4. Résumé et principales recommandations

Les enquêtes menées auprès des agents de l’administration fiscale comme des entreprises multinationales (EMN) de même que les discussions en table ronde donnent à penser que la marge d’amélioration du civisme fiscal des EMN est conséquente, et soulignent l’importance de développer la confiance. Quoique les enquêtes sur lesquelles se fonde ce rapport présentent des perceptions, et sont par conséquent sujettes à caution, elles semblent indiquer qu’un certain nombre de multinationales font preuve d’un civisme fiscal élevé, en se conformant aux bonnes pratiques qu’elles ont librement choisi d’adopter, il reste du chemin à faire, en particulier dans les régions où la majeure partie des EMN peinent à démontrer qu’elles adhèrent à certaines pratiques exemplaires. Le développement de la confiance est essentiel, mais représente un véritable défi par de multiples aspects, aux premiers chefs desquels la nécessité d’améliorer la transparence et la communication. S’il est naïf de penser que le civisme fiscal peut être élevé dans toutes les multinationales et que les relations avec l’administration fiscale peuvent être toujours bonnes, il existe de toute évidence, dans toutes les régions une marge de progression, ainsi que de bonnes pratiques sur lesquelles s’appuyer.

L’amélioration des relations présente des avantages pour les contribuables comme pour les administrations fiscales. Les EMN n’ont de cesse de souligner l’importance qu’elles attachent à la sécurité juridique en matière fiscale et à la réduction du nombre de différends ; les administrations fiscales, pour leur part, ont tout à gagner à être en mesure de mieux recentrer les mesures répressives sur les contribuables à haut risque.

Le renforcement de la confiance et l’amélioration de la transparence et de la communication incombent à parts égales aux contribuables (et à leurs conseillers) et aux administrations. Dans toute relation, le renforcement de la confiance et l’amélioration de la transparence nécessitent de part et d’autre des actions, et la fiscalité ne fait pas exception à la règle. Tel est le constat des participants aux discussions en table ronde sur lesquelles s’est appuyé ce rapport, qui ont attesté de la volonté de l’ensemble des parties d’identifier les changements et les améliorations qu’elles sont en mesure d’apporter. Un certain nombre de mesures et de bonnes pratiques identifiées lors de ces tables rondes et présentées dans ce rapport peuvent être utiles. Elles concernent la discipline fiscale et les stratégies de vérification fiscale, et visent à améliorer les attentes et le sens des responsabilités en matière de comportement, de transparence et de communication, ainsi que le renforcement des capacités.

Il y a tout à gagner à s’orienter vers une approche de discipline fiscale coopérative. Le chemin à parcourir sera probablement long pour de nombreux pays en développement, mais il sera jalonné d’étapes qui contribueront au fur et à mesure à bâtir la confiance. Le mouvement en faveur de la discipline fiscale coopérative est mondial, et un nombre croissant de pays en développement optent, tout au moins en partie, pour cette approche. Cette démarche ne peut toutefois pas être mise en œuvre rapidement. Elle nécessite au préalable un certain degré de confiance mutuelle, ainsi que des réglementations et des procédures claires pour assurer le bon fonctionnement du système. À ce titre, en particulier lorsque la confiance est au plus bas, il sera nécessaire au préalable de prendre d’autres mesures pour bâtir les fondements de la discipline fiscale coopérative. Certaines de ces étapes, comme l’amélioration de la communication, pourraient être relativement simples à entreprendre et efficaces pour créer une dynamique positive entre les contribuables et les administrations fiscales.

Le renforcement des attentes et du sens des responsabilités en matière de comportement sera essentiel pour bâtir la confiance. Les données d’enquête provenant des administrations fiscales comme des entreprises multinationales montrent que les attentes, de même que la prévisibilité en matière de comportement représentent un défi, en particulier dans les pays en développement. Il peut être difficile dans ces circonstances de faire évoluer les perceptions, qui peuvent rester inchangées même lorsque la modification des comportements est amorcée, ce qui empêche l’émergence d’un cycle vertueux de renforcement des attentes. C’est pourquoi il est également nécessaire de responsabiliser les acteurs, afin de pouvoir attester de leur engagement pris vis-à-vis de certaines normes de comportement, et de rassurer les autres parties (lorsqu’il existe une volonté sincère de changer les choses) sur la mise en place de mécanismes pour régler les problèmes et éviter de saper la relation de confiance existante.

Si l’utilité des principes d’entreprise d’application volontaire est largement reconnue, leur plein potentiel n’a pas encore été réalisé. Les résultats de l’enquête révèlent que les entreprises n’ont pas encore été en mesure d'attester de l’adhésion à grande échelle aux normes volontaires les plus largement approuvées, plus de huit ans après avec leur adoption. Si les entreprises s’accordent à penser que de tels principes peuvent jouer un rôle dans le développement d’une relation de confiance avec les administrations fiscales, il leur reste de toute évidence du chemin à faire pour démontrer leur mise en œuvre dans la pratique et améliorer le sens des responsabilités. Partant de ce constat, Business at OECD s’est engagé à examiner la Déclaration sur les meilleures pratiques fiscales à la lumière des résultats de l’enquête et des discussions en table ronde.

Le renforcement du dialogue informel entre les contribuables et les administrations devra s’accompagner d’un véritable effort de transparence afin de conserver la confiance des autres parties prenantes. Un large consensus s’est dégagé lors des discussions en table ronde en faveur d’actions visant à favoriser une meilleure communication entre les contribuables et les administrations, en particulier sous la forme d’un dialogue plus informel, afin de pouvoir mieux centrer les discussions formelles sur les questions clés et/ou régler les différends avant qu’ils ne deviennent de véritables litiges. Si de telles approches semblent souhaitables, elles augmentent également le risque de comportement illicite (corruption et pots-de-vin notamment) ; à ce titre, des mesures de protection et une réelle transparence sont nécessaires pour assurer les parties prenantes qu’elles peuvent avoir confiance dans les systèmes utilisés. En l’absence de telles mesures de protection, le civisme fiscal d’autres contribuables (PME et particuliers, par exemple) pourrait être ébranlé si celles-ci perçoivent que les relations entre les administrations fiscales et les multinationales reposent sur des accords illicites.

Les initiatives de renforcement des capacités, dans le secteur privé comme dans le secteur public, peuvent contribuer à lever certains obstacles au développement de la confiance, mais de nouvelles approches peuvent se révéler nécessaires. De plus en plus d’éléments montrent le potentiel des initiatives de renforcement des capacités comme l’Initiative IISF pour améliorer les relations entre les administrations fiscales et les entreprises multinationales. Leur retentissement sur la discipline fiscale, par opposition aux mesures répressives, fait l’objet d’un suivi accru. Quoique les compétences techniques qui sont généralement au cœur de toute assistance technique restent essentielles, il est également nécessaire de renforcer les capacités en matière de compétences professionnelles au sens large, comme l’efficacité de la communication, de la négociation et du dialogue avec les contribuables, sur lesquels les programmes d’assistance technique ont moins mis l’accent jusqu’à présent. Les entreprises doivent également réfléchir à leurs propres besoins en matière de renforcement de capacités, en particulier dans le cadre de leurs activités dans les pays en développement, afin de veiller à ce que leurs salariés soient conscients des attentes fondées à la fois sur les principes mêmes des entreprises et celles émanant des administrations fiscales, et qu’ils soient en mesure d’y répondre.

Bien que certaines des meilleures pratiques répertoriées dans ce rapport puissent être immédiatement mises en œuvre, la poursuite des travaux est nécessaire. Ce rapport présente certaines pratiques exemplaires suivies par les pays comme par les entreprises qui peuvent être immédiatement mises en œuvre, dès lors que nécessaire, et pour lesquelles il existe déjà dans certains cas (cadres de contrôle fiscal par exemple) des directives. Il met également en lumière certaines idées qui méritent d’être explorées plus avant. Les auteurs décèlent également certains domaines, comme les chaînes de valeur ou la discipline fiscale coopérative, dans lesquels le renforcement des capacités pourrait devoir être accru ou des recherches complémentaires s’imposer, afin notamment de mieux comprendre la façon dont les différences culturelles et les préjugés peuvent nuire à la confiance dans le domaine fiscal. À ce titre, une série de mesures pourraient être prises pour donner suite aux conclusions de ce rapport. Ces mesures sont notamment les suivantes :

  • Encourager le développement de stratégies nationales pour développer la confiance et le civisme fiscal. Du temps et des efforts soutenus seront nécessaires pour asseoir (ou rétablir) la confiance, surtout lorsque les niveaux actuels de confiance sont faibles et les relations tendues. Le développement d’une stratégie claire, en concertation avec les administrations fiscales, les EMN et d’autres parties prenantes concernées, peut donner l’impulsion aux changements requis, et favoriser le soutien non seulement des pouvoirs publics et des multinationales, mais également des partenaires au développement dans la phase de mise œuvre. De telles stratégies pourront intégrer, le cas échéant, les approches présentées dans ce rapport, et la poursuite de la compilation et de la diffusion des pratiques exemplaires et des orientations pourra aider les pays dans leur élaboration.

  • Renforcer les capacités existantes, et, le cas échéant, élaborer à cet effet de nouveaux outils, ainsi que des orientations et des programmes pour répondre aux besoins mis en évidence dans ce rapport et lors des tables rondes. Les possibilités de renforcement des capacités sont manifestes dans plusieurs domaines :

    • Discipline fiscale coopérative - de nouvelles orientations et formations pourraient être élaborées en s’appuyant sur les publications existantes dans ce domaine, en mettant tout particulièrement l’accent sur le développement de la discipline fiscale coopérative dans les pays en développement.

    • Chaînes de valeur - de nouvelles orientations et formations portant sur les chaînes de valeur dans différents secteurs pourraient être élaborées. Au vu des difficultés qu’il a fallu surmonter pour obtenir la participation du secteur privé dans ces formations, il pourrait être bénéfique de centrer dans un premier temps les efforts sur les formations en ligne, ce qui permettra aux intéressés de bénéficier davantage de souplesse.

    • Compétences professionnelles et éthique - les programmes existants de renforcement des capacités peuvent souvent couvrir différents aspects des compétences professionnelles et de l’éthique, mais il reste possible d’approfondir ces questions et de veiller à ce qu’elles soient plus systématiquement abordées et traitées en priorité.

  • (Re)dynamiser le rôle des principes d’entreprise/des meilleures pratiques Les réponses apportées à l’enquête soulignent le soutien exprimé en faveur des principes d’entreprise/des meilleures pratiques et leur potentiel encore inexploité. Il est possible pour les entreprises d’examiner elles-mêmes les principes d’entreprise et meilleures pratiques, et de s’interroger sur la manière dont ceux-ci peuvent être améliorés, de même que sur les responsabilités qu’elles assument au regard de ces principes. Il est également possible pour les administrations fiscales (et les autres parties prenantes) de déterminer par quels moyens contraindre les entreprises à adhérer à ces normes, en les intégrant par exemple dans les dispositifs internes de responsabilisation.

  • Étudier la faisabilité d’un dialogue multilatéral volontaire Quoique les participants aux tables rondes aient manifesté un intérêt pour la création de possibilités de dialogue multilatéral volontaire entre les multinationales et de multiples administrations fiscales, la demande et la faisabilité concrète d’un tel dialogue n’ont pas encore été étudiées en profondeur. Une étude de faisabilité serait donc utile, et, si elle se révèle concluante, pourrait être suivie d’un programme pilote.

  • Approfondir les recherches sur les facteurs influant sur le développement de relations concrètes. Le développement de la confiance et de relations concrètes constitue de toute évidence l’un des grands enjeux présentés dans ce rapport. Les actions à prendre dépendront dans une large mesure du contexte. Il pourrait néanmoins être utile d’approfondir les recherches afin de mieux appréhender le rôle de certains facteurs comme les préjugés dans le développement des relations entre les contribuables et les administrations fiscales.

  • Favoriser une implication accrue de l’ensemble des parties prenantes dans le renforcement de la confiance et du civisme fiscal. Comme souligné dans ce rapport, le développement de la confiance qui conditionne le civisme fiscal suppose des actions de la part de l’ensemble des parties prenantes. La mise en œuvre de telles actions nécessitera la mobilisation de ressources, mais également une approche propice à l’ouverture, à la transparence et au dialogue. Une telle approche pourrait être étrangère à certains (voire à de nombreux) contribuables et administrations fiscales, et devra être constamment encouragée par l’ensemble des parties prenantes.

Dans le cadre de ses travaux sur le civisme fiscal, l’OCDE cherchera à s’entourer d’un éventail de partenaires avec lesquels elle pourra œuvrer en faveur de la concrétisation des actions présentées dans ce rapport, notamment en les associant, dans la mesure du possible, aux efforts de renforcement de capacités en matière de fiscalité et de développement de l’Organisation. L’OCDE s’efforcera également d’identifier les possibilités de renforcement du dialogue élargi sur le civisme fiscal, en allant au-delà du rôle de la confiance qui occupe le centre de ce rapport. Dès lors que cela est possible, l’OCDE cherchera à établir des liens et à travailler avec d’autres parties prenantes, qui peuvent disposer d’outils différents pour influer sur le civisme fiscal, comme les investisseurs, qui accordent une attention croissante à la fiscalité, en particulier dans le cadre des critères ESG.

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