Éditorial

La pandémie de COVID-19 a mis l’économie, le système de santé et la vie sociale à très rude épreuve. Elle a aussi révélé au grand jour plusieurs faiblesses systémiques qui entravent une véritable mobilité sociale. L’égalité des chances est un élément clé de toute société démocratique forte et inclusive. Contrairement aux politiques qui remédient aux conséquences de l’inégalité des chances, l’éducation peut s’attaquer à ses causes, en permettant à tous, à tout âge et sur un pied d’égalité, d’acquérir les compétences qui ouvrent la voie à un emploi plus gratifiant et à une vie meilleure.

Trop nombreux sont ceux issus de milieux défavorisés qui continuent d’être moins susceptibles de faire des études et d’obtenir de bons résultats scolaires, de trouver un poste qui leur convient ou de continuer d’apprendre toute leur vie. Ils sont donc moins susceptibles aussi d’acquérir les compétences requises pour s’en sortir dans une économie en pleine mutation. Dans les pays de l’OCDE, il faut en moyenne cinq générations aux enfants de condition modeste pour atteindre le revenu national moyen.

C’est pourquoi la présente édition de Regards sur l’éducation est consacrée à l’égalité des chances dans l’accès aux études et le parcours scolaire. Cette édition analyse les taux de scolarisation, les résultats scolaires et la formation des enseignants dans le domaine de la gestion de la diversité en classe. Des facteurs tels que le sexe, le milieu socio-économique, le pays d’origine ou la situation géographique influent de toute évidence sur les résultats et les parcours scolaires. La présente édition fait le point sur l’épidémie de COVID-19 et passe en revue les mesures prises dans le monde entier pour garantir la continuité pédagogique et l’égalité de l’apprentissage pendant la fermeture des établissements d’enseignement.

Les effets à court et long terme du COVID-19 sur l’apprentissage sont encore difficiles à cerner avec précision, mais il est clair que la pandémie risque de creuser les inégalités existantes en matière d’apprentissage. Nous savons que ceux issus de milieux défavorisés éprouvent plus de difficultés à s’adapter aux changements que la pandémie a imposés. La fermeture des établissements a eu tendance à se prolonger dans les pays où les résultats scolaires sont moins brillants. De plus, les enfants défavorisés sont moins susceptibles de disposer d’outils adéquats pour suivre les cours à distance et d’un endroit calme où étudier à domicile ou encore de bénéficier du soutien de leurs parents ou tuteurs.

Le milieu socio-économique influe aussi sur le parcours scolaire. Les élèves dont aucun des parents n’est diplômé de l’enseignement tertiaire sont plus susceptibles de suivre la filière professionnelle que la filière générale dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire et moins susceptibles de terminer leurs études secondaires. Les non-diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont pénalisés sur le marché du travail. Dans les pays de l’OCDE, le taux de chômage des jeunes est presque deux fois plus élevé dans l’effectif non-diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que dans l’effectif instruit selon les chiffres de 2020. Les jeunes issus de milieux favorisés sont en revanche surreprésentés dans l’effectif du deuxième cycle de l’enseignement secondaire en filière générale et l’effectif de nouveaux inscrits en licence, ce qui risque de conforter la thèse selon laquelle certains parcours scolaires ont une plus grande valeur sociale que d’autres.

Les enfants issus de l’immigration tendent à être pénalisés lorsqu’il s’agit d’entamer et de réussir des études, et ce, même après contrôle du milieu social. Les débouchés varient fortement sur le marché du travail entre les adultes nés à l’étranger à différents niveaux de formation, ce qui montre la variation de l’offre et de la demande entre les niveaux de formation, les difficultés que les diplômés de l’enseignement tertiaire nés à l’étranger éprouvent à faire reconnaître les diplômes obtenus et l’expérience professionnelle acquise ailleurs et les prétentions salariales moindres des travailleurs étrangers dans certains pays.

Les disparités de parcours scolaires et de débouchés professionnels persistent aussi entre les sexes. Les garçons sont plus susceptibles que les filles de redoubler, d'être moins performants en compréhension de l'écrit et de ne pas réussir leurs études secondaires. Quant à l’orientation scolaire, les garçons sont dans l’ensemble surreprésentés en filière professionnelle et moins susceptibles d’entamer et de réussir des études tertiaires. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans l’effectif en formation dans le cadre institutionnel à l’âge adulte. Elles restent toutefois moins susceptibles de travailler et gagnent moins que les hommes à tous les niveaux de formation et dans tous les pays de l’OCDE, même si elles ont choisi le même domaine d’études qu’eux.

En dépit de ces constats, la présente édition de Regards sur l’éducation montre que ces défis ne sont pas insurmontables. Les comparaisons, l’analyse des politiques et l’examen des pratiques optimales sont très révélateurs.

Il ressort des comparaisons qu’améliorer la mobilité sociale et l’égalité des chances dans l’éducation n’a rien d’impossible : les enseignements tirés des systèmes d’éducation les plus équitables soulignent l’importance de commencer tôt pour que les enfants, en particulier ceux issus de milieux défavorisés, acquièrent des bases solides, de bonnes compétences cognitives, sociales et émotionnelles, et fassent de l’apprentissage une habitude qui les guidera tout au long de leur vie.

Pour y parvenir, il faut investir dans les enseignants et les aider à comprendre les besoins de chacun de leurs élèves et à adapter leurs stratégies pédagogiques en conséquence. Il apparaît toutefois que dans les pays de l’OCDE, 94 % des enseignants disent avoir participé à des activités de formation continue au cours des 12 derniers mois selon l’Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS), mais que 20 % seulement d’entre eux ont déclaré que cette formation portait sur l’enseignement en milieu multiculturel ou plurilingue, un pourcentage qui varie sensiblement entre les pays.

Le progrès technologique a des implications pour l’éducation, car non seulement il fait évoluer la demande de connaissances et de compétences, mais aussi il transforme le secteur de l’éducation lui-même. Pendant la pandémie, nous avons constaté certains de ses travers, de la lassitude des jeunes devant leur écran à leur stress causé par l’adaptation aux cours à distance, en passant par le risque de voir ceux dépourvus d’accès aux outils indispensables aux cours à distance perdre pied. Nous avons aussi constaté à quel point la technologie était modulable, favorisait les interactions et pouvait s’adapter aux besoins de chacun. La technologie peut aider les enseignants à mieux comprendre les différentes façons dont les élèves apprennent et les systèmes d’éducation à mieux aligner les ressources sur les besoins. À cet égard, les connaissances des enseignants en technologie et la confiance qu’ils ont en leur capacité de l’utiliser et de l’intégrer dans leurs pratiques pédagogiques sont essentielles.

Enfin, nous savons que préparer les jeunes à continuer de se former, d’actualiser leurs compétences et de se recycler à l’âge adulte est indispensable pour qu’ils soient résilients et puissent affronter les tendances de fond et les chocs externes. Pourtant, il apparaît que dans les pays de l’OCDE, le taux de formation est en moyenne 40 points de pourcentage moins élevé chez les peu qualifiés que chez les plus qualifiés. Ou encore que les adultes plus âgés sont 25 points de pourcentage moins susceptibles de continuer de se former que les plus jeunes (les 25-34 ans). Il faut donc qu’en plus de commencer tôt, l’éducation travaille plus étroitement avec d’autres secteurs de l’action publique et de l’économie pour contribuer à promouvoir des parcours flexibles qui sont en phase avec l’évolution de la demande sur le marché du travail.

Alors que le monde découvre les effets à court et à plus long terme de la pandémie, de la mondialisation et de la numérisation de nos économies, l’OCDE continue d’œuvrer et, travail essentiel s’il en est, d’analyser avec rigueur les faits et les innovations politiques pour aider à cerner les besoins de compétences.

Le monde entier en recueillera les fruits au retour de la croissance et de la prospérité.

picture

Mathias Cormann

Secrétaire général de l’OCDE

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2021

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.