les petites entreprises ou si la charge est au contraire très faible par rapport à la charge fiscale du régime réel et limite la volonté de croître des entreprises ou les encourage à diviser leurs activités pour rester sous le seuil de l’impôt forfaitaire. Une considération clef dans la mise en place d’un impôt synthétique est d’éviter de trop grands ajustements à la hausse de la charge fiscale lorsque les entreprises passent du régime synthétique au régime du réel. De plus, les systèmes basés sur le chiffre d’affaires pénalisent les entreprises à faible marge bénéficiaire. Enfin, la gestion des impôts synthétiques peut s’avérer coûteuse par rapport au rendement souvent très faible de ce genre d’impôts.

L’impôt synthétique en Côte d’Ivoire semble être source de désincitation à croître et d’abus. Pour l’impôt synthétique, l’impôt faible et le barème non progressif (chaque tranche de 1 million FCFA de chiffre d’affaire fait monter l’impôt de 81 900 FCFA) créent une forte incitation à rester en dessous du seuil de 50 millions FCFA. Beaucoup d’entreprises qui devraient être soumises au régime réel s’arrangent pour rester sous le régime de l’impôt synthétique. Les autorités sont encouragées à prêter une attention particulière aux entreprises soumises à l’impôt synthétique.

L’amélioration du régime de l’impôt synthétique devra passer par une réforme de l’impôt lui-même et par un meilleur contrôle de l’administration fiscale. Il faudrait réformer le barème existant de l’impôt synthétique en créant de la progressivité en fonction du chiffre d’affaires déclaré de manière à ce que les entreprises dans les tranches supérieures aient une incitation à passer sous le régime du réel. À l’inverse, le taux pourrait être très faible pour les très petites micro-entreprises de façon à les inciter à se formaliser. Il faudrait également un meilleur contrôle de l’administration fiscale, notamment pour identifier les contribuables qui minorent leur chiffre d’affaires afin de rester en dessous du seuil du régime du réel.

Maintenir les mécanismes de retenue à la source

Le prélèvement à la source présente des avantages dans le contexte d’un fort taux d’informalité, mais il doit être utilisé avec précaution. Le prélèvement à la source peut assurer des recettes avant que le revenu ne soit détourné et limiter le nombre de points de collecte. En impliquant les entreprises dans le rôle de collecteurs, il limite les coûts d’administration pour l’État. Ceci place les entreprises au centre du système de collecte. Cela étant, les retenues à la source ont tendance à amplifier les problèmes de crédits et de remboursements et à dépendre de la coopération des entreprises responsables des prélèvements. Il existe également des risques de comportements d’évasion collusoires, comme ce fut le cas avec la sous-déclaration des charges sociales au Mexique ou des salaires au Pakistan (FMI, 2015), par exemple. Les expériences des différents pays en matière de retenues à la source ont été contrastées.

En Côte d’Ivoire, la tendance est au recul de l’imposition à la source et au mouvement vers le système déclaratif, considéré comme moderne. Cela étant, l’administration fiscale n’a ni les effectifs ni les moyens techniques pour maintenir de façon efficace le système déclaratif.

Il serait sans doute utile de maintenir le prélèvement à la source là où il existe. Si une réforme de l’impôt sur le revenu est entreprise, ce dernier devrait être prélevé à la source. Les intermédiaires du secteur financier peuvent également jouer un rôle important dans le prélèvement à la source sur les revenus du capital des particuliers. Ils constituent une source importante d’informations pour l’administration fiscale sur les revenus des contribuables.

Le renforcement des capacités et de l’efficacité de l’administration fiscale devra être poursuivi

L’évolution vers un système fiscal plus mûr et plus apte à soutenir l’émergence ne sera efficace que si elle s’accompagne de réformes significatives de l’administration fiscale. Dans le cas inverse, des réformes du système ou de la structure fiscale pourraient s’avérer contre-productives. Une évaluation approfondie de l’administration fiscale va au-delà du champ de cette étude mais cette section donne un aperçu du système existant et des réformes nécessaires.

Renforcer l’efficacité des procédures de l’administration fiscale et douanière

L’administration fiscale et douanière présente de nombreux points positifs mais le manque de moyens dans certains services et d’informatisation limite l’efficacité des procédures. Parmi les points positifs figurent l’organisation fonctionnelle de l’administration fiscale5 ; l’existence d’un plan stratégique à la DGI ; les efforts pour mettre en place un système automatisé de gestion du risque et de sélectivité à la douane en coopération avec le FMI ; ou encore le renforcement des ressources humaines à la DGD qui va presque doubler le nombre de ses employés de 2 000 à 3 900 (même si ce doublement des effectifs peut sembler excessif). Mais l’efficacité des procédures est limitée, notamment par le fait que le plan stratégique de la DGI n’est pas mis en application de manière effective (CAPEC, 2014) ; que certains services, tels que le service de la législation ou la direction des enquêtes et vérification de la DGI, manquent de personnel spécialisé (CAPEC, 2014) ; et que le paiement et les procédures en ligne n’est pas assez développé au sein de la DGI.

L’efficacité des procédures administratives devra être renforcée, notamment par une augmentation des moyens et une plus grande automatisation des tâches routinières. Les ressources humaines dans certains services devront être renforcées. L’utilisation plus systématique d’outils informatiques et de systèmes de paiement et de déclaration en ligne devrait également permettre d’automatiser de nombreuses tâches et de renforcer l’efficacité des procédures. Les efforts de coopération entre la DGI et la DGD, qui joue un rôle crucial dans la gestion de la TVA notamment, puisqu’elle collecte environ 50 % des recettes totales de TVA en Côte d’Ivoire (à l’importation), devront être poursuivis.

Mettre en place des mesures pour accroître la transparence et la confiance des contribuables

La Côte d’Ivoire a mis en place des mesures pour accroître la transparence et la confiance des contribuables, mais d’importants progrès restent à faire. Il existe un Livre des procédures fiscales qui définit, entre autres, les droits des contribuables. En outre, la Côte d’Ivoire publie un rapport annuel sur les dépenses fiscales. L’évaluation des dépenses fiscales contribue à renforcer la confiance des contribuables dans le système fiscal en renforçant la transparence dans la gestion des finances publiques et en permettant une allocation plus efficace des ressources publiques et une amélioration de la qualité de la politique fiscale. Toutefois, des obstacles à une plus grande transparence et confiance des contribuables subsistent : le contrôle interne au sein de l’administration n’est pas appliqué à tous les services et les mesures disciplinaires effectives sont rares ; le manque de simplicité et de lisibilité du système fiscal ne favorise pas le consentement des contribuables à l’impôt ; les dépenses fiscales semblent être sous estimées dans le rapport annuel sur les dépenses fiscales ; et enfin, les statistiques sur les recettes fiscales manquent de comparabilité avec celles des autres pays en développement.

La Côte d’Ivoire devrait chercher à améliorer la qualité de la gouvernance interne de l’administration fiscale et douanière, des services aux contribuables, du rapport sur les coûts fiscaux et de ses statistiques. Pour renforcer la gouvernance interne, les missions de contrôle et d’audit devraient couvrir tous les services (CAPEC, 2014). La qualité des services aux contribuables, en particulier via la simplification des procédures et l’accès à l’information et aux services de déclaration et de paiement en ligne, pourrait également être renforcée. Enfin, le rapport annuel sur les coûts fiscaux pourrait être consolidé. Cela nécessiterait de définir clairement une norme fiscale de référence, de conduire des analyses à un niveau plus désagrégé, d’impliquer davantage d’institutions dans l’exercice d’analyse des coûts fiscaux, et d’améliorer le logiciel de gestion des exonérations (DGI, 2015). Un exercice de prospective sur les dépenses fiscales, qui ne sont pour l’instant mesurées qu’ex post, pourrait également être conduit. Enfin, le gouvernement devrait poursuivre ses efforts visant à accroître la comparabilité de ses données de recettes fiscales dans le cadre du projet Revenue Statistics. Ce projet permet en effet de fournir aux pays participants les mêmes indicateurs statistiques que ceux dont disposent les pays de l’OCDE et vingt autres pays latino-américains et asiatiques.

Continuer les efforts dans la lutte contre la fraude fiscale

La Côte d’Ivoire a fait d’importants progrès en matière de gestion du risque et de segmentation des contribuables. Dans un système fiscal moderne, la sélection des dossiers à vérifier et les méthodes de contrôle sont basées sur la gestion du risque. La création de services des grandes entreprises a été une première étape pour mieux répartir les moyens de contrôle disponibles en fonction des enjeux. En 2014, un pas de plus a été franchi dans la segmentation des contribuables avec la création des centres des moyennes entreprises. Les moyennes entreprises sont celles comprises entre 400 millions et 3 milliards FCFA. À terme, l’objectif est d’inclure toutes les entreprises assujetties à la TVA. Ces centres des moyennes entreprises devraient permettre une amélioration de la sélection des vérifications et une plus grande réactivité de l’administration fiscale.

D’autres changements, en particulier en matière de croisement des données, ont récemment été adoptés pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Par exemple, une division spécifique a été créée au sein de la DGD pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’abus relatifs aux exonérations fiscales. En outre, en 2014, le croisement d’informations entre les Directions des impôts et des douanes a été initié via une plateforme d’échange de données. Par exemple, les données de chiffre d’affaires et d’importations et exportations des contribuables peuvent maintenant être croisées et comparées. Plus de 200 entreprises présentant des anomalies ont ainsi été détectées.

Toutefois, les activités de lutte contre la fraude fiscale devraient être renforcées. Les efforts devraient se concentrer sur la poursuite de la sélection des dossiers basée sur la gestion du risque, l’augmentation de la fréquence des contrôles et la diversification des méthodes de contrôles (Fossat et Bua, 2013). Un autre problème caractéristique des pays africains est l’absence de poursuites pénales dans les cas de fraudes graves (Fossat et Bua, 2013). Enfin, le contrôle des petits contribuables devrait se focaliser sur les secteurs où la fraude est courante (commerce, construction et sous-traitance, par exemple) avec pour objectif principal de détecter les contribuables qui minorent leur chiffre d’affaires pour bénéficier des régimes d’imposition simplifiés et échapper aux obligations fiscales en matière de TVA et de régime normal de l’impôt sur le revenu (Fossat et Bua, 2013).

Envisager des réformes de décentralisation sur le long terme

Le rôle des collectivités locales dans la collecte des impôts reste limité. L’essentiel des revenus des collectivités locales de la Côte d’Ivoire est perçu par les services locaux de la DGI (impôt foncier, patente, vignette, etc.). Il existe cependant une fiscalité entièrement locale – au niveau des communes, districts, collectivités territoriales – pour laquelle l’administration centrale n’intervient pas (par exemple la taxe forfaitaire sur les petits commerçants, ou la taxe sur les supports mobiles de publicité).

Une décentralisation fiscale accrue présente des avantages et des risques. Elle permet d’accroître l’efficacité et l’adaptation de l’offre des biens et services publics aux besoins locaux. Une augmentation des ressources locales propres permet aussi souvent de garantir une source de revenus plus stable que les transferts de l’administration centrale (Chambas et al., 2007). La mobilisation de ressources locales propres peut également renforcer la responsabilité des gouvernements locaux. En effet, l’expérience montre que les situations où la décentralisation des dépenses est plus importante que la décentralisation de la collecte des impôts peuvent conduire à une responsabilisation plus faible des autorités locales. Parce qu’il est plus facile d’établir un lien entre les impôts locaux et la prestation de services locaux, la décentralisation fiscale peut, dans une certaine mesure, renforcer le civisme fiscal. Enfin, les autorités locales sont souvent mieux placées pour détecter la fraude fiscale. Cela étant, la décentralisation fiscale présente aussi des risques significatifs, en particulier dans les pays où la corruption reste importante et où les moyens techniques et humains à l’échelle locale sont insuffisants.

À terme, les collectivités locales pourraient être amenées à jouer un rôle plus important dans le système fiscal ivoirien mais des conditions préalables doivent être réunies. Une plus grande décentralisation pourrait aller de pair avec le renforcement du rôle de certains impôts locaux dans la fiscalité ivoirienne, en particulier de l’impôt foncier. Mais cela suppose un certain nombre de prérequis, notamment une répartition claire du rôle des divers niveaux de l’administration fiscale, un renforcement des moyens humains et techniques et une amélioration du contrôle interne.

Recommandations

Établir un système fiscal plus efficace

Les recettes fiscales de la Côte d’Ivoire sont insuffisantes au regard de ses besoins croissants d’investissements publics en matière d’infrastructure, d’éducation et de santé. Pour évoluer vers un système fiscal plus moderne et un élargissement de la base d’imposition de plusieurs impôts, la Côte d’Ivoire devrait progressivement devenir moins dépendante des recettes des droits de douane. Les réformes devraient favoriser les recettes de TVA, actuellement relativement faibles, en réduisant les exonérations accordées dans la législation et en améliorant l’administration fiscale.

Renforcer le rôle de la TVA et des droits d’accises et limiter progressivement le rôle des droits de douane

Élargir l’assiette de la TVA en limitant les exonérations, en particulier en :

  • éliminant l’exonération de TVA accordée en phase d’investissement par le Code des investissements

  • soumettant à la TVA certains produits aujourd’hui exonérés (à l’exception peut-être de certains produits de première nécessité)

  • limitant le champ de certaines exonérations à caractère social qui ne remplissent pas leurs objectifs (par exemple, l’exonération sur la tranche sociale de consommation et de livraison d’eau et d’électricité).

Continuer à améliorer la procédure de remboursement des crédits de TVA en :

  • appliquant un traitement différencié des demandes de remboursement de crédits de TVA selon le risque présenté par l’opérateur

  • mettant en place des systèmes permettant d’anticiper le niveau de remboursement et de disposer de fonds suffisants pour répondre aux demandes de remboursement légitimes.

Continuer à renforcer le rôle des droits d’accises dans le système fiscal en :

  • étendant le champ des droits d’accises à certains produits de luxe

  • adoptant des mesures administratives pour éviter une augmentation de la contrebande

  • envisageant des négociations communautaires sur la directive UEMOA sur les droits d’accises pour appliquer les droits d’accises sur un prix de vente au détail (et non plus sortie-usine) et pour supprimer les taux maximums fixés (en particulier sur le tabac).

Limiter progressivement les droits de douane, notamment les droits à l’exportation. Envisager des négociations entre États membres de la CEDEAO pour éliminer la cinquième bande tarifaire du tarif extérieur commun.

Réfléchir au remplacement de la taxe sur les opérations bancaires (TOB) par une TVA bancaire, notamment en conduisant une étude sur les effets en matière de recettes d’une suppression de la TOB et de l’imposition à la TVA des prestations bancaires et financières.

Accroître la neutralité du système fiscal qui pèse sur les entreprises

Rationaliser progressivement les incitations fiscales accordées aux entreprises en :

  • évitant d’accorder de nouveaux avantages sectoriels dans un premier temps

  • regroupant l’ensemble des dispositifs fiscaux dans le Code général des impôts dans un deuxième temps

  • supprimant certains avantages dans un troisième temps – en particulier l’exonération de TVA et l’exonération d’impôt sur le BIC dans le district d’Abidjan prévues par le Code des investissements (les congés fiscaux accordés dans les autres régions pourraient quant à eux devenir moins généreux).

  • Il serait également préférable que la décision d’accorder des avantages fiscaux appartienne exclusivement au ministère de l’Économie et des Finances et que l’ensemble des dispositions fiscales soit regroupé dans le Code général des impôts.

Limiter les avantages fiscaux accordés dans le cadre du Code minier, en particulier en :

  • envisageant la suppression des exonérations de droits de douane (dans la mesure où les biens d’équipement peuvent être importés en suspension de droits sous le régime de l’admission temporaire)

  • éliminant les exonérations de TVA en phase de production et, si possible, en phase de recherche et de construction de la mine

  • n’accordant pas d’exonération de TVA sur les produits exclus du droit à déduction tels que les carburants,

  • supprimant le congé fiscal pour le BIC et l’IMF

  • cessant d’étendre les avantages fiscaux accordés au titulaire du titre minier à ses sociétés affiliées et à ses sous-traitants

  • réduisant la durée de la clause de stabilité et en définissant l’assiette de la redevance minière sur une base objective déterminée en fonction de la teneur du minéral extrait et des cours mondiaux.

Éliminer graduellement les petits impôts assis sur le chiffre d’affaires, tels que la contribution des patentes. Rendre l’impôt minimum forfaitaire imputable sur le BIC dû au titre des années suivantes.

Renforcer les règles en matière de fiscalité internationale, en particulier en se dotant d’un dispositif légal en matière de prix de transfert et de sous-capitalisation.

Simplifier le système fiscal tout en élargissant le filet fiscal

La simplification des obligations fiscales est une condition essentielle pour promouvoir l’élargissement du filet fiscal. En effet, se conformer aux obligations fiscales représente un coût additionnel pour les entreprises du secteur formel par rapport à celles du secteur informel. Les obligations fiscales des opérateurs les plus petits devraient donc être simplifiées afin d’encourager les micro-entrepreneurs et les petites entreprises à formaliser leurs activités. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire pourrait évoluer d’un système cédulaire particulièrement complexe vers un « impôt dual », où le revenu du travail serait soumis à un impôt progressif tandis que les revenus du capital seraient imposés à un taux uniforme plus faible, avec un barème de l’impôt simplifié.

Renforcer les incitations des entreprises à payer leurs impôts

Simplifier les obligations fiscales des petits opérateurs, notamment en réduisant le nombre de petits impôts qui pénalisent les petites entreprises.

Étudier attentivement le régime de l’impôt synthétique en réformant le barème de l’impôt synthétique (en passant d’un montant fixe à un montant en pourcentage du chiffre d’affaires pour chaque tranche et en le rendant progressif de manière à générer une incitation à se formaliser mais également à passer au régime du réel au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires) assurant un meilleur contrôle par l’administration fiscale des entreprises assujetties au régime synthétique.

Maintenir les mécanismes de retenue à la source, en particulier en transformant l’impôt sur les traitements et salaires et la contribution nationale en une retenue à la source de l’impôt général sur le revenu.

Réformer en profondeur les impôts sur les revenus et la propriété des individus

Simplifier le système cédulaire existant en mettant en place un système d’imposition dual où le revenu du travail est soumis à un impôt progressif tandis que les revenus du capital sont imposés à un taux uniforme plus faible.

Maintenir l’impôt sur le revenu tout en le réformant, notamment en :

  • réduisant les taux d’imposition et élargissant l’assiette

  • révisant le barème de l’impôt sur les revenus du travail (deux ou trois tranches, et des taux d’imposition moins élevés)

  • limitant les déductions qui ont tendance à profiter davantage aux ménages aisés (en particulier l’abattement de 20 % de l’impôt sur les salaires et la déduction de l’impôt général sur le revenu de sa propre base).

Exploiter au maximum le potentiel de l’impôt foncier en utilisant l’information du cadastre fiscal pour évaluer les biens immobiliers en zone urbaine.

Moderniser le système fiscal et son administration

Le manque de moyens et d’informatisation dans certains services de l’administration fiscale et douanière limite l’efficacité des procédures administratives. L’automatisation des tâches routinières devra être accompagnée d’un renforcement des ressources humaines dans certains services. L’utilisation plus systématique d’outils informatiques, de systèmes de paiement et de déclaration en ligne devraient également permettre d’automatiser de nombreuses tâches et de renforcer l’efficacité des procédures.

Renforcer l’administration fiscale et améliorer la cohérence et le fonctionnement du système fiscal

Améliorer l’efficacité des procédures de l’administration fiscale et douanière en :

  • renforçant les moyens financiers et humains

  • automatisant de plus en plus les tâches routinières.

Mettre en place des mesures pour accroître la transparence et la confiance des contribuables en améliorant la qualité de la gouvernance interne de l’administration fiscale et douanière, des services aux contribuables, du rapport annuel sur les coûts fiscaux et des statistiques.

Continuer les efforts dans la lutte contre la fraude fiscale en :

  • concentrant les efforts sur la poursuite de la sélection des dossiers basée sur la gestion du risque

  • augmentant la fréquence des contrôles et la diversification des méthodes de contrôles.

ANNEXE 6.A1. Taux de TVA normaux et réduits dans les pays africains

Zone géographique

Pays

Taux

Maghreb

Algérie

17 % et un taux réduit de 7 %

Mauritanie

14 %, mais 18 % pour les produits pétroliers et la téléphonie

Maroc

20 % et taux réduits de 14 %, 10 % et 7 %

Tunisie

18 % et taux réduits de 12 % et 6 %

UEMOA (tous les États membres de l’UEMOA sont également membres de la CEDEAO)

Bénin

18 %, pas de taux réduit

Burkina Faso

18 %, pas de taux réduit

Côte d’Ivoire

18 % et taux réduits de 9 % et 21.31 % (sur la marge des distributeurs de tabac)

Guinée Bissau

Pas de TVA

Mali

18 %, taux réduit de 5 %

Niger

19 %, pas de taux réduit

Sénégal

18 % et un taux réduit de 10 % sur l’hôtellerie de tourisme

Togo

18 %, pas de taux réduit

Pays de la CEDEAO qui ne sont pas membres de l’UEMOA

Cabo Verde

15 %, taux réduit de 6 % sur les services d’hôtellerie et de restauration

Gambie

15 %, pas de taux réduit

Ghana

12.5 %, pas de taux réduit

Guinée

18 %, pas de taux réduit

Libéria

7 %, pas de taux réduit

Nigéria

5 %, pas de taux réduit

Sierra Leone

15 %, pas de taux réduit

CEMAC

Cameroun

19.25 %, pas de taux réduit

République centrafricaine

19 % et un taux réduit de 5 %

Congo (Brazzaville)

18 % et un taux réduit de 5 %

Gabon

18 % et un taux réduit de 10 %

Guinée équatoriale

15 % et un taux réduit de 6 %

Tchad

18 %, pas de taux réduit

Exemples de pays du reste de l’Afrique

Afrique du Sud

14 %, pas de taux réduit

Angola

10 %; taux réduit de 2 %

Botswana

12 %, pas de taux réduit

République démocratique du Congo (Kinshasa)

taux unique de 16 % (introduction de la TVA en 2012)

Burundi

18 %, taux réduit de 10 %

Comores

Pas de TVA

Lesotho

14 % et un taux réduit de 5 %

Madagascar

20 %, pas de taux réduit

Malawi

16.5 %, pas de taux réduit

Maurice

15 %, pas de taux réduit

Mozambique

17 %, pas de taux réduit

Namibie

15 %, pas de taux réduit

Rwanda

18 %, pas de taux réduit

Seychelles

15 %, pas de taux réduit (introduction de la TVA en 2013)

Swaziland

14 %, pas de taux réduit

Tanzanie

18 %, pas de taux réduit

Zambie

16 %, pas de taux réduit

Sources : Code général des impôts des pays concernés ; Charlet (2015).

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Notes

← 1. À ces droits s’ajoutent les prélèvements communautaires (ainsi que la TVA et, le cas échéant, les droits d’accise). Les prélèvements communautaires sont de 2.5 %, dont 1 % au titre de la redevance statistique (RS) ; 1 % au titre du prélèvement communautaire de solidarité (PCS) ; et 0.5 % au titre du prélèvement communautaire CEDEAO (PCC). La RS et le PCS sont versées pour le fonctionnement de l’UEMOA alors que le PCC est versé pour le fonctionnement de la CEDEAO. Pour une description détaillée des taux applicables voir : http://www.douanes.ci/PDF/TEC.pdf.

← 2. Directive n° 02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des législations des États membres en matière de TVA.

← 3. L’avantage d’un régime de suspension est que l’ensemble des droits et taxes suspendus devient immédiatement dû lorsque les conditions pour bénéficier du régime ne sont plus réunies et que le bien est mis à la consommation.

← 4. L’admission temporaire, qui est un régime douanier suspensif, a l’avantage de rendre les droits de douane et la TVA immédiatement exigibles si l’opérateur ne remplit plus les conditions pour bénéficier de la suspension, notamment s’il n’a pas réexporté les biens d’équipement dans les délais impartis et les a mis à la consommation.

← 5. Contrairement à l’organisation par type d’impôt, l’organisation fonctionnelle désigne une structuration en unités à caractère fonctionnel (par exemple enregistrement, comptabilité, traitement de l’information, contrôle, recouvrement, recours, etc.) qui couvrent généralement l’ensemble des impôts.