Chapitre 3. La mobilité intergénérationnelle des personnes nées dans le pays de parents immigrés en matière d’éducation
Ce chapitre examine la potentielle transmission intergénérationnelle de désavantage éducatif des parents immigrés ayant un niveau d’éducation inférieur aux parents nés dans le pays. La première partie compare le niveau d’éducation de trois groupes d’élèves : ceux qui ont au moins un parent qui est né dans le pays d’accueil ; ceux qui ont deux parents nés dans l’Espace économique européen (EEE); et ceux avec deux parents nés en dehors de l’EEE. La deuxième partie porte sur la performance des élèves à l’école. Elle vise à évaluer l’ampleur de l’influence des caractéristiques socio-économiques des parents sur les résultats des différents groupes d’élèves. La section examine également la probabilité que les élèves « réussissent contre toute attente » et d’autres facteurs influençant les résultats scolaires, tels que la maîtrise de la langue et la concentration d’élèves défavorisés à l’école. Enfin, la troisième partie compare les aptitudes en lecture, calcul et en résolution de problèmes entre les personnes nées dans le pays dont les parents sont également nés dans le pays et les personnes nées dans le pays dont les parents sont nés à l’étranger.
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Principales conclusions
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En s’appuyant sur les données de l’Enquête européenne sur les forces de travail (EFT-UE) et de deux programmes de l’OCDE : le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) et le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), le présent chapitre met en lumière la mobilité des enfants d’immigrés en matière d’éducation.
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Les résultats indiquent un écart de niveau de formation persistant entre les immigrés et leurs enfants d’une part, et personnes nées dans le pays et leurs enfants de l’autre. Cet écart est cependant de plus en plus modeste et s’explique en grande partie par le milieu socio-économique des enfants d’immigrés, généralement inférieur à celui des enfants des parents nés dans le pays. L’influence des caractéristiques des parents sur le niveau de formation de leurs enfants varie considérablement d’un pays à l’autre.
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Les individus nés dans le pays de parents immigrés ont plus tendance que ceux nés de parents nés dans le pays à arrêter leurs études après le premier cycle de l’enseignement secondaire. La différence est la plus marquée en Belgique et en Autriche, où environ 10 % des enfants des parents nés dans le pays décrochent à un niveau bas, contre presque 30 % des enfants nés dans le pays de parents immigrés.
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Les enfants nés dans le pays de parents immigrés sont généralement moins nombreux à faire des études supérieures que les enfants de parents nés dans le pays : 21 % en moyenne pour les premiers, contre 29 % pour les derniers. En Autriche, en Belgique et en Suisse, les enfants de parents nés dans le pays ont deux fois plus de chances de faire des études supérieures que les enfants d’immigrés (environ 30 % et moins de 15 % respectivement). Au Royaume-Uni, les individus nés dans le pays de parents immigrés ont en moyenne plus tendance à faire des études universitaires (35 %) que ceux nés de parents nés dans le pays (28 %).
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L’écart de niveau de formation observé est réduit lorsque l’éducation des parents est prise en compte. Les individus nés dans le pays de parents immigrés sont moins surreprésentés parmi la population peu qualifiée et proportionnellement moins sous-représentés parmi la population plus qualifiée.
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Néanmoins, même en tenant compte de l’éducation des parents, l’analyse de la filière d’études supérieures choisie (professionnelle ou universitaire) révèle que les enfants nés dans le pays de parents originaires de l’extérieur de l’UE ont moins tendance à choisir la voie universitaire, à raison de 4 points de pourcentage.
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Dans la majorité des pays, l’évolution intergénérationnelle du niveau de formation est beaucoup plus rapide pour les individus nés dans le pays de parents immigrés que pour ceux nés de parents nés dans le pays. En fait, les niveaux de formation des deux groupes finissent par converger. Les individus nés dans le pays de parents immigrés atteignent généralement un niveau de formation bien plus élevé que celui de leurs parents. S’il en est de même pour les enfants de parents nés dans le pays, la différence par rapport à leurs parents est moins prononcée. Ce constat s’explique en partie par le fait que leurs parents, en règle générale, ont déjà un niveau de formation supérieur à celui des parents immigrés.
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Le lien entre les résultats aux tests PISA de mathématiques et le niveau de formation des parents est beaucoup plus manifeste chez les enfants de parents nés dans le pays qu’il ne l’est chez les enfants d’immigrés. On en déduit que le niveau d’études de parents nés à l’étranger influe moins sur les résultats de leurs enfants aux tests. Le même constat s’impose pour les résultats aux tests de compréhension de l’écrit et de sciences.
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Les systèmes scolaires qui produisent des élèves plus résilients (c’est-à-dire des enfants qui obtiennent de bons résultats scolaires malgré leur appartenance à un milieu défavorisé, ou encore qui « réussissent contre toute attente ») parmi les enfants de parents nés dans le pays augmentent également la probabilité de résilience des enfants d’immigrés. Les enfants d’immigrés semblent être plus résilients dans les pays où les enfants de parents nés dans le pays sont eux aussi très résilients.
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Les effets du milieu socio-économique sont généralement difficiles à démêler de ceux de l’immigration dans l’analyse des résultats scolaires. Entre autres facteurs, la qualité de l’établissement scolaire et l’influence du voisinage affectent souvent simultanément les enfants issus d’un milieu socio-économique défavorisé et les enfants d’immigrés. La maîtrise de la langue, cependant, semble être extrêmement importante pour la réussite scolaire des enfants, surtout dans le cas des enfants d’immigrés. Selon l’analyse de l’OCDE, plus la langue du pays d’accueil est maîtrisée tôt, plus les résultats aux tests PISA ont tendance à être élevés.
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L’analyse des résultats du PISA révèle que le handicap socio-économique pèse beaucoup plus sur les résultats scolaires que la concentration d’élèves nés de parents immigrés. Par exemple, en Allemagne, en Italie, en Slovénie et aux Pays-Bas, les résultats des élèves d’établissements à forte concentration d’immigrés sont inférieurs de 50 points environ à la moyenne, mais cet écart disparaît quand la situation socio-économique des parents est prise en compte. Au Danemark, les élèves obtiennent même de meilleurs résultats dans les établissements qui accueillent des effectifs importants d’élèves issus de l’immigration, une fois prise en compte la situation socio-économique. En moyenne, les écarts de résultats passent de 18 à 5 points.
Introduction
Dans la plupart des pays européens, les enfants d’immigrés obtiennent généralement des résultats scolaires inférieurs à ceux de leurs camarades nés de parents nés dans le pays. Cette réalité s’explique en partie par le fait que la génération de parents immigrés a fait moins d’années d’études, en moyenne, que les parents nés dans le pays (OCDE/Union européenne, 2015). Le présent chapitre se propose d’étudier la transmission intergénérationnelle de ce handicap et d’établir si le niveau de formation inférieur des parents risque plus de se transmettre aux enfants nés dans le pays de parents immigrés qu’aux enfants de parents nés dans le pays. Le chapitre s’interroge également sur les différences entre les pays et les raisons de ces différences. Ses trois sections évaluent différents aspects de l’éducation : la première analyse le niveau de formation ; la deuxième examine les acquis scolaires à partir des résultats obtenus aux tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE ; la troisième évalue les mesures des compétences cognitives de la population adulte en s’appuyant sur les données du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) de l’OCDE.
La première section du présent chapitre compare les niveaux de formation dans les milieux immigrés, et cherche à savoir si l’écart en matière d’éducation entre les individus nés dans le pays de parents immigrés et ceux nés de parents nés dans le paysse resserre. Pour ce faire, il détermine si les élèves font en moyenne plus d’années d’études que leurs parents, et compare cette évolution pour les deux groupes d’individus. Pour rendre compte des éventuelles différences de transmission intergénérationnelle selon le niveau de formation des parents, la section analyse ensuite le lien entre l’éducation des parents et le niveau de formation de l’enfant adulte. Les résultats indiquent que les enfants d’immigrés atteignent un niveau d’instruction supérieur à ce que ne laissait présager le bagage de leurs parents, par comparaison avec les enfants de parents nés dans le pays. Globalement, les résultats révèlent un rétrécissement de l’écart en matière d’éducation entre les enfants d’immigrés et les enfants de parents nés dans le pays.
La deuxième section du chapitre s’intéresse principalement aux résultats scolaires des élèves. À partir des données du PISA – des tests normalisés évaluant les niveaux de compréhension de l’écrit, de mathématiques et de sciences des élèves de 15 ans – elle analyse les compétences cognitives en fonction de l’origine des parents puis, en deuxième lieu, la transmission intergénérationnelle de l’éducation. Pour mieux comprendre les différences en fonction de l’origine des parents, elle détermine dans quelle mesure les écarts de résultats aux tests peuvent être attribués au milieu socio-économique des parents. Les conclusions donnent à penser que ce décalage s’explique en effet, dans une large mesure (environ 37 %), par le milieu socio-économique d’un enfant. Cependant, l’influence des caractéristiques des parents sur le niveau de formation atteint par leurs enfants varie considérablement d’un pays à l’autre.
Enfin, le reste du chapitre compare les compétences cognitives des adultes par origine migratoire, en s’appuyant sur les données du PIAAC. Dans l’Union européenne, les individus nés dans le pays de parents immigrés obtiennent invariablement des résultats légèrement inférieurs selon différentes mesures des compétences, à chaque niveau d’études testé, même après prise en compte de la formation des parents. Dans les pays d’accueil comme le Canada et l’Australie, les compétences cognitives des adultes ne varient pas selon l’origine migratoire, ce qui s’explique probablement par la politique d’immigration sélective menée par ces pays.
Les conclusions de ce chapitre indiquent qu’une grande partie du handicap éducatif est due au milieu socio-économique inférieur, mesuré par le niveau de formation des parents. Comparés à leurs camarades nés dans le pays, les enfants d’immigrés sont scolarisés moins longtemps et obtiennent de moins bons résultats aux tests cognitifs, à la fois pendant et après leur scolarité. Toutefois, à bien des égards, cet écart est en train de se résorber. Il est en fait fortement réduit dans certains pays, voire effacé, lorsque l’on tient compte du niveau d’études des parents. La transmission d’un handicap est plus forte parmi les enfants nés dans le pays de parents immigrés : le fait d’avoir des parents peu qualifiés est plus préjudiciable à la formation des enfants nés dans le pays de parents immigrés qu’à celle de leurs camarades nés de parents nés dans le pays. Cette réalité laisse entrevoir une « pénalité ethnique » (Heath, 2006), c’est-à-dire un handicap qui dépasse la situation socio-économique, même si elle est beaucoup moins courante parmi les jeunes cohortes. Globalement, ces constats sont encourageants : les résultats scolaires des élèves nés dans le pays de parents immigrés sont en train de se rapprocher de ceux de leurs camarades nés de parents nés dans le pays.
Le niveau de formation
Cette section compare le niveau de formation des individus nés dans le pays de parents immigrés avec celui des autres. Elle décrit la distribution des niveaux atteints par trois groupes d’élèves nés dans le pays : ceux dont au moins un des parents est né dans le pays; ceux dont les deux parents sont nés dans l’Espace économique européen (EEE) ; et ceux dont les deux parents sont nés en dehors de l’EEE (nés dans le pays de parents immigrés). La première sous-section fait état d’un décalage de niveau de formation important : en moyenne, les enfants dont les parents sont nés dans le pays ou originaires d’un pays de l’EEE obtiennent des diplômes supérieurs à ceux de leurs pairs nés de parents immigrés. La deuxième sous-section analyse l’évolution de ce décalage, en ce qui concerne à la fois la génération des parents et les différentes cohortes dans le temps. Les conclusions font apparaître que les individus nés dans le pays de parents immigrés sont en train de combler cet écart de formation, qui se résorbe à chaque nouvelle cohorte en âge d’entrer dans la vie active. Toutes les nouvelles cohortes d’individus nés dans le pays ont fait en moyenne plus d’années d’études que leurs parents, mais cette différence est encore plus marquée chez les enfants d’immigrés. Enfin, lorsque l’on tient compte du niveau de formation des parents, les individus nés dans le pays de parents immigrés ne sont plus désavantagés du point de vue du niveau scolaire atteint. Tous les résultats laissent entrevoir une convergence : les individus nés dans le pays de parents immigrés font en moyenne moins d’années d’études, mais ils sont en train de rattraper leurs pairs nés de parents nés dans le pays.
La distribution du niveau de formation
Niveau de formation faible
Les individus nés dans le pays de parents originaires de l’extérieur de l’EEE sont surreprésentés dans la partie inférieure de la distribution du niveau de formation. Le graphique 3.1 présente la distribution par catégorie migratoire et par pays selon l’Enquête de l’Union européenne sur les forces de travail (EFT-UE) 2014. Il concerne les 20-39 ans et montre que la proportion d’individus possédant un niveau de formation faible est plus élevée parmi ceux nés dans le pays de parents immigrés que parmi ceux nés de parents nés dans le pays ou originaires d’un pays de l’EEE. Dans 15 des 21 pays disposant de données comparables, les enfants nés dans le pays d’immigrés ont plus tendance que les enfants de parents nés dans le pays à ne pas avoir poursuivi leurs études au-delà de la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire. La différence est la plus marquée en Belgique et en Autriche, où environ 10 % des enfants de parents nés dans le pays font peu d’études, contre presque 30 % des enfants nés dans le pays de parents immigrés. La moyenne pondérée par la population des différents pays de l’EEE analysés indique que 17 % des enfants de parents nés dans le pays arrêtent leurs études tôt, par rapport à près de 30 % des enfants nés dans le pays de parents immigrés. Les seules exceptions sont les trois pays baltes, le Portugal et le Royaume-Uni. Indépendamment de l’origine migratoire, le pourcentage de personnes peu qualifiées est élevé par comparaison avec les autres pays, tandis qu’il est faible au Royaume-Uni.
Cette surreprésentation des individus nés dans le pays de parents immigrés parmi la population peu qualifiée s’explique en partie par l’origine des parents. Les parents immigrés originaires de pays extérieurs à l’UE/AELE ont en moyenne moins d’années de scolarisation que les parents nés dans le pays(OCDE/Union européenne, 2015). Étant donné le degré de transmission intergénérationnelle de l’éducation, les individus nés dans le pays de parents immigrés devraient également avoir été scolarisés moins longtemps que leurs homologues nés de parents eux-mêmes nés dans le pays. Toutefois, leur surreprésentation parmi la population peu qualifiée varie considérablement d’un pays à l’autre. Cette réalité découle principalement du fait que les pays se distinguent de par leur histoire migratoire et, partant, de par la proportion d’immigrés peu qualifiés originaires de pays extérieurs à l’UE dans leur population.
Niveau de formation intermédiaire et élevé
Dans la plupart des nations de l’UE, les individus nés dans le pays de parents immigrés sont sous-représentés dans l’enseignement supérieur, ce qui fait pendant à leur surreprésentation aux niveaux inférieurs. Comme le montre le graphique 3.1, les enfants de parents nés dans le pays sont plus nombreux à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur que les étudiants nés dans le pays de parents immigrés. Font exception le Royaume-Uni et les États baltes où, par comparaison avec les enfants de parents nés dans le pays, ceux nés dans le pays de parents immigrés sont soit légèrement surreprésentés (Royaume-Uni), soit représentés à parts égales (pays baltes) parmi les personnes ayant une formation supérieure.
Dans 16 des 21 nations, les individus nés dans le pays de parents immigrés ont moins tendance à avoir fait des études supérieures que les enfants de parents nés dans le pays. Les résultats sont très différents dans chaque nation. C’est en Autriche, en Belgique et en Suisse que l’on observe les plus grandes disparités : près de 30 % des individus nés dans ces pays de parents nés dans le pays sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre moins de 15 % des individus nés dans le pays de parents immigrés. Dans d’autres pays d’Europe occidentale, cet écart est un peu plus modeste. Par exemple, en France, aux Pays-Bas et en Suède, environ 35 % des enfants de parents nés dans le pays sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 25 % des individus nés dans le pays de parents immigrés. Dans les 21 pays analysés, la moyenne pondérée par la population de ceux qui atteignent un niveau de formation élevé est de 21 % chez les individus nés dans le pays de parents immigrés et de 29 % chez ceux nés de parents nés dans le pays. Au Royaume-Uni, les individus nés dans le pays de parents immigrés sont, en moyenne, plus nombreux que ceux nés de parents nés dans le pays à avoir suivi des études universitaires, à raison de 35 % et 28 % respectivement. Dans les pays baltes, les personnes nées dans le pays nés de parents immigrés sont proportionnellement représentées parmi les personnes très qualifiées.
La part d’individus possédant un niveau de formation intermédiaire (qui ont achevé l’enseignement secondaire ou obtenu un diplôme d’études supérieures courtes) varie également en fonction du pays et de l’origine migratoire. En Autriche, en Irlande et au Royaume-Uni, les enfants de parents nés dans le pays ont plus tendance, à raison d’environ 10 points de pourcentage, à posséder un niveau de formation intermédiaire que les individus nés dans le pays de parents immigrés. Ce n’est cependant pas le cas aux Pays-Bas, en Belgique, en France, en Suède et en Suisse, où les deux catégories sont représentées à parts à peu près égales à ce niveau de formation.
Analyse des niveaux de formation : Qui décroche et qui fait des études universitaires ?
Le graphique 3.2 compare les proportions d’individus nés dans le pays de parents immigrés et nés de parents nés dans le pays dans le pourcentage de la population qui a) arrête les études tôt, et b) obtient un diplôme universitaire. Les différences sont mesurées selon un modèle économétrique qui tient compte du sexe et de l’âge. On constate que les enfants dont les parents sont nés dans l’EEE ont des niveaux de formation pratiquement identiques à ceux nés de parents nés dans le pays; les résultats qui les concernent ne sont donc pas présentés ici. Deux constats principaux se dégagent des résultats présentés dans le graphique 3.2. Le premier : les individus nés dans le pays de parents immigrés ont, en moyenne, plus tendance à avoir des parcours scolaires courts. Par voie de conséquence, ils ont moins tendance à décrocher un diplôme universitaire. Le second : les proportions d’individus peu qualifiés et très qualifiés varient considérablement d’un pays à l’autre.
En Autriche, les individus nés dans le pays de parents immigrés ont plus tendance à arrêter leurs études tôt, à raison de 20 points de pourcentage (axe horizontal) et sont généralement moins nombreux à être titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur (axe vertical). Au Royaume-Uni, ils ont légèrement moins tendance que leurs pairs nés de parents nés dans le pays à arrêter leurs études tôt (-5 %), et sont plus nombreux d’environ 8 % à décrocher un diplôme de l’enseignement supérieur. Les différences entre les pays, présentées dans le graphique 3.2, sont bien illustrées par la comparaison entre la Norvège et la Suisse. Dans les deux cas, le pourcentage d’individus nés dans le pays de parents immigrés qui arrêtent les études tôt dépasse d’environ 12 points celui des enfants de parents nés dans le pays. Des différences apparaissent cependant en ce qui concerne l’enseignement supérieur. En Norvège, la probabilité d’obtention d’un diplôme universitaire est plus forte de 10 % chez les enfants de parents nés dans le pays que chez ceux nés dans le pays de parents immigrés, tandis qu’en Suisse cette différence est de 22 points de pourcentage.
Les résultats présentés par le graphique 3.2 ne tiennent cependant pas compte de l’éducation des parents. Si la plus grande partie de l’écart de résultats s’explique par le milieu socio-économique, la prise en compte de ce facteur devrait, logiquement, estomper les différences. Le graphique 3.3 rend compte des résultats tirés du même modèle et ajoute le niveau d’études des parents à l’estimation.
Après prise en compte de la formation des parents, on observe avant tout un glissement des pays vers le carré supérieur gauche du graphique 3.3, par comparaison avec le graphique 3.2. L’écart de résultats observé est ainsi réduit. Les individus nés de parents immigrés sont moins surreprésentés parmi la population peu qualifiée et proportionnellement moins sous-représentés parmi la population très qualifiée. De plus, leurs résultats scolaires cessent d’être nettement inférieurs dans six des dix pays où cela était le cas.
La prise en compte du niveau d’études des parents réduit très fortement l’écart de résultats. En France et en Suède, les enfants d’immigrés ne se distinguent plus de manière significative des enfants de parents nés dans le pays par leur niveau de formation. En Suisse, s’agissant de la part de la cohorte qui arrête ses études tôt, la différence est réduite de 13 à moins de 3 points de pourcentage. Cette réduction est encore plus importante en Belgique (de 17 à 4 points de pourcentage).
La transmission intergénérationnelle de l’éducation : les écarts de formation se résorbent-ils ?
Cette section s’intéresse à la transmission intergénérationnelle de l’éducation, et cherche à déterminer si l’écart de niveaux de formation s’est réduit ces dernières années. Mesurer cette évolution pose toutefois quelques problèmes méthodologiques. L’âge d’arrêt des études peut être différent d’une cohorte à la suivante. Étant donné l’augmentation générale du niveau de formation, les parents de chaque nouvelle cohorte devraient avoir un niveau d’instruction supérieur à celui des parents de la cohorte précédente. Cela n’est toutefois pas toujours le cas pour les parents immigrés, à l’inverse des parents nés dans le pays, car, par exemple, les pays d’origine changent avec le temps. La comparaison de deux cohortes différentes d’individus nés dans le pays de parents immigrés est ainsi compliquée, rendant à son tour plus difficile d’évaluer leur évolution par rapport à celle des individus nés dans le pays de parents nés dans le pays. (L’Annexe 3.A présente trois méthodologies différentes pour évaluer l’évolution de l’écart de niveau de formation et la transmission intergénérationnelle de l’éducation.)
L’évolution de l’écart de niveau de formation entre les parents et leurs enfants
L’écart de niveau de formation entre les parents et l’enfant adulte est mesuré par rapport aux parents des personnes interrogées, de manière à avoir un lien direct. Comme l’explique l’encadré méthodologique à l’Annexe 3.A, chaque personne participant à l’EFT-UE doit indiquer le niveau de formation de ses deux parents. L’évolution d’une génération à l’autre est mesurée en soustrayant le plus haut niveau de formation des deux parents du niveau de formation de la personne interrogée. La formation des personnes interrogées et de leurs parents est mesurée selon l’échelle à trois niveaux de la CITE. L’évolution est évaluée indépendamment pour chaque catégorie migratoire, en se basant sur le groupe des 20-35 ans de l’UE-EFT 2014.
Un premier constat se dégage clairement du graphique 3.4 : dans la plupart des pays, les progrès par rapport au niveau de formation des parents sont beaucoup plus rapides pour les individus nés dans le pays de parents immigrés que pour ceux nés de parents nés dans le pays. Le graphique indique le rapprochement des niveaux de formation des deux groupes, en particulier dans les pays comptant une part importante d’individus nés de parents immigrés. Ces derniers atteignent un niveau de formation bien plus élevé que celui de leurs parents et, bien qu’il en soit de même pour les enfants de parents nés dans le pays, la différence par rapport à leurs parents est moins prononcée. Si cette réalité s’explique en partie par le fait que les parents nés dans le pays ont déjà, en moyenne un niveau de formation élevé, elle n’en témoigne pas moins d’une réduction de l’écart entre une génération et la suivante.
En France, par exemple, les individus nés dans le pays de parents immigrés font environ deux années d’études de plus que leurs parents. Ceux nés de parents nés dans le pays sont scolarisés 1.4 année de plus que leurs parents. En conséquence, compte tenu du fait que les parents immigrés ont été scolarisés moins longtemps, le niveau de formation de leurs enfants se rapproche de celui des individus nés dans le pays de parents nés dans le pays.
S’agissant des 18 nations analysées dans le graphique 3.4, la moyenne pondérée par la population indique que les individus nés dans le pays de parents immigrés sont scolarisés en moyenne 1.3 année de plus que leurs parents, contre 0.7 année pour les enfants de parents nés dans le pays. La différence de niveau de formation entre les parents nés dans le payset les parents immigrés est à peu près de 1.24 année de scolarisation, tandis que la différence entre les enfants d’immigrés et les enfants de parents nés dans le pays est d’environ 0.68 année. On peut en déduire que l’écart de formation au sein de la cohorte des enfants est plus réduit que celui observé chez leurs parents. Il a pratiquement diminué de moitié en une génération. Pour résumer, on constate un rapprochement sans équivoque des niveaux de formation des individus nés dans le pays de parents immigrés et de ceux nés de parents nés dans le pays. L’augmentation du nombre d’années de scolarisation, par rapport aux parents, est plus rapide chez les enfants d’immigrés.
Les individus nés dans le pays de parents immigrés sont-ils désavantagés ?
Cette sous-section vise à savoir si les individus nés dans le pays de parents immigrés sont désavantagés eu égard au niveau de formation, après prise en compte de l’éducation des parents, et s’il existe une différence de transmission intergénérationnelle de l’éducation entre eux et les enfants de parents nés dans le pays. Le tableau 3.1 présente les résultats d’une analyse de régression axée sur le niveau de formation atteint1. La première colonne du tableau correspond au modèle de base : le niveau de formation est expliqué par catégorie migratoire, en tenant compte de caractéristiques individuelles. Les résultats indiquent que les individus nés dans le pays de parents immigrés ont en moyenne une demi-année de scolarité de moins que les enfants de parents nés dans le pays.
La deuxième colonne correspond à un modèle qui tient compte du plus haut niveau de formation atteint par les parents, ce qui réduit l’écart de formation initial de 0.54 à 0.17 années de scolarité. Les deux tiers de l’écart de formation entre les individus nés dans le pays de parents immigrés et ceux nés de parents nés dans le pays s’effacent lorsque l’on tient compte du fait que, en moyenne, les parents des premiers ont été scolarisés moins longtemps. La colonne 2 mesure la transmission intergénérationnelle de l’éducation et fait apparaître une corrélation de 0.25 entre l’éducation des parents et celle des enfants. Cette transmission intergénérationnelle de l’éducation signifie qu’à chaque année supplémentaire de scolarisation des parents correspondent en moyenne 0.25 année de scolarisation supplémentaire des enfants. Autrement dit, l’enfant d’une personne titulaire d’un diplôme universitaire (par opposition à une personne titulaire d’un diplôme de fin d’études secondaires) est scolarisé en moyenne une année de plus que l’enfant d’une personne titulaire uniquement d’un diplôme de l’enseignement secondaire.
Le modèle présenté dans la colonne 2 suppose toutefois un degré égal de transmission intergénérationnelle pour les personnes nées dans le pays et les immigrés. Le modèle suivant, présenté dans la colonne 3, tempère cette hypothèse. Il permet à ce coefficient de varier suivant les catégories migratoires, ce qui s’avère extrêmement utile pour évaluer la mobilité intergénérationnelle. Lorsque l’on tient compte du fait que l’éducation des parents peut avoir des effets différents pour les personnes nées dans le pays et les immigrés, les individus nés dans le pays de parents immigrés ne sont plus désavantagés par rapport à leurs homologues nés dans le pays. En fait, ils les dépassent lorsque la transmission intergénérationnelle de l’éducation varie suivant la catégorie migratoire. La corrélation de 0.25 entre l’éducation des parents et celle des enfants chez les personnes nées dans le pays est beaucoup moins élevée chez les immigrés : de 0.12 point comme l’indique l’interaction. La corrélation entre le niveau de formation atteint par les immigrés et celui de leurs enfants est donc moins forte que dans le cas des personnes nées dans le pays. Pour déterminer si les résultats sont influencés par le Royaume-Uni, une analyse distincte a été réalisée en excluant le Royaume-Uni de l’échantillon. La régression donne des résultats similaires.
Les résultats des régressions présentées dans le tableau 3.1 montrent ainsi clairement que les individus nés dans le pays de parents immigrés sont moins désavantagés eu égard à leur scolarisation si l’on tient compte du niveau de formation de leurs parents. La transmission intergénérationnelle de l’éducation est plus forte pour les enfants de parents nés dans le pays, ce qui donne un avantage aux enfants nés dans le pays de parents immigrés. Les enfants d’immigrés ont un niveau de formation qui se rapproche de celui de leurs pairs nés de parents nés dans le pays.
La transmission intergénérationnelle de l’éducation n’est pas toujours la même pour tous les niveaux de formation des parents. Le tableau 3.1 donne les résultats moyens pour les trois niveaux de formation des parents (élevé, intermédiaire et faible) et ne tient pas compte de l’analyse des tendances de mobilité par niveau de formation des parents. Étant donné la surreprésentation des parents immigrés au bas de l’échelle de distribution des niveaux de formation, cependant, il importe d’analyser la mobilité éducative de ce groupe en particulier, et de la comparer aux tendances de mobilité des parents nés dans le pays possédant eux aussi un niveau d’instruction faible. Autrement dit, cette section cherche principalement à savoir si les possibilités d’enseignement diffèrent selon l’origine migratoire des parents, sachant que le niveau de formation de tous les groupes de parents considérés est faible. Quelle est la probabilité d’un niveau de formation intermédiaire ou supérieur pour un individu dont les parents sont peu qualifiés et nés en dehors de l’Union européenne, par rapport à quelqu’un dont les parents sont nés dans le pays et sont eux aussi peu qualifiés ? Par ailleurs, en tenant compte de l’éducation des parents, les individus choisissent-ils des filières différentes, c’est-à-dire universitaires ou professionnelles/techniques ?
Les résultats donnés dans le tableau indiquent que les individus nés dans le pays de parents peu qualifiés originaires de l’extérieur de l’Union européenne ont une probabilité inférieure de 5 points de pourcentage d’atteindre un niveau de formation intermédiaire ou supérieur, par rapport aux individus nés de parents nés dans le payseux aussi peu qualifiés. Il est intéressant de noter que l’analyse de la plus jeune cohorte (moins de 40 ans) révèle encore une « pénalité ethnique » (Heath, 2006) ; le fait qu’elle soit beaucoup plus faible laisse toutefois entendre que l’écart se résorbe avec le temps.
L’analyse du choix de filière d’études supérieures (professionnelle ou générale) indique que la probabilité d’études universitaires est inférieure de 4 points de pourcentage pour les enfants nés dans le pays de parents originaires de l’extérieur de l’UE, même après prise en compte de l’éducation des parents (tableau 3.2, colonne 3). Les résultats des individus nés dans le pays de parents originaires l’UE ne révèlent pas d’effets significatifs.
Les résultats du PISA selon l’origine migratoire
La section précédente a montré que les individus nés dans le pays de parents immigrés atteignaient en moyenne des niveaux de formation moins élevés que ceux nés de parents nés dans le pays, encore que ce handicap soit fortement réduit après prise en compte du niveau d’instruction des parents. Cette section s’intéresse aux résultats scolaires en s’appuyant principalement sur les résultats du PISA. (L’Annexe 3.B résume la documentation portant sur l’utilité des résultats du PISA pour prévoir le niveau de formation futur des élèves nés dans le pays de parents immigrés.) L’objectif premier est de comprendre si les résultats aux tests PISA d’un groupe donné d’élèves nés dans le pays sont plus ou moins influencés par le niveau d’éducation de leurs parents. Autrement dit, cette section analyse l’influence du niveau de formation des parents sur les résultats aux tests PISA de différents groupes d’élèves nés dans le pays.
Le graphique 3.5 présente les résultats obtenus aux tests PISA de mathématiques selon l’origine des parents. Dans presque tous les pays, les résultats des élèves nés dans le pays de parents immigrés sont inférieurs à ceux d’autres élèves nés dans le pays de parents nés dans le pays. On constate que les résultats des élèves issus de l’immigration diffèrent considérablement d’un pays à l’autre.
Le graphique 3.6 indique l’écart moyen de milieu socio-économique entre les personnes nées dans le pays et les immigrés, et montre son rapport avec les écarts de résultats en mathématiques et à d’autres tests. Comme indiqué dans OCDE (2015), « près de 25 % des écarts de résultats aux tests entre les pays s’expliquent par des différences de niveau de formation atteint par la mère [entre les immigrés et les personnes nées dans le pays]. » On constate que les écarts de résultats du PISA sont plus prononcés dans les pays où le décalage socio-économique entre les personnes nées dans le payset les immigrés est plus important. Les plus grands écarts de résultats observés dans les pays d’Europe occidentale comptant de nombreux individus nés dans le pays de parents immigrés, tels que la Belgique, l’Allemagne et la France, s’expliquent en partie par d’importantes inégalités socio-économiques dans ces pays.
Dans quelle mesure le niveau de formation élevé des parents explique-t-il les résultats des enfants aux tests PISA ?
Plus le niveau de formation des parents est élevé, meilleurs sont les résultats de leurs enfants aux tests PISA. Les immigrés étant scolarisés moins longtemps en moyenne que les personnes nées dans le pays, au moins une partie des écarts de résultats de leurs enfants est imputable à cette différence. Toutefois, la capacité des parents instruits à transmettre cet avantage à leurs enfants est variable d’un pays à l’autre. Dans certains, les résultats aux tests sont moins déterminés par le bagage des parents. Cette sous-section étudie dans quelle mesure l’éducation des parents influe sur les résultats de leurs enfants aux tests, ainsi que les différences entre les pays et par origine migratoire.
Pour mieux illustrer le lien entre l’éducation des parents et les résultats des enfants aux tests, le graphique 3.7 montre les différences de notes obtenues en mathématiques par les élèves nés dans le pays de parents nés dans le payset ceux nés de parents immigrés, avant et après prise en compte du niveau de formation de la mère. En moyenne, l’écart initial de 47 points est réduit à 30 points lorsque l’on tient compte du niveau d’études de la mère et du milieu socio-économique général des familles des enfants. Le milieu socio-économique est mesuré par l’enquête PISA et prend en compte l’éducation des parents, mais aussi leur profession, la présence ou non de livres à la maison, entre autres indicateurs. L’influence du milieu socio-économique des parents sur les résultats de leurs enfants aux tests est extrêmement variable d’un pays à l’autre. L’effet de l’éducation de la mère sur les résultats des élèves aux tests est de l’ordre de 20 points en Suède, mais de presque 35 en France. Aux Pays-Bas, l’enfant d’une diplômée universitaire n’a en moyenne que 12 points d’avance en mathématiques sur celui d’une diplômée de l’enseignement secondaire. Ce décalage est beaucoup plus élevé dans d’autres pays : il excède les 30 points en Belgique, en France et au Royaume-Uni.
Toutefois, le lien entre l’éducation de la mère et les résultats aux tests diffère selon que les individus nés dans le pays sont issus ou non de l’immigration. Le lien entre le niveau d’études de la mère et les résultats des enfants aux tests est également examiné sous l’angle de l’origine migratoire dans le graphique 3.8. Ce graphique, qui analyse les pays de l’EEE, représente les moyennes obtenues aux tests par niveau d’éducation de la mère, pour des enfants de différentes origines migratoires. La principale conclusion qui s’en dégage est que le lien entre les résultats aux tests et le niveau d’études de la mère est beaucoup plus marqué chez les élèves nés dans le pays de parents nés dans le paysque chez ceux nés de parents originaires de l’extérieur de l’UE. Les résultats aux tests des individus nés dans le pays de parents immigrés s’améliorent moins avec le niveau d’études de leur mère que ceux des autres catégories migratoires. Ce constat est très semblable à celui dégagé dans Bratsberg (2011), où le lien entre les résultats obtenus aux tests et le niveau d’études des parents est beaucoup plus prononcé chez les enfants de parents nés dans le pays qu’il ne l’est chez les enfants d’immigrés.
Cette transmission intergénérationnelle de l’éducation est analysée plus avant par la modélisation économétrique des résultats aux tests (Cf. tableau 3.3) dans 28 pays de l’EEE. Les résultats font tout d’abord l’objet d’une régression sur les catégories d’immigration et les caractéristiques individuelles. Selon le tableau 3.3, le faible niveau de formation de la mère immigrée explique presque un tiers de l’écart de résultats aux tests entre les enfants de parents nés dans le pays et les enfants d’immigrés (colonne 2).
La première colonne du tableau 3.3 compare les résultats obtenus par des enfants de personnes nées dans le pays avec ceux d’enfants dont un ou les deux parents sont d’origine étrangère. Les enfants nés dans le pays de parents immigrés obtiennent des résultats inférieurs de 47 points en moyenne à ceux des élèves nés dans le pays de parents nés dans le paysou originaires de l’UE. Les colonnes 2 et 4 ajoutent le niveau d’études de la mère et un indice du milieu socio-économique. Après prise en compte du niveau d’études des parents, l’écart observé chez les enfants nés dans le pays de parents immigrés est réduit, passant des 47 points initialement observés à environ 36 points. Il apparaît qu’un niveau d’études plus élevé des parents a un effet positif sur les résultats aux tests, indépendamment de la spécification choisie. L’hypothèse implicite dans les colonnes 2 et 4, toutefois, est que l’effet de l’éducation des parents est le même, qu’ils soient nés dans le pays ou immigrés.
La colonne 3 tempère cette supposition et vérifie si la transmission intergénérationnelle de l’éducation est différente selon l’origine migratoire. Elle introduit pour cela un terme d’interaction entre l’origine migratoire et l’éducation de la mère. L’écart de résultats entre les enfants nés dans le pays de parents immigrés et les enfants de parents nés dans le pays se réduit encore, passant à seulement 16 points. L’interaction est négative et significative, laissant entendre que l’éducation parentale a moins d’effet sur les résultats des enfants lorsque les parents sont nés à l’étranger. Le même constat s’impose pour les résultats aux tests de compréhension de l’écrit et de sciences.
La résilience des enfants
Les enfants qui obtiennent de bons résultats scolaires malgré leur appartenance à un milieu défavorisé sont souvent qualifiés de « résilients » – ils ont réussi contre toute attente. Cette sous-section compare la probabilité de résilience des enfants en fonction des origines migratoires et des pays. Les enfants sont dits résilients lorsque leurs résultats aux tests se situent dans le quart supérieur pour le pays, alors qu’ils sont issus de ménages appartenant au quart inférieur de l’indice socio-économique. L’indice prend en compte l’éducation des parents, le revenu et d’autres caractéristiques du ménage.
Les taux de résilience sont très variables suivant le pays et l’origine migratoire. Les enfants nés dans le pays de parents originaires de l’extérieur de l’EEE ont environ deux fois moins de chances de surmonter les obstacles liés à l’origine socio-économique modeste de leurs parents que les enfants de parents nés dans le pays. En moyenne dans les pays de l’EEE considérés, un enfant issu d’un ménage situé dans le quintile inférieur de l’indice socio-économique de son pays a une chance ce résilience de 13 % (OCDE, 2015a). La différence de résilience entre les enfants nés dans le pays de parents nés dans le pays et ceux dont les parents sont originaires de l’extérieur de l’UE est aussi très variable d’un pays à l’autre. Le taux moyen de résilience, lorsqu’il est pondéré par la population, est de 8 % chez les enfants nés dans le pays de parents immigrés et de 14 % chez ceux dont les parents sont des personnes nées dans le pays ou originaires de l’UE. En Suisse, au Royaume-Uni et en Norvège, la résilience est observée chez 12 % des individus nés dans le pays de parents immigrés, mais chez plus de 20 % des enfants dont les parents sont des personnes nées dans le pays ou originaires de l’UE. À l’inverse, les enfants nés dans le pays de parents immigrés affichent des taux de résilience très bas en France, en Belgique et en Allemagne (moins de 7 %), tandis que la résilience des enfants de personnes nées dans le pays est d’environ 12 %.
Le tableau 3.4 présente les résultats d’un modèle qui étudie les caractéristiques en corrélation avec la résilience. Dans un souci de plus grande comparabilité entre les enfants de parents nés dans le pays et les enfants d’immigrés, ainsi que pour éviter de s’appuyer sur les compétences en langue, seuls les résultats en mathématiques sont pris en compte. Le groupe de référence est celui des individus nés dans le pays de parents nés dans le paysou originaires de l’UE. Par rapport à ce groupe, les chances de résilience des enfants nés dans le pays de parents immigrés sont inférieures en moyenne de 2.6 points, comme en témoigne la colonne 1. Cet écart de taux de résilience change relativement peu lorsque les caractéristiques des enseignants et de l’établissement scolaire sont incluses (colonnes 2 et 3). Les systèmes scolaires qui produisent des enfants plus résilients pour les personnes nées dans le paysaugmentent également la probabilité de résilience des enfants d’immigrés. Dans les pays où les enfants de parents nés dans le pays défavorisés ont tendance à être plus résilients, les enfants d’immigrés obtiennent eux aussi de meilleurs résultats. Les enfants d’immigrés semblent être plus résilients dans les pays où les enfants de parents nés dans le pays sont résilients.
Autres facteurs liés aux résultats scolaires
Les résultats inférieurs obtenus aux tests par les élèves nés dans le pays de parents immigrés par rapport à leurs homologues sont dus à de nombreux facteurs différents. Ceux liés au milieu socio-économique des parents ont été abordés dans la section précédente. Le tableau 3.3 indiquait que le bagage éducatif des parents compte pour environ un tiers de l’écart entre les enfants d’immigrés et les enfants de parents nés dans le pays, et qu’il est la variable explicative la plus importante des résultats d’un enfant aux tests. Toutefois, même après prise en compte du niveau de formation des parents ou de leur situation socio-économique, un écart de résultats persiste. Il semble que d’autres facteurs entrent en jeu dans le décalage entre les différents groupes de personnes nées dans le pays. Cette sous-section couvre ceux qui sont moins liés aux parents et davantage à l’environnement scolaire. Deux dimensions différentes sont traitées : les caractéristiques de l’établissement scolaire (enseignants, règles, indépendance, relation entre les parents et l’établissement, environnement disciplinaire) et celles des camarades de classe.
Caractéristiques de l’établissement scolaire
Il a été démontré que la fréquentation d’un établissement scolaire ou préscolaire de qualité, par comparaison à l’absence de préscolarisation, améliorait les résultats des enfants dont les parents sont peu qualifiés. Cunha et Heckman (2010) ont examiné l’ensemble de données tirées de différents programmes randomisés, comme le Perry Preschool Program aux États-Unis. Leurs résultats montrent que la préscolarisation améliore significativement les résultats des enfants, et en particulier leurs compétences non cognitives. Les caractéristiques du système scolaire – le degré d’autonomie des établissements, la qualité des enseignants et leur aptitude à enseigner aux enfants d’immigrés – pourraient être liées aux faibles résultats observés chez les enfants d’immigrés.
Caractéristiques des camarades de classe et concentration du handicap socio-économique
Les résultats relativement faibles des élèves ayant des parents immigrés pourraient également être le produit de handicaps accumulés lorsque les familles immigrées s’installent dans des quartiers modestes et inscrivent leurs enfants dans des établissements scolaires accueillant une part importante d’élèves défavorisés. Toutefois, les publications économiques sur l’influence des camarades de classe indiquent que le handicap socio-économique a une incidence beaucoup plus forte sur les résultats scolaires que la concentration d’élèves nés de parents immigrés. Les enseignements tirés des établissements scolaires sur les moyens de surmonter les difficultés des élèves issus de milieux défavorisés sont exposés à l’Annexe 3.C.
Les publications économiques qui étudient cette influence des camarades de classe ont démontré ce phénomène à deux niveaux : celui de la classe et celui du quartier. Au niveau de la classe, on constate que les élèves exposés à la violence domestique ont une influence considérable sur les résultats de leurs camarades aux tests (Carrell, Hoekstrat et Kuka, 2016), mais pèsent aussi sur d’autres résultats à long terme, comme le revenu du travail, des années plus tard. Carrell et Hoekstra (2016) observent en outre des incidences des problèmes de comportement à l’école. Black, Devereux et Salvanes (2013) constatent que les garçons (mais pas les filles) bénéficient de la fréquentation de camarades issus de familles à revenu élevé : ils ont moins tendance à décrocher, obtiennent de meilleurs résultats scolaires et gagnent mieux leur vie à l’âge adulte. Au niveau du quartier, les familles modestes qui déménagent dans des quartiers plus aisés bénéficient elles aussi, pour leurs enfants, de meilleurs résultats scolaires, d’une probabilité moindre de décrochage, et de revenus accrus plus tard dans la vie (Chetty et Hendren, 2015).
En soi, la concentration d’élèves ayant des parents immigrés dans certains établissements scolaires n’a pas d’incidence négative sur les résultats scolaires. La « ségrégation scolaire » est particulièrement prononcée en Norvège, au Danemark, au Canada, en Italie et en Grèce, où 70 % à 80 % des élèves nés de parents immigrés, dans le pays ou à l’étranger, fréquentent des établissements où au moins la moitié de l’effectif est aussi issue de l’immigration (OCDE, 2015a). On constate une influence négative des élèves dont les parents sont peu instruits, mais pas plus particulièrement des enfants d’immigrés.
D’après le graphique 3.9, les performances moindres des élèves d’établissements à effectif pluriel s’expliquent plus par le handicap socio-économique que par l’origine migratoire. Le graphique montre en effet que, dans la plupart des pays, les élèves qui fréquentent des établissements scolaires accueillant une forte proportion d’enfants nés dans le pays de parents immigrés (définie ici comme supérieure à 25 % de l’effectif total d’un établissement) obtiennent des résultats moins satisfaisants que ceux des établissements à faible proportion d’élèves nés dans le pays de parents immigrés. Ces écarts se resserrent toutefois considérablement lorsque le milieu socio-économique des élèves est pris en compte.
Le graphique 3.9 indique que le handicap socio-économique a une influence beaucoup plus forte sur les résultats scolaires que la concentration d’élèves nés de parents immigrés. Par exemple, en Allemagne, en Italie, en Slovénie et aux Pays-Bas, les élèves des établissements à forte concentration d’immigrés obtiennent des résultats inférieurs de 50 points environ à la moyenne. Ces écarts de résultats disparaissent cependant quand la situation socio-économique des parents est prise en compte. Au Danemark, les élèves obtiennent même de meilleurs résultats dans les établissements qui accueillent des effectifs élevés d’élèves issus de l’immigration, une fois prise en compte la situation socio-économique. En moyenne, les écarts de résultats diminuent de 18 à 5 points. Bien que diminuées de moitié environ en Grèce et en Belgique, ces différences restent importantes. En Finlande, au Portugal et en Estonie, les écarts initiaux sont légèrement moindres et sont en fait peu influencés par la situation socio-économique.
Des études par pays tendent aussi à confirmer que la forte concentration d’enfants d’immigrés dans les établissements scolaires ne leur est pas nécessairement préjudiciable. Birkelund et Hermansen (2015) ont examiné les retombées à long terme de l’enseignement en Norvège, à l’aide de données de registre portant sur plus de 750 établissements scolaires. Ils ont observé que les élèves des cohortes comptant davantage d’individus issus de l’immigration avaient même plus de chances d’achever le deuxième cycle du secondaire que les autres, l’effet étant plus marqué chez les enfants d’immigrés. Ce phénomène s’expliquerait principalement par la présence de camarades de classe immigrés originaires de régions très performantes, sans que soient observés d’effets négatifs de la présence d’élèves dont les parents sont originaires de régions peu performantes.
Maîtrise de la langue
La maîtrise de la langue est une autre variable explicative des résultats scolaires. Elle prévoit les résultats non seulement des élèves de 15 ans aux tests PISA, mais aussi des élèves du primaire. Schnepf (2007) a examiné comment les compétences en langue expliquaient l’écart de performance entre les enfants nés dans le pays de parents immigrés et leurs camarades nés de parents nés dans le pays. Pour son analyse, elle s’est appuyée sur trois sources de résultats (PISA, TIMSS et PIRLS) et s’est intéressée à 10 pays de l’OCDE. Ses conclusions montrent que lorsque l’on tient compte de la langue parlée à la maison, une partie de l’écart disparaît, même après prise en compte du milieu socio-économique et de l’origine migratoire des enfants. Ce résultat est également confirmé par Levels, Dronkers et Kraaykamp (2008).
L’exposition précoce à la langue du pays d’accueil est extrêmement importante pour la réussite scolaire des enfants. Elle est un indicateur étonnamment fiable des résultats des enfants d’immigrés. Les enfants qui sont arrivés très jeunes dans le pays d’accueil, et qui ont bénéficié d’une exposition précoce à la langue, obtiennent de meilleurs résultats que ceux qui sont arrivés entre 6 et 11 ans, lesquels sont à leur tour plus performants que les enfants arrivés plus tardivement (OCDE, 2015). L’inscription dans un établissement d’enseignement préscolaire, entre 0 et 3 ans, contribuerait aussi à améliorer les compétences en langue des enfants nés dans le pays de parents immigrés, indépendamment de la langue parlée à la maison.
Nombreux sont les élèves issus de l’immigration à parler essentiellement une langue différente à la maison. Dans les pays de l’UE-15, environ 40 % des enfants nés de parents immigrés parlent une langue étrangère chez eux, bien que ce pourcentage varie considérablement selon les pays. Au Royaume-Uni et en Irlande, moins de 25 % des enfants nés dans le pays de parents immigrés parlent une langue étrangère à la maison. En France et en Allemagne, cette proportion s’élève à près d’un tiers. Au Danemark, en Suède, en Suisse et en Belgique, près de la moitié des enfants nés dans le pays de parents immigrés parlent une langue étrangère chez eux. Une fois prise en compte la langue parlée à la maison, l’écart de résultats est à nouveau réduit. Comme le montre le tableau 3.5, les enfants d’immigrés obtiennent en moyenne 48 points de moins aux tests PISA que les enfants de parents nés dans le pays. La prise en compte du niveau d’instruction des parents réduit l’écart de performance d’un tiers, lequel s’établit à environ 36 points. Il diminue encore lorsque l’on tient compte de la langue parlée à la maison (colonne 4), jusqu’à devenir négligeable.
Les compétences des adultes dans le PIAAC
Les compétences utilisées dans la vie de tous les jours et au travail sont un facteur important d’inclusion sur le marché du travail et de productivité ; elles ont une influence directe sur la vie de chacun. De précédents travaux de recherche ont montré que le niveau de formation était une variable représentative imparfaite des compétences, en particulier pour les immigrés ayant fait leurs études à l’étranger (OCDE, 2016). Par conséquent, lorsque le niveau d’études des immigrés est pris en compte, leurs compétences risquent d’être surestimées. Il ressort de cette constatation que la prise en compte du niveau de formation des parents surestime celui des enfants nés dans le pays de parents immigrés. Il en ressort en outre que le « rendement » moindre du niveau de formation des parents observé pourrait s’expliquer par leurs compétences plus limitées. Il se pourrait que les parents immigrés soient tout aussi capables que les parents nés dans le paysde transmettre du capital humain.
Les paragraphes qui suivent comparent les compétences en calcul, en compréhension de l’écrit et en résolution de problèmes des adultes nés dans le pays de parents nés dans le payset de ceux dont les parents sont nés à l’étranger, en s’appuyant sur les données du PIAAC. Les données étant limitées, aucune distinction n’est opérée entre les parents nés dans l’UE et ceux nés en dehors de l’UE.
Dans les pays d’Europe occidentale, les compétences des adultes en calcul et en résolution de problèmes sont plus limitées chez les individus nés dans le pays de parents immigrés que chez ceux nés de parents nés dans le pays. Le graphique 3.10 montre que parmi les individus nés dans le pays, quel que soit leur niveau de formation, ceux qui ont des parents nés dans le pays obtiennent de meilleurs résultats que ceux dont les deux parents sont nés à l’étranger. L’écart de résultats s’explique en partie par certaines caractéristiques liées au milieu. Toutefois, lorsque l’on prend en compte l’âge, le sexe, le niveau de formation atteint, le niveau d’instruction des parents et le pays de résidence, les individus nés dans le pays de parents originaires de l’étranger obtiennent des résultats inférieurs à ceux de leurs pairs nés de parents nés dans le pays, comme l’indique le tableau 3.6. Dans le même temps, les résultats des adultes nés dans le pays de parents immigrés aux États-Unis, au Canada et en Australie ne sont pas inférieurs à ceux des autres personnes nées dans le pays, même après la prise en compte de leur niveau d’instruction et de celui de leurs parents, comme le montre le graphique 3.10.
Conclusion
Ce chapitre a étudié la mobilité intergénérationnelle en matière d’éducation dans les pays de l’UE et de l’OCDE. Trois résultats principaux ont été analysés : le niveau de formation atteint, les résultats scolaires d’après les données du PISA, et les compétences des adultes mesurées selon les données du PIAAC de l’OCDE. Le handicap scolaire des enfants d’immigrés est illustré pour les pays européens, mais également comparé avec les pays non européens de l’OCDE.
Dans la plupart des pays européens, les enfants d’immigrés obtiennent de moins bons résultats scolaires que leurs pairs non issus de l’immigration. Les différences varient toutefois considérablement selon les pays. Dans les pays de l’Europe occidentale continentale, les écarts sont particulièrement prononcés, tandis qu’au Royaume-Uni et dans des pays d’accueil comme les États-Unis, le Canada, Israël, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les enfants d’immigrés obtiennent des résultats soit comparables soit supérieurs à ceux des enfants de personnes nées dans le pays. Ce chapitre a illustré ces écarts pour chaque indicateur et pour chaque pays.
Dans la plupart des pays de l’Europe occidentale continentale, les individus nés dans le pays de parents originaires de l’extérieur de l’EEE (nés dans le pays de parents immigrés) sont surreprésentés parmi la population peu qualifiée et sous-représentés parmi la population très qualifiée. Il n’est donc pas vraiment étonnant que l’écart de formation entre leurs enfants et ceux nés dans le pays de parents nés dans le payssoit beaucoup moins marqué par rapport à la génération précédente. Ce constat indique que l’écart de formation se comble d’une génération à l’autre. Dans le même temps, les individus nés dans le pays de parents immigrés, en particulier d’origine non européenne, obtiennent des résultats nettement inférieurs aux tests normalisés comme le PISA. À 15 ans, ils ont en moyenne un an de retard sur leurs pairs de parents nés dans le paysen termes de compétences. Même une fois prise en compte la situation socio-économique de leurs parents, les élèves nés dans le pays de parents immigrés obtiennent de moins bons résultats. Ceux dont les parents nés en dehors de l’EEE ont un plus haut niveau de formation sont eux aussi distancés par les enfants de parents nés dans le pays à niveau d’instruction comparable. En outre, les enfants de parents nés dans le pays ayant un niveau de formation faible ont plus de chances d’obtenir de meilleurs résultats que les enfants d’immigrés ayant eux aussi un niveau de formation faible. Les résultats aux tests indiquent que les enfants d’immigrés ont plus de difficultés à s’orienter et à réussir dans le système éducatif que leurs camarades nés de parents nés dans le pays.
Au Royaume-Uni, en Irlande et dans les pays baltes, ces tendances sont différentes. L’écart de formation dans la génération des parents est plus faible qu’en Europe continentale et les enfants nés dans le pays de parents immigrés surmontent le niveau d’instruction inférieur de leurs parents. Ce groupe atteint les mêmes niveaux de formation que les enfants de parents nés dans le pays, et obtient des résultats comparables aux tests. Dans les pays d’accueil comme le Canada, les États-Unis et l’Australie, cette tendance est encore plus marquée. Si les parents immigrés ont moins de bagage que les personnes nées dans le pays, leurs enfants rattrapent ce retard ; ils font le même nombre d’années d’études que leurs pairs nés de parents nés dans le payset obtiennent les mêmes résultats aux tests.
Pour les individus nés dans un pays donné, le système éducatif est susceptible d’atténuer le handicap socio-économique et sa transmission intergénérationnelle. Des établissements qui fonctionnent bien et sont autonomes, des enseignants de qualité et un soutien ciblé sont autant de facteurs qui contribuent à améliorer l’environnement scolaire (OCDE, 2015). Le niveau de formation atteint est un résultat qu’il importe de prendre en considération, mais les difficultés que rencontrent les élèves issus de milieux défavorisés se posent bien avant la fin des études et risquent d’avoir des conséquences à long terme. En d’autres termes, les pays qui ne parviennent pas à atténuer l’impact de la situation socio-économique pendant et avant la scolarité obligatoire pourraient avoir plus de difficultés à assurer l’égalité des chances pour tous les élèves au moment de leur entrée sur le marché du travail.
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Une première méthode intuitive pour mesurer l’évolution de l’écart de formation repose sur la comparaison temporelle pour une tranche d’âge donnée (par exemple les 25-34 ans). Cette évolution se mesure en deux temps. Il s’agit de mesurer tout d’abord l’écart de formation des 25-34 ans l’année t (par exemple en 2004), puis de mesurer le même écart, toujours parmi les 25-34 ans, mais plus tard, par exemple l’année t+10 (en 2014), pour s’assurer que tous les individus évalués initialement ont quitté la cohorte. Par conséquent, la formule suivante est appliquée pour mesurer l’évolution de l’écart de formation entre une cohorte et la suivante :
Dans la formule ci-dessus, S correspond au nombre moyen d’années de scolarité, l’indice N aux enfants de personnes nées dans le pays et l’indice NIP aux enfants nés dans le pays de parents immigrés. Une autre version de cette première méthode consisterait à mesurer l’écart de formation pour différentes cohortes à un moment donné. Par exemple, l’écart de formation entre les individus nés dans le pays de parents nés dans le payset de parents immigrés dans les tranches d’âge des 18-24 ans, des 25-34 ans et des 35-45 ans. Cette méthode est pour l’essentiel la même que la précédente puisqu’elle compare l’écart entre différentes cohortes. C’est elle qui est appliquée en premier lieu dans le présent chapitre.
Pourtant, la méthodologie choisie est imparfaite, car elle ne tient pas compte des caractéristiques de la cohorte en question. Cas hypothétique : les plus anciennes générations d’immigrés ont un niveau de formation élevé et leurs enfants ont donc eux aussi un niveau de formation élevé, tandis que les générations d’immigrés plus récentes ont un niveau de formation inférieur et leurs enfants ont donc eux aussi un niveau de formation inférieur. Dans ce cas hypothétique, on observera vraisemblablement que l’écart de formation, par rapport aux enfants de personnes nées dans le pays, se creuse. Cet écart grandissant sera principalement dû au fait que l’on compare deux cohortes aux caractéristiques très différentes. Le système éducatif pourrait fort bien être très inclusif, et améliorer son efficacité à réduire les écarts de formation. Cette mesure ne pourra toutefois pas mettre ce facteur en évidence puisque, à la place, elle fera apparaître les différences de caractéristiques des cohortes.
Les estimations seront donc plus éclairantes si l’on prend en compte le niveau de formation des parents. Dans le contexte de la progression du niveau moyen, chaque nouvelle cohorte fait en moyenne plus d’années d’études que ses parents. La question est par conséquent de savoir si les enfants d’immigrés ont dépassé le niveau de formation de leurs parents dans une plus grande mesure que les enfants de parents nés dans le pays. Si les enfants nés dans le pays de parents immigrés font beaucoup plus d’années d’études que leurs parents, tandis que cette progression est plus faible chez les enfants de parents nés dans le pays, cela signifie que l’écart de formation est en train de se combler. Par conséquent, la formule suivante est appliquée pour mesurer cette évolution de l’écart de formation :
Cette deuxième mesure présente deux avantages : elle prend en compte le niveau de formation des parents et nécessite les données d’une seule année puisque celles concernant le niveau de formation des parents et des enfants peuvent être de la même année. L’EFT-UE a recueilli, dans deux modules ad hoc en 2008 et en 2009, des informations sur le niveau de formation atteint par les parents de chaque personne interrogée. L’exploitation des données de l’EFT-UE de 2008 et de 2009 permet donc d’établir un lien entre le niveau de formation des parents et celui des personnes interrogées et fournit cette deuxième mesure de l’évolution de l’écart de formation.
La troisième méthode consiste à adopter une approche économétrique. Une régression du niveau d’instruction prend en compte le niveau d’études des parents et leur origine migratoire. Cette approche peut répondre à la question de savoir si les enfants d’immigrés sont désavantagés en matière de niveau de formation, en maintenant constant le niveau de formation des parents. Non seulement la régression rend compte de la mobilité intergénérationnelle en matière d’éducation, mais elle indique aussi si les enfants d’immigrés sont particulièrement désavantagés (ou avantagés) par rapport aux enfants de personnes nées dans le pays. La régression estimée est donc la suivante :
où Si correspond aux années de scolarité de la personne i. La transmission intergénérationnelle de l’éducation est exprimée par le coefficient β1, tandis que β2 indique si les enfants d’immigrés sont en moyenne moins instruits, après prise en compte du niveau d’instruction des parents. L’interaction entre le niveau d’études des parents et le fait d’avoir des parents immigrés indique si le lien entre le niveau d’instruction des parents et celui des enfants est différent chez les enfants d’immigrés et chez les enfants de parents nés dans le pays. Il n’y a pas de méthode « préférée » ou « meilleure ». Le chapitre applique les trois, chacune révélant un aspect différent de l’évolution de l’écart de formation.
Les résultats du PISA sont généralement considérés comme une évaluation assez précise des compétences des élèves et de leur degré de préparation à la vie active. On dispose cependant de peu de données longitudinales sur la mesure dans laquelle ils permettent d’anticiper les études futures et le devenir professionnel des jeunes issus de l’immigration. L’ensemble de données « Transition from Education to Employment » (TREE) fait figure d’exception. Il porte sur près de 6 000 élèves ayant participé au test PISA en Suisse en 2000 et suit leur passage de la scolarité obligatoire au marché du travail ou à l’enseignement postsecondaire pour sept vagues annuelles jusqu’en 2007, avec deux suivis supplémentaires en 2010 et 2014. TREE non seulement fournit des informations détaillées sur les résultats scolaires et les trajectoires professionnelles, mais enregistre aussi le pays de naissance des personnes interrogées et de leurs parents. Il a été largement utilisé pour étudier le passage de l’école à la vie active des jeunes issus de l’immigration en Suisse, en examinant par exemple l’impact de la discrimination (Becker, Jäpel et Beck, 2013), du sexe (Hadjar et Hupka-Brunner, 2013) et de la formation professionnelle (Murdoch et al., 2014).
Bertschy, Böni et Meyer (2008) observent les résultats scolaires six ans après le test PISA et constatent que, de façon générale, l’aptitude à lire et écrire à l’âge de 15 ans et le milieu socio-économique sont les meilleurs facteurs prédictifs des parcours éducatifs. Un niveau de compréhension de l’écrit faible et une situation socio-économique inférieure augmentent la probabilité de décrochage scolaire par un facteur de 2.8 et 2.7, respectivement. Les jeunes dont le père est originaire des Balkans, de la Turquie ou du Portugal ont trois fois plus de chances (20 %) d’abandonner leurs études postsecondaires, y compris les programmes d’apprentissage, que les jeunes dont le père est né dans le pays (7 %). Toutefois, quand la situation socio-économique et les résultats en compréhension de l’écrit sont pris en compte, le pays de naissance du père devient non significatif. Pour les élèves qui réussissent leur formation professionnelle, ni l’origine migratoire – correspondant ici au fait d’avoir deux parents nés à l’étranger – ni la langue parlée à la maison n’a une influence significative sur la probabilité de trouver un emploi au niveau de qualification approprié (Bertschy, Cattaneo et Wolter, 2009). On observe cependant que les résultats du PISA en compréhension de l’écrit sont un facteur important pour trouver un emploi : les résultats des diplômés employés sont en moyenne supérieurs de 30 points à ceux de leurs pairs au chômage.
Une autre étude constate que les résultats du PISA contribuent largement à expliquer les différences de taux d’inscription à l’université entre les élèves nés en Suisse dont les parents sont nés l’étranger et les élèves suisses nés de parents nés dans le pays(Picot et Hou, 2013). Axée sur les jeunes dont les parents sont originaires de la Turquie, de l’ex-Yougoslavie, du Kosovo et de l’Albanie, l’étude conclut qu’une fois pris en compte les résultats du PISA et le milieu familial, les différences ne sont plus significatives.
De même, s’il apparaît que les enfants nés dans le pays de parents immigrés originaires de pays à faible revenu ont moins de chances (presque -25 %) d’achever des études secondaires de deuxième cycle que les enfants dont les parents sont nés en Suisse, la prise en compte des résultats du PISA rend cette différence non significative (Liebig, Kohls et Krause, 2012). De plus, une fois pris en compte les résultats du PISA et les caractéristiques socio-économiques, les élèves immigrés originaires de pays à faible revenu ont plus de chances (+20 %) d’achever des études secondaires de deuxième cycle que leurs pairs non issus de l’immigration. Cet avantage est particulièrement prononcé chez les jeunes femmes immigrées (35 % contre 11 % de leurs homologues masculins). Toutefois, les enfants d’immigrés originaires de pays à faible revenu risquent aussi beaucoup plus d’être sans emploi et de ne suivre ni études ni formation sept ans après le test PISA. Cette différence est particulièrement marquée chez les hommes et diminue à peine lorsque l’on prend en compte les résultats PISA en compréhension de l’écrit (de 13 % à 12 %). Pour les femmes dont les parents sont originaires de pays à faible revenu, l’écart est toutefois réduit de plus de moitié (de 20 % à 8 %).
Un suivi dix ans plus tard montre que, toutes choses égales par ailleurs, les élèves qui obtiennent des résultats intermédiaires ou élevés au test PISA de compréhension de l’écrit ont beaucoup plus de chances de décrocher un diplôme universitaire (16 % et 18 %) que ceux dont le niveau de compréhension de l’écrit est faible (Scharenberg et al., 2014). En outre, les différences de niveau de formation atteint entre les jeunes dont les parents sont immigrés et ceux dont les parents sont nés dans le pays ne sont plus statistiquement significatives.
Une série de documents récents s’intéresse aux enseignements pouvant être tirés à la fois des pensionnats et des établissements à financement public et à gestion privée qui accueillent des enfants issus de milieux défavorisés ou de minorités aux États-Unis. Deux particularités des établissements à financement public et à gestion privée en font des modèles idéaux de pratiques efficaces pour surmonter les difficultés des élèves issus de milieux défavorisés : leur diversité et leur mode de sélection, fondé sur un système de loterie. Créés à l’origine pour offrir une voie de secours aux élèves d’établissements publics en situation d’échec, ils jouissent d’une liberté relative de choix de méthodes, de programmes et de ressources. Cette liberté a donné lieu à une diversité impressionnante de types d’établissements, qui rend l’évaluation plus intéressante étant donné la multitude de différences par rapport aux établissements publics dont les caractéristiques ne peuvent pas varier autant.
Certains établissements à financement public et à gestion privée sont si prisés que les demandes d’inscription dépassent le nombre de places disponibles et que les élèves sont admis selon un système de loterie. Ces deux caractéristiques – les grandes différences de méthodes d’enseignement et la sélection relativement aléatoire des élèves par loterie – permettent d’évaluer quelles catégories d’établissements parviennent le mieux à améliorer les résultats des élèves à court et à long terme. De nombreux auteurs utilisent les données des loteries d’admission en tant qu’expérience naturelle, et estiment l’effet de causalité de ces établissements sur les résultats des élèves.
Dans une étude récente, Dobbie et Fryer (2013) recueillent des données auprès de 39 établissements à financement public et à gestion privée de la ville de New York et étudient la corrélation entre certaines de leurs caractéristiques et leurs efficacités. Pour mesurer les caractéristiques des établissements, les auteurs interrogent les chefs d’établissements, les enseignants et les élèves et vont jusqu’à enregistrer des cours. L’efficacité des établissements est mesurée à l’aide de tests normalisés. Leurs conclusions mettent en évidence l’absence de corrélation entre les mesures traditionnelles des intrants scolaires (taille des classes, certification et formation des enseignants, dépenses par élève) et la réussite. En revanche, elles font apparaître que les stratégies scolaires suivantes sont un important facteur prédictif des résultats aux tests :
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Retours fréquents aux enseignants : les établissements qui communiquent des retours aux enseignants dix fois ou plus par semestre obtiennent des résultats aux tests supérieurs de 0.075 écart-type.
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Temps d’instruction plus long : les établissements à financement public et à gestion privée proposent des journées et des années scolaires plus longues, ainsi qu’un temps d’instruction plus long par journée. En moyenne, les établissements qui proposent 25 % de temps d’instruction supplémentaire ont des résultats aux tests de mathématiques supérieurs de 0.084 écart-type.
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Une culture qui attend beaucoup des élèves sur le plan des résultats scolaires et du comportement : les établissements qui privilégient constamment la discipline et les objectifs scolaires affichent aussi des résultats aux tests supérieurs d’environ 0.066 écart-type à ceux des autres établissements.
Les élèves qui fréquentent des établissements à financement public et à gestion privée qui suivent ces stratégies comblent l’écart de performance lié à leur milieu défavorisé au bout de quelques années de scolarité. Ces mêmes pratiques seraient également liées à des résultats plus satisfaisants dans les établissements des villes du Massachusetts, d’après une étude d’Angrist, Pathak et Walters (2013). Les auteurs observent que les résultats sont beaucoup plus satisfaisants dans les établissements à financement public et à gestion privée qui mettent l’accent sur la discipline, le recrutement sélectif des enseignants, l’allongement du temps d’instruction et la sollicitation de la participation des élèves en classe. Ils ne constatent aucun effet des dépenses par élève et de certaines autres mesures traditionnelles des intrants. Angrist, Pathak et Walters (2013) constatent que parmi les établissements à financement public et à gestion privée, ceux qui obtiennent de très bons résultats sont ceux qui adoptent la philosophie fondée sur le refus des excuses, comme avec le programme Knowledge is Power (KIPP). Ces établissements accueillent essentiellement des élèves issus de milieux défavorisés et de minorités, et privilégient la discipline et l’engagement. Ils ont aussi un effet sur la discipline et l’absentéisme : ils ont davantage tendance à imposer des sanctions disciplinaires et les enfants ont moins tendance à manquer les cours. Plus important encore, ces établissements communiquent généralement des retours aux enseignants, et recrutent d’anciens étudiants du programme Teach for America.
Les pensionnats sont aussi considérés comme une stratégie de scolarisation pouvant être efficace pour aider les élèves défavorisés, qui grandissent souvent dans des quartiers violents et fragiles, dans des familles dysfonctionnelles. Les problèmes que ces enfants apportent à l’école sont difficiles à résoudre même pour les éducateurs les plus motivés et les plus doués.
L’idée que les pensionnats peuvent améliorer les résultats des élèves défavorisés n’est pas nouvelle et remonte à la fin du 19e siècle. Le pensionnat peut prévoir des activités plus constructives en dehors du temps d’instruction ; il peut réduire les interactions sociales négatives avec l’environnement de l’enfant ; il cherche explicitement à dispenser un enseignement de meilleure qualité et mieux orienté, ainsi qu’à améliorer les résultats des élèves.
Deux études récentes ont cherché à savoir si le pensionnat pouvait améliorer les résultats scolaires des élèves défavorisés. La première d’entre elles porte sur un pensionnat aux États-Unis. Curto et Fryer (2014) utilisent le système de loterie des pensionnats SEED, qui associe une stratégie éducative fondée sur le refus des excuses et un programme en internat de cinq jours, pour constituer des groupes d’élèves sélectionnés et des groupes de référence. Leurs résultats indiquent que le pensionnat est en réalité très efficace pour améliorer les résultats des enfants. Par rapport aux autres enfants, les pensionnaires obtiennent des résultats supérieurs de 20 % d’un écart-type par année, les effets étant encore plus marqués chez les filles.
La deuxième étude sur l’efficacité des pensionnats est menée en France. Behaghel, Gurgand et de Chaisemartin (2016) suivent des élèves défavorisés qui ont déposé un dossier d’admission dans un pensionnat sélectif. Les élèves non sélectionnés sont également suivis par le biais d’entretiens, et constituent le groupe de référence. La deuxième année, les pensionnaires de l’établissement sélectif sont très différents des élèves du groupe de référence. Ils consacrent plus de temps au travail et manifestent une plus grande motivation pour les études. Leur bien-être a diminué la première année de pensionnat, mais s’est rétabli par la suite. Les auteurs constatent des effets considérables et très hétérogènes. Les résultats aux tests des élèves qui se situaient initialement dans le tiers supérieur se sont améliorés d’environ 57 % d’un écart-type par année de pensionnat, par rapport aux élèves de même niveau qui n’avaient pas été admis dans l’établissement par loterie. Toutefois, l’effet positif est uniquement observé chez les élèves qui ont les meilleurs résultats au départ ; il est absent dans le tiers inférieur.
Ces évaluations des résultats scolaires livrent un message clair. La multiplication du nombre d’établissements à financement public et à gestion privée dont le modèle pédagogique a fait ses preuves peut fortement contribuer à réduire l’écart de résultats entre les enfants de milieux aisés et ceux de milieux défavorisés. Les dirigeants devraient peut-être essayer d’instaurer ces pratiques dans les établissements publics traditionnellement moins performants, ou du moins favoriser la multiplication des établissements qui y ont recours.
Note
← 1. Les données sur lesquelles reposent ces conclusions ont initialement été collectées pour l’EFT-UE et codées sur une échelle à six niveaux CITE pour les personnes interrogées et sur une échelle à trois niveaux pour leurs parents. Par souci de simplicité, ces échelles ont été converties en nombres équivalents d’années de scolarisation.